UNE FEMME SE MERITE, MAIS LAQUELLE ?

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UNE FEMME SE MERITE, MAIS LAQUELLE ?
UNE FEMME SE MERITE, MAIS LAQUELLE ?
Abraham et Sarah portaient les mêmes regards dans la même direction. Tous deux n'avaient
qu'un seul souci, celui de rallier les âmes en peine à leur cause par le monothéisme. Pendant
longtemps, Abraham et Sarah étaient stériles mais, le moment venu, le Créateur a en quelque
sorte rajeuni ce couple pour avoir des enfants.
Sachons qu'avant ce moment, pour ne pas rester sans descendance, Sarah avait proposé à
notre patriarche de faire appel à Hagar, sa servante, pour remplir le rôle de « mère de
substitution », puisque l'enfant venu naîtra sur les genoux de Sarah. Cet enfant s'appellera Ismaël.
Mais, un peu plus tard, une fois le miracle divin concrétisé, Itshak sera l'enfant légitime de ce
couple jusque là stérile.
Très vite, Sarah, plus prophétesse qu'Abraham, demandera avec force à son mari de
répudier Hagar et son enfant pour que son fils, Itshak, évolue dans un milieu plus approprié pour
notre matriarche. Peu de temps après le ligotage d'Itshak, Sarah mourut. Ce ne sera qu'après s'être
marié avec Rivka qu'Itshak pourra se consoler de la perte de sa mère.
Un principe cher au judaïsme veut qu'un homme veuf, quel que soit son âge, reprenne
femme. Un homme ne doit jamais rester seul et doit tout faire pour reconstruire sa vie auprès
d'une épouse. Toutefois, un père doit avant tout attendre que les enfants se marient avant de
refonder un foyer. Dans le cas qui nous occupe, c'est Itshak qui proposera à son père de prendre
de nouveau Hagar. Il est important de souligner que si Abraham avait pu divorcer de Hagar c'est
parce qu'il était légalement son époux avant la conception d'Ismaël. Certes, une servante ne
pouvait jamais être l'épouse légale de son maître. Mais dans le cas de Hagar, cela a pu se faire
pour permettre à Ismaël de devenir, a priori, le légataire légitime d'Abraham.
Maintenant qu'Itshak est né, Ismaël ne pouvait plus espérer ce partage. C'est pourquoi
Sarah préféra l'éloigner, pour le grand malheur de notre patriarche. Alors HaChem intervint et
rassura Abraham, lui enjoignant d'écouter son épouse qui lui apprenait prophétiquement que,
seul, Itshak allait pouvoir jouer ce rôle. A ce moment de l'histoire, Hagar n'était pas encore
conforme pour une union définitive avec Abraham. Pour nous le signifier, la Torah nous précise
que notre patriarche va se remarier mais avec Kétoura. Mais qui est cette Kétoura ? Sur ce point
une zone d'ombre nous empêche d'affirmer quoi que ce soit. Pour certains, ce serait l'une des
petites filles de Noah, tout comme Sarah. Elle serait une Kenaanite. Quoi qu'il en soit, Kétoura ne
serait autre que Hagar. Ce nouveau nom, donné à Hagar, est là pour nous apprendre qu'elle s'était
pleinement ravisée pour se ranger totalement dans les perspectives d'Abraham, tout comme
Ismaël le fit.
Ce mot, Kétoura, désigne l'encens qui est particulièrement cher à D ieu. Pour en arriver là,
il a fallu à cette femme ainsi qu'à son fils beaucoup travailler au point que l'on donne à Hagar un
nouveau nom plus approprié. De là, nous apprenons qu'en changeant le nom d'une personne, son
devenir change.
Maintenant on peut comprendre le verbe employé à propos d'Abraham « se remarier ». La
répétition de ce verbe, nous disent les sages, nous permet d'avancer avec certitude qu'il s'agit là
de Hagar, totalement empreinte de l'esprit de D ieu au point que cette union fut décrétée « du
Ciel ». Cela pour qu'Abraham ait de nouveau des enfants en grand nombre pour mériter une
ancienne bénédiction : « tu seras le père d'une multitude de nations ».
Mais en quoi l'encens expie-t-il ? Que peut-il expier et pourquoi ? Quand Hagar pleurait
après avoir été chassée de chez son Maître et de chez sa Maîtresse, elle était allée dans le désert
avec son fils et elle rencontra un ange qui l'interrogea sur son sort. Elle pouvait alors tout raconter
de ce qui lui était arrivé avec Sarah, mais elle n'en dit pas mot. Ne sortit de sa bouche que la
phrase suivante : « ma maîtresse, Sarah, m'a demandé de m'en aller ». S'abstenir de tout dire sans
porter préjudice à Sarah qui, pour le moins, l'avait malmenée, même si les raisons qui l'avaient
conduite à cela étaient fondées, prouve que les nouvelles résolutions de Hagar étaient bel et bien
prises. C'est alors que, par cette nouvelle conduite, Hagar fut pardonnée de ses fautes passées et
c'est Kétoura qu'elle fut nommée. Hagar était donc d'abord servante, puis épouse pour un court
moment, puis définitivement épouse. Retenons qu'une concubine, jouant le rôle de servante, ne
peut obtenir l'acte de mariage religieux. Quand le concubin souhaite se séparer, il ne sera pas
nécessaire de délivrer un acte de divorce. Hagar, séparée d'Abraham, resta très attachée à notre
patriarche et ne connut aucun autre homme jusqu'à ce que Abraham, sans qu'elle ne puisse le
soupçonner, la prenne de nouveau comme épouse.
Nous devons savoir que la première femme que l'on épouse répond à des exigences divines
qui nous dépassent. On ne sait pas trop pourquoi c'est vers une telle que l'on se tourne, mais une
force extérieure semble vouloir nous lier, presque contraint et forcé, à cette personne. Mais alors,
dirions-nous que nous subissons un sort par la « faute de D ieu » ? L'exemple de Sarah est
éclatant. C'est parce que Sarah nourrissait les mêmes intentions qu'Abraham vis-à-vis d'HaChem
qu'elle put être la femme légitime de notre patriarche. Quand un couple est bien versé dans la
Torah et que la quête d'un enfant est fondée sur le désir de perpétuer, comme Abraham, un
légataire légitime dans l'esprit de la Torah, l'épouse sera alors décrétée depuis le ciel, même avant
la naissance du futur rejeton. En revanche, si le couple ne répond pas à ces exigences et mène une
vie contraire à la Torah, on risque de s'exposer au danger de rencontrer celle qui sera en plein
accord avec nos états d'âme au plan religieux.
C'est pourquoi il appartient à tous les couples de bien s'investir préalablement dans l'étude
de la Torah pour envisager la meilleure vie à l'instar de nos patriarches et matriarches. Peut-on
dire que Kétoura était à même de répondre aux exigences d'Abraham tout comme Sarah ? Là
nous apprenons une grande leçon : la première épouse est bel et bien offerte à l'homme
indépendamment de ses mérites puisque c'est grâce aux parents que ce bonheur -ou malheur- est
attribué dans ce cas de figure.
Un second mariage, lui, suit la trajectoire de la conduite du prétendant. S'il est méritant, il
pourra espérer la meilleure épouse, mais l'inverse est aussi possible. On peut donc dire qu'une
femme se mérite. Mais laquelle ?
S'il s'agit de rencontrer celle qui va nous rendre une vie amère, on s'en serait bien passé.
Mais, si on ne peut pas s'en passer, c'est que nous-mêmes ne méritons pas la meilleure. Celle qui
devient notre moitié répond à notre conduite depuis que nous sommes seuls jusqu'à la rencontre
avec la nouvelle partenaire. Si on souhaite vivre dans la Torah et espérer une vie heureuse, il faut
être clair. Il faut se choisir une ligne de conduite le plus sincèrement du monde. Il n'est pas
question de mentir ou de suborner l'autre pour qu'elle succombe à notre souhait car il est sûr que,
dans ce cas, les lendemains ne seront pas joyeux. Si en revanche on reste honnête envers soimême, convaincu de ce que nous voulons, attaché à la volonté d'HaChem, ce sera seulement celle
qui aura évolué dans ces mêmes perspectives qui trouvera son compte auprès de nous.
Au fond, une femme se mérite, certes. La première, si l'on peut dire, dépend en quelque
sorte de la conduite des parents au moment de notre conception. En revanche, la seconde sera
celle que nous mériterons.
Mais peut-on dire dans ce cas que, seuls les hommes choisissent tandis que les femmes
subissent ? Dans la conception juive, c'est l'éducation d'une jeune fille qui va primer. Elle peut
espérer le meilleur quand elle marche dans cette direction et c'est elle qui peut faire son choix. On
peut même dire que c'est plutôt la femme qui choisit que l'homme. Nous savons que l'homme est
toujours à l'image de son épouse et que, sous des aspects de dominant, il est, comme tous les
maris, dominé, mais avec adresse et circonspection. Toutefois, on ne peut pas nier qu'une jeune
fille éduquée dans un milieu favorisé au plan juif choisira a priori un époux dans le même état
d'esprit qu'elle. Tout comme celle ayant évolué d'une façon différente évitera de s'unir avec un
homme de trop grande piété. Là est le travail de l'homme et de la femme, de pouvoir se
rencontrer si tous deux ont marché dans le même rail depuis tout petits jusqu'à l'âge adulte.
De la même façon que Hagar devenue Kétoura a totalement renié son passé pour emprunter
une toute nouvelle direction, n'importe quel couple en désaccord le plus profond peut rebâtir sa
vie sur des fondements nouveaux en plein accord mutuel. Vouloir changer l'autre n'a jamais été
une solution et elle ne le sera jamais. Si, en revanche, tous deux échangent pour espérer une
lumière plus éclairante, il suffit de se prendre en mains et de décider ensemble de la nouvelle voie
à emprunter pour rayonner autour de nos enfants à l'intérieur du couple et au milieu de tous ceux
vers lesquels nous nous tournons.
RAV BITAN
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