Interprété par Ralph Meeker
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Interprété par Ralph Meeker
100 icônes badass du cinéma Les années 40/50 • David Mikanowski • MIKE HAMMER Interprété par Ralph Meeker • Le film: En quatrième vitesse (Kiss me Deadly, 1955). Réalisé par Robert Aldrich • N ue sous sa gabardine, une jeune femme affolée court, en pleine nuit, au beau milieu d’une route déserte. À bout de souffle, elle manque de se faire écraser par un véhicule. Celui-ci freine brutalement puis dérape sur la chaussée, avant de se stabiliser. À son bord, Mike Hammer, détective de Los Angeles, est en rogne : “ Vous avez failli casser ma voiture ! ”. Il prend toutefois la blonde en stop. Alors qu’une chanson de Nat King Cole défile à la radio, on comprend bientôt qu’elle s’est échappée d’un asile psychiatrique et que des hommes sont à ses trousses. C’est le début des gros ennuis pour le privé… mais aussi celui du générique, qui défile à l’envers à l’écran (ce qui suffit à indiquer que ce film n’est pas destiné à suivre les conventions). Lorsque Christina est assassinée, Hammer est entraîné dans une sombre affaire dont une mystérieuse boîte est la clé… Avant de mourir, celle-ci avait en tout cas bien cerné le personnage : “ Vous n’avez qu’un seul amour vrai et durable : vous-même. (…) Vous êtes de ces hommes qui ne pensent qu’à leurs vêtements, qu’à leur voiture… Je parie que vous faîtes des pompes tous les matins pour entretenir vos abdominaux. (…) Dans une relation, vous êtes le genre à prendre… mais à ne jamais rien donner en retour. ” Mike Hammer est en effet un connard, un sale type, un badass sans cœur, incapable de comprendre une situation qui le dépasse complètement. Robert Aldrich n’a d’ailleurs jamais caché le peu d’estime qu’il portait au privé. On sent même un certain mépris du cinéaste pour Mickey Spillane, le père du détective (“ C’est un esprit antidémocratique… fasciste. ”). L’intrigue du roman de Spillane tournait autour d’un simple trafic de drogue. Mais le scénariste du film, Albert Isaac Bezzerides, modifie fondamentalement l’intrigue du bouquin (“ Le livre n’était rien, nous avons juste gardé le titre et jeté le reste ”). Presque entièrement nocturne, ce film aux confins du fantastique baigne d’ailleurs dans un climat de suspicion paranoïaque. Tourné en pleine guerre froide, fin 1954, Kiss me Deadly est en effet beaucoup plus qu’un simple polar. C’est une dénonciation du péril atomique. La mystérieuse boîte à l’origine de toute l’histoire contient en effet des éléments radioactifs et du plutonium. Ce qui explique la lumière aveuglante et le bruit que l’on entend à chaque fois que l’on ouvre cette fameuse boîte métallique (un son qui est en réalité le mélange d’un moteur d’avion et de cordes vocales humaines). Dans le magnifique ouvrage 50 ans de cinéma américain, Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon qualifient En quatrième vitesse de “ cauchemar étouffant où le personnage principal, en quête d’une clé, ne fait qu’ouvrir une série de boîtes, de coffrets enfermés les uns dans les autres, pour aboutir enfin à la boîte de Pandore qui recèle en l’occurrence une catastrophe nucléaire – peut-être la fin du monde. ” Et lorsqu’une femme fatale, poussée par la cupidité, ouvre celle-ci, elle déclenche le feu du ciel et est aussitôt changée en torche vivante. Une séquence qui a dû traumatiser Spielberg et qui ressemble furieusement au final des Aventuriers de l’arche perdue. Tarantino confie aussi : “ Les gens pensent que ce film m’a influencé pour Pulp Fiction à cause du mystérieux contenu de l’attaché-case récupéré par John Travolta et Samuel L. Jackson. Mais je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. En revanche, le personnage de Butch joué par Bruce Willis est très inspiré de celui de Mike Hammer dans le film d’Aldrich (…) Butch est, comme lui, un putain d’enfoiré de sa mère. ” Né en 1947, Hammer a eu plusieurs visages à l’écran. Il est apparu sous les traits de Biff Elliot, Robert Bray, Mickey Spillane lui-même (dans Solo pour une blonde, en 1963) et Armand Assante dans une version contemporaine de J’aurai ta peau (I, the Jury, en 1982). Il été aussi popularisé par une série télé dont Stacey Keach est la vedette (même si dès 1954, Brian Keith interprétait le rôle dans un téléfilm de Blake Edwards). Ralph Meeker est pourtant le meilleur des Hammer dans Kiss me Deadly. Avec sa force brute, ses paluches immenses et son cou de taureau, ce type plein d’assurance envoie des châtaignes à décorner les bœufs (jamais on avait cogné aussi fort dans un film noir). Il faut voir son sourire sadique quand il écrase la main du médecin légiste de la morgue ou torture un témoin innocent en cassant sa collection de disques rares d’opéra. Un sauvage. Aperçu dans Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, Meeker a figuré ensuite parmi Les douze salopards, du même Aldrich et L’affaire Al Capone de Roger Corman. Grâce à lui, nobody fucks with Mike Hammer !¶ 17