L`heure FLeurier
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L`heure FLeurier
WW W. FL EU RI ER .C H OCTOBR E 20 13 L ’ HEURE by F L EURIER L e Va l - d e - T r a v e r s p a s s e à l ’ h e u r e d ’ h i v e r . . . Portrait David-Jean-Jacques-Henri Vaucher Entreprise Métier Anne-Marie de montres Moser, créatrice Page 6 Page 4 Patrimoine Urbanisme horloger Page 5 Patrimoine A la bibliothèque Pages 2-3 Kari Voutilainen, la recherche de la perfection Fournisseur José formation Labarga, orfèvre de Page 7 Page 5 Pièce historique Une horloge marine de Ferdinand Berthoud Page 8 éDITORIAL Créativité. Cette qualité donne son titre à deux des articles de ce nouveau numéro de L’Heure by Fleurier. Elle porte nos horlogers et parcourt l’ensemble de notre vallée. Etre créatif, c’est oser, chercher, inventer. C’est prendre le risque, aussi, de se tromper et de bousculer. Comment concilier tradition et patrimoine (la mission de la Fondation éditant ce journal) avec l’innovation et la modernité ? Cet enjeu représente l’une des grandes tensions de notre temps, quels qu’en soient les gardiens ! Frédéric Mairy E P RI S Luxe, calme et créativité ENTRE Voutilainen, une entreprise où l’on prend le temps pour inventer et approcher la perfection Loin de sa Finlande natale, Kari Voutilainen a créé sa propre entreprise à Môtiers. Il réalise des montres de luxe en petites quantités, en maîtrisant chaque étape de la fabrication. Derrière le calme et la modestie du personnage se cache une véritable machine à inventer. La rigueur nordique de Kari Voutilainen n’a d’égale que sa créativité. A 13 ans, le jeune Kari affirme qu’il veut faire quelque chose avec ses mains et être indépendant. Le gamin de l’époque a de la suite dans les idées, du talent et une grande soif de connaissance. Il apprend l’horlogerie dans son pays natal, la Finlande, et part ensuite se perfectionner en Suisse, au WOSTEP à Neuchâtel. Il entre dans la toute jeune entreprise Parmigiani en 1990. Son désir d’indépendance ne se concrétise que douze ans plus tard. Passionné et prévoyant, l’horloger a investi dans des machines, des tours et de l’outillage installés dans un atelier à Môtiers. Il est donc déjà équipé au moment où il décide de se lancer avec l’idée de réaliser des pièces compliquées. Il travaille d’abord seul, pendant deux ans, en faisant de la sous-traitance. En 2009, quand son entreprise a bien grandi, il installe sa famille et ses employés dans une maison de maître à Môtiers. 2 L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2013 Son équipe est constituée de collaborateurs jeunes et polyvalents à qui il aime transmettre son savoir. Presque tous les composants utilisés sont usinés sur place. « Maîtriser toutes les étapes apporte une liberté de création », explique Kari Voutilainen. Ses clients, essentiellement des hommes, aiment savoir où sont réalisées leurs montres, par qui et de quelle manière. « Tout le contraire des grandes quantités fabriquées de façon industrielle et dont la production est délocalisée ». Pour présenter ses petites séries, il s’appuie sur quatre agents, « des connaisseurs passionnés », et très peu de points de vente, en Suisse, à Paris et en Asie. Il faut beaucoup d’argent pour s’offrir une pièce estampillée Voutilainen. Et de la patience aussi : il y a près de quatre ans d’attente. Ça tombe bien, les modèles sont intemporels. Marylise Saillard Entreprise Artisan d’Horlogerie d’Art Voutilainen Collaborateurs 16 Production Une cinquantaine de montres par an Prix d’une montre De CHF 71’000 à CHF 500’000 Dates marquantes 1988-1989 : Elève au WOSTEP à Neuchâtel 1990 : Entrée dans l’entreprise Parmigiani 1999-2002 : Enseignant au WOSTEP 2002 : Début en tant qu’indépendant 2005 : Première exposition au Salon mondial de l’horlogerie à Bâle 2008 : Construction du premier mouvement La dernièreTitre née de de l’article la marque Ceci sera la zone de 1 texte consacrée l’image ici à gauche. Grâce au à modèle V-8R, Kari Cet espace seraetdédié la marque. Voutilainen son àéquipe ont Voyez ce jeu exquis wallon, de relevé plusieurs défis. Ils ont gracréé phiesystème en kit qui maispermet bref. Ceci est un un d’arrêter les pangramme sans les lettres accensecondes pour assurer un réglage prétuées. cis: quand on tire sur la couronne, le balancier s’arrête. Sur cette montre Ceci sera la zone de texte consacrée au mouvement mécanique à remonà l’article. Ceci sera la zone de texte tage manuel, la réserve de marche est consacrée à l’article. Voyez ce jeu exvisible et mise en valeur. La construcquis wallon, de graphie en kit mais tion en forme de croix de Malte bref. Ceci est un pangramme sans sur le barillet limite la réserve de les lettres accentuées. Dans cet marche pour offrir au mouvearticle, il y a pas moins de 465 ment un peu plus de deux jours caractères. de marche optimale. Le boîtier en or rouge mesure 39 mm de diamètre. La série est limitée à 25 exemplaires. 2 1 Presque tous les composants utilisés sont usinés sur place. 2 L’unité de production est installée dans une maison de maître du début du XXe siècle. L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2013 3 AI T PORTR David-JeanJacques-Henri Vaucher Premiers pas de l’horlogerie à Fleurier, sous la ramée d’un ample peuplier Cité officiellement dès 1732 comme «orologer », David-Jean-Jacques-Henri Vaucher est considéré comme le premier horloger en petit volume ou montres de poche à Fleurier. Il est à l’origine de l’essor de l’horlogerie en ce lieu et d’une lignée d’artisans dont la renommée s’étendra jusqu’en Chine. C’est en 1712, année de la naissance de son second fils DavidJean-Jacques-Henri, que le paysan et charpentier Daniel Vaucher fait édifier une maison à Fleurier, au lieu-dit Le Guilleri, du nom d’un grand peuplier noir qui s’y dresse fièrement. On peut lire aujourd’hui encore sur le linteau de la porte GrandRue 16, le monogramme « DV», encadré de l’année en question. David-Jean-Jacques-Henri aurait appris son métier auprès d’un ouvrier du mythique horloger loclois Daniel JeanRichard. Il épouse, en premières noces, Anne-Marie Croisier, originaire du Pays de Vaud, qui lui donne trois enfants. Devenu veuf, l’horloger s’unit en 1749 à sa cousine Salomé DuPasquier, avec laquelle il aura quatre fils et une fille. Lieutenant de milices, David-Jean-Jacques-Henri Vaucher, dit Vaucher du Guilleri, possède en 1738 une maison dans le quartier du Pasquier et acquiert la bourgeoisie de Neuchâtel en 1740. On dit qu’il fabrique la montre dans toutes ses parties et qu’il excelle en son art : il figure parmi les « habiles Horlogers » du Val-de-Travers mentionnés par Frédéric-Samuel Ostervald dans sa célèbre Description des Montagnes et des Vallées qui font partie de la Principauté de Neuchâtel et Valangin (1766). Trois fils issus de la seconde union de David-Jean-JacquesHenri, soit Claude-Jean-Pierre, Jean-Jacques-Henri et HenriLouis, marchent dans les pas de leur père et fondent la maison « Vaucher Frères », vraisemblablement à la mort de ce dernier en 1786. Leur production consiste en des montres de poche, montres de carrosse (pendulettes) et pendules d’officier, qu’ils exportent avec succès en France, Italie et Allemagne. L’entreprise Vaucher Manufacture Fleurier se nomme ainsi en hommage à ce patronyme réputé. Ariane Maradan Le peuplier du Guilleri (dessin original anonyme, d’après Chs.-Ed. Calame). 4 L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2013 Sources Laurence Vaucher et Paul Clementi - Vaucher… de famille en famille… - Vaucher Manufacture Fleurier, Fleurier 2007. E OI N Urbanisme horloger PATRI M Au tournant du XXe siècle, avec le début de l’industrialisation horlogère, des fabriques s’installent dans nos villages. Plusieurs bâtiments regroupent tout à la fois logement, bureaux et ateliers. La partie habitation, avec ses grandes pièces, ses baies vitrées et souvent des tourelles et des pierres apparentes, souligne l’importance de l’édifice. Celui qui y logeait, à la fois propriétaire et directeur, était à pied d’œuvre pour rejoindre les bureaux et veiller au bon fonctionnement de ses affaires, comme pour tenter de mieux discipliner ses employés. Venant de quitter leurs ateliers familiaux, les horlogers peinaient à entrer dans une structure avec des horaires et des contraintes. Les règlements des usines de cette époque, très stricts, ne leur permettaient plus le libre arbitre qu’ils avaient longtemps pratiqué. Au-dessus de la gare de Travers, l’immeuble qui abritait la fabrique de pierres fines Krügel est l’un des plus typiques de cette période. Benoît Conrath L’usine Krügel: villa et ateliers sont contigus. A la bibliothèque... Le Val-de-Travers Industriel Présentant les différentes industries ayant fait la renommée de la région, la série Le Val-de-Travers Industriel consacre deux numéros à l’horlogerie : naissance de cet art en Suisse, débuts et développement dans le Vallon, montre « chinoise », pendulerie, outils, horlogers célèbres, dynasties, entreprises, fabrication des ébauches, branches annexes, école d’horlogerie mais aussi crises et chômage. Ecrits dans un style désuet, ces fascicules n’en abondent pas moins d’intéressantes données. Ariane Maradan Gaston Rub L’Horlogerie au Val-de-Travers de ses origines à nos jours in Le Val-de-Travers Industriel Collection « Mon Vallon », Revue du Val-de-Travers Première série, N ° 5 et 6 Imprimerie Montandon & Co, Fleurier, mai et novembre 1937, 40 et 64 pages L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2013 5 IER Mé T Anne-Marie Moser, créatrice de montres Créer des objets horlogers dans l’esprit de la marque Parmigiani Fleurier, tout en innovant, c’est à ce difficile équilibre qu’Anne-Marie travaille constamment. Dès qu’une nouvelle montre est définie en taille, en indications, en style, AnneMarie planche. Il s’agit pour elle d’intégrer un nouvel objet dans la lignée de la marque en reprenant le « vocabulaire esthétique », en inscrivant cette nouvelle montre dans l’ensemble déjà existant. Elle doit proposer un modèle qui fera corps avec les précédents, tout en offrant -art complexe- un plus, une évolution, du neuf. échanges avec les artisans. Et des idées lui viennent à tout moment, passant ensuite au tamis du dessin pour, parfois, se retrouver sur une nouvelle montre. d’elle, dans la manufacture et avec les artisans spécialisés, ne manquent pas les personnes qui concrétiseront les défis de fabrication qu’elle leur lance. Le fait d’être dans une petite équipe de création lui permet d’échanger, de collaborer et c’est ainsi que les projets mûrissent. Et elle souligne qu’autour Benoît Conrath Avec des crayons et à l’aide de l’outil informatique, elle laisse aller son imagination en multipliant les esquisses. Ignorant volontairement les difficultés techniques et le coût de fabrication, elle crée, mettant petit à petit ses idées au net. « C’est plus un défi qu’une contrainte de faire du design dans l’esprit de la marque en dépassant le déjà-vu, le déjà-fait chez nous ou ailleurs » insiste-t-elle. Innover et bousculer les limites du faisable sont des choses qu’elle vit chaque jour avec grand plaisir et intérêt. Oui, cette perpétuelle volonté de mettre en forme du neuf lui est essentielle car « sinon on en serait encore à la montre de poche » répètet-elle. Anne-Marie nourrit sa curiosité, sa soif de voir et d’apprendre par des expositions, des livres, des 6 L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2013 Innover et bousculer les limites du faisable. FOURNI SSEU R Le savoir-faire artisanal Plus de 35 ans d’expérience et des méthodes traditionnelles Orfèvre de formation, José Labarga a fait le voyage de Madrid à Fleurier pour entrer dans le milieu horloger. Il a développé son goût pour la décoration et cultive l’amour du travail à l’ancienne. Entreprise José Labarga Collaborateurs 4 Activités Décoration et galvanoplastie Etapes clés 1991 : Création de l’atelier de décoration horlogère 2001 : Déménagement dans les nouveaux locaux 2003: Dépôt du premier brevet Décoration exécutée par l’atelier José Labarga. « Il y a un charme dans le travail manuel qu’une machine automatique ne peut pas recréer. Ça se voit sur le produit fini, en tout cas pour les connaisseurs ». MariaCruz Labarga a été contaminée par le même virus que son mari. C’est lui qui lui a enseigné le métier quand elle l’a rejoint à Fleurier, jeune mariée quittant son Espagne natale. Lui était alors employé dans une entreprise locale, et attiré par le haut de gamme : « un passionné qui ne comptait pas ses heures ». Le couple a commencé à travailler le soir à la maison. José Labarga a ensuite décidé de monter sa propre société. Il est actif dans la décoration de mouvements et de cadrans et dans la galvanoplastie. Avec son épouse et les deux employés formés sur place, il traite environ 1’000 pièces par année. Ses clients sont d’une part des horlogers qui fabriquent des prototypes et des pièces uniques et, d’autre part, des entreprises suisses prestigieuses qui lui confient de très petites séries. Il lui arrive aussi de restaurer des pièces de collection. Perlage, anglage et côtes de Genève n’ont plus de secret pour lui. La créativité fait également partie du métier. Mais comme le déplore Maria-Cruz : « Certains dessins que nous avons inventés par le passé ont été copiés. Désormais nous déposons des brevets, mais ça coûte cher ». Marylise Saillard L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2013 7 PIèCE HISTO RIQU E Compagne inséparable des navigateurs Une horloge marine conçue par le plus illustre des Vallonniers L’une des rares pièces horlogères méritant pleinement l’appellation de « gardetemps », le chronomètre de marine a pour fonction de donner le temps exact en mer, soit « conserver le temps », dans le but de déterminer au plus juste la longitude à laquelle se trouve le navire par rapport à un méridien de référence. Natif de Plancemont, établi à Paris dès 1745, Ferdinand Berthoud (1727-1807) a fait de la détermination des longitudes l’une de ses spécialités. Nommé « Horloger Méchanicien du Roi & de la Marine », il publie en 1773 un Traité des horloges marines, dédié à Louis XV. Muni d’un échappement libre à détente, le mécanisme de cet instrument de haute précision est logé dans une cuve de laiton montée sur une suspension dite « à la Cardan », qui lui permet de se maintenir en position horizontale. Un guichet affiche les heures tandis que minutes et secondes se lisent sur deux cadrans distincts. De dimensions respectables, l’ensemble est abrité dans un solide coffret en noyer. L’horloge marine N° 6 de Ferdinand Berthoud dans son coffret. Numérotée, signée et datée « N ° 6 Inventée et exécutée par Ferdinand Berthoud 1777 », cette rarissime horloge marine est conservée dans la Collection Chopard Manufacture, à Fleurier. Ariane Maradan Impressum Editeur Fondation pour la sauvegarde de la tradition et du patrimoine horlogers de Fleurier et du Val-de-Travers. Comité de rédaction Ariane Maradan, chercheuse indépendante Marylise Saillard, journaliste à RTN et indépendante Benoît Conrath, horloger chez Parmigiani Fleurier Coordination Laurence Vaucher, conservatrice, présidente de la Fondation 8 L’HEURE BY FLEURIER OCTOBRE 2012 Ligne graphique Cyril Schindelholz - Caroline Karakash Crédits photographiques p. 1, 8: © Chopard Manufacture SA; p. 1, 3, 6, 7: © François Charrière; p. 2: © Artisan d’Horlogerie d’Art Voutilainen; p. 4, 5: © Musée régional du Val-de-Travers. Remerciements Le Conseil de Fondation tient à remercier, pour leur soutien et leur aide, la commune de Val-de-Travers ainsi que la Banque Cantonale Neuchâteloise. Mise en page et impression Imprimerie Montandon & Cie, 2114 Fleurier Achevé d’imprimer - octobre 2013 - 9000 exemplaires être proche, c’est soutenir le savoir-faire neuchâtelois »