Nouvelle direction de Renaud-Bray – Lettre ouverte du

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Nouvelle direction de Renaud-Bray – Lettre ouverte du
«Comment je suis devenu précaire à 26 ans»
Par le comité exécutif du syndicat de Renaud-Bray affilié au SEPB-574 (FTQ)
Le 28 mai dernier, le journal Les Affaires publiait l’article « "Comment je suis devenu d.g. à 26
ans", par Blaise Renaud ». Cet article relatait l’épopée de notre jeune patron qui, à force
d’ambition et de fougue, est parvenu à se tailler une place dans le monde des affaires. S’il dressait
un portrait assez optimiste du rendement des librairies Renaud-Bray, il en va tout autrement pour
les employés qui, depuis quelques mois, souffrent des restructurations de l’entreprise et ont vu
leurs conditions de travail se dégrader.
Le retour du temps des fêtes ne s’est pas déroulé comme prévu. Suite à nos efforts soutenus
durant tout le mois de décembre, la direction nous attendait avec une surprise après avoir encaissé
les profits. Dans certaines succursales, plusieurs horaires ont été tronqués sans consultation
préalable, tandis qu’ailleurs nous avons perdu des collègues. Dans pratiquement tous les cas, les
mises à pied ont été faites de manière aberrante sans respecter les périodes de préavis, en
brandissant des tableaux truffés de chiffres comme prétexte à se débarrasser d’employés
d’expérience. Ni le syndicat, ni le personnel, n’ont été consultés pour trouver des solutions
alternatives. Ailleurs, comme à St-Bruno, Victoriaville ou St-Hubert, les coupures ont été
accompagnées d’un remaniement des horaires des chefs de département. Désormais, ces derniers
doivent travailler du mardi au samedi, sans considération pour leur situation familiale. Alors que
la plupart des entreprises tentent de favoriser la conciliation travail-famille, Renaud-Bray va à
reculons. Pas content? La porte est ouverte, tu peux partir! Disons que ça brise la « magie du
temps des fêtes »…
La direction n’a pas attendu longtemps avant de sanctionner la grogne des employés. En plus de
nous interdire d’en parler sur les lieux de travail, leur surveillance s’étire jusque dans la vie
privée. Ainsi, une employée à été suspendue trois jours après avoir critiqué la violence des mises
à pied sur son profil Facebook, pourtant privé. Dans une missive datée du 3 mars, Blaise Renaud
nous faisait connaître son intention d’évaluer notre rendement après avoir donné quelques coups
de hache dans notre travail au quotidien. L’« appréciation formelle de la performance » visait à
quantifier en points la valeur des employés. Si pour certains, cet exercice s’est révélé moins
pénible que prévu, d’autres en sont sortis déçus et frustrés en ayant l’impression d’avoir été
réprimandés injustement, notamment par rapport à des traits de personnalité. Gardons à l’esprit
que nous sommes plus que ces chiffres; nous sommes des personnes dotées de sensibilité et tout
ce resserrement administratif nous affecte personnellement comme professionnellement.
Comme si ce n’était pas suffisant, la haute-direction a aussi décidé de retirer tous les tabourets
qui étaient assignés aux postes de travail depuis des temps immémoriaux. Sans en abuser, les
employés pouvaient prendre deux minutes ici et là pour s’asseoir et se reposer. Or, les gérants
nous ont annoncé ce printemps que tout cela était terminé. Pourquoi? « Pour offrir un meilleur
service à la clientèle ». Il est difficile de comprendre comment on sert mieux les clients en ayant
mal au dos et aux jambes. Sans oublier que depuis le retrait des tabourets, plusieurs employés se
sont absentés pour des raisons liées à des problèmes de santé physique. Il a été impossible de
négocier quoi que ce soit avec la direction, pas même la possibilité d’offrir un tabouret aux
employés de soixante ans et plus. La seule alternative, pour les employés avec des problèmes plus
sévères, est de présenter un billet du médecin avec diagnostic, qui doit être envoyé aux ressources
humaines et approuvé avant de pouvoir bénéficier d’un tabouret. La rentabilité seule ne saurait
justifier une telle décision. Ici, il est surtout question d’intériorisation du bon-vouloir patronal.
En avril dernier, Geneviève Vincent-Payant, directrice des opérations, nous faisait parvenir un
communiqué concernant l’entretien ménager des succursales. On pouvait y lire que l’entretien
des succursales de moins de 10 000 p2 serait désormais assuré par les employés afin de réduire
les dépenses de l’entreprise. Cette nouvelle mesure touche une dizaine de succursales, dont celles
de St-Jérôme, Sherbrooke et Victoriaville. Les employés doivent donc récurer les toilettes et laver
les planchers, en plus de leurs tâches habituelles. Rappelons que cette décision est annoncée à
peine deux mois après avoir coupé dans les heures travaillées en succursale. Le syndicat n’a pas
été consulté, malgré deux ans et demi d’investissement dans un processus de médiation
préventive, qui visait notamment à obtenir la reconnaissance de l’expertise des employés.
Visiblement, pour Renaud-Bray, on promeut la culture comme on manie du détergent. Jusqu’où
ira le mépris de notre savoir-faire?
En à peine quelques mois, nous avons vu deux ans de médiation être complètement défaits pour
des raisons qui dépassent la rentabilité. Nos gérants nous le répètent fièrement : « ce n’est que le
début, d’autres changements viendront ». Nous leur répondons que ce n’est que le début de notre
colère. Non seulement nous avons des conditions de travail à défendre, mais aussi une librairie
qui est avant tout un lieu d’échange et de transmission de culture, et non une business sans autre
âme qui l’habite que celle du profit.
Marie-Christine Journdenais, présidente ; Camille Robert, vice-présidente ; Philippe-Olivier
Tremblay, vice-président ; Jessica Ascher, secrétaire