L`aide publique au développement un mal

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L`aide publique au développement un mal
L’aide publique au développement un mal nécessaire ? Par André Richard OUEDRAOGO Pourquoi l’APD ? L’Aide est‐elle efficace ? Comment la rendre efficace ? Voilà trois questions récurrentes que se posent en permanence aussi bien les bénéficiaires que les pays donateurs… Nous tenterons à travers cette réflexion d’apporter quelques éléments de réponses. Pourquoi l’APD ? D’abord connu sous le terme de l’aide au développement, cette idée est née au lendemain de la seconde guerre mondiale sous la forme de Plan Marshall financé par les Etats Unis et destiné à la reconstruction de l’Europe. Cette aide judicieusement utilisée par les pays bénéficiaires (Grande Bretagne France – Allemagne de l’Ouest) a abouti à un relèvement rapide et important de l’économie Européenne. Ce boum économique sans précédent est qualifié de « Trente Glorieuses » entre les années 1950 et 1970. Vers la fin des années 1960, sur la base d’études avérées les Nations Unies ont adoptées (1969) une résolution invitant les pays développés à consacrer 0,7% de leur PNB à l’aide au développement. Ceci avec l’espoir d’insuffler une dynamique de développement dans les pays bénéficiaires. Cette disposition n’a pu être respectée à ce jour que par quelques pays nordiques (Danemark, Finlande, Norvège et Suède). Les principaux organismes d’aide au développement •
Les organismes multilatéraux Les agences des Nations Unies crées pur couvrir des secteurs entiers de développement sont les principaux organismes de coopérations multilatérales (regroupe des pays et des organismes privés). Ce sont : la CNUCED, l’ECOSOC, la FAO, le FENU, le FNUAP, l’UNICEF, l’UNESCO, le PAM, le PNUD, l’OMS, le FIDA. La naissance de la pandémie du sida, a conduit l’ONU à mettre en place l’ONUSIDA pour juguler le phénomène. Ces agences mobilisent des ressources auprès des donateurs bilatéraux, des sources privées (fondations, legs, campagnes mondiales, etc.) et dans les pays développés. Elles participent au financement et à la mise en œuvre de projets et programmes de développement dans les pays tout en contrôlant chacun des secteurs dans lesquels elles interviennent. Par ailleurs, le groupe de la Banque mondiale, à travers sa filiale l’IDA et le FMI sont considérés comme faisant partie du Système des Nations‐Unieset couvrent les secteurs de la finance. Ils fonctionnent avec une certaine autonomie par rapport aux autres institutions spécialisées. Ces deux institutions, sont avec le FIDA les seules de la catégorie qui accordent des prêts au lieu de dons aux pays pauvres, même si ces prêts comportent une proportion de 25% de don au minimum. Dans le dispositif international de financement de l’aide au développement, les Institutions de Brettons Woods(groupe de la Banque Mondiale) occupent une place importante. La création de ces institutions visait deux objectifs majeurs : (i) Financer la reconstruction en Europe et accessoirement d’aider au développement des quelques pays indépendants non industrialisésà travers la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) ;(ii) Contribuer à résoudre les problèmes de balance des paiements afin de faciliter la croissance économique des pays membres et celle du commerce mondial. Cette mission est assignée au Fonds Monétaire International (FMI).
On distingue aussi les organismes régionaux et sous régionaux de coopération. Il s'agit essentiellement de la coopération inter‐africaine à travers diverses organisations : BAD, BOAD, FAGACE, FSA, etc., dont la coopération et l'intégration régionales constituent les principaux volets de leurs actions. Le groupe de la BAD est plus connu à travers le Fonds Africain de Développement qui est pour le groupe de la BAD, ce que l’IDA est pour le groupe de la Banque Mondiale. L’Union Africaine, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; l’Union Monétaire Ouest Africaine, le CILSS, l’ALG, l’ABN, la BCEAO et le Conseil de l’Entente sont autant d’organisations régionales de développement auxquelles adhère le Burkina Faso. Il y a une multitude d’organisations dans les autres pays et régions du monde. Par exemple, on peut citer les banques et fonds arabes. Ces organisations de développement se fondent sur une base religieuse. C’est le cas pour les organismes crées par les pays arabes : la Banque Arabe pour le Développement Economique de l’Afrique (BADEA) ; la Banque Islamique de Développement (BID) ; le fonds de l’OPEP pour le Développement International. On peut citer dans cette catégorie, les institutions de coopération comme l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). •
Les organismes bilatéraux Il s’agit d’organismes de coopération parmi les pays donateurs bilatéraux figurent les membres de l’OCDE1.Les pays donateurs disposent pour la plupart d’organes et des structures de coopération qui participent à la mise en œuvre de la coopération au développement. De nouveau pays font leur entrée dans le cercle réduit des PTF. Il s’agit de : Taiwan, la Chine populaire, l’Inde et le Brésil figurent parmi les nouveaux joueurs dans le domaine de la coopération au développement. Ces pays sont de nouvelles puissances économiques qui développent des liens de coopération avec des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. • Aide publique au développement « L’aide publique au développement (APD) est une part du budget public d’un Etat (d’un pays développé) consacrée au financement de programmes de coopération au développement des pays pauvres et des pays à revenu intermédiaire (selon une liste du Comité d’Aide au Développement ‐
CAD‐ mise à jour annuellement) »2. 1
: l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les Etats-Unis, la France, la Grèce,
l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la
Suisse et la Turquie
2
http://www.solidarité‐laïque.asso.fr L'aide publique au développement est définie selon trois critères relatifs au bénéficiaire, au donateur ainsi qu'à l'objectif et à la concessionnalité attachés à l'action d'aide. Pour Charnoz et Severino (2007), l’aide est« une dépense publique, au bénéfice des pays en développement et ayant pour intention le développement des pays bénéficiaires et l’amélioration des conditions de vie des populations ». Le facteur fondamental dans cette définition est que l’aide provient des états et non du secteur privé. Il arrive que les ONG du Nord soient des intermédiaires dans l’acheminement de cette aide publique, mais la source demeure des fonds publics provenant du contribuable. Pour Sandrine Paillet (site HCCI, 2002) « L'APD correspond à tous les apports de ressources :(i) fournis aux pays en développement ou à des institutions multilatérales pour être ensuite acheminés vers des pays récipiendaires ;(ii) émanant d'organismes publics y compris les Etats et les collectivités locales ou d'organismes agissant pour le compte d'organismes publics ;(iii) ayant pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires de l'aide, et comportant un élément de libéralité3 au moins égal à 25% ». L’APD est‐elle efficace ? Malheureusement, l’aide a été fournie pour mettre en œuvre des approches théoriques du développement dont les résultats n’ont jamais été à la hauteur des attentes. Par exemple la première décennie du développement qui visait la modernisation des pays du Tiers Monde s’est conclue par un échec selon le bilan fait par le BIT au début des années 1970. Malgré l’adoption de nouvelles approches par la suite, vers la fin de la décennie 80, dans la plupart des pays en développement, l’application des stratégies de développement avait engendré à la fois très peu de croissance et des problèmes d’endettement pour lesquels il a fallu mettre en place des programmes d’ajustement structurel. La crise de la dette née de l’aide au développement mal gérée et contrôlée persiste encore aujourd’hui. La problématique de l’efficacité de l’aide réside déjà dans la divergence des objectifs que se fixe chaque pays donateur au sein des organismes d’aide au développement. Ce qui compromet dès le départ les principes de la déclaration de Paris.En effet, si ces donateurs affichent des volontés de croissance économique, de développement ou altruiste, humanitaire, il n’en demeure pas moins que chacun d’eux sous entende des ambitions propres dont essentiellement : La préservation de la stabilité mondiale ;la lutte contre toutes formes de terrorisme ; la contribution à la solidarité internationale ;la lutte contre l’immigration sous toutes ses formes (économique, politique, droits humains, etc.) ;la préservation de l’hégémonie géopolitique ;la création de débouchés pour ses produits, etc.A bien des égards, c’est bien plus l’intérêt du pays donateur qui prime avant tout au détriment des objectifs de développement du pays bénéficiaire. Sur cette base s’interrogeant sur la question de l’efficacité de l’aide au développement, il est plus aisé de rapprocher le volume de l’APD au PIB/tête d’habitants. 3
L’élément de libéralité rend compte des conditions financières d’un engagement : taux d’intérêt, échéance et
différé d’amortissement (c’est-à-dire du délai de grâce jusqu’au premier remboursement du prêt). Le niveau de
concessionnalité est l’indication de la libéralité d’un crédit rendant compte de l’avantage consenti à l’emprunteur
par rapport au taux du marché.
Tableau : Evolution de l’APD au Burkina Faso de 2001 à 2010(en million de dollars US) Aide publique au développement 2001‐2011 Burkina Faso
1400
1229
Aide publique
1200
1000
1144
862
800
600
1057
1024
629
437
486
490
2
3
678
698
5
6
400
200
0
1
4
7
8
9
10
11
L’APD au Burkina Faso en 2011 a atteint la somme de 1144 millions de $US avec un taux moyen d’accroissement de 10,31% sur la période. Cette aide est fortement soutenue par l’aide budgétaire multilatérale (61,20% de l’APD) et une prédominance des dons par rapport aux prêts (76,17% de l’APD). L’APD n’est pas donnée à qui la veut et selon le souhait des demandeurs. Elle n’est pas non plus donnée quand le demandeur le désire et pour la priorité qu’il s’est fixée. Elle est plutôt soumise depuis toujours à des conditionnalités (avouée ou non) de tout genre qui finissent par limiter l’accès à l’aide au développement à certains pays dans le besoin. En effet, les conditionnalités sont à la base de la sélection des pays bénéficiaires ou de concentration des PTF. Qui dit sélection dit exclusion sur la base de critères peu incitatifs pour le développement et très au grès des gouvernants du moment du pays donateur. Les différents sommets du « Millénaires » en 2000 à celui de Busan en 20114 en passant par celui de Monterrey (2002) et de Paris (2005) n’ont cessé de recommander des mesures peu applicables ni par les uns (donateurs), ni par les autres (bénéficiaires).Le consensus international actuel sur les problèmes du développement et de son corollaire qu’est l’aide n’est que de façade. Comment rendre l’APD efficace au Burkina ? 4
Le Sommet du Millénaire en 2000 a été la première occasion pour confronter les points de vue sur les résultats
des initiatives antérieures de développement (acquis et les échecs des politiques et programmes) et définir un
nouvel agenda international que sont les OMD.
La réflexion va se poursuivre à Monterrey (2002) avec un focus sur la nécessité pour les PTF de fixer des
objectifs quantifiés de leur aide afin d’améliorer sa prévisibilité. Il s’agissait d’un contrat entre les bénéficiaires
de l’aide et les donateurs pour que les premiers prennent leurs responsabilités quant à leur développement et que
les seconds apportent les financements en quantité substantielle pour permettre l’atteinte des OMD.
La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide (2005) explicite les conditions sous lesquelles l’aide à allouer
peut être efficace. A travers les principes énoncés, il s’agissait de rompre avec les vieilles pratiques pour adopter
des démarches innovantes et responsables axées sur les résultats.
Pour la première fois avec la déclaration de Paris, le souci du résultat de l’aide dans toute sa dimension développementale est introduit dans les mesures adoptées. Le système de suivi et d’évaluation axé sur les résultats constitue unoutil de gestion publique qui doit être utilisé pour aider les concepteursde politiques et les décideurs à suivre les progrès et à illustrer les retombées d’un projet, d’un programme ou d’une politique. Les systèmes de suivi et d’évaluation axés sur les résultats diffèrent des systèmes traditionnels de suivi et d’évaluation qui se concentrent sur la mise en œuvre, ceci en mettant certes les moyens avec un regard sur les intrants et les extrants, tout en se penchant davantage sur les résultats et les impacts. Il s’agit de passer de la culture de moyens vers une culture de résultat. Le principe de la Gestion axée sur les résultats de développement (GARD) suppose : (i) Renforcer les capacités des pays pour gérer les résultats ; (ii) Améliorer l’efficacité des agences de développement ; (iii) Promouvoir un partenariat International autour des résultats. Pour ce faire il s’agira de mettre sur pied et entretenir un système de suivi et d’évaluation axé sur les résultats. Cela nécessite un engagement constant, du temps, des efforts et des ressources. Les défis politiques, organisationnels et techniques qui doivent être surmontés sont nombreux. Il s’agit d’abord d’un processus politique, et dans une moindre mesure d’un processus technique. Ainsi la mise en place d’un observatoire national de l’efficacité du développement impliquant les trois acteurs Etat, secteur privé et société civile parait être une alternative pour mieux impacter sur les résultats de développement. Dans cette optique, certains objectifs spécifiques de cet observatoire seraient : •
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d’évaluer le niveau d’appropriation et de mise en œuvre de la Déclaration de Paris par l’Etat, les acteurs du secteur privé et de la société civile ; d’appréhender et d’apprécier le flux d’APD au travers des relations entre les Organisations de la société civile (OSC) du Nord et celles du Sud ; d’appréhender et de décrire le rôle que pourraient jouer les OSC dans l’amélioration de l’APD ; d’apprécier la valeur ajoutée de l’APD dans la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso ; et enfin, d’accroître la visibilité sur les mécanismes de gestion et de suivi/contrôle de l’aide publique au développement au Burkina Faso. La mise en place d’un observatoire tripartite véritable interface Etat, secteur privé et société civile offre l’opportunité de répondre à cette préoccupation de rationalisation de l’aide au développement. 

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