Lésions endo- parodontales : approche thérapeutique

Transcription

Lésions endo- parodontales : approche thérapeutique
Yasmina OUCHÈNE1
Anne-Margaux COLLIGNON2
Denis BOUTER3
Lésions endoparodontales :
approche thérapeutique
1- Assistante hospitalo-universitaire,
université Paris Descartes, service
odontologie du groupe hospitalier
Henri Mondor
2- Attachée hospitalo-universitaire,
université Paris Descartes
3- Maître de conférences, praticien
hospitalier, université Paris Descartes,
service odontologie du groupe hospitalier
Henri Mondor
Accepté pour publication :
5 mars 2013
Les auteurs ont indiqué n’avoir aucun
conflit d’intérêt concernant cet article.
Perio-endo lesions:
therapeutic approach
RÉSUMÉ
ABSTRACT
L’endodonte et le parodonte représentent deux entités intimement liées que l’expression « continuum endo-parodontal » illustre bien. La notion de pathologie endo-parodontale est ancrée dans les préoccupations et le vocabulaire des
praticiens depuis les années 1960.
Que la pathologie soit d’origine endodontique et/ou parodontale, ce sont les tissus parodontaux qui sont agressés et
leur guérison relève de l’établissement d’un diagnostic précis et d’une thérapeutique adaptée.
Cet article a pour objectif de faire le point sur les connaissances indispensables à l’appréhension des lésions endoparodontales (voies de communication, classifications) et
d’illustrer les démarches diagnostique et thérapeutique à
travers trois cas cliniques.
The endodontic and periodontal tissues represent two closely related entities that the term endo-periodontal continuum illustrates. The notion of endo-periodontal disease is
rooted in practioners concerns and vocabulary since the sixties.
Whatever the pathology have an endodontic and/or a periodontal origin, the periodontal tissues are attacked and their
healing depends on the establishment of an accurate diagnosis and an appropriate therapy.
This article aims to review the fundamental knowledge on
endo-perio lesions (pathways, classifications) and to illustrate the diagnosis and the therapeutic approaches through
three clinical cases.
KEY WORDS
MOTS CLÉS
Lésion endo-parodontale, lésion parodontale, traitement
endodontique, nécrose pulpaire.
Perio-endo lesion, periodontal lesion, endodontic treatment,
pulpal necrosis.
Journal de Parodontologie & d’Implantologie Orale - Vol. 32 N°3
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Lésions endo-parodontales : approche thérapeutique
Perio-endo lesions: therapeutic approach
Introduction
voies de communication physiologiques et pathologiques.
Pour des raisons didactiques, histologiques ou embryologiques, il est
aisé de diviser la sphère buccale en
spécialités et en domaines bien séparés.
L’endodontie et la parodontie
n’échappent pas à cette simplification qui aboutit bien souvent à
concevoir le traitement comme l’affaire d’une seule spécialité.
L’endodontie concerne l’ensemble
de l’endodonte et s’arrête donc,
théoriquement, au niveau de la jonction dentino-cémentaire située à la
base du cône de Kuttler défini en
1955 et qui correspond à la constriction apicale (Kuttler, 1955). Le cément relève, par son origine embryologique, du domaine parodontal
mais, d’un point de vue anatomique,
il appartient à l’organe dentaire.
Cette vision ne reflète en rien la notion de continuité et d’échanges qui
existe entre l’endodonte et le parodonte. En effet, il existe une continuité conjonctive et vasculaire entre
la pulpe et le parodonte impliquant
des effets réciproques des pathologies et des thérapeutiques.
Le but de cet article est, à travers
trois cas cliniques, de montrer la démarche diagnostique et thérapeutique des lésions endo-parodontales.
Voies de communication
physiologiques
Au premier rang des voies de communication physiologiques, on trouve le foramen apical. Cet orifice a un
diamètre de l’ordre de 20/100 de
millimètre. Il laisse passer les vaisseaux sanguins et les fibres nerveuses issues du parodonte. C’est
une voie de passage potentielle pour
les bactéries. L’inflammation pulpaire ou la nécrose pulpaire s’étend
souvent aux tissus péri-apicaux, entraînant une réponse inflammatoire
de ces derniers accompagnée d’une
résorption osseuse et/ou radiculaire (Ricucci et Siqueira, 2010). L’inverse est plus rare car la lésion parodontale ne pourrait contaminer
l’endodonte en passant par le foramen apical qu’après avoir évolué
depuis la partie marginale jusqu’à la
partie apicale de la dent.
Les canaux accessoires s’étendent
du canal principal au ligament parodontal, établissant une communication directe entre la pulpe et le
desmodonte. Ils ont été décrits il y
Auteurs
Voies de
communication
L’endodonte et le parodonte représentent deux entités intimement liées
que l’expression « continuum endoparodontal » illustre bien.
Les voies de communication sont
nombreuses entre l’endodonte et le
parodonte. On peut les classer en
Rubach et Mitchell (1975)
Lowman et al. (1973)
Vertucci et Williams 1974)
Kirkham (1975)
Vertucci et Gegauff (1979)
Total et moyenne
a une centaine d’années et mis en
évidence par Hess (Hess, 1925), puis
classés en canaux collatéraux, latéraux, secondaires, accessoires, intercanalaires, réticulaires et canaux
de la furcation (De Deus, 1975).
Les canaux accessoires contiennent
des vaisseaux sanguins et peuvent
exister sur toute la longueur radiculaire. Leur diamètre peut varier de 4
à 700 µm. On estime que de 30 à
60 % des dents présentent des canaux accessoires (Zehnder et al.,
2002).
De Deus trouve 17 % de canaux accessoires dans le tiers apical, 9 %
dans le tiers moyen et moins de 2 %
dans le tiers cervical (De Deus, 1975)
(tableau 1, fig. 1 et 2).
Les canalicules dentinaires peuvent
être aussi une voie de communication des bactéries vers l’endodonte. Ces canalicules sont normalement protégés par l’émail dans la
partie coronaire et par le cément
pour toute la partie radiculaire. Ils
peuvent être exposés de façon accidentelle (traumatisme, carie, perte d’une restauration…) ou à la suite de manœuvres iatrogènes
répétées (surfaçages radiculaires).
Nombre de dents
étudiées
Pourcentage avec
canal accessoire
74
46
100
100
400
720
45,0
59,0
46,0
23,0
49,0
44,4
Tableau 1. Prévalence des canaux accessoires selon différents auteurs (d’après Gulabivala et Darbar,
2004).
Table 1. Prevalence of accessory canals according to various autors (Gulabivala and Darbar, 2004).
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Y. OUCHÈNE, A.M. COLLIGNON, D. BOUTER
Fig. 1. Dent 24 trifide, présence de canaux latéraux à mi-hauteur radiculaire (Dr D. Bouter).
Fig. 2. Dent 35, canal latéral dans le tiers apical (Dr D. Bouter).
Fig. 2. Tooth 35, lateral canal in the apical third (Dr D. Bouter).
Fig. 1. Tooth 24 trifid, presence of lateral canals at half root length
(Dr D. Bouter).
Les surfaçages répétés trop invasifs
amènent à une modification de l’anatomie radiculaire avec une disparition totale du cément et une exposition de la dentine, provoquant ainsi
une agression tant mécanique que
chimique ou bactérienne de l’organe dentino-pulpaire (fig. 3 et 4).
On retrouve une exposition dentinaire à la jonction amélo-cémentaire sur 18 % des dents en général et,
plus précisément, sur 25 % des
dents antérieures. En l’absence
d’émail ou de cément, on peut considérer que la pulpe est exposée au
milieu extérieur au niveau du sillon
gingivo-dentaire ou de la poche parodontale via les canalicules dentinaires. Il a été montré que l’application de produits bactériens sur la
dentine causait une inflammation
pulpaire (Bergenholtz et Lindhe,
1975) (fig. 5).
Voies de communication
pathologiques
Fig. 3. Vue initiale.
Fig. 3. Initial view.
Fig. 4. Vue après quelques années de surfaçage
(avec l’aimable autorisation du Dr M. Danan).
Fig. 4. View after some years of scaling and root
planing (with kind authorization of the Dr
M. Danan).
Les fractures coronaires entraînent
une exposition des canalicules dentinaires, voire de la pulpe elle-même,
ouvrant ainsi une voie pour la pénétration des bactéries vers l’endodonte.
Des fêlures/fractures radiculaires
peuvent se produire lorsque des
forces excessives sont utilisées lors
de la condensation de la gutta-percha au cours de l’obturation endo-
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Lésions endo-parodontales : approche thérapeutique
Perio-endo lesions: therapeutic approach
Fig. 5. Exposition dentinaire à la suite d’un
problème érosif associé
à une abrasion.
Fig. 5. Dentine exposition following an erosive problem associated
to abrasion.
dontique mais aussi au cours de la
préparation, du scellement ou de la
dépose de tenons radiculaires et
d’inlay-core. Les conséquences pathologiques sont les mêmes que
pour les fêlures/fractures d’origine
traumatique. La fêlure peut s’étendre
sur toute la longueur de la racine ou
rester limitée à un niveau. En raison
de la prolifération bactérienne dans
l’hiatus créé par la fêlure/fracture radiculaire, le desmodonte adjacent
devient le siège d’une lésion inflammatoire provoquant la destruction
des fibres conjonctives tissulaires et
de l’os alvéolaire. L’architecture de
cette perte osseuse est très proche
de celle causée par une parodontite ou par une lésion d’origine endodontique. La prise d’un cliché rétroalvéolaire augmente les chances de
visualiser un défaut osseux induit
par une fêlure/fracture radiculaire.
Un espace desmodontal épaissi ou
une radio-clarté latéro-radiculaire
diffuse en forme de « chaussette »
ou en « doigt de gant » enveloppant
la racine trahit souvent la présence
de fracture radiculaire.
Les manœuvres iatrogènes peuvent
exposer la pulpe lors d’une préparation cavitaire ou encore permettre
le passage de bactéries salivaires
vers le parodonte en cas de perforation lors des traitements endodontiques (Zehnder et al., 2002 ; Singh,
2010).
Répercussion
des problèmes
endodontiques
sur le parodonte
La lésion d’origine endodontique est
une manifestation de la pathologie
pulpaire sur le parodonte. Elle est
généralement cantonnée au parodonte profond. Après de multiples
agressions, l’état de santé pulpaire
se dégrade pour aboutir à la nécrose de ce tissu. Les bactéries et les
produits qui en résultent transitent
par les voies de communication entre
l’endodonte et le parodonte, provoquant une réaction inflammatoire des
structures parodontales profondes.
Dans le cas des nécroses pulpaires,
la prolifération bactérienne augmente la pression intracanalaire et les
germes présents peuvent ainsi gagner le parodonte (Ricucci et Siqueira, 2010).
En fonction du degré d’atteinte du
parodonte apical et du stade d’évolution de la lésion, le praticien sera
face à différentes pathologies (parodontite apicale chronique ou aiguë, abcès…).
Les lésions endodontiques évoluent
vers des atteintes du parodonte profond. Au terme d’une évolution plus
ou moins longue, et en l’absence de
traitement, la lésion peut s’extérioriser vers le parodonte superficiel,
via une fistule.
Plusieurs études rétrospectives ont
clairement démontré que la persistance d’une infection endodontique
compromettait, à terme, les traitements parodontaux des lésions profondes, la cicatrisation parodontale
et les techniques de réimplantation
(Jansson et al., 1993).
Répercussion des
atteintes parodontales
sur l’endodonte
Ces types de répercussions sont
moins fréquents que les précédents.
La pression due au développement
bactérien au sein d’une lésion parodontale trouve plus facilement à
s’évacuer par la partie coronaire de
la poche qu’à pénétrer dans l’endodonte.
Dans la littérature scientifique, on
trouve très peu d’atteintes endodontiques d’origine parodontale (tableau 2). Il faudrait en effet que les
bactéries soient en contact avec une
voie d’accès suffisamment large (orifice apical ou canaux latéraux) ou
une vaste plage de canalicules exposés par une lésion carieuse, la
perte d’une restauration ou l’élimination du cément par suite de surfaçages répétés et mal conduits.
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Y. OUCHÈNE, A.M. COLLIGNON, D. BOUTER
Auteurs
Nombre
de dents
observées
Dents ayant présenté
une pathologie pulpaire
secondaire à une pathologie
parodontale (%)
Kirkham (1975)
Tagger et Smukler (1977)
Czarnecki et Schilder (1979)
Torabinejad et Kiger (1985)
Ross et Thompson (1978)
Bergenholtz et Nyman (1984)
Jaoui et al. (1995)
100
26
N/A
25
387
417
571
2,00
0,00
0,00
0,00
4,00
3,00
0,17
Tableau 2. Répercussions pulpaires en cas de pathologies parodontales : études cliniques (d’après
Gulabivala et Darbar, 2004).
Table 2. Pulpal repercussions in case of periodontal pathologies: clinical trials (Gulabivala and Darbar,
2004).
Ces études oublient souvent de répertorier les résorptions externes
comme des atteintes parodontales,
puisqu’elles touchent en premier lieu
le cément, pouvant entraîner des atteintes pulpaires (Rotstein et Simon,
2004).
Le cas illustré par les figures 6 à 12
montre une résorption externe. Cette résorption ayant atteint la pulpe,
il a fallu procéder en trois étapes :
– après nettoyage et mise en forme
de l’endodonte, une obturation
transitoire à l’hydroxyde calcium
a été mise en place ;
– un lambeau de pleine épaisseur a
été levé, permettant un accès à la
lésion. Le curetage soigneux de
tout le tissu de granulation ayant
envahi la résorption a été réalisé.
Une légère ostéoplastie du rebord
vestibulaire a été effectuée afin de
bien dégager le bord de la lésion ;
– l’obturation a été réalisée à l’aide
d’un ciment verre ionomère modifié par addition de résine (Fuji II
LC®, GC, Tokyo, Japon) pour ses
propriétés d’adhésion spontanée,
sa tolérance à l’humidité et sa bonne étanchéité.
Fig. 6. Dent 11, radiographie préopératoire.
Fig. 6. Tooth 11, preoperative radiography.
Fig. 7. Dent 11, vue clinique préopératoire.
Fig. 7. Tooth 11, preoperative clinic view.
Fig. 8. Dent 11, vue peropératoire.
Fig. 8. Tooth 11, peroperative view.
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Fig. 10. Vue postopératoire ( mai 2010).
Fig. 10. Postoperative
view.
Fig. 9. Dent 11, nettoyage de la lésion.
Fig. 9. Tooth 11, lesion cleaning.
Fig. 11. Vue à 9 mois
(février 2011)
(Dr D. Bouter).
Fig. 11. View at
9 months (february
2011), (Dr D. Bouter).
Fig. 12. Radiographie
à 10 mois
(Dr D. Bouter).
Fig. 12. Radiography
at 10 months (Dr D.
Bouter).
Après cicatrisation, le traitement endodontique a été terminé de façon
conventionnelle avec une obturation
à la gutta-percha par condensation
verticale à chaud.
Les ciments verre ionomère ne présentent pas un état de surface parfaitement lisse et cette caractéris-
tique du matériau de restauration
pourrait être à l’origine du léger
œdème résiduel qui se voit sur la
radiographie au bout de 9 mois
(fig. 12). Une restauration à l’aide
d’une facette céramique collée
améliorerait certainement l’état gingival.
Classification
des lésions
endo-parodontales
De nombreuses classifications ont
vu le jour. La plupart d’entre elles ne
prennent pas en compte des données cliniques ; elles se fondent sur
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Y. OUCHÈNE, A.M. COLLIGNON, D. BOUTER
des critères histologiques, pronostiques, ou chronologiques. L’une des
premières est celle d’Amen (Amen,
1967) et l’une des plus complexes
est celle de Hiatt, qui comprend 8 catégories faisant intervenir le traitement déjà reçu, le pronostic, la durée des différentes évolutions de la
maladie (Hiatt, 1977)…
Nous avons décidé de retenir celle
de Gulabivala et Darbar pour sa simplicité et son intérêt clinique. Elle
comprend 3 classes (Gulabivala et
Darbar, 2004) :
– la classe I, qui correspond aux lésions d’origine purement endodontique. Dans cette classe on retrouvera toutes les catégories de
parodontite apicale. Il s’agit donc
d’une atteinte du parodonte profond. Cette lésion est visible sur
l’examen radiographique ;
– la classe II, qui correspond aux lésions parodontales sans atteinte
endodontique. Le point de départ
se situe au niveau du parodonte
superficiel et évolue en direction
apicale ;
– la classe III, qui correspond aux
lésions endo-parodontales proprement dites.
Cette classification est clinique et
épidémiologique plus que thérapeutique.
Dans la classe III, on retrouvera les
lésions à démarrage parodontal et
endodontique concomitant mais
aussi les lésions d’origine endodontique ayant évolué vers une lésion
parodontale et, dans une moindre
mesure, les lésions parodontales
évoluant vers une lésion endodontique. Il est important de déterminer
le point de départ et d’évaluer l’importance des deux composantes
afin de définir la meilleure stratégie
de traitement.
À travers trois cas cliniques, nous
allons essayer de dégager les principales lignes directrices de ces traitements.
Traitement des lésions
endo-parodontales
La décision et le pronostic de succès thérapeutique dépendent entièrement de l’identification de l’origine de la lésion. Une démarche
diagnostique menée judicieusement
permet de déterminer l’origine endodontique, parodontale ou combinée des lésions endo-parodontales. La vitalité pulpaire ainsi que
le degré et l’architecture de l’atteinte parodontale constituent les
signes fondamentaux à prendre en
compte.
En fonction de l’origine et de l’étendue de la lésion, un traitement endodontique, parodontal ou une combinaison des deux est indiqué. Ainsi,
la guérison d’une classe I de Gulabivala et Darbar nécessitera un traitement endodontique seul : la lésion
parodontale d’origine endodontique
se présente le plus souvent comme
une lésion parodontale à 5 parois
osseuses. Par conséquent, son potentiel réparateur est important (Rotstein et Simon, 2004).
La lésion d’origine endodontique
peut se développer en regard d’un
canal latéral par le même processus
que la lésion péri-apicale. L’accessibilité limitée et la difficulté d’instrumentation de ces canaux compliquent la guérison des lésions
latérales. Cependant, une irrigation
abondante à l’hypochlorite de sodium, un rinçage à l’EDTA (précédant le rinçage final à l’hypochlorite de sodium), une mise en forme
canalaire adéquate et une technique
d’obturation par condensation verticale à chaud sont souvent amplement suffisants au traitement de ces
lésions.
Une thérapeutique parodontale sera
indiquée pour la classe II : une thérapeutique étiologique associée ou
non à des thérapeutiques parodontales chirurgicales doit être entreprise (Chairay et al., 1986 ; Rotstein et
Simon, 2009).
Enfin, un traitement endo-parodontal sera indiqué pour les lésions de
classe III : il existe simultanément
sur une racine une atteinte endodontique et une atteinte parodontale. Ces lésions, chacune de taille variable, peuvent se rejoindre et former
une lésion unique (Harrington, 1979).
Ainsi, une poche parodontale peut
migrer apicalement vers une lésion
endodontique ou une fistule desmodontale d’origine endodontique peut
s’extérioriser dans une poche déjà
existante. En général, la jonction des
deux lésions est obtenue par la progression en direction coronaire de
la lésion apicale. Plus rarement, c’est
la lésion parodontale qui rejoint le
tiers apical de la dent ; on peut imaginer dans ce cas que la destruction osseuse d’origine parodontale
soit trop importante et que l’extraction de la dent puisse être indiquée
(Zehnder et al., 2002).
La double étiopathogénie de ces lésions implique la plupart du temps
une thérapeutique mixte endodontique et parodontale. Le pronostic
dépend essentiellement du degré
de sévérité de la pathologie parodontale, la spécificité de la guérison
endodontique étant la restitution ad
integrum des structures osseuses
préalablement détruites par le processus inflammatoire.
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Lésions endo-parodontales : approche thérapeutique
Perio-endo lesions: therapeutic approach
En ce qui concerne la ligne de
conduite pour le traitement des
classes III, il faut considérer plusieurs
cas de figure :
– prédominance de la lésion d’origine endodontique ;
– prédominance de la lésion parodontale.
Il faudra toujours commencer par
assainir l’endodonte afin de ne pas
compromettre le traitement parodontal, s’il doit avoir lieu. Si la lésion
parodontale est importante, notamment en cas d’abcès parodontal, on
ne terminera le traitement endodontique qu’après la désinfection de la
lésion parodontale afin de ne pas
contaminer l’obturation endodontique.
Quand la lésion d’origine endodontique prédomine, le traitement endodontique seul est suffisant dans
la plupart des cas et il faudra attendre avant d’initier une thérapeutique parodontale.
Cas clinique n° 1
Ce patient de 40 ans présente une lésion du parodonte marginal (fig. 13
et 14) ainsi qu’une fistule matérialisée
sur la radiographie par un cône de
gutta-percha inséré dans la fistule.
Le sondage ne montre aucune perte d’attache et on pose le diagnostic de lésion de classe III d’origine
endodontique. La lésion parodontale résulte de l’extériorisation de la
lésion endodontique.
La radiographie montre un traitement
endodontique insuffisant en densité
et en longueur dans l’ensemble des
canaux. On note aussi la présence
d’un instrument fracturé dans l’un
des canaux de la racine mésiale. La
faible densité radiologique de cet
instrument laisse supposer qu’il s’agit
d’un instrument en nickel-titane. Il
est parfois délicat de repérer ces instruments car leur densité est proche
de celle de la gutta-percha.
L’image clinique peut faire penser à
un abcès parodontal mais l’origine
endodontique est confirmée par la
radiographie et l’absence de perte
d’attache.
Le traitement ne devra être qu’endodontique afin de ne pas compromettre le potentiel de cicatrisation
de la lésion interradiculaire. Tout lambeau d’accès, dans une situation
comme celle-ci, pérenniserait la lésion interradiculaire en supprimant
toute possibilité de régénération.
Le problème de ce traitement repose sur la possibilité d’accéder à
l’apex par voie orthograde afin de
pouvoir procéder à la désinfection
de l’ensemble du réseau endodontique puis à son obturation.
Après dépose de l’inlay-core, l’instrument a été retiré sous microscope opératoire. La mise en forme et
la désinfection des canaux a été réalisée de façon conventionnelle.
Fig. 13. Vue clinique le jour du diagnostic.
Fig. 14. Radiographie avec un cône dans la fistule.
Fig. 13. Clinical view at the diagnosis day.
Fig. 14. Radiography with a cone in the fistula.
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Y. OUCHÈNE, A.M. COLLIGNON, D. BOUTER
Une période de temporisation est
nécessaire afin de vérifier la bonne
désinfection endo-canalaire.
Après disparition des signes parodontaux et de la fistule, l’obturation
est réalisée par condensation verticale à chaud de gutta-percha.
La guérison est obtenue rapidement
(fig. 15 à 17).
Fig. 15. À 3 mois, on
note déjà des signes
de guérison de lésion.
Fig. 15. At 3 months,
we can note healing
signs of the bone
lesion.
Fig. 16. Radiographie
à 12 mois
(Dr D. Bouter).
Fig. 16. Radiography
at 12 months
(Dr D. Bouter).
Fig. 17. Vue clinique
à 18 mois.
Fig. 17. Clinical view
at 18 months.
Cas clinique n° 2
Cette patiente de 24 ans présente
une importante lésion parodontale.
Le sondage montre une perte d’attache dans la zone interradiculaire
(fig. 18). Après dépose de l’inlaycore, on peut constater des zones
de stripping pouvant expliquer l’origine de la lésion. Afin de pouvoir réaliser un traitement endodontique
dans de bonnes conditions, il faut
retrouver une séparation entre l’endodonte et le parodonte. Après un
nettoyage soigneux réalisé essentiellement par irrigation à la chlorhexidine afin de préserver le potentiel de cicatrisation, les parois
radiculaires sont réparées à l’aide
de MTA (Proroot®, Detrey-Maillefer,
Ballaigues, Suisse). Le retraitement
endodontique pourra être entrepris
de façon conventionnelle. Au bout
de 4 ans, le résultat est maintenu
(fig. 19).
Dans ce cas, il n’était pas évident
qu’un potentiel de guérison existe
encore pour la lésion interradiculaire. Dans la démarche thérapeutique,
il n’était pas question d’intervenir chirurgicalement avant d’avoir supprimé la communication entre l’endodonte et le parodonte. Il fallait
retrouver un confinement de l’endodonte afin de pouvoir tester le potentiel de cicatrisation du parodonte. Il persiste une légère lésion
interradiculaire (classe II) mais aucune chirurgie parodontale n’a été
nécessaire.
On peut noter la bonne cicatrisation
du parodonte profond malgré la persistance d’une légère lésion interradiculaire. Même si le pronostic à long
terme d’une dent présentant une
faible valeur mécanique intrinsèque
est défavorable, on constate que
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Lésions endo-parodontales : approche thérapeutique
Perio-endo lesions: therapeutic approach
Fig. 18. Radiographie préopératoire.
Fig. 19. Radiographie à 4 ans (Dr D. Bouter).
Fig. 18. Preoperative radiography.
Fig. 19. Radiography at 4 years (Dr D. Bouter).
l’environnement parodontal est fortement amélioré et permettra, le moment venu, d’envisager une thérapeutique implantaire dans de bonnes
conditions et avec un meilleur pronostic.
Cas clinique n° 3
Ce patient de 29 ans, non fumeur et
en bonne santé générale, se présente, en décembre 2004, avec des douleurs et une suppuration importante au niveau de 43. Les tests de
sensibilité sont positifs, la mobilité
est de type III et la dent est sensible
à la pression ; le praticien pose le
diagnostic de lésion parodontale.
Une thérapeutique initiale est mise
en place comprenant deux surfaçages et des irrigations à la chlorhexidine ainsi que la mise en place
d’une contention fibrée collée. Il faut
noter que cette lésion est la seule
de l’ensemble des deux arcades
(fig. 20).
En octobre 2005, le patient se présente en consultation. On peut noter une très importante aggravation
radiologique de la lésion (fig. 21).
Sur le plan clinique, la lésion suppure toujours de façon très importante et le patient continue de souffrir. Les tests de sensibilité sont
négatifs.
Le diagnostic de lésion endo-parodontale de classe III est posé.
Initialement, les tests de sensibilité
étaient positifs et il est donc clair
que la nécrose de cette 43 fait suite au problème parodontal.
La mise en place précoce d’une
contention a permis la conservation
de la dent.
Le plan de traitement va faire intervenir à la fois le traitement endodontique et le traitement parodontal.
Afin de permettre la réussite du traitement parodontal, il est nécessaire
Fig. 20. Radiographie préopératoire
(décembre 2004).
Fig. 20. Preoperative radiography
(december 2004).
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Y. OUCHÈNE, A.M. COLLIGNON, D. BOUTER
Fig. 21. Aggravation de
la lésion (octobre 2005).
Fig. 21. Worsening of
the lesion (october
2005).
Fig. 22. Vue clinique
le jour
de l’intervention
(Dr S. M. Dridi).
Fig. 22. Clinical view
at the intervention
day (Dr S. M. Dridi).
de décontaminer l’endodonte et
d’empêcher la recontamination du
parodonte. On commence par la
mise en forme canalaire de 43 et la
temporisation à l’hydroxyde de calcium (Ca[OH]2). Celui-ci est renouvelé autant de fois que nécessaire
en attendant la résolution des problèmes parodontaux.
Parallèlement, on met en place une
antibiothérapie locale à l’aide d’un
gel de minocycline renouvelé trois
fois à une semaine d’intervalle ainsi qu’un débridement léger de la lésion parodontale.
Après disparition de la suppuration
et des douleurs, le traitement endodontique est terminé par une obturation verticale à chaud de guttapercha.
Le problème endodontique étant résolu, le traitement parodontal pourra être poursuivi.
Trois mois après le traitement endodontique, tous les paramètres cli-
Fig. 23. Vue à 15 jours
(Dr S. M. Dridi).
Fig. 23. View at
15 days
(Dr S. M. Dridi).
niques se sont améliorés. Toutefois,
des profondeurs de poche importantes persistent en distal et en
mésial de la canine (10 et 6 mm respectivement). Une chirurgie parodontale est alors indiquée pour assurer le débridement correct des
lésions osseuses et leur comblement
à l’aide d’un substitut osseux (os
anorganique bovin) afin d’aider la réparation osseuse. La technique du
lambeau mixte tracté latéralement a
été choisie pour permettre le recouvrement du matériau de comblement
tout en créant de la gencive en vestibulaire de la canine (fig. 22 et 23).
Un an après l’intervention, la gencive paraît saine et ferme. Plusieurs
millimètres de gencive ont été créés
en vestibulaire de la 43 et des gains
d’attache significatifs (5 et 4 mm ont
été obtenus en distal et en mésial
de la dent). Une nouvelle contention
fibrée est réalisée (fig. 24 à 26).
On peut noter la bonne réparation
osseuse obtenue grâce à la combinaison des deux approches, parodontale et endodontique.
Journal de Parodontologie & d’Implantologie Orale - Vol. 32 N°3
207
Lésions endo-parodontales : approche thérapeutique
Perio-endo lesions: therapeutic approach
Fig. 24. Vue clinique avant l’intervention.
Fig. 25. Vue clinique à 1 an.
Fig. 24. Clinical view before the intervention.
Fig. 25. Clinical view at 1 year.
de cette dent s’est posée. L’extraction dans un site présentant un abcès et une destruction osseuse importante aurait posé un certain
nombre de problèmes pour la gestion de l’esthétique. La mise en place d’un implant aurait posé des problèmes chirurgicaux et esthétiques
importants. Même si le pronostic à
long terme de cette 43 est réservé,
le site est assaini et la gestion implantaire en sera facilitée.
Conclusion
Fig. 26. Radiographie à 1 an (Dr D. Bouter).
Fig. 26. Radiography at 1 year (Dr D. Bouter).
Ce traitement a été tenté car l’aggravation de la lésion était récente
et pouvait laisser supposer qu’il persistait un bon potentiel de cicatrisation. La question de la conservation
La double étiopathogénie de ces lésions implique une thérapeutique
mixte endodontique et parodontale. L’évolution dépend essentiellement du degré d’atteinte des tissus
parodontaux ; la spécificité de la
guérison endodontique, du fait de
la morphologie des lésions à 5 parois, est la restitution ad integrum
des structures osseuses préalablement détruites par le processus inflammatoire.
Quelle que soit l’étiologie de la lésion de classe III, le traitement ou
le retraitement endodontique sera
entrepris en première intention. En
cas d’atteinte parodontale sévère,
une désinfection et une obturation
endocanalaire transitoire seront envisagées afin de diminuer la charge
bactérienne endodontique avant de
commencer le traitement parodontal. L’obturation endodontique définitive sera réalisée dans un second
temps.
Lorsque l’atteinte parodontale est
plus modérée, on pourra terminer
d’emblée le traitement endodontique
avant d’entamer le traitement parodontal.
L’appréciation de la réponse des tissus au traitement endodontique donnera une indication sur la chronologie des traitements à effectuer. o
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Y. OUCHÈNE, A.M. COLLIGNON, D. BOUTER
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La guérison d’une classe I de Gulabivala et Darbar nécessite :
a) q un traitement parodontal seul
b) q un traitement endodontique seul
c) q un traitement endodontique et parodontal
Les signes fondamentaux à prendre en compte dans l’identification de l’origine de la lésion endoparodontale sont :
a) q la vitalité pulpaire
b) q le degré de l’atteinte parodontale
c) q la position de la dent sur l’arcade
Des surfaçages répétés et invasifs :
a) q peuvent provoquer une agression de l’organe dentino-pulpaire
b) q sont sans conséquence pour l’organe dentino-pulpaire
c) q facilitent la pénétration bactérienne via les canalicules dentinaires
Demande de tirés à part
Yasmina OUCHÈNE : [email protected]
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