extraits - ACCÈS Éditions
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Accès Éditions > Défi lire Ce qu’il faut savoir Un livre. Hervé Tullet © Bayard jeunesse. 2010 Au départ, l’image n’était pas faite pour être dans les livres. Elle a dû se faire sa place. C’est au 19e siècle avec Gustave Doré illustrant Les fables de la Fontaine et Les Contes de Perrault que l’image entre dans les livres avec une fonction purement récréative. Elle est essentiellement ornementale et redondante par rapport au texte qui porte à lui seul le récit. Macao et Cosmage d’Edy Legrand paru en 1919 est le premier album pour la jeunesse où l’illustration prend le dessus sur le texte. Cet album est le point de départ d’une réflexion des auteurs et illustrateurs sur les rapports entre le texte et l’image. Babar de Jean de Brunhoff paru en 1931 considère la page et la double-page comme les lieux d’un langage global. La mise en page fait sens et les relations entre le texte et l’image portent la narration. La même année, Paul Faucher lance les albums du Père Castor aux éditions Flammarion. Ce pédagogue a beaucoup réfléchi sur le format et réalise des albums adaptés aux mains des enfants, à leurs manipulations. Max et les maximonstres de Maurice Sendak paru en France en 1967 met en scène l’image en montrant l’inconscient de l’enfant. L’image en tentant de figurer l’imaginaire enfantin fait sens et participe pleinement à la narration. Les trois brigands de Tomi Ungerer paru en France en 1968 introduit le noir dans l’album et lance une réflexion sur le code des couleurs. En 1972, l’illustrateur Claude Lapointe crée à l’école des Arts décoratifs de Strasbourg le premier atelier d’illustration en France. Dans la production actuelle d’albums pour enfants, l’image prédomine. Comment ça fonctionne Le secret. Éric Battut © Didier jeunesse. 2004 44 Crapaud. Ruth Brown © Gallimard jeunesse. 2010 Le texte et l’image s’articulent dans une construction narrative complexe. Comment s’articulent le texte et l’image dans les albums de jeunesse ? L’image combine deux codes marquants : les signes iconiques et les signes plastiques. Le texte littéraire combine deux niveaux de signification : le langage avec ses aspects linguistiques et l’utilisation de ce langage avec ses aspects littéraires. Ces quatre codes se retrouvent en se combinant sur la page et sur la double-page d’un album : linguistiques, littéraires, iconiques, plastiques. L’album est un tout indissociable. Si la lecture est linéaire et continue, la perception de l’image par le lecteur est globale et simultanée. Selon l’itinéraire effectué et les associations de signes faites de l’image par le lecteur, son interprétation peut diverger. L’image est en effet plus polysémique (porteuse de plusieurs sens possibles) que le texte. C’est ce qui fait sa richesse et sa force. Avec les élèves, la lecture de l’image doit être rigoureuse. Il importe de chercher et de trouver la cohérence interne du sens propre à chaque image. Mais le sens d’un message n’est jamais pleinement assuré. Les marges d’interprétation existent, mais ne sont admissibles que dans la mesure où elles se fondent sur des éléments effectivement présents dans l’image. Elles peuvent même aller jusqu’à admettre l’égale légitimité de deux lectures antagonistes. L’aventure du sens est donc une merveilleuse école de la tolérance. Jojo la mache. Olivier Douzou © Éditions du Rouergue. 1993 Le roi de la grande savane. Voutch © Circonflexe. 2006 L’image est la propriété de tous. Elle appartient à chacun. L’image part du réel pour le recomposer. Elle retraduit, réinterprète le réel en le transformant. Lire une image, c’est la déchiffrer en prenant connaissance de son contenu. Lire une image, c’est collecter un ensemble d’indices (signifiants) dont la synthèse donnera un sens à l’image (signifié). La lecture de l’image comprend deux moments : la dénotation et la connotation. Pour qu’elle soit efficace, il convient dans un premier temps de faire l’inventaire de ce que l’on voit. C’est la dénotation. On reconnaît, on nomme, on situe les différents composants de l’image : objets, personnages, lieux, situations... Une bonne lecture d’image devrait se faire par écrit en trouvant le mot juste qualifiant ce que l’on voit. Le fait d’écrire ces mots et de nommer les termes permet la réflexion. Avec nos élèves, nous nous contenterons d’une lecture à haute voix le plus souvent. Dans un second temps, on attribue du sens, on interprète ces informations. C’est la connotation. Dans l’album de jeunesse, le texte s’adresse à notre réflexion et l’image s’adresse à notre sensibilité plus immédiate. Normalement, le lecteur commence sa lecture par la page de gauche et la continue par la page de droite en lisant de gauche à droite. Mais il peut être attiré par l’image en premier. Certains lecteurs commencent par lire l’image, d’autres par lire le texte. En fait, il y a un jeu éternel de va-et-vient entre le texte et l’image et il n’y a pas lieu de décider lequel va influencer l’autre. Pour lire efficacement une image, il faut tenir compte de certains paramètres. Il y a des contextes historiques, géographiques, techniques qui font changer notre perception de l’image. Balthazar ! Geoffroy de Pennart © Kaléidoscope. 2010 La typographie Depuis quelques années, certains auteurs-illustrateurs mettent du texte dans les images. Il y a des hiérarchies visuelles à établir lorsqu’il y a plusieurs niveaux de lecture : images-textes-phylactères. 45 Les stéréotypes À une certaine époque, la femme était représentée faisant la vaisselle, l’homme lisant un journal dans son fauteuil. Aujourd’hui, ces clichés sont perçus de suite. La culture de son pays Les illustrateurs anglais comme Quentin Blake, Babette Cole ou Tony Ross sont dans le dessin au trait très rapide, caricatural, presque bâclé et pratiquent l’humour british. Les illustrateurs français et belges ont un trait plus expressif, plus pictural, plus sérieux. Michel le mouton qui n’avait pas de chance. Sylvain Victor © Éditions Thierry Magnier. 2008 Les conventions culturelles Dans la civilisation occidentale, la perspective est représentée de manière logique et normale. Ce qui est proche de nous est grand, ce qui est éloigné est plus petit. Dans la civilisation orientale, c’est différent. Chez nous, le sens de l’écriture et de la lecture est de gauche à droite. Tout ce qui va de droite à gauche ralentit le mouvement. ● Ami-ami. Rascal et Girel © Pastel. 2002 Mon chat le plus bête du monde. Gilles Bachelet © Seuil jeunesse. 2006 > Le rapport texte-image Crapaud Crapaud. Ruth Brown © Gallimard jeunesse. 2010 54 Crapaud est un album paru en 1996 chez Gallimard jeunesse, réédité en 2003 dans la collection Folio benjamin puis en 2010 dans la collection Folio cadet premières lectures. Dans cette dernière version, l’image a été réduite. Le texte a été appauvri et séparé de l’image. Dommage ! L’auteure-illustratrice Ruth Brown est née en 1941 en Angleterre. Après avoir étudié le dessin au prestigieux Royal College of Art de Londres, elle se marie avec le grand illustrateur Ken Brown. Elle publie un ou deux livres par an, travaillant lentement avec un grand sens du détail. Chaque illustration est pour elle comme un tableau. La DÉMARCHE en classe L’intérêt de cet album réside dans l’association entre un texte très court mais très riche en vocabulaire et des illustrations aux détails cachés et subtils. Il faut lire mais surtout relire cet album. Il est en effet quasiment impossible d’en percevoir toute la richesse dès la première lecture. Toute la subtilité de l’auteur consiste à offrir un vocabulaire très riche et descriptif, composé de moult adjectifs, qui impose au lecteur de se concentrer exclusivement sur le personnage de l’immonde crapaud. Automatiquement, le lecteur ne peut donc pas percevoir ce qu’il y a autour du crapaud et en particulier la terrible menace qui pèse sur lui, pourtant présente dès la deuxième image. Chaque image dans les tons verts et bruns occupe une double-page alors que le texte qui l’accompagne est placé aux endroits les moins sombres de l’image dans les 1res éditions, hors cadre dans la plus récente. Cet album est une école d’art à lui seul. Il va permettre aux enfants une lecture fine de l’image. Il va également leur permettre de porter un regard différent sur la laideur. 1. Découvrir - Décrire Montrer la première de couverture. Qu’y voyez-vous ? Décrire l’image. Que dire du titre? Il comporte un seul mot : crapaud. Il correspond à l’image montrée. Que pouvezvous dire du nom de l’auteur ? Il n’y a qu’un seul nom, ce qui signifie que l’auteure et l’illustratrice sont une seule et même personne. Présenter l’auteure, Ruth Brown, et dire que Crapaud est un de ses albums les plus connus. Pourquoi y a-t-il écrit Folio cadet premières lectures? C’est le nom de la collection de l’éditeur Gallimard dans laquelle cet album est publié. Connaissez-vous d’autres livres de cette collection ? aussitôt, dégoûté par tant de laideur. C’est une histoire simple, banale comme il doit s’en passer tous les jours dans nos marais. La fin est surprenante et rejouissante pour le crapaud qui a profité de son aspect dégoûtant pour avoir la vie sauve. Quelle image nous montre le monstre? Celle où il a le crapaud dans sa gueule. Ne le voit-on pas avant? Non? Eh bien, relisons ensemble cet album en essayant de trouver des images qui nous montrent ce monstre avant. 4. Relire, relire et encore relire En fait, le monstre est visible en partie dès la deuxième image et ensuite dans chaque illustration, finement dissimulé dans le paysage par Ruth Brown. À cette découverte, le livre prend alors une toute autre dimension. Les enfants vont prendre un grand plaisir à rechercher et à découvrir les traces du monstre subtilement dissimulé dans la végétation par l’illustratrice. En découvrant par eux-mêmes les astuces de l’album, les enfants vont se sentir complices de l’auteure-illustratrice, Ruth Brown. L’idéal serait que chaque enfant dispose de son livre pour qu’il trouve par lui-même le monstre caché. Mettre en commun les trouvailles. Il n’y a que dans l’avant-dernière image, la onzième, qu’il n’y a aucune trace du monstre. Normal, c’est l’image du soulagement inespéré du crapaud où il paraît sympathique au lecteur. 5. Décrire Revenir sur le texte qui propose un lexique très riche. Faire remarquer que la description du crapaud pourrait tout aussi bien s’appliquer au monstre. Si le texte n’est pas très long (trois lignes maximum par page), il est toutefois très précis. Chacune des pages fait l’état des différents aspects du crapaud, plus monstrueux les uns que les autres. Le vocabulaire est très riche en noms, en adjectifs et en synonymes. Il serait dommage de ne pas proposer un travail portant sur les adjectifs se rapportant aux cinq sens. C’est aussi l’occasion de faire un lien avec le programme de sciences. Images 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Partie du corps visible C2 Sa queue Son œil X X X X X X X Sa langue X X X X X Sa patte griffue X X X Son corps X Sa tête X X X Sa grande gueule ouverte X X X X X X X X X 2. Lire Le résumé Voici un crapaud qui a tous les défauts du monde. Il est visqueux, gluant, boueux, sale, couvert de verrues et de pustules. Mais lorsqu’il tombe la tête la première dans la gueule d’un monstre, ces défauts vont bien lui servir puisque ce monstre dégoûté va aussitôt le recracher. Le rapport texte-image Il y a collaboration. Si le texte se contente de décrire le crapaud, l’image dévoile au fur et à mesure de l’histoire un énorme prédateur dissimulé dans la végétation. Texte et images se rejoignent au moment où le crapaud tombe la tête la première dans la gueule du monstre. Le suspense est pris en charge par les images qui racontent l’autre moitié de l’histoire. Lecture à haute voix par l’enseignant en montrant toutes les images jusqu’à dans la gueule d’un monstre ! Questionner. Que va-t-il se passer maintenant ? L’histoire est terminée répondent la plupart. Faux, répondra sans doute le petit malin qui a relevé combien monstrueux était le crapaud. De face, le monstre lui ressemble par ailleurs monstrueusement ! Reprendre la lecture pour dévoiler la surprise de la page suivante. La chute est une pointe d’humour fine qui contraste avec la laideur et la pesanteur des pages précédentes. Cette histoire nous montre qu’être différent peut avoir des avantages et n’empêche pas d’être heureux. Tout est bien qui finit bien. L’image finale renvoie à l’image paisible de la couverture. 3. Dire - Comprendre Questionner. Que raconte cette histoire ? Un crapaud repoussant est avalé par un monstre qui le recrache Crapaud. Ruth Brown © Gallimard jeunesse. 2010 55