Les programmes de CFI : Médias et développement

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Les programmes de CFI : Médias et développement
Les programmes de CFI :
Médias et développement
Médias et développement
I. Contexte général : processus d’émergence des enjeux de
développement
Des premiers pas à une convergence des agendas
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Les 8 objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont le produit d’une longue négociation
internationale initiée dans les années 90 par les organismes onusiens. A la suite d’une période très
fortement marquée par les institutions financières de Bretton Woods (FMI, banque mondiale), le PNUD
accompagné des grandes agences de l’ONU va reprendre la main en défendant une conception
pluridimensionnelle du développement, intégrant des considérations sociales et environnementales.
Le Sommet de la Terre à Rio en 1992 marque symboliquement ce tournant vers une approche du
ème
développement plus proche de l’humain. Lors de la 55
session de l’Assemblée générale de l’ONU en
2000, le Sommet du Millénaire se clôture par l’adoption de la Déclaration du Millénaire qui marque
durablement l’organisation stratégique du secteur de l’aide avec comme horizon temporel 2015. Le texte
acte que « le principal défi est de faire en sorte que la mondialisation devienne une force position pour
l’humanité ». Il évoque également le « droit au développement » comme moyen d’échapper à la misère ».
Parallèlement à cette réflexion développementaliste, le protocole de Kyoto signé en 1997 symbolise
l’émergence d’une conscience « environnement durable » partagée par les 184 Etats signataires.
L’engagement contraignant de réduction des gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement
climatique donne lieu à la mise en place de divers mécanismes pour atteindre ces objectifs.
2015 marque une année charnière qui doit conclure un processus complexe de renégociation de cet
ème
agenda mondial lors de la 70
Assemblée générale de l’ONU. Même si le contenu final n’est pas encore
connu, il devrait acter une forme de convergence entre l’agenda post-OMD et l’agenda post-Kyoto afin de
contribuer à des objectifs plus larges de développement durable (sustainable development). La COP 21
ème
(21
conference of the parties, selon l’acronyme issu de l’anglais) doit aller au delà des réunions
annuelles où sont analysées les avancées de la convention-cadre des Nations-unies sur les
changements climatiques pour renouveler l’engagement des Etats autour de nouveaux objectifs.
La convergence attendue doit déboucher sur un accord universel (tous les 195 Etats et parties, sans
distinction, sont concernés) mais différencié (les cibles chiffrées seront fixées en fonction des spécificités
de chaque pays). Elle devrait également acter que le développement ne peut se limiter à une dimension
économique et sociale mais qu’il doit intégrer une dimension environnementale.
Passage des OMD aux objectifs post-2015
Le travail préparatoire aux objectifs post-2015 est mené par plusieurs groupes mandatés par les
instances internationales et doit déboucher sur une nouvelle définition d’objectifs plus nombreux que ceux
des OMD. Une organisation de ces objectifs devrait voir le jour autour des dimensions sociales,
économiques, environnementales et de maintien de la paix (gouvernance, paix et sécurité).
Avant même que le cadre général soit rendu public, dès décembre 2014, l’article 78 du rapport de
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synthèse du Secrétaire général sur le programme de développement durable pour l’après-2015 citait la
liberté de la presse et l’accès à l’information dans la liste des chantiers à mener afin de renforcer les
institutions de gouvernance démocratique. Il relaie ainsi la formule de l’UNESCO : « La liberté
d’expression et l’accès universel à la connaissance et à sa préservation, qui supposent entre autres
l’existence de médias libres, diversifiés et indépendants, accessibles aussi bien hors ligne qu’en ligne,
sont des éléments indispensables pour encourager la démocratie et la participation citoyenne et doivent
figurer dans l’agenda pour le développement post-2015 »
Cette reconnaissance légitime et renforce le mandat que le ministère des Affaires étrangères et du
Développement international français a confié à CFI en vue de contribuer à la modernisation des médias
des pays du Sud dans une logique d’aide publique au développement.
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http://www.un.org/fr/millenniumgoals/bkgd.shtml
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/69/700&Lang=F
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Médias et développement
Médias et développement
Le lien entre médias et développement a été exploré dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale
alors que le terme de « développement » se formalise et que les opérateurs (agences, institutions) se
mettent en place autour de logiques de coopération internationale. Ce lien a pris diverses formes au gré
des priorités et des programmes mis en œuvre :
Médias : outils de transfert de développement
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Les travaux académiques de Lerner et de Schramm , largement relayés par l’Unesco, attribuent aux
médias africains (dans un premiers temps, aux radios), dès les années 50 un rôle de
multiplicateurs de développement. Ces principes reposent sur leur analyse du retard pris par ces pays
sur la voie de la modernisation et sur l’importance d’opérer une « transition entre la société traditionnelle
et la société moderne, caractérisée par une urbanisation de plus de 25% et une alphabétisation à plus de
61% » (Lerner, 1958).
Dans ce schéma, les radios sont perçues comme des acteurs pouvant soutenir l’alphabétisation et
encourager l’abandon des comportements contraires à la modernité, deux facteurs qui renforcent les
efforts des pays concernés pour aller vers plus de croissance. L’Unesco s’est largement appuyée dans
les années 60 sur cette vision en encourageant les programmes radiophoniques de sensibilisation, les
radios rurales et les clubs d’écoute.
Cette vision s’accordait harmonieusement avec le paradigme développementiste de l’époque : la
modernisation. Selon cette perspective, les pays du Nord (en Europe et en Amérique) mettent en œuvre
des politiques internationales animées de velléités de développement sur fond de décolonisation et de
guerre froide. Comme le développement est uniquement évalué en termes industriels, urbains et de
croissance, le retard de certains pays pouvait être comblé par le volontarisme des politiques de transferts
technologiques, économiques et culturels.
Dans ce contexte, les médias locaux (principalement des radios) ont été considérés comme des outils de
transfert et de vulgarisation. Les expériences menées, peu probantes, ont démontré que la seule diffusion
d’un message ne suscite pas automatiquement son appropriation.
Médias : outils d’indépendance culturelle
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Dans les années 70, le rapport McBride (Voix multiples un seul monde) publié sous l’égide de l’Unesco,
a souligné le risque que les pays en voie de développement restent de simples récepteurs passifs des
informations et des programmes de divertissement en provenance du monde industrialisé. A la suite de
ce rapport que l’instance onusienne ne pourra d’ailleurs jamais approuver, une mobilisation s’est faite en
faveur d’un Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication (NOMIC).
L’analyse de ce rapport est intervenue à une époque où les théories de la dépendance (notamment par le
Brésilien Fernando Henrique Cardoso) pointaient du doigt la responsabilité des pays du Nord pour
expliquer les retards pris par certains pays du Sud.
Cette prise de conscience des flux unidirectionnels Nord / Sud a conduit plusieurs pays d’Amérique du
Sud (dont le Brésil et le Mexique) à construire de puissants secteurs audiovisuels nationaux qui, depuis,
sont devenus exportateurs de contenus. Dans le même temps, alors les médias audiovisuels africains
étaient dominés par les monopoles étatiques, les conclusions de Mcbride ont plus contribué à légitimer
un plus grand contrôle étatique qu’à augmenter la production nationale.
Avec le recul, même si le rapport McBride a posé les bases de la théorie de l’information, le rééquilibrage
des flux d’information et le développement de ce secteur dans les pays du Sud a conduit à des situations
très contrastées. Dans de nombreux cas, en Afrique ou en Asie du Sud notamment, cette approche a
conduit au renforcement d’Etats autoritaires en contribuant marginalement au développement des pays.
Médias : Outils de démocratie
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http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1967_num_8_31_2383_t1_0748_0000_3
http://lesenjeux.u-grenoble3.fr/2011/Cabedoche/index.html
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Médias et développement
La fin des années 1980 et les années 1990 marquent un profond bouleversement politique et social qui
voit la libéralisation du pouvoir et la naissance des médias privés. Les Etats perdent leur monopole. Des
journaux privés puis, à partir de 1995, des radios privées, se créent selon un rythme effréné (bien
qu’inégal en fonction des pays).
La recherche sur les médias africains connaît elle aussi, à cette période, une renaissance après que « le
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sujet d’étude ait de toute évidence perdu son attrait » (Hyden, 2002, p.6 ) lorsque les gouvernements
eurent exercé un contrôle autoritaire au lendemain des indépendances. A partir des années 90, l’intérêt
se renouvelle et les ouvrages sont nombreux annonçant les médias africains comme des « outils de
démocratisation ».
C’est une période d’espoir. Les médias, comme cela avait été le cas en Europe dans les périodes
d’avènement de la démocratie, allaient éveiller les consciences, nourrir le débat public, nourrir le
pluralisme politique, relever le niveau des débats politiques et exercer le contrôle citoyen nécessaire.
Cette perspective cadre aussi avec le paradigme de développement de l’époque construit sur le passage
à un développement plus humain, moins strictement économique, encourageant la bonne gouvernance et
la montée de la société civile, dans laquelle les nouveaux médias privés sont rapidement intégrés.
Cependant, la structuration du paysage médiatique des pays en développement n’a visiblement pas
assez donné lieu à des débats contradictoires et critiques. Il a fallu attendre le milieu des années 1990, le
rôle des médias dans la tragédie rwandaise, la fermeture d’un grand nombre de journaux et les
dérapages de certains médias pour que l’enthousiasme envers les médias africains se tempère. A cette
époque, l’angélisme fait place à une évaluation objective des obstacles : faiblesse structurelle du lectorat
(ou de l’auditoire), rentabilité économique précaire, pressions multiples dans des contextes de
démocratisation partielle des régimes, forte corruption, faiblesse des formations, énormes inégalités de
développement, etc.
A partir de cette période, les politiques d’influence des pays du Nord cèdent progressivement la place à
l’élaboration de politiques d’aide publique au développement qui répondent aux priorités de structuration
du secteur et de renforcement du professionnalisme, de la déontologie ou du pluralisme.
Au début des années 2000, un lien est clairement établi entre fragilité des processus de gouvernance
démocratique et efficacité des programmes de développement des pays (voire des bassins régionaux
dans certains cas). Les paysages médiatiques, de par la nature même de leur activité, constituent des
indicateurs visibles et pertinents des carences de certains pays. Les politiques de développement
commencent à considérer que le pluralisme, l’indépendance et le professionnalisme des acteurs
médiatiques constituent des priorités à part entière.
Médias : Outils de sensibilisation et de changement de comportement
Dès les années 1980, dans la droite ligne de l’approche de modernisation, se développe l’idée selon
laquelle les médias peuvent sensibiliser et aider au changement de comportement. Même si l’objectif de
modernisation est officiellement discrédité, l’idée demeure que les médias peuvent aider au changement
en sensibilisant sur les bonnes pratiques. Cette approche sera renforcée à partir des années 2000 avec
la montée de l’usage des médias comme outils de résolution de conflit.
Sous l’influence des ONG, de plus en plus d’analyses se développent autour du pouvoir des médias,
essentiellement les radios, à réconcilier d’anciens ennemis (Howard, 2005). Les thématiques de médias
de la paix, ou médias de la réconciliation, sont abordées très régulièrement par plusieurs ONG tel que
Search for Common Ground, RCN Justice et démocratie, etc. qui s’appuient sur le principe de médias
comme outils de changement de comportement.
A l’autre extrémité du spectre des acteurs de l’aide au développement, l’Unicef, par exemple, initie des
plans intégrés de communication qui mobilisent les médias et les acteurs sociaux, pour implémenter de
nouvelles pratiques (lutte contre les maladies, sensibilisation contre l’excision etc. ). Ce courant est sans
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https://books.google.fr/books?id=p2Qx4W_qDqIC&pg=PR5&lpg=PR5&dq=Goran+Hyden+media&source=bl&ots=SCvtVk0kVN&sig
=wr8hreMi6v0fmtgkAmOhorsD5B8&hl=fr&sa=X&ei=ooASVdzdKIbZU_CgsgB&ved=0CD0Q6AEwBA#v=onepage&q=Goran%20Hyden%20media&f=false
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Médias et développement
doute l’un des plus durables dans la relation médias et développement. Il connaît aujourd’hui un
renouvellement autour des thématiques environnementales, où les médias sont mobilisés pour véhiculer
des pratiques de vie plus écologiques ou pour populariser les initiatives positives.
Les médias : outils de participation
Depuis une dizaine d’années enfin, sous l’influence des technologies de l’information et de la
communication, médias traditionnels et médias sociaux contribuent à une participation nouvelle et
renforcée des publics. En touchant et impliquant à la fois l’opinion publique et la classe politique, ils
élargissent le spectre d’influence du secteur des médias.
Loin d’être concurrents, médias sociaux, internet et médias audiovisuels coexistent et interagissent selon
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un processus de confluence médiatique décrit par Tourya Guaaybess (Guaaybess, 2012 ). Elle décrit une
coexistence de médias toujours plus nombreux qui loin de se concentrer ou de s’uniformiser, s’influencent
et se complètent au service de publics qui les consultent alternativement voire simultanément.
Ces réflexions sur les nouvelles possibilités de participation, sur l’élargissement de la prise de parole
médiatique à travers les nouveaux supports d’expression numérique, constituent la plus récente piste de
réflexion pour l’articulation médias et développement. Bien qu’elle ne soit pas théorisée, l’étude des
acteurs internationaux impliqués dans le soutien aux médias du Sud montre un fort investissement dans
cette direction. Cette articulation s’insère dans le nouveau paradigme à l’œuvre aujourd’hui, celui du
développement durable, qui se veut plus inclusif et donc plus participatif.
Quelles attentes dans le contexte actuel de mondialisation et l’ouverture des
marchés ?
Les enjeux successifs continuent à influencer les attentes en matière de développement par les médias.
L’ouverture des marchés, les révolutions technologiques et la mobilité des individus redistribuent les
cartes et donnent de nouvelles responsabilités aux acteurs de ce secteur.
Alors que les enjeux des OMD étaient circonscrits à huit priorités qui offraient autant de pistes
d’intervention en termes de « communication pour le développement » ou de « professionnalisation des
médias », la convergence en cours des agendas de développement élargit le spectre. Le travail aux côtés
des médias du sud évolue dans ce contexte vers l’élaboration de pratiques et de démarches
professionnelles que chacun peut mettre en œuvre en fonction des priorités et des préoccupations de son
public.
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http://lectures.revues.org/7910
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