NISA 45 - Février 2012

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NISA 45 - Février 2012
Réseau de Prévention des Crises Alimentaires
Food Crises Prevention Network
http://www.food-security.net
Note d’Information Sécurité Alimentaire - NISA
N° 45 - Février 2012
Des mesures urgentes à prendre face à la crise alimentaire
qui prévaut dans la région sahélienne
>> Situation de la production agricole et alimentaire
D
ans les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest,
la production céréalière provisoire se chiffre à 54
914 000 tonnes en 2011/2012, contre 60 411 000 tonnes
en 2010/2011, soit une baisse de 9% par rapport à
l’année passée. Les baisses de production enregistrées
dans les pays, notamment ceux du Sahel, varient entre
15 % et 52 % par rapport à l’année dernière et entre
9% à 38% par rapport à la moyenne des cinq dernières
années. Le Tchad et la Mauritanie accusent plus de 50
% de chute de production par rapport à 2010/2011.
Dans le contexte actuel, les régions les plus touchées
sont la zone agropastorale de la Mauritanie, le NordEst du Sénégal, le Nord des régions de Koulikoro,
Kayes, Ségou et Mopti au Mali (avec une chute de la
production rizicole), le Nord, le Sahel, et le Plateau
central au Burkina Faso, le Nord de Tillabéry, le
Centre de Tahoua, et l’Est de Zinder au Niger.
Le Tchad est le pays dont la situation est la plus critique,
avec seulement 1 à 3 mois de stocks alimentaires
dans les préfectures sahéliennes et des tensions sur
Ces baisses ont été de l’ordre de 33% pour la Gambie, les marchés du Sud. Au delà du déficit important
31 % pour le Sénégal et le Niger, 21% pour le Cap enregistré, la situation alimentaire s’annonce très
Vert, 20 % pour le Mali, 16 % pour le Burkina Faso et difficile en Mauritanie pendant la période de soudure
7% pour la Côte d’Ivoire par rapport à la campagne compte tenu des effets combinés de la sécheresse et
agricole 2010/2011.
de la détérioration des termes de l’échange chez les
ménages agropasteurs.
>> Analyse de la situation des marchés
La dynamique des prix des céréales était préoccupante
en janvier avec des hausses de prix de 25 à 33 % par
rapport à la moyenne quinquennale dans le bassin
d’échanges Ouest (Sénégal, Guinée, Mauritanie), de 50
à 60 % dans le bassin Centre (Côte d’Ivoire, Burkina
Faso, Mali, Ghana, Togo), de 30 à 40 % dans le bassin
Est (Nigeria, Niger, Tchad, Bénin). Les paliers atteints
sont déjà inquiétants pour l’accès des populations
pauvres aux vivres même si les prix se stabilisaient au
deuxième trimestre.
La tendance haussière des prix se poursuit dans
certains pays côtiers comme le Ghana, mais restent
toutefois stables dans les bassins de production de
maïs de Côte d’Ivoire et du Bénin. En effet, les flux
régionaux de céréales sont amples dans ces deux
zones. Le maïs de Côte d’Ivoire s’exporte jusqu’en
Mauritanie, tandis que celui du Bénin arrive au Niger.
On note par ailleurs, un ralentissement des flux aux
frontières du Burkina Faso et du Mali. Au Burkina
Faso, une circulaire a interdit l’exportation des
Le graphique 1 montre que les prix du mil ont amorcé céréales tandis qu’au Mali, l’exportation est sujette à
une hausse précoce et dépassé les niveaux atteints une autorisation préalable. Ces restrictions réduisent
pendant les deux dernières crises en 2008 et en 2010, les échanges de produits entre les zones excédentaires
à la même période, notamment à Ouagadougou, et déficitaires, essentiels pour assurer la sécurité
Maradi et Ségou. Cette situation est en partie due alimentaire des régions touchées au Sahel. Au Niger
aux déficits de production et aux achats ou annonces et au Tchad, les flux en provenance du Nigéria sont au
d’achat des structures nationales en charge de la ralenti, suite à la situation d’insécurité qui y prévaut
gestion des stocks céréaliers du Burkina Faso et du depuis quelques mois. De même, l’insécurité et les
Niger. En conséquence, une augmentation des prix à déplacements de population au nord du Mali ont un
des niveaux extrêmes est à craindre pendant la période impact considérable sur l’accès des populations aux
de soudure prochaine dans les zones frappées par les denrées alimentaires.
déficits céréaliers et le choc sur les prix.
Graphique 1 : Evolution des prix du mil au détail de 2006 à 2012 au Sahel
33,000
Ouagadougou (Burkina Faso)
Ségou (Mali)
28,000
Maradi (Niger)
Ndjamena (Tchad)
23,000
18,000
1
1ya
M
1
1p
eS
Jan-12
1
1n
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Sep-11
0
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May-11
0
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M
Jan-11
0
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Sep-10
9
0p
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May-10
9
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M
Jan-10
9
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aJ
Sep-09
8
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May-09
8
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M
Jan-09
8
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Sep-08
7
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May-08
7
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M
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7
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Sep-07
6
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May-07
6
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M
Jan-07
6
0n
aJ
Sep-06
Jan-06
8,000
May-06
13,000
2
1n
aJ
Source : données SIM
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Cette année, le Sahel fait face à une crise alimentaire dans
certains pays comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger,
le Tchad, la Mauritanie, et dans une moindre mesure
le Sénégal. Celle-ci qualifiée de crise à progression
lente est exacerbée par la hausse généralisée des prix
pratiquement de tous les produits alimentaires qui
compromettent davantage l’accès à l’alimentation des
ménages les plus pauvres. De plus, sur l’échelle de
vulnérabilité alimentaire du Cadre Harmonisé1 qui
compte cinq phases, les zones touchées sont classées
en phase trois, dite critique. Il convient cependant
de souligner que cet exercice a été réalisé en janvier
2012 au Niger, au Tchad, en Mauritanie et au Burkina
Faso, par des missions d’évaluation conjointes sur la
sécurité alimentaire et des marchés, conformément
aux recommandations de la réunion du Réseau de
Prévention des Crises Alimentaires (RPCA), tenue en
décembre 2011 à Praia (Cap Vert).
>> La situation nutritionnelle
Dans la région sahélienne, la situation nutritionnelle
est considérée comme sérieuse dans tous les pays car
la prévalence de la malnutrition aiguë globale (MAG)
y est supérieure au seuil d’alerte de l’OMS (10%)
au niveau national. Elle est critique dans la bande
sahélienne du Tchad, où la prévalence de MAG atteint
ou dépasse le seuil d’urgence (15%), dans certaines
régions.
• de Tombouctou, Kidal et Ségou au Mali ;
• du Centre, du Sud et Sud Est de la Mauritanie ;
• du Nord des pays côtiers, notamment en Côte
d’Ivoire (Nord Est, Nord Ouest), Togo (Savanes
et Kara), Bénin (Alibori, d’Atakora et Donga) et
Nigéria (Northen States).
Cette situation est d’autant plus préoccupante que les
enquêtes du Sénégal et de Tillabéry au Niger ont été
De même, les données des enquêtes les plus récentes réalisées en période post récolte où les taux de MAG
sont en général les plus bas. Par conséquent, dans
décrivent une situation sérieuse dans les régions :
cette région en proie à des difficultés alimentaires
• de Matam, Diourbel, Louga, Kolda, Thiès, St importantes, la situation nutritionnelle devrait être
surveillée de près et prise en compte afin d’éviter son
Louis, au Sénégal ;
• de Tillabéry (où le taux de MAG est proche du aggravation.
seuil d’urgence), de Diffa, Dosso, Maradi, Zinder
et Niamey au Niger ;
1 Le Cadre Harmonisé d’analyse et d’identification des zones à risques et des populations vulnérables au Sahel et en Afrique de l’Ouest est un outil qui a
été mis au point par un comité technique qui comprend les acteurs suivants : CILSS, PAM, FAO, FEWS NET, JRC, ONGs Régionales.
Visitez régulièrement le site du RPCA, pour plus d’informations
sur les autres productions du Réseau :
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>> Quelles réponses ?
Globalement, le sahel fait face une nouvelle fois à • Renforcer la prise en charge de la malnutrition
une crise alimentaire et nutritionnelle qui risque de
aiguë modérée et sévère dans les zones touchées
s’empirer d’ici la période de soudure, du fait de l’effet
par la crise ;
combiné du déficit céréalier important enregistré et
des prix élevés des produits alimentaires, notamment • Encourager les actions d’assistance alimentaire
au Tchad, au Niger, au Burkina Faso, au Mali, en
(sous forme de transfert alimentaires ou
Mauritanie et au Sénégal. En plus, la situation de
monétaires), en faveur des populations les plus
conflit armée au Mali avec le flot de réfugiés rend
vulnérables;
encore plus inquiétante la situation humanitaire.
• Accroître l’engagement des États et des
Pour l’heure, des plans de réponse sont élaborés dans
organisations économiques régionales dans
ces pays, mais le principal défi reste leur application
la gestion des causes profondes de l’insécurité
immédiate. Par conséquent, en appui aux efforts
alimentaire et de la malnutrition, en répondant
déjà déployés, les Etats, les Organisations Interaux problèmes de disponibilité mais surtout
Gouvernementales (CEDEAO, UEMOA, etc.)
d’accessibilité des produits alimentaires ;
et leurs partenaires devront prendre les mesures
urgentes suivantes :
• Renforcer les moyens d’existence des ménages
les plus vulnérables (agriculture, élevage)
• Accélérer la mise en œuvre des plans de réponse
et promouvoir en parallèle les actions de
élaborés par les Etats. A ce sujet, l’UEMOA, en
prévention, d’atténuation et de renforcement de
février 2012 à Niamey, a appuyé certains pays
la résilience des ménages les plus vulnérables ;
à hauteur de 40 milliards de francs CFA dont
10 milliards de dons destinés à la facilitation • Accorder une attention particulière aux enfants
de l’accès aux vivres pour les plus pauvres et
de moins de cinq ans et aux femmes enceintes
l’achat d’aliment bétail ;
et allaitantes qui constituent les groupes les
plus vulnérables à la malnutrition, dans les
• Lever les interdictions (dans les pays qui
interventions de prévention et d’atténuation
interdisent l’exportation des vivres) au
de la crise alimentaire, notamment de
commerce des produits alimentaires à travers
supplémentation alimentaire ;
l’application stricte des textes communautaires
sur la libre circulation des personnes et des • Renforcer l’appui aux Etats dans la mise en
biens ;
œuvre d’interventions plus durables tels que
l’accès à l’eau potable et l’assainissement, à des
• Développer des actions spécifiques en
services de santé, la promotion de pratiques
direction des éleveurs-pasteurs, avec la mise à
adéquates d’alimentation et de santé afin de
disposition d’aliments concentrés pour le bétail
lutter contre la malnutrition chronique qui
et d’intrants vétérinaires ;
expose les enfants et leur mère à une situation
constante de précarité et dans un cercle vicieux
• Mieux organiser et coordonner les opérations
insécurité alimentaire/malnutrition.
d’approvisionnement réalisées par les structures
nationales en charge de la gestion des stocks
alimentaires, afin d’éviter l’aggravation de la
hausse des prix ;
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Visitez régulièrement le site du RPCA, pour plus d’informations
sur les autres productions du Réseau :
http://www.food-security.net
Pour favoriser l’accès à l’information sur la situation alimentaire et nutritionnelle dans la région, en
vue de la prise de décision pour l’action, le RPCA s’est doté d’un site Web. Pour vos questions sur la
situation alimentaire et nutritionnelle et vos besoins en documents analytiques, ce site est désormais à
votre disposition : www.food-security.net.
Cette note d’analyse du RPCA a été réalisée sur la base d’informations ou d’analyses fournies par différentes institutions spécialisées membres ou non du Réseau. Plus d’informations peuvent être obtenues
sur leurs sites Web respectifs.
CILSS
www.cilss.bf
[email protected]
[email protected]
[email protected]
+226-50-37-41-25/33
FEWS NET
www.fews.net
[email protected]
+226-70204979
[email protected]
+227-96-97-70-11
FAO
www.fao.org
[email protected]
SMIAR/FAO- ROME
+39-06-57-05-30-99
joseluis.fernandez@
fao.org
FAO-DAKAR
WFP
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[email protected]
AFRIQUE VERT
www.afriqueverte.org
ECHO
www.ec.europa.eu/echo
OCHA
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OCHA
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