Reportage - Rotorwings

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Reportage - Rotorwings
MAGAZINE
Reportage
nes, la dernière étape pour lancer concrêtement
le projet est survenue le 30 juin 2012, à l’occasion
de la Flugplatzfest, la fête de l’aérodrome organisée pour l’anniversaire des 60 ans de l’aéro-club
de vol moteur à Timmersdorf (LOGT).
L’équipe des trois pilotes de voilures tournantes
a alors bénéficié de l’enthousiasme de Hannes
Arch, le pilote de voltige autrichien qui a rejoint,
aux commandes d’un Edge 540, le Red Bull
Air Race World en 2007 avant de remporter ce
championnat du monde privé en 2008. Ce dernier avait alors implanté sa base logistique à Timmersdorf, durant plusieurs années, avant de
rejoindre l’aéroport de Salzbourg.
La signature
rapide avec
un sponsor
a permis de
mettre sur pied
la patrouille
en quelques mois
seulement.
mier autogire a avoir été classé en ULM en Allemagne. Il fait aussi partie de la classe 4 ULM en
France (cf. Piloter n°41, dossier Autogires). Deux
machines sont motorisés Rotax 914, motorisation plus gourmande en carburant que le 912S
mais offrant un peu plus de puissance, un point
positif quand on sait que le trio évolue régulièrement en région montagneuse.
Trois autogires et trois pilotes
Le leader des Rotorwings est Peter Metzger, un
chirurgien dont la passion pour “tout ce qui défie
la gravité” remonte à plusieurs décennies. En
1981, il a débuté par des modèles radiocommandés. En 1989, il obtient sa licence de pilote de planeur et découvre, peu de temps après, le monde
du parapente où il fait la connaissance d’Otmar
Zotter. C’est le début d’une longue amitié qui se
traduira, en 1997 et en 2006, par l’acquisition d’un
paramoteur et d’un autogire.
Otmar Zotter est l’ailier droit. C’est en 1988 qu’il
a entendu pour la première fois le slogan “Red
A la recherche d’un sponsor…
Pour le trio, il s’agit à cette époque de trouver un
sponsor afin de diminuer les coûts liés aux entraînements en vol et aux convoyages vers les manifestations. Avec un sponsor bien connu en Autriche pour sa collection d’avions anciens dont
quelques warbirds, la question a été posée à Red
Les Rotorwings
Une patrouille d’autogires…
OTER
PIL
Première
patrouille
à utiliser
des autogires,
les Rotorwings
sont opérationnels
depuis cette
année.
être, en vol, le maintien de la distance adéquate
de séparation du fait de la spécificité de leurs
machines et de leurs voilures tournantes…
Une valeur a minima génère évidemment un
risque significatif de voir les pales de deux rotors
entrer en contact avec des conséquences désastreuses. Mais il faut garder aussi une distance
“acceptable” pour maintenir le concept de
patrouille. La conséquence logique pour garder
un bon niveau de sécurité a été de tabler sur la
nécessité d’un entraînement constant et régulier, un paramètre absolument essentiel pour
mener à terme le projet dans des conditions
satisfaisantes de sécurité.
Avec tous ces questionnements et débats inter-
Bull. La présentation du projet, avec une
patrouille unique au monde du fait des aéronefs
utilisés, le tout complété de quelques vidéos va
entraîner un accord quasi-immédiat du sponsor.
La seule condition est bien sûr d’assurer la sécurité des pilotes et des spectateurs. C’est ainsi que
la patrouille des Rotorwings a fait cette année
son arrivée dans les meetings.
Pour les machines, le monotype retenu est le
MTOsport, un autogire biplace en tandem produit par le constructeur allemand Auto Gyro
GmbH, implanté à Hildesheim. Dernière évolution de son modèle MT03, cet appareil est le pre-
Trois amis,
réunis par
la passion
du pilotage
d’autogires,
ont décidé
un jour de créer
une patrouille
pour des
présentations
en meeting…
Bull vous donne des ailes”. Il comprend immédiatement que son activité de parapentiste correspond parfaitement à cette affirmation publicitaire. Il contacte donc le siège de Red Bull à
Salzbourg qui, à cette époque, se trouve dans un
appartement de cinq pièces. Il obtient un rendezvous du chef d’entreprise Dietrich “Didi” Mateschitz, désormais directeur général du groupe.
Depuis ce temps, 26 années de collaboration ont
scellé des relations…
La place de l’ailier gauche est assurée par Harald
Kraschitzer, un ingénieur électricien, patron d’une
société spécialisée dans le domaine de la vidéo.
OTER
eter Metzger, Otmar Zotter et Harald Kraschitzer, unis par la passion du pilotage et de
la troisième dimension, et possèdant de plus
chacun un autogire, sont trois amis autrichiens
dont le plaisir est d’être présents à des meetings
ou à des manifestations aériennes. De fil en
aiguille, d’opportunités en coups de chance, de
discussions en échanges divers, l’idée à ainsi fait
son chemin de former une… patrouille.
En faisant progresser le projet lors de nombreuses discussions, ils sont passés au stade suivant en
considérant que leur niveau d’expérience en vol
était suffisant, Peter et Otmar ayant leur autogire depuis l’année 2006 et Harald depuis 2008.
Mais le principal problème à gérer s’est avéré
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La première patrouille à faire appel à des autogires
pour ses démonstrations en meeting…
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Alberto Pericoli
Photos de l’auteur. Trad. F. Besse
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Reportage
aux questions du public. D’autres présentations
ont eu lieu en août et l’agenda de la rentrée évoquait en autres des meetings le 7 août à Kapfenberg et à Zell am See.
Une journée d’entraînement
à Timmersdorf
Depuis 1995, il réalise régulièrement des courts
métrages sur la pratique du pilotage et, en 2008,
après avoir obtenu son brevet de pilote, il a développé un système de stabilisation afin de pouvoir
filmer à partir d’un autogire.
La conception de la future livrée des machines a
dû prendre en compte la “marque” de la ville
Fuschl am See et, après approbation de Red
Bull, les trois autogires ont rejoint l’atelier
Lagermax, à proximité de Salzbourg, pour recevoir leur décoration chatoyante.
La logistique de la patrouille est assurée par le
sponsor Red Bull, qui a fourni trois remorques
fermées, un hangar transportable, équipé de
panneaux solaires pour bénéficier d’une source
d’énergie indépendante sur les différents aérodromes, le tout ayant posé le problème du choix
d’un véhicule avec une remorque à tracter
atteignant 1 800 kg. Après l’étude de plusieurs
solutions, Harald a considéré que la meilleure
consistait à retenir la Range Rover “Evoque”.
Après accord et participation financière du
bien déjà connu sponsor, il a ainsi été décidé
d’acquérir trois véhicules…
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Jetés rapidement dans le bain…
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Tout ce développement s’est déroulé sur une
courte période, entre décembre 2012 et mars
2013. La première présentation officielle a eu
lieu le 1er mai dernier, à Podersdorf am See, sur
les bords du Neusiedler See, un lac s’étendant
sur 315 km2 à la frontière entre l’Autriche et la
Hongrie. La démonstration du trio s’est faite le
long des berges, au bénéfice de la foule de spectateurs venus suivre la Coupe du monde de surf.
Le résultat a été concluant, la présentation cap-
Du fait du risque
lié aux rotors,
la distance entre
les appareils
est d’environ 25 m
lors des
évolutions…
Le domaine
de vol des
autogires permet
de rester
constamment
devant le public
avec un faible
volume utilisé.
tant l’attention du public jusqu’au grand final,
avec l’utilisation de feux pyrotechniques. La
seconde présentation s’est déroulée les 28 et 29
juin, la patrouille ayant été invitée à l’Air Power
2013, une manifestation aérienne de niveau international, ayant lieu tous les deux ans sur la base
aérienne de Zeltweg.
Cette édition a enregistré la participation record
de 300 000 spectateurs, avec la présentation de
plus de 250 aéronefs aux couleurs de 20 nations.
Le public est venu pour voir les présentations des
meilleures patrouilles acrobatiques mais aussi des
avions d’armes et des appareils historiques.
C’est au coeur d’un tel plateau que les Rotorwings ont évolué, occupés ensuite par la signature de nombreux autographes et les réponses
Pour l’heure, alors que l’été s’est enfin décidé à
entrer en scène, la patrouile des Rotorwings s’entraîne à Timmersdorf, faisant évoluer son programme avec quelques modifications des figures.
Les conditions météorologiques sont idéales. En
l’absence d’une protection efficace, les entraînements et les présentations ne se font pas par
conditions pluvieuses.
Par contre, les conditions venteuses ne constituent
pas un problème, l’autogire s’accommodant bien
de vents forts même s’il n’est pas toujours facile
de réaliser des manœuvres précises si l’atmosphère devient vraiment turbulente.
Le programme du jour est de réaliser au moins
deux vols d’entraînement, voire un troisième s’il
reste du temps. Pour débuter, Peter, Otmar et
Harald répètent le programme au sol, évoluant à
trois lors d’une répétition de toutes les manœuvres prévues dans leur présentation en vol. Tout
doit se dérouler sans la moindre hésitation, sans le
moindre doute.
Puis vient le temps de la visite prévol et du
contrôle des machines, en vérifiant notamment la
cellule, les parties mobiles mais aussi les multiples
connections électriques, notamment pour mettre
en œuvre les feux d’artifice positionnés des deux
Les MTOsport
ont reçu des pods
de fumigènes
installés sur
les carénages
des trains
principaux.
Ils sont
complétés
par des systèmes
pyrotechniques.
Deux des trois
MTOsport
sont motorisés
Rotax 914,
le troisième
en Rotax 912S.
côtés de chaque machine, sur les carénages des
roues principales. Pour la saison 2012, les “charges” pyrotechniques sont au nombre de trois mais
elles devraient passer à cinq dès l’an prochain.
Puis le trio se transforme en une seule patrouille
quand les pilotes trouvent place simultanément
dans leur cockpit, serrent quasiment à l’unisson
leurs harnais et mettent leurs casques de façon
synchrone.
Les deux Rotax 914 UL2 et le 912 ULS démarrent, le contact est pris sur la fréquence 123.45
et, après les dernières instructions du leader, les
trois autogires roulent déjà sur le taxiway, dans
l’ordre des positions au sein de la patrouille :
Peter en n°1, Otmar en n°2 et Harald, le n°3, fermant la marche. Arrive ensuite le signal du pré-
© Flying Bulls
© DR
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Reportage
RED BULL
ET L’AVIATION
En 1987, Dietrich Mateschitz lance une “boisson énergisante” sous
le nom de Red Bull et le succès est dû en large partie à une stratégie de sponsoring de divers sports extrêmes. La partie aéronautique, dénommée The Flying Bulls, prend corps avec l’acquisition
progressive d’avions anciens et d’hélicoptères. Désormais société à
part entière, elle est animée par un groupe de fans convaincus par
leur travail. Cette imposante collection est basée dans les Hangars
7 et 8 à Salzbourg, Autriche. Le premier, un chef-d’oeuvre technologique ouvert en août 2003, fait office de showroom et de restaurant, avec un volume de 64 300 m3 réalisé avec 380 tonnes de
verre. Le second, en face, sert de “laboratoire” aux opérations techniques, avec le siège de la société. Tous les appareils sont en parfaites conditions de vol, allant d’un Douglas DC-6B au Bolkow Bo-105
via un superbe Lockheed P-38L ou un Alphajet. Les Flying Bulls
sponsorisent aussi la patrouille de voltige tchèque, The Flying Bulls
Aerobatic Team, avec quatre Zlin 50LX, ainsi que le duo de planeurs
Blanix et leurs Let-23 Blanik, sans oublier quelques pilotes comme
le fameux champion de voltige hongrois Peter Besenyei et
l’Autrichien Hannes Arch. La Red Bull Skydive Team, avec 6 chuteurs, compte déjà plus de 20 000 sauts.
En 2003, la volonté d’introduire un nouveau concept de course
mène à la création de la Red Bull Air Race, une compétition de
vitesse sur un circuit constitué de pylônes gonflables, organisée
dans de grandes villes. Elle a été suspendue en 2010 pour en revoir
les modalités, avec une reprise attendue en 2014 après une expérimentation réalisée en juin dernier en Slovénie.
Enfin, il faut également rappeler l’implication de Red Bull à la réalisation du saut de Felix Baumgartner le 14 octobre 2012, depuis une
capsule à 39 045 m d’altitude. Le chuteur a passé le mur du son,
atteignant 1 342,8 km/h. ■
www.hangar-7.com/en/the-flying-bulls/the-flying-bulls
Les Rotorwings
apportent
aux meetings
une touche
originale avec
un type d’aéronef
peu souvent
présenté lors
de manifestations
aériennes,
surtout
en patrouille.
lancement du rotor… “Maintenant” ! Les rotors
doivent atteindre un régime donné avant de
confirmer l’ordre du décollage. Les trois autogires sont alors positionnés sous la forme d’un triangle isocèle. Si la largeur de la piste le permet,
le leader décolle le premier, suivi avec quelques
secondes de retard des deux ailiers décollant
simultanément.
Charges pyrotechniques
et feux d’artifice
Accélération, rotation et montée rapide avant de
prendre l’écartement fixé à 25 mètres entre les
trois appareils, une valeur retenue pour des questions de sécurité et aussi à la demande du spon-
sor. Les séparations et rassemblements de la
patrouille, selon le programme de figures établi
pour la saison, se font à une vitesse moyenne de
80 à 90 km/h et à une hauteur maximale de 150
mètres. L’autogire permet ainsi de rester dans un
volume très restreint si besoin, en gardant constamment l’attention du public.
Le show arrive bientôt à sa fin et Peter, sur la fréquence, indique à ses ailiers de préparer les feux
d’artifice. Les numéros 2 et 3 répondent aussitôt
par “Deux… OK” et “Trois… OK”, permettant
peu après à Peter d’annoncer à la radio : “Feux
d’artifice, bouton vert… maintenant !”.
Les trois autogires dégagent alors de chaque côté
une importante fumée de couleur verte, et la chorégraphie associée va durer une bonne minute.
C’est le prélude à l’apothéose finale, obtenue
avec les six “chutes d’eau” pyrotechniques, renforcées par une ressource marquée des appareils.
Le tout a évidemment encore plus d’impact
visuel quand la patrouille évolue sur un fond de
ciel couvert ou au crépuscule…
De retour au parking, après vérification, la
consommation de carburant aura été approximativement de 15 litres de carburant automobile,
confirmant que la présentation peut se dérouler
avec le réservoir à moitié plein, afin de réduire la
masse au décollage et ainsi bénéficier de meilleures performances.
Parmi les interrogations nées durant la présente
saison figure la nécessité d’une musique de fond,
pour accompagner la présentation, avec ici ou là
des effets sonores mais il faudra sans doute atten-
■■■
Pour aller
plus loin…
La patrouille
Rotorwings
Formation Team
dispose de son
propre site
spécifique
(en allemand)
avec notamment
photos et vidéos
http://www.rotorw
ings.at
■■■
dre la saison prochaine pour découvrir le résultat
en pratique.
Et l’an prochain…
L’agenda des Rotorwings n’est évidemment pas
encore établi pour la saison 2014 mais selon
quelques “fuites”, la patrouille se verrait bien
participer à la Coupe du monde de ski prévue
à Kitzbühel, pour retrouver le succès obtenu à
la Coupe du monde de surf cette année ou
encore lors du Grand Prix d’Autriche, tout en
notant au passage que le championnat du monde
de formule 1, si cela se confirme, verra une
épreuve se dérouler le 6 juillet prochain sur le
Red Bull Ring à Spielberg… ■

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