Principes de géopolitique

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Principes de géopolitique
Principes de géopolitique
J. R. M. Sauvé
Carte de M. Léonce Naud
Sommaire
LEÇON 01 ............................................................................1
Définitions........................................................................................................... 1
Constantes vs variables.................................................................................... 1
Les constantes ............................................................................................. 1
Les variables................................................................................................ 1
Les constantes principes.............................................................................. 1
Universaux par rapport aux principes.......................................................... 1
Les treize principes de stratégie d’État ............................................................ 1
L’État .................................................................................................................. 2
Nécessité de l’État ........................................................................................... 2
Inconvénients de l’État : L’inertie ................................................................... 3
L’entropie ........................................................................................................ 3
Calculer l’entropie d’un État est difficile......................................................... 3
Hypothèse de travail ........................................................................................ 3
Qu’est-ce que l’État optimal? .......................................................................... 3
Ni une théorie ni une idéologie........................................................................ 4
Réalité vs Réel ................................................................................................. 4
Premier principe ................................................................................................ 4
Appréciation vs analyse................................................................................... 4
Appréciation et implication ............................................................................. 4
Responsabilité personnelle dans l’appréciation ............................................... 5
Toute action commence avec une appréciation ............................................... 5
Nécessité de l’État .............................................................................................. 5
Les cinq éléments de base de l’État ................................................................. 5
Le territoire, point de départ de tout le reste .................................................... 6
Faiblesse constitutive et dépendance des territoriaux ...................................... 6
La nature humaine............................................................................................. 6
La nature humaine, la plus faible et la plus dépendante .................................. 6
Comparaison sommaire entre territorialité animale et humaine ...................... 6
L’ingéniosité humaine ..................................................................................... 7
Ancienneté de cette ingéniosité ....................................................................... 7
Objet de la géopolitique..................................................................................... 7
Perspective primitive de la géopolitique.......................................................... 7
Aptitude vs capacité ........................................................................................... 7
Compétences.................................................................................................... 7
L’étendue du champ de conscience............................................................. 7
Ipséité du territoire ...................................................................................... 8
La continuité................................................................................................ 9
Histoire et période formative ............................................................................ 9
Travail à faire ..................................................................................................... 9
Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ Leçon 01
Définitions
À moins que le sens, la signification, l’acception, la portée et la dynamique des mots et des phrases ne soient rigoureusement définis, on ne peut régler les affaires de l’État Confucius
On peut définir géopolitique comme l’étude des constantes géographiques et politiques qui influencent ensemble la genèse, la progression, la puissance et la décadence des États comme tels. Constantes vs variables
Constantes s’oppose à variables. La constante est un facteur ou principe de continuité, par opposition à la variable, qui est une donnée changeante ou un facteur de changement. Les constantes
Les constantes sont dans la géographie, qui ne change guère au cours des âges, et dans les principes, qui sont des universaux et demeurent les mêmes d’âge en âge. Les variables
Les variables comprennent les hommes et femmes politiques, idées et idéologies, partis politiques, groupes de pression, mouvements politiques, opinions, gouvernements, toutes choses qui changent et peuvent apporter le changement. Les constantes influencent la continuité qui forme peu à peu les États. Les constantes principes
Ces constantes s’articulent en treize principes fondamentaux et universaux, en ce sens qu’ils demeurent les mêmes pour tous, peu importe le temps et le lieu. Universaux par rapport aux principes
Les universaux sont des énoncés qui s’appliquent à tout le monde sans exception, dans tous les temps et tous les lieux. Peu importe où on se trouve et à quel instant de l’Histoire on fait référence, les universaux sont les mêmes, en ce sens qu’il faut savoir apprécier le contexte dans chaque cas vécu, puis apprécier les situations qui se sont présentées; l’état du moral, comprenant la conscience et la capacité des concernés d’entrer en relation les uns avec les autres et de se comprendre, etc. Les treize principes de stratégie d’État
Quels sont sommairement ces treize principes de base, universaux, les mêmes pour tous? 1 Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ 1. Appréciation du contexte, comprenant géographie, communications et statuts. Nous y reviendrons. 2. Appréciation de la situation, qu’on peut définir comme l’univers de la relation dans le moment. C’est la nature humaine dont il est question dans ce principe, comprenant la conscience des réalités, la volonté d’agir et l’adversité. 3. Détermination d’objectifs praticables et réalisables en termes de temps et d’espace. La géopolitique n’est pas une utopie. 4. Maintien du moral. 5. Concentration de l’effort dans l’espace et dans le temps. 6. Économie de l’effort. 7. Simplicité. 8. Souplesse. 9. Sécurité. 10. Surprise. 11. Coopération. 12. Coordination. 13. Administration et logistique. Nous y reviendrons. Géopolitique signifie qu’en matière de politique, tout se passe prioritairement dans un ou plusieurs territoires impliqués, toutes régions naturelles confondues, comprenant roches, sols, richesses minérales, climats, étendues d’eau : océans, mers, lacs, fleuves, rivières, ruisseaux, étangs et nappes phréatiques. La géopolitique n’est pas une utopie mais une discipline rigoureuse avec les pieds sur terre, dans la réalité, telle qu’elle est et non telle qu’elle pourrait ou devrait être. L’État
Nécessité de l’État
Quant à l’action, elle passe nécessairement par les assises de l’État. Nul ne peut agir seul, ni en groupuscules. Les sociétés territoriales telles que clans, tribus peuples sans nation ni État ou nations 2
Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ sans État, ne possèdent ni la compétence, ni la détermination consciente ni les moyens d’agir avec envergure, qui constituent l’apanage des États. Inconvénients de l’État : L’inertie
Évidemment, les États ne font pas qu’agir. Ils ont deux inconvénients graves dont le premier est l’inertie d’une organisation hiérarchisée et bureaucratisée, fonctionnant par des lois et règlement écrits et que les fonctionnaires et leurs clients sont portés à appliquer au pied de la lettre et au détriment de l’esprit. L’entropie
Le deuxième inconvénient, qui émane du premier, est l’entropie. Cette expression est empruntée à la deuxième loi de la thermodynamique. Elle signifie que, d’une manière générale, les investissements d’un peuple dans son appareil d’État génèrent beaucoup de pertes. En thermodynamique, l’entropie est calculée au pourcentage. Par exemple, pour une grosse locomotive à vapeur de 250 tonnes, le taux de perte d’énergie peut s’élever jusqu’à 87% par rapport à la dynamique de la machine. En comparaison, l’entropie d’un moteur électrique est infime. Calculer l’entropie d’un État est difficile
Quel serait en pourcentage le taux d’entropie d’un État par rapport à un autre et par quel moyen pourrait‐on effectuer un tel calcul? Personne ne semble y avoir trouvé de réponse jusqu’à maintenant. La seule certitude à ce sujet s’en tient aux conclusions suivantes : plus l’État est gros et massif, plus le taux d’entropie est élevé. On peut postuler par exemple, et ce n’est qu’une hypothèse de travail, que dans un État de cinq millions de citoyens, le taux d’entropie est assez faible. Entre cinq et dix millions il est deux fois plus élevé. Entre dix et quinze millions, il serait trois ou quatre fois plus élevé. Plus de cent millions, l’entropie doit atteindre un niveau exponentiel. Ces données ne tiennent pas compte de l’organisation comme telle et de la compétence des fonctionnaires et politiciens impliqués, ni de la compétence de la relation entre le peuple, ses fonctionnaires et ses politiciens. Il y a là matière à de vastes études qu’il faudra bien entreprendre un de ces jours afin d’augmenter dans tous les États du monde leur capacité de travail tout en demeurant le plus économique possible. Hypothèse de travail
Pour le moment, nous pouvons émettre une autre hypothèse de travail : évaluer l’inertie et l’entropie d’un pays gouverné par deux niveaux de gouvernements. Quel seraient les avantages de se retrouver avec un seul gouvernement? Qu’est-ce que l’État optimal?
L’État optimal est celui dont la taille, l’organisation, la conscience citoyenne, la connaissance des principes sont telles que le pouvoir en place parvient à mettre en pratique les treize principes de stratégie d’État, sans basculer dans l’inertie et l’entropie. Pas facile évidemment mais au Québec, 3 Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ nous devons le proposer à tous nos citoyens et multiplier les efforts pour y arriver. Le Québec deviendra alors un exemple pour le monde. Compte tenu des principes de la stratégie d’État, l’État idéal ne peut être que l’État optimal, que personne ne peut juger par les apparences. On ne peut juger et évaluer un État qu’à partir des treize principes universels et fondamentaux de l’action. La taille optimale d’un État est donc dictée par son aptitude et sa capacité de mettre intégralement en pratique les treize principes de stratégie d’État sommairement expliqués au chapitre 9 dans Géopolitique et avenir du Québec. Ces principes sont repris avec explications détaillées dans ce court traité de géopolitique. Ni une théorie ni une idéologie
Un principe n’est pas une théorie et encore moins une idéologie mais l’élément intangible de la réalité et la réalité est radicale, causale et semelfactive. De plus, la réalité est confrontée au réel, relationnel et libre. Réalité vs Réel
La Réalité, c’est l’univers visible, concret, perceptible, tangible et radical qui nous entoure, chaque seconde, chaque minute, chaque heure, chaque jour, semaine, mois, saison et année. La Réalité, c’est aussi l’univers invisible et intangible qui tient l’univers visible et tangible en place. C’est par l’expérience que nous découvrons l’invisible et l’intangible. Le Réel, c’est l’univers de la relation entre humains de toutes origines, toutes races, tout âge et toute condition. La relation se traduit en pratique par le Je s’adressant au Tu. Le Je et Tu signifie un niveau de conscience et de relations assez élevé pour se traduire en acte. Pour qu’il y ait action et Acte, il faut se présenter devant la Face. Le Réel relationnel, libre mais difficile à saisir. Le Réel dépasse toute Réalité concrète mais par contre, ne peut agir sans passer par cette même Réalité. Premier principe
Le premier principe de stratégie d’État s’énonce comme suit : appréciation rigoureuse du contexte. Appréciation vs analyse
Une appréciation n’est pas une analyse dans le sens empirique du terme, comme une analyse de laboratoire ou une analyse quantitative avec l’aide d’un modèle mathématique. Dans ces cas, l’objet de l’analyse demeure distinct par rapport à l’analyste, dans sa personne et sa personnalité. Évidemment, la personnalité de l’analyste est importante s’il doit enseigner sa matière mais ce n’est pas ce dont il est question ici. Appréciation et implication
Dans une appréciation, le sujet agissant, homme, femme, bureau, office, comité, ministère, gouvernement, peu importe, est directement, subjectivement et personnellement impliqué dans 4
Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ l’action, d’une manière tangible, effective et décisive, ce qui l’oblige en partant à faire la distinction entre les données objectives de l’appréciation et sa propre subjectivité. Cette distanciation intérieure exige un degré très élevé de conscience professionnelle et morale. Par‐dessus tout, il ne faut pas que le sujet soit divisé contre lui‐même, ce qui arrive inévitablement chez les individus et les groupements peu ou mal instruits, incompétents et manquant de jugement critique et de discipline. Responsabilité personnelle dans l’appréciation
Dans l’appréciation, le et les sujets impliqués sont responsables de leur appréciation, leur décision et les actes, dont ils devront assumer les conséquences. La conscience de cette différence majeure entre l’analyse au sens scientifique, pragmatique ou empirique du terme et l’appréciation selon les principes de stratégie d’État est essentielle pour ne pas se tromper sur le sens, la signification, la portée et la dynamique de l’action et des actes qui s’en suivront. Toute action commence avec une appréciation
En stratégie d’État, l’action commence donc avec une appréciation, du contexte d’abord, de la situation ensuite. La géopolitique fonde ses appréciations sur l’actuel et non le virtuel. La stratégie d’État n’a rien à voir avec les jeux savants, comme les échecs ou le Nintendo, dont les mouvements se limitent à des représentations abstraites et rationnelles, qui n’ont aucun rapport ni avec la réalité ni avec le réel. La géopolitique et la stratégie d’État ne sont pas rationnelles ni irrationnelles non plus : ces disciplines sont relationnelles et se rapportent à l’existence comme telle, qui est relation en acte et en puissance. Cependant, avant de passer aux appréciations, il faut se demander si nous possédons les assises de l’État, notre État du Québec, notre propre État à nous, que nous gouvernons nous‐mêmes, suivant une rigoureuse discipline imposée par la nécessité de mettre nos principes en pratique, une discipline en relation avec la Réalité et le Réel, la seule discipline qui vaille. Nécessité de l’État
Que, dans un territoire donné, une population ne puisse rien faire sans les assises de l’État, son propre État; c’est l’évidence même. Nul ne peut agir seul ou regroupé en comités, offices, bureaux ministères ou autres groupes et groupuscules plus ou moins voués à l’action. L’État est autre chose que sa partie. Les cinq éléments de base de l’État
Essentiellement, l’État, qui est la forme la plus complète de la territorialité humaine, comprend : 1. Un territoire, qui lui sert de base et de régulateur pour son action; 2. Une histoire ou période formative au cours de laquelle une population devient un peuple et une nation ; 3. Un savoir, fait de compétence, de conscience et de discipline ; 5 Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ 4. Un pouvoir, ce qui signifie pouvoir d’agir avec envergure en pleine conscience de cause et d’effet et finalement : 5. Un vouloir, ou volonté collective d’agir et de traduire ses intentions en actes. Le territoire, point de départ de tout le reste
Pour comprendre l’État, il faut d’abord comprendre ce que signifient territorialité et territoire. C’est le fondement primitif à partir duquel se définit le champ d’action respectif de chaque peuple, tribu, clan, nation et État de l’histoire du monde, celui d’hier et celui d’aujourd’hui. Chez les animaux dits supérieurs et dans la nature humaine, ce qu’il y a de plus primitif est le territoire, quoique le sens et la dynamique de la territorialité humaine diffère de celle des animaux territoriaux. Faiblesse constitutive et dépendance des territoriaux
Chez les animaux territoriaux, le territoire est un espace privilégié et une réserve de terre, d’air, d’eau, de nourriture et d’abris. Le motif primitif qui porte ces animaux à se réserver des territoires est simple : l’animal territorial ne peut différer son besoin d’eau, de nourriture et d’abri. Il doit manger sitôt qu’il a faim autrement il perd rapidement ses forces, et dépérit jusqu’à devenir incapable de se nourrir et de boire. De même pour l’eau et les abris contre le climat et les prédateurs. C’est en vertu d’une faiblesse constitutive et pour survivre que l’animal territorial se réserve des espaces privilégiés. N’est pas territorial l’animal qui dispose de protections et de réserves naturelles incorporées à son organisme, ce qui lui permet de différer son besoin de manger, boire, dormir, ou se mettre à l’abri. Ces animaux non territoriaux comprennent l’ours, le serpent et le chameau. La nature humaine
La nature humaine, la plus faible et la plus dépendante
De toutes les espèces vivantes, la nature humaine est certainement la plus faible et la plus dépendante sur l’eau, la nourriture et l’abri pour se maintenir dans l’existence et vivre. Le cri du bébé humain qui ne peut attendre sa nourriture est un cri de mort qui témoigne de son extrême dépendance et son incapacité de différer la satisfaction de son besoin. Comparaison sommaire entre territorialité animale et humaine
Chez les populations primitives, la territorialité est donc très semblable à celle des animaux supérieurs et pour les mêmes motifs. C’est par le fait d’une dépendance inhérente encore plus marquée que chez les animaux que la nature humaine est territoriale jusqu’à en faire une cause de guerre, sauf que la guerre n’est possible que lorsque le stade primitif de la survie est dépassé, au point de permettre aux sociétés en guerre de s’équiper d’une logistique d’État. Les populations primitives, sans défense et 6
Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ affamées ne font pas la guerre. Elles meurent de faim si personne le vient les secourir. Ces sont les nantis et les bien nourris qui font la guerre. Nous y reviendrons. L’ingéniosité humaine
Ce que n’ont pas les animaux, c’est l’ingéniosité humaine qui s’invente et se fabrique des outils et des instruments de plus en plus sophistiqués et perfectionnés et qui métamorphosent le territoire en un espace de productions, de pouvoirs et de puissances. Ancienneté de cette ingéniosité
Cette ingéniosité était présente dès les débuts des premières « civilisations », qui ont vu apparaître les premières grandes guerres. Elle ne s’est jamais démentie depuis. Elle a radicalement changé chez les populations humaines leurs perceptions primitives du territoire et de la territorialité. Objet de la géopolitique
Perspective primitive de la géopolitique
À l’intérieur d’un territoire donné avec sa géographie aux caractéristiques et aux possibilités spécifiques, la géopolitique a donc pour objet de définir et d’établir l’aptitude et la capacité des peuples à se prendre en charge et se diriger eux‐mêmes, par le moyen des assises de leur propre État et par la mise en pratique des treize principes fondamentaux qui gouvernent toute stratégie d’État, dont le premier, qui fait l’objet de ce chapitre, s’énonce comme suit : appréciation rigoureuse, objective, correcte, impartiale et compétente du contexte. Aptitude vs capacité
Deux termes doivent être clairement définis en partant. Ils reviendront souvent dans les textes géopolitiques : aptitude et capacité. L’aptitude, c’est l’ensemble des compétences et dispositions intérieures des peuples qui se dirigent eux‐mêmes ou qui aspirent à le devenir dans un avenir plus ou moins rapproché. Compétences
L’étendue du champ de conscience.
La conscience est la première force des peuples qui se donnent ou possèdent déjà les assises de leur propre État. L’inconscient ne mène nulle part. La conscience signifie science de soi et des autres, en commençant par une connaissance réelle des statuts des populations impliquées dans un problème d’envergure. Toute véritable conscience est relationnelle en ce sens qu’elle se voit et voit les autres qui l’entourent, immédiatement et médiatement. C’est à partir de relations voulues et compétentes que se manifeste la véritable force dans l’action. Nul ne peut penser et agir seul. Chacun et chacune ne peut penser et agir que dans et par les autres et inversement. 7 Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ Nature de l’existence L’existence n’est pas isolement mais relation en Acte et en puissance. En acte d’abord. Je vois parce que j’ai la faculté de voir, parce qu’une infinité de choses visibles m’entourent et parce qu’une infinité de jeux de lumières mettent en relation ma faculté de voir avec l’univers visible. Et c’est parce que je vois déjà que je puis voir davantage. L’Acte précède la puissance. Lorsque je ne voyais pas ou voyait peu, d’autres voyaient pour moi. Avant que je sois conçu et que j’aie peu à peu acquis la faculté de voir, d’autres ont vu pour moi. De même pour toutes les relations précédentes jusqu’au premier Acte. La puissance part de l’acte et non l’inverse Il faut voir pour voir davantage. Il faut entendre pour entendre davantage. Il faut comprendre pour comprendre davantage. Dans l’existence, l’Acte précède la puissance et l’Acte est relationnel, un produit de la relation et non une abstraction. Toujours une question de relations Ce qui décide, à court et à long terme de la vie des peuples, nations et États, ce ne sont pas les idéologies ni les beaux discours mais les relations concrètes qui se développent à l’intérieur de chaque territoire et avec l’extérieur. La politique est d’abord et avant tout une affaire territoriale. Le problème de la liberté Se pose alors la question de la liberté? Est‐ce que la géographie qui s’articule en de nombreux territoires revendiqués comme foyers nationaux de par le monde n’est pas un « déterminisme » qui fait obstacle à la liberté? Toute liberté est d’abord adaptation Précisément, il y a liberté lorsqu’on rencontre les défis et surmonte les obstacles de l’existence, y compris l’hostilité outrée, les menaces, les dangers, arbitraires et interventions de toutes sortes qui entravent, limitent ou bloquent l’action. Dans cette perspective, la géographie, avec ses radicalités, n’est pas un déterminisme mais un défi lancé perpétuellement à la face de ses habitants. Ipséité du territoire
Chaque territoire se présente de soi, par ipséité, comme un milieu radical qu’il faut apprendre à dompter et à soumettre. On ne peut faire que ce qui est là n’est qu’un produit de notre imagination qui aurait pu ne pas être là. Ce qui est là dans le territoire est là tel qu’il s’est fait au cours des quinze milliards d’années de l’histoire de la terre. La semelfactivité de la réalité ne peut être ignorée. Inutile, futile stérile et dangereux de chercher à nier ce qui est là en premier lieu et prétendre que « de telles choses ne devraient pas ou n’auraient pas dû exister ». Voilà à quoi la géopolitique s’oppose. Son réalisme articule les défis à relever. 8
Principes de géopolitique Leçon 01 ______________________________________________________________________________ La continuité
Le terme continuité signifie qu’en matière d’État, l’échelle du temps n’est pas celle de l’individu. Pour arriver à maturité, une plante peut exiger quelques semaines ou quelques mois, un animal quelques années, un homme et une femme entre trente et quarante ans. Pour un État, le temps de la maturation, qui dépend des circonstances et du développement d’une conscience collective agissante, peut varier de quelques siècles à plus d’un millénaire. Sa date de naissance correspond à sa maturation en tant qu’État, reconnu et agissant comme tel. Histoire et période formative
Par exemple, la période formative de l’Empire romain dépasse 500 ans. Le Portugal né et devenu État reconnu en 1262, existait sous l’empire romain mais sous un autre nom. Le mouvement d’émancipation des Portugais remonte à la conquête de la péninsule ibérique par les Maures, en 711. Il aura fallu plus de cinq siècles aux Portugais pour s’en libérer. La période formative de la France dépasse 1200 ans, soit depuis Clovis jusqu’à Louis Xlll et Richelieu, alors que l’État français était arrivé à maturité. Celle de la Suède au moins 1500 ans, le premier État suédois étant né sous Gustave Vasa en 1523. D’autres États ont pris encore plus de temps à arriver au statut d’État, notamment l’Allemagne, qui y est parvenue sous Bismarck entre 1865 et 1871, à la faveur d’une guerre contre le Danemark, l’Autriche Hongrie et la France. La Norvège y est arrivée en 1905, l’Irlande et la Finlande en 1920, sans oublier les États qui sont nés de la décolonisation des empires. L’Islande est devenue État en 1948 et le Groenland en 1980. Ces circonstances différentes prouvent que chaque État est unique et identique à lui‐même et à lui‐
même seul, puisque chaque géographie est unique et les communications demeurent uniques à chaque lieu et chaque temps de l’histoire du monde. C’est donc une erreur grave de vouloir homogénéiser le monde en un grand Tout glauque et indifférencié. Travail à faire
Accordons‐nous dix jours d’une leçon à l’autre, afin de pouvoir au moins assimiler sommairement la matière enseignée. Pour renforcer notre connaissance de ces notions de base, il convient de lire quelques thèmes appropriés au choix, soit dans des livres, soit sur Internet, soit par consultation avec des amis ou un groupe de discussion. De plus, un travail écrit, au choix, aide à pénétrer plus profondément dans la matière. Donc : Chacune et chacun des membres du groupe est invité à choisir un des thèmes expliqué ci‐haut, à les fouiller davantage et à en fournir une explication personnelle. Bon travail. J. R. M. Sauvé.
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