Correspondances carte blanche

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Correspondances carte blanche
Correspondances carte blanche
Chutes de la Nawa, près de Soubré.
Nawa River falls, near Soubré.
Sur la piste
Nature, cultures.... la Côte d’Ivoire expose sa végétation
luxuriante et ses eaux turbulentes sous toutes les facettes.
Cacao raffiné, pêches généreuses, jungles magnétiques,
périple dans un éden fertile et lumineux.
TEXTE Natacha Wolinski PHOTO Tadzio
Correspondances carte blanche
L’anse surnommée «baie des sirènes», à l’extrême ouest du littoral.
The spot known as “mermaid bay,” on the far western coast.
François-Xavier Gbré, photographe et plasticien franco-ivoirien installé à Abidjan.
François-Xavier Gbré, Franco-Ivorian photographer and sculptor based in Abidjan.
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A
bidjan, des murs hauts qui cachent
des jardins et de belles demeures,
des tours qui dominent une lagune
vaste comme un bras de mer, des petits marchés qui envahissent les trottoirs, et soudain, sans crier gare, un déluge de
vert et de lianes, un cœur végétal qui palpite au nord de la
capitale et obscurcit le ciel, une forêt impénétrable comme
dans les contes initiatiques. On y pénètre pourtant, à pied ou
en voiture, passé une guérite où l’on paye son écot. Soudain,
le tumulte de la ville s’estompe et c’est la rumeur du bois qui
monte. Bruits décochés depuis les cimes de futaies géantes,
crissement de feuilles sous le pas, frôlements, la jungle du
parc national du Banco n’a rien de la civilité des bois domestiqués à des fins champêtres. C’est une forêt primaire, indocile
et touffue. C’est un herbier géant où s’abouchent les irokos
et les framirés, les acajous et les difous. C’est le premier signe
que la Côte d’Ivoire envoie au voyageur pour lui signifier que
son séjour se placera sous le règne du vert.
Technicolor tous azimuts
En ressortant du parc, le visiteur insouciant oublie pourtant cet
augure. Il fait provision d’orange avec le maillot des Éléphants,
l’équipe nationale de foot, dont les couleurs acidulées pavoisent
la ville. Il s’enivre de bleu dans la piscine en forme de lagon de
l’Hôtel Ivoire. Il fait connaissance avec le noir graphite des
tableaux d’Aboudia, la nouvelle star de l’art contemporain
ivoirien. Il croit avoir échappé au vert, mais le vert le rattrape.
Sitôt sorti de la ville, faisant cap à l’est vers Aboisso ou à l’ouest
vers Grand-Béréby, l’automobiliste croit longer le littoral, mais
la mer et ses remous atlantiques sont vite masqués par un ouragan de verdure qui s’élève de part et d’autre de la route.
Les frondaisons géantes coalisent les feuilles larges des bananiers, les palmes des cocotiers, les ramages altiers des fromagers,
tout un arboretum dont il faut décrypter le langage : ici,
la saignée blanche de l’hévéa dont on fait le caoutchouc, là,
les fèves de cacao qui sèchent sur des claies au soleil et
délivrent leur odeur fermentée.
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Les dons de la terre
Lorsqu’il arrive à Grand-Bassam, dans cette ville semée
d’anciennes maisons coloniales aux parois fantomatiques,
le visiteur retombe sur une nouvelle moisson de verts luisants
et mousseux : ce sont ceux des tableaux d’Idrissa Diarra,
le chef de file de la peinture naïve, qui tient atelier à ciel ouvert.
Depuis vingt-cinq ans, le Douanier Rousseau de Grand-Bassam
rêve sur toile une nature idyllique où la biche et la panthère
noire s’abreuvent à même la source, où les mangroves à longues
racines abritent des poêlées de poissons d’eau douce, où
les perroquets flamboient
dans des cieux ouatés de
nuages blancs. Face à ces
toiles virginales, on serait
tenté de croire que la
Côte d’Ivoire est un décor
mentholé de dessin animé.
Mais c’est oublier que la
nature est un don de dieu
que l’on se doit de cultiver
et que ces terres agrestes
que l’on traverse en 4x4, le
nez au vent, déclinent en
fait, sur tous les tons de
verts, la formidable richesse d’un pays qui est le premier exportateur de cacao
au monde et l’un des tout
premiers pour le caoutchouc, le coton, le café ou
la noix de kola.
Rituels de l’eau
eaux salées, avec ses sonorités particulières que chacun reconnaît de jour comme de nuit. Le bruit répétitif, lancinant,
des pagaies qui créent des remous dans le plat limoneux
des lagunes. Le claquement sonore des pêcheurs frappant la
surface des rivières pour que les carpes et les mâchoirons
s’engouffrent dans leurs nasses. Le halètement des piroguiers
qui poussent leurs lourds bateaux et lèvent l’ancre, laissant
dans le sable des empreintes géantes. Les chants tonitruants
qui s’élèvent de la mer quand, debout sur le pont, les pêcheurs
prient les dieux de leur accorder bonne fortune. Le fracas des
eaux lorsque les pirogues,
lancées par grand vent,
dispersent des bancs
entiers de sardines ou de
thons. Et surtout, fortune
faite, le joyeux craquement des langoustes grillées dont on brise la coque
pour recueillir la chair
blanche et ferme.
Certains disent qu’il existe
même un autre son que les
pêcheurs connaissent bien,
celui de Mami Wata, la
déesse des eaux, mi-femme
mi-poisson, qui exerce ses
sortilèges sur terre le jour et
regagne les profondeurs
aquatiques la nuit. Et si
l’on prend le temps de parler avec ces pêcheurs qui
n’ont pas le verbe facile, ils
vous diront tous que l’eau
est plus qu’un mode de
vie, c’est un adage et une
morale car, sous ses airs
liquides et mouvants, l’eau
est bien plus dangereuse
que le feu puisqu’à tout
moment elle peut éteindre
les flammes. Mais les flots
ont encore bien d’autres
atours pour le voyageur
dont le seul désir est de
plonger dans la mer et de
s’offrir un bain de jouvence
quand le soleil étourdit et
chauffe à blanc le sable.
Ce n’est qu’en forçant la
barrière des arbres que le
voyageur découvre, au
détour de chemins de latérite rouge, des rivières
semées de forts courants,
des cascades fracassantes,
des lagunes opaques, des
remous atlantiques, des
plages de sable fin et
blond, tout un monde
aquatique qui fait de la
Côte d’Ivoire un pays
d’agriculteurs, mais aussi
une nation de pêcheurs
Aboudia, talent émergent de l’art contemporain ivoirien.
habiles à manier harpons
Il vit et travaille entre Abidjan et New York.
et filets. Si bien qu’après
Chemins de paix
Contemporary Ivoirian artist Aboudia
lives
and
works
in
Abidjan
and
New
York.
les taillis et les sous-bois,
L’été, une piscine naturelle
l’eau semble la seconde
se forme dans la «baie des
nature des lieux. Là encore, il faut être resté des heures durant sirènes», à Grand-Béréby, l’une des plus belles anses du pays.
à palabrer sur une grève pour comprendre à quel point le Face à ce minilagon, on croit au mirage tant l’océan, d’habimonde liquide a ses codes, avec ses pêcheurs de rivière qui ne tude remuant, miroite sagement. Mais non, c’est bien le paradis
se confondent pas avec les pêcheurs de haute mer, avec ses et lorsque le soleil à son zénith tanne la peau et que le bleu
pirogues fines et légères en eau douce, longues et ventrues en turquoise embrase tout l’horizon, le visiteur gavé de brochettes
d’écrevisses et de croustillants de crabe s’assoupit sous les palmiers en rêvant du vert humide et ombragé des forêts ivoiPêcheur portant les couleurs de l’équipe
riennes. Il est temps alors pour lui de faire provision de sagesse
nationale de football, à Assinie.
Fisherman wearing the colors
africaine et de méditer ces mots d’Ahmadou Kourouma,
of the national soccer team, in Assinia.
le grand écrivain ivoirien : «Il y a dans la vie deux sortes
de destins : ceux qui ouvrent les pistes dans la grande brousse
Mangrove sur la rivière Sassandra.
de la vie et ceux qui suivent ces pistes ouvertes.»
Mangrove forest on the Sassandra River.
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Correspondances carte blanche
Hôtels
Visites
Ibis Abidjan Plateau
Pour le voyageur d’affaires, l’Ibis Plateau, situé dans le cœur économique de la ville, est une solution adaptée. Buffet ouvert à toute
heure, accueil agréable et efficace
Ideally located in the city’s financial district, the Ibis Plateau
caters to business travelers. Buffet open all hours; pleasant,
efficient service.
7, boulevard Roume, Abidjan. Tél. +225 2030 1600.
www.accorhotels.com
Galerie Cécile Fakhoury
L’une des galeries d’art contemporain les plus remarquables,
ouverte il y deux ans par Cécile Fakhoury, qui a fait ses classes
chez Chantal Crousel, à Paris. La galerie représente des artistes
courus, comme le peintre Aboudia ou le photographe Paul Sika.
This remarkable contemporary art gallery was opened just two
years ago by Cécile Fakhoury, who trained with Chantal Crousel
in Paris. Fakhoury represents in-demand artists such as the
painter Aboudia and the photographer Paul Sika.
Boulevard Latrille, Abidjan. Tél. + 225 2244 6677.
www.cecilefakhoury.com
Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire
Lobby splendide plaqué de bois et orné de totems, chambres
vastes, piscine gigantesque, l’Ivoire est l’hôtel le plus élégant
d’Abidjan. Situé dans le quartier chic de Cocody, il offre, depuis
certaines de ses chambres en hauteur, une vue spectaculaire
sur la lagune.
The Ivoire is Abidjan’s most elegant hotel, with a splendid woodpaneled lobby decorated with totems, spacious rooms and a huge
p o o l . I t ’s l o c a t e d i n t h e c h i c C o c o d y d i s t r i c t ,
and some of the rooms on the upper floors offer spectacular views
of the lagoon.
Boulevard Hassan II, Abidjan. Tél. +225 2248 2626.
www.sofitel.com
Les Bulles
À 100 km d’Abidjan, un hôtel de bord de mer constitué de douze
pavillons ronds individuels, d’où le nom de cette institution où
l’on «bulle» en effet les pieds dans l’eau, en dégustant du poulet
braisé et des brochettes de mérou. L’hôtel fait partie d’un
ensemble de cinq établissements dans la région, tous
hautement recommandables : La Baie d’Assinie, Les Chalets
Dime, Assouindé Beach et La Résidence des Lagunes.
This seafront hotel located 100 km from Abidjan has 12 individual round pavilions (the “bubbles” for which it’s named). It’s
a great place for a meal of grilled chicken or grouper kebab
by the water’s edge. The hotel belongs to a group of five in the
region, all highly recommended: La Baie d’Assinie, Les Chalets
Dime, Assouindé Beach and La Résidence des Lagunes.
Assinie. Tél. +225 2130 8060. www.hedenresorts.com
Le Katoum
Seize chambres spacieuses et climatisées, dont trois dotées
d’agréables terrasses surplombant la mer, un restaurant sous large
paillotte où l’on mange divinement bien et, pour les toqués
de poissons, la présence dynamique d’Yvan, un Français expert
en pêche en tous genres (au lancer, au jig, à la traîne..), qui met
tout le monde sur le pont.
The Katoum has 16 spacious rooms with A/C, including three
with lovely terraces over the water, and a restaurant with truly
delicious fare, especially for fish-lovers—as Yvan, a Frenchman,
is an expert fisherman.
Grand-Béréby, Bas-Sassandra. Tél. +225 0707 1135.
Fondation Donwahi pour l’art contemporain
Un site plein de sérénité en centre-ville, constitué de cinq villas
réaménagées à la fois en espaces d’exposition et en résidences
d’artistes. Un lieu de rencontres pour les artistes africains, jeunes
ou confirmés, et une adresse calme où l’on peut venir aussi boire
un verre et très bien manger.
This serene spot downtown consists of five villas converted into
exhibition spaces and artists’ residences. The Donwahi Foundation for Contemporary Art has become a meeting place for African
artists and is a quiet place to enjoy a drink or a good meal.
Boulevard Latrille, Abidjan. Tél. +225 2241 4549.
www.fondationdonwahi.org
Restaurant
Kajazoma, restaurant-art
Il y a plusieurs bonnes adresses à Abidjan, mais on retient tout
particulièrement cet établissement très discret, ouvert depuis un an,
qui fait à la fois restaurant, lounge et galerie, avec une magnifique
carte de poissons, un joli jardin et une piscine pour se délasser.
There are several excellent places to eat in Abidjan but this very
discreet establishment, opened a year ago, combines a restaurant,
lounge and gallery, and offers a magnificent array of fish dishes,
a charming garden and a relaxing pool.
2 plateaux boulevard Latrille, Abidjan. Tél. +225 2241 7862.

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