Préfecture de Poitiers Lundi 23 mars 2015 Monsieur le Ministre de l
Transcription
Préfecture de Poitiers Lundi 23 mars 2015 Monsieur le Ministre de l
Préfecture de Poitiers Lundi 23 mars 2015 Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Mesdames, Messieurs, Je vous remercie de l’invitation à exprimer brièvement notre perception de la laïcité dans le contexte actuel. Je dois excuser l’archevêque, Mgr Pascal Wintzer, absent cette semaine pour l’Assemblée des évêques de France à Lourdes. En préambule, je voudrais seulement rappeler le fait que l’Eglise catholique reconnaît la laïcité de l’Etat et qu’elle s’inscrit dans le respect des lois de la République française. Je m’en tiendrai à cinq réflexions concernant la manière de traduire dans les faits la laïcité aujourd’hui. 1. L’exclusion sociale et l’appauvrissement des plus fragiles sont ressentis comme des injustices qui engendrent des désespoirs et des violences provoquant d’autres violences. Nous pensons utile et nécessaire de soutenir les mouvements, associations et ONG qui travaillent auprès des populations marginalisées et qui voient souvent leurs moyens diminuer. Dans ce travail de proximité, un nombre appréciable de catholiques prend sa part. Ne pas soutenir ce travail de l’ombre, c’est prendre le risque de voir se développer des formes inédites de radicalisation. 2. Nous estimons comme positive la contribution des religions pour l’élaboration d’une vie en société, qu’il s’agisse de droits humains comme le respect de la dignité humaine, qu’il s’agisse du souci du bien commun, qu’il s’agisse des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Les débats de société (comme le port ostentatoire de signes religieux, le mariage, la fin de vie, le travail du dimanche, les jours fériés, …) mettent en lumière des visions différentes de la vie humaine en société. Les slogans ne sauraient en aucune manière tenir lieu d’argument. Nous devons consentir à une pensée de la complexité où la raison tient toute sa place. Nous ne saurions nous satisfaire de facilités de langage. A cet égard, un effort de la pensée est requis. 3. Le dialogue inter religieux, même modeste, constitue le chemin privilégié pour développer de bonnes relations entre personnes de religions différentes. Il n’est jamais bénéfique de disqualifier l’autre a priori. Nous estimons que des prises de position communes sur des questions de société contribuent à une meilleure compréhension entre les humains de cultures différentes. Elles favorisent la paix. 4. Nous ne pouvons pas nier les inquiétudes exprimées par un certain nombre de personnes lorsque les expressions religieuses sont suspectées a priori ou encore lorsque des visions méfiantes et restrictives de la laïcité trouvent un écho dans l’opinion publique ou dans l’éducation des jeunes. Vouloir cantonner les religions dans l’espace privé, c’est refuser de considérer leur contribution au bien commun de la société et dévaloriser les traditions de sagesse dont elles sont porteuses. 5. Les événements du mois de janvier 2015 à Paris ont marqué notre société en profondeur. Ils obligent à considérer la scène internationale et à rejeter toute forme de violence et de terrorisme. Cela nous conduit actuellement à apporter notre contribution à l’accueil de chrétiens d’Orient (Irak, Syrie). L’un des facteurs d’incompréhension et de radicalisation est certainement l’ignorance des autres cultures. Le développement des connaissances – comme l’histoire de notre pays ; les grandes traditions spirituelles de l’humanité et le judéo-christianisme dans l’espace européen ; les grands courants de pensée ; l’acquisition d’un esprit critique ; l’apprentissage du respect d’autrui – constitue un moyen privilégié pour une reconnaissance mutuelle. Ce travail de fond est nécessaire pour dépasser des peurs irraisonnées, des jugements a priori et faire l’apprentissage d’un vivre ensemble au quotidien. Le Rapport de M. Régis Debray, voici plus de 10 ans, allait dans ce sens. Cela demande des outils pédagogiques de qualité et une formation adaptée des enseignants. Je conclus. Notre pays a su montrer sa cohésion pour refuser l’extrémisme radical et la ville de Poitiers a participé à l’élan national. Il s’agit maintenant d’affronter les questions décisives du vivre ensemble dans une société pluri culturelle et pluri religieuse. La diversité et le pluralisme peuvent constituer une opportunité et une force si nous apprenons le respect mutuel, le sens de la rencontre de l’autre et une solidarité effective. Père Jean-Paul Russeil Vicaire général