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09_PHI061126_01C.fm Page 78 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 LE LANGAGE • SUJET 9 C O R R I G É Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie. Introduction La réflexion sur le langage, et particulièrement celui des mots, doit forcément s’intéresser à sa raison d’être. Pourquoi avons-nous été dotés de cette capacité à créer et émettre des signes qui expriment nos pensées et les rendent partageables ? La réponse semble contenue dans la question. Le langage servirait avant tout à la communication de nos idées. Or Berkeley soutient que cette finalité est secondaire. Il estime que le langage a d’abord pour fonction de modifier l’état d’esprit de celui qui écoute ou qui lit. Cette dimension pragmatique serait de loin la plus importante, bien que l’opinion courante ne s’en aperçoive pas. La communication n’est qu’un auxiliaire de l’action. Cela revient à dire que l’aspect rationnel compte moins que l’aspect affectif ou passionnel. Quels sont les arguments de Berkeley ? 1. Les deux fins du langage et leur hiérarchisation A. La communication des idées La première phrase aborde le thème de la communication des idées, qui passe pour être la fin unique et principale du langage. Notons immédiatement que Berkeley s’intéresse au statut des mots. Ceux-ci sont comme des « marques » de nos idées. Que signifie ce terme ? Les idées sont des représentations mentales formées par notre esprit. L’idée du chien, par exemple, est celle d’un d’animal pourvu de caractéristiques spécifiques qui permettent de l’identifier dans l’ensemble des quadrupèdes. Mais cette conception reste intérieure à notre esprit. Nous ne pouvons la faire exister que grâce aux mots qui matérialisent nos pensées. Lorsque nous prononçons le terme « chien », notre interlocuteur saisit sans peine l’objet de notre pensée. Les mots permettent ainsi la communication, c’est-à-dire la transmission et la mise en commun des idées. Rien ne serait communicable si nous ne partagions pas l’usage de certains signes. Nous percevons des sons auxquels nous lions, par habitude, une signification. Définir le langage par la communication des idées est une conception courante. La vie sociale exige l’échange par le dialogue ou la diffusion d’informations. Le signe linguistique est un moyen efficace et économe de créer un monde partagé. Pensons à notre quotidien si nous devions mimer ou dessiner ce que nous voulons dire ! Un « petit » mot, un son articulé et porteur de sens suffit à faire connaître ce que nous pensons. © Hatier 2007 78 C O R R I G É 09_PHI061126_01C.fm Page 79 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 La culture B. Le pouvoir des mots Berkeley n’ignore pas ce point mais il soutient, contre les apparences, que communiquer n’est « ni la seule ni la principale fin du langage ». Le texte dévoile alors une autre dimension. Le langage sert à agir sur les esprits. Les linguistes parlent de sa fonction pragmatique, par référence au grec pragma qui signifie la chose faite par l’intervention des hommes. Berkeley souligne la capacité du langage à créer ou à modifier des conduites. Il peut pousser à accomplir une action, ou au contraire à s’en abstenir. Les mots sont donc ici envisagés du point de vue de leur pouvoir sur les hommes. L’orateur grec Gorgias comparait ainsi le langage à un despote tout-puissant. Celui qui sait le manier dispose à sa guise des humeurs d’autrui. Enfin, Berkeley radicalise son propos. La communication des idées est présentée comme une fin secondaire du langage. Elle est subalterne ou carrément inutile. [Transition] Ce point pose problème car il semblerait que nous agissions sans même comprendre le sens de ce qui est dit. Comment les mots pourraient-ils avoir un effet sur nous si nous ne les comprenions pas ? Berkeley doit maintenant justifier cette thèse. Le sujet 9 La raison et le réel LE LANGAGE • SUJET © Hatier 2007 79 C O R R I G É La morale B. Valeur de l’expérience intime Berkeley nous convie donc à considérer ce qui se produit en nous à lecture ou à l’audition d’un discours. Remarquons à cette occasion que le pouvoir des mots ne se limite pas à leur expression orale. Nous savons que le ton de la voix, les gestes ou les mimiques de l’orateur influencent le jugement porté sur le contenu de son discours. Berkeley soutient qu’un texte lu en silence peut exciter lui aussi de vives réactions. Ce point renforce l’aspect Sujets d’oral A. La méthode empiriste Dans cette partie médiane, Berkeley implique directement le lecteur afin d’obtenir son assentiment. Chacun est invité à « se consulter », c’est-à-dire à réfléchir aux opérations de son propre esprit. L’expérience courante est présentée comme une source de vérité à laquelle il faut savoir prêter attention. Nous pouvons donc dire que ce passage a d’abord une dimension méthodologique. Rendons-nous attentifs à ce que nous accomplissons de façon si quotidienne que nous ne nous en rendons plus compte. Ce point est, d’une façon générale, caractéristique de la philosophie empiriste. Il s’agit d’analyser le fonctionnement de notre esprit, de remarquer comment s’enchaînent les diverses impressions ou perceptions sensibles afin de saisir le mode de formation de toutes nos idées. La politique 2. La preuve par les faits 09_PHI061126_01C.fm Page 80 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 LE LANGAGE • SUJET 9 passionnel du langage que l’on peut opposer à sa dimension rationnelle. La raison est présente dans la communication des idées car il faut faire entendre clairement le sens de sa pensée. Mais dans le cas présent, ce sont les désirs, les humeurs, la sensibilité qui dominent. L’audition ou la lecture de certaines phrases déclenchent en nous toute la gamme des passions. Amour, haine, admiration, mépris, le langage fait naître en notre esprit tous ces sentiments opposés. Gorgias le notait déjà en comparant un orateur à un médecin dont les produits peuvent guérir ou tuer. [Transition] Ce recours à l’expérience est habile car il est vrai que chacun a pu vérifier par lui-même ce pouvoir des mots. Berkeley va cependant jusqu’à dire que nous sommes affectés « sans que des idées s’interposent. » N’est-ce pas donner trop d’importance à l’aspect sensible du langage ? 3. De l’idée à l’émotion A. La genèse du sens Berkeley commence cette dernière partie par une concession. Il reconnaît qu’il faut bien avoir l’idée de ce qui est dit pour être ému en quelque façon. Il semble en effet difficile d’admettre une définition purement affective du langage. Certes, le son d’un mot peut nous faire réagir car nous le trouvons agréable ou déplaisant, mais nous n’obéissons pas qu’à nos sensations. La signification du terme, l’idée générale qu’il exprime, font que nous dépassons le niveau sensible. Les hommes créent des signes abstraits qui représentent leurs pensées, et non de simples signaux sonores destinés à provoquer des conduites. Berkeley admet ce point, mais c’est finalement pour conforter sa thèse. Sa démarche consiste d’abord à retracer la genèse de notre rapport au langage. Il faut bien apprendre la langue que l’on nous parle. L’enfant écoute et s’instruit en découvrant le sens de ce qu’il entend. Cette période est marquée par des confusions, des tentatives et des échecs. Nous avons tous balbutié avant de tenir des discours maîtrisés. Cependant, « une fois le langage devenu familier », nous n’avons plus à penser à nos débuts difficiles. C’est alors que l’aspect passionnel prend le dessus, d’une façon qui reste à préciser. B. Le rôle de l’habitude L’originalité des dernières lignes tient à une conception de l’idée plus subtile que celle qui a prévalu jusqu’ici. En effet, Berkeley attribue à l’idée un pouvoir de produire des émotions. Il est vrai que certains propos nous mettent hors de nous quand d’autres nous charment et nous font rire. Il ne faut donc pas opposer schématiquement l’aspect sensible des mots – leur © Hatier 2007 80 C O R R I G É 09_PHI061126_01C.fm Page 81 Mardi, 24. juillet 2007 10:30 10 Conclusion © Hatier 2007 81 C O R R I G É La culture Sujets d’oral La morale Ce texte de Berkeley nous force à réfléchir à la valeur du langage. Peut-être surestimons-nous sa dimension intellectuelle sans voir que les idées signifiées par les mots sont elles-mêmes des moyens d’agir sur la sensibilité. Cela dit, la réduction de l’idée au rang de moyen d’action doit nous inquiéter. Le langage révèle par là son aspect irrationnel. L’expérience ne montre que trop qu’il est facile de jouer sur les émotions des autres pour les dominer en les séduisant. Il importe donc d’être vigilant à la lecture ou à l’écoute d’un discours. L’analyse du sens des mots, l’application de l’esprit à démêler ce que l’opinion présente comme des évidences, est, depuis Platon, une des raisons d’être de la philosophie La raison et le réel sonorité, le ton avec lequel on les prononce – à leur dimension intellectuelle. La signification a beau être apprise, elle est la source de nouvelles affections. Ici encore, il faut analyser notre expérience intime. Une fois le sens des mots appris, nous avons contracté une habitude qui efface les traces de notre apprentissage. L’habitude est une disposition permanente qui rend capable d’effectuer des actions sans avoir besoin d’y réfléchir. C’est pourquoi Berkeley soutient que les idées n’ont plus à intervenir. Leur sens a été tellement assimilé que nous y réagissons immédiatement. Ainsi, la charge émotive des mots renforcée par l’habitude de les entendre font triompher la valeur pragmatique du langage. Quand un orateur veut enflammer une foule, il faut qu’il choisisse les termes susceptibles de déclencher les applaudissements ou les cris. Nous voyons bien alors qu’il ne s’agit pas de communiquer des idées susceptibles d’être discutées, mais de dicter des conduites en jouant sur l’impact de certaines tournures. Des noms propres ont également cet impact. Notre attitude face aux discours est souvent conditionnée par le poids des opinions. Un nom peut être une référence qui impressionne. Le sujet 9 La politique LE LANGAGE • SUJET