Renouvellement de la fonction publique fédérale

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Renouvellement de la fonction publique fédérale
Renouvellement de la
fonction publique fédérale
Vers une Charte de la fonction publique
Un document de politique
pour Canada 2020
Par : Ralph Heintzman
École supérieure d’affaires publique et internationales, Université d’Ottawa,
Massey College, Université de Toronto
Introduction
À PROPOS DE CANADA 2020
Canada 2020 est le plus important groupe de réflexion indépendant et progressiste du Canada.
Il cherche à redéfinir le rôle que joue le gouvernement fédéral dans l’édification du Canada
moderne. Nous proposons des recherches (comme le présent document), organisons des
rencontres et suscitons des conversations sur l’avenir du Canada. Canada 2020 s’est donné
pour objectif d’établir une communauté de gens et d’idées qui façonneront et transformeront
les gouvernements. Nous vous invitons à consulter www.canada2020.ca.
À propos de cette
collection de documents
La place des nouvelles idées au Canada grandit de façon exponentielle.
Et alors que nous nous dirigeons vers une année d’élection, notre
gouvernement fédéral devra exercer des choix intelligents et stratégiques
en adoptant les idées qui mèneront la prospérité sociale et économique
du Canada en 2020 et au-delà.
Cette collection de documents sur les politiques – publiée au printemps
et en été 2014 – exposera ces choix.
À propos de l’auteur
Ralph Heintzman
Avant de joindre la Fonction publique canadienne, Ralph Heintzman,
détenteur d’un Ph.D. de la York University, a poursuivi une carrière
universitaire. Au cours de sa brillante carrière, il a été vice-président de
l’Agence de gestion des ressources humaines de la Fonction publique du
Canada, sous-ministre adjoint au Conseil du trésor et vice-président au
Centre canadien de gestion. En 2006, Ralph Heintzman s’est vu décerner
la médaille Vanier, la plus haute distinction canadienne attribuée
aux gestionnaires publics pour leur contribution exceptionnelle à
l’administration publique du Canada, en particulier dans les domaines
de l’éthique et de la prestation des services axés sur les citoyens.
Canada 2020 croit que le gouvernement fédéral peut devenir un vecteur
de grand changement positif. Pour que cela se produise, il devra adopter
une stratégie politique sérieuse nationale qui en fasse moins dans certains
secteurs et plus de façon décisive et énergique dans d’autres domaines
importants. Cela exigera de se livrer à une analyse approfondie des grands
défis et possibilités réels qui attendent le Canada.
C’est exactement ce que font ces documents et leurs auteurs.
Pour vous tenir au courant des nouvelles de la collection et pour plus de
contenu, comme les entrevues-vidéo et d’autres commentaires, veuillez
vous rendre à www.canada2020.ca/publications et abonnez-vous à notre
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Introduction
RÉSUMÉ
Le présent document défend la thèse qui veut que le renouveau authentique
de la fonction publique exige un nouveau « contrat moral » entre la fonction
publique, les ministres et le Parlement qui appuie les valeurs d’une fonction
publique professionnelle et non partisane. Le nouveau « contrat moral » est
nécessaire parce que la ligne de démarcation entre les valeurs du politique
et celles de la fonction publique est maintenant brouillée aux niveaux les
plus élevés, un problème qu’a identifié la Commission Gomery, le Comité
parlementaire permanent des comptes publics, les partis politiques mêmes
et des chercheurs de renom. Comme l’ont recommandé plusieurs groupes
de travail, commissions et experts, un nouveau « contrat moral » devrait
se présenter sous forme d’une Charte de la fonction publique, que les deux
chambres du Parlement s’étaient engagés, unanimement, en 2005 à mettre
en œuvre. Une charte de la fonction publique devrait se fonder sur quatre
piliers : (1) les valeurs et l’éthique de service public; (2) le renforcement du
rôle du sous-ministre en tant qu’administrateur comptable (accounting
officer); (3) la réforme du processus de nomination des sous-ministres;
et (4) de nouvelles règles pour la communication gouvernementale. Le
document conclut en proposant 29 recommandations précises de politique.
3
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Introduction
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION5
RENOUVEAU DE LA FONCTION PUBLIQUE 6
Éviter le problème inhérent
POURQUOI LE PROBLÈME INHÉRENT
ACQUIÈRE UNE URGENCE INÉGALÉE
8
RESTAURER LA LIGNE DE DÉMARCATION 11
Vers une charte de la fonction publique
ÉLÉMENT NO 1 DE LA CHARTE 13
Valeurs et éthique de la fonction publique
ÉLÉMENT NO 2 DE LA CHARTE 16
Renforcer le rôle du sous-ministre comme agent comptables
ÉLÉMENT NO 3 DE LA CHARTE 19
Reformer le processus de nomination des sous-ministres
ÉLÉMENT NO 4 DE LA CHARTE 24
Nouvelles règles de communication du gouvernement
CONCLUSION29
Renouvellement de la fonction publique fédérale comme fonction publique
4
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1
Introduction
INTRODUCTION
La plupart des élections fédérales portent principalement sur la politique et le leadership.
Mais tout parti politique qui souhaite gouverner doit réfléchir non seulement à ce qu’il fera,
mais en cas de réussite, à la manière dont il le fera. Une bonne gestion publique constitue une
condition essentielle à la mise en œuvre d’une politique publique.
L’une des priorités clés de tout parti qui prend le pouvoir suite à une
élection, devrait toujours être celle d’établir une relation efficace avec
une fonction publique professionnelle et apolitique. Les gouvernements
canadiens qui ont connus des difficultés au cours de leurs mandats que
ce soit au niveau fédéral ou provincial, ont souvent perdu la confiance
des électeurs parce qu’ils ont négligé de tenir compte de cette exigence
élémentaire. Les Canadiens veulent des gouvernements compétents
(ou qui du moins ne paraissent pas incompétents), efficaces et fiables.
Une fonction publique non partisane, professionnelle s’est avérée
essentielle à la réalisation de ces objectifs. Si vous l’écoutez et l’utiliser
convenablement, une fonction publique impartiale peut vous aider à
vous éviter des déboires, à gagner la confiance des citoyens et à mettre
efficacement en œuvre votre programme politique. Le professionnalisme
neutre de la fonction publique constitue une condition sine qua non de
l’efficacité du gouvernement, de la bonne gouvernance, de l’intégrité, de
la préservation de la confiance des citoyens et, par conséquent, du succès
politique durable.1
1
5
Ainsi, la réflexion sur les moyens de renouveler et de renforcer la
compétence non partisane de la fonction publique, et l’établissement
d’une relation efficace entre responsables élus et non élus constituent
un aspect essentiel de la préparation à la gouvernance politique. Cela est
particulièrement important lorsqu’un gouvernement est passé par une
période où cette relation s’est détériorée, ou lorsqu’il y a eu négligence
ou dévalorisation de la fonction publique de la part du gouvernement,
ou que le gouvernement ait abusé de la neutralité non partisane, comme
c’est le cas de l’administration Harper.
Le lien entre professionnalisme et efficacité relevait antérieurement de bon sens
intuitif. Mais une récente étude quantitative du gouvernement fédéral des É.-U.
effectuée par David E. Lewis a montré de façon empirique que le remplacement de
professionnels de carrière par des nominés partisans « nuit à leur performance à
travers le gouvernement, des fois dramatiquement et avec des effets catastrophiques »
: « Une certaine distance par rapport au contrôle politique est nécessaire à l’efficacité
de la bureaucratie – pour l’aider à cultiver son savoir-faire, à élaborer l’efficacité de sa
perspective et de sa planification à long terme, et de fournir la mémoire institutionnelle
qui assure le fonctionnement du gouvernement entre élections » David E. Lewis, The
Politics of Presidential Appointments: Political Control and Bureaucratic Performance
( Princeton: Princeton University Press, 2008), 202. Voir également : Ralph Heintzman
and Brian Marson, « People, Service and Trust: Is There a Public Sector Service
Value Chain? » International Review of Administrative Sciences, 71, no. 4 (December
2005), 549-75; “Linked In: Research Proves that People, Service and Public Trust Are
Linked.” Canadian Government Executive 16, no. 1 (January 2010), 12-14; Erin Research,
Citizens First 5. (Toronto: Institute for Citizen-Centre Service Delivery, 2008).
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Introduction
RENOUVEAU DE LA FONCTION PUBLIQUE :
ÉVITER LE PROBLÈME INHÉRENT
Au cours des 25 dernières années, le gouvernement du Canada s’est livré à au moins huit
exercices de renouvellement de la fonction publique, aussi bien majeurs que mineurs. Le
premier – intitulé FP 2000 – s’est révélé parmi les exercices de renouvellement les plus hauts
en profil. Menée par le Greffier du Conseil Privé de l’époque, cet exercice a produit en 1990 un
livre blanc gouvernemental et, en 1992, une nouvelle loi qui, entre autre, désignait le Greffier
comme « Chef de la fonction publique ». Selon ce que l’on compte, la liste des rapports et des
initiatives subséquentes de renouvellement peuvent également comprendre le Plan directeur
pour le renouvellement des services gouvernementaux à l’aide des technologies de l’information
(1994); De solides assises, Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction
publique (1996); Repenser le rôle de l’État (1997); La Relève (1997-99); Des résultats pour les
Canadiens et les Canadiennes (2000); la Loi modernisant le régime de l’emploi et des relations
de travail dans la fonction publique (2003); et maintenant, l’exercice de renouvellement en
cours, mené par le Greffier, et connu sous le vocable Objectif 2020. Selon votre point de vue,
d’autres initiatives ou mesures pourraient être ajoutées à cette liste, comme la Loi fédérale
sur la responsabilité (2006).
Il n’est pas simple que d’évaluer le succès ou l’échec de cette pléthore
inépuisable d’initiatives ou de programmes de renouvellement de
la fonction publique au cours des vingt-cinq dernières années. Cela
dépend de la façon dont vous percevez le verre : à moitié vide ou à moitié
plein. En ce qui me concerne, je suis porté à croire que le verre est à
moitié plein,2 bien que les deux positions soient tout à fait défendables. 3
En revanche, l’aspect le plus frappant de ces exercices de renouvellement
n’est pas tant leurs succès ou échecs, mais plutôt le fait qu’on choisisse
généralement (mais pas uniformément) d’éviter ou de passer à côté du
problème inhérent.
Dans une démocratie parlementaire, le problème inhérent au
renouvellement de la fonction publique est celui de la nature et du
mandat mêmes de la fonction publique. Son rôle au sein de notre type
de gouvernement démocratique : la relation de la fonction publique
avec le Ministère au pouvoir, avec le parlement et avec les institutions
parlementaires, ainsi qu’avec les citoyens du Canada. Qu’est donc que la
fonction publique ? Quelle devraient être son identité et ses valeurs ? À
quoi sert-elle ? Que doit-elle faire ? Quelles identité et valeurs doit-elle
avoir ? Comment doit-elle les aider à s’épanouir et les protéger au cœur
de la bataille politique ? Comment la fonction publique peut-elle réaliser
et assurer la durabilité de la confiance des citoyens du Canada, et tous
les acteurs du processus politique ? Et, d’abord et avant tout, quelle est la
relation appropriée entre les responsables élus et ceux qui ne le sont pas,
et comment devrait-on structurer cette relation ? Qui est imputable et de
quoi ? À qui et comment ?
Voir, par exemple, Ralph Heintzman, « Measurement in Public Management:
The Case for the Defence. » Optimum Online 39, no. 1 (March 2009): 66–79.
http://www.optimumonline.ca/article.phtml?id=325.
3
Pour le point de vue négatif, voir Donald Savoie, Whatever Happened to the Music
Teacher? How Government Decides and Why (Montreal and Kingston: McGillQueen’s University Press, 2013).Pour un point de vue plus positif, voir Phil Charko,
« Management improvement in the Canadian public service, 1999-2010 », Revue
d’adminnistration publique du Canada (Mars 2013), 91–120. Voir également Canada,
Vérificateur général du Canada, La réforme de la gestion de la fonction publique :
progrès, échecs et défis (Ottawa : Bureau du vérificateur général du Canada, février
2001). http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/docs/01psm_f.pdf.
2
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Renouveau de la fonction publique
Ce sont là les problèmes inhérents au renouvellement de la fonction
publique. Et pourtant, ce sont ceux-là mêmes qui ont souvent (mais pas
toujours) fait l’objet de mutisme.4 Comme nombre de ses prédécesseurs,
Objectif 2020, l’actuel exercice de renouvellement de la fonction publique,
néglige toujours le problème inhérent à l’exercice : le rôle de la fonction
publique dans une démocratie parlementaire et sa relation avec les
élus (aussi bien les ministres que les autres députés) et avec les citoyens
du Canada.
4
C’est là le problème qui devrait se trouver au cœur de tout processus,
digne de ce nom, de renouvellement de la fonction publique. Et il devrait
constituer le pilier central du programme politique de tous les partis
politiques qui souhaitent gouverner efficacement et honorablement.
Fonction publique 2000 a été l’une des exceptions. Le Livre blanc de FP 2000 comprenait une
excellente discussion du rôle de la fonction publique dans le cadre de la démocratie
parlementaire canadienne, notamment la « hiérarchie de responsabilité individuelle
qui s’étend du parlement aux moindres recoins de la fonction publique ». (Canada,
Bureau du Conseil privé, Fonction publique 2000 : le renouvellement de la fonction
publique du Canada (Ottawa : Approvisionnements et Services Canada, 1990), 5-14).
Toutefois, Fonction publique 2000 ne pose pas de diagnostic de crises quelconques
pour ce rôle, ou offert de recommandations pour en traiter. L’affaireAl-Mashat, qui est
arrivée à peine un an plus tard, montre tout ce que FP 2000 a négligé. Éclairé par les
événements, le rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique de la fonction
publique a consacré un chapitre entier aux défis que ces nouveaux développements
ont posé à une fonction publique professionnelle et non partisane dans le cadre de la
démocratie parlementaire, et a présenté plusieurs recommandations clés à ce chapitre.
De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction
publique (rapprt Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion, 1996, 2000), 7-18, 59-61.
7
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3
Introduction
POURQUOI LE PROBLÈME INHÉRENT
ACQUIÈRE UNE URGENCE INÉGALÉE
Pendant que la fonction publique du Canada ait assidûment évité ce problème au cours des
vingt-cinq dernières années – même lorsque le premier ministre l’avait conviée à s’en occuper5
– le problème s’est constamment aggravé et sa résolution est devenue urgente.
Une bonne relation entre les élus et les non élus responsables a toujours
constitué une question primordiale pour l’administration publique dans
les démocraties parlementaires. Actuellement, la question a pris une
importance capitale pour le Canada. Pour deux genres de raisons : les forces
qui façonnent en ce moment la vie politique et publique; ainsi que les actions
et politiques précises d’acteurs politiques et de bureaucrates récents.
Les forces sous-jacentes concernent l’impact de la technologie – surtout
celle des communications – sur la culture et la société généralement, et sur
la vie politique précisément. L’impact sur la politique – d’abord la radio et
ensuite la télévision et maintenant Internet ainsi que tous les nouveaux
médias sociaux – s’est traduit par la montée d’une politique axée sur le
leader et dominée par les médias.6 Il en a découlé ce que le politologue
canadien Peter Aucoin a nommé « la nouvelle gouvernance politique » la
NGP qui est composée d’un mélange d’« hyper politisation » croissante
de tout le débat public (la « campagne permanente »), un contrôle central
plus serré par le premier ministre et ses plus proches conseillers, et une
importance croissante accordée à la communication du gouvernement.
Le « plan d’action en huit points » publié par le Premier ministre Chrétien le 11 juin
2002, se réfère précisément au concept britannique d’administrateur comptable
en tant que précédent que le Canada examinerait pour renforcer « la gestion et
l’imputabilité de la fonction publique relativement aux fonds publics », notamment «
des mécanismes plus explicites pour la fonction publique en matière d’imputabilité
des sous-ministres pour les affaires ministérielles ». Mais à cause d’oppositions
internes dans la fonction publique, cette invitation du premier ministre est restée
sans réponse. Des oppositions semblables ont mené à l’échec (décrite plus loin) de
la Loi sur la responsabilité (2006) pour mettre en œuvre le concept d’administrateur
comptable pour mettre en œuvre le concept de agents comptables au Canada. Voir
: Donald Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability (Toronto:
University of Toronto Press, 2008), 258; Canada, Bureau du Conseil privé, « Le premier
ministre annonce de nouvelles lignes directrices d’éthique et de nouvelles procédures
de nomination pour les conseillers en éthique », communiqué de presse sur le «
Plan d’action en huit points sur l’éthique gouvernementale ». 11 juin 2002. www.
collectionscanada.gc.ca/webarchives/20060127091847/http://www.bcp.gc.ca/default.
asp?Language=E&Page=archivechretien&Sub=newsreleases&Doc=ethics.20020611
_e.htm2002: 8).
6
S.J.R. Noel, “Dividing the Spoils: The Old and New Rules of Patronage in Canadian
Politics,” Journal of Canadian Studies. Vol. 22. No. 2 (Summer 1987), 83-5.
Même une tendance à la politique en tant que communication, par laquelle
« l’interprétation partisane » peut acquérir plus d’importance que de
substance.7 Donald Savoie, l’un des plus importants chercheurs canadiens
en administration publique a caractérisé le type de gouvernement
centralisé qui découle de la NGP de « gouvernement de cour ». 8 Il n’est
pas surprenant que le comportement qui naît de ce gouvernement de «
cour » – aux niveaux politique et bureaucratique – soit le comportement
de « courtiers » – peut-être même de « courtisans » – qui cherchent à
s’insinuer dans les bonnes grâces de ceux qui occupent le centre et qui
contrôlent leur carrière politique ou bureaucratique. Pas le comportement
de ministres ou fonctionnaires indépendants, prêts et capables de dire la
vérité aux détenteurs du pouvoir. 9
L’impact de la NGP et du « gouvernement de cour » sur la politique
est une chose. L’effet sur la fonction publique est encore pire. L’impact
conjugué de la NGP et du « gouvernement de cour » a exercé une pression
énorme sur le professionnalisme et la neutralité de la fonction publique
fédérale. Ils menacent de miner les valeurs mêmes et l’éthique de la
fonction publique, particulièrement sa philosophie de neutralité, et sa
vocation de dire la vérité aux détenteurs du pouvoir.
5
8
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Peter Aucoin, “The New Public Governance and the Public Service Commission,”
Optimum Online, Vol. 36, No. 1 (Spring 2006), 33-49; “New Public Management and
New Public Governance: Finding the Balance,” in David Siegel and Ken Rasmussen,
eds., Professionalism and Public Service: Essays in Honour of Kenneth Kernaghan.
Toronto: University of Toronto Press, 2008), 16-33; “New Public Management and the
Quality of Government: Coping with the New Political Governance in Canada,” paper
prepared for the Conference on New Public Mangement and the Quality of Government,
University of Gothenburg Sweden, 13-15 November 2008.
8
Donald Savoie, Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian
Politics, (Toronto: University of Toronto Press, 1999); Breaking the Bargain: Public
Servants, Ministers and Parliament, (Toronto: University of Toronto Press, 2003); Court
Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom,
(Toronto: University of Toronto Press, 2008); Power: Where Is It? (Montreal and Kingston:
McGill-Queen’s University Press, 2010).
9
Savoie, Court Government, 312.
7
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Pourquoi le problème inhérent acquière une urgence inégalée
Bien que la situation ait empiré au cours des dernières années, ce
problème n’est pas nécessairement nouveau. Il se propage depuis au
moins 1974, lorsque le premier ministre de l’époque nommait un Greffier
du Conseil Privé qui était largement perçu comme lui étant très proche
sur le plan personnel – et peut-être même politique.10 Depuis, sans être
ouvertement partisan, les greffiers successifs, avec quelques exceptions
notables, ont souvent exécuté leur mandat avec un zèle qui a brouillé
la ligne de démarcation entre l’ « espace » politique et bureaucratique,
c’est-à-dire, entre les valeurs et les normes des politiques et celles de
la fonction publique. Comme l’a dit Donald Savoie, ils ont souvent
mis l’accent sur leur rôle comme représentants du premier ministre
auprès de la fonction publique plutôt que l’inverse, c’est-à-dire comme
représentant institutionnel auprès du premier ministre.11
L’impact de cette tendance sur la culture et le comportement de la fonction
publique fédérale s’est dramatiquement manifestée dans l’affaire
Al-Mashat en 1991 alors que le greffier et son associé pointaient du doigt
un fonctionnaire pour qu’il soit le bouc émissaire d’une bourde politique.12
Il s’est révélé à nouveau une décennie plus tard, lors du scandale des
commandites. La Commission Gomery a trouvé que le sous-ministre des
Travaux publics non seulement n’avaient pas réussi à définir la ligne de
démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique,
mais qu’en outre le Bureau du Conseil privé (BPC) s’est opposé à ce qu’il le
fasse. Effectivement, lorsque le sous-ministre et le sous-ministre adjoint
des Travaux publics et Services gouvernementaux ont tenté de donner au
programme des commandites un vernis d’administration publique correcte,
ils ont reçu un appel téléphonique de la part du sous-greffier du Conseil privé
qui leur intimait clairement de reculer et de ne pas s’opposer à la direction
politique du programme par le Bureau du Premier ministre (BPM).13
Gordon Robertson, Canada’s greatest post-war public servant, agrees with Donald Savoie
and Colin Campbell that this appointment was a turning point in the centralization and
“politicization” of the federal public service. Gordon Robertson, Memoirs of a Very
Civil Servant: Mackenzie King to Pierre Trudeau ((Toronto: University of Toronto Press,
2000), 308-10; Savoie, Governing from the Centre, 112-13; Colin Campbell, Governments
Under Stress: Political Executives and Key Bureaucrats in Washington, London and
Ottawa (Toronto: University of Toronto Press, 1983), 83.
11
Savoie, Governing from the Centre, 112.
12
S.L. Sutherland, “The Al-Mashat affair: Administrative accountability in parliamentary
institutions,” Canadian Public Administration, Vol. 34, No. 4 (Winter 1991), 573 - 603.
13
Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités
publicitaires, Qui est responsable ? Rapport d’enquête. (Ottawa : Sa Majesté la Reine
du chef du Canada, 2005), 157. L’échec surprenant de la commission Gomery dans
l’examen de cet événement critique et l’exploration de ses conséquences dans son rapport
final costitue un « trou noir » dans ses conclusions et dans l’attribution du blâme.
Le même réflexe s’est à nouveau manifesté une décennie plus tard, alors
que la fonction publique mettait des bâtons dans les roues du Directeur
parlementaire du budget (DPB), en 2012. Le Greffier du Conseil privé
a non seulement assumé le rôle fortement politique de porte-parole
pour obstruer la surveillance par le Parlement des finances publiques
– un rôle politique qui ne devrait jamais être assumé par une fonction
publique professionnelle dans une démocratie parlementaire. Le greffier
l’a fait d’une manière qu’on peut qualifier de décidément partisane.
« À notre avis », le greffier a dit au DPB, alors qu’il rejetait sa demande
de données sur la réduction des dépenses gouvernementales, « les plus
récentes mesures du gouvernement pour réduire le déficit devraient
être… crédibles ».14
C’était là une déclaration surprenante. Premièrement, le greffier défendait
ainsi et justifiait une décision politique hautement contestable. Dans une
fonction publique professionnelle et non partisane, les fonctionnaires
peuvent et devraient fournir de l’information. Dans certains cas, ils
peuvent même expliquer, mais en toute neutralité, le raisonnement
utilisé, non pas par eux-mêmes, mais par les acteurs politiques. Mais
ils ne devraient jamais s’approprier ce raisonnement. Ils ne devraient
jamais défendre ou justifier, ou se mettre en position pour argumenter
publiquement en faveur d’une décision politique légitimement
contestable. S’ils le faisaient, comment pourraient-ils s’attendre à être
considérés neutres ou de mériter une confiance égale – comme ce devrait
l’être – de la part tous les acteurs du processus politique ?
Particulièrement en l’espèce, où le greffier non seulement justifiait et
défendait un comportement politique très contestable, mais il justifiait
et défendait exactement le type de comportement politique qui avait
déjà entrainé un jugement contre le gouvernement d’outrage au Parlement
par le Président de la Chambre.
10
9
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14
Wayne G. Wouters à Kevin Page, 21 septembre 2012.
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Pourquoi le problème inhérent acquière une urgence inégalée
Mais, deuxièmement, il faut noter le langage même du greffier à cet
égard. Des mots comme « À notre avis » – notre! – serait assez naturel
dans la bouche d’un premier ministre. Dans la bouche du chef de la
fonction publique, ces mots sont très difficiles à expliquer ou à justifier.15
En les utilisant, il n’a laissé aucun espace entre lui et le gouvernement au
pouvoir.16 Un Bureau du Conseil privé qui rédige une telle lettre, et un
greffier qui pourrait la signer courent un sérieux risque d’estompement
de la distinction entre une fonction publique et l’administration
politique qu’elle sert. Il n’est pas étonnant que, sous l’administration
Harper, le BCP est devenu la grande machine de « communication »
qui sert les besoins partisans du gouvernement et du premier ministre
en place – un très sérieux problème pour une fonction publique dite
non partisane et professionnelle, problème sur lequel je reviendrai
ci-dessous.17
Les implications de ce type d’exemple, du BCP et d’une succession
de chefs de la fonction publique, ont un effet d’entrainement sur les
comportements de leurs collègues. Un sous-ministre de l’Industrie a
récemment dit de lui-même et de ses collègues, fièrement et mal à propos,
qu’ils sont « monogames sériels en ce qui concerne la loyauté envers le
gouvernement au pouvoir ».18 C’était là une dangereuse mécompréhension
du rôle des fonctionnaires en général et des sous-ministres en particulier.
Cela pourrait expliquer quelques actes déplorables du gouvernement
du Canada au cours de la dernière décennie, y compris chez Industrie
Canada même.19 Mais cela ne peut être qualifié de fonction publique
professionnelle et non partisane. Une fonction publique ne peut, et ne
peut en avoir même l’apparence, se dire non partisane et professionnelle
en étant également partisane avec chaque changement de gouvernement.
La monogamie sérielle est équivalente à une « promiscuité sérielle ».20
Ce n’est pas une recette pour l’élaboration une solide institution de
fonction publique, respectée pour son intégrité à l’interne et à l’externe.
Une fonction publique qui fait preuve de promiscuité ou de partisanerie
sérielle n’est pas une institution fiable pour tous les acteurs du processus
politique également. Ou même pour ses propres employés, sans parler des
citoyens du Canada.
Ce n’est même pas une fonction publique qui sert bien le gouvernement
en place. En réalité, cela pourrait accélérer sa chute en lui faisant perdre
la confiance du public.
Richard Dicerni, « Les notes du Sous-Ministre pour sa comparution devant le Comité
permanent de l’Industrie, des sciences et de la technologie,” 19 juin 2012. http://www.
ic.gc.ca/eic/site/ic1.nsf/fra/07194.html. Qui a été également publié sous le titre “Parting
Thoughts of a Deputy.” Canadian Government Executive, Vol. 18, No. 7 (September), 19.
Emphasis added.
19
Par exemple, des cadres d’Industrie Canada, FedNor (l’agence de développment du
nord de l’Ontario pour laquelle le Ministre de l’Industrie est également responsable)
et Infrastructure Canada semblent avoir obéi à des impératifs et raccourcis politiques
avant le sommet du G8 avant 2010. Ils semblent non seulement avoir coopéré à
l’administration du Fonds d’infrastructure du G8 de manière à ne pas laisser de
trace écrite, mais également pour contourner les exigences du processus établi de la
politique du gouvernement même sur les paiements de transfert, comme a conclu la
vérificatrice générale. (Canada. Vérificatrice générale du Canada. Rapport printemps
2011. Chapitre 2 : Fond d’infrastructure du G8. (Ottawa : Bureau de la vérificatrice
générale 2011), 39. http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/docs/parl_oag_201104_02_e.
pdf.) La vérificatrice générale n’a pas trouvé de documents sur le processus de
sélection ou le motif pour lequel 33 projets ont été séléctionnés sur 242 proposés pour
le financement de projets dans la région Parry Sound-Muskoka region, en préparation
au sommet du G8. (Idem, 38-9) La prétention qui veut que les fonctionnaires n’ont
joué aucun rôle dans le processus de sélection s’est avérée ne pas être vraie. (Joan
Bryden, Joan, “Memos contradict Clement’s claims about G8 fund,” The Globe and
Mail. 24 January, 2012, A10.) Même si c’était autrement, la question demeure de savoir
comment les cadres de la fonction publique peuvent-ils accepter de mettre en oeuvre
des propositions de dépenses qui ne répondent pas aux exigences procédurales.
S’ils ont fait ces choses, ils étaient non seulement en violation des politiques
gouvernementales mais également du Code de valeurs et d’éthique du secteur public.
Les sous-ministres qui ont coopéré – ou permis à tout autre cadre de le faire – de cette
façon auraient été en violation de ces politiques en vertu du Code et des obligations
générales pour les agents comptables en vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité.
Ce sont là des résultats catastrophiques de « monogamie sérielle ».
20
Graham Wilson and Anthony Barker, “Bureaucrats and Politicians in Britain.” Governance
16, No. 3, 2003, 349–72; Peter Aucoin, “The Staffing and Evaluation of Canadian
Deputy Ministers in a Comparative Westminster Perspective: A Proposal for Reform,”
in Canada, Commission of Inquiry into the Sponsorship Program & Advertising
Activities (Gomery Commission). Restoring Accountability: Research Studies, Vol.
1 (Ottawa: Her Majesty the Queen in Right of Canada, 2006), 327; Lindquist, Evert,
and Ken Rasmussen. 2012. “Deputy Ministers and New Political Governance: From
Neutral Competence to Promiscuous Partisans to a New Balance?” In Herman Bakvis
and Mark D. Jarvis, eds., From New Public Management to New Political Governance:
Essays in Honour of Peter C. Aucoin. Montreal and Kingston: McGill-Queen’s
University Press, 179–203.
18
La démocratie parlementaire canadienne exige (selon Gordon Robertson) « d’être servie
par par des fonctionnaires professionnels et non partisans, dont l’un est le greffier du
Conseil privé » qui devraient avant tout le monde dans la fonction publique, être et
paraître non politique ». Robertson, Memoirs, 316-17. Nous soulignons.
16
Ce n’était pas la première ni la dernière fois que le greffier a utilisé la première
personne du pluriel pour rassembler la fonction publique et le gouvernement du jour.
Comme exemple antérieur, voir l’entrevue avec Paul Crookall : « Faites confiance à
l’antidote pour vous risquer à l’aversion », Canadian Government Executive, Vol. 16,
No. 1 (January 2010), 16. Encore plus antérieur, voir le Rapport du greffier au Premier
ministre sur la fonction publique du Canada, (Ottawa : Bureau du Conseil privé, mai
2014), 20-1. http://www.clerk.gc.ca/fra/feature.asp?pageId=371 - II-3-2.
17
Ces incidents publics, bien que très importants, ne disent pas tout sur la manière
dont les greffiers se sont conduits au cours des vingt-cinq dernières années. Il y
sûrement eu beaucoup d’occasion ratées au cours desquelles on leur avait demandé
de tracer la ligne de démarcation entre les valeurs du politique celles de la fonction
publique, et l’ont fait. Par exemple, il y a eu des rapports de telles initiatives suite
au budget fédéral de 2009. Un conflit entre les valeurs du politique et celles de la
fonction publique portant sur l’administration du programme des Infrastructures
aurait contribué à la soudaine démission du greffier au début du mois de mai 2009,
et peu après la démission du sous-ministre des Transports/Infrastructure. Il a été
dit que ces démissions soudaines répondaient au souhait du Bureau du premier
ministre (BPM), et du ministre des Transports, pour assurer une cadence encore plus
rapide du débours du financement des Infrastructures, pour des motifs politiques
qui inquiétaient le greffier et le sous-ministre sortant qui voulaient assurer une
diligence raisonnable conformément à une administration publique saine. Voir :
John Ivison, “Pragmatist falls victim to partisans: PMO fingerprints all over Lynch
resignation,” National Post, May 8, 2009; Adam Radwanski, “Guy Giorno, foot soldier,”
globeandmail.com, May 8, 2009; James Travers, “Another victory for hired guns,” The
(Toronto) Star, May 9, 2009; Bruce Campion-Smith, “Trouble at Transport: Clashes
over spending,” The (Toronto) Star. 20 June, 2009.
15
10
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4
Introduction
RESTAURER LA LIGNE DE DÉMARCATION :
VERS UNE CHARTE DE LA FONCTION PUBLIQUE
Le problème de base de tout ce qui a précédé, au cours des vingt-cinq dernières années, réside
dans le fait que la fonction publique semble avoir progressivement perdu de vue la ligne de
démarcation nécessaire entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique – et,
conséquemment entre responsables élus et non élus – dans une démocratie parlementaire.
Cela ne veut pas dire que les valeurs de la fonction publique soient
meilleures ou plus importantes que les valeurs du politique. C’est
même le contraire. Parce que les valeurs politiques ont une légitimité
démocratique directe que possèdent, indirectement seulement, les valeurs
de la fonction publique, les valeurs du politique devraient normalement
primer celles de la fonction publique. Cependant, lorsqu’elles le font, il est
essentiel pour la vitalité à la fois de l’imputabilité démocratique et de la
bonne administration publique que les Canadiens et leur Parlement – et
les fonctionnaires eux-mêmes – reconnaissent que cela se produit. Que
la ligne de démarcation est franchie.
Le problème réside dans le fait que les sous-ministres semblent de
moins en moins capables, ou disposés, à reconnaître cette ligne et de
réaliser quand ils, ou d’autres, la franchissent. Ils se sont habitués à une
approche vague et fluide de la ligne de démarcation entre les valeurs du
politique et celles de la fonction publique – entre responsables élus et
responsables non élus – et en sont arrivés à considérer que son absence
relative constitue un avantage.21
Les fonctionnaires canadiens ont historiquement été fiers de dispenser de
loyaux services aux gouvernements successifs, et cela constitue jusqu’à
un certain point un bon principe et une expression de leurs valeurs
démocratiques. La réactivité aux priorités politiques du gouvernement
en place constitue l’une des valeurs de base d’une vraie fonction publique.
Mais les fonctionnaires fédéraux se sont tellement habitués à collaborer
étroitement avec les ministres, et à qualifier cette situation de vertueuse
que certains – surtout au haut de l’échelle hiérarchique – semblent ne
plus se rendre compte quand ils franchissent une ligne de démarcation
qu’ils ne devraient pas franchir. Ni le prix à payer pour ce comportement,
surtout en ce qui concerne la perte de confiance : celle des Canadiens,
celle des autres partis et celle des fonctionnaires mêmes.22
Pour une déclaration sans détours sur cette préférence, voir Sheldon Ehrenworth,
« Lettre au Premier ministre Stephen Harper signée par Sheldon Ehrenworth et
quelque 58 autres personnesdes secteurs public et privé » 3 mars 2006.
http://www.pm.gc.ca/grfx/docs/gomery_toaupm_f.pdf.
22
Ralph Heintzman, “Loyal to a Fault.” Optimum Online 40, No. 1 (March 2010), 48–59.
21
11
Canada 2020
Mais s’ils ne le voient pas, d’autres le peuvent. Au sein même de la
fonction publique, ce type de comportement a mené à une « faille »
entre la haute fonction publique et les autres fonctionnaires.23 Au niveau
politique, le brouillage de la ligne de démarcation entre responsables
élus et responsables non élus a mené à un consensus remarquable
sur la nécessité de redéfinir et restaurer cette ligne. Cette nécessité
a été reconnue par le Comité parlementaire permanent des comptes
publics.24 Le Parti libéral a également reconnu cet état de fait alors qu’il
gouvernait.25 Et le Parti conservateur l’a énergiquement reconnu alors
qu’il était encore dans l’opposition. « La ligne de démarcation entre les
ministres et les fonctionnaires apolitiques a été brouillée » a déclaré la
plateforme électorale conservatrice de 2006, « et des critères clairs de
responsabilisation doivent être rétablies ».26
C’était là aussi le diagnostic posé par la Commission Gomery. Le juge
Gomery conclut que la « confusion » en question ici a été au cœur du
problème révélé par le scandale des commandites.27 Le juge Gomery avait
parfaitement raison de pointer du doigt précisément cette « zone grise »,
ligne de démarcation imprécise entre les responsables et les responsables
non élus, en disant qu’il s’agissait de la plus importante leçon à tirer
de tout le scandale des commandites. Sa première recommandation
principale a été d’ailleurs d’adopter ce qu’il a appelé Charte de la
fonction publique pour régler ce problème.28
De solides assises, 15-16, 45-6. À peine la moitié des répondants (52%) à l’enquête
de 2011 du gouvernement de la fonction publique concluait que les fonctionnaires
faisaient confiance à la haute direction de leur ministère ou de leur agence. C’était là
une chute de 3 pour cent par rapport à l’enquête de 2008. http://www.tbs-sct.gc.ca/
pses-saff/2011/psesfsm-saffrcs-fra.asp.
24
Canada, Chambre des Communes, Gouvernance dans la fonction publique du Canada
: l’obligation ministérielle de rendre des comptes, Rapport du Comité permanent des
comptes publics, mai 2005.
25
Canada, Gouvernment Réponse au dixième rapport du Comité permanent des
comptes publics, août 2005. http://www.tbs-sct.gc.ca/report/gr-rg/2005/0817_fra.
asp; Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Examen des responsabilités et
des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires aux attentes des
Canadiennes et des Canadiens, 19 octobre 2005. http://http//www.tbs-sct.gc.ca/
report/rev-exa/ar-er-PR_e.asp
26
Parti conservateur du Canada, Loi fédérale sur la responsabilité. (Ottawa : 4 novembre
2005), 13; Changeons pour le vrai, Plateforme de l’élection fédérale 2006, 13.
27
Canada, Commission d’enquête sur le programme de commnadites et les activités
publicitaires (Commission Gomery), Rétabllir l’imputabilité - Recommandations
(Ottawa : Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2006), 70.
28
Idem, 67, 199.
23
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Restaurer la ligne de démarcation
Lorsqu’elle est devenue une recommendation clé du rapport Gomery,
cette proposition ne constituait plus une nouvelle idée. Le concept de
charte de la fonction publique remonte au moins au Groupe de travail
sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (groupe Tait), qui
avait déjà conclu, 10 ans plus tôt, qu’il était devenu nécessaire d’ « établir
un nouveau contrat moral entre la fonction publique, le gouvernement
et le parlement du Canada ».29 Au cours des années qui ont suivi sa
publication, l’énoncé de principes ou code recommandé par le rapport
Tait – qui devait incarner un contrat moral trilatéral entre le parlement,
les ministres et la fonction publique – s’est vu par la suite appelé une
Charte de la fonction publique. 30
Le concept de charte de la fonction publique a été appuyé par Donald
Savoie en 2003, 31 et recommandé à nouveau par le Groupe de travail sur
la divulgation des actes fautifs, en 2004, comme moyen d’établir « un
nouveau ‘contrat moral’ entre responsables élus au gouvernement ». 32
Il a également fait l’objet un rapport de recherché important par Kenneth
Kernaghan à l’intention de la Commission Gomery. 33
Compte tenu de cet engagement parlementaire de tous les partis,
quels sont les éléments clés qu’une charte de la fonction publique devrait
comprendre ? Si l’objectif est de maintenir et de protéger une fonction
publique professionnelle et non partisane ayant les normes les plus
exigeantes en termes d’intégrité et de professionnalisme – que faut-il faire ?
Bien qu’il puisse y avoir d’autres éléments possibles, je suis d’avis qu’une
charte de la fonction publique doit reposer sur quatre piliers :
1. valeurs et éthique de la fonction publique;
2. renforcement du rôle sous-ministre comme administrateur comptable;
3. réforme du processus de nomination des sous-ministres; et
4. nouvelles règles pour gérer la communication.
Trois de ces points font également l’objet de recommandations par la
Commission Gomery. Le quatrième point revêt une nouvelle urgence
à cause des actions de l’administration Harper, depuis le rapport de la
Commission.
Encore plus significatif, alors qu’une charte de la fonction publique
devenait la deuxième recommandation du Rapport final de la Commission
Gomery, l’engagement d’établir une telle charte avait déjà été incorporé à
la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles
(LPFDAR), approuvée à l’unanimité par le Parlement en 2005. Autrement
dit, tous les partis à la Chambre des Communes et au Sénat avaient déjà
officialisé leur engagement envers l’établissement d’une telle charte. 34
De solides assises, 61. Nous précisons.
Ralph Heintzman, « De solides assises : Valeurs et éthiques dans la fonction publique
», Présentation au Sommet internationale sur la réforme de la fonction publique,
Winnipeg, Manitoba, 10 juin 1999; « De solides assises : Valeurs et éthique dans la
fonction publique ». Isuma: Canadian Journal of Policy Research, Vol. 2, No. 1
(Spring 2001): 121–6.
31
Donald Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers and Parliament.
(Toronto: University of Toronto Press, 2003), 274-5.
32
Canada, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du
Canada, Groupe de travail sur la divulgation d’actes répréhensibles, Rapport
(Ottawa : Travaux publics et Sertvices gouvernementaux Canada, 2004), 28-30.
33
Kenneth Kernaghan, “Encouraging ‘Rightdoing’ and Discouraging Wrongdoing:
A Public Service Charter and Disclosure Legislation,” in Canada, Commission
of Inquiry into the Sponsorship Program and Advertising Activities (Gomery
Commission), Restoring Accountability: Research Studies, Vol. 2. Ottawa: Public Works
and Government Services Canada, 2006), 73-114.
34
Canada, Public Servants Disclosure Protection Act (S.C. 2005, c.46): Preamble.
29
30
12
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5
Introduction
ÉLÉMENT NO 1 DE LA CHARTE : VALEURS ET
ÉTHIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE
Comme je l’ai déjà mentionné, les valeurs et l’éthique de la fonction publique professionnelle
et non partisane sont grandement éprouvées par ce que Peter Aucoin a appelé la Nouvelle
gouvernance publique (NGP), et Donald Savoie qualifie de « gouvernement de cour ». La conjugaison
de leurs forces rend difficile la localisation et la préservation de la ligne démarcative entre les
valeurs du politique et celles de la fonction publique. Si la charte de la fonction publique doit
contribuer au rétablissement de cette ligne, il devient nécessaire de réarticuler les valeurs
de la fonction publique. Et surtout, elle doit exiger que les trois parties au contrat – la fonction
publique, les ministres et les parlementaires – respectent et protègent la neutralité et le
professionnalisme d’une fonction publique non partisane.
La première partie ne devrait pas être trop difficile à faire. Au cours des
vingt dernières années, la fonction publique fédérale a investi d’énormes
ressources productives dans la définition de ses valeurs. Le Groupe de
travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique a identifié
quatre familles de valeurs (démocratiques, professionnelles, liées à
éthiques et liées aux personnes) en 1996, et suite à un long dialogue
au sein de la fonction publique, ces quatre familles ont fini par être
incorporées au Code des valeurs et d’éthique de la fonction publique en
2003 et ont été retenues dans la version de 2012 de ce code, résumées
maintenant en cinq mots ou phrases clés : Respect de la démocratie,
Respect envers les personnes, Intégrité, L’intendance et Excellence.35 Le
rapport Tait et les Codes de 2003 et 2012 fournissent une solide plateforme
pour l’articulation des valeurs et de l’éthique d’une fonction publique
professionnelle et non partisane dans une nouvelle charte de la fonction
publique qui devrait être à la fois « une charte des droits et des devoirs
des fonctionnaires » ainsi que le « symbole de le nouvel engagement du
gouvernement de respecter la fonction publique ».36 Comme l’a dit le
Rapport Gomery, la charte devrait interdire de donner des instructions à
un fonctionnaire qui contreviendraient à la charte, et devrait donner aux
fonctionnaires les outils qui leur permettraient de voir au respect de cette
disposition.37 Cet élément qui se trouvait dans la version de 2003 du Code
a été occulté dans la version de 2012. Elle devrait être rétablie.38
Ce n’est là qu’une première étape. Le code actuel contient déjà les
exigences que doivent respecter les fonctionnaires. Une charte législative
peut définir les exigences correspondantes que doivent respecter les
ministres et les parlementaires pour maintenir ces mêmes valeurs. Il ne
suffit pas d’établir les exigences que doit respecter la fonction publique. Il
est aussi important de faire en sorte que les ministres et les parlementaires
soient volontairement des partenaires dans la préservation de ces valeurs
et du maintien de ce type de fonction publique professionnelle et non
partisane. C’est là la raison pour laquelle il faut instituer une charte, et
seule une charte législative peut combler ce besoin.
Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor, Code de valeurs et d’éthique de secteur public
(Ottawa: Secrétariat du Conseil du Trésor Canada, 2011). http://www.tbs-sct.gc.ca/
pol/doc-fra.aspx?id=25049&section=text. Le Code est entré en vigueur le 2 avril 2012.
36
Commission Gomery, Rétablir l’imputabilité : Recommendations, 67.
37
Idem, 67-8.
38
Secrétariat du Conseil du Trésor, Code des valeurs et d’éthique de la fonction publique
(2003), 14, 36. http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/tb_851/vec-cve1-fra.asp#_
Toc46202803.
35
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Élément n o 1 de la charte
En ce qui concerne les obligations des ministres, il existe nombre de
ressources et de modèles pour l’élaboration de la charte. Au Canada, on
trouve des éléments utiles dans les codes de 2003 et 2012, ainsi que dans
Pour un gouvernement responsable : Guide du ministre et du ministre
d’État. 39 À l’étranger, l’un des meilleurs modèles est la version originale
du « U.K. Civil Service Code » adoptée en 1996. Par exemple, la version
originale du code du R.-U. engageait les ministres « à ne pas utiliser les
ressources à des fins partisanes, à préserver l’impartialité politique de la
fonction publique, et à ne pas demander à agir de manière conflictuelle
avec le Code de la fonction publique ». Il les engageait également « à
accorder une juste considération et une attention appropriée aux conseils
éclairés et impartiaux que prodiguent les fonctionnaires, ainsi que
l’attention qu’il faut aux autres considérations et conseils nécessaires à la
prise de décision ».40 Ces types d’obligation devraient constituer une part
importante de la charte canadienne de la fonction publique.
En ce qui concerne les ministres, la charte peut également emprunter
de quatre obligations gouvernementales et ministérielles envers les
fonctionnaires que contient le « Statement of Commitment by the
Government to the State Sector » publié par la Nouvelle-Zélande en
2001 parallèlement au « Statement of Government Expectations of the
State Sector ». Les deux documents néo-zélandais sont intéressants
parce qu’ils définissent à la fois les valeurs clés que devraient avoir
les fonctionnaires ainsi que « les engagements réciproques par les
ministres » ».41 L’architecture réciproque des énoncés néo-zélandais
offrent un modèle très utile pour la charte canadienne de la fonction
publique. Celle-ci pourrait également s’inspirer de la réflexion du «
Public Administration Select Committee » de la Chambre des Communes
britannique, qui recommandait qu’un « nouveau contrat (‘bargain’)
de la fonction publique » soit enchâssé dans un instrument semblable
à la charte canadienne de la fonction publique. Le comité britannique
propose qu’un tel instrument exprime aussi bien les attentes légitimes
de la fonction publique que les attentes légitimes correspondantes de la
part des ministres – un contrat moral à deux sens.42
New Zealand, Hon Trevor Mallard, Minister of State Services, Government Responds
to Standards Board Report, 2001. http://executive.govt.nz/minister/mallard/state/
pr.htm. La déclaration de la Nouvelle-Zélande d’engagement par le gouvernement
envers le secteur public fait quatre promesses ministérielles envers la fonction
publique, notamment les obligations de « reconnaître l’importance de conseil
libre, franc et complet » de « fournir une orientation claire à propos des orientations
poloitiques et des résultats prioritaires » et de « traiter les gens du secteur public
de manière professionnelle ». New Zealand Minister of State Services, Statement of
Government Expectations of the State Sector and Statement of Commitment by the
Government to the State Sector, 2001. http://www.ssc.govt.nz/display/document.asp?
navid=152&docid=3514&pageno=11#P928_62039; Kenneth Kernaghan, “Encouraging
‘Rightdoing’ and Discouraging Wrongdoing: A Public Service Charter and Disclosure
Legislation” in Canada, Commission of Inquiry into the Sponsorship Program and
Advertising Activities (Gomery Commission), Restoring Accountability: Research
Studies, Vol. 2. (Ottawa: Public Works and Government Services Canada, 2006), 83-4.
42
Les attentes légitimes de la fonction publique comprennent la préservation de l’accès
aux ministres et le droit de donner des conseils – même « indigestes »; l’extension du
rôle des agents comptables de conseiller plus largement sur la procédure et le bienfondé; et le droit de ne pas devenir des boucs émissaires lorsque les choses vont mal
et dont ils ne sont pas responsables. Les attentes politiques légitimes comprennent le
droit de s’attendre à un service professionnel et dédié aux objectifs de gouvernance;
à ce que le mauvais rendement soit remédié efficacement, et qu’un système robuste
de gestion du rendement; et que les fonctionnaires aient les compétences et le
savoir-faire qui leur permettent d’appuyer les ministres efficacement. United
Kingdom House of Commons, Select Committee on Public Administration, Politics
and Administration: Ministers and Civil Servants. Third Report of Session 2006-07. 15
March 2007 (London: The Stationery Office, 26 March), 23 (pars. 65-6), 38-44. http://
www.publications.parliament.uk/pa/cm200607/cmselect/cmpubadm/122/12205.htm.
41
Canada, Bureau du Conseil privé, Pour un gouvernement responsable : Guide du
ministre et du ministre d’État (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 2011). http://www.
pco-bcp.gc.ca/index.asp?lang=fra&page=information&sub=publications&doc=aggr/2011/ag-gr-fra.htm.
40
United Kingdom, Cabinet Office. The Civil Service Code (1996). http://www.leeds.
ac.uk/law/teaching/law6cw/min-5.htm. Unfortunately a misguided effort to make
the U.K. Code more “relevant” led to its rewriting in “more everyday language” a
decade after its introduction (Letter from the Cabinet Secretary and Chief Civil
Service Commissioner, June 6 2006; U.K. Cabinet Office, Civil Service Code, June
2006. http://www.civilservice.gov.uk/about/values/cscode/index.aspx). Les
révisions ont vidé le Code de sa valeur initiale comme déclaration de la relation
entre la fonction publique et les ministres (« Le cadre constitutionnel dans lequel
tous les fonctionnaires travaillent »), notamment une référence à ces obligations
ministérielles envers la fonction publique. Le 11 novembre 2010, les dispositions
du Civil Service du Constitutional Reform and Governance Act 2010 sont entrées en
vigueur. La législation place les valeurs du Civil Service sur un pied d’égalité légal
avec le Civil Service Code. UK Acts, Constitutional Reform and Governance Act 2010,
Chapter 25. http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/25.
39
14
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Élément n o 1 de la charte
Toutefois les dispositions de ce type ne touchent que deux côtés
du triangle. Elles ne proposent qu’un contrat à deux sens, entre les
ministres et les fonctionnaires, en appui à une fonction publique
professionnelle et non partisane.43 Pour s’assurer que les trois
partenaires du processus de gouvernance fassent leur part dans la
préservation des valeurs de la fonction publique, une charte législative
de la fonction publique peut et devrait aussi faire du parlement un
partenaire volontaire aux mêmes fins. L’interaction croissante entre
les fonctionnaires et les comités du parlement exige une certaine
entente explicite relativement aux règles de base. Il y a presque vingt
ans, le rapport Tait faisait remarquer que « c’est là un domaine où les
valeurs de la fonction publique et les conventions ont été soumises
à de fortes pressions … et un énoncé public des principes agréés par
le gouvernement et le parlement pourrait apporter une plus grande
lumière », en définissant « les principes qui gouvernent les relations
entre fonctionnaires et parlement, particulièrement les comités
parlementaires ».44
Vingt ans plus tard, ce besoin est encore plus grand. Au lendemain du
Rapport de la Commission Gomery et la Loi fédérale sur la responsabilité
(2006), par exemple, le Comité des comptes publics (CCP) et le Bureau
du Conseil privé (BCP) ne s’entendaient pas sur les règles de base
concernant la comparution des sous-ministres devant les comités
parlementaires.45 Chacun émettait ses propres lignes directrices.46
Conjointement, les documents du CCP et du BCP proposent nombre
de principes à inclure dans la charte gouvernant les relations entre le
parlement et la fonction publique, mais maintenant, ils doivent être
incorporés conjointement dans une charte qui lie les deux. Ce que C.E.S
Franks appelait « l’expérience malheureuse de protocoles en bagarre »47
offre une bonne illustration de la nécessité d’éclairer la démarcation
entre les responsables élus et les responsables non élus, ainsi que le
besoin de le faire par le biais d’un contrat trilatéral plus explicite qui lie
les fonctionnaires, les ministres et le parlement.
Paul Thomas, “Political-Administrative Interface in Canada’s Public Sector,”
Optimum Online: The Journal of Public Sector Management, Vol. 38, Issue 2. (May
2008), 21-29; C.E.S. Franks, “The Unfortunate Experience of the Duelling Protocols:
A Chapter in the Continuing Quest for Responsible Government in Canada,” in
O.P. Dwivedi, Tim A Mau and Byron Sheldrick, eds., The Evolving Physiology of
Government: Canadian Public Administration in Transition (Ottawa: University of
Ottawa Press, 2009), 118-150.
46
Canada, Chambre des Communes, Comité permanent des comptes publics, Protocole
pour les témoignages des adminisrateurs des comptes devant le Comité permanent des
comptes publics, mars 2007; Bureau du Conseil privé, administrateurs des comptes
: l’obligation de rendre des comptes, 14 mars. http://www.pco-bcp.gc.ca/default.as
p?Language=E&Page=informationresources&Sub=publications&Doc=guidemin/
account-guideonrole2007_e.htm.
47
Franks, “The Unfortunate Experience of the Duelling Protocols”.
45
Cette partie de la charte répondrait aux besoins identifiés par l’Association
professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada (APEX),
pour « renforcer le respect et la confiance entre ;es ministres et les fonctionnaires
» à travers un « réengagement public » envers les valeurs et l’éthique de la fonction
publique. Rapport sur objectif 2020 (Ottawa: APEX, 28 février 2014), 8-9. http://www.
apex.gc.ca/uploads/key%20priorities/consultations/apex%20report%202020%20
-%20eng.pdf
44
De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la
fonction publique (rapport Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion, 1996, 2000), 61.
43
15
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6
Introduction
ÉLÉMENT NO 2 DE LA CHARTE :
RENFORCER LE RÔLE DU SOUS-MINISTRE
COMME ADMINISTRATEUR COMPTABLE
Le deuxième élément d’une Charte de la fonction publique devrait renforcer le sous-ministre
(SM) dans son rôle d’«administrateur comptable » (accounting officer). C’est là un élément
important de la future charte parce que le rôle d’administrateur comptable, bien conçu et mis
en œuvre, constitue un outil clé pour le rétablissement d’une ligne de démarcation entre les
valeurs du politique et celles de la fonction publique, entre ministres et une fonction publique
professionnelle et non partisane.
Cette partie de la charte devrait mieux aligner la définition des pouvoirs
des administrateurs comptables fédéraux sur le modèle britannique
original. La difficulté réside ailleurs que dans le concept même, ce qui
est admirable et vraiment utile au Canada, elle réside dans la manière
dont la Loi fédérale sur la responsabilité a bâclé sa mise en œuvre ici.48
Comme l’a fait remarquer le cadre du Trésor du R.-U. responsable pour
les administrateurs comptables britanniques, à propos de la version
canadienne, « il serait dangereux de prendre pour acquis que, parce que
le nom du poste est le même tout doit être également identique ».49 En
réalité, la version de l’administrateur comptable qui a été mise en œuvre
dans la Loi fédérale sur la responsabilité ne renferme aucun des éléments
clés du modèle britannique et plusieurs innovations regrettables. 50
Pour des points de vue très différents, voir Franks, “The Unfortunate Experience of
the Duelling Protocols”; and Mark D. Jarvis, “The adoption of the accounting officer
system in Canada: Changing relationships?” Canadian Public Administration, Vol. 52,
No.4. (December, 2009), 525-547.
49
Brian Glicksman, “The Role of Accounting Officers: A Perspective from the United
Kingdom,” Canadian Parliamentary Review. (Autumn 2007), 23.
50
For a more ample discussion of the accounting officer concept in Canada and Britain,
see Ralph Heintzman, “Establishing the Boundaries of the Public Service: Toward a
New Moral Contract,” in James Bickerton and B. Guy Peters, eds., Governing: Essays
in Honour of Donald Savoie (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press,
2013), 92-106.
En Grande-Bretagne, le rôle d’ « administrateur comptable » (accounting
officer) rend les sous-ministres « personnellement » responsables de
la gestion financière et générale de leur ministère. Les administraeurs
comptables « doivent s’assurer que les activités de leurs organismes
répondent à des exigences solides et fiables de régularité et de rectitude
». En plus d’obligations précises en matière de gestion des finances,
le concept de régularité et de rectitude est interprété de manière très
« puissante », comme « livrant les valeurs du secteur public de façon
intégrale (‘in the round’) », englobant « honnêteté, équité, impartialité,
intégrité, ouverture, transparence, responsabilisation, imputabilité,
objectivité, exactitude et fiabilité » (des valeurs très ressemblantes à
celles du Code de valeurs et d’éthique du secteur public). Ces valeurs
doivent être « pratiquées dans l’esprit et la lettre de la loi, dans l’intérêt
général, selon des normes éthiques exigeantes, et de façon économe
(‘achieving value for money’) ». 51
48
16
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51
United Kingdom, HM Treasury, Managing Public Money (London: The Stationery
Office, 2007), 11, 13, 7. Emphasis added.
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Élément n o 2 de la charte
Au plan de la définition de la « ligne de démarcation » entre valeurs du
politique et celles de la fonction publique, le plus important élément du
rôle d’administrateur comptable, au R.-U., est constitué de simples outils
accordés à un administrateur comptable à cette fin, surtout l’instruction
claire en provenance du Trésor du R.-U. exigeant une « orientation
ministérielle » pour toute action administrative dont un administrateur
comptable ne peut assumer la responsabilité « personnelle » (en vertu
de son mandat), et la procédure qui en découle. Si un ministre propose
une cheminement dont l’exécution ne respecte pas les valeurs de la
fonction publique que doit faire respecter l’administrateur comptable,
le SM, à ce titre, doit consulter le Trésor, et si le temps le permet obtenir
des instructions par écrit de la part du ministre avant exécution. Si de
telles instructions sont données, le agents comptables doit en envoyer
copie au Contrôleur et vérificateur général, qui normalement le portera à
l’intention du Comité des comptes publics. 52
Plutôt que de donner aux sous-ministres canadiens les outils simples et
éprouvés pour « tracer la ligne infranchissable » qu’ont les administrateurs
comptables britanniques,54 la Loi fédérale sur la responsabilité a fait trois
erreurs sérieuses. La première erreur a été de limiter les pouvoirs de
l’administrateur comptable exclusivement au contexte où il y a désaccord
entre le ministre et le SM (discuté plus loin). La seconde erreur a été
de limiter encore plus les pouvoirs du SM comme administrateur
comptable, aux seuls désaccords quant à « l’interprétation ou l’application
d’une politique, directive ou norme émise par le Conseil du Trésor ».
La troisième erreur était – que même dans un domaine qui est ainsi
arbitrairement limité aux politiques du Conseil du Trésor seulement – la
Loi fédérale sur la responsabilité a établi une procédure encombrante
en deux étapes qui affaiblit davantage le rôle et le jugement du SM, en
laissant au Conseil du Trésor la décision finale. 55
En d’autres termes, le rôle d’administrateur comptable, s’il est bien
conçu, donne au sous-ministre les outils pour tracer une ligne à ne pas
franchir et pour définir, dans des circonstances concrètes où le domaine
des valeurs et de l’action de la fonction publique doit prendre fin, et celui
de l’imputabilité politique prend la relève.53
Bien que les rédacteurs de la Loi fédérale sur la responsabilité ont choisi de les ignorer,
il existe déjà plusieurs précédents de « instructions » ministérielles en matière de loi
canadienne et pratique d’administration publique. La Loi sur l’Agence du revenu du
Canada, par exemple, donne au ministre le pouvoir de transmettre « une instruction
écrite à l’Agence » sur n’importe sujet qui normalement tombe sous la responsabilité
du Conseil de gestion de l’Agence, et, lorsqu’il le fait, « tout le monde [recevant
l’instruction] doit obtempérer à l’instruction ». (S.C. 1999, c.17, ss.11.(1) et 12.) Cette
même disposition relative à une instruction écrite a également été mise en œuvre
dans l’administration des cours. Un juge en chef « peut émettre des décisions par écrit
contraignantes à l’administrateur en chef [le chef adjoint de l’administration des
cours] relativement à tout chose assujettie à l’autorité de l’administrateur ». Loi sur le
Service administratif des tribunaux judiciaires (S.C. 2002, c.8), s.9.(1). Nous insistons.
Je remercie Jim Mitchell pour avoir attiré mon attention sur le deuxième précédent
canadien.
55
L’agent comptable doit réclamer « une orientation écrite » du Secrétariat du Conseil
du Trésor, et si cela ne résout pas la question, le ministre doit « référer la question
au Conseil du Trésor pour une décision ». Canada, Loi sur la gestion des finances
publiques, (R.S.C. 1985, c.F-11), s.16.5(1) et (2).
54
52
United Kingdom, HM Treasury, Managing Public Money (London: The Stationery
Office, 2007), 19-20.
L’un des mythes qui perdurent veut que de « telles directions ministérielles » se
produisent rarement. (Ehrenworth, « Lettre au Premier ministre Harper » » 3) En
réalité, ils se produisent assez régulièrement. Voir Heintzman, “Establishing the
Boundaries of the Public Service,” 96.
53
17
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Élément n o 2 de la charte
Cette approche a de nombreux défauts. Elle n’a pas l’économie,
la simplicité ou la force de la procédure britannique; elle réduit
radicalement le domaine où l’administrateur comptable peut exercer
son jugement; elle paralyse le sous-ministre (dans la pratique
britannique « le dernier jugement doit appartenir à l’administrateur
comptable personnellement » 56); elle ne lui octroie pas les outils qui
éclaircissent l’imputabilité ou qui définissent la limite des valeurs de la
fonction publique; elle renforce la centralisation de la prise de décision;
elle fait pencher le processus décisionnel en faveur des ministres; et par
conséquent, ne sera pas utilisée.57
La plupart de ces défauts découlent de l’idée fausse qui veut que l’objectif
du rôle d’administrateur comptable est plutôt négatif : pour prévenir les
problèmes, ou pour prévenir l’infraction aux règles. Parce que l’approche
de la Loi fédérale sur la responsabilité se fondait sur cette prémisse
erronée, elle a encadré les outils de l’administrateur comptable de
façon négative, dans le contexte de désaccords sur les règles, plutôt que
dans un contexte positif, où l’administrateur comptable est mandaté
d’affirmer les valeurs de la fonction publique qui sont au coeur de ce
rôle au Royaume-Uni.58 La Loi ne contient aucun principe positif dans
la description du rôle de l’administrateur comptable. Les concepteurs
de la loi ont tout à fait négligé le rôle positif des administrateurs
comptables dans le bon appareil gouvernemental – leur rôle positif dans
« la livraison des valeurs du secteur public de façon intégrale » (dans la
terminologie britannique), dans le maintien des lignes de démarcation
établies par ces valeurs et dans la détermination de la terminaison de «
l’espace administratif » et du début de l’« espace politique ». 59
Le principe de l’administrateur comptable, lorsqu’il est bien compris,
ne fait pas que permettre à la fonction publique de tracer une ligne de
démarcation pour les ministres; il exige que la fonction publique trace
sa propre ligne. Il exige que la fonction publique – dans ses actions et
conseils – reste du côté de la ligne établie par les valeurs de la fonction
publique, et ne s’aventure pas sur un terrain où s’appliquent d’autres
valeurs et normes. Même s’ils conviennent qu’une ligne de conduite
est raisonnable, pour d’autres motifs (peut-être politiques), les agents
comptables britanniques demanderont une orientation formelle de
la part de leur ministre s’ils pensent qu’ils ne peuvent recommander
une action, ou la mettre en œuvre, ou en assumer la responsabilité sur
la seule base des valeurs de la fonction publique. 60 En d’autres termes,
le principe de l’administrateur comptable, est d’abord et avant tout,
une ordonnance d’auto-discipline pour la fonction publique. Il dit
aux sous-ministres quand et où ils sont sur le point de franchir la
ligne de démarcation qu’ils ne doivent pas franchir, sans orientation
ministérielle explicite et publique. Il trace une ligne et établit les limites
dans lesquelles la fonction publique doit se cantonner.
Dans la Loi fédérale sur la responsabilité, l’interprétation du rôle de
l’administrateur comptable présente plusieurs autres problèmes, qu’une
charte de la fonction publique peut remédier et éclaircir, notamment
la confusion qu’elle a entrainé à propos de la définition et du locus de
l’imputabilité.61 Mais au plan du rétablissement d’une ligne de démarcation
appropriée entre responsables élus et responsables non élus, l’élément le plus
important de la charte de la fonction publique sera celui de sa redéfinition de
l’’objectif du rôle d’administrateur comptable – l’affirmation d’un rôle positif,
ancré dans les valeurs de la fonction publique plutôt qu’un rôle négatif ancré
dans la prévention de la malfaisance ou l’infraction aux règles – et l’exigence
pour les sous-ministres et les autres fonctionnaires de demeurer du côté de la
fonction publique de la ligne de démarcation.
Comme nous l’avons constaté dans la première partie du présent
document, c’est là le problème essentiel de la fonction publique fédérale
actuelle. Le déclin de sa capacité de reconnaître cette ligne ou de demeurer
de son bon côté explique son état actuel. Et, ce n’est qu’en accordant aux
sous-ministres les outils pour rester du bon côté de la ligne et l’obligation
d’y rester qu’un futur gouvernement pourra la remettre sur les rails.
C’est là la vraie signification du renouveau de la fonction publique.
United Kingdom Managing Public Money, 19. Nous insistons.
57
L’impraticabilité de la façon dont la Loi sur la gestion des finances publiques a
prétendu mettre en œuvre le concept du l’agent comptable au Canada a été illustrée
par la situation qui a été soulevée dans Transport Canada et Infrastructure Canada
au lendemain du budget fédéral de 2009. La valeur politique de débours rapide des
dépenses affectées dans ce budget a exercé une très forte pression sur le sousministre des Transports, ainsi que le SM pour l’Infrastructure. Ses efforts visant à
assurer les normes appropriées de réglarité et de procédure établie – conformément
aux politiques du gouvernement et de bons principes de l’administration publique
– apparamment ont entraîné une tension intense, peut-être même une rupture
des relations entre lui et son ministre, un partisan politique connu et confident
du premier ministre. Les procédures élaborées de la Loi sur la gestion des finances
publiques n’étaient pas utiles à la gestion du conflit apparent entre les valeurs du
politique et celles de la fonction publique. Considérant que, si le sous-ministre
disposait des outils tout simple que possèdent les agents comptables britanniques, le
problème aurait pu se régler immédiatement au moyen d’une lettre d’orientation dans
laquelle le ministre assume la responsabilité publique et politiquepour la diligence
expéditive dans le débours des fonds du budget pour combattre la récession. Voir :
John Ivison, “Pragmatist falls victim to partisans: PMO fingerprints all over Lynch
resignation,” National Post, May 8, 2009; Chantal Hébert, « Les commandites, prise
deux ? » Le Devoir, 11 mai 2009; Bruce Campion-Smith, “Trouble at Transport: Clashes
over spending,” The (Toronto) Star. 20 June, 2009.
58
Canada, Loi sur la gestion des finances publiques, s.16.5.
59
Canada, Commission d’enquête (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité :
Recommandations, 130-1).
56
18
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Voir Heintzman, “Establishing the Boundaries of the Public Service,” 98-9.
Voir idem, 101-3.
60
61
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7
Introduction
ÉLÉMENT NO 3 DE LA CHARTE :
REFORMER LE PROCESSUS DE
NOMINATION DES SOUS-MINISTRES
Le troisième élément de la Charte de la fonction publique devrait être celui de la nomination
des sous ministres (S.M.). Parce que les sous-ministres constituent le lien entre la fonction
publique et les ministres, non seulement ils tracent la ligne de démarcation entre les valeurs
du politique et celles de la fonction publique, ils l’incarnent. D’une certaine façon, ils sont la
ligne de démarcation. La manière dont ces incarnations de la ligne sont nommées acquiert
alors la plus grande importance pour la ligne de démarcation même et pour sa préservation.
Les administrateurs comptables, par exemple, seront plus ou moins en mesure d’assumer
leur rôle de manière efficace, selon la méthode adoptée pour leur nomination. Considération
encore plus fondamentale, la manière de nommer les sous-ministres, et les comportements
qui en découlent, façonnent la culture générale de la fonction publique. Elle façonne les valeurs
mêmes de la fonction publique que la ligne de démarcation est supposée préserver et renforcer.
Pour rétablir une ligne de démarcation appropriée entre les valeurs du
politique et celles de la fonction publique, et entre responsables élus et
responsables non élus, la Charte de la fonction publique devrait modifier
les rôles que jouent actuellement le Premier ministre et, surtout, le Greffier
du Conseil privé dans la nomination des sous-ministres.
Le premier ministre a, bien sûr, un rôle légitime démocratique à
assumer. Mais la manière dont le rôle est actuellement structuré dans
le gouvernement fédéral limite la capacité des SM de « tracer la ligne
de démarcation » entre les valeurs du politique et celles de la fonction
publique. 62 Le problème causé par le rôle du premier ministre dans la
nomination des sous-ministres découle de la manière dont il est lié au
rôle du greffier.
62
19
Canada 2020
Le programme des commandites a clairement illustré la difficulté pour un sousministre d’imposer les principes d’une bonne administration publique lorsque
sa nomination – et son maintien en poste – dépendent du premier ministre. En
l’occurrence, ce programme même, dans lequel des irrégularités ont été commises,
provenait du premier ministre qui l’avait volontairement et explicitement gardé
sous sa gouverne personnelle. Étant donné la manière dont les nominations sont
actuellement structurées, il aurait fallu un sous-ministre inhabituellement fort et qui
a des principes pour s’opposer à la personne qui a son avenir en main. Même si le rôle
de l’agent comptable était revu, comme le recommande le présent document, une
demande écrite d’orientation ne serait utile que si le SM s’était senti protégé contre
une mise à pied sommaire pour avoir défendu les valeurs de la fonction publique,
et ainsi avoir défini la ligne de démarcation de cette façon. Cela s’est également
illustré par le conflit rapporté entre les valeurs du politique et celles de la fonction
publique (décrit dans les notes 17 et 57), suite au budget fédéral de 2009. La rapide
démission du sous-ministre des Transports/Infrastructure au lendemain du départ
du greffier indique comment la permanence et la ligne de démarcation de la fonction
publique sont étroitement liées. Si un sous-ministre – ou même un greffier – ne peut
conserver son poste une fois qu’on voit qu’il fonctionne selon les valeurs de la fonction
publique qui sont différentes de celles des responsables élus, la ligne de démarcation
entre les valeurs du politique et de la fonction publique ne peut jamais être tracée,
et les valeurs essentielles de la fonction publique seront toujours à risque. Voir :
John Ivison, “Pragmatist falls victim to partisans: PMO fingerprints all over Lynch
resignation,” National Post, May 8, 2009; Adam Radwanski, “Guy Giorno, foot soldier,”
globeandmail.com, May 8, 2009; James Travers, “Another victory for hired guns,”
The (Toronto) Star, May 9, 2009; Chantal Hébert, « Les commandites, prise deux ? »
Le Devoir, 11 mai 2009; Bruce Campion-Smith, “Trouble at Transport: Clashes over
spending,” The (Toronto) Star. 20 June, 2009.
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Élément n o 3 de la charte
Par convention, le premier ministre normalement effectue les nominations
des SM – à juste titre et comme il doit continuer à le faire – suivant des
conseils indépendants et non partisans.63 En vertu des arrangements
actuels, ce conseil est proposé par le greffier. La charte de la fonction
publique devrait éliminer la participation du greffier à ce processus,
et établir un autre canal plus différent et non partisan à l’intention du
premier ministre.
La raison qui justifie ce changement découle de l’impact du rôle actuel
de greffier sur la culture et le comportement de la fonction publique.
Parce qu’en ce moment le premier ministre nomme les SM sur les conseils
du greffier, celui-ci contrôle les nominations et les promotions des
sous-ministres. Compte tenu du fait que les carrières des sous-ministres
dépendent directement du greffier du Conseil privé, il est naturel, sinon
inévitable, que le greffier soit le « patron » de fait dont les préférences
et priorités doivent être respectées d’abord et avant tout. Si le greffier
pense aussi que le premier ministre est son « patron », on obtient donc
une hiérarchie incontestable de l’autorité exécutive. Tout à fait le «
gouvernement de cour » que décrit Donald Savoie. 64
Comme nous l’avons vu précédemment, le scandale des commandites
a fait ressortir de sérieux problèmes causés par l’étendue des pouvoirs
du greffier du Conseil privé. L’un des facteurs qui ont empêché le
sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de
tracer la ligne de démarcation nécessaire entre les valeurs de la fonction
publique et celles du politique dans la gestion du programme des
commandites a été celui de l’intervention du sous-greffier. Comme l’a
justement fait remarquer la Commission Gomery, l’incapacité ou le manque
d’enthousiasme du sous-ministre de résister à ce type d’interférence dans
son propre rôle est directement lié au rôle du greffier dans le choix, de
nomination, d’évaluation et de promotion des sous-ministres. 65
En sa faveur, l’administration Harper ne semble pas s’être écarté de cette convention,
contrairement, par exemple, le gouvernementr du Québec. À cause de la fracture
entre les souverainistes et les fédéralistes, l’habitude est née au Québec pour chaque
nouveau gouvernement d’effectur des changements massifs au sommet de la fonction
publique du Québec. Ainsi en avril 2014, le nouveau gouvernement Couillard a
tout de suite remplacé non seulement le secrétaire général (l’équivalent du greffier
fédéral) du Conseil exécutif (l’équivalent du BCP), mais également nombre de cadres
supérieurs du Conseil et de nombreux sous-ministres. Denis Lessard, « La haute
fonction publique retourne au rouge », La Presse, 25 avril 2014, A9.
64
Donald Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and
the United Kingdom (Toronto: University of Toronto Press, 2008), 312.
65
« Les sous-ministres savent que leurs nominations passées et à venir dépendent de la
seule discétion du premier ministre, sur le conseil du greffier. On court le risque de les
voir vouer une plus grande loyauté à ces deux personnes plutôt qu’à leurs ministres
avec lesquels ils doivent travailler quotidiennement. Des loyautés partagées de ce
type ne favorisent pas un dévouement ferme au ministère auquel le sous-ministre
a été affecté. La loyauté la plus importante de toutes, bien sûr devrait être celle de
l’intérêt public ». Canada, Commission d’enquête (Commission Gomery), Rétablir
l’imputabilité : Recommandations, 149.
C’est là une première raison d’adopter un nouveau processus de
nomination des SM. Les SM n’auront pas la latitude nécessaire pour
dire la vérité au détenteur du pouvoir, ou pour tracer la ligne entre les
valeurs du politique et celles de la fonction publique, tant que leurs
carrières sont contrôlées par un « supérieur » dans la même structure
hiérarchique, qui rend compte au premier ministre.
Il y a cependant une autre raison. Les effets corrosifs de la nomination
des sous-ministres par le greffier du Conseil privé ont une influence
qui dépassent les sous-ministres mêmes. Ils façonnent l’ensemble de la
culture et du comportement de la fonction publique fédérale de manière
incompatible avec une fonction publique dédiée à l’intérêt public. La
centralisation du pouvoir de nomination à l’échelon les plus élevé de
la fonction publique a un effet de cascade qui affecte profondément
affecter la culture organisationnelle de la fonction publique, surtout sa
capacité et sa disposition à dire la vérité au détenteur du pouvoir à tous
les niveaux, et pas seulement au sommet.
Ce déclin de la capacité de la fonction publique canadienne de « dire
la vérité au détenteur du pouvoir », – pas seulement en relation aux
ministres, mais également à l’interne : entre les différents niveaux
de la fonction publique même – avait déjà été constatée il y a presque
vingt ans, dans le rapport Tait. Si « les fonctionnaires ne sont pas
aussi disposés, comme ils l’étaient à une autre époque, à offrir des
avis honnêtes ou de participer au débat critique par peur d’être perçu
comme ‘hors-jeu’ ou ‘non fiable’ », a dit le rapport, cela devrait être
préoccupant pour la fonction publique, parce que le « dialogue honnête
et les échanges éclairants et perspicaces » sont essentiels, si l’on veut
que la fonction publique soit en mesure d’offrir des avis et conseils
justes et professionnels, desquels dépend la bonne gouvernance.66 La
gouvernance suppose des décisions sur des biens publics contestables. Et
le conseil professionnel relatif à de telles décisions ne sera probablement
pas sage, ou ne reflétera pas des points de vue assez étendus de l’intérêt
public, à moins qu’il soit éclairé par un solide débat interne dans lequel
tous les angles des ces biens contestables soient entièrement explorés.
« Je sens que je sers le premier ministre », a récemment dit un sénateur
conservateur « lorsque je luis dis ce que je pense ».67 Ce serait un bon
leitmotiv, pour une bonne fonction publique aussi. Mais c’est un leitmotiv
qui convient de moins en moins à la fonction publique – à cause du «
gouvernement de cour ».
63
20
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De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la
fonction publique (rapprt Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion, 1996, 2000 48-9.
Senator Nicole Eaton, quoted in Jordan Press, “Keep elections out of it, says Tory
Senator,” Ottawa Citizen, 2 April 2014, A1-2.
66
67
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Élément n o 3 de la charte
Depuis la publication du rapport Tait il y a deux décennies, l’évidence
formelle et informelle porte à croire que l’expression honnête de points
de vue est devenue plus difficile que jamais, surtout aux niveaux les
plus élevés de la fonction publique. 68 Plusieurs recherches ont fait
état de l’augmentation du « climat de peur » et d’«autocensure » qui
se produit à l’interne, par la structure de motivation de la fonction
publique elle-même. Les cadres de la fonction publique font rapport
d’une culture de peur et d’autocensure qui est « complètement interne
à la fonction publique et indifférente à la couleur du gouvernement
en place. Les fonctionnaires semblent plus disposés à dire la vérité au
gouvernant qu’aux autres fonctionnaires ».69 Une des principales sources
du problème, comme l’a dit une haut fonctionnaire : « la concurrence est
étonnante. Les gens planifient leur prochain cheminement de carrière
et essayent de savoir ce que veut entendre le sous-ministre avant de dire
quoi que ce soit. Cela est dysfonctionnel ».70
Dans une déclaration écrite au Comité spécial sur la mission en Afghanistan
de la Chambre des Communes, par exemple, un fonctionnaire de haut niveau a
témoigné que le « personnel de l’ambassade ont été prévenue qu’Ils ne devraient
pas rapporter l’information, même juste, qui ne correspondait pas à message public
du gouvernement ». Lorsque l’ambassade a rapporté que la sécurité à Kandahar se
détériorait, elle a reçu l’instruction de ne pas « mentionner la situation sécuritaire
du tout, sauf si c’était pour dire que les choses allaient mieux ». Lorsqu’un cadre de
l’ambassade a contribué à une évaluation de la sécurité en rapportant que la situation
se détériorait, le cadre a été « sévèrement réprimandé » par les quartiers généraux
du ministère à Ottawa. (Jennifer O’Neill, “Colvin contradicts ex-boss on testimony
to committee,” Ottawa Citizen. December 17 2009). Il y a visiblement plus d’une
version de cette histoire. Mais un tel témoignage a été confirmé par d’autres rapports
généraux sur la gestion de la fonction publique dans la mission afghane. Campbell
Clark, “‘The buck stopped nowhere’: Inside Foreign Affairs, no one in charge to act on
Colvin’s warnings,” The Globe and Mail. 18 December, 2009.
69
Peter Larson and David Zussman, “Canadian Federal Public Service: The View from
Recent Executive Recruits,” Optimum Online, Vol. 36, Issue 4, (December 2006), 12.
Un autre rapport sur une série de seize séances de discussion avec des douzaines de
cadres vétérans de la fonction publique a également identifié un climat de peur et
d’autocensure : « La chose la plus évasive qui soustendait les discussions était celle
d’une peur latente. Cela n’avait rien à voir avec une instruction quelconque mais
plutôt une forme d’autocensure devenue habituelle, semble-t-il, pour survivre dans
un monde de réflexion critique et d’échanges aggressifs ne sont plus valorisés comme
ils l’étaient ». Ruth Hubbard and Gilles Paquet. “Cat’s Eyes: Intelligent Work Versus
Perverse Incentives - APEX Forums on Wicked Problems,” Optimum Online, Vol. 38,
Issue 3 (August 2008), 18)
70
Idem.
Cela dénote une pyramide de pouvoir et d’ambition dans lesquels trop
de cadres ont peur du SM et trop de SM ont à leur tour peur du greffier.
De nouveau, exactement, le « gouvernement de cour » identifié par
Donald Savoie.71 Mais exactement le contraire de « l’une des valeurs de
base d’une ‘fonction publique politiquement neutre et indépendante’ …
sa capacité perçue de conseiller sans peur – appelée à l’occasion «’dire la
vérité au gouvernant’ ».72
Pour ces motifs, la troisième partie de la charte de la fonction publique
devrait établir un processus indépendant pour la nomination des sousministres, et éliminer le greffier de ce processus. Pour rétablir la capacité
de la fonction publique d’être une authentique fonction publique, le
conseiller en matière de nominations des SM devrait à l’avenir être exclu
de la hiérarchie de l’autorité exécutive.
68
21
Canada 2020
« Le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet est le fonctionnaire le plus
puissant, du fait que la personne qui occupe le poste est le sous-ministre du premier
ministre, et les autres sous-ministres et aspirants sous-ministres (ces derniers sont
nombreux) savent que le greffier peut les promouvoir ou nuire à leur carrière d’un
coup de plume. … On ne devrait jamais sous-estimer le pouvoir des nominations. …
les sous-ministres adjoints et sous-ministres délégués qui veulenet devenir sousministres ne manquent pas d’ambition. Ils surveillent ce que désirent le premier
ministre et le greffier du Conseil privé, et tentent de livrer la marchandise ». Donald
Savoie, Power: Where Is It? (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press,
2010), 140-1.
72
Larson and Zussman, “Canadian Federal Public Service,” 12.
71
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Élément n o 3 de la charte
Comment devrait-on le faire ? Il y a vingt ans, le rapport Tait a suggéré
que le Canada envisage de confier l’autorité pour conseiller lors des
nominations des SMs à un « organisme indépendant » comme le New
Zealand State Services Commission.73 Dix ans plus tard, la Commission
Gomery recommandait que le gouvernement du Canada adopte un
processus pour la sélection des sous-ministres semblable à celui de
l’Alberta. Le modèle albertain préconise que le sous-ministre du Conseil
exécutif (l’équivalent du greffier fédéral) préside un groupe d’entrevues
(comprenant les parties intéressées) qui présente des recommandations
au ministre concerné. La recommandation finale est faite au cabinet par
le ministre et le premier ministre dispose d’un pouvoir de veto.74
Mais la proposition de la Commission Gomery – semblable à une
recommandation de Peter Aucoin dans le cadre d’une recherche pour
le compte de la commission – présente un défaut majeur.75 Elle ne traite
pas du problème de base, celui du rôle du greffier. Effectivement, elle
renforcerait ce problème, et du même coup « le gouvernement de cour ».
Elle ne réussit pas accomplir l’élément essentiel du modèle néozélandais,
qui consiste à séparer le rôle de secrétaire du cabinet ou sous-ministre
du premier ministre du rôle qui consiste à nommer et évaluer les sousministres. L’élément essentiel du système néozélandais est que cette
fonction soit confiée à un agent indépendant qui ne soit pas dans une
relation de pouvoir hiérarchique entre les SMs et l’autorité politique.
Quel est le meilleur moyen que permettrait au Canada d’atteindre le
même objectif que celui du modèle de Nouvelle-Zélande ? Plusieurs
choix sont possibles.76 Le meilleur cependant serait de suivre l’exemple
du R.-U. qui a donné ce rôle à la commission de la fonction publique. Au
Canada, cela supposerait que la réforme de 1918 de la fonction publique
soit menée à terme, et simplement d’accroître le pouvoir de nomination de
la Commission de la fonction publique (CFP) du niveau du sous-ministre
adjoint (SMA) à celui du sous-ministre. La CFP est reconnue pour protéger
« l’idéal contesté » d’une fonction publique indépendante, non partisane,
fondée sur le mérite depuis plus d’un siècle.77 La charte de la fonction
publique devrait modifier la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
pour accorder à la CFP le pouvoir légal d’organiser des concours internes
ou externes de recrutement de SM, pour interviewer des candidats et de
faire une (ou plusieurs) recommandation au premier ministre.
Une option qui pourrait initialement sembler plausible serait de donner le rôle de
nomination du SM à une commission des nominations publiques, semblable à ce
que prévoit la Loi fédérale sur la responsabilité. Mais cette option présente quatre
défauts. D’abord la version de cett Loi est volontairement impuissante. Son rôle serait
seulement de « surveiller, examiner et rendre compte sur le processus de sélection »
pour les nominations gouvernemntales, et non d’exercer des pouvoirs indépendants
qui lui sont propres. (Loi fédérale sur la responsabilité : s.227. 1.1(1)) Ensuite, la
souplesse visée de cette commission a été clairement illustrée lorsque le premier
ministre a nommé un partisan pour la présider et – comment une telle nomination
inappropriée a été rejetée par un comité parlementaire – a depuis refusé de mettre
en œuvre cette dispositionde la Loi. (Lawrence Martin, Harperland: The Politics of
Control (Toronto: Viking Canada, 2010), 68-9) Troisièmement, même si elle disposait
d’un plus grand pouvoir exécutif que ne l’octroie la Loi, une telle approche garderait
les SM séparés du reste de la fonction publique. L’un des objectifs d’une telle réforme
devrait être celui de réintégrer le SM dans l’ensemble plus large des valeurs de la
fonction publique dont les limites qu’elle représente, comme l’a déjà fait en partie
la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (S.C.
2005, c.46.). Quatrièmement, même si elles étaient indépedantes des propositions
Gomery et Aucoin, ou la Commission des nominations publiques de la Loi fédérale
sur la responsabilité, la création d’une nouvelle commission pour la nomination des
SM enfreint au principe de l’économie institutionnelle. Là où des mécanismes ou
institutions existent déjà qui peuvent répondre au besoin, il ne faudrait pas en créer
de nouveaux.
77
Luc Juillet and Ken Rasmussen, Defending a Contested Ideal: Merit and the Public
Service Commission of Canada 1908-2008 (Ottawa: University of Ottawa Press, 2008).
76
De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la
fonction publique (rapprt Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion), 1996, 2000), 25.
Canada, Commission d’enquête (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité :
Recommandations, 150-1.
75
Dans sa recherche pour la Commission Gomery, Peter Aucoin a recommandé que la
nomination et l’évaluation du rendement des sous-ministres doivent être confiées
légalement à une nouvelle commission de sous-ministre présidée par le greffier et
deux sous-ministres principaux et au moins deux membres provenant de l’extérieur
de la fonction publique. (Peter Aucoin, “The Staffing and Evaluation of Canadian
Deputy Ministers in a Comparative Westminster Perspective: A Proposal for Reform,”
in Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités
publicitaires (Commission Gomery). Rétablir l’imputabilisté : Études (Ottawa : Sa
Majesté la Reine du chef du Canada, 2006), Vol. 1, 297-336.) Avec l’adjout de gens de
l’extérieur, cela ressemblerait beaucoup au fait de légiférer le processus actuel par
lequel le Comité des hauts fonctionnaires (CHF), présidé par le greffier, examine et
évalue les sous-ministres et les sous-ministres potentiels. Bien que la proposition
d’Aucoin se soit clairement inspirée du modèle du State Services Commissioner
néozélandais, il ne répond pas aux objectifs de ce nodèle, comme le reconnaît plus
tard Aucoin.
73
74
22
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Élément n o 3 de la charte
(En Grande-Bretagne, le débat actuel porte sur la question de savoir
s’il faut ne présenter au premier ministre qu’un seul nom – la pratique
actuelle – ou un choix de noms : mais peu de gens remettent en question
le fait que la Commission soit le bon organe pour assumer ce rôle. 78)
Comme au R.-U. et en Nouvelle-Zélande, le premier ministre devrait
avoir le pouvoir de réclamer une autre recommandation, ou peut-être
même (comme en Nouvelle-Zélande) de procéder unilatéralement à
une nomination. En revanche, la décision de procéder unilatéralement
à la nomination (comme en Nouvelle-Zélande) doit être accompagnée
d’une déclaration publique et une explication du choix. Conformément
à ce même principe, les sous-ministres devraient à l’avenir être mutés,
promus ou éliminés uniquement sur le conseil et avec l’approbation de la
Commission de la fonction publique.
78
Au R.-U., le ministre pour le Bureau du Conseil des ministères a proposé que les
ministres participent au processus de nomination des sous-ministres (comme en
Alberta), la sélection à partir d’une liste de candidats établie par la la Civil Service
Commission. Celle-ci a résisté à cette proposition, de peur que cela ne mène à la
politicisation des nominations de SM. Il a plutôt fait ressortir deux choix : dans
lepremier, les ministres seraient consultés lors du processus de sélection, mais le mot
de la fin revient à la commission pour la recommandation au premier ministre. Le
second choix permettrait au premier ministre de choisir entre plus d’un SM candidat
lorsque la Civil Service Commission décide qu’il ya deux ou plus de candidats
compétents. Le U.K. House of Commons Select Committee on Public Administration
a récemment considéré ces deux options et soutenu la première : elle a recommandé
que la U.K. Civil Service Commission continue de soumettre une seule nomination
de SM au premier ministre. Ce comité prétend que « le recrutement impartial en
fonction du seul mérite constitue un pilier fondamental de notre système peut de
gouvernement. Donner au premier ministre ou au ministre le choix à partir d’une
liste de candidats risque de faire en sorte que la décision finale soit faite pour d’autres
raisons, non sur le mérite, et mine ainsi le cœur du Northcote-Trevelyan Civil Service.
» Voir U.K., House of Commons, Select Committee on Public Administration, Ninth
Report of Session, Latest proposals for ministerial involvement in permanent secretary
appointments: PASC’s recommendations, 25 February 2014. http://www.publications.
parliament.uk/pa/cm201314/cmselect/cmpubadm/1041/104102.htm. Il faut noter
qu’en plus de la nomination des SM par compétition (à l’interne et à l’externe),
où la Civil Service Commission est responsable, il existe une autre catégorie de
nomination de SM au R.-U. appelé « des managed moves » qui sont des mutations
latérales. La décision à propos du processus à utiliser est prise officiellement par le
Senior Leadership Committee (SLC), dont les membres comprennent des secrétaires
permanents principaux, le Cabinet Secretary, le First Civil Service Commissioner,
le Directeur de Talent Management at the Cabinet Office, et est présidé par le chef
du Civil Service (qui n’est pas en ce moment le Cabinet Secretary). En practique, il
semble que la décision est prise par le chef du Civil Service et le Cabinet Secretary
en consultation avec le premier ministre et le ministre compétent. Des « managed
moves » sont faites pour combler les failles urgentes, là où un candidat doit clairement
occuper le poste. Ils sont également habitués à transférer les SM dont la relation avec
leur ministre s’est détériorée. Entre mai 2010 et mai 2013, il y a eu 21 nominations
au niveau des SM. Dix ont été faites suite à une compétition externe et sept (dont le
Permanent Secretary of the Cabinet Office – qui n’est pas l’équivalent du Head of the
Civil Service et du Cabinet Secretary) par le biais des « managed moves ». Ainsi, deuxtiers des nominations ont été faites sur compétitions de la Civil Service Commission,
et un tiers était constitué de « managed moves ». Il semblerait que la compétition soit
maintenant le choix privilégié, et que c’est devenu une bonne justification de ne pas
avoir une compétition de la Civil Service Commission pour les nominations des SM.
Voir Akash Paun et Josh Harris, avec Sir Ian Magee, Permanent secretary appointments
and the role of ministers (London: Institute for Government, 2013), 16-20. http://www.
instituteforgovernment.org.uk/sites/default/files/publications/Permanent%20
secretary%20appointments%20and%20the%20role%20of%20ministers.pdf.
23
Canada 2020
Les exceptions à cette règle devraient également exiger une déclaration
publique et une explication de la décision par le premier ministre.79
Ces mêmes procédures devraient s’appliquer à la nomination et au
remplacement du greffier, comme pour toutes les autres nominations
de SM. Ce nouveau rôle de la CFP exigera à son tour la nomination
de commissaires de la fonction publique qui possèdent la stature, la
réputation et l’indépendance nécessaires à assumer ce rôle critique, et
qui ne soient pas en mi-carrière dans la fonction publique, admissibles
à de futures nominations au sein de la fonction publique. Pour rendre
cohérents ces changements, la charte devrait aussi amender la Loi sur
l’emploi dans la fonction publique pour transférer le titre de chef de la
fonction publique du greffier du Conseil privé au Secrétaire du Conseil
du Trésor, le conseil de gestion du gouvernement.
79
Une question qui demeure sans réponse est celle de savoir si la CFP devrait assumer
la reponsabilité relative pour l’évaluation annuelle du rendement des sous-ministres,
dans le care de son rôle dans la détermination des promotions et des nominations
futures, ou si ce rôle devrait être confié au Conseil du Trésor dans le cadre des
responsabilités de son « conseil de gestion »s.
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8
Introduction
ÉLÉMENT NO 4 DE LA CHARTE :
NOUVELLES RÈGLES DE
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT
Le quatrième élément de la Charte de la fonction publique devrait concerner de nouvelles règles de
communication du gouvernement. La communication a toujours constitué une facette nécessaire
du gouvernement. C’est pour cette raison que le gouvernement du Canada a une politique de
la communication qui gère cette activité importante et délicate qui est exécutée par les
fonctionnaires. Le risque ayant toujours été que la communication légitime, institutionnelle et
non partisane peut facilement glisser et se transformer en activité de communication teintée
de partisannerie.80
Bien que ce risque se soit considérablement accru sous l’administration
Harper, il n’est pas tout à fait récent. Il se développe lentement depuis le
milieu des années 1970. Effectivement, le scandale des commandites
témoignait de ce problème croissant.81 Mais au cours des dix dernières
années il atteint des proportions de crise et exige des mesures immédiates
pour remettre la fonction publique sur les rails. Il constitue maintenant
la plus grande menace pour une fonction publique professionnelle et non
partisane à laquelle tous les Canadiens, et tous les acteurs du système
politique, accordent également leur confiance.
Du moment où il a pris le pouvoir, l’administration Harper a donné à la
communication fédérale une teinte fortement partisane qui se glisse
maintenant dans le travail et mœurs de la fonction publique. De 2006
2009, le sites Internet du gouvernement du Canada ont déjà un ton
fortement partisan avec de grands titres portant le slogan politique «
le nouveau gouvernement du Canada ». Cela se déroulait alors que le
site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor, l’agence centrale même
responsable pour la politique et les principes de gestion de l’ensemble du
gouvernement, notamment le Code des valeurs et d’éthique et la politique de
la communication. Ainsi, le site Web du SCT a ouvert la voie à d’autres abus.
En 1962, la Commission Glassco a explicitement rejeté « la philosophie de la personne
en charge des relations publiques » pour le gouvernement du Canada, et a conclu que
« l’objectif d’être ‘bien et favorablement connu’ qui est si prisée dans le secteur privé
ne fait pas partie de politiques d’information de ministères » . Canada Commission
royale d’enquête sur l’organisation du gouvernement, Vol. 1, Gestion de la fonction
publique, Vol. 3, (Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1962), 70—71, cité dans David C.G.
Brown, “The administrative dilemmas of government communications.” Paper
presented to the annual conference of the Canadian Political Science Association,
Edmonton, Alberta, June 13, 2012, 4.
81
Kirsten Kozolanka, “The sponsorship scandal as communication: The rise of
politicized and strategic communications in the federal government,” Canadian
Journal of Communication, Vol. 31, No. 2, cited in Ted Glenn “The management
and administration of government communications in Canada,” Canadian Public
Administration, Vol. 57, No. 1 (March 2014), 10.
80
24
Canada 2020
Tous les sites ministériels du gouvernement du Canada ont été
graduellement réaménagé de façon ouvertement partisane, en bleu
conservateur, et servent plus à promouvoir le ministre qu’à fournir
des renseignements objectifs sur les programmes gouvernementaux. 82
Conformément à l’approche partisane, de la fin de 2009 ou début 2010,
les cadres du Bureau du Conseil privé (BCP) ont commencé à ordonné
aux responsables de la communication des ministères fédéraux de
substituer l’expression « le gouvernement Harper » dans tous les sites
Web et dans toute autre communication, à la terminologie habituelle
non partisane du « Gouvernement du Canada ». 83 La Presse canadienne
a identifié quelque 698 apparitions de l’expression « Gouvernement
Harper » dans des sites Web du gouvernement du Canada pour l’année
se terminant en mars 2011. 84
Kirsten Kozolanka, “‘Buyer’ beware: pushing the boundaries of marketing
communications in government,” in Alex Marland, Thierry Giasson and Jennifer
Lees-Marshment, eds., Political Marketing in Canada (Vancouver: UBC Press, 2012),
cited in Glenn “The management and administration of government communications
in Canada,” 10.
83
Interviews with senior Government of Canada communications officials, 23 March
2010, 25 January 2012. See also: Bruce Cheadle, “Tories rebrand ‘Harper Government’
in place of government of Canada” The Canadian Press, 3 March, 2011; “No ‘formal
directive’ on use of ‘Harper Government,’ just direction, says PCO,” The Canadian
Press, 7 March 2011; “E-mails cite ‘directive’ to re-brand government in Harper’s
name,” The Globe and Mail, 7 September 2011. http://www.theglobeandmail.com/
news/politics/e-mails-cite-directive-to-re-brand-government-in-harpers-name/
article2157102/.
84
Cheadle “No ‘formal directive,’” Canadian Press, 7 March 2011.
82
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Élément n o 4 de la charte
Le changement d’appellation de Gouvernement du Canada à «
Gouvernement Harper » avait déjà été essayé dans le site notoirement
partisan élaboré par le BCP même, pour « commercialiser » le soi-disant
Plan d’action économique de l’administration Harper – comme l’a
dit le greffier lui-même en avril 2009, apparemment sans vergogne. 85
Le caractère partisan du site du BCP sur le Plan d’action économique
était si flagrant qu’un éditorial du Globe and Mail disait que « même
dans la Chine à parti gouvernemental unique serait impressionnée
par le nombre de photos de M. Harper et de ses loyaux ministres qui
saupoudraient dans un site supposément neutre où les Canadiens
peuvent se renseigner sur les programmes fédéraux auxquels ils peuvent
avoir recours ». 86
Le BCP avait aussi mis au point alors une énorme machine de gestion
centralisée de « suggestions de messages événementiels » (ou SMÉ)
qui exige que tous les responsables fédéraux – politiques et non
politiques – pour obtenir d’avance le feu vert pour toute communication
externe, et déterminer la manière de favoriser la messagerie politique
gouvernementale. Les responsables non élus et non partisans sont
assujettis au même régime partisan que celui des responsables élus.
Ils doivent obtenir un accord préalable pour toute activité publique et
utiliser un modèle qui comprend des catégories comme celles-ci : titre
souhaité, messages clés, infocapsules, objectifs stratégiques, clip sonore,
toile de fond idéale pour discours, photographie d’événement idéale, ton,
tenue vestimentaire, document de déploiement, considération générales
et stratégiques. 87 En d’autres termes, le système de SMÉ élabore les
messages politiques aussi bien pour les responsables non élus et les
élus. Les SMÉ, comme les ont décrit deux journalistes, « ont brouillé la
séparation historique entre partisans politiques et fonctionnaires non
politiques et écarté des communicateurs chevronnés, sapant ainsi le
moral à travers l’ensemble de la fonction publique ». 88
Malgré son rôle de « chef de la fonction publique », le greffier de l’époque ne ressentait
aucune hésitation à la signature d’une note d’information le 2 avril 2009 au premier
ministre à propos de la « commercialisation » du Plan d’action économique « dont
le site Web est une importante composante ». Bruce Cheadle, “Documents show
Economic Action Plan marketing blitz a PMO production from the get-go,” The
Canadian Press, 24 February 2011.
86
The Globe and Mail, “Stimulus Cheques: Hypocrisy Blue and Red,” 16 October, 2009.
Emphasis added)
87
Mike Blanchfield and Jim Bronskill, “Documents expose Harper’s obsession with
control,” The (Toronto) Star. 6 June 2010; Paul Wells, The Longer I’m Prime Minister:
Stephen Harper and Canada, 2006- (Toronto: Random House, 2013), 35; Lawrence
Martin, Harperland: The Politics of Control (Toronto: Viking Canada, 2010), 58; Paul
G. Thomas, “Communications and Prime Ministerial Power,” in James Bickerton and
B. Guy Peters, eds., Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montreal and
Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2013), 71; Ted Glenn “The management
and administration of government communications in Canada,” Canadian Public
Administration, Vol. 57, No. 1 (March 2014), 15.
88
Blanchfield and Bronskill, “Documents expose Harper’s obsession with control,” The
(Toronto) Star. June 6, 2010.
Les fonctionnaires sont maintenant profondément impliqués dans
ces types de directives partisanes de communication, d’activités et de
documents, et dans le maintien des sites Web où ils apparaissent, même
les sites Web des agences centrales. Mais ces activités sont en conflit non
seulement avec le caractère non partisan d’une fonction publique partisane,
mais également avec les valeurs et politiques déclarées du gouvernement
du Canada. Le Code des valeurs et d’éthique de la fonction publique de 2012
exige que les fonctionnaires s’acquittent de leurs tâches de manière « non
partisane et impartiale », et s’efforcent de « d’améliorer la confiance
du public dans l’honnêteté, l’équité et l’impartialité du secteur public
fédéral ». 89 Et la politique de communication déclare que c’est la politique
du gouvernement du Canada pour « préserver la confiance des Canadiens
dans l’intégrité et l’impartialité de la fonction publique du Canada » – pour
la raison évidente et correcte que les « Canadiens valorisent une fonction
publique indépendante et professionnelle » – et que par conséquent « on
s’attend à ce que les gestionnaires et les employés de la fonction publique
fournissent des services d’information et de responsabilité ministérielle ».90
L’implication de la fonction publique dans ces types d’activités de
communication partisane est en conflit aussi bien avec la lettre qu’avec
l’esprit de ces deux politiques clés du gouvernement, et est incompatible
avec le concept de service public non partisan que ces deux politiques
sont supposées appuyer.
85
25
Canada 2020
Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor, Code des valeurs et d’éthique du secteur
public (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2011), 4. Le présent code est
entré en vigueur le 1er avril 2012. Peut-être parce qu’il s’applique à l’ensemble du
secteur public, et non seulement le cœur de la fonction publique, le Code de 2012
ne fait plus référence (comme dans celui de 2003 qu’il remplaçait) à l’obligation
des fonctionnaires « de maintenir la tradition de neutralité politique de la fonction
publique ». Conseil du Trésor du Canada, Code des valeurs et éthique du secteur
public (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2003), 8. http://www.tbs-sct.gc.ca/
pubs_pol/hrpubs/tb_851/vec-cve1-fra.asp#_Toc46202803. The Code de 2003 est entré
en vigueur le 1er septembre 2003.
90
Canada, Conseil du Trésor, Politique de communication du gouvernement, «
Énoncé de la politique », Principe 9. http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-eng.
aspx?id=12316&section=text. La politique a été mise à jour en 2012.
89
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Élément n o 4 de la charte
Et les fonctionnaires eux-mêmes le savent. En leur faveur, ils se sont
souvent dits mal à l’aise, ils ont objecté, émis des recommandations en
défaveur, ou simplement refusé d’obtempérer à ces types de directives
et d’approches inappropriés. Par exemple, certains responsables de
la communication ministérielle ont simplement refusé d’obtempérer
aux instructions initiales du BCP de remplacer « Gouvernement du
Canada » par « gouvernement Harper » sur leurs sites Internet et leurs
annonces.91 Au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), les responsables
de programme ont fait une recommandation en défaveur des exemptions
proposées pour le Plan d’action économique.92 Au BCP même, les
responsables de la communication étaient au départ réticents à
assumer la responsabilité pour la « commercialisation » du Plan d’action
économique.93 Mais le bon instinct des fonctionnaires moyens étaient
généralement contredits ou ignorés par leurs supérieurs, y compris
dans les organismes centrales comme le SCT et le BCP – illustrant et
contribuant ainsi à la « faille » entre les hauts échelons et le reste de la
fonction publique.94
Les instincts des fonctionnaires fédéraux moyens peuvent être
solides. Mais plus ces pratiques perdurent, plus profondément elles
sombrent dans les habitudes et les réflexes de la fonction publique.
Les fonctionnaires fédéraux finiront par ne plus s’objecter, ou
même remarquer que quelque chose ne va pas. Plus « l’action » des
fonctionnaires ne correspond pas à leurs « paroles », plus le cynisme
de la fonction publique se creusera. Les fonctionnaires s’habitueront
à accepter que la fonction publique n’est non partisane que de nom
seulement, mais doit être « partisane sérielle » en pratique. Ainsi, le
chemin sera tracé pour des abus de plus en plus importants. Ceci ne
constitue pas une recette pour la bonne gouvernance, ou pour s’assurer
de la confiance du public. Ce n’est même pas une recette pour le succès
politique à long terme.
Entrevue avec le responsable de la communication gouvernementale, 23 mars 2010.
Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) les cadres responsables du Programme de
coordination de l’image de marque recommandé contre une exemption des exigences
du programme pour le site Web du Plan d’action économique en septembre 2011.
Toutefois, cette recommandation a été rejetée par de plus hauts fonctionnaires du
SCT. Bruce Cheadle, “Harper’s Economic Action Plan website got approval despite
violating rules,” The Canadian Press. 5 January 2011; La Presse, « Les libéraux fédéraux
raillent les conservateurs », 7 janvier 2011, A11.
93
Les fonctionnaires du BCP ne voyaient pas d’un bon œil la mise en œuvre du site
Web du Plan d’action éconoique à cause de son caractère ouvertement partisan,
et le premier ministre Harper a été informé de leurs « hésitations » au moment du
budget de janvier 2009. Ils méritent les félicitations pour leur hésitation qui montre
qu’ils n’ont pas perdu leur sens de la responsabilité de fonctionnaires. Il est encore
plus important, par conséquent, que leurs supérieurs (comme ceux du SCT) ne les
ont pas soutenu parce qu’ils refusaient d’agir de manière contraire au Code des
valeurs et d’éthique de 2003 et la Politique de la communication. Bruce Cheadle, “Top
bureaucrats objected to government ad campaign, sources say,” The Canadian Press.
8 October 2009; Lawrence Martin, Harperland: The Politics of Control (Toronto: Viking
Canada, 2010), 219-20.
94
L’incapacité du SM à résister aux instructions du BCP à propos du remplacement de la
mention « Gouvernement du Canada » par la mention « Gouvernement Harper » dans
la communication ministérielle montre, encore une fois, l’effet corrosif du rôle du
greffier dans les nominations des SM. L’instruction émanait du « patron », la personne
qui contrôle l’évaluation du rendement et la rémunération conditionnelle, leurs
perspectives de promotion et leurs futures carrières – si même il y en aura une. Le SM
dont les cadres ont refusé l’instruction du BCP aurait ainsi mis tout cela en jeu. Peu
étaient prêts à le faire.
Pour remédier à la dangereuse condition à laquelle l’administration
Harper a conduit le gouvernement du Canada, plusieurs mesures sont
devenues maintenant nécessaires. Sur le modèle de la Loi de 2004 sur la
publicité gouvernementale de l’Ontario, une future charte de la fonction
publique devrait commencer par bannir complètement la publicité
gouvernementale teintée de partisannerie, et établir des procédures
pour renforcer cet interdit.95 Par exemple, l’administration Harper a
dépensé plus de 100 millions de dollars en publicité pour le Plan d’action
économique depuis 2009, dont 14,8 millions de dollars aussi tard qu’en
2013.96 Au lieu de fournir aux Canadiens une information non partisane
sur les programmes, ces publicités ont été largement de nature politique et
partisane, de la « commercialisation » du gouvernement et son programme
(comme l’a dit le greffier même). On peut citer un exemple encore plus
frappant, l’administration Harper a dépensé plus de 2,5 millions en 2013
pour faire connaître le programme de la Subvention canadienne pour
l’emploi qui n’existait même pas à l’époque, notamment des annonces
télévisées qui passaient souvent deux fois par match lors des finales de la
LNH sur Radio-Canada. Le financement des publicités télévisées provenait
d’un fonds de 11 millions, créé par Emploi et Développement social
Canada « pour promouvoir le gouvernement comme créateur d’emploi ».97
Rien ne peut excuser des dépenses publiques par les gouvernements sur
des programmes de publicité avec de tels objectifs politiques et partisans.
Et encore moins d’excuse pour des fonctionnaires supposés être non
partisans de participer à ce type d’activité partisane, qui est profondément
corrupteur pour les institutions de la fonction publique. L’adoption de
l’approche ontarienne éliminerait les deux problèmes d’un trait de plume.
91
92
26
Canada 2020
Le Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale de l’Ontario établit les normes de
publicité du gouvernement, interdit la publicité à saveur partisane et exige du bureau
du vérificateur général d’examiner les publicités payées à l’avance de leur publication
publique pour faire en sorte qu’elles soient libres de toute partisannerie. Ontario, Loi
de 2004 sur la publicité gouvernementale, 2004. S.O. 2004, Chapitre 20. http://www.elaws.gov.on.ca/html/statutes/english/elaws_statutes_04g20_e.htm.
96
Bill Curry, “Government spends millions on ads for ‘Economic Action Plan’
that ended two years ago” The Globe and Mail, 25 January 2014. http://www.
theglobeandmail.com/news/politics/federal-ad-spending-exceeds-projections/
article16503725/.
97
Sophia Harris, “Canada Job Grant ads cost $2.5M for non-existent program:
commercials were part of $11-million fund to promote government as a job creator,”
CBC News, 13 January, 2014. http://www.cbc.ca/news/politics/canada-job-grant-adscost-2-5m-for-non-existent-program-1.2495196.
95
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Élément n o 4 de la charte
Deuxièmement, une charte de la fonction publique devrait établir des
règles qui établissent une distinction plus claire entre la communication
politique et celle purement institutionnelle, et interdire la participation
de la fonction publique dans la première. Il est difficile de comprendre
pourquoi quelque fonds public devrait être dépensés sur des activités
partisanes de communication. Entre autres choses, cela donne un
énorme avantage non justifiable au parti au pouvoir par rapport aux
autres partis. À mon avis, ce type de communication devrait être payé par
les partis mêmes plutôt que par le Trésor public. Mais si, pour quelque
raison, il semble irréaliste d’interdire complètement la communication
gouvernementale partisane, aucun fonctionnaire ne devrait prendre
part à cette activité. Il faudrait que ce soit le Bureau du Premier ministre
(BPM) et les bureaux des ministres – ce qui exigerait que ces bureaux aussi
soient assujettis à tous les instruments d’examen du public, notamment
la vérification et la Loi d’accès à l’information. 98 La responsabilité et
l’imputabilité pour faire en sorte que les fonctionnaires participent à
des activités de communication devraient être clairement assignées
aux sous-ministres dans leur rôle d’administrateurs comptables,
conformément à leur nouveau mandat de tracer la ligne entre les valeurs
de la fonction publique et du politique, et de faire en sorte que les
fonctionnaires (notamment eux-mêmes) demeurent du côté de la fonction
publique de la ligne, en l’absence de directive officielle et publique. Cela
ne signifierait rien de plus que de prendre au sérieux la politique actuelle
de communication et le Code des valeurs et d’éthique – de les prendre à
leur vraie valeur et de leur donner un pouvoir exécutif. Cela veut dire que
l’action doit correspondre au verbe.
Troisièmement, – comme corolaire de la recommandation antérieure – il
faut établir de nouvelles dispositions pour ce qui s’appelle actuellement
le secrétariat de la communication et de la consultation au Bureau
du Conseil privé (BCP). Ce secrétariat est la source de beaucoup du
comportement partisan qui s’est insinué dans les habitudes de la fonction
publique au cours des quarante dernières années. Le secrétariat de la
communication du BCP a été créé après l’élection de 1974. Ironiquement,
le greffier de l’époque – dont la nomination, comme je l’ai fait remarquer
plus tôt, a été souvent perçue comme un point tournant dans la politisation
et la centralisation de la fonction publique fédérale – a accepté la décision
avec réticence, de peur qu’elle ne mène au fil du temps à la politisation
du BCP.99 Les craintes du greffier étaient effectivement bien fondées,
et la tendance qu’il craignait tellement forme la pratique actuelle. Le
secrétariat de la communication du BCP a toujours existé dans la « zone
brouillée entre information et propagande et entre intérêt public et privé
»100 – en ce qui concerne la ligne de démarcation entre les valeurs du
politique et celles de la fonction publique, parfois tiré de l’autre côté de la
ligne, par la nature même de son travail.
Ce problème s’est accru depuis les années 1970, mais s’est nettement
aggravé sous la politique partisane agressive de l’administration Harper
et son approche centralisée à la communication, pour les responsables
élus et non élus uniformément. Depuis ses modestes débuts avec quelques
responsables dans les années 1970, le secrétariat à la communication
est devenue un monstre avec une centaine d’employés, presque 10 pour
cent de l’ensemble du personnel du BCP.101 La reductio ad absurdum de
ce secrétariat est l’unité de quatre personnes (y compris un directeur
EX-01), composé de fonctionnaires en principe non partisan, dont le
travail comprend la production des clips vidéo sur You Tube « 24 sept »
qui célèbrent et promeuvent les réalisations de Stephen Harper, comme
premier ministre.102 Il est temps de faire quelque chose à propos de ce
type d’aberration de la fonction publique. Et une charte de la fonction
publique devrait régler la situation pour établir les nouvelles règles des
la communication, règles qui contribuent à renouveler le caractère non
partisan et la philosophie de la fonction publique.
Communications from a former PCO official, 9 and 10 April, 2014.
David Brown, “The administrative dilemmas of government communications.” 1.
Thomas gives the figure of 100, Glenn suggests 91. Paul G. Thomas, “Communications
and Prime Ministerial Power,” in James Bickerton and B. Guy Peters, eds., Governing:
Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s
University Press, 2013), 73; Ted Glenn “The management and administration of
government communications in Canada,” 18.
102
Glen McGregor, “Stephen Harper’s little-watched self-promotional videos are
worked on by 4 staffers,” Ottawa Citizen, 25 March 2014. http://www.ottawacitizen.
com/technology/four+public+servants+help+produce+Harper+promotional+vid
eo/9658977/story.html.
99
100
101
98
David Brown notes that the “exempt staff” model, introduced in the early 1970s,
included “from the outset … twin features not found in any other area of public
administration: having parallel communications expertise in both public service and
exempt staffs; and providing direct ministerial oversight to both groups by a Cabinet
committee on communications.” David Brown, “The administrative dilemmas of
government communications.” 13.
27
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Élément n o 4 de la charte
Dans un monde idéal, une charte de la fonction publique pourrait
simplement abolir le secrétariat de la communication du BCP. Cela
contribuerait significativement, symboliquement et pratiquement,
au renouvellement de la fonction publique comme institution non
partisane. L’abolissement du secrétariat de la communication du BCP
ramènerait le BCP à sa condition et pratique d’avant 1974. Si cette
approche était adoptée, le leadership de la fonction « communication
» dans le gouvernement pourrait être transféré au Secrétariat du
Conseil du Trésor, qui a la charge de la politique de la communication,
et sa direction doit revêtir un caractère purement institutionnel et
opérationnel, conformément à la politique de communication.
Ces « nouvelles » règles ne seraient pas vraiment nouvelles. Elles
feraient faire à la fonction publique ce qu’elle dit faire déjà. Elles
forceraient la fonction publique à pratiquer ce qu’elle prêche. Elles
opérationnaliseraient ce que la fonction publique a déjà adopté,
officiellement, dans le Code des valeurs et d’éthique et dans la
politique de communication. Les leaders de la fonction publique ont,
malheureusement, montré qu’ils ont besoin de nouvelles règles et de
nouveaux outils pour le faire. Il est scandaleux, comme l’a fait remarquer
le Globe and Mail à propos de la stratégie du Plan d’action économique,
« quant tant de responsables élus ne comprennent pas la folie de
confondre État et parti ».103 Il est encore plus scandaleux lorsque les
leaders de la fonction publique font la même erreur.
Mais dans l’univers de la NGP, cette approche pourrait être irréaliste.
Dans un univers où la communication a acquis une grande place de la
gouvernance, il y aura toujours des discussions sur la communication au
niveau du cabinet, et par conséquent et, par conséquent, le raisonnement
pour un secrétariat du cabinet correspondant. Mais si c’est le cas,
la charte de la fonction publique devrait la contrôler, au moyen de
règles beaucoup plus strictes sur son rôle et ses fonctions, et assurer la
participation des fonctionnaires uniquement dans la communication
institutionnelle, opérationnelle et de programmation, et non dans
la commercialisation stratégique et politique du gouvernement
et de ses réalisations. Elle devrait responsabiliser le greffier à titre
d’administrateur comptable, pour qu’il s’assure que le personnel et
les activités du BCP appuient clairement les valeurs non partisanes
de la fonction publique, dans les travaux de communication du BCP
ainsi que dans tous les autres domaines La charte devrait limiter la
part des ressources du BCP qui peuvent être consacrées à cette partie
de son travail. Il devrait restreindre le BCP aux fonctions de secrétariat
du cabinet seulement, et précisément lui interdire toute activité
opérationnelle (comme le processus de SMÉ). Au lieu du processus de
SMÉ, la charte devrait simplement exiger que les sous-ministres, comme
administrateurs comptables, s’assurent que, dans toute les activités
de communication, les fonctionnaires respecte leurs obligations en
vertu du Code des valeurs et d’éthique et de la jurisprudence canadienne,
notamment leurs obligations envers le gouvernement actuel.
103
28
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The Globe and Mail, “Stimulus Cheques: Hypocrisy Blue and Red,” 16 October 2009.
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9
Introduction
CONCLUSION : RENOUVELLEMENT
DE LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE
COMME FONCTION PUBLIQUE
Le renouvellement de la fonction publique devrait signifier le renouveau de la vocation de
la fonction publique comme fonction publique. L’un des défauts des nombreux exercices de
renouvellement au cours des vingt-cinq dernières années est qu’ils ont souvent semblé vouloir
« renouveller » la fonction publique comme autre chose.104
Le renouvellement de la fonction publique comme fonction publique
exigera de mettre au clair deux types de confusion. L’un est celui de
la confusion entre un gouvernement et un Gouvernement. Et l’autre
est celui de la confusion entre le secteur public et le secteur privé. Ces
deux sont étroitement liés, et, en conclusion de ce document, je dirais à
propos des deux.
La confusion entre gouvernement et Gouvernement est la confusion
entre le gouvernement actuel et l’institution permanente du
Gouvernement du Canada qui sert et appuie le gouvernement, et
pour lequel le gouvernement est temporairement responsable. Cette
confusion explique – et sert à excuser – le brouillage de la ligne de
démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction
publique en général, et en particulier la récente explosion de
communication gouvernementale agressivement partisane.
104
n rapport de l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction
U
publique du Canada (APEX) fait remarquer que, sous sa formule initiale, Objectif
2020, le renouvellement actuel de la fonction publique semble largement se fonder
sur « des vecteurs de changement non seulement au gouvernement du Canada,
mais également pour tous les secteurs » et avait négligé les « qualités distinctives
» découlant du « rôle de la fonction publique » en tant qu’institution nationale
intégrale à notre démocratie parlementaire ». Par conséquent, APEX a recommandé
de mettre un nouvel accent sur les « Fondements de la fonction publique »,
notamment un « réengagement public » par le gouvernement envers les valeurs et
l’éthique de la fonction publique. Rapport sur Objectif 2020 (Ottawa: APEX, 28 Fév
rier 2014), 3-7. http://www.apex.gc.ca/uploads/key%20priorities/consultations/
apex%20report%202020%20-%20eng.pdf. Le point important qu’a soulevé l’APEX
ne semble pas avoir été compris, parce que la section sur les « Fondements de la
fonction publique » comprises dans Destination 2020, Objectif 2020 rapport d’étape
publié le 12 mai 2014, a peu de relation avec les « Fondements » démocratiques
auxquels faisaient référence l’APEX. Destination 2020 (Ottawa : Gouvernement du
Canada, 12 mai 2014), 24-7. http://clerk.gc.ca/local_grfx/d2020/Destination2020-fra.pdf.
Vous pouvez constater la confusion à l’œuvre dans la justification de
l’ensemble du processus de SMÉ donnée à Paul Wells par un des «
anciens conseillers principaux de Harper ». « Si quelqu’un a la mention
‘Gouvernement du Canada’ inscrite sur sa carte d’affaires » le conseiller
de Harper déclare agressivement : « il vaudrait mieux qu’ils parlent au
nom du gouvernement du Canada, et ‘gouvernement du Canada’ signifie
gouvernement du Canada ».105 C’est là un bon exemple « de sophisme de
l’équivocation ». Dans ce type d’argument fallacieux, le sens du terme est
modifié en cours d’argument, de manière que la conclusion ne découle
pas de la prémisse, comme elle semble le faire. Parce que les mots clés
ont changé de sens en cours de processus. L’« ancien conseiller principal
de Harper » semble prendre pour acquis que le Gouvernement du Canada
et le « Gouvernement Harper » ne font qu’un. Mais ils ne le sont pas.
Le Gouvernement du Canada n’appartient pas à Stephen Harper, ou
à toute autre formation politique. Si le Gouvernement du Canada
appartient à quelqu’un, c’est à la Reine ou au Gouverneur général (en
vertu des Lettres patentes de 1947), lesquels ne sont que les gardiens de
la démocratie parlementaire pour tous les Canadiens. Aucune action ou
mesure n’est prise au nom du premier ministre, en revanche elle est prise
au nom de la Reine ou du Gouverneur général. Bien sûr, les journalistes
et d’autres se réfèrent souvent au « gouvernement Harper » ou au «
gouvernement Chrétien » ou au « gouvernement Mulroney ». Toutefois,
ce faisant, ils ne font pas référence à l’institution du Gouvernement du
Canada, mais seulement au Ministère actuel (ou précédent) dans son
ensemble, le corps ministériel qui a temporairement la responsabilité de
diriger le gouvernment de la Reine au Canada, parce que – et seulement
parce que – il jouit actuellement de la confiance de la Chambre des
Communes. Les membres du Ministère sont temporairement les
fiduciaires pour le compte d’une institution permanente dont ils ne sont
pas les propriétaires, une institution qu’ils ont l’obligation de transmettre
– sans encombre, et même renforcée – à un futur Ministère, dès le
moment où ils n’ont plus la confiance du Parlement.
105
29
Canada 2020
Paul Wells, The Longer I’m Prime Minister, 37.
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Conclusion
L’administration Harper a constamment confondu leur ministère avec
le Gouvernement du Canada. Elle a toujours pensé que le Gouvernement
du Canada lui appartenait ou que c’était son jouet, à utiliser et abuser à
ses fins à court terme et partisanes. Il a confondu l’administration Harper
avec le Gouvernement du Canada, et a en plus obligé les fonctionnaires
fédéraux à faire de même. Il n’a pas agi en bon gardien de l’institution de
la fonction publique, dans le contexte d’une démocratie parlementaire.
Les fonctionnaires n’ont pas besoin de se faire dire qu’ils ne peuvent
pas dire (dans les mots charmants du « conseiller principal de Harper »)
« quelle que soit la foutue chose qui leur passe par la tête ».106 Il y a une
longue tradition de jurisprudence canadienne, notamment la fameux
jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas Fraser, qui explique
clairement que les fonctionnaires canadiens ne peuvent pas faire de
déclarations publiques contraires aux politiques du gouvernement qu’ils
servent.107 Sans mentionner que le Code des valeurs et d’éthique définit
clairement l’obligation de loyauté des fonctionnaires à leurs ministres.
Mais les fonctionnaires ne doivent pas non plus devenir des porteparoles partisans pour l’administration, répéter comme un perroquet
les arguments médias du gouvernement, à ses propres fins partisanes.
Cela ne correspond pas au rôle de la fonction publique fédérale à titre
« d’institution nationale importante, qui constitue une partie du cadre
essentiel de la démocratie parlementaire canadienne ».108 Une charte
de la fonction publique peut contribuer au renouvellement de ce rôle
démocratique, et corriger la confusion entre le « gouvernement » – le corps
ministériel temporaire – et le Gouvernement permanent du Canada.
Un autre type de confusion, étroitement lié au premier, est celui de la
confusion entre les secteurs privé et public. L’un des obstacles à ce type
de renouvellement plus approfondi est celui du modèle du secteur privé
qui a colonisé les esprits, même de nombre de leaders du secteur public.
À cause de ce modèle mental inconscient, nombre d’entre eux prennent
pour acquis que la fonction publique est comme une entreprise, et peut
être gérée de la même façon. Comme l’entreprise, la fonction publique
doit, par exemple, avoir un PDG. Par conséquent, est-il trop facilement
pris pour acquis, le premier ministre – et le greffier ou son adjoint – joue
les rôles de PDG de la fonction publique. Le premier ministre et le
greffier doivent ainsi disposer de tous les outils d’un PDG, notamment la
nomination de leurs « subordonnés », tels les sous-ministres. Cette prémisse
implicite mais erronée a mené à la nomination du greffier au poste de
« Chef de la fonction publique » dans la Loi de la réforme de la fonction
publique de 1992. Son influence soutenue peut également perçue dans
la lettre à propos du Rapport de la Commission Gomery envoyée au
premier ministre en mars 2006 par de nombreux fonctionnaires de
haut niveau et des leaders du secteur privé. Les signataires de la lettre
prennent simplement pour acquis que la fonction publique doit avoir un
PDG, et fondent leur opposition au changement à la manière dont sont
nommés les sous-ministres selon cette prémisse.109
109
Idem.
107
Canada, Fraser c. Commission des relations de travail dans la fonction publique,
[1985] 2 S.C.R. 455. (« Fraser »).
108
Secrétariat du Conseil du Trésor, Code de valeurs et d’éthique du secteur public (2003), 5.
106
30
Canada 2020
« Il est difficile de comprendre comment une grande entreprise survuvrait si ses
vice-présidents ey cadres supérieurs étaient choisis par un groupe indépendant
du PDG. Donc, le greffier du Conseil privé devrait continuer à être le conseiller du
[premier ministre] sur les nominations des sous-ministres ». Ehrenworth, « Lettre au
premier ministre Harper », 3
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Conclusion
Toutefois, la prémisse est fausse. Comme pour démontrer l’erreur de
cette prémisse, le gouvernement du R.-U. a décidé en automne 2011
de diviser les trois rôles que joue le greffier canadien pour avoir un
secrétaire général du Cabinet, un chef de la fonction publique et un
secrétaire permanent du bureau du Cabinet. On ne sait pas exactement
si le R.-U. a réussi à définir le modèle du bon leadership de la fonction
publique. Mais il est bon de se poser la question.110
Le gouvernement n’est pas une entreprise privée, la fonction publique
non plus. Parce que le gouvernement parlementaire est l’expression de la
confrontation démocratique et dépend de la préservation de la confiance
de l’ensemble des citoyens et des acteurs politiques, le principe structurant
des gouvernements n’est pas le commandement centralisé mais plutôt
l’équilibre délicat entre voix et autorités concurrentes. Contrairement aux
entreprises privées, les gouvernements sont volontairement structurés
de manière « pluraliste » ou multiforme, de manière que les nombreuses
fonctions soient assumées séparément, indépendamment l’une de l’autre,
ou à l’abri de ceux qui maîtrisent les leviers du pouvoir.111
L e chef du Civil Service du R.-U. est maintenant sous-ministre, mais pas le Cabinet
Secretary. En plus des autres obligations, il gère le cadre du Permanent Secretary
cet conseille conjointement avec le Cabinet Secretary (voir la note 78 ci-dessus).
En plus de ceux qu’il partage avec le Cabinet Secretary, les responsabiltés du chef
du Civil Service comprennent la mission d’être le « visage public » du Civil Service,
à l’interne et à l’externe; mener la gouvernance et la capacité du Civil Service à
titre de président d’organes de gouvernance clés; mener les 200 cadres qui ont la
responsabilité de la planification de la succession, de l’initiation, de la formation
et des récompenses et à titre de Senior Leadership Committee; mener la maind’oeuvre du Civil Service, notamment la planification d’ensemble, le recrutement, la
récompense, les relations industrielles, le système de rémunération, la réforme des
retraites, etc; et être le premier responsable de la bonne conduite du Civil Service,
et le gardien du Civil Service Code ». (United Kingdom, Cabinet Office, Candidate
Brief and Job Specification for Head of the Civil Service, October 2011, 2-3). Je suis
reconnaissant à Tony Dean qui m’a permis d’obtenir ce document. Voir également
le rapport du House Commons Select Committee on Public administration du R.-U.
sur les nouveaux arrangements des rôles du chef du U.K. Civil Service et du Cabinet
Secretary. United Kingdom, House of Commons, Select Committee on Public
Administration, Leadership of change: new arrangements for the roles of the Head of
the Civil Service and the Cabinet Secretary. Nineteenth Report of Session 2010-12.
17 January 2012. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm201012/cmselect/
cmpubadm/1582/158202.htm.
111
L orne Sossin, “Defining Boundaries: The Constitutional Argument for Bureaucratic
Independence and its Implication for the Accountability of the Public Service,” in
Canada, Commission of Inquiry (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité :
Études, Volume 2, 36
Ainsi, la recherche d’un PDG pour le gouvernement est aussi
inappropriée que la recherche d’un premier ministre ou d’un greffier
du Conseil privé dans une entreprise.112 Nombre de choses qui, dans
une entreprise privée, pourraient être assujetties au contrôle du PDG,
sont hors de portée d’un contrôle politique unifié. Le recrutement du
personnel constitue un exemple clair. Depuis 1918, les nominations dans
la fonction publique étaient contrôlées par un organisme indépendant
et non politique, la Commission de la fonction publique, précisément
pour s’assurer que les nominations sont non partisanes, et effectuée
uniquement sur le mérite. Mais le recrutement n’est pas le seul
exemple. L’administration financière constitue un autre exemple : la
Loi sur l’administration financière (LAF) octroie de nombreux pouvoirs
directement aux SM pour assurer une administration financière saine,
et améliorer la confiance du public.113
110
31
Canada 2020
our une perspective différente, voirsee Tony Dean, Tony, “Why the civil service
P
needs a chief executive,” The Guardian. Public Leaders Network. 19 October 2011.
http://www.guardian.co.uk/public-leaders-network/blog/2011/oct/19/why-civilservice-needs-ceo; “Why the civil service still needs a full-time chief executive,” The
Guardian. Public Leaders Network. 11 January 2012. http://www.guardian.co.uk/
public-leaders-network/blog/2012/jan/11/civil-service-still-needs-chief-executive.
Voir aussi Dutil, Patrice, ed., Searching for Leadership: Secretaries to Cabinet in
Canada (Toronto: University of Toronto Press and Institute of Public Administration
of Canada, 2008); Bourgault, Jacques. 2007. Les facteurs contributifs au leadership
du Greffier dans la fonction publique du Canada. Canadian Public Administration.
Vol 50. No. 4. (Winter 2007), 541-571; “Clerks and Secretaries to Cabinets: Anatomy of
Leadership,” in Dutil, ed. Searching for Leadership, 41-81.
113
E n vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité, c’est le chef adjoint qui est
responsable pour, entre autres choses, la définition des attributions et d’assurer que
ces attributions ne sont pas dépassés (s.31), contrôler les engagements imputables à
une appropriation (s.32), d’autoriser les paiements (s.34), d’assurer les capapcités de
vérification interne (s.16), préservation et contrôle des propriétés publiques (s.62), et
d’approuver les comptes officiels du ministère (ss.16 and 64.) Canada, Loi fédérale sur
la responsabilité (R.S.C. 1985, c.F-11).
112
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Conclusion
Dans le présent document, j’ai avancé l’argument que le Gouvernement du
Canada devrait maintenant adopter une approche résolument publique
pour ce secteur en ce qui concerne les nominations des SM, l’extension
du pouvoir de la CFP également au niveau des SM – une approche qui
pourrait sembler inadaptée au secteur privé, mais qui est essentiel
afin de protéger et d’améliorer le professionnalisme non partisan de la
fonction publique. Mais on pourrait dire la même chose sur le rôle de
l’administrateur comptable et de la communication gouvernementale.
L’approche du secteur public sur ces questions pourrait ne pas convenir
à une entreprise privée, parce que le principe du secteur privé est celui
d’un commandement unifié. Lorsque le conseiller principal de Harper
dit que le « ‘Gouvernement du Canada’ est le gouvernement du Canada
», il assume tacitement ce type de modèle de gouvernance. Il prend pour
acquis une approche centralisée et unifiée, qui dans le secteur public,
mine rapidement le gouvernement et détruit la confiance du public. Il
pourrait être raisonnable que chaque employé d’une entreprise répète le
même mantra corporatif. Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que
les fonctionnaires deviennent des porte-paroles enrégimentés pour une
communication partisane avec les médias, parce que cela porte atteinte à
la confiance du public et du parlement dans la fonction publique comme
institution professionnelle et non partisane, en mesure de servir tous les
partis en toute impartialité. La confusion des exigences de gouvernance
de la fonction publique avec celles d’une entreprise privée peut
grandement nuire au gouvernement parlementaire au Canada.
Le gouvernement parlementaire est l’expression d’une confrontation
démocratique. Il cherche à avancer des biens publics contestables
pour le compte d’un groupe de citoyens porteurs de droits et devoirs
dans un cadre de collectivité démocratique. Par conséquent, il est
détenteur de la confiance solennelle publique. Et son succès dépend
du développement et de la préservation de cette confiance. Dans une
démocratie parlementaire, la fonction publique devrait se conduire de
telle façon à retenir la confiance de tous les citoyens du Canada, et de
tous les concurrents démocratiques – non seulement le gouvernement
actuel – de manière à être disposée et capable de les servir, avec les
mêmes dévouement et professionnalisme, si et quand, à leur tour, ils
ont la confiance de la Chambre des Communes. Elle peut et doit être
politiquement réactive et, simultanément, demeurer (ou devenir)
volontairement non politique et non partisane.114 Effectivement, la
tension dynamique entre ces deux impératifs simultanés définit la
vocation d’une authentique fonction publique dans une démocratie
parlementaire.
114
Un récent rapport publié par le Forum des politiques publiques recommande que
les leaders de la foncton publique devraient élaborer « une plus grande acuité
politique ». Ce n’est pas faux. Mais pour être utile, plutôt que corrupteur, une telle
acuité politique a besoin d’être accompagnée par un sens vif de la frontière entre les
valeurs du politique et celles de la fonction publique, élément sur lequel le rapprot
du Forum est resté muet – bien qu’il ne reconnaît pas l’exigence pour les chefs de la
fonction publique « de fournir un conseil honnête et non partisan », et pour « parler
franchement de ces questions et avoir des conversations incomfortables avec des
collègues et des élus » Une fonction publique horizontale, flexible et tournée vers
l’avenir (Ottawa : Forum des politiques publiques, mars 2014), 11.
32
Canada 2020
Le Gouvernement du Canada n’appartient pas au Ministère au pouvoir.
Il appartient au peuple du Canada pour lequel les détenteurs du pouvoir
ne sont que les fiduciaires, désignés à cette fin par la Couronne parce
que, pour le moment ils jouissent de la confiance de la Chambre des
Communes. La fonction publique sert le Ministère loyalement et
fidèlement, avec chaque once de professionnalisme non partisan. Mais
la fonction publique dispose de son propre espace institutionnel, ses
propres valeurs, notamment son respect pour la démocratie. Et on ne
devrait pas la confondre avec le Ministère qu’elle sert.115
Le « bottom line » pour le secteur public, et pour la fonction publique,
n’est pas que financier. Leur « bottom line », c’est la confiance. La
confiance essentielle à la démocratie parlementaire. La confiance de
tous les Canadiens dans les institutions publiques et parlementaires.
La confiance de tous les acteurs politiques concurrents – pas seulement
ceux qui gouvernent – dans le professionnalisme non partisan de la
fonction publique. Et la confiance des fonctionnaires eux-mêmes.
Une charte de la fonction publique peut contribuer à restaurer ces trois
types de confiance par le biais d’un nouveau contrat moral, une nouvelle
entente, entre le parlement, les ministres et la fonction publique, un contrat
moral trilatéral en soutien à une fonction publique professionnelle
non partisane. Elle peut renouveler la vocation de la fonction publique
comme fonction publique.
Ce serait là un renouvellement de la fonction publique digne de ce nom.
115
Donald Savoie, “The Canadian public service has a personality,” Canadian Public
Administration. Vol. 49, No.3 (2006), 261-281.
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Introduction
RECOMMANDATIONS EN POLITIQUE
1. Afin de remplir son engagement unanime dans Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs
d’actes répréhensibles (2005), le prochain parlement devrait adopter une législation nommée Charte
de la fonction publique, qui établisse un nouveau contrat moral entre le parlement, le gouvernement
du jour et la fonction publique en soutien à une fonction publique professionnelle et non partisane.
2. La charte de la fonction publique devrait s’appuyer sur quatre piliers au moins :
i. valeurs et éthique de la fonction publique;
ii. consolider le rôle du sous-ministre comme administrateur comptable;
iii. réformer le processus de nomination des sous-ministres; et
iv. nouvelles règles pour la communication gouvernementale.
ÉLÉMENT N O 1 DE LA CHARTE :
VALEURS E T ÉTHIQUE DE LA
FONC TION PUBLIQUE
3. La charte de la fonction publique devrait définir les valeurs
et l’éthique qu’exige une fonction publique professionnelle et
non partisane, dont elle doit faire preuve et maintenir dans tout
son travail et conduite professionnelle.
4. La charte devrait exiger de la fonction publique, des ministres,
des membres du parlement et des sénateurs de respecter ces
valeurs et de protéger la neutralité et le professionnalisme d’une
fonction publique non partisane, de manière que les trois soient
légalement obligés de préserver l’intégrité et l’impartialité
de la fonction publique, et de gouverner leurs propres actions
conséquemment.
5. Outre les directives ministérielles écrites adressées aux
administrateurs comptables (recommandations 11-13, cidessous), la charte devrait interdire à tout le monde de donner
des instructions à un fonctionnaire qui soient contraires à
la charte et donner aux fonctionnaires les outils pour faire
respecter cette disposition.
6. La charte doit établir les obligations de la fonction publique
envers les ministres de la Couronne, et les obligations
ministérielles correspondantes envers la fonction publique.
7. La charte devrait également définir les principes et les règles
de base qui gouvernent la relation entre les fonctionnaires et le
parlement, surtout ses comités.
33
Canada 2020
Compétences et enseignement supérieur au Canada
ÉLÉMENT N O 2 DE LA CHARTE :
RENFORCER LE RÔLE DU
SOUS-MINIS TRE COMME
ADMINISTRATEUR COMPTABLE
8. La charte de la fonction publique devrait renforcer le rôle du
sous-ministre comme « administrateurs comptable ».
9. La charte devrait amender les dispositions de la Loi sur la
gestion des finances publiques pour qu’elles correspondent
mieux au modèle britannique.
10. La charte devrait définir (ou exiger du Conseil du Trésor
de le faire) un rôle positif plutôt que négatif pour les agents
comptables, surtout pour leur rôle dans la préservation des
valeurs de la fonction publique.
11. La charte devrait amender la Loi sur la gestion des finances
publiques pour donner (ou exiger du Conseil du Trésor qu’il
donne) aux administrateurs comptables les outils que
possèdent les administrateurs comptables britanniques,
pour tracer une ligne de démarcation entre les valeurs du
politique et celles de la fonction publique, et pour définir,
en termes concrets où se trouve la ligne de démarcation de
valeurs et d’action au-delà de laquelle les politiques prennent
la responsabilité. À cette fin, elle devrait remplacer les règles
de la Loi sur les finances publiques actuelle sur la résolution
des « désaccords » entre un ministre et un administrateur
comptable au moyen d’une simple exigence de demander
une « orientation ministérielle » écrite pour toute action
administrative dont le agents comptables refuse d’assumer
la responsabilité conformément aux valeurs de la fonction
publique définies par la charte.
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Introduction
12. La charte de la fonction publique devrait (ou exiger du
Conseil du Trésor qu’il le fasse) exiger des agents comptables
de tracer la ligne, non seulement pour les ministres, mais
également pour eux-mêmes et pour la fonction publique.
Elle devrait exiger des administrateurs comptables pour
s’assurer que la fonction publique – dans leurs actes et
conseils – demeure du côté de la ligne de démarcation tracée
par les valeurs et normes de la fonction publique, et qu’ils
ne s’aventurent pas sur un terrain où s’appliquent d’autres
valeurs et normes. Même si une ligne de conduite leur semble
raisonnable, sous d’autres motifs, les agents comptables
devraient exiger une orientation ministérielle officielle s’ils
pensent qu’ils ne peuvent recommander cela eux-mêmes, ou la
mettre en œuvre, ou en prendre la responsabilité, compte tenu
uniquement des valeurs de la fonction publique.
13. Si une orientation ministérielle officielle est donnée par
écrit, la charte doit exiger (ou exiger du Conseil du trésor qu’il
exige) des agents comptables d’envoyer copie au Secrétariat
du Conseil du Trésor, au vérificateur général et au Comité des
comptes publics de la Chambre des Communes.
14. La charte de la fonction publique devrait éclaircir la confusion
entrainée par la Loi sur la gestion des finances publiques (2006),
à propos de la définition et du locus de l’imputabilité des agents
comptables, en amendant la Loi sur la gestion des finances
publiques pour préciser que les agents comptables doivent rendre
compte au Conseil du Trésor et témoigner devant le Comité des
comptes publics de la Chambre des Communes.
ÉLÉMENT N O 3 : LA RÉFORME DU
PROCESSUS DE NOMINATION DES
SOUS-MINIS TRES
15. La charte de la fonction publique devrait établir un
nouveau processus de nomination des sous-ministres (SM),
par lequel le Commission de la fonction publique (CFP)
remplace le greffier du Conseil privé comme source non
partisane de conseil au premier ministre sur les nominations
des SM (et des sous-ministres délégués).
16. La charte devrait amender la Loi sur l’emploi dans la
fonction publique pour élever l’autorité de nomination du la
fonction publique de sous-ministre adjoint (SMA), auquel elle
s’arrête actuellement), pour inclure également les SM (et des
SM délégués).
34
Canada 2020
Compétences et enseignement supérieur au Canada
17. Les amendement de la charte touchant la Loi sur l’emploi
dans la fonction publique devrait accorder à la CFP l’autorité
juridique d’organiser des concours internes ou externes pour
les postes des SM (et des SM délégués), pour interviewer les
candidats et faire une recommandation (ou recommandations)
au premier ministre.
18. Les amendements de la charte à la Loi sur l’emploi dans
la fonction publique devrait accorder au premier ministre
l’autorité de demander à la CFP une autre recommandation
(ou d’autres recommandations).
19. Si des recommandations subséquentes par la CFP ne
s’avèrent pas satisfaisantes, la charte devrait également
autoriser le gouverneur en conseil à nommer unilatéralement
un SM, mais elle devrait exiger qu’une telle décision
unilatérale soit accompagnée d’un énoncé public et d’une
explication de la mesure par le premier ministre.
20. Selon le même principe, les amendements apportés par
la charte à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique devrait
prévoir que les sous-ministres ne puissent être mutés, promus
ou mis à pied qu’après un avis et l’accord de la Commission de
la fonction publique. Comme dans le cas des nominations, la
charte devrait exiger qu’également les exceptions à cette règle
soient accompagnées par une déclaration publique et une
explication de l’action du gouvernement par le premier ministre.
21. La charte devrait précisément stipuler que ces mêmes
procédures s’appliquent à la nomination et au remplacement
du greffier, comme pour les autres sous-ministres.
22. La charte devrait exiger que les futures nominations à la
Commission de la fonction publique d’avoir l’ancienneté, la
stature, la réputation et l’indépendance nécessaires à toute
personne qui doit jouer un rôle essentiel d’un conseiller non
partisan auprès du premier ministre sur la nomination des
sous-ministres. La charte devrait par conséquent rendre les
commissaires inadmissibles à de futures nominations au sein
de la fonction publique du Canada.
23. La charte devrait amender la Loi sur l’emploi dans la
fonction publique pour transférer le titre de chef de la fonction
publique du greffier du Conseil privé au Secrétaire du Conseil
du Trésor, le conseil de gestion du gouvernement.
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Introduction
ÉLÉMENT N O 4 DE LA CHARTE :
NOUVELLES RÈGLES POUR LA
COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE
24. La charte de la fonction publique devrait établir de
nouvelles règles pour la communication gouvernementale,
notamment les dispositions pour assurer que les fonctionnaires
non partisans ne soient plus impliqués dans les activités de
communication à saveur partisane.
25. Selon le modèle de la Loi de 2004 sur la publicité
gouvernementale de l’Ontario, la charte de la fonction publique
devrait interdire toute publicité gouvernementale à saveur
partisane ou politique, et établir les procédures appropriées
pour l’application de cette interdiction (comme l’examen
préalable de toute dépense de publicité par le vérificateur
général pour certifier que la publicité est non partisane,
comme en Ontario).
26. La charte devrait faire la distinction entre les activités
de communication à saveur politique, partisane ou de
commercialisation du gouvernement et la communication
purement institutionnelle ou d’information sur les programmes,
et interdire la participation de fonctionnaires à toute activité,
ou travail, liée à la politique partisane, conformément au Code
des valeurs et d’éthique et la politique de communication du
gouvernement du Canada.
27. La charte devrait affecter la responsabilité et l’imputabilité
pour assurer qu’aucun fonctionnaire ne participe à des activités
de communication partisane au sous-ministre, en vertu de leur
nouveau mandat mandat comme administrateurs comptables,
qui consiste à tracer la ligne de démarcation entre les valeurs de
la fonction publique et celles du politique, et d’assurer que les
fonctionnaires (y compris eux-mêmes) demeurent du côté de la
ligne de la fonction publique.
29. Si la charte n’abolit pas ce qui est actuellement nommé
le secrétariat de la communication et de la consultation du
Bureau du Conseil privé (BCP), elle devrait être circonscrite au
moyen de règles plus strictes à propos du rôle, de l’importance
et des fonctions, notamment :
i. s’assurer que les fonctionnaires participent uniquement
à la communication institutionnelle, opérationnelle et
d’information sur les programmes, pas de commercialisation
stratégique et politique du gouvernement et ses réalisations;
ii. limiter la part des ressources du BCP qui peuvent servir
au secrétariat de communication;
iii. limiter le BCP à des fonctions de secrétariat du cabinet
seulement, et lui interdire d’assumer quelque rôle opérationnel
que ce soit (comme le processus de SMÉ), mais exiger que
les sous ministres, comme administrateurs comptables,
s’assurent que dans toutes les activités de communication,
les fonctionnaires respectent leurs obligations en vertu du Code
de valeurs et d’éthique et de la jurisprudence canadienne,
notamment leurs obligations envers le gouvernement du jour;
iv. renforcer la responsabilité du greffier, comme agent
comptable du BCP, pour qu’il s’assure que le personnel et
les activités du BCP appuient intégralement les valeurs
d’une fonction publique non partisane dans les activités
de communication, comme dans tous les autres domaines
d’ailleurs.
28. Si, pour une raison ou l’autre, la charte n’interdit pas
complètement les activités de communication à saveur partisane,
elle devrait exiger qu’elles soient traitées exclusivement par
le Bureau du premier ministre (BPM) et par les cabinets de
ministres. En l’occurrence, la charte devrait assujettir réunir tous
ces bureaux sous un organe public de surveillance, notamment la
vérification et la législation de l’accès à l’information.
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