Le château fort de Mézières (pdf - 889,79 ko)
Transcription
Le château fort de Mézières (pdf - 889,79 ko)
zone marécageuse, au confluent de la Sormonne et de la Meuse. La mairie de Warcq a été élevée en 1852 sur l’ancienne motte castrale. Miracles A la suite de la prise du château de Warcq et de la «libération» des reliques, Adalbéron ordonne leur transfert dans l’église Saint-Vivent à Braux. Inexplicablement, la nef transportant la châsse, au lieu de descendre le fleuve, le remonte, et passe, sans s’arrêter devant Prix, Mézières, Mohon, Semeuse, Lumes, Nouvion... Adalbéron et son armée suivent le navire en empruntant la rive gauche de la Meuse. A Sedan, une femme aveugle offre un vêtement, elle recouvre la vue. L’embarcation, seule, poursuit sa route à contre-courant, jusqu’à Mouzon et s’y arrête5. Peu après, en partie pour célébrer le miracle, l’archevêque Adalbéron fonde l’abbaye de Mouzon. Les héritiers d’Othon de Warcq seront comtes de Chiny et d’Yvois, en Empire. Un château encore debout aux XIVe et XVe siècles En 1328, le château est détruit par un incendie. Il semble pourtant au vue des Chartes des Comtes de Rethel qu’il est réparé par la suite. En effet, le 7 avril 1383, l’on cite le «chastel de Maisieres en la mote d’icelui». Trente-neuf années plus tard, Petit Jehan d’Arches construit un four («fournel») dans la «roche du chastel» au pied d’une tour. Le 20 octobre 1422, il lui est ordonné de boucher ce four qui corrompt la base de l’édifice14 (Archives des Chartes des Comtes de Rethel, tome III). Entre-temps, à partir de 1409, Philippe de Bourgogne fait rénover le Palais des Tournelles (des tourelles) entre un port mosan et la porte ardennaise. Des fouilles archéologiques H sous la place du Château à Mézières - qui a gardé la forme triangulaire des fortifications médiévales disparues - permettraient d’établir un plan précis du castellum et d’éclairer son histoire encore trop obscure. istoire par Gérald Dardart Une histoire sur cinq siècles Principaux événements Les grandes dates du château de Mézières Ier siècle de notre ère : un castrum gallo-romain ? Pour protéger la voie romaine Reims-Cologne 752 : construction du château de Bouillon6. D’autres donnent la date de 852. 812 (?) : un castellum carolingien à Mézières. 843 : la Meuse devient une frontière à la suite du Traité de Verdun. 859 : le palatium d’Arches est cité dans les Annales de Saint-Bertin7. Vers 870 : construction du château du Waridon. 882 : invasions normandes. 883-893 : construction du château d’Omont par l’archevêque de Reims, Foulques8. Fin IXe-Xe siècles : construction des châteaux de Sugny, Warcq,Waridon, Mouzon, Omont, Chantereine 899-919 : invasions hongroises. 899 : construction du château par Herlebade (ou Herlebaud) comte de Castrice, contre Foulques, archevêque de Reims de 882 à 900. 900 : Herlebade (Herlebaud), comte du pagus Castricensis, occupe la place forte de Mézières appartenant à Hervé (ou Hérivée), archevêque de Reims de 900 à 9229. 920 : l’archevêque Hervé fait bâtir un fort à Mézières. Il est en guerre contre Herlebade, comte de Castrice. Premier siège. Le château fort de Mézières 920 : Charles le Simple attaque les possessions de l’église de Reims 926 : retour des Hongrois. 933 : le castellum d’Arches est détruit par Richaire, évêque de Tongres. 930 : des serfs du Dormois, échappés, viennent s’établir au pied du château10. 940 : le château est pris par Baltazard ou Bernard, comte de Rethel. 960 : nouveau siège11. Artauld, archevêque de Reims, entre de nouveau en possession du château. 971 : le frère de l’archevêque Adalberon, le comte Godefroid, fortifie Mézières12. 977 : prise du château par Geoffroy, frère du comte Alton (ou Atton). 971 : le château de Chantereine, à Thin-le-Moutier, est dans les textes13. 978 : invasion allemande d’Otton II en représailles de l’attaque d’Aix-la-Chapelle par le roi Lothaire. En décembre 978, Otton II passe l’Aisne. 980 : Otton II et Lothaire se rencontrent sur la Chiers à Margut. 1096 : départ de la première croisade (Godefroy de Mézières). L 1176 : construction de la collégiale Saint-Pierre par Manassès, comte de Rethel. La collégiale est mitoyenne du château. 1200 : aménagement d’une chapelle castrale. 1205 : «in castellania Maceriarum». 1308 ou 1328 : destruction du château par un incendie. Les sources Abbé J. Gardin, Notes historiques sur Castrice, Balan, 1912, 16p.. 2 Flodoard, Historia Remensis Ecclesiae, traduite par Lejeune en 1854. 3 Flodoardi Chronicon, traduite par l’abbé Bandeville, publiée à Reims en 1855. 4 Flodoardi Chronicon, traduite par l’abbé Bandeville, publiée à Reims en 1855. 5 Spicilegium de Dom Luc d’Achery et les Monumenta Germaniae Historica. 6 J.-F. Ozeray, Histoire de la ville et du duché de Bouillon, Bruxelles, 625p., 1864. 7 Annales de Saint-Bertin, publiées en 1964. 8 Michel Bur, Vestiges d’habitat seigneurial fortifié des Ardennes et de la vallée de l’Aisne, A.R.E.S., 150 p., 1980. 1 Richer, Histoire de France, écrite avant 998. Père Fulgence Richer, Chronique de Mouzon, 1774. Flodoard (décédé le 28 mars 966), Annales. 12 La Chronique ou Livre de Fondation du Monastère de Mouzon, II.4.10. Editée, traduite et commentée par Michel Bur, C.N.R.S., 1989. 13 Historia monasterii mosomensis, vers 1040. 14 Gustave Saige et Henri Lacaille, Trésor des Chartes du Comté de Rethel, Monaco, 1904. 9 10 11 Supplément au journal “Charleville-Mézière magazine” N° 62 - septembre 2002 dessin Olivier Gobé e IXe siècle, marqué par la fin de la dynastie carolingienne au trône du royaume des Francs et l’aube de la dynastie capétienne (987) voit la naissance, dans notre contrée, de premiers châteaux de bois au sommet de mottes de terre : Chantereine près de Thin-leMoutier, Mouzon, Omont, Warcq et Mézières. pendre ; parmi eux était un prêtre. Le fort de Mézières, situé sur la Meuse, dans le territoire de l’église de Reims, fut rendu à l’archevêque, en présence de Frédéric, duc de Lorraine, par Lambert, qui ne pouvait plus le conserver»4. Affaiblissement du pouvoir royal Le 28 janvier 893, Charles le Simple (879-929) est couronné par l’archevêque de Reims, Foulques. Grâce au traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911, Charles le Simple met un terme aux dévastations des Vikings en autorisant leur implantation à l’embouchure de la Seine. C’est la naissance de la Normandie. L’influence royale s’atténue face à la montée en puissance de l’aristocratie. En Lorraine, Charles le Simple se heurte à l’opposition des grands princes qui réussissent à le détrôner en 922. Sa chute marque le déclin définitif des Carolingiens. Henri Manceau explique parfaitement : «L’histoire de la nation française faisait son virage. Cependant qu’agonisait la dynastie carolingienne établie sur l’hérédité, la jeune dynastie robertienne, ou capétienne comme on voudra, fondée sur l’élection, tendait à la supplanter. La compétition se manifestait à l’archevêché par la proclamation ou la destitution des prélats fidèles à l’une ou l’autre cause». Par ailleurs, les petits potentats locaux se multiplient et imposent leur pouvoir par la construction de mottes. Base d’une tour maçonnée (XIIIe siècle) 971 : le château de Mézières accueille l’armée d’Adalbéron La Place du Château aujourd’hui (Photo Ville de Charleville-Mézières) Le tracé de la Place du Château respecte le plan de l’ancien château fort incendié au XIVe siècle à 15 mètres. A la fin du XIe siècle, la maçonnerie se déploie, la motte est alors intégrée dans une enceinte castrale plus large. Au pied de ces mottes castrales, un habitat se développe, la démographie du site évolue, l’économie aussi. La motte est, à la fois, un moyen et un signe du pouvoir local : des hommages sont prêtés «à cause de la motte» (Jean Favier). De belles mottes sont encore visibles à Manre, Bourcq, Stonne, Château-Porcien, Montsaint-Martin, Rethel, Chaumont-Porcien... La révolution des mottes Des châteaux pour protéger les biens de l’Eglise de Reims Au cours du Xe siècle, les anciennes demeures seigneuriales, les curtes carolingiennes, faiblement fortifiées, laissent la place aux castella élevés, en bois, sur des mottes de terre ou/et sur des éperons rocheux. Fossés et palissades simples assurent la protection d’un donjon sommital, généralement quadrangulaire (domus). La motte castrale peut être construite d’un coup ou en plusieurs étapes : soit le tronc de cône de terre est accumulé à grands renforts de bras par couches horizontales ou obliques, soit un escarpement naturel est retaillé, soit, au fil des ans, des bâtis successifs se superposent les uns aux autres. Le diamètre du tertre mesure en moyenne 10 Au traité de Verdun, en 843, la Meuse devient une frontière entre la Francia occidentalis du roi Charles le Chauve et la Lotharingie de Lothaire Ier. Le diocèse de Reims se trouve alors coupé en deux. Le comté de Porcien est attribué à Charles le Chauve, et celui de Castrice à Lothaire. Les châteaux de Mézières en Castrice, Arches en Porcien et Warcq en Porcien cherchent à contrôler le trafic mosan et la voie romaine Reims-Cologne qui traverse la Meuse, à Guilloy (Chapelle Saint-Hilaire) au sud de Warcq. Les archevêques de Reims, entraînés dans la lutte entre carolingiens et robertienscapétiens, font aménager des refuges dans la zone lotharin- gienne de leur diocèse à Omont, Mézières, Mouzon. La dynastie carolingienne, symbole d’unité, s’effondre laissant sa place aux grands, à l’aristocratie. Hormis l’Île de France, domaine du roi, les grands se partagent le royaume. Ils s’arrogent le droit d’élever des mottes castrales pour afficher leur pouvoir. Aussi, ils drainent les populations, les mettant à l’abri, et exigent en contre-partie, de lourds impôts. Des dominations réduites, locales, se juxtaposent. Le château de Mézières tenu par le brigand Herlebalde L’archevêque de Reims, Foulques est assassiné en 900 par Winemar. Hervé (ou Hérivée), chancelier de Charles le Simple, lui succède à l’archevêché de Reims. Hervé s’oppose au brigand Herlebade, comte de Castrice (ou Erlebald). Ce dernier s’est retranché dans son château de Mézières. Il pille, rançonne, saccage dans toute la contrée et notamment les biens de l’Eglise. L’archevêque Hervé l’excommunie. L’armée d’Hervé assiège le château de Mézières durant un mois. Exemple de courage, Herlebade laisse sa femme Isabelle et tente de rejoindre Charles le Simple à Worms. Il est tué en cours de route, dans une embuscade, par un coup de lance. Herlebade et Isabelle avaient eu deux enfants : une fille Hester et un fils Garinus, dit Bras de Fer, qui devient le nouveau châtelain de Mézières. Hervé lève l’excommunication de Herlebade en 921, lors du Concile de Trosly1. Une vingtaine d’années plus tard, vers 940-950, Flodoard (894-966), membre du chapitre et archiviste de Reims, écrit dans son Histoire de l’église de Reims2 : «Hérivée excommunia Erlebald, comte de Castrice, à cause d’une terre de l’évêché de Reims qu’il avait usurpée. Erlebald avait construit un fort sur la Meuse, et de là causait de fréquents dommages aux hommes de l’Eglise. De plus, il s’était introduit par surprise dans le château d’Omont. Mais, comme il ne cessait pas ses ravages, l’archevêque partit avec ses troupes pour s’emparer du château que celui-ci avait construit et qu’il nommait Mézières. Après un siège d’environ quatre semaines, l’archevêque prit la place abandonnée par Erlebald, et, après y avoir mis garnison, revint à Reims. Cependant Erlebald alla trouver le roi [NDLA : Charles le Simple], qui alors était à Worms auprès de Henri, prince d’Outre-Rhin [NDLA : Henri dit l’Oiseleur].» L’archevêque Hérivée accueille le roi Charles le Simple, abandonné par «presque tous les comtes», lui offre sa protection «pendant près de sept mois». Vers 940-950, Flodoard raconte les mêmes événements, en d’autres termes, dans sa Chronique3 : «Hérivée se rendit sur la Meuse, pour reprendre une place de son évêché, nommée Mézières («Macerias»), que retenait à son préjudice Erlebald, comte du Castrois. Il avait excommunié ce seigneur à cause des vexations réitérées qu’il exerçait contre les serviteurs de l’évêché, et de l’invasion furtive du château d’Omont, appartenant à l’église de Reims. L’archevêque, ayant assiégé Mézières avec ses gens pendant près de quatre semaines, contraignit Erlebald à le lui remettre ; il y rétablit une garnison, et revint à Reims». Nouveau siège de Mézières en 960 En 960, «Des traîtres furent découverts à Omont par Manassès, neveu de l’archevêque Artaud, qui les fit En juillet 971, l’archevêque Adalbéron met une forte garnison à Mézières, selon la correspondance du célèbre Gerbert, futur pape Sylvestre II. Adalbéron souhaite reprendre au seigneur de Warcq Othon les reliques de saint Arnould, qui étaient conservées dans une chapelle de Gruyères, donc sur les terres de l’Eglise. Il fait assiéger la motte castrale de Warcq, son frère Godefroi se charge des opérations. Le castellum, construit en bois, se situe en 2 1 3 5 4 1 - La motte d’Omont 2 - Le château des Fées au Waridon 3 - La parfaite motte de Bourcq. Beau tronc de cône 4 - La motte de Stonne, élevée au XIe siècle. Près du Chesne, subsiste une ferme nommée “la Motte” 5 - La motte de Richecourt-Blaise près de Bourcq, évoquée dans les chartes des Comtes de Rethel dès 1387 Photos G.D.P.