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INTERVIEW Une jeunesse dérobée Le petit Niçois a rencontré Marc Desaubliaux, écrivain amoureux de Nice et de ces merveilles, pour la sortie de son 6ème roman intitulé « Deux garçons sans histoire-une tragédie moderne ». Une romance impossible entre deux jeunes hommes, dans un univers strict et religieux. Nice Le mercredi 24 juin 2015 Le petit Niçois : en quoi est-ce un roman en partie autobiographique ? Marc Desaubliaux : J’ai voulu raconter l’histoire de mon meilleur ami quand j’avais 15 ans, qui est le personnage Sébastien dans le livre. Il s’est épris d’un garçon plus jeune, d’une amitié très profonde. Les faits réels se déroulent en mai 68, donc avant toute liberté et émancipation. A l’époque je ne comprenais pas vraiment ce qu’il se passait. Et quand j’ai enfin compris, c’était trop tard. L.P.N : pourquoi avoir décidé de sortir ce livre 40 ans plus tard ? M.D : il y a 5 ans, le déclic est arrivé, je pensais avoir pris assez de recul. J’ai fait exprès de le transporter dans les années 70, dans une petite ville de province alors que la vraie histoire se déroule à Paris, pour basculer dans un nouvel univers. L.P.N : Vous rendez-vous compte de ce qu’il se passait entre Sébastien et son ami ? M.D : j’ai mis du temps à comprendre, parce que je venais d’une famille très traditionnelle, austère bourgeoise et chrétienne. La sexualité, on n’en parlait pas. Je ne faisais pas attention au début, et puis un jour je lui ait dit qu’il passait beaucoup de temps alors qu’il a trois ans de moi que lui. Il m’a simplement répondu « c’est quelqu’un pour qui j’ai particulièrement de l’affection ». C’est là que j’ai commencé à comprendre, mais sans chercher plus loin. L.P.N : Vous aviez compris que c’était une relation homosexuelle ? M.D : oui mais je pensais que ce n’était qu’une phase, quand on n’est en manque d’affection comme mon ami, on va la chercher là où on peut. Mais on n’en a jamais discuté puisqu’il y avait beaucoup de pudeur. Nous avons toujours été élevé dans un moule, il ne fallait pas qu’une tête dépasse, il n fallait pas avoir l’air différent à l’époque. Mon ami n’a pas réussi à s’habituer à ce moule et il était sans arrêt en souffrance. Mais je pense qu’il avait cherché un ami qui était tout le contraire de lui ! Extraverti, plein de vie, fonceur, astucieux…Et dans sa relation avec Sébastien, il n’y avait pas que de l’affection, il y avait de la provocation. L.P.N : Vous allez le tenir au courant de la sortie de ce livre ? M.D : Non j’attends de voir s’il en entend parler et s’il a une réaction. Je sais simplement qu’il habite à Lyon, je ne lui aie pas parlé depuis mon enfance. Je sais qu’il est marié avec une femme et qu’il a des enfants et petits-enfants. L.P.N : Alors cet amour avec votre meilleur ami, le personnage de Sébastien, ce n’était qu’un simple amour de jeunesse ? M.D : Dans mon livre je laisse les perspectives ouvertes pour que le lecteur joue le jeu et se demande au fond ce qu’il se passe. Personnellement je pense que ça a été sincère mais qu’il n’était pas dans cette tendance. L.P.N : Ces personnages dans votre livre sont en quelques sorte des portraits de vie ? M.D : oui j’ai fait très attention à ’aspect psychologique des personnages car dans une histoire comme cellelà c’est très important. Il y a tellement de paramètre, de vécu, d’héritage familial et culturel, il faut vraiment comprendre les personnages et le contexte. L.P.N : Cette discrimination face à l’homosexualité, c’est un problème toujours récurrent ? M.D : oui tout a fait ! je pense que les choses n’ont pas tellement changé par rapport aux années 60, certains me disent que si, à Paris ou a Nice par exemple. Mais ce sont de grandes villes. Dans certains villages ce n’est pas du tout la même chose. C’est encore très mal vu. On n’entend encore souvent des parents dire « mais qu’est ce qu’on a fait pour mériter ça ? » ou encore « Ce n’est pas normal, pas de ça chez moi ». On n’est loin d’une libération totale.