L`école camerounaise et ses langues : le double défi
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L`école camerounaise et ses langues : le double défi
Education et Sociétés Plurilingues n°3-décembre 1997 L'école camerounaise et ses langues : le double défi Jeannine GERBAULT Il Camerun è un paese multilingue dell'Africa sub-sahariana, dove le due lingue ufficiali, il francese e l'inglese, affiancano più di 200 lingue locali. E' un contesto sociolinguistico complesso in cui la comunicazione nazionale risulta problematica e in cui la questione delle lingue a livello scolastico è di importanza relevante. Questo articolo presenta la situazione del Camerun, ricollocandola nel suo contesto storico e sforzandosi di rendere conto degli usi linguistici degli abitanti del Camerun d'oggi. Inoltre presenta gli elementi di risposta a ciò che l'autore analizza come una doppia sfida per il sistema educativo del Camerun : permettere alla scuola di utilizzare le lingue locali per l'educazione dei bambini e, allo stesso tempo, rendere più efficace e pertinente l'insegnamento delle lingue ufficiali. L'articolo contiene un resoconto del cammino percorso in questa direzione negli ultimi 30 anni e della sperimentazione riguardante l'introduzione delle lingue locali del Camerun nelle scuole primarie et secondarie. L'autore presenta inoltre gli ostacoli e le difficoltà che incontrano i progetti di pianificazione linguistica nel sistema educativo del Camerun.. This paper is concerned with Cameroon, one of the highly multilingual countries in the African continent. In this country, the two official languages, French and English, coexist with more than 200 mother tongues. It is a complex sociolinguistic context, in which national communication is a problem, and where the use of languages in schools is an important issue. This article presents the historical background of the language situation in Cameroon, while reporting on contemporary language use. It also presents the responses to what the author views as a two-fold challenge for the Cameroonian school system : to allow for the use of mother tongues in the schooling of children, and simultaneously make the teaching of the official languages more efficient and relevant. A factual report of what has been accomplished over the last thirty years is given, and the experimental introduction of Cameroonian languages in the school system is presented. Some constraints upon the reform projects in language education in Cameroon are also put forward. Dans les pays africains comme ailleurs dans le monde, les questions d'éducation formelle sont devenues une préoccupation majeure ; on a partout pris conscience du rôle crucial de l'école dans le développement économique d'un pays. Et puisque le langage est l'instrument essentiel de toute éducation formelle, les pays bilingues ou multilingues doivent faire des choix concernant la ou les langues utilisées à l'école. De plus, la construction d'un État moderne, caractérisé par une même langue (ou plus) parlée par l'ensemble de la population, a été et reste un objectif fondamental des pays multilingues. Intéressons-nous ici au cas du Cameroun, pays multilingue s'il en est. Je commencerai par le situer rapidement sur les plans géographique et historique, puis je le présenterai sur le plan linguistique. Je décrirai ensuite comment on utilise les langues dans la société et dans la vie de tous les jours, et ce qui se passe à l'école, en particulier en ce qui concerne l'utilisation des langues. Je J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi montrerai que, pour le système éducatif camerounais, les décisions à prendre se présentent sous la forme d'un double défi : introduire des langues camerounaises à l'école, et améliorer l'efficacité de l'enseignement du français et de l'anglais. Quels éléments de réponses à ce double défi a-t-on jusqu’ici considérés ou mis en oeuvre ? C'est ce que je m'efforcerai de dire aussi. Un peu de géographie et d'histoire Le Cameroun se trouve sur la côte ouest de l'Afrique, un peu au nord de l’Équateur (Carte 1). Les premiers contacts avec les Portugais remontent au 15ème siècle, et se sont limités aux régions côtières. Ce n'est qu'à la fin du 19ème siècle que les Européens ont commencé à explorer l'intérieur des terres. La partie la plus proche du littoral est d'abord devenue un protectorat allemand. Après la Première Guerre Mondiale, Britanniques et Français se sont partagé le territoire de l'actuel Cameroun. Après l'indépendance du pays en 1960, l’état britannique, à l'ouest, et l’état français, à l'est, ont constitué une République Fédérale. Le français et l'anglais ont été choisis comme langues officielles (Constitution de 1961) pour des raisons d'ordre pratique, dans un souci d'assurer continuité et unité. Une république unie a remplacé la Fédération en 1972. Le pays a continué à entretenir d'étroites relations avec la France et la Grande-Bretagne. Aujourd'hui le Cameroun a gardé les mêmes langues officielles – l'anglais et le français – dans lesquelles les affaires du pays sont conduites1. Le pays et ses langues ... Le Cameroun d’aujourd'hui compte environ 12 millions d'habitants pour une superficie un peu inférieure à celle de la France. La composition linguistique de sa population est très hétérogène : on a recensé 236 langues camerounaises, qui appartiennent à trois des quatre grandes familles de langues africaines (ALCAM 1983), ce qui donne une moyenne d'environ 50 000 locuteurs par langue. Le pays comprend dix provinces administratives. La partie officiellement anglophone, à l'ouest, représente 1/5 de la population (3 provinces), et la partie officiellement francophone les 4/5 restants (Carte 2). Mais la diversité des langues camerounaises ne respecte pas, bien entendu, les frontières administratives. De nombreuses langues cohabitent dans chaque province, et le nombre de personnes parlant chacune d’elles est très variable. Mais comme les recensements nationaux évitent d'interroger sur l'appartenance ethnique (nous verrons pourquoi), on ne dispose pas de statistiques indiquant le nombre de locuteurs de chaque langue2. Une langue officielle est une langue qu'un citoyen peut utiliser dans ses rapports avec le gouvernement et les institutions de l'Etat, et attendre qu'on lui réponde dans la même langue. 1 En zone francophone, le français est première langue officielle (LO1) et l'anglais est deuxième langue officielle (LO2). En zone anglophone, c'est l'inverse. Par exemple, à 2 J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi Certaines langues ont une large diffusion dans le pays et au-delà de ses frontières. C'est le cas du fulfuldé (appelé aussi "peul" en français), parlé dans le nord et les régions voisines des pays limitrophes, Tchad, Nigeria, Niger. Le fulfuldé est d'ailleurs la langue dont on estime qu'elle a le plus grand nombre de locuteurs natifs, peut-être 350 000 au Cameroun. D'autres langues, comme l'ewondo et le duala, dans les provinces du Centre, où se trouve la capitale administrative, Yaoundé, et du Littoral, où se trouve la capitale politique, Douala, ne sont parlées qu'au seul Cameroun. D'autres encore, comme de nombreuses langues du groupe bamiléké, à l'ouest, n'ont que quelques milliers de locuteurs et un usage très limité géographiquement. On parle aussi certaines langues camerounaises de l'autre côté des frontières avec le Nigeria, la Guinée Équatoriale, le Gabon, le Congo, ou la Centrafrique. Les régions de l'ouest, qui sont en majorité officiellement anglophones, sont les plus dynamiques sur le plan économique. On y trouve un riche patrimoine culturel et des traditions particulièrement vivantes. C'est justement là que s'est développé depuis trois siècles ce qu'on appelle aujourd'hui le pidgin english du Cameroun. C'était à l'origine un parler utilisé uniquement pour permettre la communication entre les populations établies sur le littoral, du Golfe du Biafra au Golfe de Guinée. L'utilisation du pidgin english déborde largement vers le Nigeria. Cette langue un peu spéciale, au vocabulaire en partie d'origine anglaise, a pris aujourd'hui une importance remarquable : on continue de l'utiliser dans sa région d'origine, mais elle a aussi gagné pratiquement tous les grands centres urbains du sud et du centre du pays. De récentes enquêtes ont montré que le pidgin english est sans doute la langue qu'on parle le plus aujourd'hui au Cameroun (environ deux millions de personnes la parleraient), mais il reste sans reconnaissance officielle, et sans prestige. Pas plus que le pidgin english, les langues camerounaises n'ont de statut légal. Ce sont des langues "ethniques", dont on reconnaît ouvertement l'existence, sans qu’elles aient aucune fonction officielle. Chacune est associée à une appartenance ethnique ou à une région particulière. Il faut savoir que l'unité politique du pays, menacée à plusieurs reprises depuis l'indépendance, reste un souci prioritaire du gouvernement camerounais. D'un point de vue strictement politique, si l'une ou certaines des langues camerounaises se trouvaient privilégiées officiellement pour la communication nationale ou régionale, cela risquerait d'être perçu comme une menace pour les groupes parlant d'autres langues. C'est cette crainte de rivalité ouverte qui explique l'absence de toute statistique officielle sur le nombre de locuteurs de chaque langue. C'est certainement aussi l'une des raisons de l'expansion du pidgin english, qui, lui, n'est associé à aucun des groupes ethniques, et n'est donc "menaçant" pour personne. Yaoundé, le français est LO1 et l'anglais LO2, tandis qu'à Bamenda, l'anglais est LO1 et le français LO2. J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi La télévision et les radios nationales émettent en français et en anglais. Chacune des dix radios provinciales de Radio-Cameroun émet aussi quotidiennement dans les langues camerounaises les plus parlées dans chaque province ; ceci concerne une trentaine de langues en tout. Quant au pidgin english, on ne l'utilise à la radio que lorsqu'il y a un message urgent à transmettre. (Ce qui signifie qu'on reconnaît en haut lieu l'efficacité de la communication dans cette langue !) ... et ceux qui les parlent Bien entendu, la situation de bilinguisme officiel au Cameroun ne signifie pas du tout que tout le monde parle anglais et français. A quelques exceptions près, on le verra dans un instant, le jeune enfant apprend d'abord une langue camerounaise, celle de sa mère, de son père si elle est différente, ou les deux. C'est dans ces langues que se font ses premières expériences et que se construisent ses premiers rapports au monde. Car ce sont ces langues qu'il entend dans sa famille, son village ou son quartier : les adultes communiquent dans leur langue maternelle ou dans une autre langue camerounaise commune. On réserve le français et l'anglais aux échanges extérieurs, ceux du monde moderne, l'administration, la poste, la médecine occidentale, par exemple. Et encore, bien souvent, même dans ce type d'échanges, s'il se trouve une langue maternelle ou une autre langue camerounaise commune – le duala, l'ewondo, le fulfulde, par exemple – c'est elle qu'on utilisera de préférence, ou avec l'une des langues officielles. Si l'enfant habite le Cameroun anglophone, il apprend aussi très tôt le pidgin english. D'ailleurs, des personnes qui ne savent pas l'anglais utilisent aussi le pidgin english dans la zone francophone du Cameroun. Pourtant, en zone francophone, dans certaines grandes villes du centre et du sud, et à Yaoundé en particulier, on se rend compte que l'utilisation du français domine chez les personnes francophones qu'il est convenu d'appeler "lettrées" – celles qui sont allées à l'école au moins jusqu'à la classe de troisième. Elles se sont approprié cette langue, et l'utilisent de manière régulière. Cet usage a créé une sorte de français régional, avec ses propres intonations, ses propres particularités de vocabulaire, comme dans d'autres pays d'Afrique. A côté de ce français des lettrés, il existe aussi dans les grandes villes une variété de français rudimentaire, dit "véhiculaire". Par exemple, dans les marchés de Yaoundé, des personnes de langues maternelles différentes ayant reçu peu ou pas d'instruction à l'école vont parler cette variété de français. Celle-ci joue alors un peu le même rôle que le pidgin english à son origine. Mais il faut savoir que, alors que français des lettrés et français véhiculaire sont inter-compréhensibles, il n'y a pas d'inter-compréhension entre l'anglais et le pidgin english. Comme tout le monde ne maîtrise pas les langues utiles en ville – en particulier le français et l'anglais dans leurs zones respectives – on a souvent le sentiment qu'il existe un sérieux problème de communication, un "écran linguistique", pour une bonne partie des citoyens camerounais, même s’ils participent d'une certaine manière, par le petit commerce par exemple, aux activités du pays. L'observation J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi et les comptes-rendus des audiences des tribunaux de la justice "officielle"3, où l’intervention d’interprètes est le plus souvent nécessaire, illustrent bien ce problème de communication. Il y a donc, face à la politique linguistique officielle – le bilinguisme françaisanglais – un état de fait, des comportements langagiers qui sont tout autres. Résumons-nous : le français et l'anglais, langues importées officielles, ne sont pas vraiment en concurrence avec les langues camerounaises pour la communication interpersonnelle. Parmi le grand nombre de langues camerounaises parlées, certaines, auxquelles il faut ajouter le pidgin english, ont un rôle de langues véhiculaires reconnu de tous. Des variétés locales de français jouent aussi ce rôle dans des contextes urbains bien précis. La Carte 2 montre la répartition du pidgin english et des langues camerounaises les plus utilisées, ainsi que les provinces officiellement francophones et anglophones. Le multilinguisme de la société camerounaise semble relativement stable. Bien sûr, à cause des changements sociaux de cette fin de 20ème siècle, en particulier dans les domaines du transport, du commerce et de la communication, on a pu constater que les domaines d'utilisation de certaines langues camerounaises minoritaires ou peu prestigieuses se sont réduits au profit de langues moins minoritaires ou plus prestigieuses. Mais les identités linguistiques et culturelles régionales et locales restent très marquées dans ce pays et la politique officielle a été de reconnaître leur existence. Et l’école ? Dans ce contexte qui peut sembler bien complexe, comment fonctionne l'école ? Faisons d'abord un bref retour en arrière. Pendant la période de la colonie, ce sont les missionnaires chrétiens qui ont introduit l'éducation à l'école "à l'occidentale". Les administrations française et britannique l'ont ensuite prise en charge. Les missionnaires ont commencé par utiliser quelques-unes des langues locales ; mais seule l'administration britannique a continué à les utiliser, tandis que l'administration française menait l'enseignement entièrement en français. Peu à peu, les missionnaires se sont vus forcés par l'administration d'abandonner l'enseignement des langues camerounaises. Après 1972, date de l'unification du pays, l'enseignement primaire, que chacune des deux parties avait géré indépendamment, est devenu la responsabilité du gouvernement central. Aujourd'hui le français, en zone francophone, et l'anglais, en zone anglophone, continuent d'être les langues de l'école. Une éducation de type européen s'est maintenue. La partie anglophone du pays a adopté un système éducatif calqué sur le système britannique, et la partie francophone un système à la française. Comme en Europe, à côté des écoles publiques gérées par le Ministère de À côté de l’institution moderne, une justice "coutumière" continue d’exister dans les villages. 3 J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi l’Éducation Nationale, il existe des écoles privées, confessionnelles ou non, qui y sont rattachées par contrat. Dans chacune des deux zones linguistiques, on enseigne l'autre langue officielle à l'école, au collège, ou au lycée, mais il y a très peu d'établissements publics ayant un cursus bilingue. Ce n'est qu'au niveau universitaire que l'enseignement est réellement bilingue en anglais et en français. En principe la scolarisation dans le primaire est obligatoire et gratuite, mais il y a beaucoup de familles qui ne peuvent assumer les frais incontournables liés à l'inscription de leurs enfants dans une école (assurances, taxes forfaitaires, manuels, etc.), surtout dans les grands centres urbains. Sauf dans les grands centres urbains, où se concentre l'élite "moderne" du pays, un enfant entre à l'école sans connaître aucune des deux langues officielles (LO1 et LO2). Le français et l'anglais s'apprennent à l'école, et on ne les utilise ailleurs que dans certaines circonstances, hors de la famille et du quartier de résidence. Dans le Cameroun anglophone, les enfants qui entrent à l'école primaire parlent généralement le pidgin english en plus de leur langue maternelle, mais ni l'anglais, ni le français, bien entendu. Les instituteurs font de leur mieux : dans la plupart des communautés villageoises, les enfants ont la même langue maternelle, que l'instituteur parle aussi. Il l'utilise pour permettre les premiers échanges. C'est pédagogiquement efficace, mais légalement proscrit... On a ici effectivement, par la force des choses, un enseignement bilingue d'un certain type – on l'appelle "de transition" dans les études traitant de l'éducation bilingue. Mais c'est une solution de dépannage, pas un ensemble de procédures organisées. Il n'est pas question dans les instructions officielles d'utiliser les langues maternelles de manière systématique et structurée, ni de les enseigner. La formation classique des enseignants, d'ailleurs, n'inclut pas cette composante. Dans certaines régions, c'est en pidgin english qu'on peut communiquer avec les enfants qui entrent à l'école. C'est pourquoi certains intellectuels (qui sont loin d'être la majorité) pensent que l'enseignement à l'école devrait tenir compte aussi de l’importance du pidgin english dans la vie quotidienne. L'école utilise donc la langue officielle de la région, et l'enseigne, non comme une langue seconde, mais comme si c'était la langue maternelle. Dans ces conditions, on ne peut pas être surpris que beaucoup de ces enfants, scolarisés dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas, aient des performances très modestes. Et si les effectifs sont raisonnables dans les villages, les classes des grandes villes sont le plus souvent surchargées, par manque de locaux, de maîtres, ou des deux à la fois. Évidemment, cela ne facilite pas l'apprentissage de la langue de l'école. La maîtrise approximative de la langue de scolarisation joue pour beaucoup dans la déperdition scolaire, qui est importante. Pourtant, pour la majorité des parents, l'école est inséparable de l'apprentissage du français et/ou de l'anglais. Ils savent que la connaissance de ces langues apporte en principe des avantages socio-économiques. Cette conviction est solidement ancrée, même si aujourd'hui les problèmes économiques permanents J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi de pays comme le Cameroun font que de jeunes adultes ayant réussi leur scolarité en anglais ou en français ont en réalité peu de chances de trouver un emploi fondé sur cette réussite. En même temps, la plupart des gens, qu'ils soient lettrés ou non, continuent d'être convaincus que les langues africaines sont inférieures. Le dynamisme des langues et des cultures camerounaises ne s'accompagne pas de leur valorisation dans le monde moderne, et dans l'école en particulier, où un mépris vis-à-vis des langues locales, acquis par des années de colonisation, persiste chez beaucoup. Parlons maintenant de l'enseignement de la deuxième langue officielle. L'enseignement de la LO2 pose effectivement problème dans les deux zones linguistiques. Un grand nombre de Camerounais ne parlent ni français ni anglais, mais parmi ceux qui parlent l'un ou l'autre, peu sont réellement bilingues en anglais et en français. Même pour la population "lettrée", il est possible de vivre activement dans chacune des zones linguistiques du pays sans connaître l'autre langue officielle. En réalité, puisque c'est le français qui domine numériquement, ce sont les Camerounais officiellement anglophones qui subissent davantage la pression d'apprendre l'autre langue officielle, et donc eux qui deviennent plus souvent bilingues anglais/français que les Camerounais officiellement francophones. Le système éducatif ne semble donc pas vraiment remplir sa fonction, qui est, en principe, d'éduquer des personnes qui seront bilingues en anglais et en français. Mais la relative inefficacité de l'enseignement des deux langues officielles et l'exclusion des langues maternelles ne sont pas les seuls problèmes qui se posent ici pour l’école. Car la variété de français que les locuteurs instruits utilisent s'écarte assez sensiblement de celle que proposent les manuels scolaires. Ceux-ci enseignent le français de France, même si les situations dans lesquelles on présente la langue sont généralement adaptées au contexte local. Ce sont pourtant les adultes camerounais instruits qui servent de modèle quotidien aux jeunes qui fréquentent les établissements d'enseignement. Il y a dans ce français des particularités que l'on retrouve aussi bien dans la communication institutionnalisée (médias, affiches, publicité...) que dans les échanges privés oraux ou écrits4. Les raisons de cette différence de normes ne manquent pas. Il y a dans l'usage local du français au Cameroun, comme dans celui d'autres pays d'Afrique dite francophone, des tendances communes. Elles sont le résultat de l'appropriation de la langue française par des personnes qui se trouvent dans des contextes linguistiques, sociaux, et culturels bien différents du contexte français de France. Cette appropriation a pour effet de reconstruire des usages adaptés à ces contextes. Comme le note Simard (1991 : 6), "ce qui est stigmatisé, ce sont les Ce qui est dit ici à propos du français peut aussi s'appliquer dans une certaine mesure aux variétés d'anglais langue seconde. Mais l'usage du pidgin english en limite les effets pour l'anglais. 4 J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi locuteurs qui s'entêtent à vouloir copier l'accent et les expressions du français de France... Si une personne veut bénéficier du prestige que lui confèrent ses études, il faut qu'elle montre qu'elle est ... [camerounaise] avant tout". Il s'agit bien d'un double problème, qui pose un double défi5 : pour donner à l'école sa vraie place dans la société camerounaise, il faudrait lui permettre de tenir compte d'une part des répertoires linguistiques des enfants qu'elle accueille, et d'autre part des répertoires visés à la fin de la période de scolarisation. Voyons maintenant dans quelles directions s’est réalisée la recherche de réponses aux problèmes de l'enseignement scolaire au Cameroun. Des éléments de réponses Pour les langues camerounaises Faisons d'abord encore une fois un bref retour sur le passé récent. Dans les 25 ans qui ont suivi l'indépendance, les linguistes camerounais ont accompli un travail important de description des langues locales. Plus de la moitié d'entre elles ont aujourd'hui un système d'écriture harmonisé et pourraient être utilisées à l'école. Plusieurs entreprises d'alphabétisation des adultes en langues camerounaises ont été et continuent d'être menées avec la coopération du Ministère de la Jeunesse et des Sports, responsable de l'alphabétisation des adultes au Cameroun. Dans le système scolaire proprement dit, c'est dans un collège privé de Douala qu'on a commencé à enseigner ces langues en 1967. L’objectif était d'éviter chez les jeunes le déracinement complet que risque de provoquer la scolarisation exclusivement dans une langue étrangère. Cinq langues ont donc fait leur entrée dans une école privée il y a trente ans. Mais ceci ne modifiait en rien les programmes officiels. En 1973, des séminaires de réflexion et de développement de matériel d'enseignement ont été organisés. Peu à peu, d'autres établissements privés d'enseignement secondaire ont suivi l'exemple de Douala et l'enseignement s'est structuré. On a décidé de consacrer une heure par semaine à l'enseignement d'une langue camerounaise. On s'est aperçu bien vite que le manque d'enseignants formés limitait sérieusement l'entreprise. Ce n'est évidemment pas la même chose de savoir parler une langue et d'être capable de l'enseigner. En 1978, le Projet de Recherche Opérationnelle pour l'Enseignement des Langues au Cameroun (PROPELCA) a vu le jour. La conviction des initiateurs de ce projet était que, dans un pays comme le Cameroun, la réussite scolaire est avant tout une réussite linguistique. Pour donner aux enfants camerounais plus de chances de réussir à l'école, il s'agissait d'introduire les langues maternelles à l'école primaire, et de généraliser l'enseignement bilingue en anglais et en français au niveau du secondaire, de façon à "donner à ce pays un type de Je reprends ce terme de "défi" à la suite de Tadadjeu (1990), qui situe le projet PROPELCA dans la perspective d’un défi semblable à celui que présente le mythe multilingue de la Tour de Babel. 5 J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi système éducatif... tout à fait authentique" (Tadadjeu 1990 : 15). L'intention était "d'utiliser les langues locales comme instrument d'éveil de l'esprit scientifique et technologique à partir des jeux traditionnels, de l'environnement immédiat, ... des techniques et des industries traditionnelles" (ibid.) Les enseignants et universitaires engagés dans le projet PROPELCA ont défini un programme pour l'école primaire qui employait deux langues dès le début de la scolarité, la langue maternelle (L1) et la première langue officielle (LO1). La langue maternelle était le moyen d'instruction et la première langue officielle était enseignée comme matière. Au cours des trois premières années le statut des deux langues changeait progressivement, c'est-à-dire que la LO1 devenait le moyen d'instruction et on prévoyait que la L1 ait une place dans l'emploi du temps des classes supérieures et qu'elle y soit enseignée au moins deux heures par semaine. L’introduction des langues à l'école se faisait selon le schéma suivant : Tableau 1 Pourcentages d'utilisation des langues au primaire. L1 75 60 40 15 SIL (maternelle) CP CE1 CE2-CM1 LO1 25 40 60 85 L1 = langue maternelle LO1 = première langue officielle de la région SIL = Section d'Initiation au Langage CP = cours préparatoire (6 ans) CE1 = cours élémentaire 1ère année (7 ans) CE2-CM1 = cours élémentaire 2ème année et cours moyen 1ère année, classe à "double niveau" (8-9 ans) Le Tableau 2 montre le contenu de l'enseignement des trois premières années du primaire : Tableau 2 Programme PROPELCA pour les 3 premières années de l’enseignement primaire. SIL Langue maternelle (L1) Langue officielle (LO1) CP CE -lecture courante -alphabet de la langue maternelle -orthographe correcte -initiation à la lecture & à -perfectionnement en -notions grammaticales l'écriture lecture & écriture -rédaction de petits textes contes, chants, récits, narrati ons -vocabulaire -transition à la lecture & à -atteindre programme officiel -structure de LO1 tirée de l'écriture de LO1 (élargir vocabulaire, s'habituer la vie quotidienne, par -particularités de aux termes grammaticaux & l'oral l'orthographe de LO1 structures plus compliquées J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi Calcul -nombres 1-20 (concepts & chiffres), addition & soustraction en L1 -nombres 1-100, les 4 -1-1000, les 4 op. avec retenue, opérations en L1 (et LO1) notions géométriques, argent, mesures & poids en L1 & LO1 (Source : Manuel de Formation.., Tadadjeu et al. 1988) La formation des maîtres Un certain nombre de maîtres ont été formés ou recyclés dès le début du projet pour pouvoir enseigner efficacement dans ce nouveau programme. Leur formation, dont l'essentiel figure dans le Manuel de Formation.. (Tadadjeu et al. 1988), comprenait d’abord des explications sur les raisons de l'exclusion des langues camerounaises du système éducatif. La formation incluait quelques éléments de l'histoire politique du pays avant et depuis l'indépendance, et on y abordait la question du mépris collectif par les Camerounais de leurs propres valeurs, dont les langues font partie. Puis on expliquait les raisons pédagogiques importantes qui fondent l'enseignement des langues camerounaises dans les écoles : en commençant l'éducation par la langue que l'enfant connaît déjà, on augmente la capacité de cet enfant à acquérir des connaissances et à apprendre une autre langue. La formation présentait ensuite le programme d'introduction des langues au primaire (Tableaux 1 & 2), et le matériel disponible. Celui-ci se composait pour chaque langue maternelle de manuels de préparation à la lecture (pré-syllabaire) et de lecture aux différents niveaux (syllabaire et post-syllabaire), ainsi que de livres de calcul. Pour les langues officielles (anglais ou français), il y avait des fiches pour le maître et des manuels pour faire la transition de la L1 à la LO1 en lecture et en écriture. Une particularité intéressante de ces matériels est que l’on enseignait à l’enfant l’écriture scripte pour la L1, et l’écriture cursive pour la LO1. Ce choix a été fait pour des raisons de commodité dans l’écriture de certains sons des langues camerounaises et aussi pour que l’enfant ne les confonde pas. Tableau 3 Matériel didactique SIL L1 LO1 CP -Présyllabaire (utilisable -Syllabaire 2 (complétant pour n'importe quelle l'alphabet de L1) langue) -Syllabaire 1 spécifiques pour chaque -Dialogues & fiches pour -Livres de transition le maître CE1 -Postsyllabaire avec exercices d'orthographe et de grammaire langue -Matériel du programme officiel (p.ex., livre unique..) Calcul Livre 1 édition anglaise & française Livre 2 Livre 3 J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi un modèle traduit en chaque langue (Source : Manuel de Formation.., Tadadjeu et al. 1988) Ces différents matériels ont été publiés avec le soutien financier de l’ACDI (Agence Canadienne de Développement International). Des exemples de leurs contenus sont présentés à la fin de cet article. Le troisième volet de la formation apportait des directives méthodologiques pour l'enseignement de la L1 et de la LO1, de la lecture, du calcul, en insistant sur la place de la L1 et de la LO1 dans l'éducation primaire, l’enseignement du calcul dans l’éducation bilingue et sur les problèmes spécifiques de l’enseignement de la LO1 comme langue seconde. Enfin, les maîtres recevaient une formation pratique en langue maternelle, destinée à les familiariser avec quelques notions particulières de grammaire des langues africaines (par exemple les tons et les temps). Tout ceci forme un ensemble cohérent et assez complet. Le tableau 4 présente un exemple du contenu des stages de formation pédagogique PROPELCA tel qu’il se présente dans le Manuel de formation. A titre indicatif, entre 1981 et 1988, 318 maîtres ont été formés pour l’enseignement de 13 langues différentes. Exemple du contenu des stages de formation pédagogique PROPELCA : • • • • • • Introduction aux buts et objectifs de PROPELCA, état actuel du projet Présentation du matériel pédagogique Méthodologie : Lecture (principes généraux, SIL, CP, CE1, pratique en groupes). Calcul (principes généraux, SIL, CP, CE1, pratique en groupes). Langue officielle enseignée comme L2 (oral, lecture/orthographe, pratique en groupes) Évaluations des élèves du programme PROPELCA Implications administratives Pratique journalière de l’écrit en langue maternelle (Source : Ibid. : 126) La phase préparatoire du programme s’est déroulée de 1978 à 1981. A partir de 1980, on a créé dans des établissements privés des classes expérimentales fonctionnant sur le modèle PROPELCA. En 1980, puis de nouveau en 1984, le groupe PROPELCA a sollicité officiellement la collaboration et l’appui du Ministère de l’Éducation Nationale. En dépit de réunions de concertation et de plusieurs échanges officiels de correspondance, il n’a pas été possible d’étendre l'expérimentation de PROPELCA à des établissements publics. Malgré cet échec, les universitaires camerounais ne se sont pas découragés. Ils ont continué à travailler, et en particulier à élaborer du matériel didactique et à former des maîtres6. Mais tant que ce programme n’obtient pas l’autorisation de s'étendre à des établissements publics, il reste "expérimental", ce qui signifie, en clair, qu’il reste à l’état de projet. L'Université de Yaoundé propose aussi depuis 1987 une formation de haut niveau pour l'enseignement et la création de matériel d'enseignement en langues camerounaises et en langues officielles (Maîtrise de Linguistique Appliquée, dite "professionnelle"). 6 J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi Les travaux des membres du groupe PROPELCA ont aussi comporté un plan d'enseignement des langues camerounaises dans le secondaire. Cet enseignement devait "permettre à l'élève d'accéder à la connaissance d'une langue nationale qui lui est maternelle ou quasi maternelle, afin qu'il puisse approfondir la littérature et l'héritage culturel associés à cette langue, ...[et lui] donner ...une large ouverture à une langue nationale autre que la sienne afin qu'il puisse apprécier la culture associée à cette langue tout en s'insérant dans un cadre de communication plus large" (Tadadjeu 1990 : 178). Pour les langues officielles. Le programme PROPELCA comprenait aussi un projet de structure d'enseignement bilingue (LO1 et LO2) dans le premier cycle du secondaire. Là encore, ce sont des collèges privés qui ont commencé l'expérimentation de cette structure en 1982. Mais, comme pour le primaire, il n’y a pas eu de décision officielle pour modifier l’organisation et les contenus de l’enseignement. Aujourd'hui, un petit nombre d'établissements secondaires publics se disent bilingues, mais on y trouve généralement juxtaposées une section anglophone et une section francophone. Peu de Camerounais apprennent les deux langues officielles au collège ou au lycée de manière équilibrée. C'est la constatation de ce déséquilibre qui a donné naissance, il y a une dizaine d'années, au programme gouvernemental de développement du bilinguisme officiel, "Opération Bilinguisme". Dans ce cadre, les actions les plus visibles ont été l’introduction systématique de l'apprentissage de la LO2, le français, dans les trois dernières années du cycle primaire dans les provinces anglophones, et la formation dans l'autre langue officielle d’un certain nombre de fonctionnaires de l’état. En ce qui concerne le problème posé par les variétés locales de français pour son utilisation et son enseignement à l’école, la réflexion est beaucoup plus récente. Sa formulation remonte seulement au début des années 90. Le constat de départ était donc le suivant : dans certains pays d’Afrique Noire francophone, dont le Cameroun, les modèles offerts par les personnes instruites s’exprimant en français dans un certain nombre de leurs activités quotidiennes interfèrent avec le modèle que propose l’école. Il s’agissait de résoudre ce qu’on a pu appeler un conflit de normes. Des équipes de recherche franco-camerounaises ont travaillé pour mettre en évidence des normes de français local ("endogène"). Mais la réflexion n’a pas pour l’instant dépassé le cadre des chercheurs. Il n’y a pas eu de création de matériel pédagogique. Seules des recommandations ont été faites, qui pour le moment restent confidentielles. Elles portent essentiellement sur le comportement de l’enseignant face à l’erreur. On lui recommande de ne pas évaluer la compétence en français seulement par référence à une norme extérieure (celle du français de France) tenue pour intangible ; de mettre en évidence, à côté de la norme du français de France, l’existence et la légitimité de normes locales, pour la langue écrite et pour la langue orale. Les besoins réels de communication des élèves camerounais doivent être pris en compte, et un J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi enseignement approprié du français devra donner accès à la diversité des usages, qui sont complémentaires. En conclusion Les étapes franchies jusqu’ici au Cameroun l’ont été en grande partie grâce à la lucidité, aux capacités, et à l’énergie d’universitaires et d’enseignants camerounais. Mais l’autorité politique n’a pas encore fait de recommandations pour que soit choisie et financée une approche radicalement nouvelle dans le domaine de l’éducation. Au Cameroun, le souci de stabilité politique et d’unité nationale est toujours au premier plan. Au plus haut niveau, on se montre extrêmement prudent, et c’est le statu quo qui prévaut. Pour des raisons complexes et qui ne sont pas sans fondement, on se montre réticent vis-à-vis de réformes d’une certaine ampleur dans le système éducatif. Cette position "d’attente" joue un rôle particulièrement important dans un pays où le système éducatif est centralisé et où les programmes scolaires sont établis nationalement, suivant en cela le système français. Pourtant, la complémentarité reconnue entre les langues importées et les langues locales laisse à penser que le système d’éducation va tendre à accueillir plus ouvertement les différents types de répertoires (langues maternelles-langues officielles, d’une part, variétés locales-variétés importées des langues officielles, d’autre part). C’est le double défi que les décideurs et les éducateurs auront à relever dans les années à venir. Il faudra pour cela persuader le public, les parents, les enseignants eux-mêmes, du bien-fondé des changements souhaités. Le Cameroun, avec sa politique officielle bilingue et son multilinguisme national, présente à lui seul un large éventail des problèmes rencontrés dans les environnements sociolinguistiques complexes. L’expérience de ce pays permet d’éclairer utilement les situations d’autres pays possédant certaines caractéristiques semblables. Mais nous savons bien qu’il n’y a pas de solution toute faite. Chaque contexte est unique et exige que l’on y cherche des solutions qui lui sont propres. Références Abomo Samba, A., Ndoh Nomo E., Akonga, A. (1982, 1986) Syllabaire 2 ewondo, Collection PROPELCA N° 8, Université de Yaoundé. ALCAM, Atlas Linguistique du Cameroun (1983) Paris : ACCT. Gerbault, J. (1994) "Norme endogène au Cameroun". In Manessy (éd.), A propos du français en Afrique. Questions de normes. Nice, Centre d’Etude des Plurilinguismes, IDERIC, N° spécial, pp. 39-52. Manessy, G., éd. (1991) Norme endogène et normes pédagogiques en Afrique Noire francophone. Rapport scientifique. Nice, Centre d’Etude des Plurilinguismes, IDERIC. J. Gerbault, L'école camerounaise et ses langues : le double défi Nomo, J., Mbandji Bawe, E., Gfeller, E. (1985) Syllabaire 1 ewondo, Collection PROPELCA N° 27 (Univ. de Yaoundé). Shell, O. (1985) Observer, réfléchir, agir : présyllabaire, Collection PROPELCA N° 5 (Univ. de Yaoundé). Shell, O., Vensu, A. (1983, 1985) From Mother Tongue to English, Collection PROPELCA N° 16 (Univ. de Yaoundé). Simard, Y. (1991) "Compte-rendu de mission en Côte d’Ivoire", Bulletin du Centre d’Etude des plurilinguismes, IDERIC, N° 12 : 5-15. Tadadjeu, M., dir. (1990) Le défi de Babel au Cameroun, Collection PROPELCA N° 53 (Univ. de Yaoundé). Tadadjeu, M., Gfeller, E., Mba, G. (1988) Manuel de Formation pour l'enseignement des langues nationales dans les écoles primaires, Collection PROPELCA N° 32 (Univ. de Yaoundé).