Pour lui, toute occasion est bonne à vendre

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Pour lui, toute occasion est bonne à vendre
JAN 13
Mensuel
OJD : 108455
Surface approx. (cm²) : 770
N° de page : 24-25
13 RUE HENRI BARBUSSE
92624 GENEVILLIERS - 01 73 05 45 45
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Portraits
ROGER BEILLE PRÉSIDENT FONDATEUR DE CASH EXPRESS
Pour lui, toute occasion
est bonne à vendre
Pas de site marchand, pas de livraison... Ce pro de la distribution gère à l'ancienne
ses IOU magasins d'achat-vente d'occasions. Tout en affichant des marges insolentes.
^ empes grisonnantes, chemise ouverte sur
une chaîne en or, torse bronzé en plein
mois de novembre : Roger Beille détonne
au milieu des jeunes cadres parisiens en
costume-cravate. Le président de Cash
Express débarque tout juste d'Aix-en-Provence, où se
trouve le siège de la chaîne de vente d'objets d'occasion. Quarante-huit heures plus tôt, il était à Nantes.
Dans deux jours, il mettra le cap sur Antibes. Avec
toujours le même entrain. «Alors, Nicolas, comment
va ton bébé ?» demande-t-il avec son accent du
sud au directeur du magasin de Beaubourg, dans le
3e arrondissement de la capitale. Claquements de
bises pour les uns et tutoiement pour tous, Roger
Beille, 61 ans, est un patron à l'ancienne, un brin paternaliste, qui n'aime rien tant que le terrain.
Et en ce moment, il est servi. «J'ai inauguré une dizaine de Cash Express en 2012 et on devrait en ouvrir
une vingtaine en 2013», se réjouit-il, sourire de séducteur en bandoulière. A ce train-là, le réseau devrait vite
devenir le leader du marché de l'occasion. Pour
l'heure, avec sa centaine de magasins et son chiffre
d'affaires de 85 millions d'euros en 2012, il est au
coude-à-coude avec Cash Converters et Easy Cash.
"Old school" mais pragmatique. La crise? Roger Beille
ne la craint pas. Au contraire, elle lui amènerait plutôt
des clients. Car dans ses magasins on trouve tout, ou
presque, à prix serrés : DVD à 4 euros, liseuse dernier
cri à 69 euros, iphone 4 à 320 euros, mais aussi machines à café, pianos, vélos... Sa force face aux géants du
Net que sont eBay ou Leboncoin.fr ? Il paie en cash
(ou sous forme de bons dachat) et sur-le-champ les
particuliers qui lui apportent leurs biens. En revendant la marchandise en général 50% plus cher en boutique, il dégage une rentabilité moyenne estimée à environ 10%. Une performance à faire pâlir d'envie la
grande distribution, qui dépasse à peine les 2%.
T
CASH2
9887274300507/GGF/OTO/3
BIO EXPRESS
1968
Entre à la SNCF,
à 18 ans.
1978
Débute chez Metro
comme stagiaire.
1983-1988
Embauche par
Monoprix, il
dirige plusieurs
magasins à Paris.
1990
Rachète pour
1 franc symbolique
un supermarché
àl'llle-sur-Têt,
dans sa Catalogne
natale, et le
revend trois ans
plus tard près de
2 millions d'euros.
2002
Crée Cash Express
avec une quinzaine
de franchises
et en prend la
présidence.
,20/3
Ouverture du
103e magasin.
En fait, le secret du succès de Cash Express, c'est que
Roger Beille ne s'est jamais laissé tenter par les sirènes
du Web. «Les nouvelles technologies et lui ça fait deux,
s'amuse Arnaud Guérin, le directeur du réseau. Il est
plus adepte du téléphone et du fax que des e-mails.»
Quand les sites marchands ont commencé à fleurir,
les franchises se sont empressés de demander la permission de créer le leur. Refus catégorique du boss.
«Un produit d'occasion est par définition unique, on
ne peut pas le vendre via deux canaux différents», explique-t-il. «Old school», le patriarche ? Oui, mais pragmatique : il autorise les franchises à vendre les objets
rares ou de collection qui ne trouvent pas preneurs en
magasin sur les sites spécialisés ou sur Leboncoin.fr.
Méthodes déroutantes. Roger Beille connaît le marché
de l'occasion mieux que quiconque. Quand la chaîne
australienne Cash Converters débarque en France en
1998, il est un des premiers à se lancer en ouvrant une
franchise à Perpignan, sa ville natale. «Les clients ont
vite afflué, mais lenseigne a accumulé les bourdes»,
résume l'entrepreneur. A cause d'une communication
maladroite, elle est clouée au pilori par la presse, qui
l'accuse de profiter de la misère des gens. Résultat : elle
rate son entrée en Bourse et dépose le bilan en 2000
(avant d'être rachetée puis relancée quèlques années
plus tard). Mais Roger Beille ne baisse ni les bras ni le
rideau! «Il a contacté un par un la vingtaine de franchises restés sur le carreau et nous a convaincus de nous
associer pour monter notre réseau», se souvient Pierre
Alaniesse, l'un des membres du comité de décision de
Cash Express. Un coup de peinture et une nouvelle
enseigne plus tard, les voilà tous repartis en 2002.
Pas question de répéter les erreurs des Australiens :
le Catalan veut professionnaliser le réseau. Ses méthodes sont déroutantes, mais efficaces. «On ne pouvait
plus continuer à estimer les objets "a vista de nas"
- "à vue de nez" - à partir de catalogues La Redoute,
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résume-t-il J'ai donc embauche un gendarme à la retraite qui a relevé durant un an les prix des produits
d'occasion dans le sud de la France » Cette étude tarifaire peu orthodoxe lui permet d'établir un code argus consultable par tous les membres du réseau.
Exploiteur, moi, jamais! Pour ne pas être accusé de recel, il demande aux clients de présenter une carte
d'identité et toutes les transactions sont filmées II entreprend aussi de repositionner l'image de la profession, entachée par les errements de Cash Converters,
avec une stratégie de communication décalée. Les affiches publicitaires qu'il imagine déconcertent ses associés. On y voit des balles de tennis qui tombent du
ciel, avec la mention «Mille balles sans rien faire», ou
encore un homme déguisé en Miss France qui dit: «II
y a plus simple pour empocher du cash rapidement !»
«Je ne voulais pas qu'on souffre de l'image d'exploiteur
CASH2
9887274300507/GGF/OTO/3
tt Je ne
profitepas
despauvres,
je donne plus
depouvoir
d'achat à mes
clients, souvent
imm
qui collait à la peau de Cash Converters», explique posément ce fils d'ouvrier, avant de s'emporter: «Je ne
suis pas là pour profiter des pauvres maîs pour donner plus de pouvoir d'achat a nos clients, dont 63%
sont des CSP+ !» Une colère sincère, selon son vieil
ami de la SNCF, Jean-Louis Petit, qui a fait les troishuit avec lui durant sept ans à Juvisy (Essonne). «La
précarité, il l'a connue à 18 ans quand on dormait, entassés à 60, au foyer des célibataires.»
Quinze ans dans la distribution. Maîs le charisme ne suffit pas et e est surtout I expérience de Roger Beille dans
la distribution qui inspire confiance à ses associés
L'aventure commence chez Metro, où il entre en 1978
comme stagiaire. Puis chez Unipnx (l'ancêtre de
Monoprix), où il pilote notamment le magasin de la
rue de Rennes, à Paris «C'est là que j'ai appris à diriger 200 personnes et à gerer les clients. Quand Serge
Gainsbourg refusait d'éteindre sa cigarette en entrant,
il fallait faire preuve de doigté», confie-t-il en allumant
lui-même un cigarillo. En 1990, il rachète pour I franc
symbolique un supermarché Lion (devenu Shopi) au
bord du dépôt de bilan, dans les Pyrénées-Orientales.
Trois ans lui suffisent pour le redresser et empocher
près de 2 millions d'euros en le vendant à Champion.
Maîs il faut aussi des épreuves pour se tanner le cuir.
En 1997, a 44 ans, Roger Beille ouvre un pressing Clean
Discount à Perpignan : «Je n'y connaissais rien, maîs
le concept cartonnait à Pans. Alors, sans même étudier
le marché local, j'ai investi 500000 euros dans un magasin que j'ai dû céder à perte un an plus tard.» L'échec
sert de leçon à celui qui a arrêté l'école à 14 ans, avant
de décrocher son bac à 26 ans grâce aux cours du soir
Quand il fonde Cash Express, Roger Beille décide
d'appliquer au marché de l'occasion les bonnes vieilles
règles de la grande distribution. Ses magasins ressemblent d'ailleurs à s'y méprendre à des hypermarchés.
C'est une des clés du succès de lenseigne: les clients
ne se sentent pas dévalorisés en entrant Et pour s'assurer que les franchises respectent le concept, il avale
chaque semaine des centaines de kilomètres. «Il ne
supporte pas qu'on laisse les cartons traîner comme
chez les déstockeurs», raconte Pierre Alamesse «Et il
veut voir toutes les télés allumées, comme chez Darty
ou a la Fnac», renchént Frédéric Bertmet, gérant de
trois magasins. Son coup de maître, c'est d'avoir offert
aux clients une garantie gratuite durant trois mois
Depuis 2010, une extension (à partir de 4,99 euros)
sur un ou deux ans leur assure même le remboursement du produit en bons d'achat «On était sceptiques,
mais ce système a permis de lever les réticences des
clients vis-à-vis de l'occasion», salue Arnaud Guérin
Ses concurrents n'ont d'ailleurs pas tardé a lui emboîter le pas Qu'importé ' Si Roger Beille n'est pas encore
prêt à prendre sa retraite, il a arrête de stresser depuis
longtemps. •
Amélie Cordonnier
Eléments de recherche : CASH EXPRESS : chaîne de magasins d'achat/vente de produits d'occasion, toutes citations