Pour des jours heureux

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Pour des jours heureux
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les faits du mois
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 914 - décembre 2016
Pour des jours heureux
Samedi 5 novembre, la marche du jeune mouvement Les jours heureux arrive en fanfare place de la République à Paris. Dernière étape avant
la présentation du livre « Et nous vivrons des jours heureux », le soir-même avec ses auteurs. Un processus à suivre !
Le mouvement Les jours heureux veut
contribuer à les a­ ssocier.
La marche, partie des Pyrénées le
7 octobre, est un moyen de poursuivre
le débat, de partager le sens du programme du CNR. Dans chaque ville ou
village étape, les marcheurs ont contribué à la rencontre entre des personnes
qui ne travaillaient pas ensemble, qui
ne se connaissaient pas. « Pendant la
Résistance, la même question se posait :
arriver à unir toutes ces forces citoyennes
pour construire un même élan et changer la société ».
« Mettre le citoyen
au centre du pacte social »
Une marche symbolique et conviviale de 700 kilomètres pour se retrouver,
se découvrir, apprendre les uns des autres à la recherche de l'actualité du
processus fondateur du programme du Conseil national de la Résistance.
Les Jours heureux ? Un mouvement
unissant toutes générations, fondé après
la ­s ortie d’un film pour constituer une
société du « bien vivre ». Inspiré par le
programme du Conseil National de la
Résistance et par l’Appel des Résistants
aux jeunes générations (1), il vise à engager le débat partout en France pour
construire collectivement des propositions à soumettre aux candidats aux
­é lections de 2017.
Un séminaire, un pacte pour se relier,
un livre coécrit par cent auteurs autour
des principaux enjeux d’actualisation
du programme du CNR s’agissant de
démocratie et d’institutions, d’égalité
et de revenus, d’éducation, d’enfance,
d’énergie et de climat, d’agriculture
et d’alimentation, de santé et d’environnement, de finance et de banques,
d’échanges et de commerce, de droits
et d’écosystème, pour une constitution
dotée de droits opposables reconnaissant notamment le crime d’écocide…
Sans oublier la liberté de la presse.
Président du Conseil national de l’Insertion par l’activité économique, l’économiste Claude Alphandéry prend la
parole : «  Merci aux jours heureux de
faire appel au vieux militant que je
suis et au jeune Résistant que j’ étais,
dirigeant les forces dans la Drôme. Les
­m aquisards se battaient pour chasser
les enne­mis et les collaborateurs, mais
aussi pour construire une vraie démocratie sociale, libérée du pouvoir de
l’argent avec le programme du Conseil
national de la Résistance. On peut s’en
inspirer, pas le répliquer. »
A époque différente, méthode différente, programme différent. A l’heure
de l’anthro­p ocène (2), sans une vraie
transformation des activités humaines,
l’accélération de l’empreinte écologique
annonce la catastrophe. Réagir est l’objet de la COP 22, ouverte à 196 nations
dans deux jours à Marrakech (3). Mais
tant de choses sont liées ! « La pression
économique conduit à une situation inégalitaire insupportable. Il est peut-être
plus difficile de résister aujourd’ hui
parce que les choses sont moins manichéennes, moins visibles, mais elles sont
tout aussi fortes. » Claude Alphandéry
regrette le peu d’écho médiatique accordé aux initiatives réalisées. « Nous
ne sommes pas clandestins, nous ne
sommes pas armés. Ce qui est semblable
est que les citoyens doivent arriver à se
­l ibérer ». Pour des jours heureux, des
« nuits debout » ont travaillé depuis
un an à travers la France. Des mobilisations citoyennes existent, dispersées.
« L’état se place contre l’intérêt général », souligne le cinéaste Gilles Perret.
« La ­s écurité sociale visait à débarrasser la société de ­l’angoisse du lendemain. Le problème ­retrouve la même
question : comment mettre le ­c itoyen
au centre du pacte social ? Le pacte des
Jours Heureux nous donne des pistes. Le
programme du Conseil National de la
Résistance ne s’est pas construit dans la
joie et la bonne humeur. Il résulte d’un
rapport de forces. Avoir fait ressurgir ce
­p rogramme au Plateau des Glières ! »
Fanny Charrasse a écrit le préambule signé des cent auteurs du livre.
« Nous sommes tous différents. Nous
sommes d’abord un mouvement pour
relier en construisant quelque chose à
faire ensemble. » Les uns ont rencontré les autres et le courant est passé,
unissant individus, collectifs, associations, réseaux sociaux, tels ACLeFeu,
le collectif Roosevelt, Colibri, la communauté Emmaüs Lescar-Pau, l’Association des Paralysés de France, des
associations d’anciens combattants…
« Aujourd’ hui, nous avons rencontré
“Pas sans nous”, association organisant elle aussi une marche dans Paris
cet après midi pour soutenir la famille
d’Adama Traoré, mort le jour de ses 24
ans après un placage ventral au cours de
son interpellation par des policiers du
Val d’Oise. Quand j’ai su qu’ils étaient
là, j’ai eu honte. On ne les connaissait
pas. » Les marcheurs se sont rejoints,
arrivant ­ensemble place de la République
où se déroule aussi une des manifestations contre la répression en Turquie
(85 000 fonctionnaires démis de leurs
fonctions, 35 000 personnes en prison,
plus de 150 journaux interdits sous prétexte de coup d’état manqué)…
Samuel, venu du Finistère, a connu Les
jours heureux par une amie de Martin,
l’un des fondateurs. Il a rejoint cette
marche à son cinquième jour. « Nous
avons essayé de semer tout au long de ce
parcours : aux gens de se mobiliser pour
écrire la suite ! » Tout au long du parcours, les marcheurs ont été reçus par
des collectifs d’habitants et d’associations diverses suivant les étapes. La reconnaissance progressive de la marche
a représenté un catalyseur pour réunir
les forces nécessaires et relancer l’esprit
des Jours heureux, 70 ans après l’application du Programme du Conseil
National de la Résistance. « La Sécurité
sociale existe encore, mais l’Energie est
en voie de privatisation, la presse démocratique est en souffrance face aux
marchands d’armes, principaux propriétaires des médias,… si on laisse faire,
il ne restera plus rien ! » Fanny a marché quelques jours entre Romorantin
et Orléans. Pour elle, tout a commencé il y a un an, quand Martin est venu
la voir après avoir lu la nouvelle dont
elle était l’auteur sur le réchauffement
climatique. Mais le monde est ­p etit. lll
les faits du mois
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 914 - décembre 2016
Martin connaissait Fanny par l’intermédiaire de sa mère, la journaliste
Marie-Monique Robin, marraine de
« Générations cobayes », dont il est
aussi co-fondateur. (Individus et asso­
ciations réunis autour d’un Appel de
la Jeunesse depuis 2009 “parce qu’on
ne peut pas vivre en bonne santé sur
une planète malade”).
La première réunion du collectif
Les Jours heureux a eu lieu dans le
Vercors chez les parents de Martin.
L’association était fondée à leur retour
à Paris. En décembre 2015, le projet d’un livre réunissant 100 auteurs
aussi différents que François Ruffin,
­auteur de Merci patron !, Paul Quilès,
ex-ministre de François Mitterrand ou
Corine Lepage,ex-­m inistre de Jacques
Chirac, pour la construction d’un
pacte en vue des élections de 2017
était né. Mais le livre n’est qu’une
lll
étape où cohabitent des propositions
hétérogènes, toujours à débattre. En
­partenariat avec l’APF, une plateforme
numérique enrichit désormais les propositions, tandis que se poursuivent
rencontres et ateliers-­relais théma­
tiques. Dès avril, le pacte finalisé sera
la base de mesures à mettre en application. Les partis politiques seront interpellés tout au long des campagnes
présidentielle et législative, ­s achant
qu’aucun candidat ne peut prétendre
au soutien des Jours heureux.
H élène A mblard
1) Cosigné le 8 mars 2004 par 13 personnalités de la Résistance. Les jours heureux,
film de Gilles Perret (2013) débute au plateau des Glières, où l’ensemble des résistants d’hier et d’aujourd’hui se réunissent
chaque a­ nnée pour rappeler l’histoire des
valeurs de la Résistance. Les p
­ arrains de
5
ce mouvement ? Stéphane Hessel, Résistant
de la France Libre, et Raymond Aubrac,
co-fondateur de Libération Sud. Parmi
les initiateurs du rassemblement, Walter
Bassan, président ­d élégué de la FNDIRP.
Gilles Perret signe cette a­ nnée La Sociale,
film consacré à la fondation de la ­s écurité
sociale, en application du programme
du CNR par Ambroise Croizat et Pierre
Laroque.
2) Popularisé par Paul Crutzen, prix
Nobel de chimie en 1995, le mot désigne
la période de l’Histoire de la Terre qui a
débuté lorsque les activités des hommes
ont laissé une empreinte sur l’ensemble
de la planète.
3) 22 e Conférence mondiale sur le réchauffement climatique des 196 nations, ­parties
de la Convention-cadre des Nations unies
du 7 au 18 novembre.
4) Consulter le site #LesJoursHeureux sur
http://les-jours-heureux.fr/
Le paradoxe du repli
Ambivalences et contradictions jalonnent, entre le meilleur et le pire, les portes du possible ouvertes par les révolutions technologiques
actuelles. Entre l’avènement de l’ère numérique et les conséquences planétaires de l’élection de Donald Trump, les enjeux du travail de
­mémoire s’avèrent déterminants. Réflexion.
Une brève séquence dans le Journal télévisé, porte sur une
conversation téléphonique apparemment entre deux postes
fixes. – « Bonjour, ça va, tu es bien arrivé ? » – « Oui, tout va
très bien. A bientôt ! Je t'embrasse »… Un banal échange
entre un couple séparé par un déplacement. Sauf que…
le voyageur est Thomas Pesquet, qui vient de ­rejoindre la
station spatiale internationale et qui parle à sa compagne
restée à terre !
Le fait que cet entretien soit rapporté brièvement et ne
soulève aucun commentaire particulier, montre à quel
point cette « colonisation » de l'espace, qui représente quand
même une des avancées majeures de la formidable révolution scientifique et technique de notre époque, est pleinement intégrée par l'opinion. Une avancée qui s'inscrit dans
l'ouverture générale de notre planète par les progrès incessants des moyens de communication, et par tout ce que
l'avènement de l'ère numérique peut permettre ­d 'effectuer
dans tous les domaines.
Et c'est là qu'apparaît une des contradictions fondamentales de notre temps. Car face à cette ouverture qui peut
permettre de tracer des voies nouvelles pour améliorer la
qualité de la vie et la coopération dans la solidarité, les Etats
ont de plus en plus tendance à se replier sur eux mêmes, à
se plonger dans les errements anachroniques du passé et
à utiliser les avancées dans un sens négatif.
Une illustration de cette tendance vient d'être fournie lors
de l'élection de Donald Trump à la Présidence des ÉtatsUnis. D'abord par la tonalité de sa campagne électorale.
C'est avec un sentiment d'écœurement qu'on a pu voir et
entendre chez le candidat Trump un déferlement d’insultes,
de haine, d’appels au meurtre, assaisonnés de mensonges
et de contre-vérités flagrantes, de l'utilisation cynique des
moyens modernes de communication et en particulier
des réseaux sociaux, dans leurs aspects les plus délétères.
Quant au programme, tel qu'il a été énoncé au cours de la
campagne, c'est un florilège, en plus vaste et plus « ­musclé »,
de ce que préconisent en Europe les mouvements populistes et d'extrême droite. Le sens général en est la fermeture du pays et la priorité absolue donnée à la défense de
ses intérêts, en particulier financiers pris dans leur sens le
plus large et le plus complet, au d
­ étriment, et dans l'ignorance des engagements et du Droit. Qu'on en juge :
Expulsion immédiate des millions (le chiffre varie)
d'immigrés, en situation irrégulière, présumés d'être, en
­ ajorité, des criminels et des violeurs, construction d'un
m
mur le long de la frontière avec le Mexique, fermeture de
l'accès aux États Unis à des musulmans, abrogation de
l'Obamacare qui permettait à des millions de personnes
de bénéficier d'une protection sanitaire, ­extension de l'interprétation du fameux « deuxième amendement » concernant le port des armes, intensification de la lutte contre le
terrorisme et rétablissement du recours à la torture interdit par le Président Obama, sortie du Traité de Paris de
la COP21, et autorisation de reprendre l'exploitation du
gaz de schiste, également interdite par le Président, diminution des impôts pour les familles aisées et les entreprises, dérégulation du système bancaire, renégociation
des traités commerciaux dans un sens plus protectionniste, répartition nouvelles des charges financières de
l'OTAN avec une participation plus importante des pays
membres, et révision générale de la politique étrangère.
La force au détriment du droit
Il est vrai que le programme comporte aussi la rénovation générale des infrastructures du pays et que dans les
discussions de la transition avant l'entrée en fonction du
Président le 20 janvier prochain, certaines des dispositions
du programme ont été atténuées, comme celle concernant
le Traité de Paris pour lequel on va examiner le coût de
son application et le manque à gagner pour les propriétaires des mines de charbon avant de prendre une décision. Mais la désignation d'un extrémiste, connu pour ses
idées fascisantes, comme « Conseiller spécial et chef de
la stratégie » tempère la portée de ces accommodements.
L'enthousiasme avec lequel l'élection de Donald Trump
a été accueillie par les mouvements populistes et d'extrême droite, l'absence de critiques sur la teneur de la
campagne électorale et ce qu'on peut considérer comme
un acquiescement tacite de l'esprit du programme, constituent une confirmation inquiétante de la progression du
populisme en Europe. Il est peut être utile, a cet égard de
rappeler que pour beaucoup de ces mouvements le populisme consiste en fait à exploiter les difficultés d'existence,
la misère et les désespoir des « personnes défavorisées »,
pour atteindre leur objectif : l'avènement d'un État autoritaire ou même totalitaire
Dans ce tohu-bohu on n'entend guère mentionner les
Droits de l'Homme avec, comme principe premier le
r­ espect de la dignité humaine. On en revient à la primauté
de la force au détriment du Droit, en semblant oublier les
ravages que cette posture a et continue à provoquer. Le
travail de mémoire est donc particulièrement d'actualité.
Il est réconfortant de constater que l'élection de Donald
Trump soulève de très nombreuses protestations aux États
Unis et l'inquiétude dans beaucoup de pays. Il est important
à cet égard de rappeler, comme l'a fait la FNDIRP ­depuis
sa création, que le respect des principes de la Charte des
Nations unies, de ceux de la Déclaration Universelle des
Droits de l'homme et de tous les traités qui en sont ­issus
est essentiel pour sauvegarder les valeurs h
­ umanistes en
entrant dans l'ère numérique.
Serge Wourgaft
brèves
Questions au candidat Fillon
Ce 24 novembre, l’Union des Juifs pour la Résistance
et l’entraide réagissait à une déclaration radiophonique
du candidat François Fillon appelant à combattre l’intégrisme musulman, comme on avait combattu l’intégrisme catholique, « comme on a combattu la volonté
des juifs de vivre dans une communauté qui ne respectait pas toutes les règles de la République française ».
Extraits du communiqué adressé au Patriote Résistant.
(…) De quoi parle donc Fillon ? Des émigrés juifs
­d ’Europe ­centrale, venus pour s’intégrer dans « le
pays de la Liberté et des droits de l’homme » et qui se
sont aussi­tôt massivement engagés dans l’Armée française pour défendre leur ­patrie d’adoption ? Des juifs
contraints de porter l’étoile jaune par l’État français ?
De Marcel Rayman, combattant contre l’occu­pant nazi
avec tous ses camarades de la section juive de la MOI
avant d’être fusillé avec les autres résistants de l’Affiche
rouge par les nazis ? De Charles Lederman, prenant
contact avec l’arche­vêque de Toulouse, Monseigneur
Saliège, ce qui a amené ce dernier à protester en chaire
contre les ­sévices anti­sémites de l’occupant ? S’agitil de Vladimir Jankelevitch, prononçant son cours
en Sorbonne ou écrivant son magistral « Traité des
Vertus » ? L’UJRE attend de François Fillon qu’il ­précise
de quelle « ­période passée » il parle et qu’il revienne
clairement sur ses propos.
Le Bureau de l’UJRE

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