BLACK IS BEAUTIFUL ?!?
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BLACK IS BEAUTIFUL ?!?
A LA UNE TOUCHE PAS A TA PEAU ! BLACK IS BEAUTIFUL ?!? Si les membres des mouvements afro-américains des année 60 clamaient haut et fort « Black is beautiful », n’hésitant pas à arborer de flamboyantes crinières crépues et un teint « minuit »1, le comportement de certaines femmes Noires d’aujourd’hui tend à aller à l’encontre de cette belle philosophie. Le « xessal » ou dépigmentation artificielle de la peau est un phénomène vieux d’un quart de siècle et qui concerne de plus en plus de femmes d’origine africaine. En Afrique, en Europe ou encore aux États -Unis, on croise de plus en plus de femmes noires à peau claire ; certains les ont même surnommés « les négresses blanches ». La dépigmentation est donc un phénomène international largement relayé par les magasines féminins destinés aux femmes noires. Tous regorgent de publicités vantant les vertus éclaircissant de telle ou telle crème. Les salons d’esthétique dédiés aux Noirs et même les épiceries exotiques proposent un choix débordant de produits dépigmentants ; crèmes, laits, lotions… tout est bon pour paraître plus clair ! Le corps médical ne cache plus son inquiétude. De nombreuses études menées ont prouvé combien cette pratique était nocive, certains parlent même d’un problème de santé publique. KODIVOIR EKOD’AFRIK le journal le journal N° 78 N° 79 du 8dunovembre 21 février2003 2004 Plusieurs procédés sont utilisés pour éclaircir la peau. Selon les ressources financières des candidates à la dépigmentation, les méthodes sont plus ou moins élaborées. Elles ont néanmoins une caractéristique commune: leur dangerosité. Les crèmes dépigmentantes contiennent des corticoïdes de haute activité, des dérivés de mercure, ou encore de l’hydroquinone. Les recettes maison font quant à elles « froid dans le dos » puisque l’on retrouve parmi les ingrédients les plus utilisés de l’eau de javel, du diluant cellulosique, ou encore du savon acide… Les plus fortunées opteront pour l’injection de quinacore, un produit destiné à soigner les rhumatismes et qui a pour effet secondaire de blanchir la peau. La peau est bien entendu la première à faire les frais de tels traitements. Des boutons, des vergetures apparaissent couramment sans parler de l’aspect « peau de léopard » car bien souvent, l’éclaircissement n’est pas homogène. Mais au delà de ces « petits » désagréments, les médecins relèvent des affections cutanées beaucoup plus graves comme l’érysipèle2 nécessitant parfois une hospitalisation. Et pire encore, une étude réalisée par l’Institut d’hygiène social de la Médina révèle que « l’utilisation des produits dépigmentants au cours de la grossesse s’accompagne souvent d’accidents obstétricaux [on note en effet] des cas d’intoxications mercurielles chez les nouveau-nés dont la mère utilisait des topiques de dépigmentation à base de mercure au cours de la grossesse »… page page 44 A LA UNE Des obstétriciens attribuent même au « xessal » un certain pourcentage de la mortalité maternelle ! Le quinacore a pour autre effet secondaire, en plus du blanchiment, de créer une immunodéficience. Le système immunitaire ne parvient plus à protéger le corps des agressions externes. Les patients deviennent donc hypersensibles à la moindre affection qu’elle soit virale ou microbienne. Certains pays comme l’Afrique du Sud ont totalement interdit l’utilisation de l’hydroquinone suite à des études qui mettaient clairement en lumière son caractère cancérigène ! Cette pratique n’est donc pas à prendre à la légère et ne peut se réduire à un simple phénomène de coquetterie. Se dépigmenter artificiellement la peau c’est mettre sa vie en danger. Compte tenu de tous les effets secondaires que présente le « xessal », une question s’impose : pourquoi les femmes d’origine africaines continuent à se dépigmenter la peau ? Recherche de financement pour projet de lutte contre la dépigmentation de la peau au Sénégal. Projet comportant des brochures, deux spots télé, des affiches et une émission télé. Appel aux grandes marques de produits de beauté et aux féministes . Devant l’ampleur du désastre même les hommes d’état africains tirent la sonnette d’alarme. Ainsi, Jammeh, président de la Gambie depuis 1994 a instauré des règles draconiennes à l’encontre des femmes pratiquant le « xessal ». Le quotidien gambien, « The independant », rapporte que le président a donné pour ordre aux hauts responsables de la police d’arrêter toute femme utilisant des produits pour s’éclaircir la peau, sans distinction aucune. Suivant cette logique, en 2003, sept policiers, dont quatre officiers, qui se dépigmentaient la peau ont été licenciés. Et ceci n’est que la prémisse de mesures encore plus N° 79 du 21 février 2004 Visage brûlé, ravagé par des produits éclaircissants A première vue, certaines n’ont pas connaissance des risques encourus, l’information ne circule pas encore vraiment et des idées erronées perdurent. Ainsi, des femmes pensent parvenir à soigner des problèmes de dermatoses comme l’acné par le biais de cette méthode… Cette pratique n’est donc pas à prendre à la légère et ne peut se réduire à un simple phénomène de coquetterie. Se dépigmenter artificiellement la peau c’est mettre sa vie en danger. Ce phénomène de société inquiète au point que des projets de lutte contre la dépigmentation fleurissent. On trouve ainsi l’annonce suivante sur le site internet jobafrique.com: EKOD’AFRIK le journal drastiques puisque Jammeh a annoncé que prochainement, les coupables seront licenciés sans droit et devront rembourser les salaires des trois derniers mois perçus ! Mais surtout, cette pratique est devenue un véritable phénomène social auquel il est difficile d’échapper. En effet, des statistiques révèlent qu’il ne s’agirait pas d’un choix libre puisque 70% des aficionados du « xessal » auraient été fortement encouragées par des amies et 30% par leurs conjoints… Dans 20% des cas c’est un événement social fort – mariage, baptême- qui interviendrait comme facteur déclenchant. Des anecdotes emblématiques ne cessent de circuler. Des femmes déclarent que leur époux volage est prêts à rentrer dans le droit chemin à la condition qu’elles affichent un teint de métisse… Lors de certaines cérémonies familiales, les femmes qui sont claires s’assoient ensemble mettant les femmes de teint foncé de côté… Les mains trahissent la pratique du xessal par un aspect « peau de léopard » Une peau noire, belle et saine. La négritude assumée dans toute sa splendeur Pourquoi, cette fascination pour les femmes à peau claire, pour les métisses, au détriment des femmes à peau d’ébène ? Beaucoup minimisent encore cette pratique en la comparant au désir de bronzage chez les européennes, Calixte Beyala déclare d’ailleurs dans le magazine Amina : « Les femmes blanches se bronzent au risque d'attraper le cancer de la peau. Asiatique, Noire, Blanche, la beauté n’a pas de couleur. page 5 A LA UNE Je commence à en avoir un peu assez de ce que l'on dit de la femme noire. La coquetterie a toujours fait partie des rites féminins au quotidien. Je ne pense pas qu'en s'éclaircissant la peau, les femmes africaines veuillent ressembler aux européennes... (…) Ce n'est pas parce que les Blanches se bronzent qu'elles veulent devenir ou ressembler aux Noires. C'est une conclusion un peu hâtive. La femme africaine est très belle. Elle le sait très bien. » N’en déplaise à la grande romancière camerounaise, nombre de sociologues, psychologues et historiens s’accordent pour dire qu’une telle pratique est symptomatique d’un vieux complexe d’infériorité contracté au cours de l’esclavage et de la colonisation. Au cours de ces siècles de terreur et d’aliénation tant physique que mentale, l’homme Noir aurait inconsciemment intégré le fait qu’être Blanc représentait une indéniable supériorité. Cette analyse semble d’autant plus fondée que cette pratique de dépigmentation concerne de plus en plus d’hommes noirs. Le débat va donc bien au-delà d’un rapport hommefemme dans lequel les femmes se plieraient aux exigences de leurs époux. Se pose ici la question de l’identité. Comment l’Homme Noir assume-t-il sa négr itude face à un monde occidental et blanc, inévitablement associé à la réussite, au progrès et à l’argent ? Il ne s’agit pas de crier haut et fort que l’on est fier d’être Noir, encore faut-il le prouver. La première des choses étant de conserver et d’assumer l’apparence de ce que l’on est, Noir.n Noémie GRATALOUP 1 : Terme très souvent employé par Beyala pour signifier un teint de peau très foncé 2 :Maladie infectieuse contagieuse de la peau, causée par un streptocoque et caractérisée par un placard Le « xessal » en chiffres : 67% de sénégalaises s’adonneraient à cette pratique 58% pour les togolaises 25% pour les maliennes Les 20-45 ans sont les plus nombreux à se dépigmenter la peau VOTRE AVIS Aujourd'hui même si certains psychologues affirment que la dépigmentation est due à un complexe d'infériorité vis à vis de l'Homme blanc, la plupart des Africains affirment le contraire. En effet, pour eux le xessal est un simple phénomène de mode, une coquetterie. besoin d'être beau pour avoir des femmes. Mais c'est la mouvance actuelle qui veut que les hommes prennent soin d'eux. L'Homme se féminise et aujourd'hui pour plaire il doit avoir du charme et de la tchatche ». Marie, 25 ans (origine française) : Pour en savoir plus, et comprendre ce qui motive les femmes, de plus en plus nombreuses à abandonner leur teint d'origine au profit d'une peau plus claire proche de celle des métisses nous avons mené une petite enquête et interrogé un public hétérogène. Abel, 26 ans (origine tchadienne) : « On ne peut pas reprocher aux femmes africaines de vouloir s'éclaircir la peau pour plaire. Car, même les femmes françaises veulent avoir un teint doré, mat, et pour cela elles bronzent au soleil et pratiquent régulièrement des « Les Africains sont Encore dans la mouvance des femmes claires, pour eux, une femme claire est belle. C'est donc un critère de beauté. Il s'agit je pense d'une forme de complexe relatif aux blancs » Abel « Les Africains sont Encore dans la mouvance des femmes claires, pour eux, une femme claire est belle. C'est donc un critère de beauté. Il s'agit je pense d'une forme de complexe relatif aux blancs. Les femmes qui pratiquent la dépigmentation ne mesurent pas les dangers : maladies de peaux. Elles recherchent une beauté mais au final c'est le contraire qu'elles obtiennent car souvent il y a des ratages et le teint n'est pas uniforme sur la totalité du corps. Par exemple au niveau des doigts il y a généralement des tâches. Pour moi être métisse n'est pas un critère de beauté. Soit tu es beau, soit tu es moche. On dit que les métisses sont belles mais le métissage peut donner de bonnes surprises comme de mauvaises. Dans notre cas ce n'est pas du métissage mais un complexe. Ces femmes sont pourtant super fières mais cette fierté a des limites car le complexe de leur teint est toujours présent. Je pense que pour les hommes c'est encore plus ridicule. Un homme n'a pas séances d'UV toute l'année. Je pense également que la femme africaine a besoin de séduire et de s'occuper de son corps cela fait partie de sa culture. Quand on les observe au quotidien on remarque qu'elles sont toujours élégantes, bien coiffées avec des ongles bien faits. Dans les quartiers africains, on constate que de plus en plus de femmes vont chez le coiffeur ou dans les magasins spécialisés pour acheter des cosmétiques. Ces femmes, souhaitent ressembler à la femme métisse qui représente la bombe sexuelle et qui attire. Il est certain, que lorsqu'une femme africaine se lisse les cheveux ou met des rajouts et qu'elle s'éclaircit, elle attire le regard car elle est séduisante. De plus, les publicités (panneaux publicitaires ou publicités télévisées) montrent de plus en plus de femmes africaines. Aujourd'hui, il y a beaucoup de mannequins africains. 5 milliards de francs CFA sont investis chaque mois par les femmes de certains pays d’Afrique de l’ouest dans le « xessal » EKOD’AFRIK le journal N° 79 du 21 février 2004 page 6 A LA UNE SUR LE XESSAL Cependant, je me suis rendue compte que toutes ces femmes médiatisées n'ont pas un teint trop foncé je me demande donc si elles sont dépigmentées ? Mais je ne sais pas. Les femmes veulent à tout prix ressembler à ces personnalités, comme Naomie Campbell par exemple. La femme africaine est devenue l'une des femmes les plus séduisantes. Enfin, je crois que la dépigmentation qui peut être, est un complexe de la femme noire par rapport à la femme blanche, et qui représente un danger pour la santé a une explication. En effet, les Africains vivant en France ont besoin de s'intégrer et cette intégration n'est pas toujours évidente surtout face au racisme qui peut exister actuellement dans notre société. Mais, je pense que lorsqu'on se trouve dans un milieu cultivé et ouvert ce racisme dû à la différence de peau disparaît, et il n'y a alors plus aucune différence entre les êtres. Je pense que nous sommes désormais face à un phénomène de globalisation mondial. Chacun souhaite ressembler à l'autre: l'Homme blanc en se bronzant et l'Homme noir en se dépigmentant. La différence entre les Hommes disparaît peu à peu. ». Ces témoignages nous donnent un aperçu externe de ce que pense les personnes de ces pratiques en général. On constate qu'une partie des partie des personnes interrogées ne se sente pas concerné par la dépigmentation car elle ne la pratique pas et ne la pratiqueront peut-être et même certainement jamais. Ces témoins pensent que le xessal représente un danger non négligeable et qu'il ne faut surtout pas l'encourager malgré un commerce de produits décapants de plus en plus fleurissant. D'autres témoins nous ont avoué être plus tolérants comprenant ainsi la souffrance des femmes pratiquant le xessal et leur besoin de plaire. Ils n'approuvent pas pour autant les méthodes utilisées nocifs pour la santé. Mais, ils pensent que si les consommateurs et consommatrices de produits cosmétiques éclaircissants et d'injections de quinacore se sentent mieux, après tout EKOD’AFRIK le journal N° 79 du 21 février 2004 c'est un choix, et une liberté qu'elles peuvent revendiquer. L'intérêt étant d'être bien dans son corps et sa tête et d'assumer ses choix comme toute personne responsable. Mieux vaut une femme bien dans son corps qu'une femme mal à l'aise et insatisfaite de son physique. venus sur leur peau. (surtout au niveau du visage) Une femme nous a même avoué être déçue car elle pensait qu'en arrêtant son teint d'origine reviendrait. Malheureusement des cicatrices (nombreux boutons) sont restées au niveau du visage ce qui est disgracieux. Nous avons interrogé des femmes qui pratiquaient le xessal mais qui l'ont abandonné malheureusement elles ont souhaité rester anonyme. Il ressort de ces témoignages que finalement énormément de fe mmes arrêtent la dépigmentation pour des raisons diverses. Il faut savoir que certaines femmes ont la chance de retrouver leur teint d'origine lorsqu'elles arrêtent le xessal mais pas toutes. La plupart conservent les cicatrices de cette tentative de blanchiment : vergetures, tâches ou boutons... A l'issue de cette petite enquête j'ai pu ar- Certaines, arrêtent à cause des dépen« Ces femmes, souhaitent ressembler à ses excessives que demandent l'éclairla femme métisse qui représente la cissement de la bombe sexuelle et qui attire. Il est cerpeau. Il faut compter une dépense tain, que lorsqu'une femme africaine se moyenne de 80 lisse les cheveux ou met des rajouts et euros minimum par mois et toutes n'ont qu'elle s'éclaircit, elle attire le regard pas les moyens ficar elle est séduisante. » Marie nanciers pour continuer pendant des années entières. river à la conclusion suivante : "Au bout d'un moment ça revient cher !" De plus, les rattages sont nombreux car Le xessal est certainement un phénomène souvent les femmes n'ont pas un teint uni- de mode déclenché par le culte de la beaufié sur tout le corps, elles ont plusieurs té. On a souvent l'impression que la majoteints et cela les découragent. D'autres rité des femmes africaines sont fières de laissent tomber à cause du nombre d'heu- leurs actes mais quand on parle de ce sujet res qu'elles passent à s'hydrater la peau ne dans ce milieu c'est souvent un tabou. A la pouvant alors vaquer librement aux tâches question : "Pourquoi vous faites vous ménagères. Tous les matins et tous les éclaircir la peau ?" On entend souvent soirs ces femmes doivent s'hydrater le cette réponse : "toutes mes copines le font" corps entier avec des produits décapants J'en ai donc conclu que la plupart des fe mpour obtenir un résultat finalement insigni- mes pratiquaient le xessal pour ne pas se fiant. "Cela prend du temps pour obtenir sentir exclues d'un groupe ou pour s'intéun bon résultat mais au prix d'énormes grer dans un groupe de femmes ayant la sacrifices humains et financiers, car à cha- peau dépigmentée. J'ai senti une certaine que fois que je rentrai du travail, avant de rétissence à répondre aux questions m'endormir je me passais de la crème concernant ce sujet. C'est leur jardin seéclaircissante sur tout le corps ce qui était cret. Une femme africaine ne vous dira vraiment fatiguant !" jamais les produits qu'elle utilise pour se D'autres ont abandonné car les produits dépigmenter la peau, il s'agit d'une concurcosmétiques qu'elles utilisaient, abimaient rence, d'une rivalité entre femmes. Qui leur peau. Pendant l'application des crèmes sera la plus claire ?n elles ressentaient des hyritations et souAminata SONKO dain des boutons et/ou des tâches sont sur- page 6