CE 20 mars 2013 N°346642

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CE 20 mars 2013 N°346642
CE 20 mars 2013 n° 346642, 9e et 10e s.-s., Piazza
M. Honorat, Prés. - Mme Isidoro, Rapp. - M. Aladjidi, R. public - SCP Gaschignard, Av.
1. Considérant qu'aux termes de l'article R 222-23 du Code de justice administrative : « Dans chaque tribunal administratif,
selon ses besoins, un ou plusieurs premiers conseillers ou conseillers sont chargés, par arrêté du vice-président du Conseil
d'Etat pris sur proposition du président de la juridiction et après avis conforme du Conseil supérieur des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel, d'exercer les fonctions de rapporteur public. Lorsque le fonctionnement du tribunal
administratif l'exige, un premier conseiller ou conseiller qui exerce les fonctions de rapporteur public peut être rapporteur dans
les affaires sur lesquelles il n'est pas ou n'a pas été appelé à conclure » ; qu'aux termes de l'article R 222-24 du même Code : «
Tout rapporteur public absent ou empêché est suppléé de droit par un autre rapporteur public. A défaut, et si le fonctionnement
du tribunal ou de la cour l'exige, ses fonctions sont temporairement exercées par un conseiller ou un premier conseiller désigné
par le président du tribunal ou de la cour » et qu'aux termes de l'article R 222-32 de ce Code : « Les dispositions des articles R
222-23 et R 222-24 sont applicables dans les cours administratives d'appel » ;
2. Considérant qu'il ne ressort ni des visas de l'arrêt attaqué, ni des pièces du dossier, que le président de la cour administrative
d'appel de Nancy aurait fait usage des dispositions de l'article R 222-24 du Code de justice administrative et désigné M. Féral
pour exercer, à l'occasion de la séance du 21 octobre 2010, les fonctions de rapporteur public ; que l'arrêté du Conseil d'Etat du
26 octobre 2010, le nommant, à compter du 20 octobre dans les fonctions de rapporteur public n'a pu avoir pour effet de
l'habiliter à exercer ces fonctions à cette dernière date ; que la décision rendue à ses conclusions est, dès lors, entachée
d'irrégularité et doit, par suite, être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de
l'article L 821-2 du Code de justice administrative ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme Piazza étaient tous deux salariés de la société Eurodeal International
(EDI), dont le siège social est situé au Luxembourg ; que M. Piazza en était administrateur délégué et actionnaire à hauteur de
50 % ; que, dans le cadre d'une convention d'assistance administrative, commerciale et de gestion, la société EDI a facturé à la
société Sateca, dont le siège est en France et dont M. Piazza est également associé, des prestations de services effectuées
par plusieurs de ses salariés ; qu'à l'occasion d'un contrôle sur pièces des revenus de M. et M me Piazza portant sur les années
1999 à 2001, consécutif à une vérification de comptabilité de la société Sateca, l'administration, faisant application des
dispositions de l'article 155 A du CGI, a réintégré dans les revenus de M. et Mme Piazza les sommes facturées par la société
EDI à la société Sateca correspondant à des prestations d'assistance et pour lesquelles les factures mentionnaient soit une «
intervention de M. Piazza », soit une « intervention de Mme Piazza » ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 155 A du CGI : « Les sommes perçues par une personne
domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou
établies en France sont imposables au nom de ces dernières : soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la
personne qui perçoit la rémunération des services ; soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière
prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; soit, en tout état de cause, lorsque
la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors
de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A » ; que les prestations dont la
rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un
service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne
trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme
ayant été rendu pour son compte ;
6. Considérant que l'administration fiscale a relevé que les factures adressées par la société EDI précisaient que les prestations
d'assistance à la gestion effectuées au profit de la société Sateca avaient été réalisées soit par M. Piazza, soit par M me Piazza
et, sans que ceux-ci le contestent, que les époux Piazza avaient le contrôle de cette société ; que ces derniers, s'ils font valoir
que les prestations en litige s'inscrivaient dans le cadre d'une convention et que la société EDI dispose, aux fins de réaliser son
activité, dont la réalité est attestée par son chiffre d'affaires, d'un effectif de plusieurs personnes, travaillant principalement au
Luxembourg, n'apportent aucun élément permettant d'établir que la facturation de ces prestations par cette dernière société
aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme
l'ayant été pour son compte ; qu'il suit de là que l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve que les
rémunérations versées par la société Sateca à la société EDI pouvaient être regardées comme entrant dans les prévisions de
l'article 155 A du CGI ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants se prévalent de l'atteinte à leur liberté de s'établir dans un autre Etat
membre qui résulterait des dispositions précitées de l'article 155 A du CGI et font valoir que la rémunération perçue en
contrepartie d'un service rendu pour le compte d'une personne établie au Luxembourg par une personne domiciliée ou établie
en France qui en a le contrôle est, du fait de ces dispositions, imposée à la fois au Luxembourg et en France entre les mains de
l'une et l'autre de ces personnes, alors qu'elle l'est seulement entre les mains de la première si celle-ci est, comme la seconde,
établie en France ; que, toutefois, les dispositions en question, telles qu'interprétées par la présente décision, visent
uniquement l'imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée en France et ne trouvant
aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée hors de France ; qu'en l'absence
d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière
personne, sa liberté de s'établir hors de France ne saurait être entravée du fait de ces dispositions ;
8. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme Piazza se prévalent de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958,
notamment de ses articles 14 et 15 ; que, toutefois, il n'est pas contesté qu'ils ont, l'un et l'autre, leur domicile fiscal en France ;
qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, les rémunérations en litige concernent des prestations de service rendues en France ; que, par
ailleurs, s'agissant d'un contribuable distinct, la circonstance, à la supposer établie, que la société EDI aurait déclaré les
sommes litigieuses au titre de l'impôt sur les sociétés au Luxembourg n'est pas susceptible d'établir l'existence d'une double
imposition des sommes en litige ; qu'ainsi, M. et Mme Piazza ne sont pas fondés à soutenir que la convention francoluxembourgeoise ferait obstacle à l'imposition en France de ces sommes ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et M me Piazza ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le
jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Décide : 1° Annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel ; 2° Rejet de la requête d'appel.

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