Histri Blong Yumi Long Vanuatu

Transcription

Histri Blong Yumi Long Vanuatu
Histri Blong Yumi Long Vanuatu
Histoire du Vanuatu, un outil pédagogique
Volume Un
Sara Lightner et Anna Naupa, auteurs
Version française sous la direction de Marc Tabani
HBYV_Volume_1.indb 1
8/06/10 1:12 AM
Une production du Centre Culturel du Vanuatu (VKS)
Première édition anglaise en 2005 – éditions française 2010
Centre Culturel du Vanuatu
BP 184, Port-Vila, Vanuatu
Téléphone : (678) 22129
Télécopie : (678) 26590
Courriel : [email protected]
Copyright © 2005-2010 Conseil National Culturel du Vanuatu
Design copyright © 2005-2010 Blue Planet Media + Communications Vanuatu
Design et production par Blue Planet Media + Communications Vanuatu
Courriel : [email protected]
Traduction par Matthieu Delbé, Sébastien Lacrampe et Odile Guiomar
Relecture et correction par Caroline Tabani
Version française sous la direction de Marc Tabani
Imprimé à Singapour
Traduit avec le soutien de l’Ambassade de France au Vanuatu
Publié avec le soutien du Fonds Pacifique
USP Library Cataloguing-in-Publication Data
Lightner, Sara
History Blong Yumi Long Vanuatu : une resource éducative. Volume Un / Sara Lightner
et Anna Naupa, auteurs. / Marc Tabani, direction de la version française – Port Vila,
Vanuatu : Vanuatu Cultural Centre, 2010.
3 v. ; 26 cm. + Guide de l’enseignant
In French.
ISBN 978-982-9032-74-4 (Guide de l’enseignant)
ISBN 978-982-9032-75-1 (v. 2)
ISBN 978-982-9032-76-8 (v. 1)
ISBN 978-982-9032-77-5 (v. 3)
1. Vanuatu—History—Study and teaching i. Naupa, Anna ii. Vanuatu Cultural Centre
iii. Title.
DU760.L44 2010
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volume un
Table des matières
Remerciements
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Préface
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Introduction au Volume Un
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1. La formation de l’archipel
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Introduction
Aux origines du monde
Les légendes et les arts
Une terre née de la mer
Plus en détail – les volcans sous-marins
Plus en détail – l’éruption de Kuwae
Ti Tongoa Liseiriki
Kuwae : les arguments scientifiques
Plus en détail – le Mont Yasur vu par le capitaine Cook
Les échelles temporelles
Les archipels voisins
L’apparition des plantes sur les premières îles de l’archipel
Plus en détail – dans le feu des volcans
Questions géographiques contemporaines
Plus en détail – installation au village de Maat
Plus en détail – les ravages du cyclone Uma
Les catastrophes naturelles et les réserves de nourriture
Plus en détail – plans d’alertes et organisation des secours
2. Le peuplement de l’archipel
Migrations à travers la région Asie pacifique
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
En quête des réalités du passé
Plus en détail – l’archéologie
Plus en détail – les linguistes
Migrations humaines d’Asie vers l’archipel de Bismarck
Plus en détail – god blong ol Lapita
Plus en détail – l’histoire des langues du Pacifique
Qu’est-ce que la Mélanésie insulaire ?
Les migrations Lapita vers la Lointaine Océanie
Plus en détail – la découverte du site de Téouma
Plus en détail – histoires d’ancêtres
L’arrivée sur les rivages du Vanuatu : un récit historique
Plus en détail – les gravures sur pierre du Vanuatu
Plus en détail – la poterie Lapita
La poterie Lapita au Vanuatu
Plus en détail – le programme d’étude du patrimoine culturel
Plus en détail – la poterie contemporaine
Diversités culturelles
Plus en détail – l’évolution de la poterie au Vanuatu
Influences orientales : traces des culture polynésienne
Les thèmes polynésiens dans les histoires coutumières
L’héritage Lapita
3. Aspects des sociétés traditionnelles
Des îles si différentes d’un bout à l’autre de l’archipel
La culture comme réseau de relations
Différents types d’architecture
Flèches
Tissu végétal ou tapa
Naissances et rituels
Rites funéraires
L’anthropophagie
Pirogues
Circoncision
Grelots de danse
Perçage, boucles et ornements des oreilles
Totems familiaux
Interdits alimentaires
Jeux de ficelle
Techniques de chasse
Kava
Les feuilles à tatouages
Les pierres magiques
Mariages
Les nattes et leurs motifs
Instruments de musique
Le nom personnel
Nimangki : un système de passage de grades dans les îles du nord
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Table des matières
Les vers palolo
Les cochons
Le respect
Les dessins sur sable
Sculpture
Signes et symboles
Déformation du crâne
Le tissu de toile d’araignée
Le tatouage
Titres
Médecines traditionnelles
Monnaies traditionnelles
Réseaux d’échanges traditionnels
Les guerres et les batailles
Les échanges de femmes
Mise à mort rituelle des cochons par les femmes
Ablation des dents chez les femmes
Les ignames
4. Histoire de l’agriculture au Vanuatu
Introduction
Les débuts
Plus en détail – les origines de la nourriture
Plus en détail – dessins du fruit de l’abre à pain et de l’igname
Les débuts de l’agriculture dans l’archipel
Plus en détail – systèmes d’irrigation
Plus en détail – man mo garen blong hem
Plus en détail – la signification culturelle des cochons
La tenure foncière
Plus en détail – droits coutumiers sur les récifs
Les femmes et l’agriculture
Les influences extérieures sur les techniques agricoles
a. Révolution technologique
b. Plantations et récoltes
Accès communautaire à la terre et propriété privée
Répercussions sur l’agriculture contemporaine
Plus en détail – systèmes d’échanges agricoles
La question des terres
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Appendix : Identification des poteries
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Bibliographie
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Remerciements
La création du premier programme scolaire traitant de l’histoire du
Vanuatu a pu être mené à bien grâce au soutien financier de NZAID pendant deux ans.
NZAID a supporté tous les coûts du projet, ansi que le salaire d’un chercheur local qui
s’y est consacré pendant la deuxième année. Nous tenons à remercier l’Ambassade de
France pour son soutien financier à cette version française dont Marc Tabani a pris en
charge la responsabilité éditoriale.
L’aide des Peace Corps américains a été la bienvenue à la gestion du projet. Nous devons aussi remercier le ministère de l’Education, en particulier M. John Niroa, directeur
de l’enseignement secondaire, et M. Kalmele Matai, directeur du centre de développement du programme scolaire. L’appui de la commission nationale de l’éducation a été
de première importance pour mener à bien le projet.
Le Centre Culturel du Vanuatu (VKS) mérite un remerciement particulier pour avoir
pris l’initiative de développer et d’accueillir le projet, et pour avoir permis l’accès à ses
nombreuses archives. Merci à son ancien directeur Ralph Regenvanu pour la version
anglaise et à l’actuel directeur, Marcellin Abong, pour la version française.
Écrire l’histoire nationale d’un pays multiculturel est une tâche difficile. Il était donc
important d’avoir un comité consultatif pour guider les recherches historiques et les
transcrire. Sans les conseils de ce comité et les nombreuses anecdotes recueillies, Histri
blong Yumi long Vanuatu n’aurait pas pu voir le jour. Un grand merci aux membres du
comité : Anne Naupa, Barry Weightman, Charley Rory, Charlie Pierce, David Luders,
Enneth Samuel, John Lynch, John Niroa, Kalmele Matai, Margaret Toukone, Ralph
Regenvanu et Roselyn Arthur.
Nous avons reçu une aide remarquable sur certains sujets historiques de la part de
chercheurs : Chris Ballard, Marc Tabani, Christophe Sand, Clive Moore, Daniel Gay,
Dorothy Shineberg (malheureusement décédée en août 2004), Frédéric Angleviel,
Gregory Rawlings, Howard Van Trease, John Lynch, Kirk Huffman, Lissant Bolton,
Matthew Spriggs, Max Quanchi, Mick Morgan, Stephen Zagala et Stuart Bedford. Peter
Murgatroyd et les employés de la bibliothèque de l’Université of South Pacific, ainsi
qu’Eileen Boe de la Bibliothèque nationale du Vanuatu dans la recherche des documents requis pour la compilation du programme scolaire. Le programme d’arts oraux
du Centre Culturel du Vanuatu a également apporté sa contribution par ses recueils
d’histoires coutumières.
L’appui et le soutien moral des employés du Centre Culturel du Vanuatu méritent une mention particulière. Leur amitié et leur intérêt pour Histri blong Yumi long
Vanuatu, de même que leur immense connaissance du pays, ont permis de présenter
les différences culturelles du Vanuatu. Les chercheurs de terrain du Centre Culturel du
Vanuatu doivent aussi être remerciés pour leurs contributions.
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Remerciements
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A tous ceux qui ont été interrogés ou qui sont cités dans le texte : merci pour votre
disponibilité et votre bonne volonté de conteurs. De nombreuses autres personnes ont
indirectement participé au développement de ce programme national lors de discussions et grâce à leur soutien.
Tankyu tumas long yufala evriwan !
Sara Lightner et Anna Naupa
Projet de programme scolaire national
Janvier 2010
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Préface
Ralph Regenvanu,
Président du Conseil Culturel National du Vanuatu
C’est un grand plaisir pour moi d’écrire cette introduction à Histri blong Yumi
long Vanuatu, qui se présente en trois tomes, assortis d’un guide du professeur. Ce document a été produit pour apporter au ministère de l’Éducation un résumé complet de
l’histoire du Vanuatu utilisable comme base à partir de laquelle notre histoire peut être
étudiée et développée. Il est donc rédigé sous la forme d’un manuel scolaire — destiné
au niveau secondaire — et peut-être utilisé tel quel par les élèves. Le guide du professeur en facilite son usage. Cependant, nous espérons que le livre soit diffusé plus généralement, comme source d’informations par tous ceux qui souhaitent approfondir leurs
connaissances sur l’histoire du Vanuatu.
Le Centre Culturel a pris l’initiative de faire rédiger ce livre en réponse à une inquiétude générale portant sur le fait que nos enfants ne recevaient pas assez d’enseignements sur l’histoire du Vanuatu. Si notre système éducatif a l’ambition d’éduquer les
citoyens dans le but de contribuer à un développement durable et approprié de ce pays,
il se doit de leur donner confiance : une confiance en soi-même et ses propres capacités à gérer tous les événements de la vie. Peut-être que la condition primordiale de la
confiance consiste à avoir conscience de son identité, une compréhension de qui nous
sommes, quelque chose qui ne tient souvent qu’à une bonne connaissance de notre
passé. De même, en comprenant comment et pourquoi notre société est ce qu’elle est,
nous devenons capables d’agir pour l’améliorer. Voilà la raison pour laquelle la connaissance de notre histoire est essentielle pour les ni-Vanuatu et pourquoi notre histoire
doit être racontée à tous les enfants scolarisés.
Le projet national de programme scolaire du Vanuatu a été appuyé par le ministère de l’Éducation et les fonds versés pendant deux ans par la Haute Commission néozélandaise à Port-Vila. Sara Lightner, une volontaire des Peace Corps américains a géré
le projet et un chercheur local, Anna Naupa s’est jointe à l’équipe pour la deuxième année. Le centre culturel remercie le gouvernement néo-zélandais, les Peace Corps américains, le ministère de l’Éducation et tout particulièrement Sara et Anna pour leur
participation à la rédaction de ce livre.
La production de cette compilation fait partie de l’initiative du ministère de l’Éducation : « repenser l’éducation au Vanuatu », en cours. Sa publication vient au moment
opportun, car elle sera disponible comme référence et comme ressource au moment
où le ministère révisera le programme scolaire national, ce qui a commencé en 2007.
L’immense travail accompli pour compiler ces trois tomes témoigne de l’espoir du
Centre Culturel de faire de l’histoire du Vanuatu un sujet central des nouveaux programmes scolaires.
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Introduction au Volume Un
Le premier tome de Histri blong Yumi long Vanuatu : Histoire du Vanuatu, un outil pédagogique se penche sur la formation volcanique de l’archipel du Vanuatu
(La formation de l’archipel) puis sur les migrations qui ont abouti à son peuplement et à celui de la région (Le peuplement de l’archipel). Les traditions et coutumes des habitants du Vanuatu sont étudiées dans « Aspects des sociétés
traditionnelles ». Les relations avec la terre sont explorées dans « Histoire de l’agriculture au Vanuatu ». Les chroniques orales et les rapports écrits des événements sont utilisés tout le long des différents chapitres de manière à offrir aux étudiants différentes
approches du passé. Un effort continuel de relier le passé au présent est réalisé tout au
long du livre.
Si vous souhaitez en apprendre plus sur les héritages culturels du Vanuatu, vous
pouvez lire les deux autres tomes de Histri blong Yumi : Histoire du Vanuatu, un outil
pédagogique.
Le Volume Deux de ce programme scolaire mène l’enquête sur la période d’interaction entre les Occidentaux, depuis les premiers explorateurs jusqu’à la création coloniale d’une économie de plantations.
Le Volume Trois de ce programme scolaire se penche sur la période coloniale et le
passage de colonie à celui de pays indépendant. Il examine ensuite les développements
récents au sein de la jeune nation vanuataise.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
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chapitre un
La formation de l’archipel
Introduction
Plaques tectoniques, zones de subduction, ceinture de feu, ces termes techniques et ces
concepts ont été étudiés par les scientifiques d’aujourd’hui. À l’aide d’instruments et
de mesures précises, les chercheurs peuvent retracer les âges géologiques des îles du
Vanuatu avec une approche scientifique. De nombreuses questions restent encore ouvertes, par exemple pourquoi certaines espèces existent sur certaines îles et nulle part
ailleurs ? Mais les réponses commencent à émerger.
Comment nos ancêtres s’expliquaient-ils la formation de leurs îles ? D’où venaient
les îles ? Quelles étaient leurs origines ? Comment se représentaient-ils ces formidables
montagnes projetant des jets de lave rouge et incandescente ? Comment appréhendaient-ils les tremblements qui secouaient leurs îles jusqu’à les ravager parfois ? Qui
était responsable de la création de la lune et comment avait-elle trouvé sa place dans le
ciel nocturne ?
Le Vanuatu possède une culture très riche d’histoires originelles et de chroniques
orales qui s’est transmise de génération en génération. Les premiers habitants de l’archipel disposaient d’histoires pour expliquer comment et pourquoi les événements se
produisirent et se succédèrent. Souvent, ces histoires relient des manifestations physiques, telles que les éruptions volcaniques, à des croyances spirituelles. Au Vanuatu,
nous bénéficions encore d’une certaine proximité avec les anciennes traditions orales.
Dans d’autres cultures contemporaines ces attaches à un passé lointain sont devenues
plus distantes. Les témoignages qui suivent proviennent de diverses sources. Certains
d’entre eux ont été collectés par le Centre Culturel du Vanuatu et sont enregistrés sur
des supports informatiques ou papier. D’autres ont été tirés de diverses recherches
menées dans les îles du Vanuatu.
Ce chapitre juxtapose des explications scientifiques et des histoires originelles dans
un tableau général évoquant la genèse des îles du Vanuatu.
H is t o ir e s orig ine lle s :
histoires qui décrivent la création
du monde
C h r o n iq u es orale s :
histoires transmises oralement au
fil des générations
Aux origines du monde
Ce premier extrait est tiré du livre « L’arbre et la pirogue » (1994) de Joël Bonnemaison.
Bonnemaison décrit la création de Tanna, ainsi que celle des autres îles.
Wuhngin (ou Wuhngen) est l’esprit qui créa la Terre : il ne s’agit pas d’un homme ni d’un
héros ; Wuhngin est pur esprit et personne ne lui connaît d’apparence charnelle. Au com-
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
TERE
TUHU
KWO
Pierres Kapiel, ouest Tanna
(Bonnemaison 1994 : 120).
N
mencement du monde, Wuhngin existait ; il créa la Terre pour créer les îles, puis les pierres
pour donner forme à la terre. Depuis, l’esprit de Wuhngin habite le Mont Melen dont le sommet est visible de toutes les régions de Tanna. Cette montagne du sud est considérée comme
une gigantesque pierre dressée, est la mère de toutes les autres, le premier des lieux sacrés
de l’île.
La terre commença son voyage à Loanpakel, à la pointe nord-est de Tanna, puis elle descendit vers le sud par l’ouest, en passant par Black Beach, Lenakel et Black Sands, et elle remonta enfin par l’est jusqu’à revenir à son point de départ. Tout au long du voyage de la
terre, l’île émergea, prenant les contours et les dimensions qui sont aujourd’hui les siens.
Cette terre, qui créa des terres, est appelée numapten, ce qui signifie « la maison de la terre »,
nom par lequel on désigne l’île de Tanna dans la société traditionnelle.
Lorsque la terre fut revenue à son point de départ, elle prépara son kava, le but, puis elle
se reposa. Ensuite, elle plongea dans la mer et disparut pour réapparaître au nord, où elle
créa de la même façon l’île d’Erromango et continua ensuite son voyage dans cette direction,
créant sur son passage de nouvelles îles. Toutes ces îles sont considérées comme les filles de
Tanna, puisqu’elles ont surgi après elle, dans le sillage créateur de la numapten de Tanna :
ainsi la tradition énumère-t-elle Erromango, Aniwa, Futuna et plus loin Emae, Makura et
Mataso, ces dernières îles formant la limite de l’espace connu par la société traditionnelle
de l’île. Au-delà, les conteurs considèrent que numapten créa de nouvelles îles qui leur sont
inconnues, en particulier celles dont viennent les hommes blancs.
Lowrasikom
Baie
Lenowhar
Lowkweriya
Lamkail
Lanus
Lowtehl
Lenaio
Lownapkamei
N
AP
G
Latun
Lonipakao
KE
Loaneai
TU
Baie Loanatom
AN
Baie Loaneai
M
Lenamwitoka
Ikaoras
Lowiatkarniko
Baie Lakanipen
Sources magiques ou trous d’eau
Kapiel assim, pierres magiques
Ika assim, places sacrées
Yimwayim, aires traditionnelles de danse
Lowkatai
Canaux entre les récifs associés à certains yimwayim
Itunga
Suatu, chemins traditionnels créés par les kapiel
Point Ighi
0
Point Lasum
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0
0.5 mile
0.5
1 km
N
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La formation de l’archipel
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Parce que la terre était nue, inerte et dénuée de formes, Wuhngin envoya une matière
dure, les pierres ou kapiel. Dans la plupart des traditions orales, ces pierres viennent de la
mer, selon d’autres, elles surgirent directement des entrailles de la terre, comme à l’est de
l’île, de celles du volcan, mais toujours le souffle de Wuhngin les faisait apparaître. Sur la matrice molle de l’île, les pierres créèrent les formes géographiques : les montagnes, les caps et
les pointes marines, les arêtes rocheuses, les lignes de crêtes, les rochers et les pierres isolées.
Ces pierres étaient de nature voyageuse et bruyante. En débarquant sur l’île, elles créèrent
un vaste tumulte avant de se lancer dans une ronde fantastique, s’échelonnant en groupes
séparés, qui se faisaient la guerre et ne cessaient de s’opposer les uns aux autres. Dans cette
sorte de tumulte magique et d’errance circulaire, où n’existait ni repos, ni lieu d’escale,
les pierres qui parlaient et se battaient s’épuisèrent d’elles-mêmes dans une compétition
les opposant sans trêve possible. Mais ce faisant, elles créèrent le monde et fixèrent
définitivement le paysage de l’île (Bonnemaison 1987 : 73-75).
Questions de compréhension
1. Selon la tradition de Tanna, comment ont-été créées les îles ?
2. Quel est le rôle des pierres dans la création de Tanna ?
Activité de discussion
Quelle est la raison de l’antériorité de la création d’Anatom à celle de Tanna ?
Enquête
Comment dit-on « pierre » dans votre langue ? Connaissez-vous d’autres histoires
traditionnelles qui mentionnent des pierres ou des entités qui auraient modelé les
paysages ?
Le mot « pierre » est
similaire dans diverses
langues du Vanuatu, il veut
souvent dire « vatu », le
nom de notre monnaie
L’histoire qui suit, « Hao Nao Tagaro I Mekem Ambae » a été contée par James Ngwero
du Centre Culturel, natif de la région de Ndui Ndui à l’ouest d’Ambae. Cet extrait tiré
d’une longue histoire raconte la formation d’Ambae.
Ambae aelan long fastaem hem i ston nomo. Nao Tagaro i sanem tufala man i kam daon i talem long tufala se, « Yutufala i go daon. Yu lukluk long ples daon. » Tufala man ia nem blong
tufala i Vavarai Aho wetem Ngwera Kandiri. Taem tufala i kam daon i luk, be olgeta ples i
ston nomo.
Nao Vavarai Aho i sanem Ngwera Kandiri i go antap bakegen long Tagaro hem i se, « Yu
go antap, mo yu talem long Tagaro se yumi luk ples daon be hem i olgeta ston nomo. Yu talem long Tagaro blong hem i givim sam samting i kam blong blokem ol ston ia long hem. »
Nao Tagaro i givim graon, mo graon ia i kavremap olgeta ston ia. Taem graon i kavremap
olgeta ston finis, Ngwera Kandiri i go antap bakegen. Tagaro i givim ol gras i kam daon.
Ol gras ia i gro mo i kavremap gud ol graon ia. Taem Tagaro i putum ol gras finis, hem i
putum ol wud. Ol fas wud we Tagaro i putum hem i ol wud we mifala i kolem naoia ‘vui
venue’. Mining blong nem blong wud ia, ‘stamba blong ples’.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Pour aller plus loin
1. Dans quelles régions du Vanuatu les histoires de Tagaro sont-elles les plus
connues ?
2. D’après cette histoire, décrivez Tagaro ?
Enquête
Dans votre langue, faites une liste des noms des différents arbres de votre région.
Que signifient ces noms ? Ont-ils quelque chose à voir avec la création de la terre ?
L’histoire suivante décrit la naissance de l’île de Pentecôte. Robert Bule Ala a confié
cette histoire à Joël Bonnemaison, qui l’a conservée. Cette version est publiée dans le
livre d’école : « Le Vanuatu par les textes » (1997).
Maewo fut la première île à émerger de l’océan. Après qu’elle est sortie de la mer, de la vapeur
continuait à fuser des flots. Ces éruptions sous-marines durèrent trois jours. Le troisième
jour, une énorme masse rocheuse apparut, s’élevant verticalement au-dessus des vagues.
La masse de terre était si haute que le vent en battait les flancs, la sculptant en une forme
longue et basse. L’île qui venait d’émerger était encore souple et malléable, sans forme précise. Des flots de vapeur brûlants continuaient à s’échapper. C’était Raga, (l’île de Pentecôte
d’aujourd’hui).
Le vent continuait à sculpter les formes de l’île. Des pics et des promontoires apparurent,
ainsi que les baies entre les caps. Dans le centre et vers le sud de l’île, se trouvèrent les plus
hautes montagnes, qui formèrent une barrière contre les vents dominants, protégeant la
côte ouest de Raga, qui de ce fait était moins exposée aux vents que le nord de l’île.
Peu à peu cette terre commença à refroidir et à se solidifier. Les arbres commencèrent à
pousser. Pentecôte commença à prendre sa forme finale, avec une série de pics durcissant
les rivages de la côte nord.
Sortant au-dessus des vagues, la terre émergeant apporta avec elle des coquillages. L’un, la
palourde, était une femme, l’autre, un trocas blanc, était un homme. Finalement, le dernier
était une sorte d’huître. Loin au-dessus de l’eau, ces coquillages sécrétèrent des larmes et de la
salive pour recréer l’environnement humide dans lequel ils vivaient auparavant dans l’océan.
Ce n’était pas suffisant pour créer un océan sur la terre, mais de ce mélange de larmes, de salive et de terre naquirent les premiers hommes. (Bonnemaison 1997 : 9-11).
Pour aller plus loin
1. Nous savons que le Vanuatu est un archipel formé d’îles volcaniques. Comment
ce récit raconte-t-il ce que nous savons de l’histoire géologique de nos îles ?
2. Quel rôle joue le vent dans l’histoire ? Décrivez les diverses actions du vent.
Enquête
Dans ce conte, Raga est le nom traditionnel de Pentecôte. Quel est le nom
traditionnel de votre île, ou de l’île où se trouve votre école ? Ce nom est-il encore
utilisé de nos jours ? Pourquoi ? Sinon, racontez comment et pourquoi votre île a-telle changé de nom ?
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La formation de l’archipel
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Cette nouvelle histoire vient du nord d’Ambrym, et s’intitule : « Comment la mer s’est
formée ?». Harry Fona l’a confiée à Jean Guiart en 1951. On la trouve dans « Société, rituels et mythes du nord Ambrym, Nouvelles-Hébrides » (1951). Bien que ce soit une
légende d’Ambrym, l’histoire se déroule à Pentecôte.
Fonwolwol est le nom de l’endroit où Barkolkol a commencé à faire la mer. Il y avait un trou
plein d’eau, là où était alors la mer, recouverte de l’herbe limalwiwi qui poussait à la surface.
Barkolkol dit à Punyam : « viens, demain je ferai un laplap d’ignames pour toi ».
Punyam revient voir Barkolkol. Ce dernier avait fait un laplap d’igname à son intention et
le prépara pour manger. Barkolkol alla prendre un peu d’eau de mer et la versa sur le laplap.
Ils mangèrent et Punyam trouva le laplap bon.
Il dit alors à Barkolkol : « viens demain chez moi, je te donnerai du laplap chez moi ».
Punyam ne connaissait pas la mer. Il alla vers un arbre à pain, fit un trou et la sève blanche
sortit du tronc. Il recueillit cette sève et la versa sur le laplap d’ignames. Ils mangèrent le laplap, mais Barkolkol ne le trouva pas bon et il demanda à Punyam ce qu’il avait mis dedans.
Punyam répondit : « c’est l’eau que j’utilise comme condiment (taka) ».
Barkolkol parla à nouveau : « demain tu viendras chez moi de nouveau ». Il fit un autre
laplap, le préparant avec de l’eau de mer. Cette fois, Punyam avait vu Barkolkol prendre l’eau
de mer. Maintenant, il savait, il voulait lui prendre cette eau. Ils mangèrent.
Punyam dit : « d’accord, tu reviens me voir demain ». Punyam prépara un laplap et
quand Barkolkol arriva, il fit un détour pour lui voler l’eau de mer, il en prit un peu pour
mettre sur le laplap.
Ils mangèrent et Barkolkol dit : « ceci n’est pas ton eau, c’est la mienne ».
Punyam répondit : « ce n’est pas ton eau, c’est la mienne ».
Barkolkol dit : « viens et montre-moi où tu as trouvé cette eau ».
Punyam répliqua : « d’accord, je vais te montrer ». Punyam montra le trou à Barkolkol.
Barkolkol lui dit : « cette eau n’est pas la tienne, c’est la mienne ». Les deux se querellèrent à propos de l’eau : « tu es venu me voler l’eau ».
Punyam dit : « je ne l’ai pas volée, elle est à moi ». Les deux parlaient très fort à cause du
bruit de l’eau.
« D’accord, dit Barkolkol, si c’est ton eau, tu dois pouvoir l’empêcher de couler. Si elle
est mienne, je la laisserai s’échapper ». Barkolkol mit de côté la pierre qui retenait l’eau et
la mer s’écoula. Punyam attrapa un roc aussi gros qu’une maison pour l’arrêter, mais il n’y
arriva pas et la mer continua de sortir. Il rajouta d’autres pierres encore plus grosses, mais
l’eau filait entre elles.
Barkolkol parla à nouveau : « si c’est ton eau, tu devrais être capable de l’arrêter. Si elle est
à moi, je peux la faire couler partout ».
Punyam ne put stopper la mer et l’eau se répandit partout. La pierre existe encore à
Pentecôte, dressée comme un navire au milieu des flots. L’endroit où était la mer autrefois
s’appelle Embarite. (Guiart 1951 : 75-78)
Questions de compréhension
1. Qu’utilisa Punyam pour faire son laplap ?
2. Pourquoi Punyam voulait-il voler l’eau de Barkolkol ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Enquête
Savez-vous s’il existe des rochers ou des marques, dans la terre, près de votre
village, qui relatent des histoires ? Si vous connaissez des histoires comme celle-ci,
racontez-les à vos camarades de classe.
Dans l’histoire qui suit, « La naissance de Futuna », nous verrons comment l’île de
Futuna fut formée. Cette légende a été confiée par Willy Lekai originaire de Futuna, moniteur de l’école traditionnelle de Yaohnanen à Tanna. Elle a été publiée dans les numéros 108 et 109 de Nabanga en 1979. Nabanga était un journal en français et bichelamar
édité pendant le condominium des Nouvelles-Hébrides. Ce journal publiait régulièrement des histoires coutumières. Pendant que vous lirez cette légende, gardez à l’esprit
les thèmes récurrents et réfléchissez à ce qui la relie à la légende de Tanna rapportée
par Bonnemaison.
Le dieu polynésien, Maori Tiki, Mauitikitiki de Emao, aussi appelé Mwatiktik, vivait à Tanna
sur le mont Melen. Il possédait aussi une maison sous-marine. Ceci est arrivé il y a très longtemps, alors que Wuhngen (ou Kuhngen) était entrain de créer la terre qui était encore nue
et désertique. Mwatiktik vivait le reste du temps à Enarupan dans le sud de l’île de Tanna
avec sa femme Perepnap. Ils n’avaient pas d’enfant et commençaient à se demander quand
Perepnap serait mère, lorsqu’elle tomba enceinte.
Une nuit que Perepnap venait s’allonger sur sa natte, une femme vint la voir et lui dit :
« Perepnap, la nuit est très calme. Ne veux-tu pas aller pêcher avec des torches de palmes de
cocotier pour nous guider ? »
Cette femme qui était un diable insista et Perepnap, hypnotisée, se laissa convaincre. Elle
suivit la femme, pleinement consciente que le seul but de la diablesse était de la tuer. Malgré
tout, elle essayait de retrouver ses esprits et de rester sur ses gardes. Quand elles arrivèrent
aux rochers à la lisière de la brousse épaisse, Perepnap se retourna pour prendre une poignée
de sa terre ancestrale. « Si je meurs, dit-elle, je mourrais avec le souvenir de ce que j’aime. »
Le diable lui dit de se presser, « dépêche-toi, que fais-tu ? Viens ici, prends ces palmes de
cocotier, enflamme-les et allons vite pêcher ».
Elles partirent à travers les rochers. Comme elles marchaient, des coquillages roulaient
sous leurs pieds et provoquaient des chutes de pierres quand soudain, le diable s’approcha
derrière Perepnap et la poussa. Elle glissa sur les rochers et tomba dans la mer en criant.
Perepnap essaya de nager, mais, cernée par l’obscurité elle ne pouvait trouver son chemin. La côte s’éloignait de plus en plus, le ressac la poussant vers le large puis la ramenant près du rivage. Elle essaya de s’accrocher, en vain. Chaque fois qu’elle s’agrippait à un
rocher, le diable lui écrasait les doigts. « Non ! Tu ne te sauveras pas, épouse du dieu que
j’aime ! Meurs ! Disparais pour toujours ! Tu n’as aucune chance de te sauver, tu es perdue !
Meurs vite que je ne te vois plus jamais ! Disparais dans la mer ! » Hurlait le diable et son
rire trouait la nuit.
Une fois encore Perepnap nagea, tenta de se retenir, mais le courant l’emportait toujours.
Et de nouveau, elle était rejetée sur le récif. Ses mains saignaient et elle perdait son souffle.
Elle fit une dernière tentative, mais les vagues la rejetèrent encore sur les rochers et elle
s’écrasa la main droite encore plus durement.
Le flot poussait Perepnap épuisée vers le grand large. Elle se laissa aller un moment puis
essaya encore de nager avec le peu de forces qui lui restaient. Voyant qu’elle était emportée
au large, le diable lui cria : « j’espère que les requins te mangeront, et que tu souffriras terri-
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blement ! Je suis maintenant l’épouse du pêcheur des îles, la femme de Mwatiktik ! »
Se rappelant que Perepnap était enceinte, elle choisit une pierre ronde sur le bord du
rivage, le Tapuga, et l’ingurgita. Son estomac devint alors énorme et elle prit les traits de
Perepnap.
« Je suis Perepnap, je suis belle n’est-ce pas ? Je suis l’épouse du dieu ! » Criait-elle
comme une folle. « Trouves-tu mon ventre trop gros ? Peut-être, mais n’oublie que je suis
enceinte, enceinte d’un dieu, de Mwatiktik ! ». Son rire dément résonna de nouveau.
Puis elle alla vers son « mari ». Pendant ce temps, Perepnap nageait vers le large. L’enfant
qu’elle portait la fatiguait. Elle était complètement épuisée et prête à abandonner la lutte,
mais elle résista encore de toutes ses forces. Ses doigts écrasés lui faisaient horriblement
mal. L’eau de mer, salée, brûlait ses chairs déchirées. Finalement, elle se laissa aller, n’en
pouvant plus.
Dans un dernier effort, elle pleura : « je suis la vraie femme du pêcheur des îles, l’épouse
du dieu le plus puissant. Je commande au récif d’émerger de ces eaux à l’instant afin que je
puisse me reposer un peu. »
Perepnap avait à peine prononcé ces mots qu’un récif surgit du fond de l’océan à travers
les vagues et la soutint à la surface.
Peu à peu, elle reprit son souffle et ajouta, « toi, récif, grandis encore un peu. Je veux voir
un arbre de fer qui se trouve à Enarupan ».
Le récif émergea encore. Et encore.
« Je pense que je peux voir l’arbre. Monte encore. Oui, comme ça. Je peux le voir maintenant, tu es suffisamment haut. Et comme il me reste encore de la force, je vais créer ! »
Perepnap, qui tenait toujours dans sa main un peu de la terre de Tanna dans sa main
gauche, la plaqua contre le récif, formant alors le sol d’un nouvel îlot. Puis elle s’allongea et
respira profondément. Elle demeura ainsi, seule sur sa nouvelle île jusqu’au matin, alors elle
donna le jour à des jumeaux, Namakia et Nakia.
Questions de compréhension
1. Comment fut créé Futuna ?
2. Comment Perepnap créa-t-elle l’île ?
3. Pourquoi Perepnap créa-t-elle Futuna ?
Pour aller plus loin
Divisez l’histoire en plusieurs parties. Partagez la classe en petits groupes et confiez
une séquence à chaque groupe. Chaque groupe devra faire un dessin qui résumera
la scène qu’il aura choisie. Ensuite, placez les dessins par ordre chronologique.
Invitez une classe à venir étudier votre fresque et racontez-leur l’histoire.
Activité de discussion
En quoi cette histoire peut-elle aider à créer des liens entre les différentes îles du sud ?
Certaines histoires traditionnelles racontent la création de notre monde actuel.
L’histoire suivante a été entendue par le Projet d’Arts Oraux du Centre Culturel du
Vanuatu et vient de l’île Hiu dans les Torres. Elle est intitulée « L’histoire de la création
du monde ». Sedrak Likwule décrit la création du jour et de la nuit.
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Ob sidien n e : minéral vitreux
d’origine volcanique
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Un homme nommé Marati vivait dans un village appelé Daplingpling. Dans ce village, la
nuit n’existait pas, aussi les gens vivaient-ils dans un jour perpétuel. Marati entendit parler
d’une île dans les Torres où se trouvait quelque chose appelée « nuit ». Il pagaya jusqu’à l’île
de Toga. Dans sa pirogue, il avait un cochon, dont le nom coutumier était narawe. Marati
offrit ce cochon au chef de Toga en paiement de la nuit. En plus d’acheter la nuit, il acheta
aussi un coq. Puis il revint dans son île et parla aux gens de son village.
« Vous tous, allez vous faire un lit pour vous coucher dedans », dit Marati.
« Pourquoi devrions-nous faire une chose pareille ? » demandèrent-ils
« Bientôt, nous aurons la nuit ici », répondit-il, « et vous pourrez dormir ».
Ils attendirent et, au coucher du soleil, ils demandèrent, « que faisons-nous maintenant
que la nuit vient ? »
Le soleil disparut et le ciel s’obscurcit.
Ils attendirent et leurs yeux devinrent lourds de sommeil. Ils se sentaient très fatigués et
ils n’avaient jamais ressenti une chose pareille. Ils demandèrent à Marati, « Que se passe-til, que nous arrive-t-il ? Sommes-nous malades ? Allons-nous mourir ? »
« Non, vous allez dormir maintenant, répondit Marati, vous vous réveillerez demain
matin. »
Comme ils s’endormaient, Marati attendait. Quand il estima qu’ils avaient dormi assez
longtemps, il décida qu’il était temps de faire revenir la lumière du jour. Il prit un outil coupant et fit une trouée dans la nuit jusqu’à la faire disparaître et la lumière recommença à
briller. Le jour se fit et c’est pourquoi nous utilisons l’expression « la pointe du jour », parce
que Marati perça la nuit avec un morceau d’obsidienne. Au moment précis où Marati transperçait la nuit, le coq se mit à chanter. C’était le coq que Marati avait acheté au chef de Toga
avec la nuit. Le chant du coq signalait le nouveau jour et la lumière brillait.
Expression écrite
Imaginez que vous n’avez jamais dormi auparavant, écrivez un texte racontant
comment vous endormeriez-vous pour la première fois de votre vie. Les gens du
village de Marati avaient peur. Auriez-vous peur ? De quoi pourriez-vous rêver ?
Cette nouvelle histoire, « La légende de la nouvelle lune » vient de l’île de Malo. Le journal Nabanga l’a publiée le 13 septembre 1975.
Il était une fois des hommes sauvages sur Malo. Ils vivaient au milieu de la brousse et
savaient tirer profit de la nature. En vérité, leur existence n’aurait pas été très intéressante s’ils
n’avaient pas eu pour coutume de sortir de la brousse à chaque pleine lune et de descendre
jusqu’à l’océan. À l’embouchure d’une petite rivière, une toute petite rivière, se trouvait un
endroit appelé Nangarai. Les hommes apportaient des taros et des ignames pour les faire
cuire sur un feu de bois. Ils préparaient leur foyer sur la berge de la rivière et pendant que
les taros et les ignames cuisaient, ils aimaient discuter de leurs aventures. Et ces nuits-là, ils
attendaient toujours une visite : celle de la lune !
En ce temps-là, la lune n’était pas sauvage. Au moment de la nouvelle lune, elle descendait
doucement du ciel et s’approchait de l’île. Quand la lune arrivait à l’embouchure de la rivière,
elle se baignait dans l’eau fraîche et douce. On pensait qu’elle venait là se laver et se rafraîchir.
Elle restait de longues minutes et ensuite remontait lentement dans le ciel. Avant de s’en
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aller, la lune s’attardait pendant quelques secondes à quelques mètres au-dessus du sol,
brillant exclusivement pour la petite rivière de Nangarai, comme pour un au revoir jusqu’à la
prochaine pleine lune.
Chaque fois, la même chose arrivait à Nangarai. Et toujours, ces nuits-là, les hommes regardaient la lune avec adoration. L’un d’entre eux, cependant, avait un unique désir : capturer la lune ! C’était le vœu le plus cher de son cœur. Il n’en avait jamais parlé, préférant
garder jalousement son secret. Mais un jour, il ouvrit son cœur à quelques amis en qui il
avait toute confiance. Ils furent choqués par son projet et jurèrent de faire leur possible pour
détourner leur ami de son projet.
L’homme se laissa convaincre de ne pas attraper la lune, enfin, c’est ce qu’il fit croire à
ses amis. Mais en réalité, leurs protestations n’avaient rien fait d’autre que de renforcer son
désir et il se jura d’attraper la lune la prochaine fois qu’elle viendrait à Nangarai.
L’homme attendait avec impatience. Le grand moment arriva enfin ! Avec les autres hommes du village, il sortit de la brousse et descendit vers l’océan. Il montrait un air très naturel, parlant et agissant comme ses compagnons, il portait son taro et ses ignames pour les
faire cuire sur le feu. Arrivés à Nangarai, tout le monde partit à la recherche de bois mort et
de brindilles pour allumer le feu traditionnel. Les flammes brillèrent rapidement, éclairant
leurs visages et chaque homme assis autour commença à faire cuire sa nourriture. Tout le
monde était là et tout le monde était content. Tous ? Non ! Personne n’avait remarqué qu’un
homme s’était éloigné du groupe et s’était caché derrière un rocher sur la droite de la rivière.
Bien placé dans cette cachette, il attendait la lune.
Finalement, la lune apparut. Elle commença à descendre doucement. L’homme était prêt.
Comme de coutume, la lune arriva à l’embouchure de la rivière et descendit dans l’eau douce
et fraîche. Le moment était arrivé ! L’homme sauta de derrière son rocher, se jeta sur la lune
et pouvait presque l’attraper d’une main. Mais la lune était beaucoup plus rapide que lui et
lui glissa entre les doigts. Immédiatement, elle remonta haut dans le ciel et reprit sa place
habituelle.
Mais la lune n’était plus la même. L’homme avait apporté du taro et des ignames. Il avait
réuni du bois et aidé à allumer le feu. Ses mains étaient sales ! Quand il avait touché la lune,
il l’avait salie.
Depuis ce jour mémorable, la lune n’est plus jamais revenue éclairer Nangarai.
Maintenant, vous pouvez aussi comprendre pourquoi la lune est farouche. Et si vous regardez bien, vous verrez qu’elle porte des traces noires. Ce sont les empreintes des mains de
l’homme qui vivait il y a longtemps sur l’île de Malo.
Pour aller plus loin
1. Réfléchissez aux phases de la lune que nous voyons dans le ciel nocturne.
En quoi les phases de la lune correspondent-elles à ses visites à Nangarai ?
À quel moment de son cycle, la lune vient-elle à Nangarai ?
2. Pourquoi les amis de l’homme voulaient-ils l’empêcher de toucher la lune ?
3. Pourquoi la lune est-elle devenue sauvage ?
Enquête
Une nuit de pleine lune, allez dehors et regardez la lune. Essayez de voir les taches
sombres. Les avez-vous déjà vues ? Est-ce que l’histoire de l’homme de Malo vous
semble plausible ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Sur la côte ouest de Maewo près du village de Nasawa existe un endroit nommé
« la grotte du trou de la lune ». Willie Kona de Nasawa a raconté cette histoire qui explique la position de la lune dans le ciel nocturne. Une version de cette légende a été
publiée dans le numéro 20 du magazine d’Air Vanuatu, « Island Spirit ».
Il y a fort longtemps, la lune vivait dans une grotte sur la côte de Maewo et sa lumière ne
brillait pas à travers les parois de la grotte. Tagaro vit que ce n’était pas bon, il sortit la lune
hors de la grotte et la jeta vers le sud. Mais ceux qui vivaient dans le nord n’avaient toujours
pas de lune pendant les nuits, seuls les gens du sud pouvaient la voir. Tagaro remit la lune
dans la grotte et la rejeta une nouvelle fois, vers le nord. Quand elle fut dans le nord, ça n’allait toujours pas, car ceux du sud n’avaient toujours pas de lune la nuit. Tagaro reprit la lune
dans la grotte et la jeta finalement vers l’ouest. Quand elle fut dans l’ouest, elle brilla sur tous
et Tagaro sut qu’il avait bien fait. Et il la laissa là ce jour-là. Les trois ruisseaux qui traversent
la grotte sont les endroits par où la lune est passée quand Tagaro la jeta hors de la grotte.
La lune se fit un chemin à travers les rochers et la mer et c’est pourquoi ces passages d’eau
profonde existent dans la grotte.
Pour aller plus loin
Pourquoi les gens racontent-ils des légendes sur les endroits actuels comme, par
exemple, le trou de la lune ? Connaissez-vous d’autres histoires qui expliquent
l’origine de certains endroits ? Demandez à votre professeur ou à d’autres
personnes s’il existe de tels emplacements autour de votre école. Et demandez-leur
s’ils connaissent les légendes de ces sites.
La légende qui suit, « Comment Mystery Island fut-elle formée ? » explique la formation de Inyeug, un îlot situé sur la côte d’Anatom que l’on appelle Mystery Island aujourd’hui. Cette légende fait partie d’un recueil de Magdalena Livingstone, intitulé
« Kastom Stories of Vanuatu ». Kenneth Sandy originaire d’Anatom la raconta en 2002.
Il y a longtemps vivaient une araignée et un crabe blanc sur une plage. En ce temps-là il y
avait deux récifs sur l’île d’Anatom où ils demeuraient. L’un se nommait Inmal (aujourd’hui
connu sous le nom de Three Miles Reef) et l’autre était Inyeug. Un jour, le crabe dit à l’araignée : « très tôt ce matin, avant que le soleil se lève, tu iras jeter ta ligne de pêche sur le récif
d’Inyeug pendant que je jetterai la mienne sur Inmal, ensuite, nous tirerons ensemble pour
les faire sortir de la mer et en faire des îles.
Ils se souhaitèrent une bonne nuit et allèrent dormir. Tôt, le lendemain, l’araignée prit sa
ligne de pêche et descendit sur la plage. Debout sur le rivage elle jeta sa ligne vers Inyeug ; elle
tira le récif hors de l’eau jusqu’à ce qu’il devienne une île. Ensuite, l’araignée revint sur ses pas
et vit le crabe. Le crabe dormait encore sur le sable et l’araignée l’appela et lui dit : « il fait jour
et le soleil monte ». Le crabe sortit du sable et vit que Inyeug n’était plus un récif, mais une île.
Le crabe ne put rien faire, il n’avait pas tiré l’autre récif hors de l’eau et il avait peur, il
resta donc dans le sable. Si vous passez sur la plage et que vous trouvez un trou dans le
sable, penchez-vous et écoutez, vous pourrez entendre le crabe ronfler, dormant nuit et jour.
C’est pour cela que le récif d’Inyeug d’autrefois est aujourd’hui l’île Mystery et que l’autre récif est toujours un récif, à cause du crabe endormi. (Livingstone 2002 : 63)
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L’histoire suivante, qui raconte la création de l’île d’Erromango, est tirée d’une recherche
effectuée par Jerry Taki, chercheur de terrain du Centre Culturel du Vanuatu. C’est une
version résumée tirée de l’original, comme elle a été recueillie par le « Programme des
Arts Oraux ».
Stori hem i abaot sotleg [dove]. Sotleg hem i stap long wan ples long Ifo. I gat tabu ples hem
i stap. Sotleg hem i wan woman pijin. Hem i putum longfala dres blong hem, hem i flas
gud. Pasis blong Ifo hem i Telavoa, we mining blong hem i talem se ‘ples we yu stap ripitim
oltaem nomo’. Long Telavoa ia nao, woman sotleg ia i stap brum i go, i kam, i go, i kam.
Ol narafala pijin i stap luk sotleg ia mo oli laekem hem we oli laekem. I no longtaem
fulap ol defren kaen pijin i stap trae had blong switim sotleg ia. Fas pijin hem i nawimba.
Nawimba i dresap gud, hem i putum blak kot blong hem mo waet sot insaed. After i singsing, « Napumtanwatete evemete marogrog, netivariou vorule eve elog » we mining blong hem
long lanwis blong mifala i ‘sotleg yu gud tumas, be yu stap go kam blong wanem ia ?’ Be sotleg i no wantem hem from kot blong hem i dak tumas.
Nambatu pijin i kam. Hem i nakarua wetem red maot. Hem i singsing, « Napumtanwatete
evemete marogrog, netivariou vorule eve elog » Be sotleg i no laekem red maot blong hem. Afta
grin pijin i kam, i mekem semfala singsing. Be sotleg i laf long hem from se hem i grin
tumas i stap haed long ol tri. Gogo ol pijin i stap sem. Oli flae i go.
Afta flaenfoks i traem switim sotleg. Hem i putum wan lif long hem, nem blong lif
ia hem i ulese. Lif ia i smel gud we i gud. Hem tu i mekem singsing long sotleg. Sotleg i
laekem hem afta tufala i mared. Gogo, i no longtaem sotleg i bin bonem wan pikinini, we
hem i wan flaenfoks olsem papa. Pikinini ia i stap kolkol long naet be from se feta blong sotleg i smol nomo, hem i no save holem pikinini blong hem. Pikinini i stap krae gogo mama
sotleg i kros long hem, i talem se, « Yu finis krae ia. Papa blong yu i save holem yu be long
naet hem i stap ronwe long yumi blong stil long ol garen blong ol man. Afta long dei hem i
stap hang nomo. Tut blong hem i blak olsem tut blong yu. Yu silip! »
Long moning taem papa flaenfoks i stap hang, pikinini i talem long hem ol samting we
mama sotleg i bin talem. Papa flaenfoks i kros we i kros, i talem se, « Yu hang long bak blong
mi pikinini. » Afta tufala i flae oli lego ples blong sotleg. Oli flae kasem wan gudfala aelan, oli
stap. Long pikja [map] blong Erromango tedei, bambae yu save luk se wing blong flaenfoks
hem i go long saot, narafala win i go long not. Afta leg i stap long Unpongkor [Dillon’s Bay].
Hed blong hem nao i stap long Rantop. Hem ia nao i gat fulap flaenfoks long Erromango.
Activité de discussion
Dans les légendes, ce sont souvent des créatures non-humaines qui ont des rôles
importants.
Comment expliquez-vous cela ?
Enquête
D’après l’histoire d’Anatom, l’îlot Inyeug doit sa formation à une araignée. Les
légendes d’Erromango disent que c’est une roussette qui a créé l’île. Connaissezvous d’autres histoires coutumières où les animaux, poissons et insectes sont les
personnages principaux ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les légendes et les arts
En 1926 et 1927, l’anthropologue anglais Bernard Deacon a collecté des informations
sur les différentes coutumes et styles de vie à travers l’archipel. Il découvrit des dessins
complexes exécutés sur le sable et dans la poussière des plaines de cendres volcaniques.
Il décida de relever ces dessins et leurs significations comme il voyageait à Mallicolo,
Ambrym, et Ambae (il existe aussi des dessins de sable à Paama, Pentecôte, Maewo,
Epi ainsi qu’aux îles Banks). De plus, il semble évident que les gens de Santo faisaient
aussi des dessins de sable. Il estima que ces figures géométriques étaient une de ses
plus importantes découvertes culturelles. Dans une lettre à un ami anthropologue, il
écrivit : « je n’ai jamais vu ou entendu parler d’une chose pareille. »
Toutes ces courbes, ces lignes et boucles sont reliées entre elles pour finaliser un
dessin qui raconte une histoire. Il est primordial de tracer ces lignes en continu, sans
lever le doigt. Stopper au milieu est considéré comme une maladresse et le dessin ne
sera pas parfait. Souvent, on dessine une grille dans le sable et ensuite le dessin est
tracé sur la grille. Parfois, cette grille est composée de lignes droites, d’autres fois, ce
sont juste des points qui font l’ossature du dessin.
Beaucoup de ces dessins sont constitués d’une ligne continue qui s’arrête là où elle
a commencé. D’autres sont formés à partir de groupes de lignes symétriques arrangées ensemble. Quelques dessins décrivent la force et la personnalité des héros mythiques. D’autres racontent le monde des esprits. Certains représentent des animaux ou
des plantes. Et d’autres encore sont des moyens de communication et remplacent des
nombres ou des phrases. Un thème récurrent est le monde naturel qui nous entoure.
Les volcans, rivières, chutes d’eau et sources chaudes sont souvent décrites dans les
histoires traditionnelles à travers les îles. Nos ancêtres vivaient dans la crainte des puissants phénomènes naturels : tremblements de terre, tsunamis et éruptions volcaniques.
Ils respectaient et reconnaissaient la force et l’énergie de la nature. Nous le constatons
dans les nombreuses histoires coutumières qui expliquent des événements tels que la
création de la mer, la place de la lune dans le ciel et les éruptions volcaniques. En plus
de ces légendes, l’influence de la nature est clairement visible dans certains des thèmes
et significations des dessins sur sable.
Plus en détail– Vui Uli
Dans ce dessin sur sable de Lolopuepue, Ambae, le lac de cratère du Manaro fait partie
intégrale de l’histoire. Ce volcan se trouve au centre d’Ambae. L’extrait suivant est tiré
du livre « De Poussière et de Sable : Dessins Géométriques de Vanuatu » (1994), de
Jean-Pierre Cabane qui a réuni les dessins de nombreuses îles du nord ainsi que leurs
histoires. Celle-ci explique la signification du dessin de sable : Vui Uli.
On dit que ce dessin est le premier dessin d’Ambae. Sur l’île existe un lac volcanique, ‘Manaro
Lakuha Vui’ (le grand lac des esprits), qui mène à la terre des morts. Quand on entend
une explosion venue du lac, cela signifie que quelqu’un d’un village voisin vient de mourir.
Tagaro, qui vit dans le lac, demande à l’esprit du mort de terminer le dessin dont il a effacé
une partie. Pour accéder à la terre des morts il faut passer cette épreuve. Au sud de Mallicolo
(dans le village de Melip), l’esprit du mort doit aussi terminer un dessin pour passer le seuil
de l’autre monde. Une autre légende raconte qu’un jour, un jeune homme a plongé dans le
lac pour rejoindre sa femme morte. Il découvrit une grotte et le gardien le dissimula en lui
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La formation de l’archipel
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couvrant la tête de larges feuilles d’une plante aux racines noires. Et en camouflant le bout
de ses doigts avec l’écorce du bout des jeunes racines de pandanus qui font une sorte de
capuchon. Ensuite, il le mena vers sa femme morte. En route, le gardien et le jeune homme
rencontrèrent un groupe de personnes qui dansaient. Les esprits détectèrent une présence
étrange et ôtèrent le déguisement du jeune homme car ils pensaient avoir affaire à un diable.
Mais, remarquant qu’il leur ressemblait, ils le laissèrent continuer sa route.
Il resta cent jours avec sa femme qu’il pouvait voir uniquement sous la surface du lac et
s’en retourna seul chez lui. Lorsqu’il revient, il s’aperçut que les villageois avaient fait une
cérémonie de funérailles tous les cinq jours en son honneur car ils pensaient qu’il était mort.
Dans le sud ouest de Mallicolo, il existe aussi une histoire sur une personne vivante qui
aurait vu danser les morts dans un espace clos ne comportant qu’une seule entrée.
Les morts sentirent là aussi sa présence. Ils allaient le tuer pour le dévorer quand une vieille
femme lui permit de s’échapper et de retourner vers le monde des vivants.
Pour aller plus loin
1. L’environnement naturel joue-t-il un rôle dans le choix des thèmes des dessins
sur sable à travers le pays ?
2. Qui est Tagaro ? (Pensez à l’histoire que nous venons de lire sur Tagaro).
3. Pourquoi Vui Uli est-il un dessin sur sable sacré ? Que veut dire le mot « sacré » ?
Enquête
Connaissez-vous des dessins sur sable ? Si vous n’en connaissez pas, cherchez
quelqu’un qui pourrait vous enseigner à dessiner. Demandez à cette personne
de vous raconter l’histoire du dessin. En plus des dessins, on retrouve des
représentations de la nature sur les nattes et les paniers. Le dessin ci-contre prend
comme modèle les plumes de l’oiseau nambilak, petit oiseau rouge à longues pattes
qui se déplace en courant rapidement sur terre.
Ilin Bwaga : plumes du
nambilak, (Langue Apma, centre
Pentecôte, Mescam 1987 : 33)
Une terre née de la mer
Nos légendes mêlent des explications surnaturelles à des facteurs matériels pour décrire des événements qui se sont produits dans l’archipel. Aux mythes d’origines et aux
traditions orales s’ajoutent aujourd’hui les études géologiques. Certaines études scientifiques peuvent coincider avec des histoires traditionnelles. Elles démontrent l’intérêt
des légendes des anciens.
Le texte suivant est un extrait de l’ouvrage géographique de Martin Horrocks
« L’environnement de nos îles » (1988), destiné à l’enseignement secondaire.
Le Vanuatu est formé d’îles qui ont émergé des flots marins. Les terres y sont encore en
pleine croissance, et se modifient rapidement. La plupart des masses terrestres de la planète
sont anciennes, nées de l’énorme poussée des plaques continentales. Mais ce n’est pas le cas
du Vanuatu.
Les plaques tectoniques en mouvement provoquent l’élévation des terres et l’activité volcanique qui sont responsables de la création des terres nouvelles
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P l a q u e s t ect onique s :
plaques mobiles composant le
sous-sol de la terre
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24
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Ce q ue no us p ou vons voir et ressent ir au t ou r d e nou s
Élévations terrestres
Activités volcaniques
Tremblements de terre
Accumulations coralliennes et escarpements
calcaires
Soulèvements de récifs
Sub duction : enfoncement
d’une plaque sous une autre
plaque tectonique
Magma : roche en fusion
formant le centre de la terre
Éruptions volcaniques
Coulées de lave
Emissions de cendre volcanique
Pierres ponces sur mer et sur terre
Le Vanuatu est une chaîne d’îles volcaniques disposées le long d’une plaque tectonique.
La friction entre la plaque Pacifique et la plaque Indo-australienne repousse cette dernière
vers le bas, ce qu’on appelle subduction. La plaque Indo-australienne glisse sous la plaque
Pacifique, car elle est plus dense. Cette activité tectonique crée de nouvelles terres de deux
façons : par l’élévation du sous-sol et l’activité volcanique.
Lorsque la plaque Pacifique s’enfonce, des morceaux s’en détachent et s’ajoutent au
magma. Le magma en surplus est alors obligé de s’échapper vers la surface de la terre, formant de nouveaux volcans. Lorsque le magma atteint la surface de la terre (sous la mer ou
à l’air libre), il se refroidit, créant de nouvelles terres. Une grosse éruption volcanique peut
générer une île très rapidement. D’autres îles se forment plus lentement à la suite d’éruptions successives. Le mouvement descendant de la plaque australienne est aussi cause de
séismes. Simultanément, la plaque Pacifique est soulevée, poussant les îles hors de la mer.
explosion volcanique
plaque australienne
zone de subduction
plaque pacifique
poussée
magma
L a f o r m a t ion d ’u ne îl e vol c aniqu e
La plupart des îles du Vanuatu sont d’origine volcanique. Elles sortent de l’océan
et comportent une étroite plaine côtière et des récifs frangeants qui les ceinturent.
Des blocs de corail sont visibles à l’intérieur des terres, loin du rivage, sur de nombreuses îles. On en trouve jusqu’en haut des montagnes. Sur d’autres îles, on n’en
trouve pas du tout. Lorsque du corail s’est accumulé sur les flancs d’un volcan sousmarin et que par la suite la terre s’élève jusqu’à former une île, cette île sera recouverte de corail. Si une île corallienne émerge et que survient une autre éruption
volcanique, la lave recouvre le corail. Certains volcans ont été si rapides à former
certaines îles que le corail n’a pas eu le temps de s’accumuler sur leurs flancs.
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25
La formation de l’archipel
Pour aller plus loin
Le mont Erskine au nord d’Efate est recouvert de calcaire corallien. Sous la couche
de corail, on peut voir des couches de cendres volcaniques et de pierres ponce,
qu’est-ce que cela signifie ?
Plus en détail– les volcans sous-marins
On trouve des volcans sous-marins et des cheminées volcaniques dans certaines zones, sous
les mers. Certains sont actifs de nos jours. En eaux peu profondes, ils révèlent leur présence
en envoyant de la vapeur et des débris de roche loin dans le ciel. De nombreux autres sont si
profonds sous la mer que le poids de l’eau empêche la formation de gaz et de vapeurs. Les
éruptions volcaniques des grandes profondeurs n’arrivent pas toujours jusqu’à la surface.
L’énorme quantité d’eau autour des volcans sous-marins les empêche de se comporter comme
les volcans terrestres. De violentes éruptions de vapeur ont lieu lorsque l’eau de mer se répand
par une cheminée active sous-marine peu profonde. Lorsque de la lave en fusion coule dans la
mer, depuis un volcan sous-marin ou un volcan de surface, elle se refroidit tellement vite qu’elle
se transforme en sable et en débris. —Tilling (1985)
En 1997, l’organisation française : l’IRD (Institut de Recherche de Développement,
autrefois l’ORSTOM), a recensé quatre volcans sous-marins dans l’archipel vanuatais.
nom
latitude
longitude
activité
caracteristiques
observations
Epi (East)
16/45°, S
169/15°, E
eaux jaunes
trois monts
sous-marins
Karua
16/50°, S
168/32°, E
bulles
fait partie de la
caldera de Kuwae
Erromango 18/45°, S
170/10°, E
eaux jaunes
un volcan
sous-marin
Forte coloration du mont
B près de la surface
(en 1997).
Coloration de l’eau près
de la surface, île de cendre
(éruption en 1971).
Forte coloration de l’eau
près de la surface (1994).
Gemini
170/16°, E
explosions
deux monts
sous-marins
21/00°, S
Par Wallez, Sandrine. « Survey
of Socio-Economic Impact of
Volcanic Hazards and Other
Natural Disasters in the
Archipelago of Vanuatu »
Le mont sous-marin situé
le plus à l’est a explosé
en février 1996 et octobre
1997.
Activité de discussion
1. Les volcans sous-marins sont-ils dangereux ? Justifiez votre réponse.
2. D’après le tableau de L’IRD ci-dessus, à quels signes peut-on détecter la
présence d’un volcan sous-marin ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Il y a des centaines d’années, nos îles ne ressemblaient pas à ce qu’elles sont
aujourd’hui. Les éruptions volcaniques ainsi que l’activité sismique changent constamment les masses terriennes. Le groupe des îles Shepherds en est un exemple. Avant
1452, les îles de Epi, Tongoa, Tongariki, Ewose, Buninga et Valea faisaient partie d’une
seule grande terre appelée Kuwae. Kuwae faisait environ 75km de long pour 15km de
large. Un double jet de magma sous pression a percé la croûte terrestre dans un endroit
situé à l’est de Kuwae, brisant l’île en morceaux. Ce fut une des huit plus fortes explosions volcaniques des derniers 10 000 ans !
Plus en détail– l’éruption de Kuwae
contours de
Kuwae
Epi
caldera de
Kuwae
Tongoa
0
N
25 km
Buninga
Buninga
Emae
Tongariki
Emae
Makira
Makura
L’île de Kuwae, centre
Vanuatu en 1450, dessin
basé sur les études de Robin,
Monzier et Eissen, 1994
Une autre version de l’histoire
dit que l’oncle de Pae lui a
donné un lézard qui détenait
la force du volcan. Il existe
encore une variante de cette
légende dans laquelle le nom
de Pae est Tombuk ou Toboka.
HBYV_Volume_1.indb 26
L’histoire ci-dessous, ‘Kuwae Hem i Wan Bigfala Aelan’, raconte l’éruption de l’île
historique de Kuwae. Par Willie Roy originaire de Tongoa.
Wan boe we nem blong hem Pae, hem i stap long aelan. Papa blong hem i ded finis mo Pae i
stap wetem mama blong hem. Nao wan naet, ol boe oli kam karem mama blong hem mo oli
go stap hambag long hem. Oli kam singaotem Pae blong i go wetem olgeta, be oli no talem
long hem se mama blong hem i stap tu. Nao taem oli karem hem i go hem i go stat hambag
long mama blong hem nao mama blong hem i holem bodi blong hem gogo nao i holem long
jas blong hem. Nao i holem wan tatu long jas blong hem, mo i askem se « Huia, Pae ? »
Pae i talem se, « Yes, mi ia. » Pae i krae from ol fren blong hem oli giaman long hem,
mo oli mekem se hem i hambag long mama blong hem. Long moning Pae i go long garen.
Taem i singaot ol man oli stap talem long hem se, « Man ia we hem i stap mekem noes, hem
i hambag long mama blong hem. » Pae hem i stap harem nogud. Nao i girap i talem long
mama blong hem se, « Tedei mi go luk angkel blong mi long Lopevi. » Hem i karem kenu
blong hem i go. I go nao i go soa i go luk angkel blong hem.
Nao tufala i stap mo Pae i askem long angkel blong hem se, « Angkel, mi wantem wan
samting, mi wantem se yu givim wan volkeno long mi. » Angkel i talem se, « Yu go mekem
wanem long volkeno ia ? » Afta Pae i talem se, « Mifala i stap be ol fren blong mi oli mekem
mi mi hambag long mama. Oli stap spolem mi. » Angkel blong hem i talem long hem se,
« Wanem volkeno nao yu wantem ? » Pae i talem se « Hemia we maot blong hem i red, »
mo angkel blong hem i talem se, « Bae yu spolem aelan blong yu ia. »
Pae i talem se, « Hem i gud nomo from we oli spolem mi tumas. Nao mi wantem blong
mi karem i go. » Taem hem i kasem Kuwae nao i go soa. Nao i go putum long stamba blong
wan oktri mo hem i go long haos blong hem, from we angkel blong hem i givim sikis yia.
Nao wan yia i pas hem i kilim wan pig i kakae be i putum basket blong wota blong pig i stap i
fulap nao i hangem i stap. Pae i mekem fasin ia long evri yia kasem taem sikis yia i pas. Nao
Pae i karem ol balun ia blong pig. Hem i klaem i go antap long oktri ia nao i go stap singaot.
Nao i brekem ol balun blong pig ia. Taem we Pae i stap brekem, graon i seksek. Taem i
brekem laswan nao, volkeno i girap nao i brekem hed blong Pae i go foldaon long Lopevi.
Nao angkel blong hem i luk mo hem i krae. Angkel blong Pae i karem hed blong hem mo
hem i berem.
So naoia long Tongoa or Shepherd yumi save luk se olgeta ol smolsmol aelan nomo, mo
volkeno ia i stap girap taem i kasem wan handred yia. So hemia nao en blong storian ia.
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La formation de l’archipel
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Ti Tongoa Liseiriki
Une autre légende, rapportée par Jean Guiart, anthropologue français, raconte l’histoire
d’Asingmet, un garçon du village de Mangarisu.
Asingmet avait échappé au cataclysme, alors qu’il était occupé à piéger des oiseaux sur la
terre qui reliait alors Tongoa à Tongariki. Il s’enfuit vers Tongariki en courant le long de la
côte de Kuwae, s’abrita dans un tambour et fut découvert par une jeune femme, Tarifegit,
qui avait elle-même fui la catastrophe. Tous deux furent recueillis par les gens de Makura.
Asingmet, devenu Matanauretong, puis Ti Tongoa Liseiriki, revint six ans plus tard sur l’une
des îles qui restaient de l’ancienne Kuwae et qui depuis, est appelée Tongoa. Ce nom vient
de la plante épineuse dite worotongoa, qui fut la première à repousser après le cataclysme.
Ti Tongoa Liseiriki planta un arbre et dressa une pierre à l’emplacement des antiques cases
de réunion. Bien après, les chefs qui avaient pu se réfugier à Efate dès le début de l’éruption,
retournèrent peu à peu se réinstaller à Tongoa. (Garanger, Arts of Vanuatu, 1996 : 66-67)
Dans les années soixante, l’archéologue José Garanger fouilla une zone mentionnée par
les traditions orales comme étant le lieu d’inhumation de Ti Tongoa Liseiriki. Il alla au village de Panita sur l’île de Tongoa. L’histoire dit que Ti Tongoa Liseiriki a été inhumé à un
endroit marqué par des pierres dressées et qu’il existait un cercle de roches autour de la
tombe. La légende rapporte aussi qu’il a été enterré avec Nawa et Tarifegit ainsi que d’autres
de ses descendants masculins, qu’il a été enseveli, portant deux défenses de cochons au
poignet gauche et une autre à droite. Quand Garanger et son équipe fouillèrent le site, ils
découvrirent un corps dont la tête était tournée vers le sud. Il avait deux défenses de cochon au bras gauche et une à droite. Les restes d’une femme étaient à ses pieds et d’autres
ossements féminins se trouvaient sur l’emplacement des fouilles. Il y avait divers squelettes de sexe masculin, juste comme le racontait la légende. Une datation au carbone
quatorze a permis de donner un âge approximatif de 500 ans en arrière. Cette datation
correspond à l’histoire de Ti Tongoa Liseiriki et de sa fuite lors de l’éruption de Kuwae.
Kuwae : les arguments scientifiques
Comme nous l’avons déjà vu, l’île de Kuwae a éclaté en plusieurs masses de terre lors
de l’explosion de 1452. Les scientifiques ont établi que le cratère se situait entre les îles
actuelles de Tongoa et d’Epi. Pendant l’éruption volcanique, des fragments de Kuwae
se sont effondrés, laissant visible ce que nous connaissons aujourd’hui comme les îles
Shepherds. À la fin de l’éruption, l’île de Kuwae était devenue un cratère sous-marin
d’un diamètre de douze kilomètres. De nos jours, le volcan de Karua se trouve dans la
caldeira, sous le niveau de la mer. De temps à autre, il émerge, la houle de l’océan venant mourir à son sommet.
L’histoire traditionnelle nous explique pourquoi le volcan est entré en éruption.
De plus, les études scientifiques sont en mesure de donner la date de l’explosion.
Michel Monzier, un scientifique qui a étudié les effets de l’éruption, avance que la terre
proche du cratère a brûlé à environ 300 °C. La plupart des cendres ont été lavées par les
pluies violentes qui ont suivi. Les plantes et les arbres ont repoussé lentement. L’océan
autour du site a été recouvert de pierres ponce et de débris. Les habitants de l’Australie ont certainement entendu le bruit de l’explosion. La poussière envahit le ciel et lui
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C a l d e ir a : vaste dépression aux
sommets de certains volcans
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Exode : migration humaine
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
donna une couleur rougeâtre. Et les vagues devaient être colorées de rouge du fait de la
réflexion du ciel sur la mer.
Une autre recherche scientifique a relevé les effets, à l’échelle mondiale, de cette explosion du Kuwae. Les couches de glaces du pôle sud correspondant aux années suivantes indiquent une éruption conséquente, les cendres volcaniques étant prises par le gel
depuis des centaines d’années!
Les cercles de croissance des troncs d’arbre ont aussi été étudiés. Lorsqu’un arbre
grandit, des « anneaux » se forment chaque année, visibles quand on le coupe. S’ils
sont minces, cela indique un stress, qui peut être dû à une période froide ou une sècheresse. Des bois datant des années 1450 montrent des différences importantes entre les
divers anneaux.
L’éruption de Kuwae a eu une grande influence sur notre archipel. Elle a créé les îles
Shepherds au centre du pays. Elle a été l’objet de nombreuses histoires. Et elle a aussi
été la cause d’un exode massif des habitants de la région, ce qui a influencé les coutumes de ces gens. À travers les traditions orales et les recherches scientifiques, nous
pouvons comprendre l’impact de cette éruption volcanique de Kuwae.
Pour aller plus loin
1. À l’aide de vos propres mots, expliquez comment les faits réels archéologiques
et la tradition orale ont été utilisés pour raconter l’histoire de Kuwae.
2. Peut-il y avoir plusieurs versions d’une même histoire traditionnelle ?
Expression écrite
Imaginez que vous viviez à Kuwae. Vous sentez le sol trembler sous vos pieds. Votre
maison est secouée et les fruits tombent des arbres. Vous pressentez un danger
imminent. Qu’allez-vous faire pour vous protéger, vous, votre famille, ainsi que les
gens du village ? Où pourriez-vous aller ? Qu’emporteriez-vous avec vous ?
Plus en détail– le Mont Yasur vu par le capitaine Cook
Dimanche 7 août 1774
Pendant la nuit, le volcan a craché beaucoup de feu et de fumée, les flammes étaient visibles
en haut de la colline entre nous et le volcan, la nuit précédente il fit la même chose avec un
bruit semblable au tonnerre ou à l’explosion de mines, à chaque éruption, environ toutes
les quatre ou cinq minutes. Une pluie violente qui tombait au même moment semblait faire
augmenter les explosions : le vent soufflait dans notre direction et nous a envoyé tant de
sable fin ou de cendres que tout était recouvert et cela nous a irrité les yeux.
(Cook 1999 : 486)
Ce sont les mots que le capitaine Cook a employés pour décrire l’activité du Mont Yasur
de Tanna lors de son exploration du sud Pacifique à la fin du 18ème siècle. Le 16 juillet
1774, Cook aperçut Maewo, alors appelée Aurore. Il continua son voyage dans les îles
pendant six semaines. La description de Cook fait partie du récit de l’expédition. Un
botaniste a collecté une grande variété de plantes et d’arbres qu’il avait découverts à
travers le Pacifique et un artiste a dessiné quelques-uns des endroits où Cook et son
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La formation de l’archipel
29
Sources d’eau chaude et
soufrée, Tanna 26 août
1850 (Vigors 1850, 100).
équipage mirent pied-à-terre. L’extrait suivant du journal du capitaine Cook décrit les
sources d’eau chaudes proches du Mont Yasur.
Jeudi 11 août 1774
Pendant la nuit et tout le jour suivant, le volcan fit un bruit terrible en expulsant vers le ciel de
prodigieuses colonnes de fumée et de feu à chaque explosion. Une fois, l’on put apercevoir
de grosses pierres projetées en l’air… Mr F. fit une petite excursion en haut de la colline sur
le côté ouest de la baie et il découvrit trois endroits d’où montait de la fumée ou de la vapeur
à forte odeur de soufre. Ces fumerolles semblaient suivre le rythme des explosions du volcan
puisqu’à chaque éruption le flot de fumée ou de vapeur augmentait et sortait du sol de telle
manière qu’on pouvait l’observer à une grande distance. Nous avions pris ces fumées pour
un feu de cuisine. Les sources d’eau chaude sont au pied de cette colline.
(Cook 1999 : 490)
Pour aller plus loin
1. Pourquoi le capitaine Cook a-t-il fait des commentaires sur le Volcan Yasur dans
son journal ?
2. Cook dit que le volcan sent le soufre, pourquoi ?
Expression écrite
Avez-vous déjà vu un volcan ? Si oui, comment pourriez-vous le décrire ? Utilisez
tous vos sens (ouïe, odorat, vue) pour cela, à quoi cela ressemble-t-il ? Quelle en
est l’odeur ? Quel bruit fait-il ? Détaillez vos sensations lorsque vous marchez sur la
plaine de cendre autour du cratère. Si vous n’avez jamais approché de volcan, trouvez
quelqu’un qui en a déjà vu un et demandez-lui de vous donner ses impressions.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les échelles temporelles
Comparé aux autres formations géologiques en océanie, l’Australie par exemple, l’archipel du Vanuatu est jeune. Santo, l’une de ses îles les plus anciennes, est seulement âgée
d’une vingtaine de millions d’années. L’Australie date de plus de 4 000 millions d’années. Quand les îles sont sorties de l’océan, d’autres terres étaient déjà peuplées de végétaux. Les vents et les courants océaniques les ont transportés jusqu’aux rivages du
Vanuatu. (Horrocks 1988 : 7).
Le graphique ci-dessus montre la croissance des îles du Vanuatu.
100
90
70
60
50
40
30
pourcentage de terre
80
20
10
Croissance des terres de l’archipel
du Vanuatu (Horrocks 1988 : 6)
0
5
10
15
20
25
30
0
millions d’années
Questions de compréhension
1. En regardant le graphique ci-dessus, donnez l’âge de la première terre de
l’archipel du Vanuatu.
2. Quel pourcentage de terre existait déjà il y a 15 millions d’années ?
3. Qu’est-il arrivé entre 15 et 5 millions d’années ?
4. La vitesse de croissance des terres a été plus rapide récemment. Quel est
approximativement le pourcentage de terre qui s’est formé pendant les 2
derniers millions d’années ?
5. Regardez la carte, page suivante. Donnez le nom d’une île qui s’est formée très
récemment.
6. Trouvez votre île sur la carte de la page suivante. Donnez son âge.
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La formation de l’archipel
Iles
Torres
Vanua Lava
Iles
Banks
Gaua
Mera Lava
Maevo
Ambae
Espiritu
Santo
Pentecôte
Malo
Ambrym
Paama
Lopevi
Mallicolo
Epi
Iles
Shepherd
Efate
N
Port-Vila
100 km
Erromango
Datation en millions d’années
Aniwa
0–3
Tanna
Futuna
4 – 11
14 – 22
Iles Matthew et Hunter
250 km
Anatom
Carte du Vanuatu, donnant
l’âge des différentes îles du
Vanuatu. (Horrocks 1988 : 7)
Les archipels voisins
Il y a environ 250 millions d’années, toutes les terres au sud du globe terrestre étaient
réunies en un seul continent nommé le Gondwana. Aujourd’hui, ces terres se sont
séparées, la Papouasie-Nouvelle-Guinée s’est éloignée de l’Australie, ainsi que la
Nouvelle-Calédonie qui est elle aussi, un fragment du Gondwana. La Nouvelle-Zélande
est, elle aussi, une de ces parties qui s’est détachée, et s’est vue agrandie par diverses
éruptions volcaniques. Cependant, la plupart des îles du Pacifique, telles que le Vanuatu,
les Salomon, les Fidji et d’autres sont apparues indépendamment de la mer. Ce sont des
îles océaniques. (Horrocks 1988 : 8)
HBYV_Volume_1.indb 31
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
PAPOUASIE
NOUVELLE GUINEE
ILES SALOMON
Tokelau
TUVALU
Wallis et Futuna
SAMOA
ILES COOK
FIDJI
VANUATU
Niue
TONGA
Nouvelle
Calédonie
AUSTRALIE
ocean
pacifique
NOUVELLE
ZELANDE
Questions de compréhension
1. Quelles sont les deux masses terrestres les plus proches du Vanuatu ?
2. Expliquez pourquoi des mammifères tels que des marsupiaux : kangourous, etc.
vivent en Papouasie et en Australie et non pas au Vanuatu ?
3. De nombreuses plantes ainsi que des animaux que l’on trouve en NouvelleCalédonie n’existent pas sur les autres îles. Pourquoi ?
4. Donnez le nom de deux pays qui ont été peuplés longtemps avant le Vanuatu.
Le temps passant, le niveau des océans a changé comme la terre s’est réchauffée et puis
refroidie, modifiant la taille des calottes glaciaires aux pôles. À l’époque de l’ère glaciaire de grandes quantités d’eau sont restées prises dans les glaçces des pôles. La dernière ère glaciaire a commencé il y a environ 2 millions d’années et s’est terminée il y a
18 000 ans. (Horrocks 1988 : 9).
Pour aller plus loin
1. Que se passe-t-il au niveau des océans lorsque la terre traverse une ère glaciaire ?
2. Quels sont les effets d’une ère glaciaire sur la surface totale de la terre ?
3. L’Australie était autrefois reliée à la Papouasie par la terre. Le niveau des mers
était alors très bas. Etait-ce une période chaude ou froide de l’histoire de la terre ?
HBYV_Volume_1.indb 32
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La formation de l’archipel
33
L’apparition des plantes sur
les premières îles de l’archipel
Lorsque les premières îles du Vanuatu émergèrent, aucun végétal ne poussait encore sur ces
terres nouvelles. Les îles ont été colonisées par la flore venue de pays lointains. Les plantes
font des graines ou spores qui sont dispersées par les vents, les pluies, les oiseaux et autre.
Des plantes déracinées peuvent être transportées par les courants marins, survivre et refaire
des racines en arrivant sur une côte. Les animaux partent en exploration à la recherche de
nourriture et de nouveaux territoires, mais il leur faut de la chance pour pouvoir traverser
des océans sur des bois flottants. (Horrocks 1998 : 9)
Pour aller plus loin
1. Les plantes et animaux qui ont dérivé jusqu’au Vanuatu sont-ils arrivés par l’est
ou par l’ouest ? Justifiez votre réponse.
2. D’où venaient les premières plantes qui ont pris racine sur l’île de Santo ?
3. D’où arrivaient les premières plantes qui ont poussé sur Anatom ?
4. Les kauri se trouvent surtout sur Erromango et Anatom, quels sont les pays
voisins où l’on peut espérer en voir pousser aussi ?
Note : lorsque vous répondrez aux questions 2,3 & 4, regardez la carte pour essayer de
suivre la route des plantes depuis leur terre d’origine vers les trois îles mentionnées.
Après que les plantes eurent pris racine, des animaux terrestres traversèrent les océans pour
atteindre les îles. Le voyage sur une telle distance ne fut pas facile. En proportion, ils furent
peu nombreux à faire ce trajet, et c’était essentiellement de petits animaux. Des vers, des insectes, des lézards et des serpents, des chauves-souris ainsi que des oiseaux touchèrent les
îles, mais pas les grands animaux tels que des kangourous ni des singes. Aucun animal terrestre ne peut nager sur une telle distance, et même pour les petites espèces, il fallait beaucoup de chance pour y arriver.
Nos reptiles terriens sont originaires d’Australie et du Sud-est asiatique où l’on trouve
toutes sortes de scinques, geckos et serpents. La plupart des espèces sont probablement arrivées tout d’abord dans les îles du nord, depuis les îles Salomon et la Papouasie. Cependant,
l’arrivée de l’iguane ne rentre pas dans ce schéma. On trouve des iguanes en Amérique du
Sud et en Amérique Centrale, mais pas en Australie ni dans le Sud-est asiatique. L’iguane à
crête, qui vit à Efate, vient des Fidji. Il a été importé dans les années 1960 pour être exposé
dans un zoo. Les iguanes se sont échappés et disséminés dans l’île. Aux Fidji, vivent deux
sortes d’iguane (à crête et à bande). Comment ont-ils traversé le Pacifique depuis l’Amérique ? Personne ne le sait avec certitude, mais la période d’incubation des œufs peut être
très longue, jusqu’à 9 mois. Les œufs ont pu venir sur un bois flotté et éclore en arrivant.
Le boa du Pacifique et l’orvet sont les deux seules espèces de serpents terrestres connues
au Vanuatu. On trouve 12 sortes de scinques et 7 espèces de geckos. Certains sont des
espèces communes dans tout le Pacifique, par exemple, le scinque à queue bleue et le gecko
de maison. Cependant, certains d’entre eux n’existent qu’au Vanuatu et nulle part ailleurs.
On dit que ce sont des espèces endémiques et ce sont des espèces rares.
Après des milliers d’années, plantes et animaux commencèrent à peupler les îles de l’archipel. Mais les premiers hommes arrivèrent encore bien plus tard.
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Le lézard vert (Emoia sandfordii)
endémique du Vanuatu
(Horrocks 1988 : 12).
Ce texte est tiré du chapitre
Un (The Origin of the Land
and its Inhabitants) du livre de
Martin Horrocks intitulé « Our
Island Environment » (1988)
S c in q u e : lézard terrestre à
courtes pattes
I n c u b a t io n : période
de couvaison avant
l’éclosion de l’œuf
E n d é m iq u e : que l’on ne
trouve nulle part ailleurs, unique
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34
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Questions géographiques contemporaines
L’environnement des hommes influence leurs façons d’être. Il y a des milliers d’années, les gens qui vivaient dans les déserts se sont adaptés au climat chaud et sec ainsi
qu’aux vents de sable. Les neiges et glaces des zones froides du nord et du sud de la
planète influent également sur la vie dans ces contrées. Nous acceptons certains aspects
de notre environnement naturel comme faisant partie intégrante de la vie et nous devons apprendre à les gérer pour nous adapter à leurs équilibres.
Les cyclones peuvent faire disparaître des villages entiers en quelques minutes.
La cendre des volcans projetée sur la terre, tombe sur les vergers et endommage sérieusement les récoltes. Les tsunamis dévastent les villages et les plantations, tuant hommes
et bêtes. Les sécheresses déshydratent les sols et les feuilles du chou des îles se racornissent et tombent sous le soleil brûlant. Les tremblements de terre secouent le sol sous nos
pieds et détruisent les maisons. Les glissements de terrain entraînent pierres et potagers
au bas des collines, emportant les jardins et mettant en danger les gens qui vivent dans
les parages. Les inondations imprévisibles sont une menace pour les riverains.
Au Vanuatu, nous avons à faire face à certaines de ces catastrophes naturelles. Au vu
de la situation géographique de l’archipel les cyclones y sont plus à craindre que dans
d’autres pays voisins. Les volcans de la ceinture de feu du Pacifique sont actifs ; ils entrent régulièrement en éruption. L’archipel du Vanuatu étant situé juste au-dessus de
la jonction des plaques tectoniques, on y ressent fréquemment des séismes. Depuis
que ces îles sont nées de l’océan, elles ont subi plus de désastres que beaucoup d’autres
contrées.
Le « Plus en détail » ci-dessous développe certaines catastrophes naturelles que
les habitants du Vanuatu ont dû subir par le passé, et de quelle façon ils ont surmonté
ces épreuves.
Plus en détail– dans le feu des volcans
L’éruption volcanique de
Lopevi en 2003. Paama est
visible au premier plan.
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La formation de l’archipel
35
Les catastrophes naturelles ont depuis toujours fait partie intégrante de la vie des îles.
Parfois, la nature envoie des signaux pour prévenir de l’imminence d’un désastre, mais
pas toujours.
En décembre 1913, le Mont Benbow à Ambrym est entré en éruption avec une force
colossale. Cette éruption a complètement modifié la vie des habitants de cette île et
de ceux aux alentours. Vingt et une personnes ont trouvé la mort dans les flots de lave
qui descendaient les flancs du volcan et ont recouvert une grande partie de l’île. Le
tout nouvel hôpital de Dip Point a été complètement détruit, ainsi que de nombreux
villages et vergers. Dans l’extrait ci-dessous, tiré de « Midst Volcanic Fires » (1922), le
missionnaire presbytérien Maurice Frater décrit ce qu’il distingua depuis l’île voisine de
Paama, où il vivait au moment de l’éruption du Mont Benbow.
Depuis un nombre incalculable de siècles, le Mont Benbow est actif, soufflant ses vapeurs
qui brillent de manière intermittente pendant la nuit. Comme du temps du capitaine Cook, il
y a encore des éruptions de nos jours. On voyait une colonne de fumée pendant la journée et
une colonne de feu la nuit. Les natifs étaient tellement habitués que les explosions fréquentes
ne faisaient peur à personne. Ils cultivaient leurs jardins au bord d’une plaine de cendres à
la base du cône du volcan et certains qui étaient montés jusqu’au cratère avec des noix de
coco – cadeau rituel aux esprits du volcan – ont rapporté que tout était normal. Mais ce que
ne savaient ni les natifs, ni les colons anglais ou français qui vivaient à Ambrym, c’est qu’une
fracture volcanique courait d’est en ouest de l’île, révélée par une série de cratères éteints, et
d’occasionnelles fumerolles qui étaient le seul indice du feu couvant sous la croûte terrestre.
En décembre 1913, le grand sommeil de ces volcans se termina et les géants endormis
se réveillèrent. Par d’innombrables brèches de la croûte terrestre, l’île entière fut secouée et
déchirée par des explosions. L’éruption fut précédée par une série de tremblements de terre
de plus en plus violents et fréquents jusqu’à ce que la terre ferme se déforme et vacille.
Le bâtiment de l’hôpital tanguait comme un navire sur l’océan ; les natifs, dans leur langue
imagé, disaient qu’Ambrym était en train de danser. Ensuite, apparut par les nouvelles
cheminées du volcan, aussi noir que le plus sombre des brouillards londoniens, un nuage
dense qui jaillit brutalement comme un pilier, avant de s’étaler dans le ciel en un énorme
champignon. Peu après des cendres commencèrent à tomber sur l’île, faisant un bruit
de grêlons, recouvrant Ambrym et les îles voisines sous une épaisse couche de cendres
volcaniques.
Depuis la maison de la mission, sur l’île proche de Paama distante de vingt milles, nous
avions une vue imprenable sur l’éruption. Pendant la journée, des volutes de fumée dense
et noire étaient visibles sur les flancs d’Ambrym, les natifs de Paama pensaient qu’un feu
de brousse faisait rage sur l’île, et comme nous venions de subir des mois de sécheresse,
l’explication se tenait. Mais, le soir tombant, le ciel s’éclaircit et l’approche de la nuit nous
ôta nos derniers doutes, révélant le plus horrible et plus magnifique spectacle qu’il
nous ait été donné de contempler. Sur une zone de plus de dix miles, la
terre semblait s’être ouverte et par ces immenses fissures, des
langues de feu étaient projetées vers le ciel. À un endroit qui
semblait être au centre du désastre, six cratères crachaient le
feu, proches les uns des autres.
La région tout entière était illuminée et les gens de Paama ainsi
que ceux des îles voisines se trouvaient devant un spectacle que
jamais l’œil humain n’avait contemplé. Des fleuves de lave en fusion
coulaient des nouveaux cratères et le flot de lave était si important qu’un
seul canal ne suffisait pas. Haut sur les flancs des cratères, la lave se divisait en
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Carte d’Ambrym
(Patterson 1976 : vii)
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Plan de l’éruption d’Ambrym
(Fletcher 1925 : 93)
plusieurs canaux qui s’écoulaient dans une course destructive vers la mer. Depuis la mission
de Paama, le fleuve de lave du cratère jusqu’à la mer proche de Port Vato était clairement
visible à quinze milles de distance. Dans l’obscurité, le cours sinueux de la lave rouge et
brûlante ressemblait à la course d’un serpent. On peut imaginer la chaudière que pouvait
créer l’énorme masse de lave en fusion en s’ecoulant dans l’océan.
Une grosse mer qui battait les rivages de Paama empêchait tout départ, mais dès que nos
bateaux à moteur purent être mis à l’eau, nous allâmes au secours des habitants d’Ambrym.
Bien avant d’arriver sur Ambrym, nous pouvions apercevoir des foules de gens massés sur
la côte sableuse près du point de débarquement de Pansileo, agitant des rameaux pour se
signaler et nous faire approcher. Ils étaient tous terrifiés. Ils s’étaient échappés de la zone
incendiée proche de Port Vato et attendaient que des bateaux de Paama ou de Mallicolo
viennent les sauver. Leur refuge n’était pas menacé par le feu, mais nous pouvions voir
dans quel embarras se trouvaient ces pauvres gens. Leurs maisons et leurs biens avaient
été enfouis sous les cendres et les scories. Toutes les feuilles vertes des arbres avaient été
arrachées et roussies, et la brousse d’Ambrym ressemblait à une scène hivernale d’un jour
gris de novembre en Angleterre. Tout n’était que désolation. L’endroit où étaient groupés les
gens ne semblait pas être exposé, et tout en leur promettant de revenir les chercher plus tard,
nous allâmes rapidement à l’hôpital où les gens étaient plus exposés. (Frater 1922 : 11-15).
Hôpital de Dip Point, ouest
d’Ambrym c.1910 (Archives
Nationales, VKS)
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Aux souvenirs de Maurice Frater, il faut joindre ceux des habitants d’Ambrym qui ont
eux aussi conservé la chronique de cette éruption. Le chef Willie Bongmatur raconte
l’histoire que son père et son grand-père qui vivaient à Dip Point sur la côte nord-ouest
d’Ambrym lui ont révélée.
Une croyance rend les hommes responsables de cette éruption. Le grand-père du
chef Bongmatur était alors le chef de Lonwolwol, village traditionnel de la famille à Dip
Point. Le village avait un hôpital géré par deux médecins néo-zélandais dont un des
deux travaillait aussi comme missionnaire presbytérien (Robert Lamb). Il y avait aussi
une école, fréquentée par des étudiants venus des îles voisines telles que Malo, Tongoa,
Efate et même des îles plus au sud. Le chef Bongmatur raconte ce qui suit :
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La formation de l’archipel
37
Long Ambrym, wan man o wan jif we oli kakae tabu faea, kokonas blong hem tabu, we evri
man i no save dring mo ol woman i no save dring, be hem i blong hem wan nomo. So i
mekem se long wan Sande, ol studen we oli stap long hospital, oli go long ol defren vilij
antap long bus. Oli stap go skul long ol defren vilij, be yu save, kastom blong yumi, taem ol
man i kam olsem oli mas kakae fastaem bifo oli go bak. Taem oli kakae finis, oli putum haf
kakae long basket oli karem. Oli karem i go, ale, taem oli stap kambak ia oli lukum long rod
wan kokonas, blong hae man ia, we nem blong hem Malmur. Hem i blong Hawo. Ale, sam
long olgeta ia i talem :
« Kokonas ia i tabu olsem wanem ? Yumi traem dring. »
Ale, oli mekem nao. Wan long olgeta ia i go antap long kokonas ia. Hem i katem i kam
daon. Sapos i tekem wan nomo, inaf blong olgeta ia nomo, be i katem bandel i kam daon. Oli
no finisim kokonas ia. Oli putum wud long bandel kokonas. Nao, oli karem i kam daon long
solwota. Taem we oli karem i kam daon long solwota, evri man tu oli dring kokonas ia. Hem i
wan fasin we oli daonem hae jif ia, from we oli daonem tabu blong hem. From long Ambrym,
taem yu dring wan kokonas olsem, yu mas pem faen blong wan pig. Mo jif bae i tekem pig i
go long nasara blong mekem tabu blong hem i stanap strong bakegen. Be olgeta i no mekem
samting ia. Ale, i stap gogo nao, oli tokbaot se ol abu blong mifala bae oli finis long tabu faea.
Nao oli rere long vilij, oli sendem toktok i go long Not. Olgeta long Not tu i kam long
seremoni ia. Wan seremoni blong ol abu ia we i finis long tabu faea. Oli mekem kakae. Long
Lonwolwol, oli talem se long level ples ia. Oli putum kakae narawan saed rod mo nara saed
rod. Taem we oli go stap, papa blong mi i talem se, oli go nao. Ol pikinini i go kakae long tabu
faea ia long abu, we nem blong hem Wungimar. Hem i stret pikinini long hae jif blong ples ia.
Abu blong mi, from se hem i hae jif blong ples ia, i tekem tufala brata blong hem wetem
wan smol papa, mo oli go long haos blong dokta. Ale dokta i tekemaot nambas blong tufala
mo bigfala strap blong tufala. Ale i givim traoses long tufala, i shevem tufala, putum ol klos
long tufala. Ale i brekem bred, i givim long tufala olfala ia. Hem i wan saen blong tufala i
finis long tabu faea. Taem we oli finis long haos blong dokta, oli folem rod. Ale, Wungimar i
go pusum han long ol laplap we oli mekem i stap. Ale hem i tekem wan pis kakae long han
blong hem, i putum antap, ale i toktok :
« Ol fren, ol bigman, ol woman, mo ol pikinini. Olsem we mi stamba blong kastom, nao
mi singaot Skul tu i kam. Tedei yumi kam wan. Ol samting i fri. »
Ale, i pusum han long kakae ia i folem rod i go krosem rod, i mekem sem fasin. Taem we
hem i mekem aksen ia, ol hae man long defren vilij oli kam daon. Oli lukluk, oli krae. Oli krae
from we ol hae man blong kastom oli finis mo oli kam daon.
Taem we ol seremoni i finis, oli go bak, be i gat wan narafala olfala blong Nakul, nem
blong hem Ling Mal. Hem, hem i no kam. Be taem ol man oli go bak nao hem i askem :
« Yufala i go be tufala hae man blong Lonwolwol oli talem wanem ? »
Oli talem se :
« Oli talem se naoia evri samting i fri mo ol man i kam wan. »
Taem ia nao, Ling Mal i talem se :
« Oraet, bae yufala i go talem long tufala hae man ia se bambae long tu wik bae mi kam
visitem ples blong tufala. »
Be taem i talem tu wik ia, hem i putum taem blong volkeno i ronem Dip Point. Hem ia
nao, tu wik ia, oli luk saen blong volkeno. I gat wan klaod we mifala i kolem Worwor. Taem
i pusum olsem, i poenem wan ples. Hem i minim se volkeno, taem hem i jam long hol,
bae i go olsem mo bambae i folem rod ia. Hem ia nao, taem we volkeno hem i bloap, hem
i kamaot long hol blong hem long midel blong aelan. Hem i long wei ia. Mi no save hamas
kilometa. Nao i kam from. Taem i kam aot long hol, hem i flae olsem pijin. Gogo, i kam
sidaon long Dip Point, long hospital. Taem i kam daon long hospital i no gat taem. Ol man
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
oli kam long solwota. Oli tekem olgeta olfala mo putum olgeta long bot. Sip i sakem olgeta
long Malakula, long Lamap, mo long Weso, mo long Bui, long ol ples ia, from hem i klosap.
Le chef Bongmatur raconte ensuite ce qu’il est advenu des réfugiés. Des bateaux venus
des îles alentours vinrent porter secours aux villageois. Certains d’entre eux allèrent
s’installer sur d’autres îles et d’autres restèrent avec leurs parents dans d’autres villages
d’Ambrym, comme la famille du chef Bongmatur lorsqu’ils revinrent de Mallicolo. Mais
les gens de Dip Point se souviennent encore de la raison de l’éruption volcanique de 1913.
Enregistrement effectué par Sara
Lightner et Ambong Thompson,
Centre culturel du Vanuatu, 2004
Tedei, mifala i save tu se naoia problem i no save hapen from we ol olfala oli draonem basket
blong kastom ia. Taem we oli bin ronwe i go long Malakula, olfala ia, Ling Mal, i bin ron tu ia.
Taem oli go long Malakula nao sam long ol olfala ia i wantem sakem olfala [Ling Mal] long
solwota, wetem masket blong hem. Be wan narafala olfala i bin blokem. Be oli sakem basket
blong hem nomo aot long sip, we hem i bin fulumap wetem hed blong devel, we volkeno i
stap long hem. Hem ia nao, taem we oli sakem basket ia, wetem masket blong hem, oli luk
se hed blong devel ia i faerap. Hem ia i min se paoa ia oli sakem long solwota. Hem ia nao i
mekem se problem blong volkeno i stop.
Pour aller plus loin
Nous venons de lire le compte rendu des dégâts matériels causés par l’éruption du
Mont Benbow. Nous avons pris connaissance de l’évacuation des habitants de la
région de Dip Point et de Lonwolwol. De quelle manière cet exil forcé a-t-il affecté la
vie de ces gens ? Pensez aux coutumes, langages et traditions qui ont été influencés
par cette catastrophe.
Expression écrite
1. Le premier extrait reflète l’opinion d’un missionnaire européen. Comparez ce
récit à celui du chef Willie Bongmatur.
2. Dans « Midst Volcanic Fires », Frater (1922 : 25) parle de l’aide apportée par les
natifs des îles voisines d’Ambrym. De nombreuses personnes furent évacuées
vers Mallicolo et Paama en bateau pour échapper à la menace du volcan. Il écrit :
« les chrétiens natifs de Paama et Mallicolo ont été très hospitaliers avec les
réfugiés d’Ambrym. Un comité de chefs a été formé pour décider de l’installation
des réfugiés dans les divers villages et tribus qui pouvaient les accueillir. »
Imaginez que vous vivez dans une île où un volcan est en activité. Si votre île
avait à subir un désastre tel que celui qui a frappé Ambrym en 1913, vers qui
vous et votre famille vous tourneriez-vous pour avoir de l’aide ? De quoi auriezvous le plus besoin dans l’immédiat ? Que pourraient faire les communautés
avoisinantes pour vous aider ?
La photo ci-contre a été prise par l’anthropologue Félix Speiser pendant qu’il travaillait
au Vanuatu de 1910 à 1912. Son titre : « Tambour, Ambrym, hauteur 350 cm ». Speiser
prit cette photo avant l’éruption du mont Benbow en 1913 qui détruisit ce tambour ainsi
que maints aspects de la culture de la région de Dip Point. Ce tambour est le fameux
Etingting Gelan, qui appartenait au Mweleun Namal de Dip Point.
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La formation de l’archipel
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Plus en détail– installation au village de Maat
En novembre 1951, le gouvernement du Condominium évacua presque la totalité de
la population du sud-est, du sud et de l’ouest d’Ambrym. D’importantes coulées de
lave et des pluies de cendres venant du mont Benbow avaient détruit les jardins et les
cocoteraies ainsi que de nombreuses toitures de maisons. La visibilité était tellement
réduite qu’on ne pouvait guère distinguer le jour de la nuit. Environ 1 300 personnes
furent évacuées. 750 d’entre elles allèrent du sud-est d’Ambrym vers l’est de Epi, 350
se rendirent de la région de Craig Cove / Port Vato vers Tisman et Aulua sur Mallicolo.
Et 200 autres de Craig Cove / Port Vato se dirigèrent vers Lamap à Mallicolo. Avant
l’évacuation d’Ambrym, près de 400 réfugiés avaient déjà pris l’initiative de quitter l’île,
la plupart d’entre eux trouvèrent du travail dans les diverses plantations de Epi.
Certains ne voulurent pas partir et désiraient rester à Ambrym. Des agents de district
(des officiels français et anglais) aidés de la police obligèrent les gens à rester sur la
plage et à attendre les bateaux qui arrivaient pour les transporter à Epi. L’évacuation
fut très difficile à cause de la houle et les gens durent attendre les bateaux pendant
des jours. Le gouvernement souhaitait que les habitants d’Ambrym commencent à
reconstruire des maisons et replanter des jardins sur les nouvelles terres qu’on leur
avait allouées. Le projet du gouvernement était que les réfugiés d’Ambrym recréent leur
communauté dans la région de Big Bay, à l’est d’Epi. Il estimait que le choix était le bon,
à cause de la proximité de Paama et Lopevi où les langages sont similaires à ceux du sud
d’Ambrym. Au moment de leur arrivée, rien n’était prêt pour les accueillir. On attendait
d’eux qu’ils reconstruisent leurs communautés avec très peu de moyens. Ils n’avaient
pas d’outils pour travailler aux nouveaux jardins. Et ils étaient très affectés d’avoir eu à
fuir leur île et leurs villages et leur moral était très bas lorsqu’ils arrivèrent à Big Bay.
Leur installation, qui déjà posait problème, devint une véritable catastrophe quand
un cyclone s’abattit sur les Nouvelles-Hébrides et toucha Emae, Epi et le centre-sud de
Mallicolo les 24 et 25 décembre 1951. Ce cyclone tua 114 personnes et en laissa 4 000
sans-abri, 50 personnes du groupe du sud-est d’Ambrym installé à Big Bay furent
tuées et il détruisit le peu de jardins et d’installations qu’ils avaient réalisés. La rivière
proche déborda et inonda la région noyant les gens et en emportant d’autres. Un grand
glissement de terrain ensevelit une des maisons.
Un planteur français installé sur Efate, André Houdié se rendit à Big Bay et persuada
les gens qui venaient du village de Maat, au sud-est d’Ambrym, de partir à Efate et de
travailler pour lui. Il les laissa s’installer dans la région de Mele et en retour ils devaient
travailler pour lui. Le reste de la population du sud-est d’Ambrym retourna petit à
petit sur leurs anciens sites où ils reconstruisirent leurs villages, mais ceux qui avaient
émigré à Efate y restèrent. Aujourd’hui, nombre de personnes vivant à Mele Maat se
rendent à Ambrym pour rendre visite à leurs familles et passer quelques vacances.
Et leurs familles d’Ambrym viennent aussi les voir.
(Adapté de Tonkinson, 1968)
Questions de compréhension
1. Pourquoi les gens de Maat se décidèrent à suivre Mr Houdié à Efate pour
travailler sur ses plantations ?
2. Décrivez les phénomènes naturels qui ont obligé les réfugiés à agir comme ils
l’ont fait.
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40
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
3. En quoi les pluies de cendres volcaniques affectent-elles la vie des hommes ?
4. Pensez-vous que le gouvernement du Condominium a agi correctement en
décidant l’évacuation d’Ambrym ? Expliquez votre réponse.
Expression écrite
1. Sur votre cahier d’exercices, dessinez une carte du Vanuatu. Nommez les îles
citées dans ce texte. Identifiez les endroits où les gens ont été accueillis.
2. Si vous deviez quitter votre île rapidement à cause d’une catastrophe naturelle,
que prendriez-vous avec vous ? Pourquoi choisiriez-vous cet objet précisément ?
Plus en détail– les ravages du cyclone Uma
En février 1987, le Vanuatu a été touché par le terrible cyclone Uma. Les dommages
furent énormes, surtout pour les îles du sud et Port-Vila. Il y eut de nombreuses
victimes et beaucoup de maisons et d’immeubles furent endommagés, voire
complètement détruits. Plusieurs navires furent touchés et des hommes d’équipage et
des passagers disparurent en mer.
Route du cyclone Uma,
5-9 février 1987
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La formation de l’archipel
41
Les articles ci-dessus et de la page suivante ont paru dans Vanuatu Weekly Hebdomadaire.
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42
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
« Disparus » le nombre de victimes du cyclone Uma augmente
Le nombre de victimes du cyclone
s’élève à 48, les espoirs de voir revenir le bateau inter île « MV
Astronaut », et réapparaître les
équipages du « MV Fatukai » et de
la barge « Zulu » s’amenuisent de
jour en jour.
La semaine dernière, le président du comité d’action en cas de désastre, le lieutenant-colonel Harold
Thompson a confirmé le nombre de
28 victimes.
Cette semaine il a annoncé qu’il
manquait encore 20 autres personnes,
toutes embarquées sur les trois bateaux
cités ci-dessus.
Parmi ces disparus, 13 hommes
d’équipage de l’Astronaut, et un jeune
garçon de neuf ans dont on pense qu’il
se trouvait à bord :
Ces hommes sont : Capitaine Joël
des Banks, le second maître Jackson
Mokel des Banks, le chef mécanicien Apete Kuinikoro (fidjien), Bosun
Aissac Jack (Banks), Graham Massing
(Ambrym), Ansa Laul (Banks), le second mécanicien Richard Vasir
(Banks), Georges Cleopas (Banks),
John Mark (Banks), Marsden Rong
(Banks), John Rodor (Banks), Fred
Tony (Banks), et le fils de Bosun, Jack
(Banks).
Le capitaine du Fatukai, David
Sam de Mallicolo, le chef mécanicien
Thomas Kapalu, le second mécanicien
Ken Thomas, Nakor Siak, Sairel Iairel
et Bob, tous originaires de Tanna, sont
portés disparus.
D’après la police, ces hommes ont
embarqué à bord du navire lorsqu’il a
quitté Tanna le 8 février à 2 h.
Le Fatukai a dérivé de Tanna
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jusqu’à Efate et a ensuite été remorqué à Port Vila mercredi dernier, mais
il n’y avait plus personne à bord.
Cinq des hommes d’équipage du
Zulu que la police n’a pas encore identifiés sont aussi portés disparus et déclarés morts.
Des 15 hommes de la barge, 10
ont été déclarés morts.
Des corps retrouvés, huit ont été
enterrés à Tanna, mais les deux qui
étaient bloqués dans le bateau y sont
restés.
Les officiels annoncent qu’il y a
encore 9 victimes à Tanna, 2 à Efate et
encore deux autres à Santo.
Mrs Janina Saunders, une
Australienne qui vivait à Tanna se rajoute au nombre des victimes, elle s’est
noyée lorsque la mer a emporté la
plage devant sa maison.
Les victimes sur Tanna et Santo
ont été tuées par des glissements de
terrain et des inondations.
À Port Vila, plus de 90% des bâtiments : églises, écoles, magasins et hôtels ont été endommagés.
Le manager de l’hôtel de l’île de
Iririki, Mr Peter Nicholson estime les
dégâts de son hôtel à environ 2 millions de dollars US.
Une grande partie de la végétation a été détruite sur les îles touchées,
ce qui signifie que nous aurons à subir
une pénurie de fruits et légumes.
Alors que cette édition du journal sort de presse, il y a de l’électricité presque partout à Vila, ce qui fait
une grande différence avec ce que nous
avons vécu la semaine dernière.
Le directeur de la compagnie
d’électricité, Socométra Unelco,
Mr Yves Brault est optimiste et espère
que les zones de Ifira, Erakor et Pango
seront de nouveau connectées d’ici la
fin de la semaine prochaine. Les communications sont déjà rétablies par les
P&T.
La municipalité de Vila a entrepris
les travaux de déblaiement et de nettoyage de la ville et certains quartiers
ont d’ores et déjà retrouvé un aspect
plus normal.
De source officieuse, les dégâts
s’élèveraient à plus de 300 millions de
dollars Us, et ce, uniquement sur Port
Vila.
À ce jour, des secours sont arrivés des pays suivants : Angleterre,
France, Australie, Nouvelle-Zélande,
USA, Japon, Nauru, Chine, Hollande,
Canada, Népal, et Fidji, ainsi que des
Nations Unies et de la Communauté
Européenne.
Le directeur du Département
de Météorologie, Mr Machael
Longworth précise que la pression
atmosphérique au centre du cyclone
Uma, à 20/25 milles de Port Vila était
de l’ordre de 940 à 945 hectopascals.
(HPa). La pression relevée à Vila était
de 957HPa. La vitesse des vents était
de 90 nœuds, avec une vitesse maximum de 120 nœuds. La houle du cyclone était de 5 mètres de haut.
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La formation de l’archipel
43
L’extrait suivant est tiré du « Dernier Rapport concernant le cyclone Uma », publié par
le Service Météorologique du Vanuatu le 3 mars 1987. Ce texte a été diffusé sur Radio
Vanuatu le 7 février 1987.
Avis de tempête N° 26
Avis de cyclone diffusé par le bureau météorologique du Vanuatu à 15 heures samedi 7 février
1987. À midi, le cyclone tropical Uma se trouvait à environ 74 milles dans le nord-ouest de
Efate, il se déplace vers le sud-est à environ 10 nœuds.
À cette vitesse, le cyclone est attendu vers Port Vila à environ 18 heures ce soir.
Les vents qui affectent toutes les zones vont augmenter dans les prochaines heures et
atteindront la force cyclone, 75 nœuds et plus dans les rafales.
Les pluies violentes continueront de tomber et l’on s’attend des inondations dans de
nombreuses zones.
Il est prévu que la trajectoire du cyclone Uma passe près de toutes les îles du sud.
Les habitants de ces îles doivent prendre toutes les mesures nécessaires dès à présent, avant
que le cyclone arrive sur zone. On estime que le cyclone Uma sera proche d’Erromango vers
minuit, proche de Tanna vers 3 heures du matin et il arrivera vers Anatom vers 6 heures
demain matin. L’avis de tempête numéro 27 sera diffusé vers 19 heures ce soir.
Questions de compréhension
Étudiez la trajectoire du cyclone Uma sur la carte et répondez aux questions
ci-dessous :
1. De quelle île le cyclone Uma s’est-il le plus rapproché ?
2. Quelles provinces ont été touchées par le cyclone ?
3. Où se trouvait l’œil du cyclone, à minuit en temps universel (Greenwich
Meridian Time), le 7 février, par rapport à Mallicolo
Pour aller plus loin
Pourquoi est-il important d’écouter la radio pendant un cyclone ? En plus d’écouter
la radio, quels moyens avons-nous pour suivre la route d’un cyclone ?
Activité de discussion
Quel cyclone est passé sur le Vanuatu depuis votre naissance ?
A-t-il fait beaucoup de dégâts ?
Enquête
Cherchez quelques personnes parmi vos professeurs, vos parents ou vos voisins,
qui se souviennent du passage du cyclone Uma. Faites une liste de cinq questions
et écrivez-les. Prenez cette liste de questions lorsque vous interrogerez ces témoins
du cyclone.
Vous devrez demander à ces personnes où elles se trouvaient au moment du
cyclone et comment le cyclone a influencé la vie des gens. Prenez votre livre
d’histoire pour leur montrer les photos du cyclone.
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44
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les catastrophes naturelles et les réserves de nourriture
Nous vivons dans une région du monde qui est régulièrement touchée par les
catastrophes naturelles, étudiez dans le tableau ci-dessous la nature de ces désastres.
Niveau estimé de vulnérabilité des divers archipels face aux catastrophes naturelles
Source : Natural Disaster
Reduction in Pacific Island
Countries – IDNDR Report 1994.
Pays
Cyclones
Marées
Inondations
cycloniques
Tsunami
Séismes Glissements Sécheresses Éruptions
de terrain
volcaniques
Is. Cook
EFM
Fidji
Kiribati
Is. Marshall
Niue
Palau
PNG
Is. Salomon
Tokelau
Tonga
Tuvalu
Vanuatu
Samoa
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M
M
P
P
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—
—
—
—
—
—
E
E
—
E
—
E
P
Questions de compréhension
1. Si P represente Peu de risque que veulent dire M et E ?
2. Quel autre pays présente les mêmes risques potentiels que le Vanuatu ?
Pour aller plus loin
1. Pourquoi n’y a-t-il pas de risque d’inondation à Tuvalu ?
2. Pourquoi y a-t-il peu de risque de sécheresse au Vanuatu ?
Cyclones, inondations, raz-de-marée, séismes, glissements de terrain et éruptions
volcaniques font partie de la vie au Vanuatu. Ces catastrophes naturelles ne sont pas
nouvelles, elles existent depuis la nuit des temps. De la même manière que nous nous
préparons à affronter n’importe quel bouleversement, nos ancêtres avaient eux aussi
des méthodes pour se protéger et faire face à ces événements. Nous devons nous
rappeler les moyens utilisés par nos grands-parents lors de ces désastres, dans la
mesure où ils peuvent nous servir à surmonter l’épreuve.
La préservation des aliments est un de ces procédés. Les communautés ont survécu
à travers les siècles grâce à leurs connaissances de la nature, que ce soit sur terre ou
dans la mer. Alors que certains aliments étaient cultivés et régulièrement récoltés,
d’autres qui demandaient plus de travail ou qui n’étaient pas vraiment appréciés étaient
employés quand il n’y avait pas d’autre solution.
HBYV_Volume_1.indb 44
8/06/10 1:13 AM
La formation de l’archipel
45
En 1999, les femmes du Centre Culturel du Vanuatu ont proposé un atelier portant
sur les nourritures traditionnelles. Trente-deux femmes sont venues de diverses îles pour
échanger sur les multiples façons de cuisiner ces aliments. Un des thèmes de ce débat
était le « ol kakae long taem blong hariken » autrement dit : la nourriture des jours de
cyclone.
Dans les extraits proposés, les femmes du Centre Culturel décrivent la préparation
de la nourriture pendant ces jours éprouvants. Vous trouverez plus de détails sur ces
préparations dans « Kastom Kakae : Ripot Blong Woksop blong Ol Woman Filwoka »
11-12 octobre 1999.
Dora Remo – Paama
Fastaem bae mi tokbaot ol kastom kakae blong hariken. Olsem mi askem wan olfala man.
Olfala jif ia hem i stap tokbaot ol kastom kakae blong hariken. Taem hariken i kilim Paama
bifo oli stap yusum bredfrut olsem we sam mama oli talem finis. Oli digim hol i go daon.
Taem man i go daon oli no save luk hem. Afta oli putum ol lif daon oli putum ol bredfrut ia
wetem skin nomo. Evri samting i go long hem kasem faev dei blong hem. Long faev dei oli go
digimaot. Oli tekemaot ol sit blong hem mo skin blong hem, afta oli putum narafala lif daon.
Man we i wantem go daon long hol ia oli mas wasem gud leg blong hem from bae doti i no
go long bredfrut ia. Oli putum gogo i finis ale oli kavremap olsem olgeta blong Tongoa. Oli
talem se oli putum ston antap long hem. Oli mekem se bae wota i no save go insaed long
hem, afta oli berem. Oli berem i stap. Sapos we hariken i kam mo i nogat kakae oli save go
digim, oli karem smol nomo i kam, oli putum long lif. Oli bekem long ston bakegen, afta oli
kakae. Samtaem oli stap kakae olsem nomo wetem kokonas be olsem kakae blong hariken i
gat fulap. Long lanwis blong mifala, nem blong bredfrut ia ame.
Leisara Kalotiti – Ouest Efate
Long taem blong hangri we bigfala san i stap, i nogat kakae. I gat wan rop we ating plante
long yumi kakae rop ia. Rop ia mifala i talem se neka. Yu go long bus yu digim rop. Afta ol
olfala abu woman oli mekem faea mo oli kukum rop ia long ston. Taem we yu karemaot
long ston olsem ia yu save kakae. Nao yu juim olsem yu juim sugaken. So rop ia mifala i
singaotem neka.
Sophie Nemban – Erromango
Olsem bifo long taem blong bigfala hariken, ol olfala blong mifala oli yusum kakae ia blong
hariken. Hem i yam, ol raon wan ia. Bifo oli stap yusum ol wael yam, lif kokonas, bambu,
faeawud, bigfala riva kabis. Bifo taem hariken i kam oli go wokbaot long bus. Oli fulumap ol
wael yam afta oli kam be bifo oli yusum ol bambu blong skinimaot ol kakae. Oli katemaot ol
skin blong wael yam afta oli putum insaed long basket mo oli go draonem long wan wota.
Afta i stap faev dei. Taem faev dei i pas oli go karemaot. Oli wasem gud. Oli mekem faea long
ston afta oli bekem long ston. Oli bekem wetem wan kabis we i no aelan kabis be wan lif we
bifo ol olfala blong mifala oli stap kakae. Lif ia i stap gro long solwota. Ating sam long yumi
ol woman aelan filwoka i faenem se wanwan long aelan blong yumi oli stap yusum kaen lif
ia worvauo, hem i yelo wan ia i stap konkon. Bifo oli yusum olsem blong mekem i kam gud
blong oli kakae wetem lif we i stap long solwota.
Diana May – Loh, Torres
Mifala i gat wan spesel kakae we mifala i stap priperem blong taem we hariken i spolem ol
kakae blong mifala. Kakae ia hem i natanggura laplap. Long lanwis blong mifala i kolem se
nou. Taem hariken i finis mo i spolem ol kakae blong garen, bae mifala i save go long ples we
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46
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
mifala i planem natanggura.
Mifala i luk ol natanggura we hariken i mekem olgeta i foldaon. Mifala i karem naef, afta
mifala i katem. Mifala i splitim stamba blong natanggura long tri o fo pis, mifala i katem wan
bambu we i sotfala nomo, afta mifala i katem wan smol hol long ring blong bambu ia. Mifala
i putum wan wud i go insaed long ring blong bambu ia afta bae mifala i stap katemaot ol gat
blong natanggura. Mifala i putum lif laplap long graon blong taem mifala i katem gat blong
natanggura bae ol gat blong natanggura ia i folfoldaon i go long lif laplap ia. Taem mifala i
katem finis mifala i fulumap insaed long wan basket we oli wivim long lif kokonas. Lif i go
insaed long basket ia, afta mifala i kapsaetem ol gat blong natanggura ia i go insaed. Afta
mifala i karem. Naoia yumi yusum ol dis be fastaem mifala i yusum wan smol basket. Putum
lif i go insaed afta wota blong ren mifala i kapsaetem i go insaed, afta mifala i kapsaetem
gat blong natanggura i go insaed. Afta mifala i stap skwisim. Taem mifala i skwisim bae yu
luk wota blong hem i red. Ol makas blong hem mifala i sakem. Mifala i putum long basket
ia blong fiftin minit. Staj blong hem i stat blong stak long lif blong laplap ia. Taem yu luk
se staj blong hem i bigwan, yu kapsaedemaot wota blong hem, mo bae yu luk se staj blong
natanggura ia i red. Wota blong hem i mas kamaot evriwan afta yu putum long san bae yu
luk i olsem flaoa. I stap long san tri o fo wik olsem blong i drae gud. Afta bae mifala i karem,
putum long grin lif blong ambrela we i bin drae long san, afta fasem wetem rop blong lif
mat. Finis, mifala i putum antap long ples we mifala i stap kuk long hem, blong faea i stap
smokem oltaem. Taem mifala i putum olsem bae mifala i save kakae tri o fo yia olsem. Taem
mifala i wantem kakae, mifala i go tekemaot pasel blong natanggura ia, tekemaot smolsmol
afta go bekem wetem kabis insaed long hol blong laplap. Bifo mifala i stap mekem wetem
wan kaen kabis ia i stap gro taem burao i gat frut blong hem. Bambae frut blong hem i
folfoldaon be bae yu luk se frut ia we bae i gro i kam antap, kabis. Afta bae yu luk se frut
blong kabis ia bae i olsem frut blong burao, flaoa hem i yelo. Kaen kabis ia nao mifala i stap
mekem wetem staj blong natanggura mo mifala i save mekem wetem wan kaen red lif.
Expression écrite
Étudiez le tableau page 44 et expliquez en quoi les différentes catastrophes
naturelles qui risquent de toucher le Vanuatu peuvent affecter nos cultures
vivrières ?
Enquête
Formez des groupes de 3 ou 4 personnes et faites une enquête sur la préservation
des aliments. Parlez à vos professeurs, amis et gens du village et demandez-leur
s’ils connaissent d’anciennes méthodes de conservation de la nourriture qui soient
différentes de celles décrites dans les témoignages du Centre Culturel cités cidessus. Ces anciennes méthodes sont-elles encore utilisées de nos jours ?
Pourquoi est-il important de connaître ces procédés ?
Pourquoi les procédés de conservation sont-ils différents d’une île à l’autre ?
Prenez des notes lorsque vous interrogerez les gens. Chaque groupe d’élèves
rapportera ces informations oralement en classe.
HBYV_Volume_1.indb 46
8/06/10 1:13 AM
La formation de l’archipel
47
Plus en détail – plans d’alertes et organisation des secours
Les catastrophes naturelles font partie de notre vie. Nous savons que certaines
peuvent arriver soudainement comme les tremblements de terre. Nous recevons des
informations et des avis de tempête en cas de cyclone. En étant préparés et prévenus à
temps nous pouvons aider à réduire les risques encourus par les villages.
Lisez l’extrait suivant tiré de « Vulnerability Reduction : A Community Training Guide
for Pacific Island Countries » (« Réduire la vulnérabilité : un guide communautaire pour
les pays insulaires du Pacifique ») publié par FSPI Island Consulting en décembre 2000.
La prévention contre les catastrophes naturelles à un niveau communautaire ne consiste pas
uniquement à apprendre de quoi il s’agit. Elle permet également de prendre des initiatives
pour protéger vos familles et vos biens. Nous pouvons réagir efficacement en cas d’urgence
grâce à des comportements adaptés aux situations à risque. Ces attitudes sont :
• Savoir diriger • Savoir planifier • Être responsable • Être coopératif.
Ces précautions ne sont pas seulement nécessaires en cas de catastrophe, mais doivent
être mises en œuvre chaque jour.
Pour aller plus loin
Étudiez le graphique ci-contre. À quel moment du cycle de catastrophe doit-on
prendre les dispositions nécessaires pour se préparer à affronter le désastre ?
Activités de groupe.
Activité de groupe
Une manière d’être prêt à affronter une catastrophe naturelle est de créer un plan
d’action à suivre en cas d’urgence. Dans l’exercice qui suit, nous préparerons un
plan pour notre école. Divisez la classe en quatre groupes. Chaque équipe travaillera
à concevoir une partie du plan d’urgence de l’école. Ensuite, les quatre groupes se
retrouveront pour expliquer le « Plan d’Action d’Urgence » aux élèves.
Groupe 1–dessiner la carte de l’école
Ce groupe aura la charge de tracer une carte de l’école. Commencez par la dessiner
au tableau, puis redessinez-la au propre sur une feuille de papier. N’oubliez ni les
maisons, ni les arbres ou buissons, ni les lieux de passage sur votre carte.
Le cycle de catastrophes naturelles
avant
Les
préparatifs
pendant
L’utilité
d’être préparé
après
Reprise de la vie normale
Le cycle de catastrophes
naturelles : Intégrer les
préparatifs pré catastrophe
dans votre travail. n.d. : 15)
Groupe 2–jauger les immeubles et le terrain
Ce groupe fera le tour de l’école en relevant tous les endroits potentiellement
dangereux dans la cour et autour des bâtiments de l’école. Relevez les toits mal
amarrés, les arbres qui ont besoin d’être taillés, etc. Lorsque la liste sera établie,
assurez-vous de trouver des solutions à chaque problème, par exemple :
• les charnières de la porte des toilettes sont abîmées : trouver les clous pour les
réparer. Les endroits critiques sont appelés « zones à risque ».
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48
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Groupe 3–plan d’urgence : cyclone
Ce groupe aura la tâche d’élaborer un plan d’action en cas de cyclone. Quelles sont
les étapes à suivre si le cyclone est imminent ? Présentez les différentes étapes par
ordre chronologique. Certaines actions de votre plan pourront être déclenchées
simultanément.
Exemples :
1. Le secrétaire de l’école écoutera la radio et tracera la route du cyclone sur une carte.
Il fera un rapport aux professeurs, qui tiendront les élèves informés. Une carte
plastifiée de route de cyclone sera affichée dans toutes les salles de classe pendant la
saison chaude.
2. Les élèves de 10eme accrocheront les volets anticycloniques aux fenêtres.
3. Les élèves de 9eme rapporteront tous les livres et matériel scolaire au bureau.
Groupe 4– plan d’urgence en cas de tremblement de terre
Ce groupe mettra sur pied un plan d’urgence pour les tremblements de terre. Que
faire dans l’école en cas de séisme ?
Exemples :
1. Par avance, chaque classe aura désigné un chef de classe. Cette personne sera
responsable de sa classe, et devra être capable d’en garder le contrôle. Après le séisme,
le chef de classe fera un rapport au chef d’établissement.
2. Une fois par mois, l’école fera des exercices pour que chacun sache ce qu’il doit faire.
Groupe 5–plan d’urgence en cas d’incendie
En plus des catastrophes naturelles, les villages sont parfois confrontés à des
situations dues à l’intervention humaine. Ce groupe devra rédiger un plan d’action
en cas d’incendie dans l’école (cuisines et dortoirs compris). Quelles sont les
étapes à suivre pour se préparer à un incendie ?
Exemples :
1. Tracer un itinéraire d’évacuation pour chaque salle de l’école.
2. Choisir un endroit de regroupement pour chaque classe (sous un arbre par exemple)
et désigner un élève chargé de compter tous les élèves à leur arrivée sur le site.
3. Etablir une liste de choses à faire pour réduire les dangers d’un incendie survenant
dans l’enceinte de l’école.
Lorsque chaque groupe aura accompli son travail, il présentera son étude au reste
de la classe. Chacun devra participer à la correction et à l’amélioration du plan.
Demandez au chef d’établissement de présenter le « Plan d’Action d’Urgence » à
tout le personnel de l’école lors d’une réunion. Le personnel devra donner son avis
et faire ses commentaires et suggestions pour réviser le plan si nécessaire. Le plan
sera alors présenté à l’ensemble des élèves de l’école.
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La formation de l’archipel
49
Enquête
1. Interrogez une personne âgée vivant près de chez vous et demandez-lui
comment, autrefois, la population faisait face aux catastrophes naturelles.
2. De quelle manière, vous et votre famille pourriez-vous vous préparer à affronter
un désastre ? Lorsque vous rentrerez chez vous pour les vacances, parlez à vos
parents des diverses façons dont vous pourriez aménager la maison, le jardin
et les vergers pour éviter le pire. Vous pouvez aussi définir un « Plan d’Action
d’Urgence ».
Les îles du vanuatu sont nées du feu de la terre. Les histoires des origines et les explications scientifiques peuvent converger sur ce point. La genèse violente des îles de l’archipel se poursuit avec les cyclones et autres tremblements de terre qui les ébranlent
aujourd’hui. C’est pourquoi il faut apprendre à s’organiser en cas d’urgence. Dans ce chapitre, nous avons vu comment les plantes et les animaux sont arrivés sur les îles jeunes.
Le chapitre suivant, « Le Peuplement de l’archipel », examine l’arrivée des premiers habitants dans les îles.
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50
HBYV_Volume_1.indb 50
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
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51
chapitre deux
Le peuplement de l’archipel
Migrations à travers la région Asie pacifique
Comme nous l’avons déjà vu dans le chapitre un : « La formation de l’archipel », la
science attribue la création des îles à l’action des volcans sous-marins et le soulèvement
des terres, aux mouvements des plaques tectoniques. Nous savons aussi que les îles du
Vanuatu sont géologiquement plus jeunes que la plupart des autres terres émergées de
la planète. Les îles ont changé de forme au cours des siècles passés. Des rivières se sont
formées, des volcans sont entrés en éruption, les tremblements de terre ont ébranlé le
sous-sol et modifié le niveau des océans, faisant évoluer la forme des rivages. Puis, les M igr a t io n : déplacement de
hommes ont débarqué sur les îles et découvert des rivages bordés de récifs, les petits populations
îlots proches des grandes îles, des rivières d’eau douce et des forêts denses. La migra- S u n d a : nom du continent qui
tion des populations vers les îles ne s’est pas faite en une seule fois, il a fallu d’innom- couvrait le SE asiatique autrefois
brables périples avant que les hommes ne les atteignent. Afin d’étudier les migrations S a h u l : nom du continent qui
humaines au Vanuatu et dans les autres îles du Pacifique, considérons d’abord les mou- couvrait la Papouasie, l’Australie
et la Tasmanie autrefois
vements de populations effectués depuis
les continents voisins.
Les hommes modernes trouvent leurs
origines sur le continent africain. Ils se
sont disséminés en Asie et en Europe il
y a environ 100 000 ans. Autrefois, le
niveau des océans était beaucoup plus
Sunda
bas et le contour des côtes était bien différent. Le Sud-est asiatique constituait
une seule terre appelée Sunda alors que
la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Australie et la Tasmanie étaient soudées en un
seul bloc : Sahul. Les premiers hommes
qui ont voyagé de l’Asie vers le Pacifique
l’ont fait par voie maritime, il y a environ 50 000 ans. En ces temps, où le niSahul
veau des océans était 100 m plus bas
qu’aujourd’hui, ces navigations étaient
N
les premières à franchir des distances
0
1000 km
en pleine mer de plus de 100 km.
Les Océaniens furent les premiers navigateurs de haute mer au monde.
Les continents Sahul et Sunda (d’après Sprigg 1997 : 25)
HBYV_Volume_1.indb 51
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52
Ch asseurs-cu ei l l eurs :
nomades qui chassaient et
cueillaient pour subvenir à leurs
besoins, et ne pratiquaient pas
l’agriculture
Climat : conditions
météorologiques particulières
à un endroit donné sur la
terre, ex. : climat équatorial
Adapté de Green (2002)
et Sand (2004).
Carte 1. Le super continent
pléistocène de Sahul (d’après
Kirch 1997 : 27).
P léistocèn e : première
période de l’ère quaternaire
HBYV_Volume_1.indb 52
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Lorsque ces premiers chasseurs-cueilleurs se dispersèrent à travers la terre de Sahul,
ils découvrirent les côtes est du continent. Il y a environ 40 000 ans, quelques groupes,
installés dans le nord-est de cette terre devenue la Papouasie, partirent vers une masse
de terre située vers l’est, connue de nos jours sous le nom de Nouvelle-Angleterre.
À partir de là, ils continuèrent à voyager vers le nord et découvrirent les Salomon il y a environ 28 000 ans et Manus il y a 20 000 ans. La Proche Océanie, qui inclut la Papouasie
Nouvelle-Guinée et les îles Salomon actuelles fut ainsi peuplée par ces hommes. Le laps
de temps écoulé entre ces diverses implantations montre le lent développement des capacités maritimes des hommes de l’archipel de Bismarck pendant cette période.
Il y a près de 12 000 ans, il y eut un changement de climat, la terre est entrée dans
une période de réchauffement. Les calottes glaciaires ont fondu et le niveau des océans
est monté rapidement. Les mers ont noyé les zones côtières basses. Les sommets et
montagnes qui ne furent pas recouverts sont les régions actuelles du Sud-est asiatique
et ses nombreux archipels comme les Philippines et l’Indonésie. Sahul se divisa en de
plus petites terres connues de nos jours comme la Nouvelle-Guinée, l’Australie et la
Tasmanie.
Il y a 3 300 à 3 200 ans eurent lieu les déplacements de la Proche Océanie vers
l’Océanie Lointaine (qui est le reste de l’Océanie orientale, se reporter à la carte de la
page suivante). Il est intéressant de noter qu’il s’est passé une longue période entre
le moment où les hommes se sont établis en Proche Océanie et leur installation en
Océanie Lointaine. Ensuite, la migration fut assez rapide vers le centre et l’est de la
Polynésie et l’est de la Micronésie, qui furent découverts en deux temps. Le plus ancien
mouvement humain vers ces régions remonte de 2 200 à 2 500 ans, et le plus récent
date de 2 000 à 1 500 ans. La Nouvelle-Zélande (Aotearoa) fut une des dernières terres
peuplées et elle est restée occupée depuis 7 à 800 ans. Ceci est un résumé des déplacements du Pacifique, il n’est pas nécessaire de mémoriser les dates ou le nombre d’an-
rivages actuels
rivages à l’époque du Pléistoscène (Sahul)
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53
Le peuplement de l’archipel
Fr o n
Mussau
Manus
tièr
es d
e la
Pro
ch
L’archipel de
Bismarck
papouasie
nouvelle
guinee
e O
cé
an
ie
Iles
Salomon
proche
oceanie
Iles
Santa Cruz
oceanie
lointaine
‘Uvea
Futuna
Samoa
Vanuatu
Fidji
Tonga
australie
Nouvelle
Calédonie
Iles
Loyauté
0
nées entre les diverses migrations. Il est plus important de saisir l’ordre chronologique
et le mouvement général des voyages pour comprendre l’arrivée des premiers habitants
de l’archipel.
Pour cela, regardez et étudiez les cartes ci-dessous.
1000 km
Carte 2. Iles et Archipels
du sud-ouest Pacifique,
Proche et Lointaine Océanie
(d’après Kirch 1997 : 5).
Questions de compréhension
1. Étudiez la carte n°1 et sa légende. Regardez le dessin des côtes pendant le
pléistocène et comparez avec le dessin actuel. Lorsque le niveau des océans est
remonté, des terres ont été submergées. Quels pays se sont formés au large des
côtes de Sahul ?
2. Étudiez la carte n°2 et localisez l’archipel de Bismarck. Entre quels groupes d’îles
est-il situé ?
3. Où se trouve la frontière entre la Proche et la Lointaine Océanie ? Où se situe le
Vanuatu ?
4. Quelle direction a été empruntée par les peuples voyageurs après qu’ils ont
migré vers l’archipel du Vanuatu ?
En quête des réalités du passé
Les informations du chapitre précédent sont le résultat de recherches scientifiques,
archéologiques et linguistiques. Il y a différentes façons d’obtenir des témoignages sur
des événements datant du début de l’histoire de l’homme : en étudiant les origines des
HBYV_Volume_1.indb 53
8/06/10 1:13 AM
54
Daté : dont on peut déterminer
l’âge par des procédés techniques
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
langues, en faisant des fouilles et en exhumant des objets du passé qui peuvent être
datés ou encore en examinant les preuves des changements de la nature à travers les
siècles. Les traditions orales nous apportent aussi des informations. Ces données permettent de se représenter le passé. Les deux rubriques suivantes : « plus en détail »
exposent le travail des archéologues et des linguistes et expliquent comment ils réunissent les faits nécessaires pour reconstituer cette image des temps anciens.
Proche e t Loint aine Océanie
Faun e : animaux
Flore : végétation
Au lieu d’utiliser les termes de Polynésie, Micronésie et Mélanésie pour désigner
des îles du Pacifique, nous pouvons parler pour les temps anciens des régions de
Proche Océanie et de Lointaine Océanie. La Proche Océanie comprend la NouvelleGuinée, l’archipel de Bismarck et la majeure partie des Salomon. La Lointaine
Océanie est composée des îles situées au nord, à l’est et au sud de la ligne noire
sur la carte n°2. Nous avons différencié ces régions du Pacifique pour deux raisons.
Tout d’abord, la faune et la flore sont très différentes d’une zone à l’autre. La
Proche Océanie est plus variée et plus riche que la Lointaine Océanie. Les plantes
et les animaux se sont répandus sur l’ancienne Sahul. Par la suite, les terres furent
suffisamment proches les unes des autres pour permettre le franchissement des
bras de mer, alors que les mêmes plantes et animaux ne pouvaient pas traverser
les mers pour aller jusqu’aux îles de la Lointaine Océanie. Ceci est apparent lorsque
l’on étudie la carte n°2.
De plus, la Proche Océanie a été peuplée bien avant la Lointaine Océanie.
Comme nous l’avons vu, il s’est écoulé plus de 35 000 ans entre le peuplement
de ces deux parties de l’Océanie. Il était aussi difficile aux plantes et aux animaux
qu’aux humains de trouver leur chemin vers la Lointaine Océanie. C’est pour
cette raison que le peuplement de l’archipel du Vanuatu et des autres terres de la
Lointaine Océanie s’est produite bien après l’occupation de l’archipel de Bismarck
et de la Proche Océanie.
Plus en détail–l’archéologie
Vestiges : objets du passé
Fouille : action de creuser
le sol pour y découvrir des traces
du passé
Crib le : tamis, fine passoire
permettant de retenir les petits
objets cachés dans la terre
HBYV_Volume_1.indb 54
Les recherches des archéologues visent à découvrir et à comprendre les changements qui
sont intervenus dans la vie des hommes sur des centaines, voire des milliers d’années.
Cette discipline étudie les vestiges pour interpréter le quotidien des hommes d’autrefois.
Les chercheurs réalisent des fouilles pour trouver des traces des antiques villages et
des lieux de vie. Ces preuves peuvent être des tessons de poterie, des ossements, des
coquillages. Parfois les archéologues trouvent des plantes et du charbon provenant des
anciens foyers. Ces objets sont soigneusement exhumés et étudiés afin de découvrir
comment on les utilisait à l’époque.
Le terme « excavation » est aussi employé à la place du mot « fouille ». Les
archéologues délimitent une zone à l’aide de ficelles, des carrés de un mètre sur un
mètre par exemple, et commencent à creuser régulièrement à l’intérieur de cette zone
appelée « carré de fouille ». L’archéologue doit faire très attention, il doit enregistrer
tous les objets et matériaux issus de ses fouilles. La terre est passée au crible, les
8/06/10 1:13 AM
Le peuplement de l’archipel
55
Site archéologique à Mangarisu
île de Tongoa, c. 1960. Ewose
et Valea en arrière plan
(Garanger 1972 : 239).
vestiges sont examinés et rangés dans des sacs plastiques portant une étiquette
indiquant le site, sa profondeur et sa position dans la fosse. La photo montre les carrés
de fouilles archéologiques creusés par José Garanger et son équipe pendant leur travail
sur l’île de Tongoa.
L’emplacement d’un objet sur un site offre de nombreux renseignements, comme
son ancienneté par rapport aux autres objets : les vestiges situés sur le dessus sont plus
récents que ceux découverts dans le fond, ce qui fait partie d’une étude de stratigraphie.
Mais comment déterminer l’âge d’un objet ? La méthode la plus répandue est l’utilisation
de la datation au carbone 14, appelée aussi datation C-14. Ce procédé fait appel à de
nombreuses disciplines telles que la physique, la chimie et la biologie. Cette analyse C-14
se base sur la quantité de carbone présente dans un objet donné, et ne peut se faire que
sur des matériaux organiques : plantes, bois brûlés, os et coquillages. Les matériaux
organiques contiennent deux sortes de carbone, le C-12 et le C-14. Avec le temps, le C-14
se transforme en C-12. En mesurant le pourcentage des différents carbones dans les
objets, on peut en déterminer l’âge. Quand un corps organique vivant meurt, la quantité
de C-14 qu’il contient diminue à un rythme constant. Par conséquent, plus l’objet est
ancien, moins il contient de C-14, plus on trouve de C-12. La datation au C-14 permet
de fixer la date de la mort d’un corps organique, mais cette datation C-14 fonctionne
uniquement pour des vestiges de moins de 50 000 ans. En datant les restes d’un feu
de bois exhumé d’une fouille, on peut déduire que ces charbons sont liés à une activité
humaine de cette époque-là.
Les objets que les archéologues découvrent sur les sites sont appelés matériaux de
fouille. Ils ont un rapport direc avec les hommes qui les ont utilisés ou fabriqués. Par
exemple, si un chercheur trouve une pierre taillée en pointe de flèche, il peut suggérer
que son détenteur était chasseur et qu’il utilisait des flèches ou des lances à pointe de
pierre.
HBYV_Volume_1.indb 55
S t r a t igr a p h ie : examen des
couches de la terre
8/06/10 1:13 AM
56
L es tessons : débris de
poterie ou de verre
Certaines de ces informations
ont été tirées de Hoffman
(2001) et Mills (1982).
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les tessons de poterie sont des matériaux de fouille intéressant pour comprendre
l’histoire des migrations. Une question importante se pose tout d’abord : quand les
habitants du vanuatu ont-ils commencé à faire de la poterie ? Pourquoi et quand ont-ils
arrêté ?
Étudions de plus près ces tessons de poterie qui ont été retrouvés dans différents
sites des îles du Pacifique.
La présence de ces fragments nous révèle que des gens ont vécu en divers endroits
et qu’ils étaient capables de fabriquer des poteries. Les archéologues peuvent analyser
quelles qualités de sable et d’argile ont été employées, et déterminer ainsi si la poterie
a été faite sur place ou si elle a été ramenée d’ailleurs. À l’aide d’un microscope, ils
étudient les débris restés au fond des pots, ce qui leur permet de connaître l’alimentation
des populations à l’époque. Ils examinent aussi les dessins gravés sur les poteries.
Certains, peu décorés, ont souvent la base brûlée. Ce qui signifie qu’ils étaient
vraisemblablement utilisés pour cuire la nourriture. D’autres, finement ornés, n’ont pas
le fond noirci à la suie et on peut envisager qu’ils étaient réservés à d’autres usages,
probablement des cérémonies ou des échanges. Les tessons donnent aux archéologues
des indications sur les relations sociales et permettent même d’identifier certaines
personnalités du groupe qui se servait de ces pots. De nombreuses informations portant
sur le mode de vie et les activités des hommes sont déduites de l’étude de matériaux de
fouille, tels que ces restes de poteries.
En exhumant, datant et étudiant ces matériaux de fouille, les archéologues sont en
mesure de nous donner une idée claire du quotidien des hommes du passé et de son
évolution au cours du temps.
Un site de fouille pendant les
années 1960, sur le site présumé
d’un cimetière à Itakuma,
Tongoa (Garanger 1972 : 258).
HBYV_Volume_1.indb 56
8/06/10 1:13 AM
57
Le peuplement de l’archipel
Questions de compréhension
1. Quelles sont les matériaux exploités par les archéologues pour retracer la vie des
temps anciens ?
2. Expliquez comment on utilise le C-14, et à quoi il sert.
Pour aller plus loin
Après avoir relu le texte, donnez des exemples d’autres matériaux de fouille dont
vous avez entendu parler.
Activité de discussion
Le Vanuatu Cultural and Historic Sites Survey (VCHSS) du Centre Culturel,
recherche et relève les sites culturels et historiques ainsi que les sites
archéologiques à travers tout le pays. Pourquoi ces découvertes archéologiques
sont-elles importantes pour nous ?
Plus en détail– les linguistes
L in gu is t e : personne qui
étudie les langues
Vous avez peut-être eu l’occasion de rencontrer des chercheurs étudiant un de nos
si nombreux langues. Lorsqu’un de ces savants vient travailler, il s’installe dans un
village et interroge les gens. Il enregistre les mots et sons pour apprendre à parler
correctement. Beaucoup ne comprennent pas le travail de ces chercheurs ni ce qu’ils
font au Vanuatu. Pourquoi posent-ils toutes ces questions ? Et quand ils quittent le
Vanuatu, que font-ils de ces informations ?
Ces chercheurs s’appellent des linguistes et leur discipline est la linguistique. Ils
analysent les dialectes pour mieux comprendre leur construction. Ils examinent les
différentes facettes d’un idiome donné, depuis les sons qui sont la base, jusqu’à la
façon dont les locuteurs construisent les phrases. Les linguistes ont une manière
particulière de travailler : en étudiant toutes les caractéristiques d’une langue, ils sont à
même de grouper les dialectes dans différentes classes. Une famille va réunir tous les
langues qui ont des points communs. Les langues classées ensemble présentent des
similitudes dans le vocabulaire, la prononciation et la grammaire. Elles peuvent être
placées sur un arbre généalogique pour mettre en évidence les relations entre elles. De
la même façon, un arbre généalogique montre comment nous sommes reliés aux autres
membres de notre famille ou de notre clan. Le linguiste compare les langues d’une
A
500 ans
1 000 ans
HBYV_Volume_1.indb 57
Proto-langue
X
0
A
B
B
L in gu is t ique : étude des
langues
C
D
C
Dialectes
D
Langues
Arbre des relations génétiques
(Lynch 1998 : 11)
8/06/10 1:13 AM
58
Protolan gue : langue
originelle
Dialecte : variété régionale
d’une langue
L es lin guistes publ i en t
des dictio n n ai res :
les linguistes après avoir étudié
une langue, sont à même de
compiler un recueil des mots
Lynch (1978) et (1998).
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
famille et formule des hypothèses quant à l’origine de la protolangue originelle.
Le croquis nous montre comment un certain nombre de langues apparentées
se développent à partir d’une origine commune. Un groupe parle la langue X. Cet
ensemble X se divise en quatre sous-groupes : A, B, C et D qui émigrent. Quelques
centaines d’années plus tard, ces quatre sous-groupes ont mis au point différents
dialectes d’une même langue : un dialecte se construit lorsque les divers groupes
parlent de manière différente en diverse régions. Ces clans peuvent encore se
comprendre, mais on trouve des variations dans l’expression et dans la construction
grammaticale des phrases. Mille ans plus tard, voire plus, les quatre dialectes se
modifient encore et deviennent éventuellement des langues distinctes. Il est ensuite
difficile pour les membres des quatre groupes de communiquer avec les autres, car
leurs dialectes ont trop évolué.
Que font les linguistes des informations qu’ils recueillent ?
Certains ling0uistes viennent au Vanuatu pour aider les locuteurs de différentes îles
à retrouver et conserver leur langue. Ces locuteurs sont ceux qui parlent encore leur
langue maternelle. Il existe de nombreuses langues au Vanuatu uniquement transmises
oralement de génération en génération. Ces linguistes apprennent la langue et montrent
ensuite aux gens comment la transcrire. Ceci pour s’assurer que les locuteurs garderont
une trace écrite de leur dialecte. Parfois, les linguistes publient des dictionnaires, des
études ou des histoires pour les enfants dans la langue vernaculaire. La traduction
de la Bible est un autre genre de travail effectué par des linguistes qui sont aussi des
missionnaires. Il existe de nombreux dictionnaires et études sur diverses langues
consultables dans les collections de la Bibliothèque Nationale se Port-vila.
La linguistique comparée est une des disciplines utilisées pour étudier la préhistoire,
en plus de l’archéologie et des traditions orales. Les linguistes comparent et classent
plusieurs langues dans le but de formuler des hypothèses quant aux premières
migrations inter-îles. Ils élaborent des théories sur cultures préhistoriques et les
changements qui ont eu lieu au cours des temps grâce aux mots qui peuvent être
retrouvés dans la protolangue.
Le travail des linguistes est très intéressant et contribue à la connaissance des
cultures du Vanuatu. Que ce soit par l’enregistrement des langues actuelles des
divers groupes sociaux ou en reconstruisant les protolangues dans le but d’étudier les
caractéristiques des populations anciennes, nous pouvons apprendre beaucoup des
recherches accomplies par les linguistes.
Questions de compréhension
Décrivez le travail du linguiste.
Pour aller plus loin
Il existe plus de 100 langues vernaculaires au Vanuatu. Lesquelles parlez-vous ?
HBYV_Volume_1.indb 58
8/06/10 1:13 AM
Le peuplement de l’archipel
59
Activité de discussion
Certaines langues ont du vanuatu ont disparu de la vie quotidienne moderne
et d’autres se perdent avec l’extinction de certaines tribus, la prédominance de
langues plus influentes ou encore le mélange avec d’autres idiomes. Faites une liste
des raisons pour lesquelles il est important de transcrire ces langues. Comment
pourrions-nous les maintenir en vie ?
T r a n s c r ir e : relever par écrit
Migrations humaines d’Asie vers l’archipel de Bismarck
Nous savons maintenant que les hommes sont arrivés dans les îles du Vanuatu il y a environ 3 000 ans. Mais comment sont-ils parvenus jusqu’ici ?D’où venaient-ils ?
Qu’ont-ils apporté sur leurs pirogues? Toutes ces questions trouveront leur réponse
dans l’étude de la migration du groupe humain connu sous le nom de peuple Lapita.
Le début de cette histoire remonte à 5 500 ans en arrière, sur une terre appelée aujourd’hui Taiwan. Vers cette époque-là, un groupe commença à migrer de Taiwan vers
la Chine du Sud. On les appelle les Austronésiens. Ils parlaient une langue : la protolangue austronésienne. Le riz était leur nourriture de base. Ils faisaient de la poterie ornée
de dessins et élevaient des chiens et des cochons.
Il y a environ 4 200 ans, ils naviguèrent sur de simples radeaux vers les régions du
centre et du nord des Philippines et vers les îles équatoriales de l’Asie du Sud-est. Ils
continuèrent à produire des pots d’argile, développèrent de nouvelles techniques d’agriculture, cultivant des ignames et des taros dans leurs jardins à la place du riz, élevèrent
des poulets et perfectionnèrent leur savoir-faire maritime. Après avoir utilisé des radeaux, ils commencèrent à construire des pirogues à voile.
Puis ils se déplacèrent plus au sud et vers l’est, loin de ces zones, vers le groupe
d’îles connu aujourd’hui sous le nom d’archipel de Bismarck. Certains s’arrêtèrent en
route et fondèrent des communautés au nord des îles Bismarck comme dans les îles
Mussau. Au cours de leurs voyages, les Austronésiens découvrirent des terres déjà peuplées. Ces gens étaient installés aux Bismarck depuis des milliers d’années. C’étaient
les descendants de migrations beaucoup plus anciennes, comme nous l’avons vu dans
la section précédente.
HBYV_Volume_1.indb 59
A u s t r o n é sie ns : premièrs
peuples du Pacifique occidental
8/06/10 1:13 AM
60
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Plus en détail– god blong ol Lapita
Talepakemalai
ECB
Site Lapita
N
Rivage période
Holocène
Ile
eloaua
Ile
mussau
Les îles Mussau, PNG, position
du site de Talepakemalai sur la
ligne de côte datant du milieu de
l’holocène (Kirch 1997 : 169).
Ile Eloaua
0
1
2 km
Dans l’extrait suivant, tiré du livre « On the road of the wind » (2000), l’archéologue
Patrick Kirch décrit un site de fouilles situé dans les îles Mussau en Nouvelle-Guinée.
La lueur rose dorée de l’aube ruisselait à travers les frondes des cocotiers et des pandanus
immobiles, alors que nous marchions, les hommes du village de Eloaua et moi-même, le long
du sentier étroit qui mène au site de Talepakemalai, dans les îles Mussau de Nouvelle-Guinée.
Le ciel était clair, je méditais en silence sur ce qu’allait nous apporter cette nouvelle journée de
travail dans la fosse étouffante, sous un soleil de plomb. Rien ne pouvait ralentir la routine de
fouilles de ces sables détrempés qui depuis plus de trois mille ans protégeaient les vestiges de
cette ancienne cité lacustre autrefois établie au bord du lagon à Talepakemalai. Nous reprîmes
nos places, certains au filtrage des débris, d’autres creusant. Je demandais à Bauwa Sagila, un
homme d’un certain âge que j’avais jugé clairvoyant et habile à fouiller, de travailler dans un
des carrés de fouille, pendant que je m’installais dans le carré voisin.
Le travail avançait régulièrement tout au long de la matinée, la sueur coulant en rigoles
sur nos fronts pendant que le soleil tropical passait au-dessus de l’ombre fraîche de la
brousse environnante. La pointe de ma truelle mit à jour un amas de fragments de poteries
rougeâtres, gisants là où ils avaient été jetés dans le lagon, sous une maison sur pilotis, il y
a 3 500 ans et je commençais à les disposer soigneusement pour les photographier. Du coin
de l’œil, je vis que Bauwa avait découvert un petit objet allongé en os, qu’il avait laissé en
place, sachant que j’allais prendre des mesures et noter sa position. Après que j’eus pris les
coordonnées des différents objets, Bauwa fit glisser avec précaution le petit morceau d’os
blanc, d’environ quatre pouces de long, le retourna en le posant dans sa main. Ensemble,
nous retînmes notre souffle, les yeux rivés sur l’os délicatement sculpté qui représentait un
visage stylisé nous regardant froidement. La lumière du soleil brillait sur cette relique pour la
première fois depuis qu’elle était tombée dans sa tombe aquatique voici plus de trois mille
ans. Aucun d’entre nous ne dit un mot, puis Bauwa s’exclama en pidgin mélanésien : « God
belong ol Lapita » (Kirch 2000 : 85-86).
HBYV_Volume_1.indb 60
8/06/10 1:13 AM
Le peuplement de l’archipel
61
Maison sur pilotis des îles
Mussau (Kirch 1997 : 174).
Iles Banks, 2004, dans le
sous-sol de nos îles nous
pouvons trouver des indices
de notre passé (Inventaire du
Patrimoine National, VKS).
Questions de compréhension
1. Trouvez les îles Mussau sur la carte n° 2. Où sont-elles situées ?
2. Les îles Mussau font-elles partie de la Proche ou de la Lointaine Océanie ?
Pour aller plus loin
1. Que veut dire Kirch par « tombe aquatique » ?
2. Pourquoi Bauwa identifie-t-il l’objet en os comme « God blong ol Lapita » ?
HBYV_Volume_1.indb 61
8/06/10 1:13 AM
62
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Arrivée du peuple Lapita,
fresque de Lucas Kukler, 2004.
Traces matéri el l es d e
la culture lap i ta : objets
typiques de cette époque :
poterie,outils et ornements de
pierre, de coquillage, hameçons
HBYV_Volume_1.indb 62
Une fois installés sur les côtes de l’archipel de Bismarck, les Austronésiens rencontrèrent les tribus locales. Chacun de ces groupes avait des usages et coutumes différentes et leurs rencontres influencèrent leurs cultures et leurs langues. Alors que les
Austronésiens possédaient une tradition maritime, les peuples d’origine papoue, habitants originels de l’archipel de Bismarck, étaient des gens de la terre, tournés vers la
brousse. Ces premiers arrivants subsistaient de chasse et de cueillette, vivant dans des
hameaux dispersés. Les nouveaux venus dressaient leurs camps près des rivages ou sur
pilotis dans les lagons. Ils pêchaient à l’aide de leurres et leurs hameçons étaient faits de
coquillages travaillés.
Une des conséquences de ces interactions avec les populations papoues de l’archipel de Bismarck, fut l’adaptation et le développement de la culture austronésienne.
La décoration des pots s’est modifiée et de nombreux archéologues pensent que les origines de la culture Lapita proviennent de l’archipel de Bismarck. De plus, des échanges
de femmes ont certainement eu lieu entre les diverses tribus, ce qui peut expliquer les
différences physiques entre les Austronésiens de l’Asie et ceux du Pacifique. Les traces
matérielles de la culture Lapita sont les poteries d’argile, les outils de pierre, le matériel de pêche, et les bijoux (bagues et bracelets) fabriqués à partir de coquillages. De tels
objets ont été découverts sur les sites de fouille datant de l’époque Lapita. Des années de
métissages ethniques et culturels entre les nomades austronésiens et les indigènes de
la Papouasie ont contribué à constituer cette culture Lapita.
8/06/10 1:13 AM
Le peuplement de l’archipel
63
Plus en détail– l’histoire des langues dans le Pacifique
Nous avons déjà évoqué le travail des linguistes. Ils sont nombreux à être passionnés
par l’étude de plus de 1 400 langues du Pacifique soit environ un quart des langues
du monde. Et ces 1 400 langues du Pacifique sont parlées par seulement 0,1 % de la
population mondiale.
L’extrait suivant a été tiré de « Pacific languages : an Introduction » (1998) de John
Lynch. Il décrit les différentes familles linguistiques du Pacifique.
Les dialectes austronésiens
Le groupe linguistique austronésien est l’un des deux plus importants au monde du fait
du nombre de langues qui s’y réfèrent (l’autre étant celui du Benue-Congo en Afrique). Ce
groupe est composé de mille à mille deux cents idiomes, utilisés par près de trois cents
millions de personnes. La carte de la page 64 montre la région où sont parlées ces langues.
En plus du bassin Pacifique, on retrouve les dialectes austronésiens à Taiwan, en Malaisie,
en quelques endroits du continent asiatique, dans quasiment toutes les îles du sud-est
asiatique et jusqu’à Madagascar. Tous les dialectes des Philippines et pratiquement tous ceux
d’Indonésie (sauf ceux de l’ouest de la Papouasie) sont austronésiens.
La région Pacifique compte environ 450 dialectes austronésiens. Ce qui comprend
toute la Polynésie, la Micronésie, les Fidji, la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu, ainsi que
presque toutes les îles Salomon. Seulement un quart des dialectes de la Nouvelle-Guinée
dépendent de cette répartition. Les peuples parlant l’austronésien en Nouvelle-Guinée sont
généralement installés sur les îles au large et dans certaines régions côtières, peu d’entre eux
vivent dans les terres (Lynch 1998 : 45-46).
HBYV_Volume_1.indb 63
Dent de requin découverte
sur le site de Teouma, juillet
2004. Ces dents étaient
peut-être utilisées à des fins
esthétiques (Bedford, 2004).
8/06/10 1:13 AM
64
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
langues
austronésiennes
Carte des langues
austronésiennes (adaptée
de Lynch 1998 : 46).
La langue austronésienne est composée de divers sous-groupes en relation les uns avec
les autres. Par exemple, les dialectes polynésiens sont un sous-groupe de cette grande
famille. Ce qui veut dire qu’autrefois, il n’y avait qu’une seule langue polynésienne. Les
langues du Vanuatu et de la Nouvelle-Calédonie forment le groupe océanique du sud
(Southern Oceanic Group). Au sein de ce groupe, on trouve :
• Le sous-groupe centre nord du Vanuatu, dont les langues non-polynésiennes du centre
jusqu’au nord du Vanuatu, d’Efate jusqu’aux îles Torres.
• Le sous-groupe mélanésien du sud, comprenant les langues non polynésiennes du sud
Vanuatu (Erromango, Tanna et Anatom), la Nouvelle-Calédonie et les îles Loyautés.
Vague p olynés i en n e :
Migration venue de l’est vers
l’ouest, apportant les dialectes
polynésiens que l’on retrouve
au village de Mele et sur l’île de
Futuna.
Les langues du Vanuatu, qui ont des origines polynésiennes, ne font pas partie des
sous-groupes cités ci-dessus. La plupart des linguistes supposent que ces langues
sont le résultat d’une vague polynésienne revenue de l’est du Pacifique vers le Vanuatu.
Sarmi Jayapura
Ile de l’Amirauté
Nord
papouasie
occidentale Nouvelle
Guinée
papouasie
nouvelle
guinee
groupe des iles de l’amiraute
groupe st matthias ou mussau
Nouvelle
Bretagne
Nouvelle
Irlande
1000 km
groupe occidental oceanique
MesoMélanésie
Bougainville
Ile Trobriand
0
n
Nouvelle
Georgie
Malaita
e
group
Guadalcanal
sud est
salomo
Iles Santa Cruz
Utupua Anuta
Tikopia
Sud Papouasie
iles
salomon
Espiritu
Santo
groupe
oceanique
sud
vanuatu
Rotuma
fidji
Efate
Tanna
Viti
Levu
groupe
central
pacifique
Vanua Levu
Taveuni
Anatom
nouvelle
caledonie
australie
Les sous-groupes linguistiques
océaniques en Mélanésie
(adapté de Lynch 1998 : 49).
HBYV_Volume_1.indb 64
N
8/06/10 1:13 AM
65
Le peuplement de l’archipel
Comme nous l’avons vu, pendant la migration Lapita, de nombreux groupes sont
venus s’installer dans les îles du Vanuatu. Les migrations se sont poursuivies vers les
îles polynésiennes. Des centaines d’années plus tard, des gens de Polynésie (Tuvalu,
Tonga, Wallis et Futuna ainsi que peut être des Samoa) sont revenus vers le Vanuatu.
Lorsqu’ils arrivèrent dans l’archipel, leurs dialectes s’associèrent aux langues locales.
Nous reviendrons sur cette migration de retour de Polynésie plus loin dans ce chapitre.
Les langues polynésiennes parlées à Emae, Ifira, Mele, Futuna et Aniwa sont une preuve
linguistique de ce retour vers l’ouest.
Iles
Torres
Hiu
Tegua
Loh
1
2
Toga
3
5
4
7
Mota Lava
6
8
Mota
Vanua Lava
Gaua
12 9
11 10
Iles
Banks
Mwerig
Mera Lava
13
30
32
31
Espiritu
Santo
Sakao
33
35
57
38 56
36 39 40
41 55 54
42
53
52
37 43
44
51
47 48 50
46 49
HBYV_Volume_1.indb 65
Atchin
Uripiv-Wala-Rano
Lingarak
Litzlitz
Katbol
Unua
Pangkumu
Niolenien (Repanbitip)
Aulua
Vartabo (Banam Bay)
Nisvai (Vatbong)
Port Sandwich
Maskelynes
Maxbaxo
Axamb
Nasvang
Sösörian
Natanggan
Navwien
Naha’ai
Nahava (Sinesip)
Naati
Ninde (Mewun)
Mbotkote
Ayiaulian (Dixon)
Nasarian
Vinmavis
Larevat
Big Nambas
Malua Bay
Vovo
Mpotovoro
Mae
Maragus
Lamenu
Maevo
15
34
Malo
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
14
58
Ambae
16
17
Hiw
Toga
Lehali
Lehalurup
Motlav
Mota
Vatrata
Mosina
Nume
Wetamut
Koro
Lakona
Merlav
Marino
Centre Maewo
Baetora
Nord-est Ambae
Nduindui
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
Ureparapara
18
Tutuba
Aore
19
20
22
Pentecote
21
91 59
90
23
92 61
89
93 62
88 60
24
Ambrym
87 64 63 65
25
28
86 84
66
26 27
85 83 67 68
69
Paama
29
Mallicolo 82 81 77 76
75 70 71
80 78 74 73 72
94
Lopevi
79
96
97 99 95
98
Epi
102
101
Emae
100
Nguna
Moso
Lelepa
104
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
Lewo
Bierebo
Baki
Maii
Bieria
Namakura
Emae
Nord Efate
Sud Efate
Mele-Fila
Ura
Sie
Nord Tanna
Lenakel
Whitesands
Kwamera
Sud ouest Tanna
Futuna-Aniwa
Anatom
Tongoa
100
Tongariki
Makura
Mataso
102
Emau
103
Efate
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
Raga
Apma
Sowa
Seke
Sa
Nord Ambrym
Lonwolwol
Dakaka
Port Vato
Sud-est Ambrym
Paama
Valpei
Nokuku
Vunapu
Piamatsina
Tolomako
Tasmate
Wusi
Akei
Malmariv
Navut
Lametin
Morouas
Roria
Fortsenal
Amblong
Wailapa
Araki
Tangoa
Narango
Malo
Aore
Tutuba
Tambotalo
Polonombauk
Mafea
Shark Bay
Butmas-Tur
Lorediakarkar
Sakao
Vao
105
Erromango
106
112
Aniwa
107
108
Tanna
N
100 km
109
111
112
110
113
Futuna
Anatom
Chaînes les sous-groupes
linguistiques du Vanuatu
(adapté de Bonnemaison
et al. 1996 : 179)
8/06/10 1:13 AM
66
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les langues papoues et australiennes
Environ un millier de dialectes parlés à travers le Pacifique ne font pas partie de la famille
austronésienne. Ces langues sont divisées en deux groupes, le groupe papou et le groupe
australien. Deux cents d’entre elles sont australiennes, les autres papoues.
La plupart sont parlées d’un bout à l’autre de l’Australie et dans l’intérieur des terres
de la Nouvelle-Guinée. Les langues papoues ne sont pas issues d’une seule famille.
L’histoire de ces groupes linguistiques est ardue à retracer du fait de l’arrivée ancienne
de l’homme dans ces régions, par rapport à la migration plus tardive des Austronésiens.
Nous ne savons pas d’où viennent les locuteurs papous et australiens et il reste très
difficile de comprendre leurs déplacements et leurs migrations. La seule chose dont nous
soyons certains c’est qu’à l’époque où les Austronésiens arrivèrent sur la côte nord de
la Nouvelle-Guinée, dans l’archipel de Bismarck et à l’ouest des Salomon, les locuteurs
papous et australiens étaient d’ores et déjà installés dans ces contrées depuis longtemps.
Pour aller plus loin
Imaginez que vous voyagez avec votre tribu, il y a 3 000 ans, depuis l’archipel de
Bismarck vers l’est. Supposez que vous avez atteint ces îles appelées de nos jours
Vanuatu. Auriez-vous rencontré des locuteurs papous dans ce nouveau pays, ou en
chemin ? Si oui, expliquez où.
L’apport de la linguistique à l’étude de l’histoire
L’extrait suivant est tiré de « Pacific Languages : an Introduction » de Lynch (1998).
Les linguistes échafaudent des hypothèses sur les relations entre les langues pour tenter
de déchiffrer l’histoire. Ces suppositions à propos des langues du passé et des écarts entre
eux aboutissent généralement à d’autres questions portant sur les origines et les migrations
des peuples. Dans de nombreux cas, on peut comparer les théories linguistiques et
archéologiques dans le but de faire des recoupements et ainsi les confirmer.
Recon stituer : réimaginer
HBYV_Volume_1.indb 66
Nous avons déjà vu comment les découvertes archéologiques nous permettent de
comprendre les origines de notre peuple. La linguistique est un autre outil pour saisir
les différents aspects de la migration des premiers habitants des îles du Pacifique.
Comment utiliser ces langues pour déchiffrer le passé ? Une des méthodes consiste à
reconstituer ces anciennes langues. En étudiant les mots des anciens, nous pouvons
percevoir comment ils vivaient. Pour reconstituer un idiome, les linguistes choisissent
quelques mots modernes et émettent des théories sur la structure et les mots de la
protolangue. Ainsi, la protolangue austronésienne est la base de tous les dialectes de la
famille austronésienne. La protolangue océanique est la langue mère de laquelle sont
supposées provenir toutes les langues du sous-groupe océanien de l’Austronésie.
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Le peuplement de l’archipel
Activités de discussion
Discutez des diverses questions en classe et proposez un exposé de vos réponses :
1. Il existe des mots de la protolangue austronésienne pour décrire les diverses
qualités de riz. Cependant, il n’y en a aucun dans la protolangue océanienne.
Nous pouvons conclure que les locuteurs océaniens ont arrêté de cultiver le
riz lors de leur migration depuis le sud-est asiatique vers le Pacifique. Quelles
denrées ont alors remplacé le riz dans leur nourriture de base ?
2. On trouve des termes dans la protolangue océanienne pour désigner les
pirogues, leurs diverses parties et pour nommer les poissons et les coquillages.
Que pouvez-vous en déduire ?
3. Il existe des mots dans la protolangue océanique qui décrivent les
poteries et les décorations gravées sur ces pots. En vous basant sur vos
connaissances,expliquez leur rapport avec la migration des gens du sud-est
asiatique vers le Pacifique.
4. Dans la protolangue océanique, on repère des vocables pour les chiens, les
cochons et divers oiseaux. Réfléchissez à une preuve archéologique qui confirme
le fait que les premiers arrivés connaissaient ces animaux-là.
5. Il n’a pas été retrouvé de terme dans la protolangue océanique pour désigner
les patates douces (kumala), la papaye ou le manioc. Cependant, ces fruits et
racines sont consommés à travers tout le Pacifique. Pourquoi n’y a-t-il pas de
mots modernes dérivés de la langue ancienne pour les décrire ? Réfléchissez aux
végétaux qui poussent dans vos îles, depuis quand sont-ils cultivés.
Nous approfondirons le sujet dans le chapitre 4 : « Histoire de l’agriculture de
notre pays ».
Étudions quelques mots des langues austronésiennes
Anglais
Malais
Motu
(PNG)
Araki
(S. Santo)
Neve’ei
Sye
Fidjien Samoan
(Mallicolo) (Erromango)
two
leaf
fish
eye
mosquito
five
eat
dua
daun
ikan
mata
nyamok
lima
makan
rua
rau
[gwarume]
mata
namo
ima
ani-a
dua
dau
[m’aci]
m’ara
[mohi]
lim’a
han
i-ru
no-rou
n-iakh
ne-meta
ne-nam
i-lim
khan
du-ru
[nogklin]
[nomu]
ni-pmi
yomuc
suk-rim
eni
rua
drau
ika
mata
namu
lima
kani-a
lua
lau
i’a
mata
namu
lima
‘ai
Source : Lynch, n.d.
Pour aller plus loin
1. Cherchez dans le tableau quelles langues sont encore parlées au Vanuatu.
2. Trouvez sur une carte où est parlé le malais.
3. Choisissez un mot, et prononcez-en les diverses traductions à voix haute.
Pouvez-vous déceler des similitudes entre eux ?
4. Étudiez les mots entre crochets. Ce sont ceux pour lesquels les linguistes n’ont
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
pas découvert d’équivalence. Par exemple, le nogklin (qui veut dire feuille en
langue Sye) ne ressemble à aucune autre version du mot feuille. Comparez les
mots entre crochets avec les autres de la même ligne.
5. Pensez à une langue du Vanuatu qui vous est familière (autre que français,
anglais ou bislama) et comparez les mots de cette langue avec ceux du tableau.
Certains sont-ils similaires ?
6. Quel est le but de ce tableau de comparaison ? Concentrez-vous sur ce que nous
avons vu à propos des migrations dans le Pacifique et expliquez pourquoi cette
liste soutient ce que vous venez d’apprendre ?
Les différentes langues de Mallicolo : une histoire traditionnelle
Le récit qui suit, recueilli par Marinet Abel, en 12éme année, pour son projet de recherche
sur Malapoa intitulé « Économie traditionnelle dans le centre de Mallicolo, Litzlitz »
donne une explication à la diversité linguistique de cette île.
Il était une fois un couple qui avait un enfant qui gémissait toujours pour avoir la lune, il la
voulait toute pour lui.
Son père appela tous les hommes du village et leur dit qu’ils devaient décrocher la lune
du ciel, car son fils pleurait pour l’avoir.
Les gens trouvèrent un grand arbre, un ningi, à Jeval et décidèrent de hisser des bambous
en haut des plus hautes branches pour atteindre la lune et la descendre. Les hommes
grimpèrent sur les épaules des autres tout en dressant les bambous vers le ciel. D’autres
étaient à terre, donnant les bambous à ceux qui étaient dans l’arbre.
Une fois arrivés dans les nuages, il y eut une pause soudaine. Ceux qui étaient dans
l’arbre demandèrent ce qui se passait et en bas ils répondirent qu’ils ne pouvaient plus
travailler à cause de la pluie.
Lorsque l’orage cessa, le travail reprit. Mais une branche commença à craquer et se
rompit soudainement. Quand elle céda, tous ceux qui étaient en haut tombèrent. Une fois
à terre, ils s’aperçurent qu’ils ne pouvaient plus se comprendre les uns les autres, chacun
d’entre eux parlait une langue totalement différente. Les hommes se dispersèrent alors dans
toute l’île de Mallicolo. Et depuis ce jour, sur Mallicolo il existe de nombreuses langues.
Qu’est-ce que la mélanésie insulaire ?
Dans « Island Melanesians » (1997), l’archéologue Matthew Spriggs identifie la
« Mélanésie insulaire » comme un groupe d’îles qui relie la Proche et la Lointaine
Océanie. C’est aussi la zone qui a été la plus influencée par la migration du peuple
Lapita. Les îles composant la Mélanésie insulaire sont indiquées sur la carte de la page
suivante.
Diff éren cien t : font la
différence
HBYV_Volume_1.indb 68
Les Mélanésiens insulaires en tant que groupe ne sont pas définis uniquement par des similitudes génétiques, il ne s’agit pas d’une « race », mais de leur situation d’habitants
d’un archipel situé à l’est des masses continentales, connues aujourd’hui sous le nom de
Nouvelle-Guinée et d’Australie. Leurs conditions de vie sur ces archipels et l’environnement
du Pacifique différencient leur style de vie de celui des communautés occupant les terres qui
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Le peuplement de l’archipel
amerique
du nord
melanesie
insulaire
Japon
Chine
Taïwan
continentale
asie du
sud-est
iles
mariannes
Luçon
asie du sud-est Palau
insulaire Mindanao
iles
marshall
at
m
Su
ra
Maluku
nouvelleguinee
indonésie
Timor
polynesie
orientale
iles caroline
l’archipel
de bismarck
Bornéo
Java
iles
hawai
micronesie
philippines
Kiribati
Nauru
iles
salomon
iles
santa cruz
iles phenix
Tuvalu
Futuna
melanesie
ar
Samoa
australie
NouvelleCalédonie
iles
tonga
ipe
ld
es
tu
am
iles de la société otu
Vanuatu
iles
fidji
iles marquises
ch
iles
tokelau
iles
cook
iles tubuai
Île
Norfolk
polynesie
occidentale
les entourent. Différents courants culturels ont traversé la Mélanésie insulaire et ont affecté
de grandes parties de Nouvelle-Guinée et d’Australie et ce contexte a posé toutes sortes de défis aux premiers arrivants.
La Mélanésie insulaire a plus été influencée par la culture Lapita que d’autres endroits
situés plus à l’ouest. Par conséquent, les contacts ultérieurs entre les différentes sociétés
de la région ont été plus forts que ceux qui ont eu lieu entre les îles de Polynésie et de
Micronésie…
La Mélanésie insulaire peut être définie géographiquement comme un ensemble d’archipels qui s’étendent du nord-ouest vers le sud-est, proches de Nouvelle-Guinée au nord et
loin de tout vers le sud, le long d’une chaîne sous-marine qui finalement rejoint la NouvelleZélande. Les archipels en question sont celui des Bismarck (actuellement rattaché à la
Nouvelle-Guinée), les îles Salomon (l’île la plus au nord, Bougainville était récemment en rébellion contre les lois de la Papouasie, le reste formant la nation indépendante des Salomon),
le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie (Spriggs 1997 : 1).
Île de Pâques
Les Îles de Mélanésie (adapté
de Spriggs 1997 : 2).
Ul t é r ie u r s : suivants,
venant après
Activité de discussion
En classe, dressez une liste des caractéristiques de la Mélanésie insulaire. Décrivez
en quoi les îles du vanuatu sont en relation avec celles des autres pays de la
Mélanésie insulaire.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les migrations Lapita vers la Lointaine Océanie
Nous en venons à présent à l’histoire de la colonisation de nos îles par nos ancêtres.
Etudiez à nouveau la carte de la Proche et la Lointaine Océanie. Comme vous pouvez le constater, la distance entre les îles Salomon et les îles Santa Cruz est beaucoup
plus importante que celle entre les Bismarck et les Salomon. Nous avons déjà vu que
cet éloignement est probablement la raison principale de l’intervalle de 35 000 ans
entre la migration de la Proche Océanie vers la Lointaine. Depuis les îles situées au
sud-est des Bismarck, les îles Santa Cruz ne sont pas visibles. Par conséquent, les premiers nomades à effectuer ce trajet naviguaient vers l’inconnu. Des marins menant des
pirogues à voile chargées de gens, de plantes et d’animaux osèrent se lancer sur l’océan
et naviguer jusqu’aux îles Santa Cruz, puis vers les terres situées plus au sud.
Certains clans du peuple Lapita se rendirent encore plus loin à travers les actuelles
îles Banks et Torres. Ces aventuriers se dispersèrent rapidement dans l’archipel du
Vanuatu puis vers les Loyautés et la Nouvelle-Calédonie au sud-ouest du Vanuatu.
D’autres groupes Lapita mirent cap à l’est plutôt qu’au sud depuis les îles Santa Cruz et
le Vanuatu et découvrirent les îles Fidji. Ces mouvements vers l’orient et vers le sud se
produisirent à peu près au même moment. Depuis les Fidji, quelques groupes s’orientèrent vers les Samoa, les Tonga et Futuna. Il est possible que tous ces voyages aient eu
lieu en seulement deux ou trois siècles ! Lorsque l’on regarde les distances parcourues,
on peut parler d’exploit… Les descendants des premières migrations Lapita allèrent très
loin, jusqu’à l’île de Pâques, proche de la côte du Chili en Amérique du Sud.
Plus en détail– la découverte du site de Téouma
Fragment de poterie Lapita
découvert à Téouma en 2004.
Photo Stuart Bedford.
En juillet 2004, le Centre Culturel du Vanuatu, avec l’aide des archéologues Matthew
Spriggs et Stuart Bedford, entreprit une campagne de fouilles, financée par la Pacific
Biological Foundation, dans la vallée de la Téouma sur la côte sud d’Efate. Ils firent une
découverte passionnante : un site funéraire antique, remontant à l’époque des débuts
de la culture Lapita.
En plus de nombreux fragments de poteries décorées, on découvrit 13 squelettes.
L’un d’entre eux tenait un tesson dans la main. Tous les squelettes avaient eu leurs
crânes détachés du corps à une période postérieure à l’enterrement et certains
d’entre eux avaient des anneaux de coquillages à la place de la tête. La disposition des
dépouilles n’était pas régulière et l’un d’entre eux avait des coquilles placées au niveau
des articulations ; un autre avait un bivalve posé sur le bassin. De nombreuses pièces
de céramique trouvées près des tombes montrent des dessins compliqués, peut-être
le signe distinctif du clan. Les fragments de poterie Lapita présentaient des tracés
similaires à ceux des débuts de la culture Lapita de l’ouest, arborant des formes stylisées
et complexes, comparables à celles découvertes aux îles Santa Cruz dans l’archipel des
Salomon et Mussau en Nouvelle-Guinée. Les poteries cylindriques verticales, les formes
de bateau et les dessins sont typiques de la culture traditionnelle Lapita orientale, qui est
liée à la première phase de la migration Lapita vers la Lointaine Océanie.
Quelles déductions peut-on faire de cette découverte de Téouma ?
1. Les squelettes exhumés sur le site sont probablement ceux des premiers hommes
Lapita des îles du Vanuatu. Ceci offre la possibilité, pour la première fois, d’étudier les
nombreux aspects de cette culture.
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Le peuplement de l’archipel
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Questions de compréhension
1. Combien de squelettes ont été découverts à Téouma ?
2. Pourquoi les crânes ont-ils été séparés des corps ?
3. Pourquoi cette découverte est-elle si importante pour l’archéologie du Vanuatu
et notre histoire ?
Dans le premier chapitre : « La formation de l’archipel », nous avons lu diverses
histoires orales sur l’origine de nos îles. Dans ce chapitre, nous vous présentons un
certain nombre d’histoires qui évoquent les premiers hommes qui ont peuplé l’archipel.
Le premier récit a été recueilli par Tom Harrisson pour son livre « Savage Civilisation ».
Il raconte les origines du peuple de Matanvat au nord-ouest de Mallicolo.
Cela se passait il y a sept à quinze générations, lors de l’arrivée de communautés qui se sont
répandues à travers de nombreuses îles. Ces gens venaient d’un fruit succulent, la pomme
d’eau (nakavika). Un homme pomme rose débarqua à Botnia et fonda l’actuel Matanvat. Voilà
comment cela est arrivé :
La pomme d’eau était mûre et écarlate. Elle tomba sur une colonne de bois dur de l’arbre
natabol qui poussait dans les collines de l’intérieur de l’île. Le fruit se sépara en deux, une
moitié d’un côté de la racine, l’autre de l’autre côté. D’une des parties naquit un garçon, et de
l’autre, une fille. Les racines colonnaires de l’arbre faisant comme un mur entre eux, chacun
ignorait que l’autre était là. Les enfants grandissaient, se nourrissant des fruits tombés à
leurs pieds. Jusqu’à ce qu’un beau jour, un fruit chute un peu plus loin. Tous deux coururent
le ramasser. Ils se heurtèrent. Ils furent très surpris et se demandèrent : d’où viens-tu ? Ils se
racontèrent la même histoire, puis ils examinèrent leurs corps et furent très curieux de voir
qu’ils étaient différents. Le temps passant, ils eurent deux garçons qui fondèrent deux villages
dans les collines ; ils furent les premiers chefs (Harrisson 1937 : 20-21).
Squelette Lapita découvert sur le
site de fouille de Téouma, juillet
2004. Photo Stuart Bedford.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Plus en détail– histoire d’ancêtres
L’histoire suivante est tirée de la collection intitulée : « Mythes et légendes des
indigènes des Nouvelles-Hébrides » (Océanie, 1912). Le Père Suas, un prêtre français
qui est resté de nombreuses années dans les îles du Vanuatu, a collecté des histoires
orales. Cette histoire, « Tagaro créa l’homme », vient de l’est d’Ambae, où le père Suas
vivait à la mission catholique de Lolopuepue.
Il pleuvait, le sol était boueux. Tagaro prit de la boue, il la pétrit, encore et encore. Quand la
glaise fut assez travaillée, il la modela. Il fit une tête, il fit des yeux, le nez, des oreilles, une
bouche, les mains, les parties génitales, l’anus et finalement les jambes. Après avoir fini, il la
posa à côté de lui. Ensuite, il en fit une autre qu’il plaça à côté. Il en fit ainsi dix.
La dixième terminé, il reprit la première et l’approcha de son visage de façon à ce que
leurs nez se touchent. Il souffla dans la bouche et elle s’ouvrit, il souffla dans ses yeux qui
s’écarquillèrent, puis il souffla dans les oreilles, qui se débouchèrent. Il souffla dans le nez,
afin qu’elle sente les odeurs. Il souffla dans les parties génitales et la figure urina. Il souffla
dans l’anus et elle alla faire son besoin. Il souffla sur ses mains et ses pieds et elle bougea.
Quand il eut fini de souffler, il la reposa assise.
Ensuite, Tagaro prit la deuxième forme et souffla de la même façon, et ainsi de suite
pour la troisième forme et jusqu’à la dernière. Mais quand il eut terminé, il n’y avait que des
hommes, aucune femme.
Lorsque Tagaro les regarda, il ne fut pas satisfait. Il leur commanda alors : « apportez du
feu ici, allumez-le et faites cuire de la nourriture que nous puissions manger ».
Ils allumèrent le foyer, apportèrent des pierres avec des pinces. Ils râpèrent des ignames
pour faire le laplap. Ils restèrent autour des braises avec Tagaro.
Tagaro leur dit : « restez tous tranquilles et ne bougez pas ».
Tagaro prit dans ses mains une orange et une noix (nanambe). Et il les jeta sur les parties
génitales de l’un des hommes. Elles pendirent sous lui et tombèrent. Ceci blessa l’homme
qui pleura de douleur. Ces parties génitales étaient percées et il était devenu une femme.
Tagaro tressa les feuilles d’une liane et fit une ceinture pour elle.
Ensuite, il dit à la femme : « maintenant tu pars d’ici, va et reste seule ». Elle s’éloigna,
entra dans la case et resta à l’intérieur.
Tagaro envoya un homme vers elle en lui expliquant : « va et demande-lui du feu, quand
elle parlera, écoute bien ce qu’elle dira ».
Il se dirigea vers la femme. Elle lui dit : « mon grand frère pourquoi es-tu là ? »
Il répondit : « je suis venu chercher du feu ».
Elle lui donna du feu et il repartit. Tagaro lui dit : « as-tu entendu ce qu’elle t’a dit ?
Qu’a-t-elle dit ? »
Elle m’a appelé son grand frère.
Tagaro dit : « bien, c’est ta petite sœur ».
Puis il envoya le deuxième vers la maison de la femme, qui demanda : « mon petit frère
pourquoi es-tu là ? »
« Je suis venu chercher de l’eau pour que nous pussions boire le kava ».
Elle lui donna l’eau et il s’en retourna. Tagaro l’interrogea : « alors que t’a-t-elle dit ? »
« Elle m’a appelé son petit frère », dit l’homme.
« C’est ta grande sœur », répondit Tagaro.
Il envoya ainsi tous les hommes de la même façon. La femme révéla que les neuf
premiers étaient sa famille. Finalement, ce fut le tour du dixième. Comme il arrivait, la femme
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Le peuplement de l’archipel
73
le vit et s’exclama : « mon époux pourquoi es-tu là ? »
Il revint vers Tagaro et lui annonça : « elle m’a appelé son époux ».
Tagaro répondit : « bien, elle est devenue ta femme ».
Et il lui dit : « va et reste avec elle ». Il prit des nattes, alla vers la femme et ils restèrent
ensemble.
Tagaro rajouta : « restez ensemble, mais ne dormez pas ensemble. Vous m’entendrez
arriver. Je viendrais vous montrer ce que l’on doit faire ».
Lorsque la nuit vint, avant que Tagaro arrive, le mari se coucha avec son épouse qui perdit
sa virginité. Le sang colora la natte, la femme avait mal et elle déclara : « c’est la guerre ! »
Tagaro l’entendit et courut vers eux en disant : « ce n’est pas ainsi que l’on doit faire. Tu
ne l’as pas traitée correctement. J’avais dit que je vous apprendrais moi-même. Tu ne m’as
pas écouté et maintenant c’est la guerre ».
Cette femme eut un enfant et le nourrit à son sein gauche. L’enfant reçut le nom de
Mueragbuto. Elle eut un autre bébé et l’allaita à son sein droit. Cet enfant devint Tagaro,
l’homme bon. Voici comment Tagaro sépara l’humanité : ceux qui ressemblent à Mueragbuto
et les autres semblables à lui-même (Suas 1912 : 45-47).
Nous allons maintenant lire un récit sur Qat des îles Banks. Qat est un personnage de
la création comme Tagaro que l’on trouve fréquemment dans les légendes d’Ambae,
Pentecôte et Maewo. R.H. Codrington, un missionnaire de la Mission Mélanésienne
(anglicane), a passé de nombreuses années dans les îles du nord. Il a répertorié
d’innombrables histoires traditionnelles pendant toute la moitié du 19e siècle. Son
recueil intitulé « The Melanesians : Studies in their anthropology and folklore »
(1891) est unique en son genre parmi les ouvrages écrits dans les missions. Dans
la préface, il écrit : « ce livre, bien qu’étant l’œuvre d’un missionnaire, avec tous ses
préjugés, n’a pas l’intention de refléter cet esprit partial, mais l’auteur est persuadé
que l’un des premiers devoirs d’un évangélisateur est d’essayer de comprendre les
peuples avec qui il doit travailler et c’est dans ce but qu’il a réalisé cet ouvrage ».
Le livre de Codrington présente une contribution anthropologique importante
pour les îles du nord du pays. L’histoire qui suit a été traduite en bislama.
Long olgeta stori we i kamaot long Lakona (Santa Maria). Qat wetem « Narawa » wan
narafala « Vui » we hem i olsem Supure blong Maewo (mo Raga) oli bin liv long Matau,
klosap long maonten Garat, long ples we olgeta volkanik faea oli stap silip yet kasem tedei.
Tufala i bin mekem ol man olsem. Qat hem i bin katem sam fom long wud. Hem i wokem
leg, han, bodi, hed mo hem i putum sora mo ae. Hem i bin wok siks dei blong givim fom,
putum pis afta pis. Afta nao hem i kaontem siks dei blong givim laef long hem. Hem i
haedem olgeta tri dei mo hem i wokemap tri dei blong givim laef long olgeta. Hem i karem
olgeta i kam nao long foret blong hem. Hem i danis nao, mo hem i luk ples man ia we i muv
smol. Hem i kilim tamtam mo hem i lukluk ol man ia we i muvmuv lelebet mo long fastaem.
Long fasin ia, Qat hem i bin « hip-notaes » [hypnotise] olgeta i kam long laef, mo taem
hem i mekem samting ia, hem i luk se evri wan i save stanap, stanap hem nomo. Taem ia
Qat hem i mekem grup wetem evri man i stap wan ples, mo long evri man hem i givim wan
woman long hem, mo taem hem i putum wan man wetem wan woman hem i talem se,
« Hemia man mo woman blong hem. » Hem i mekem tri woman mo tri man be Narawa,
hem, hem i mekem olgeta pipol blong hem blong wan narafala wud, nem blong hem
tavisoviso. Hem i bin wok long siksfala dei tu blong putumap olgeta, mo hem tu hem i bin
kilim wan tamtam, mo hem, hem i givim laef long olgeta, long sem fasin, olsem Qat, be taem
Narawa hem i luk olgeta i stap muv, oli stap laef, hem i bin digim wan hol long graon. Long
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
botom long hol ia hem i putum ol lif kokonas, mo hem i berem evri man mo woman. Oli stap
siks dei long hol ia. Taem hem i tekemaot kraon we i kavremap olgeta wetem, hem i tekemaot
wetem olgeta hand blong hem. Hem i luk se evri wan i stap ded mo evri wan i roten mo evri
wan i smel nogud tu. Hemia, hem i orijin blong ded blong man.
Stori blong Qat long fasin blong Mota hem i talem se Qat hem i bin mekem man mo
pig, long sem taem, mo hem i mekem olgeta semak nomo. Be ol brata blong hem, oli no
laekem samting ia, oli no laekem we man mo pig i stap semak, so Qat hem i bin kilim ol pig
we hem i bin mekem blong olgeta oli wokbaot long fo leg, mo hem i mekem man we hem i
stanap long tu leg nomo. Man hem i mekem long klei (hem i graon ia we ol pipol long Wusi
oli yusum blong mekem kleipot blong olgeta), red klei we oli save faenem long saed blong
riva long Vanua Lava. Fasfala woman, nem blong hem Iro Vilgale. Qat hem i bin tekem smol
pis wud we yu save faenem long tri, we i gat lif long hem, mo wud ia we yu save penem. Aot
long samting ia hem i mekem sam stik, mo hem i mekem sam ring tu, mo hem i mekem Iro
Vilgale, fas woman ia wetem ol samting ia, mo hem i mekem long fasin we olgeta oli mekem
ol hat ia blong « Kwatu. » Hem i putum ol ring long stik, mo hem i kavremap evri samting
wetem lif blong natanggura. Nem blong hem, hem i kam long vil blong taetem mo gale we
hem i blong giaman klos blong dresap. Taem hem i finisim samting ia, hem i luk we woman
ia hem i smol, mo long taem ia hem i save, hem i wan woman we i laef.
Activité de discussion
Discutez avec votre professeur du projet de raconter des histoires traditionnelles
à une classe primaire. Les maîtres devront s’organiser pour que vous puissiez leur
rendre visite. Partagez la classe en plusieurs groupes et racontez-leur différentes
légendes portant sur l’origine des premiers hommes de notre pays. Prenez avec
vous une carte du Vanuatu afin de montrer les îles d’où viennent les histoires.
Ensuite, les enfants devront faire des dessins pour illustrer les divers récits.
L’arrivée sur les rivages du Vanuatu :
un récit historique
Les pirogues étaient malmenées par le ressac alors que les voyageurs essayaient de les
échouer sur la plage. Chargés de plantes, d’animaux et de gens, les lourds canots finirent par toucher terre. Les hommes les hissèrent sur la grève pendant que d’autres sautaient dans l’eau tiède et peu profonde. Ils marchèrent sur la terre ferme, le sable leur
glissant entre les orteils, ils aperçurent une rivière qui coulait vers la baie protégée.
La brousse était verte et luxuriante. La mer grouillait de poissons. Cet endroit semblait
être idéal pour commencer une nouvelle vie.
Ces gens découvrirent que personne ne vivait sur cette île. Ils étaient donc les premiers habitants. Ils dressèrent leurs huttes près de la plage. Au cours des mois suivants,
ils défrichèrent le terrain pour planter des jardins derrière leurs maisons. Ils replantaient
les boutures qu’ils avaient apportées depuis leur vieux pays. En attendant, ils se nourrissaient de ce qu’ils trouvaient à manger dans l’océan, le ruisseau et la brousse. Il y avait
des poissons, des coquillages et des crabes en quantité. Ils remarquèrent des plantes comestibles et des noix dans la forêt, semblables à ceux qu’ils cueillaient autrefois. Ils buvaient l’eau de la rivière, ils avaient choisi cet endroit, car la source était proche.
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Le peuplement de l’archipel
75
Ils s’installèrent dans leur nouvel environnement. Ils découvrirent le relief de l’île ;
parcourant les collines et les ravins, explorant les grottes, et dénichant les cascades qui
jaillissaient au creux des vallées. Puis ils commencèrent à récolter les fruits de leurs jardins. Ils avaient le temps de s’occuper de leur production de poteries, un savoir-faire
précieux. Les dessins qu’ils créaient étaient pratiquement les mêmes que ceux qu’ils faisaient auparavant. Certains récipients étaient laissés bruts, d’autres étaient ornés, ceux
qui ne portaient pas de décorations servaient au quotidien pour la cuisine. Les années
passant, les gens cultivaient leurs jardins, pêchaient dans la mer, gravaient leurs poteries et allaient à la rivière chercher de l’eau douce. Puis, exactement comme cela c’était
déjà produit, certains d’entre eux décidèrent de repartir, pour trouver un autre endroit
et continuer à peupler les îles. Qu’est-ce qui les a poussés à bouger ainsi ? Il est difficile
de le savoir avec certitude : la plupart des réponses envisageables sont fondées sur des
hypothèses modernes. Peut-être que leurs coutumes et leur structure sociale rendaient
les déplacements obligatoires, obligeant les jeunes hommes à partir pour créer de nouvelles communautés. Ou encore recherchaient-ils des occasions de faire du troc avec les
peuples qu’ils pouvaient rencontrer dans les îles derrière l’horizon ? Les archéologues
continuent d’étudier les diverses raisons qui ont pu conduire ce peuple à migrer ainsi,
aussi rapidement, à travers les îles de la Lointaine Océanie.
Plus en détail– les gravures sur pierre du Vanuatu
Disséminé à flanc de collines, dans les grottes de calcaire ou sur les roches et les
plateformes volcaniques se cache un art caractéristique de nos ancêtres. Sculptures,
pochoirs et peintures de couleur noire, rouge ou blanche embellissent ces lieux secrets.
On trouve des gravures sur pierre dans tout le Pacifique, depuis la Nouvelle-Guinée,
dans les îles du détroit de Torres, à l’est des Fidji, aux Tonga et jusqu’à l’île de Pâques.
Dans certains endroits, ces œuvres sont situées dans l’intérieur des terres, alors
Fragment d’obsidienne
découvert sur l’île de Aore en
2002. Les habitants de Aore
ont probablement échangé cette
pierre d’obsidienne dans une île
de Nouvelle-Guinée. Elle était
peut-être utilisée comme couteau
à cause de son bord tranchant.
Photo Jean Christophe Galipaud.
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Gravures : dessins ou tracés
sur roche
Site : endroit particulier
(archéologique, ici)
Sup erp osées : empilées les
unes sur les autres
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
qu’ailleurs elles sont près des rivages. Les archéologues se sont longuement penchés
sur ces réalisations que l’on découvre dans de nombreuses îles. Ils ont élaboré des
théories sur l’émergence de cet art et la manière dont il est exécuté. Ils l’étudient pour
tenter de comprendre le mode de vie des premiers hommes. Que veulent dire ces
dessins et pourquoi nos ancêtres les ont-ils faits ?
Au Vanuatu, on trouve des gravures sur pierre en de nombreux endroits. Essayez
d’aller visiter un site proche de votre école. Demandez aux gens qui vivent dans le
voisinage s’il en existe un que votre classe pourrait venir étudier.
Certains des plus anciens tracés sont faits dans la pierre. En les examinant de près,
les archéologues pensent que les artistes maîtrisaient différentes techniques pour
entailler la roche. Pour les tracés très creux, en forme de « U », il est probable que
l’artiste ait piqueté le rocher avec un objet coupant et ensuite poli la surface pour finir les
rainures. Les moins profonds, en forme de « V », étaient taillés dans la même la roche.
Quel genre d’outils tranchants les graveurs ont-ils utilisé pour les réaliser ?
Certains de ces tracés ressemblent à ceux qui ornent les poteries Lapita. Par
conséquent, il est possible que les plus anciens datent de la même époque que les
premiers habitants du Vanuatu. Ce qui signifierait que certains d’entre eux datent
de près de trois mille ans ! Un autre indice intéressant est le fait que les gravures
sur pierre se trouvent dans des grottes proches de sites qui auraient pu intéresser le
peuple Lapita, par exemple au nord de Mallicolo. Comme nous l’avons déjà vu, les
communautés Lapita ont souvent choisi de s’installer dans des baies protégées ou des
ports naturels qui abritaient des rivières et des sources d’eau douce. Et souvent, les
gravures ont été découvertes près de ces endroits-là.
Les archéologues pensent que les premiers dessins réalisés dans nos îles ont été
tracés avec des pigments de couleur rouge. Grâce aux méthodes de datation, les
chercheurs estiment que ces premiers tracés ont été réalisés pendant les premières
centaines d’années de la colonisation de l’archipel. Les pigments rouges sont rares. Les
motifs ont probablement été colorés avec de l’argile rouge et différentes racines utilisées
pour faire une sorte de teinture avec laquelle ils enrichissaient leurs œuvres. Les gens du
nord-ouest de Mallicolo disent que les dessins rouges sont exécutés avec des plantes,
comme, par exemple, le suc qui se trouve autour des graines du fruit du nawal.
Diverses méthodes sont mises en pratique pour déterminer l’âge des pochoirs. L’une
d’entre elles, la datation au carbone 14, consiste à mesurer la quantité de C-14 existant
dans la teinture. Plus le taux de C-14 est haut, plus le tracé est récent. La datation
au carbone 14 ne fonctionne que pour les pochoirs et les peintures, pas pour les
sculptures. Pourquoi ?
Une autre technique repose sur l’étude des couches de peinture. Superposer deux
images veut dire les placer l’une au-dessus de l’autre. En conséquence, une des méthodes
de datation consiste en l’étude des diverses couches. Les artistes dessinent souvent leurs
œuvres par-dessus celles qui sont plus anciennes. En étudiant ces strates, nous pouvons
déterminer dans quel ordre elles ont été réalisées. Partant de là nous pouvons faire des
hypothèses sur l’âge des différents dessins les uns par rapport aux autres. Il est difficile
de dater les gravures sur pierre. Par exemple, si une sculpture est peinte (peinture ajoutée
à la gravure), est-ce que ce pigment date de l’époque de la réalisation ou bien a-t-il été
ajouté des centaines d’années plus tard par-dessus ? Dans des cas comme celui-là, il est
ardu de déterminer dans quel ordre les œuvres ont été créées.
L’étude des couches superposées donne à penser que les mains noires réalisées
au pochoir ainsi que d’autres représentations de teinte noire ont été tracées après
que les artistes ont arrêté d’utiliser la couleur rouge. On peut raisonner ainsi dans la
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Le peuplement de l’archipel
77
mesure où les dessins rouges sont toujours situés au-dessous des autres dessins. Un
des plus anciens pochoirs représentant des mains noires se trouve dans la grotte de
Yalo au nord-ouest de Mallicolo. Il a été réalisé près de mille ans après le début de la
colonisation de cette région. De nombreux dessins sont colorés de noir.
Il y a environ mille ans, l’art sur pierre a commencé à évoluer. Il existe maintes
hypothèses à ce sujet. Peut-être est-ce dû à des échanges plus fréquents avec les îles
voisines, ce qui a donné aux artistes de nouvelles idées créatives. Une autre supposition
serait que les gens aient commencé de développer un art propre à leur île. Ce qui revient
à dire que chaque région aurait entrepris d’améliorer son propre style, distinct de celui
des régions voisines. En étudiant les différents dessins dissimulés dans les grottes et
les abris, on peut facilement en venir à cette conclusion.
Nous savons que la production de pochoirs sur pierre a continué après l’arrivée des
premiers Européens, car certains sujets traités sont des représentations du monde
moderne. Cependant, il n’est pas prouvé que la venue des Européens ait provoqué
l’émergence de nouveaux motifs.
« Tufala Kev Blong Devil » : les grottes de Yalo et Apialo nord-ouest Mallicolo
L’extrait suivant est tiré de « Tufala Kev Blong Devil : People and spirits in North West
Mallicolo, Vanuatu—implications for management » par Meredith Wilson, Jimmyson
Sanhambath, Pita Dan Semembe, Bruno David, Nicholas Hall et Marcellin Abong
(2000). Commentaire sur les grottes de Yalo et Apialo et leurs gravures.
Yalo et Apialo ont la même signification dans deux langues différentes : l’endroit des esprits.
Yalo est situé sur les terres du chef Pita Dan Semembe près du village de Wonbrav, dans
la région de Tenmiel. Apialo se trouve à environ dix kilomètres de marche vers le sud, en
suivant la route côtière, entre les villages de Lekhan et Benenavet. Yalo est sur le territoire des
Small Nambas, et Apialo sur celui des Big Nambas… Les Small Nambas sont constitués de
plusieurs groupes qui ont chacun des organisations sociopolitiques et des langues distinctes.
Ils occupent un territoire qui commence juste au nord de la rivière Malua et qui s’étend au
nord et l’est vers la côte et vers le sud dans les terres et le long du rivage. Le territoire des Big
Art sur pierre, Velemendiv,
Erromango (Wilson 2002).
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Révérés : vénérés, faisant
l’objet d’un culte religieux
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Nambas se situe au sud-ouest de la pointe nord de Mallicolo et leur tribu forme un groupe
linguistique différent.
Une des caractéristiques coutumières qui relie les Small et les Big Nambas sont leurs
« grottes du diable » (Yalo et Apialo) qui font partie de la vie sociale et spirituelle des deux
clans de manière étonnamment similaire. Pour les deux sociétés, en conflit dans le passé et
culturellement différentes, la signification et l’importance des cavernes sont des points sur
lesquels leurs divergences tendent à disparaître. Ces grottes sont au centre de la vie et de la
mort. On pense localement qu’elles sont connectées l’une à l’autre.
La valeur culturelle de Yalo et Apialo s’étend loin au-delà du cadre social et
environnemental immédiat. Les grottes sont reliées à des personnes et des endroits éloignés
de la petite région côtière où elles sont situées. Elles sont des centres, des noyaux, d’où
partent des chemins vers d’autres lieux importants. Yalo et Apialo sont révérés et craints et
reposent au cœur de l’existence spirituelle de nombreuses communautés.
Le monde des esprits et les deux grottes
Lorsqu’un Small Nambas meurt, son esprit quitte son corps et voyage vers Yalo. L’esprit
peut pénétrer dans la grotte par deux endroits différents : par l’entrée réservée aux esprits
ou par le tronc d’un arbre qui pousse au fond de la caverne principale, dans la pénombre.
La nature du décès de chacun influence le choix du chemin par lequel son esprit va pouvoir
aller dans la grotte. Si c’est une mort naturelle, de vieillesse, l’esprit entrera par l’entrée
principale. Alors que si c’est une mort violente (un assassinat), l’esprit passera par le plafond
de la grotte puis par l’arbre. On dit qu’après une mort violente, on peut voir du sang couler
le long du tronc. Le même genre de chose arrive à Apialo, l’esprit d’une personne victime
d’une mort violente se glissera à travers le toit de la grotte, alors que l’esprit de celui qui
meurt naturellement pénètrera par l’entrée principale. On raconte sur les deux sites que
les esprits qui passent à travers le toit ne doivent emprunter que ce passage pour entrer et
sortir. De même que ceux qui passent par l’entrée principale peuvent prendre uniquement
ce passage-là. Cette distinction entre mort violente et mort naturelle se trouve dans d’autres
régions de Mallicolo.
À Yalo, tout au fond de la sombre chambre du sud, existe une surface plane. Sur cette
roche plate est assis le guetteur de Yalo : un homme esprit. Quand quelqu’un meurt, le
veilleur est prévenu qu’un esprit arrive dans la grotte lorsqu’un rayon de lumière filtre dans
cette chambre retirée. Le gardien accueille l’esprit et le dépose dans un creux de la roche. La
notion de gardien ou guetteur des portes du pays de la mort se retrouve dans de nombreuses
autres régions de Mallicolo. Bernard Deacon raconte que dans le sud-ouest de l’île, il existe
un gardien qui demande aux esprits souhaitant pénétrer dans la terre des morts de finir un
dessin sur sable qu’il aurait tracé sur le sable et ensuite à demi effacé. Si l’esprit n’est pas
capable de l’achever (alors qu’il aurait dû apprendre à le faire dans le monde vivant), il ne
peut pas entrer dans la grotte et l’esprit le dévore. Une gravure sur pierre ressemblant à un
dessin sur sable est visible sur une des parois de la grotte de Yalo.
Selon les communautés locales, les gravures sur pierre sont le fait des esprits. On
suppose que les visages, les tracés les plus importants, puissent être des autoportraits.
Yalo a gardé son importance de nos jours, car c’est un endroit encore utilisé par les gardiens
de la caverne et d’autres personnes pour prier, y trouver des réponses, accéder à des pouvoirs,
passer des épreuves et payer leur tribut aux esprits. Le chef Pita Dan précise qu’il est permis de
parler de certaines choses, mais pas d’autres. Les gens se déplacent de fort loin, spécialement
pour découvrir les empreintes de pas et les dessins de mains de leurs ancêtres. On raconte que
l’on peut voir des traces de pieds au fond de la grotte, là où les esprits ont dansé. Si on efface
ces empreintes et qu’on quitte la grotte, au retour, on les retrouvera sur le sol.
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Le peuplement de l’archipel
79
Les gens viennent aussi pour savoir si leur prochain enfant sera une fille ou un garçon en
jetant une pierre divinatoire. L’endroit où les petits cailloux retombent, sur ou sous le rebord,
permet de le déterminer. La pierre doit être lancée de la main gauche, si elle atterrit sur la
corniche et y reste, ce sera un garçon. Si elle arrive en bas, ce sera une fille. Les milliers de
pierres que l’on peut voir de nos jours ont été jetées là par les gens au cours des temps.
Pour aller plus loin
1. Certaines gravures sur pierre ressemblent aux dessins trouvés sur les poteries
Lapita en Mélanésie. Qu’est-ce que cela signifie ?
2. Les dessins suivants ont été découverts à Maewo. Ces dessins sont-ils très
anciens ou récents ? Justifiez votre réponse.
Fragment de poterie Lapita
découvert sur le site de
Téouma, juillet 2004 (photo
Stuart Bedford). Comparez
le visage gravé, le nez et les
yeux, avec ceux visibles sur
d’autres gravures sur pierre.
3. Vous visitez une grotte avec des gens du village voisin. Vous découvrez une
gravure semblable à un visage, une main noire au pochoir et un dessin rouge en
forme de poisson. En utilisant la méthode de superposition, déterminez laquelle
de ces œuvres est la plus ancienne. Laquelle est la plus récente? Justifiez vos
réponses.
Expression écrite
Supposons que l’art de la gravure sur pierre soit encore pratiqué aujourd’hui et que
votre communauté vous demande d’en exécuter une. Quel emplacement choisiriezvous pour la faire ? Que dessineriez-vous ? Que voudriez-vous transmettre par votre
dessin ? Quels matériaux utiliseriez-vous pour réaliser votre œuvre ?
Visages gravés portant nez
et yeux, Apialo, nord-ouest
Mallicolo. Cette photo est un
exemple du style de dessins que
l’on retrouve sur les fragments de
poterie Lapita de Téouma. Juillet
2004 (voir photo au dessous).
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80
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Activité de discussion
Sur certains sites, les gravures sur pierre sont inaccessibles, hors d’atteinte. Les
dessins sont au plafond, haut sur les côtés ou sur des rochers. Pourquoi les artistes
ont-ils exécuté leurs uvres dans des endroits hors de portée ?
Wilson (2002).
Au cours du temps, les villages étaient de plus en plus nombreux le long des côtes des
îles du Vanuatu. Les artistes gravaient et dessinaient dans les grottes proches. Ils plantaient, pêchaient et prenaient soin de leurs animaux. Ils continuaient à faire des poteries, certaines lisses, d’autres décorées de dessins compliqués avant d’être passées au
feu pour les solidifier. Parfois, ils utilisaient des outils spéciaux pour tracer ces dessins.
Les pots les plus travaillés servaient probablement lors des cérémonies, pour garder des
objets particuliers ou encore pour être échangés avec les communautés voisines.
Cupule gravée, grotte de
Yalo, nord-ouest Mallicolo
(Wilson 2002, p 11).
Plus en détail– la poterie Lapita
L’extrait ci-dessous est une description de poterie Lapita par Patrick Kirch tiré de « The
Lapita Ceramic Series » dans « On the Road of the Winds » (2000).
Collectio n : groupe,
ensemble
Rub riq ue : section
Rep ousser l a g l ai s e :
technique de façonnage de l’argile
pour réaliser des poteries
Palette : outil spécial, plat,
servant à façonner l’argile
HBYV_Volume_1.indb 80
…Les collections de poteries Lapita ne sont pas identiques à travers les temps et l’on
distingue des différences dans les méthodes de fabrication, dans les formes et surtout dans
les décorations…Il y existe une certaine norme commune aux poteries Lapita, que l’on peut
regrouper sous la rubrique : Collection de Poteries Lapita.
La poterie Lapita est réalisée à la main, sans tour et cuite au four. Les artisans utilisent
souvent la technique qui consiste à repousser la glaise depuis une base pour lever finement
les bords du pot à l’aide d’un bâton repoussoir et ensuite lissés à la palette. L’argile est
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Le peuplement de l’archipel
81
Forme de poterie datant du
début de l’époque Lapita,
Nouvelle-Calédonie (Kirch
1997 : 103, Christophe Sand).
mélangée avec du sable de plage ou de rivière pour la rendre plus solide. On n’a pas retrouvé
de four et l’on suppose que les pots étaient mis à sécher sur des feux de feuilles de cocotier,
à ciel ouvert, comme cela se fait encore dans certaines sociétés océaniennes. Avec cette
méthode, les foyers ne sont pas très chauds (environ 600 à 700 °C) et souvent l’intérieur
n’est pas complètement cuit, ce qui est révélé par la teinte intérieure, brune, de l’argile pas
cuite, alors que l’extérieur est en général d’un ton brun rouge.
Les artisans Lapita maîtrisaient plusieurs techniques pour décorer la surface de leurs bols.
Le plus souvent, on utilisait des tampons portant des séries de dents pour des décorations
en « indentation ». On n’a retrouvé aucun de ces sceaux lors des fouilles archéologiques et
l’on suppose qu’ils pouvaient être faits de bois, de bambou ou encore d’écaille de tortue. En
plus des tampons dentés, les potiers incisaient finement l’argile à l’aide d’un outil pointu, et
ils pouvaient aussi modeler et sculpter la surface des pots.
Que signifiaient ces visages humains gravés pour le peuple Lapita ?
Peut-être était-ce une représentation des anciens, les pots étant utilisés pour les rites ou le
culte des ancêtres, en plus d’être des objets d’échange avec les communautés voisines.
Il est possible que les poteries décorées représentent effectivement des ancêtres et que
la gravure des pots ait la même signification que le tatouage des hommes. Nous savons
que le peuple Lapita pratiquait le tatouage, car des outils de tatouage ont été retrouvés sur
certains sites, dont des peignes faits de fines rangées de dents, probablement les mêmes qui
servaient à ciseler l’argile des pots (Kirch 2000 : 101-102.).
Questions de compréhension
Les phrases ci-dessous contiennent des erreurs… Trouvez les informations
correctes dans le texte pour les corriger, puis réécrivez-les correctement.
1. Tous les pots Lapita sont identiques.
2. « Indentation » ce mot signifie la méthode de cuisson des pots.
3. Les pots Lapita sont faits au tour et cuits dans des fours.
4. Les pots Lapita n’étaient pas destinés aux échanges coutumiers avec les autres
communautés.
5. La cuisson était très lente.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
La poterie Lapita au Vanuatu
Au Vanuatu, des vestiges de la culture Lapita ont été découverts sur les îles de Malo,
Aore, Tutuba, Mallicolo (Malua Bay), Vao, Uripiv, Wala, Atchin, Efate et Erromango.
Il est probable qu’on puisse retrouver des traces de ces groupes Lapita sur toutes les
îles, mais la difficulté de trouver des fragments de poterie lors de fouilles archéologiques complique les recherches et la reconstitution de l’itinéraire des groupes Lapita
dans leur migration à travers le Pacifique.
Au début de ce chapitre, nous avons pris la mesure de l’apport de l’archéologie à la
connaissance de l’histoire du Vanuatu. Ci-dessous, nous allons voir comment les gens
des îles cherchent des indices de notre passé.
Plus en détail– le programme d’étude du patrimoine culturel
L’extrait suivant a été tiré d’un rapport publié en 2003 sur les résultats du « Cultural
Heritage Training Program ». Ce programme (2001 à 2003) a été conçu pour former des
gens dans différentes branches de la gestion de l’héritage culturel. Les chercheurs de
terrain du Centre Culturel et des villageois ont été formés à la pratique de l’archéologie
et aux techniques visant à l’identification et l’enregistrement des divers sites culturels et
archéologiques. Ce projet a été initié par la Fondation japonaise pour la Paix, Sasakawa.
De nombreux archéologues, l’équipe du Centre Culturel du Vanuatu, les chercheurs de
terrain et des villageois ont participé à cette recherche.
Le programme a débuté en 2001 dans les îles de Wala et Uripiv, pour se poursuivre
en 2002 sur divers îlots de la côte nord-est de Mallicolo (Uripiv, Uri, Atchin et Vao), et
s’achever à Vao, Uripiv et l’archipel des Maskelyne au sud de Mallicolo.
Ci-dessous, lisez les travaux de l’équipe sur l’île de Vao en septembre et octobre 2002.
Un petit groupe est venu visiter Vao pendant 6 jours. La rencontre a été très enrichissante
pour tous et les gens de Vao avaient très envie de participer aux ateliers menés par les
visiteurs. Une rapide exploration de l’île a été suivie par quelques fouilles (5 carrés de fouille
de 1m de côté ont été ouverts) sur une terrasse sablonneuse dans la région de Kowu, une
fois encore sur la côte sud-ouest, le rivage protégé de l’île. L’équipe disposait de peu de
temps pour effectuer ces fouilles, mais le peu de relevés réalisés ont permis de mettre à jour
des dépôts archéologiques très profonds, à plus de deux mètres de profondeur, une preuve
de plus de l’établissement du peuple Lapita. Les vestiges découverts sont très bien préservés,
car le premier campement était situé en haut d’une plage de sable doux.
Toutes sortes d’os et de coquillages ont été exhumés : écailles de tortue, ossements de
chien, cochon, poulet, rat. Des outils du style herminette de pierre et de coquillage ont été
trouvés. De nombreux fragments de coquille troca étaient disséminés, débris du travail des
artisans qui fabriquaient des bagues et des anneaux.
Les recherches de 2001 et 2002 confirment que Uripiv, Wala, Atchin et Vao, tout comme
le reste de Mallicolo ont été occupées il y a environ 3 000 ans lorsque les populations ont
migré depuis les Bismarck vers l’est, à travers les îles Salomon, vers les Santa Cruz, les
Banks puis Santo, Malo et Mallicolo. Les études des archéologues établissent que des gens
du même groupe culturel, le peuple Lapita, se sont déplacés vers la Nouvelle-Calédonie, les
Fidji, les Tonga et les Samoa. Les autres endroits du Vanuatu où des traces de ce peuple ont
été découvertes sont Malo, Aore, Tutuba, Mallicolo (Malua Bay), Efate et Erromango.
Les matériaux de fouille découverts lors de l’atelier comprennent aussi des fragments de
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Le peuplement de l’archipel
83
Fragments de poterie Lapita
découverts à Téouma, 2004.
Photo Stuart Bedford.
poterie plus récents, des outils (herminette) et des anneaux de coquillage. De nombreux os
de cochon étaient visibles à tous les niveaux de l’excavation, ce qui prouve leur importance
depuis longtemps dans la société de Mallicolo. Le style des bagues ou bracelets de troca
retrouvés sur le site montre que cette forme de bijou a très peu évolué depuis les premiers
hommes jusqu’à une date récente. Nombreux sont ceux qui, sur les îles, se souviennent de
voir les vieilles personnes porter ces anneaux de coquillage aux bras.
Une des caractéristiques de ces différents sites du nord-est de Mallicolo est leur
étonnante préservation, surtout sur Uripiv et Vao où ils ont été enterrés sous des cendres
volcaniques (probablement les scories de l’énorme éruption d’Ambrym il y a environ 2 000
ans) et sous les sables apportés par les cyclones.
Pour aller plus loin
1. Pourquoi l’étude archéologique de nos îles est-elle importante ?
2. Pourquoi les archéologues ont-ils décidé de faire des fouilles sur les petites îles
de Mallicolo ?
Activité de discussion
Aimeriez-vous participer à une campagne de fouilles archéologiques ? Justifiez
votre réponse.
Plus en détail– la poterie contemporaine
L’extrait ci-dessous est tiré d’un article titré : « Poterie et potiers du Vanuatu », écrit
par Jean Christophe Galipaud. Cet article a été publié dans « Arts of Vanuatu » (1996 :
94-99). Galipaud a effectué de nombreuses recherches archéologiques au Vanuatu,
essentiellement dans les îles du nord. Dans ce texte, l’archéologue se penche sur l’art
de la poterie, encore existant de nos jours dans quelques régions de Santo.
Sauf en Nouvelle-Guinée, peu de groupes produisirent des poteries après leur premier
contact avec les hommes blancs. Cette coutume persiste sur la côte occidentale de Santo, à
HBYV_Volume_1.indb 83
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84
1 Félix Speiser : anthropologue
suisse qui étudia les différentes
cultures du Vanuatu de 1910
à 1912. Nous verrons ses
travaux plus en détail dans
« Caractéristiques d’une
société traditionnelle ».
Extrémité : bout, ouverture,
bordure
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Choiseul dans les îles Salomon et dans quelques vallées fidjiennes…
Speiser,1 au début du siècle, mentionna deux communautés où l’on pratiquait la poterie :
Wusi et Pespia. Une seule des deux existe encore de nos jours : Wusi. C’est un village côtier
qui semble avoir été abandonné peu après le passage de Speiser, puis réoccupé plus tard par
des clans de la côte ouest qui firent renaître la tradition.
Au moment de la visite de Speiser, deux procédés de fabrication de poteries étaient en
usage à Wusi et Pespia.
À Pespia, on utilisait un long boudin d’argile enroulé et fixé à l’extrémité d’un cylindre
de bambou, d’environ 12cm de long. D’autres étaient ensuite rajoutés, l’un après l’autre,
jusqu’à former le ventre du pot. Pendant ce travail, l’artisan faisait rouler le bambou entre
ses jambes, de la même manière que le tour d’un potier. La base, un rond de glaise, était
finalement collée au reste de l’argile avant d’enlever le bol complet de son support de
bambou. Les pots réalisés de cette manière présentaient une forme conique.
Expression écrite
Faites un dessin de cette jarre découverte à Pespia, à Santo. Basez-vous sur la
description du texte. Écrivez un paragraphe pour accompagner votre dessin.
Poterie de Wusi, ouest Santo,
(Bonnemaison et coll. 1996 : 98).
Gla i s e : argile
Réactif : qui fait réagir
chimiquement
HBYV_Volume_1.indb 84
À Wusi, les bols sont modelés en travaillant une boule de glaise de la taille du poing. La
boule est creusée et ensuite moulée sur le genou de l’artisan, formant ainsi l’ébauche du pot.
Les parois sont montées à l’aide d’un battoir et d’une enclume, autrement dit, en tapotant
doucement les cotés d’une manière régulière vers le haut avec une palette de bambou ou de
bois, tout en maintenant l’intérieur avec une pierre plate ou la main. Lorsque le pot est formé,
le potier évase l’embouchure en le faisant tourner et en lissant le bord entre ses doigts.
Les pots de Wusi sont de petite taille, de 14 à 28 centimètres de diamètre pour 12 à 18 cm
de haut. Après les avoir laissés à l’ombre pendant quelque temps, ils sont ornés de motifs
appliqués ou incisés avant d’être recouverts d’engobe, une terre argileuse riche en métaux
ferreux. Cette glaise ferrugineuse est introuvable à Wusi et vient d’une vallée de l’intérieur de
l’île où elle est troquée contre ces mêmes pots qu’elle va servir à enduire. Après avoir séché
encore un peu, les poteries sont cuites au feu.
La cuisson, dernier stade décisif de la réalisation, est effectuée avec une attention toute
spéciale. Tout est fait pour éviter que l’argile ne se fende à la chaleur. La protection d’herbes
magiques est nécessaire au bon déroulement de la finition. C’est l’étape la plus délicate de
l’opération. En Mélanésie, de nombreux facteurs sont mis en jeu lors de la fabrication et
la cuisson des poteries, sur lequel l’artisan n’a aucune emprise, mais qui sont néanmoins
responsables du succès de l’entreprise. Ces facteurs sont : le choix de l’argile et du bois
pour le four, l’épaisseur du pot, le taux d’humidité au moment de la cuisson et bien entendu
la température du feu et la durée de la cuisson. Les potiers prennent d’innombrables
précautions, en s’appuyant sur le savoir ancestral et l’expérience. Ainsi, à Wusi, l’engobe
et l’argile sont mélangés à de l’eau de mer. Le sel agit comme un réactif qui provoque le
mélange des deux à basse température.
Le foyer est aussi préparé avec soin. Le feu doit être fait en deux étapes. Tout d’abord,
un petit brasier est préparé sur une plate-forme de galets de rivière. Lorsque les pierres sont
chaudes, les braises sont dispersées et les pots disposés à l’envers sur les cailloux.
Le préchauffage du four permet de réduire les risques d’une mauvaise chauffe à la base du
foyer. On utilise des palmes sèches de cocotier et des éclats de bambou. Ils sont empilés par-
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Le peuplement de l’archipel
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Potière de Wusi
(Bonnemaison 1996 : 98).
dessus les pots et maintenus dressés autour des braises. La cuisson se fait à l’aube, quand
personne ne risque de déranger le potier et pour éviter que quiconque n’attise le feu, ce qui
ferait monter la température trop vite. La chauffe est rapide et la chaleur forte. Pendant que
la cuisson se fait, l’artisan prépare une autre plateforme de pierre proche de la première et
dès que les flammes faiblissent, il dépose les pots sur cette nouvelle plateforme. Là, on les
arrose d’eau de mer dans laquelle on a râpé de l’arrow-root, ceci dans le but de les rendre plus
étanches.
Ces différentes techniques décrites par de nombreux chercheurs ne sont pas spécifiques
de Santo. Elles étaient pratiquement identiques en Nouvelle-Calédonie avant l’arrivée des
Européens, et sont encore utilisées en Nouvelle-Guinée.
Questions de compréhension
1. Que veut dire « la cuisson » des poteries ?
2. Où les gens de Wusi trouvent-ils la glaise qui recouvre les poteries ?
3. Pourquoi les potiers de Wusi mêlent-ils l’argile avec de l’eau salée ?
4. Pourquoi préchauffe-t-on le foyer ?
5. Pourquoi les pots sont-ils arrosés d’eau de mer mélangée d’arrow-root râpé
après avoir été cuits ?
Diversités culturelles
La vie des Lapita était faite de nomadisme et d’adaptation. Environ deux ou trois cents
ans après leur arrivée sur l’archipel, les changements dans le mode de vie du peuple
Lapita commencent à être remarquables. Ils créent de nouveaux modèles de poteries
et abandonnent la forme traditionnelle. Après les premières décorations dentées imprimées dans la glaise, on voit apparaître des ciselures et des tracés dessinés directement
sur l’argile à l’aide de fins outils. Ensuite, les habitants d’Efate apprirent à faire des pots
d’un autre genre que celui des Banks, et les gens d’Erromango inventèrent leur propre
style eux aussi. Chaque région entreprit de produire des poteries différentes. C’était le
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
début de la diversification et les différences culturelles se creusèrent. Ce phénomène
est visible au niveau de l’artisanat, mais aussi dans maints aspects de la vie quotidienne.
Nous devons tenir compte des changements dans les styles de poteries et les dessins
qui les ornent pour mieux comprendre les grands bouleversements qui en ont résulté.
Erromango
Efate
Groupe des
Shepherd
Mallicolo
Malo
Ans BP
(before
present)
Iles Banks
Plus en détail– l’évolution de la poterie au Vanuatu
0
Naamboi
200
?
800
Céramique
600
Céramique
Chachara
400
Début
Mangaasi
(+Aknau)
Début
Mangaasi
Récent
Mangaasi
Récent
Mangaasi
Début Erueti
?
Début Erueti
?
1000
1400
Aceramic
1200
1600
?
1800
2000
Début Ifo
Legende
? : Époque incertaine, les
poteries sont de l’époque
Lapita, mais n’ont pas été
formellement identifiées.
= circa date
Différents styles de poterie
à travers les siècles au
Vanuatu (Bedford 2000 :
Appendice, Fig. 7.16).
HBYV_Volume_1.indb 86
2200
?
2400
Récent Ifo
?
2600
Malua
Récent
Erueti ?
Récent
Erueti
Lapita ?
Lapita ?
Lapita/
Arapus
Ponamla
2800
Lapita ?
Lapita
Lapita
3000
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Le peuplement de l’archipel
87
Le tableau ci-dessus montre les différentes sortes de poteries au Vanuatu. Il est
important de remarquer qu’au cours des découvertes, nous avons recueilli de plus en
plus d’informations. Les indications sont issues de recherches faites avant l’an 2000.
Étudiez-les et répondez aux questions suivantes :
1. Quelles indications sont portées sur la gauche du tableau ? Que signifie « B.P. »
en anglais ? Formulez cette abréviation en français.
2. Quelles informations sont données en haut ? Que représente chaque colonne ?
3. Regardez les noms cités dans le tableau. Ce sont les noms des différents styles
de poteries qui ont été découverts à travers les îles. Quel est le plus ancien type
de poterie ? De quand date-t-il ?
4. Étudiez les notes en bas. Que signifient les points d’interrogation ?
5. Quelle sorte de fragments de poteries ont été retrouvés à Erromango, qui datent
d’environ 2 000 à 2 400 ans ?
6. Dans quelles îles trouve-t-on des poteries semblables à travers les temps ?
Expliquez pourquoi les poteries sont similaires dans ces îles.
7. Si l’on se réfère aux légendes du tableau, les lignes sinueuses qui apparaissent
sur le tableau veulent dire « aux alentours de… », d’après vous que signifie « aux
alentours de… »?
Décorations de poteries Naamboi
relevées par John Layard, 1928.
Poterie Naamboi
Trouvez Naamboi sur le tableau. Sur quelle île faisait-on de la poterie Naamboi ?
Pendant environ combien de temps ce style a-t-il été produit ?
L’extrait suivant est une description de poterie Naamboi, qui n’a été retrouvée, à ce jour,
que sur Mallicolo. Ces céramiques font partie de la dernière phase de production de
poteries de Mallicolo.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les poteries Naamboi sont en général de forme cylindrique avec une base conique, d’où
le terme générique de pots « balles ». On en a trouvé des petits et des grands modèles
richement gravés. La forme de balle apparaît clairement dans le dessin des premiers pots
décorés de forme conique (céramique Chachara) découverts tout autour de Mallicolo.
Les côtés et la base des pots Naamboi sont d’une épaisseur beaucoup plus importante que
les poteries plus anciennes. Leur taille et leur forme encombrantes les rendent difficiles à
utiliser pour cuisiner. Et l’absence de traces de nourriture sur les parois intérieures ou de suie
à l’extérieur de ces pots conforte cette théorie (Bedford 2001).
Questions de compréhension
1. Pourquoi dit-on que la poterie Naamboi est en forme de « balle » ?
2. Après quel genre de poterie la poterie Naamboi s’est-elle développée ?
3. Quelles observations permettent d’affirmer que ces poteries n’étaient pas
utilisées pour la cuisine ?
Pour de plus amples informations sur les poteries et pour les identifier, voir la Table
d’Identification de Poteries dans l’appendice.
Dans son livre, « The Island Melanesians » (1997 : 185), Matthew Spriggs décrit la diversité culturelle du peuple Lapita :
Homogèn e : uniforme
Timides : dans ce contexte,
signifie peu d’échanges
Myriade : multitude
La culture Lapita n’a jamais été homogène et n’a pas influencé directement toutes les populations de la région. L’influence de ce peuple se retrouve surtout dans les moyens de subsistance employés et dans l’introduction de nouvelles technologies telles que la fabrication
de céramiques. Il y a environ 2 000 à 2 500 ans, les coutumes étaient semblables à travers
toute la région, avec des poteries produites depuis Manus jusqu’en Nouvelle-Calédonie et de
grandes similitudes dans les objets d’usage courant utilisés d’un bout à l’autre de la zone. Des
échanges de plus en plus nombreux, mais encore timides ont contribué à unifier les styles.
Cette unité culturelle toute relative a subi des modifications importantes au fur et à mesure que les transactions se faisaient plus régulières. La production de céramiques a ralenti
jusqu’à disparaître dans de nombreuses régions car les potiers ne troquaient plus leurs travaux avec leurs pairs, et une dérive stylistique en a résulté. Les communautés durent affronter des bouleversements sociaux et environnementaux (en tenant compte des conséquences
inattendues issues de leurs propres actions sur leur environnement). Des histoires locales,
d’autres formes d’organisation sociale et de nouvelles croyances furent conçues. Les langues
ayant une tendance naturelle à évoluer, cette chaîne linguistique parlée depuis les Bismarck
jusqu’en Nouvelle-Calédonie, s’est transformée en une multitude de langues, une myriade
de différentes manières de décrire le monde. La célèbre diversité culturelle de cette région
est la conséquence de 2 000 ans d’évolution.
Autrement dit, la culture Lapita n’a jamais été uniforme. Cependant, les liens entre les
îles sont visibles à travers le dessin des poteries et les autres vestiges du passé. L’aspect
des céramiques a commencé à changer et les différentes communautés ont, soit totale-
HBYV_Volume_1.indb 88
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Le peuplement de l’archipel
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ment cessé de produire des poteries, soit trouvé leur propre style. Les échanges ont affecté la vie des gens. Et comme nous l’avons déjà vu dans notre étude de la linguistique,
des dialectes qui faisaient partie de la même famille austronésienne sont devenus des
langues à part entière.
Bien entendu, ceci ne veut pas dire que l’émergence de coutumes et de pratiques
dans une communauté la coupe du reste du monde. Les périodes d’isolement étaient
suivies de périodes d’interaction entre les diverses tribus. Nous avons des preuves des
transactions entre les peuples de Tanna et Anatom et les gens des Loyautés plus au
sud. Des chroniques orales relatent ces échanges. Des colliers de serpentine venant de
Nouvelle-Calédonie ont été découverts à Tanna. D’autres indices ont été retrouvés qui témoignent des relations existant entre les îles Banks et Tikopia, une île située au sud-est
des Salomon.
Influences orientales : traces des
cultures polynésiennes
Il y a 1 200 ans, ou 750 à 400 ans selon d’autres hypothèses, une autre vague de migration marqua les cultures et coutumes de notre archipel. Au lieu d’arriver du nord,
comme la plupart des migrations, cette fois, les nomades arrivèrent de l’est. Des gens en
pirogues venus d’aussi loin que de Polynésie naviguèrent cap à l’ouest vers le Vanuatu,
la Nouvelle-Calédonie, les îles Salomon, les îles Bismarck et jusqu’à certaines îles de
Micronésie. Là où ils accostèrent, les cultures mélanésiennes et polynésiennes se rapprochèrent, influençant énormément les aspects culturels et sociaux de la vie des îliens.
Quelles sont les traces de cette influence dans ces îles considérées comme des îles marginales (outliers) de la Polynésie ?
Tout d’abord, nous pouvons nous envisager les preuves linguistiques. Les habitants
de Futuna et Aniwa parlent des langues d’origines polynésiennes. Il est admis que les
gens de Futuna et Aniwa parlaient l’austronésien, mais que cette langue fut plus tard
dominée par les influences polynésiennes lorsque de nouveaux migrants arrivèrent
dans les îles. Ces langues de famille polynésienne existent aussi à Ifira, au village de
Mele et sur Emae.
Les preuves archéologiques corroborent cette théorie de l’empreinte d’une migration
plus tardive venue de l’est vers la Mélanésie. Des fouilles ont mis à jour des cimetières
évoquant des coutumes funéraires similaires à ceux de Polynésie, comme la tombe du
chef Roimata sur l’île de Eretoka à l’ouest d’Efate. Sur ce site, exploré par José Garanger
dans les années 1970, l’influence polynésienne se manifeste dans les ornements composés de perles produites à partir de défenses de cochons et de dents de baleines.
Les anciennes sépultures de l’île d’Anatom montrent aussi des traces de la présence polynésienne. L’utilisation de tissu d’écorce est typique des Polynésiens. Les
décorations des tamtams de Mele et de l’île de Lelepa rappellent les dessins polynésiens
qui ornaient les vêtements de tapa.
Les chroniques orales relatent, elles aussi, cette influence polynésienne. Mauitikitiki
(on trouve diverses orthographes de ce nom), personnage important de la culture orale
polynésienne, est cité dans de nombreuses histoires traditionnelles des îles du sud et
du centre du Vanuatu. Certaines histoires mêlent les cultures orales polynésiennes et
mélanésiennes, autre preuve des imbrications culturelles.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les thèmes polynésiens dans les histoires coutumières
L’histoire traditionnelle ci-dessous, « Mwatiktik et Teramsumas », vient de l’île de
Tanna. Elle a été publiée dans « A grammar of Lenakel » (1978) par John Lynch.
Mwatiktik et Teramsumas
Il était une fois un gros diable qui dévorait tous les habitants de Tanna, son nom était
Teramsumas. Il mangea tous les gens, les cochons et les oiseaux, tout. Il attrapa les hommes
blancs, les enferma et continua à manger des gens. Mais il gardait un œil sur les hommes
blancs pour qu’ils ne s’échappent pas.
Et il y avait un homme appelé Mwatiktik, qui s’approcha de cet enclos et vit les hommes
blancs jouer derrière leur barrière. Il leur dit : « eh, que faites-vous ? »
Ils répondirent : « nous jouons, notre grand-père est allé chercher de la nourriture pour
nous. »
Il leur dit alors : « ah ! Laissez-moi vous dire que vous allez être déçus. Il est en train de
manger tous les hommes noirs et ensuite il va tous vous manger. »
Ils se mirent alors à pleurer : « ah ! Père, comment allons-nous nous échapper ? C’est
difficile ! »
Il prit une hache, détruisit la barrière et ils s’échappèrent. Il les emmena et ils marchèrent
jusqu’à ressentir la faim. Alors, ils ramassèrent des fruits à pain pour les cuisiner et pendant
que le repas cuisait, ils sentirent le vent provoqué par l’arrivée de Teramsumas. « Vite, urinez
sur le feu et éteignez-le ! » Ils firent ce qu’ils purent, mais le feu ne voulait pas s’arrêter.
« Ah, partez ! » dit Mwatiktik, qui urina lui-même et éteint le feu.
Mais Teramsumas était tout proche. Mwatiktik ôta le cœur d’un fruit à pain, ils rentrèrent
dans le fruit et il le referma. Teramsumas arriva, chercha et fouilla partout, mais il n’y avait
plus personne, et il s’en fut. Mwatiktik ouvrit le fruit à pain et ils sortirent. Ils allèrent jusqu’à
un arbre où ils grimpèrent et ils s’installèrent tout en haut.
Teramsumas qui était encore à leur recherche, arriva jusqu’à l’arbre, mais il ne vit personne.
Il dit alors : « Mon dîner est venu ici, mais où est-il allé ? »
À ce moment-là, Mwatiktik, qui était assis au-dessus, agita la tête d’une certaine façon,
il portait une plume tirée de la queue d’un oiseau dans les cheveux. Teramsumas alla vers
l’océan (pour voir d’où venait cette ombre) et se rapprocha de l’arbre. Mwatiktik bougea
de nouveau la tête ornée de sa plume et Teramsumas retourna vers la mer avant de revenir
encore. Mwatiktik lui dit alors : « Eh, nous sommes assis ici, en haut ! »
L’autre répondit : « mes petits-enfants, comment êtes-vous arrivés là ? »
« Nous sommes montés sur le ventre »
Il essaya, mais se blessa le ventre, il dit alors : « vous mentez ! »
Mwatiktik lui répondit : « nous sommes montés sur le dos ! »
Il essaya sur le dos, et se blessa à nouveau. Il répéta : « vous mentez ! »
Mwatiktik dit : « nous sommes montés sur les genoux ! »
Il essaya à genoux, mais il se blessa sur l’écorce. Il répéta : « Hé, vous mentez mes petitsenfants ! »
Mwatiktik lui dit : « tu vois ceci ? Nous sommes montés avec ! » Et il envoya une corde en
bas. Teramsumas l’attrapa et grimpa dans l’arbre jusqu’à arriver près d’eux où il s’accrocha à
une branche.
« Hé, mon dîner, pourquoi êtes-vous partis et venus jusqu’ici ? »
À ce moment-là, Mwatiktik coupa la corde à l’aide d’une hachette, Teramsumas tomba et
se tua. Mwatiktik envoya les oiseaux en bas, l’un d’entre eux courut de la tête jusqu’aux pieds
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Le peuplement de l’archipel
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de Teramsumas et revint. Mwatiktik lui demanda ce qu’il avait vu : « il est mort » répondit
l’oiseau.
Tous les oiseaux s’en allèrent. Alors, il envoya l’oiseau Tikiskisik. Le Tikiskisik fit la navette
au-dessus de Teramsumas et s’en revint. Quand on lui demanda ce qu’il en était, il dit :
« il est mort ! ».
A ce moment-là, il envoya l’oiseau Koiametameta, qui entra dans l’anus de Teramsumas
et ressortit par sa bouche. Il revint et dit : « hé, je suis rentré par son anus et ressorti par sa
bouche ». Et il affirma que c’était vrai.
Alors, ils descendirent tous de l’arbre et Mwatiktik perça le ventre de Teramsumas avec
sa hachette et tous les oiseaux pleurèrent, les gens se lamentèrent et les cochons poussèrent
des cris eux aussi.
Dans le sud, surtout à Futuna et Aniwa, il existe de nombreuses histoires qui parlent
du dieu serpent, Majikjiki. Celle présentée ci-dessous a été transmise de père en fils
et explique comment Majikjiki a positionné les îles du sud. Elle a été contée par Masel
Manua originaire de Aniwa.
Majikjiki, le pêcheur d’îles
Un jour, Majikjiki marchait sur la plage de Aniwa quand soudain une idée lui passa par la
tête. « Pourquoi est-ce que toutes ces îles sont loin les unes des autres ? » se demanda-t-il.
À cette époque-là, les îles étaient très éloignées les unes des autres. Il commença donc à
chercher une solution pour les rapprocher.
Et voici ce qu’il fit. Il prit quatre lianes et les attacha toutes à un morceau de bois qui avait
la forme d’un hameçon. Puis il jeta les quatre lianes vers les quatre îles, Tanna, Anatom,
Futuna et Erromango. Et il les tira depuis Aniwa. Il existe une chanson dans la langue locale
de ces îles qui raconte cette pêche.
Majikjiki tira et tira encore lentement les îles vers Aniwa. Finalement, il fournit un effort
supplémentaire et la corde reliée à Tanna se rompit. Tanna était trop grosse et lourde pour
être rapidement remorquée à travers l’océan. Au moment où la liane se cassa, Majikjiki
tomba à la renverse et atterrit sur le dos avec les bras étendus de chaque côté.
Si vous allez un jour à Aniwa, allez visiter l’endroit où Majikjiki se tenait lorsqu’il tira les
îles à lui. À cet emplacement précis, vous verrez le lieu où il est tombé quand la liane se
rompit et l’envoya s’étaler à terre. Et c’est pour cette raison que les îles du sud qui forment
la province Tafea actuelle sont si proches les unes des autres : elles ont été positionnées par
Majikjiki, notre esprit serpent.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
L’héritage Lapita
Les différents groupes Lapita qui se sont répandus à travers les îles et les archipels de la
Lointaine Océanie sont les primo-arrivants et les fondateurs de communautés complexes
qui se sont développées ultérieurement dans cette vaste région du Pacifique. La structure
sociale Lapita telle que nous pouvons nous la représenter aujourd’hui, possédait les fondements hiérarchiques internes et les capacités d’échanges intertribaux qui ont permis le
développement des diverses sociétés modernes qui peuplent actuellement la Micronésie, la
Polynésie et la Mélanésie après deux ou trois mille ans de changement social continu (Kirch
2000 : 115).
Questions de compréhension
1. Que veut dire l’expression « peuples primo-arrivants » ?
2. Quel est le résultat de : « plus deux ou trois mille ans d’évolution sociale
continue » ?
Les pirogues qui arrivèrent sur les côtes de l’archipel
il y a plus de 3 000 ans sont à l’origine de l’ histoire du
Vanuatu. Les culture et coutumes contemporaines des habitants du Vanuatu sont issues en partie de l’héritage du
peuple Lapita. Ces marins voyageaient à travers l’immense
océan de la Lointaine à la Proche Océanie sans voir les
îles alentour. Lorsqu’une île apparaissait enfin dans le lointain, ils découvraient des terres inhabitées sur lesquelles ils
pouvaient installer leurs communautés. Après ces premiers
arrivés, d’autres groupes humains apportèrent leur propre
culture et leurs traditions, influençant ceux qui vivaient déjà
dans les îles de l’archipel. Dans le chapitre 3, nous étudierons certains des aspects de la vie traditionnelle riche et complexe des îles.
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Le peuplement de l’archipel
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
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chapitre trois
Aspects des sociétés traditionnelles
Des îles si différentes d’un bout à l’autre de l’archipel
Il y a plus de 3 000 ans, les premiers groupes d’hommes sont arrivés dans cet archipel
que nous appelons aujourd’hui le Vanuatu. Dans le chapitre deux, « Peuplement de l’archipel », nous avons pris connaissance de leur voyage depuis le nord, décrit les chargements de fruits et d’animaux qu’ils transportaient dans leurs pirogues et pris conscience
de leur maîtrise du travail de la céramique. Mais, que s’est-il passé pendant les 2 500 ans
qui ont suivi leur arrivée dans les îles et jusqu’à l’arrivée des premiers navigateurs européens, il y a 400 ans ?
Pendant ces 2 500 ans se déroule une histoire fascinante de rencontres et d’échanges
sociaux, formant un réseau de communication allant bien au-delà de l’archipel du
Vanuatu. Même s’il n’existe pas de traces écrites pour cette période, nous avons les
mythes qui se sont transmises de génération en génération et qui nous permettent de
nous faire une idée de ce que ce peuple a engendré. On dispose aussi des récits des premiers explorateurs qui ont abordé nos îles. Même si ces écrits ne retracent pas les 2 500
ans d’histoire, ils apportent des détails sur les 400 dernières années, nous donnant
un aperçu du style de vie que menaient les habitants des îles au moment des premiers
contacts. Nous devons aussi nous rappeler que ces récits sont le regard d’étrangers ignorants des réalités locales, et ces voyageurs n’ont pas toujours pu saisir certains aspects
des coutumes qu’ils découvraient. Cependant, ces premiers visiteurs ont compris un
trait particulier de la vie traditionnelle de nos îles : la diversité des cultures insulaires.
L’extrait suivant, tiré du livre de Tom Harrisson « Savage Civilisation » (1937), donne
un aperçu de la variété de notre culture. À la différence des habitants de la Polynésie, les
habitants de la Mélanésie disposent d’une multitude de langues et d’un immense éventail de pratiques coutumières.
Dans nos îles, il n’existe pas d’unité culturelle ou linguistique, contrairement aux autres îles
situées à l’est de l’océan Pacifique. Ici, certains traits caractéristiques viennent de la mère,
d’autres du père, certains se déforment le crâne, d’autres créent des statues élaborées représentant la mort. On trouve une demi-douzaine de manières d’enterrer les morts, des maisons rondes, hautes, longues, ou édifiées sur des pierres. Là, les femmes sont nues, ailleurs
elles portent de volumineuses jupes de fibre d’hibiscus, ou d’étroites nattes rouges ou encore de grandes nattes blanches. Des tribus distantes de quelques milles ne comprennent
pas la langue de leurs voisins. Et pourtant, les échanges matériels et idéologiques sont continuels, les racines solides de la tradition créant sans cesse de nouvelles ramifications. Les
peuples vont d’île en île, faisant circuler les idées neuves (Harrisson 1937 : 69).
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
La culture comme réseau de relations
Réfléchissez à des coutumes importantes pour vous et votre famille. Prenez en compte
la spécificité de ces coutumes et la manière dont elles sont en rapport avec les autres
aspects de la culture. Par exemple, un tatouage traditionnel n’est pas seulement un ornement corporel. Il symbolise aussi un statut social ou encore un stade particulier de
la vie. Traditionnellement, de nombreux rituels devaient être accomplis avant qu’une
femme puisse être tatouée. De la même façon, les dessins qui ornent les nattes sont
choisis non seulement pour l’esthétique, mais pour des raisons particulières. Chaque
coutume ancestrale dont nous avons hérité, relie les différentes facettes de la vie collective et forme ainsi notre culture. La vie sociale est liée aux divers aspects politiques,
spirituels et économiques de chaque ensemble de groupes ethniques. Chaque pratique
coutumière contribue à créer et resserrer ces liens.
Dans ce chapitre, nous examinerons certaines coutumes qui ont existé dans les îles,
certaines subsistant encore de nos jours. Ce n’est pas une étude approfondie et tous les
aspects des cultures traditionnelles du Vanuatu n’ont pas été abordés, de même que
nous n’avons pas évoqué ici tous les rites et cérémonies. Cependant, ce chapitre apporte
des exemples de certaines pratiques culturelles et nous vous encourageons à en rechercher d’autres. À la fin du chapitre, vous trouverez une liste des thèmes qui n’ont pas été
explorés dans ces pages.
Différents types d’architecture
Nakamals
Maison de cérémonie : gamal,
réservée aux personnes de haut
rang, ornée de sculptures et de
peintures, Gaua, îles Banks,
photo Félix Speiser c. 1910
(Archives Nationales VKS).
Expression écrite
Que voyez-vous sur cette photo ? Faites la description écrite d’un nakamal que vous
connaissez.
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Aspects des sociétés traditionnelles
Enquête
Tous ensemble, visitez un nakamal proche de votre école. Dessinez-le, faites un
plan de l’intérieur et désignez les diverses zones significatives. Renseignez-vous
sur la fonction de ce nakamal. Demandez aux gens du voisinage si ce nakamal est
construit dans un style traditionnel. Dans le cas contraire, quelles sont les parties
modernes ?
Entrée normale
zone réservée
aux hommes de
rang inférieur
zone réservée
aux hommes de
haut rang
crânes des
ancêtres
enceinte
inférieure
Sculpture en bois de fougère
arborescente représentant le
visage du fondateur du nakamal
dans le vieux village Big Nambas
de Tenmaru. NO Mallicolo,
(Bonnemaison et al. 1996 : 224).
Entrée de cérémonie
foyers
bambou contenant
de l’eau pour le kava
Plan de l’intérieur d’un gemel des
îles Torres ( Coiffier 1988 : 4).
L’habitat
Christian Coiffier a effectué des recherches sur les différents types d’habitat existant
dans les îles. Dans l’extrait suivant, il décrit les styles typiques de certaines zones de
l’archipel.
Les différents types architecturaux du Vanuatu peuvent être classés en trois catégories distinctes, correspondant à trois zones géographiques (Coiffier 1988). Dans le nord, aux Banks,
Torres, Santo, Ambae, Maewo, et le nord de Pentecôte, les maisons sont vastes et portent
un toit double, légèrement en pente allant presque jusqu’au sol. Dans les îles du centre,
Mallicolo, Ambrym et le centre et sud de Pentecôte, les maisons sont rondes à chaque bout.
Et dans le sud du pays, on trouve des cases ovales avec un toit nervuré qui descend au sol Des
formes hybrides combinant ces trois différents types apparaissent parfois (Coiffier 1996 : 217).
À gauche : maison d’habitation
Efate (Coiffier 1988 : 61).
À droite : maison de Vanua Lava
(Speiser 1996 : planche 12).
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Pour aller plus loin
1. « Les différents types d’habitation, qui reflètent les diverses origines des
habitants des nombreuses îles de l’archipel, sont en train de disparaître petit à
petit. La colonisation et l’arrivée du christianisme ont apporté de nouveaux styles
de constructions qui sont le reflet d’un autre style de vie. » Coiffier 1996 : IX.
Que veut dire Coiffier dans ce paragraphe ? Trouvez des exemples dans votre
village qui illustrent ce point de vue.
2. Étudiez les différents styles de maisons qui sont bâties dans votre village ou en
ville. Quelles sont les maisons les plus adaptées pour résister aux cyclones ?
Justifiez votre réponse.
Expression écrite
1. Pourquoi les maisons ont-elles changé de style ? Faites une liste des raisons qui
peuvent décider un constructeur de choisir un style plutôt qu’un autre pour faire
sa case.
2. Quels sont les matériaux traditionnels utilisés pour la construction dans votre île
? Et dans la région de votre école ?Enumérez ces matériaux. Décrivez-les, dites
où on peut les trouver et quelle est leur utilisation dans la construction.
Activité de discussion
1. Allez dans un village voisin et étudiez les maisons d’habitation. Combien de
maisons y a-t-il dans le village ? Combien sont de construction traditionnelle?
Combien sont modernes ? Quels matériaux sont utilisés pour construire les
unes et les autres ?
2. Interrogez un ancien du village sur ces modifications de l’habitat. Peut-il vous
montrer d’anciennes maisons encore habitées aujourd’hui ?
Enquête
1. Étudiez l’installation des cuisines. Est-ce que les maisons traditionnelles ont des
cuisines séparées, est-ce que l’on cuisine dans l’endroit où l’on dort ? Comment
les agencements ont-ils évolué ?
2. Les dessins ci-dessous ont été réalisés par Félix Speiser lorsqu’il était dans les
îles. Il a effectué ces plans entre 1910 et 1912. Celui de gauche représente un
village d’Ambrym, l’autre un village de Vao. En quoi sont-ils similaires?
Quelles sont les différences que vous pouvez constater ?
Plans de villages, (Speiser
1996 : planche 10).
À gauche Vao ; à droite Ambrym.
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3. Faites un plan de votre village. Établissez une liste de tous les membres de votre
famille qui vivent au village. Si vous préférez, vous pouvez faire le dessin du
village proche de votre école. Pensez-vous que le plan du village a changé au
cours du temps ? Dites pourquoi.
Flèches
Les îles Torres ont leur propre style de flèches, remarquables non par leur forme artistique,
mais surtout par le superbe travail effectué. Elles sont toutes très fines et poncées, sans rien
qui dépasse ou qui ait un but décoratif. Elles peuvent être aussi bien faites de tiges creuses
portant une simple pointe de bois, que d’une longue tige de bois terminée par une longue
pointe en os. Le trait caractéristique de ces flèches est le bois dans lequel elles sont faites, ce
n’est pas du bois de fougère arborescente, mais un bois très dur, brun rouge ou jaune pâle.
Les pointes ont une forme singulièrement régulière et sont extrêmement poncées. La forme
fuselée régulière et soigneusement polie des pointes d’os tout comme la courte hampe de
bois noir est surprenante et la manière dont l’os et le bois sont reliés par une fine ligature de
fibre couverte de résine est particulièrement remarquable.
Les flèches d’Erromango sont d’un style différent de celles des îles du nord. Elles ne portent pas de pointe d’os, les flèches sont finement travaillées et portent une pointe plate et recherchée, armée de barbillons ou d’une bague de protection dans leur forme la plus répandue,
fixée sur un manche très fin qui peut facilement se briser dans la plaie. Elles ne portent jamais
d’encoche et sont petites et légères, d’une longueur d’environ 100 cm (Speiser 1996 : 198).
L iga t u r e : manière de relier
ensemble deux éléments à l’aide
d’une fibre ou une cordelette
Flèches du Vanuatu (Speiser
1996 : planche 54).
Enquête
À quoi ressemblent les flèches qui viennent de votre île ? Sont-elles semblables à
celles d’Erromango et des Torres décrites par Speiser ? Dessinez une flèche de chez
vous et faites-en une description par écrit.
Tissu végétal ou tapa
On fabriquait et utilisait le tissu végétal, « nmah » dans la langue Sye d’Erromango,
un peu partout dans les îles. On le portait surtout dans les îles du centre et du sud, de
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Tongoa vers le sud. L’extrait suivant de Robertson et Huffman décrit comment le tissu
était fabriqué dans l’île d’Erromango. Vous pouvez obtenir plus d’informations dans
« The Beginnings of Christianity in our islands » de Robertson.
Gluan te : collante, poisseuse
L’écorce est arrachée de l’arbre en larges bandes et mise en paquet. Ensuite, sur un rondin rond et régulier, d’environ un pied de diamètre et huit à dix pieds de long, on pose
une de ces bandes. Généralement, deux femmes travaillent ensemble, une de chaque
côté du tronc. Le battoir « neko » est fait d’un bois très dur, le nokesan… La poignée est
brute, le battoir sculpté de dessins de feuilles. Chaque femme garde à son côté un
petit récipient en forme de pirogue, plein d’eau douce et un fouet de roseau. L’écorce est arrosée d’eau et longuement battue, puis une autre bande d’écorce est rajoutée par-dessus la
précédente. L’écorce est tellement gluante que le martèlement continuel l’amalgame rapidement. Au fur et à mesure de leur ouvrage, les femmes donnent sa forme à la pièce de tissu,
d’un bord à l’autre du tronc sur lequel elles travaillent, les bandes sont rajoutées l’une après
l’autre, dans le sens de la longueur (le tissu est souvent étroit et long) jusqu’à ce que toutes
les bandes soient soudées ensemble. La couleur de ce tissu est d’un blanc mat et ressemble
étrangement à du parchemin. On le suspend ensuite sur des bambous ou des lianes accrochées entre les arbres et pendant qu’il est encore humide, on le décore de dessins faits au
charbon (Robertson 1902 : 368).
Le tissu d’écorce est fabriqué par les femmes et il en existe diverses sortes : un modèle robuste qui sert de tapis de sol, d’autres sortes de tissus plus fins sont utilisées comme couvertures pour dormir. Ceux-là ne sont pas décorés. Les plus beaux tissus végétaux sont ceux
ornés de dessins, portés par les femmes sur leurs épaules, ou drapés et enroulés autour
de la poitrine. Ce genre de toile naturelle était porté surtout lors de rites et cérémonies et
aussi comme paiement rituel. Un autre type de tissu sans décoration servait au travail des
femmes aux jardins par temps froid, ou au transport des nourrissons. Il y avait de nombreux
échanges (nevasi) de tissu d’écorce sur les routes du troc.
Pour les fêtes, les femmes devaient revêtir leur plus beau nomblat (sorte de jupe
volumineuse portée à Erromango, faite de feuilles de pandanus, de burao ou d’une sorte
d’écorce de bananier) et leur plus beau tissu d’écorce peinte, mais les plus impressionnants
nomblat et les plus beaux tapa étaient portés par la nasimnalam (la femme du chef) mariée
au fan lou (chef, on dit aussi natemong à Sie et yarumne à Ura) ou un fan lou nuisant (grand
chef). Parfois, des douzaines voire des centaines de ces tissus étaient suspendus à de longs
bambous ou à des poteaux de bois disposés en étoile, comme les rayons du soleil, depuis la
base des tours de 30m de haut. Ils étaient édifiés pour les rituels d’alliance (nehekar / nisekar)
entre les chefs, ou encore, brûlés au cours des cérémonies funéraires d’un chef (Huffman
1996 : 136).
Expression écrite
Est-ce que l’on faisait du tissu d’écorce sur votre île, autrefois ?
Sinon, quel genre de textile utilisaient les gens ?Faites une description écrite des
vêtements traditionnels portés dans votre île.
Enquête
Des ceintures de tissu d’écorce sont encore fabriquées par les hommes à Tanna.
Qui fabrique le textile sur votre île ?
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Tissu d’écorce d’Erromango
(Bonnemaison et al. 1996 : 135).
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Naissances et rituels
L’extrait suivant a été écrit par R.H. Codrington dans « The Melanesians : Studies in
their Anthropology and Folklore » (1891). Codrington était alors missionnaire à la
Mission Mélanésienne, basée sur l’île de Norfolk. Il est souvent venu dans les îles du
nord de l’archipel. « The Melanesians » est considéré comme une des études anthropologiques anciennes des plus approfondies sur les Nouvelles-Hébrides. Cet extrait relate
les rites que doit effectuer un père après la naissance de son enfant.
1
À cette époque, les Banks et
les Torres étaient considérées
comme ne faisant pas partie
des Nouvelles-Hébrides, d’où
la référence de Codrington.
Dans les îles des Banks, les deux parents doivent faire attention à ce qu’ils mangent lorsque
l’enfant naît, ils consomment uniquement des mets qui ne pourraient pas rendre l’enfant
malade s’il venait à les absorber. Avant la naissance de son premier enfant, une mère ne peut
pas manger de poisson pris à l’hameçon, au filet ou à la nasse. Après la naissance de ce premier enfant, le père ne doit pas faire de travaux difficiles pendant un mois, après la naissance
de n’importe lequel des enfants, il doit faire attention de ne pas aller sur les lieux sacrés,
tango rongo, où l’enfant ne peut aller sans risque. Il en est de même aux Nouvelles-Hébrides1,
le futur père de l’île Araga (Pentecôte) se tient loin des lieux sacrés, ute sapuga, avant la naissance de son enfant et ne doit pas rentrer dans sa maison. Après la naissance, il doit s’occuper de sa femme et de l’enfant, et ne doit pas manger de coquillage, ni aucun produit de
la plage, car l’enfant pourrait souffrir d’ulcère s’il le faisait. Sur l’île d’Ambae (l’île Leper), le
père doit faire attention pendant dix jours, il ne travaille pas, ne grimpe pas aux arbres, et ne
va pas se baigner loin dans la mer, car s’il se dépense, l’enfant en souffrira. Si, pendant ces
dix jours, il va loin, à la plage par exemple, il apporte avec lui une petite pierre représentant
l’âme de l’enfant, qui aura suivi son père, et en revenant à la maison, il gémit : « viens ici »,
il pose la pierre dans la maison, puis il attend que l’enfant s’endorme et il pleure à nouveau
« elle est là » rassuré à présent, l’âme de l’enfant ne s’est pas perdue en route (Codrington
1891 : 228-229).
Irene Lini (Kaioga Maewo) Chercheuse de terrain du Centre Culturel du Vanuatu (VKS)
Taem bebe i stap insaed long bel blong yu, yu no swea long man blong yu mo yu no kros
long man blong yu. Sapos yu tekem fasin olsem bae pikinini blong yu i tekem fasin olsem.
Bae hem i no save respektem yu taem yu bonem hem, mo taem hem i stap gro i kam antap.
From taem hem i stap yet long bel blong yu taem yu kros olsem hem i save se mama hem i
kros. Mifala i bonem ol pikinini blong mifala insaed long kijin blong ol doti blong hem i lus
nomo long kijin ia. Mo mifala i stap wetem long kijin kasem ten dei, ale tekem hem i go long
narafala haos blong putum nem blong hem.
— Kastom Fasin Blong Respek, 1998 Woman Filwoka Woksop.
Expression écrite
Dans ces extraits, nous avons vu quels étaient les rituels que devaient respecter
pères et mères après la naissance de leurs enfants.
Qu’en est-il des rites que doivent accomplir les grands-parents, frères, sœurs,
oncles, tantes ? Recherchez quels sont leurs devoirs lors d’une naissance, dans
votre île ou dans l’île où est située votre école. Dessinez un tableau montrant les
relations familiales et les responsabilités de chacun lors d’une naissance.
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Enquête
1. Renseignez-vous sur les rites qui entourent la naissance d’enfants jumeaux
2. Demandez à votre famille quels sont les rites entourant la naissance d’un enfant.
A-t-on suivi des rituels particuliers au moment de votre naissance ?
Rites funéraires
L’extrait suivant a été tiré de « Kiamu, the Southern Canoe » de Michel Aufray (1996) et
décrit les rites funéraires traditionnels pratiqués sur l’île d’Anatom, dont le nom traditionnel est Kiam ou Kiamu.
Dans les temps anciens, il y avait deux sortes d’enterrements. Lorsqu’un chef était enterré,
le cadavre était enfoui sauf la tête qui, elle, dépassait au-dessus du sol. Une petite case, dans
laquelle un homme devait rester près du chef défunt, était érigée au-dessus de la tombe. Un
panier contenant des taros et un poisson d’eau douce, le nipcin wei était suspendu dans la
hutte. Le veilleur endeuillé devait manger ces mets en regardant le mort dans les yeux. S’il
détournait le regard, il était tué par les guerriers qui attendaient autour de la case. Après
D é p a s s a it : sortait du sol
À gauche : un des sites
archéologiques les plus
explorés du Vanuatu, sur l’île
de Eretoka dans les années
1969, par José Garanger.
À droite : figure funéraire
(rambaramp) du sud-ouest
de Mallicolo. Faite de fibres
naturelles, bois, dents de cochon,
pigments naturels, la tête est
modelée sur un crâne humain
(Bonnemaison et al. 1996 : 1).
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Cortège : convoi, escorte
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
avoir fini son repas, il devait faire une incision dans la tête du mort avec l’ongle de son
pouce, le long d’une ligne qui passe au milieu du front vers le nez et la bouche pour hâter la
décomposition du corps. Lorsque la tête se détache du tronc, le veilleur des morts l’emporte
jusqu’à un endroit sacré dans la brousse, où le crâne de son prédécesseur est gardé. Cet ancien crâne est poussé de côté, laissant la place au nouveau. Ainsi, il succède à ses ancêtres.
Il apparaît que l’autre type d’enterrement, netheso an cop, par « immersion dans la mer »
était réservé aux gens du commun. Le cadavre était transporté sur une litière jusqu’aux falaises côtières. S’il fallait traverser des villages ennemis, les gens laissaient passer le cortège.
Une fois au bord de la mer, la famille du mort mettait au cadavre un brassard fait d’une noix
de coco, nethado, et diverses plantes. Le corps était lesté de pierres et jeté à la mer depuis le
haut des rochers. Un homme devait sauter dans l’eau avec le corps pour vérifier qu’il reposait au fond de l’océan. De retour au bord, le plongeur ne pouvait pas rester sur le rivage,
mais allait se cacher dans la brousse pour ne pas voir les restes du cadavre se faire dévorer
par les requins.
Les esprits des morts, natmas, étaient emportés par les requins jusqu’à leur demeure marine. Cette demeure était située dans des îles tout autour d’Anatom, que les vivants pouvaient parfois apercevoir tôt le matin. À Isia, sur la côte est, l’île des morts était appelée
Ralau. Il y poussait un banian dont les feuilles sont en relation avec un poisson de mer,
nopom erin pak, « le maquereau feuille de banian ». Lorsque ces poissons arrivent en bancs
serrés, les gens disent que les esprits des morts balaient les feuilles de leur banian (Aufray
1996 : 1978).
Activité de discussion
Comparez les pratiques funéraires de votre île avec celles pratiquées dans d’autres
endroits du monde. Si vous pouvez faire des recherches, retrouvez les pratiques
funéraires d’autres cultures. En classe, discutez de vos observations avec vos
camarades.
« Votwos » de cérémonie,
appelé « Yeavotahya »;
Ureparapara, îles Banks, endroit
où les crânes des hommes
de haut rang étaient gardés.
Photo du National Heritage
Inventory du Vanuatu VKS.
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Enquête
Comment enterrait-on les gens dans votre île autrefois ? Est-ce que les rites actuels
ont conservé des gestes du passé ? Y a-t-il des différences entre les enterrements
des femmes, des enfants, des hommes, des chefs et des épouses de chefs ?
L’anthropophagie
L’extrait ci-dessous, tiré du livre de Deacon : « Malekula : A Vanishing People in the
New Hebrides » (1934), expose les pratiques anthropophages traditionnelles sur l’île de
Mallicolo.
D’une manière générale, on peut affirmer qu’un homme ne sera pas mangé par des membres de son propre district, même s’il a été tué par eux lors d’une guerre et certainement pas
par ceux faisant partie de sa parenté, regroupés sous le terme hala.
Mais ceci est inexact sur l’île de Mallicolo… où l’on mange seulement le corps des étrangers morts à la guerre. Il est nécessaire sur cette île, de faire la différence entre les cas où un
homme est d’abord tué puis pourra être mangé et les autres occasions où l’homme est tué
par vengeance ou pour le punir d’une quelconque offense et ensuite mangé dans un geste
de moquerie et de dédain.
On raconte qu’il était banal dans le passé d’acheter, ou d’obtenir d’une quelconque autre
manière, une victime humaine pour une cérémonie importante du nimangki. Apparemment,
cette victime ne faisait pas partie du déroulement de la cérémonie, mais représentait simplement un met savoureux pour le repas de fête. L’homme « achetant » le nouveau grade nimangki devait surveiller la mise à mort de la victime et s’il apparaissait au rassemblement du
nimangki très orné de feuilles rouges du nmbwingmbwingamb, c’était le signe qu’il allait apporter de la chair humaine, et cela voulait dire aussi qu’il avait lui-même participé à un repas
cannibale en tant que chef.
Que le cannibalisme ait été pratiqué à Mallicolo parce que les gens voulaient satisfaire
leur goût pour la chair humaine ou dans le but d’exprimer leur mépris pour les étrangers
ou leurs ennemis, le fait de faire cuire et de manger de la chair humaine a toujours été
considéré comme un acte religieux. Tout d’abord, la chair humaine ne devait pas être cuisinée à l’intérieur d’une maison, une règle établie dans la crainte du fantôme de la victime.
Ensuite, la chair humaine prend le nom de timis mbal… et les parties du corps telles que les
jambes et les bras ne sont pas désignées par leurs noms habituels, on parle de nambal nin et
nipwis ran. De plus, avant d’être consommés, les membres et le corps sont largement ornés
des feuilles rouges du nmbwingmbwingamb et sont distribués cérémonieusement aux participants, selon le grade hiérarchique de chacun, tout comme les parts de cochon lors d’une fête
nimangki (Deacon 1934 : 227-230).
A n t h r o p o ph ag ie
ou c a n n ib alis me :
consommation de chair humaine
V e n ge a n c e : punition,
représailles
O f f e n s e : attaque
Enquête
L’anthropophagie faisait-elle partie des pratiques anciennes de votre île ?
Quels étaient les rites liés à ces pratiques ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Pirogues
Figure de proue, naos, obtenue
par Guiart à Ranon, nord
Ambrym, où elle avait été
rituellement échangée. Ile
de Vao, nord-est Mallicolo.
Bonnemaison et al. 1996 : 174.
Course de pirogue dans la
baie de la Havannah, nord
Efate, photographiée par J.W.
Lindt en 1891 (Bonnemaison
et al. 1996 : 36).
Ci-dessous, vous trouverez une description de pirogues de voyage sur la plage de l’île
de Rano au nord-est de Mallicolo tirée du livre de N. Hardy : « The Savage South Seas »
(1907).
Trois ou quatre grandes pirogues de guerre posées sur la plage… elles sont bien plus longues
que celles des îles Salomon, mais à en juger par leur apparence, elles n’ont pas encore beaucoup voyagé… l’arrière d’une d’entre elles est protégé sous un toit… La plus grande des deux
fait largement plus de trente pieds de la proue à la poupe et l’avant est relevé de huit à dix
pieds. Elle est réalisée dans un grand tronc d’arbre creusé et incurvé, s’affinant à une extrémité, où une sorte de figure de proue est fixée.
L’extrait suivant vient de l’article de Kirk Huffman, paru en 1996 dans « Œuvre de
Vanuatu », et est intitulé, « Trading Cultural Exchange and Copyright : Important
Aspects of Vanuatu Arts ».
Les grandes pirogues de voyage qui pouvaient transporter plus de quarante personnes (d’un
modèle appelé nimbwembeu, dans le dialecte Nahava de la région du sud-ouest de Mallicolo,
nuwak wala dans la langue de Vao, nuangk wala à Port Sandwich et dans l’île Lamen, wabo,
(silence), du nom des pirogues de guerre pointues aux deux bouts) avaient presque toutes
disparu au début de ce siècle. Les dernières dont on a entendu parler avaient un usage plus
sacré et des pratiques rituelles étaient effectuées lors de la construction et de la mise à l’eau,
du même genre que les rites de passage de grade. Elles portaient un nom, avaient une personnalité et l’on respectait des rites mortuaires lorsqu’elles étaient trop abîmées pour naviguer. Les femmes étaient tenues loin de la fabrication et n’avaient pas le droit de voyager à
leur bord (Huffman dans « Arts of Vanuatu » 1996 : 187).
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Expression écrite
Si vous êtes originaire d’une région côtière « solwota », rédigez un texte décrivant
l’utilité des pirogues dans votre village. Est-ce que les gens continuent de fabriquer
des pirogues ? Si oui, à quoi les utilise-t-on ? Sinon, quel genre de bateau trouve-t on ?
Enquête
1. Trouvez quelqu’un qui a construit une pirogue. Interrogez-le et demandez-lui
de vous décrire les différentes étapes de fabrication. Vous devez formuler vos
propres questions. Ci-dessous, vous trouverez quelques exemples de questions :
• Quelle est la première étape de la construction d’une pirogue ?
• Existe-t-il des coutumes que vous devez suivre lors de la construction de la
pirogue ?
• Comment choisissez-vous le bois de la pirogue ?
2. Renseignez-vous sur les pirogues de la région où se trouve votre école ou votre
village.
• Est-ce que les gens naviguent à la voile ? Si oui, de quelle matière sont faites
ces voiles ?
• Qui construit les pirogues ? Les constructeurs ont-ils dû acquérir le droit de
les faire ?
• Comment sont-elles dessinées ? Est-ce que les hommes doivent « acheter »
les dessins, ou peuvent-ils créer la pirogue qu’ils veulent ?
• Y a-t-il des pirogues de formes différentes selon leur usage ?
• À quoi ressemblent les pirogues de nos jours ?
Circoncision2
Martha Alick (Ile Lamen, Epi) Chercheuse de terrain du Centre Culturel du Vanuatu (VKS)
Taem mifala i luk oli stap pulum ol boe i go long nakamal, mi no save kakae laplap we oli bekem long ston. Mi kakae ol kakae we i kuk mo i rus nomo. Afta 5 dei ol angkel oli rusum wan
laplap oli kolem kolang, afta oli karem i kam mi kakae, afta 2 wik mi bae mi mekem gud i go
long ol angkel blong hem nao. Mi karem pig wetem kakae mi go givim long olgeta angkel afta
mi jas kakae laplap we oli bekem long ston. Nao taem boe blong mi i stap long nakamal mi no
save go long garen blong katem banana o ol samting we i gat wota. Be long taem ia bae oli karem kolang wetem flaoa haebiskis we i min se blad i ron. Ol laplap we mifala i mekem blong
ol angkel blong hem, mifala i no save putum ol mit long hem, taem mifala i karem i go long
nakamal bae angkel blong hem nomo oli serem wetem hem blong kakae. Ol woman oli no
save kakae laplap ia.
Taem boe i kambak long nakamal mifala i mekem bigfala seremoni. Long taem ia boe i
mas pem ol sista blong hem wetem mat mo kaliko o blangket. Hamas sista i gat sapos hem i
seven i mas pem evriwan. Sapos i gat sam i stap boe ia i mas givim flaoa haebiskis ia long olgeta, i min se bae brata i pem olgeta. Taem boe ia i pemaot ol sista blong hem finis, bae ol angkel oli tekemaot hem long nakamal blong kam long haos. Oli laenemap ol longfala waelken
gogo finis boe ia i stap wetem ol papa blong hem, hamas papa i gat evriwan, i mas stanap long
ol waelken ia blong kilim. Ol angkel nao samtaem oli kilim gogo blad i ron afta mama i pemaot blad ia. Sapos wan narafala boe wetem woman blong narafala aelan oli kam stap wetem
mifala afta boe blong hem i wantem go long nakamal bae mifala i tritim hem i i mas olsem.
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2
Nous utilisons le mot
« circoncision », mais le terme
exact serait « incision ». Les
Big Nambas sont les seuls à
pratiquer la vraie circoncision.
Cet extrait est tiré de Kastom
Fasin Blong Respek 1998 : 39-40.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Hommes transportant le laplap
pour une fête de la circoncision,
ouest Tanna, c. 1953. Photo Jean
Guiart (National Archives VKS).
Activité de discussion
Quels sont les rôles des participants lors d’une cérémonie de circoncision dans
votre île ? Discutez-en en classe.
Enquête
1. En quoi les cérémonies de circoncision sont-elles différentes d’une île à l’autre ?
2. Est-ce que le droit d’entrer au nakamal dépend de la circoncision dans votre
village ?
3. La cérémonie de circoncision est importante dans la vie des jeunes garçons.
Dans votre île existe-t-il une cérémonie pour les femmes qui signifierait elle aussi
« prendre de l’âge » ?
Grelots de danse
On trouve des grelots de danse dans toutes les îles, ils sont faits de noix coupées en deux et
suspendues par une cordelette à une corde plus forte. C’est une règle de les porter attachés
sous le genou, mais on les porte aussi autour du biceps. Des coquillages peuvent être utilisés à la place des noix.
De plus simples instruments de percussion existent au sud de Mallicolo, faits d’un bambou fendu et sur lequel on frappe à l’aide d’un bâton, ce qui produit le bruit recherché de
grelots. Souvent, ce sont simplement deux morceaux de bois qui sont frappés l’un contre
l’autre (Speiser 1996 : 377).
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Aspects des sociétés traditionnelles
109
Activité de discussion
Quels accessoires portent les danseurs dans votre île ? Est-ce que ces ornements
diffèrent d’une danse à l’autre ? En classe, discutez des diverses danses que vous
avez pu voir et auxquelles vous avez participé, puis décrivez les danseurs.
A c c e s s o ir es : décorations et
instruments
Enquête
1. Est-ce que tous peuvent porter des grelots pour danser ? Sinon, comment
obtient-on le droit de les porter ?
2. Comment sont faits les grelots ? Recherchez différents modèles auprès des
anciens de votre village. Si vous pouvez trouver les matériaux nécessaires à leur
fabrication près de votre école, apprenez à les faire.
3. De nos jours, les danses coutumières ont souvent lieu pour des occasions
particulières comme les circoncisions, les mariages, l’inauguration d’une église,
etc. Faites une recherche sur quelques-uns des sujets suivants ayant un rapport
avec les danses traditionnelles.
• Comment et à qui demandez-vous de danser ?
• Comment récompenser les danseurs pour leur performance ?
• Qui confectionne les accessoires de danse tels que masques, tissus spéciaux,
grelots ?
• Comment les danseurs choisissent-ils les chants qui accompagneront leur
danse ? Qui leur apprend à chanter ?
• Existe-t-il des rites particuliers lors des danses ?
• Comment les danseurs décident-ils de qui prendra la tête du groupe ?
Perçage, boucles et ornements des oreilles
Ce court extrait est tiré du livre de Tom Harrisson : « Savage Civilisation » (1937).
Il nous décrit une coutume des Matanavat, au nord-ouest de Mallicolo.
Le quatrième jour après la naissance du nouveau-né, l’oncle maternel vient de son village.
Il se tient à la porte de la case de sa sœur. Elle est à l’intérieur, encore isolée après l’accouchement, et approche l’enfant de la sortie. À l’aide d’une épine d’oranger bien pointue, l’oncle
perce un petit trou dans chaque lobe. Plus tard, le petit ayant grandi, il portera une spirale
d’écaille de tortue ainsi qu’une touffe de poils colorés de cochon de chaque côté. Après avoir
percé les oreilles, deux vieux, un homme et une femme, parents du père de l’enfant, le présentent à l’oncle maternel et lui demandent : « d’où vient cette petite chose ? »
Et il répond : « de mon village ». Car la mère est de son clan et donc l’enfant l’est aussi.
Alors, les vieux demandent : « et quel est son nom ? »
À quoi l’oncle répond normalement son propre nom, précédé du mot « Le » si c’est une
fille. L’oncle reçoit alors une belle défense de cochon et rentre chez lui. Pour une fille la
défense sera plus grosse que pour un garçon, parce que le père pourra peut être obtenir
d’autres porcs lorsqu’elle sera vendue pour se marier et il est en quelque sorte débiteur du
frère de sa femme, qui lui a, d’une certaine manière, donné son « fournisseur de cochons »,
même si pour lui-même il aurait peut être préféré avoir un fils (Harrisson 1937 : 41-2).
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Pour aller plus loin
1. Pourquoi le père de l’enfant doit-il donner une défense de cochon à l’oncle ?
2. Connaissez-vous d’autres ornements corporels faits d’écailles de tortue ?
Ornement d’oreille en jonc,
îles Torres, (Bonnemaison
et al. 1996 : 239).
Bambous sculptés et boucles d’oreilles de jonc
Les dessins exécutés sur les ornements d’oreilles de bambou ou de jonc peuvent représenter une grande variété d’images de la nature, depuis les animaux marins jusqu’au soleil. Dans les îles du nord, ces ornements sont portés indifféremment par les hommes
et les femmes, même si certains dessins sont exclusivement réservés aux hommes.
Depuis la fin du 19ème siècle, leur usage s’est perdu.
Enquête
Recherchez s’il existe une coutume de perçage d’oreilles dans votre région. Est-ce
que cette coutume existe encore ?
Totems familiaux
Titus Joël, Kurunratago village, île de Toga, Torres. Chercheur de terrain du Centre Culturel du
Vanuatu (VKS)
Cet extrait est tiré de Ples
Blong ol Fis Long Kastom
Laef. Woksop blong ol man
Filwoka, 12-23 Julae 1993.
Fis ia dolfin hem i wan fis we hem i impoten tumas long Torres we mifala i singaotem se
nequria. Fis ia dolfin long saed blong laen blong famle o wanem mifala i singaotem se
e meteviv mi ne quria, we i minim se laen blong dolfin. Bifo, long taem ol dolfin i save gud ol
laen blong hem we i stap toktok wetem olgeta, mo ol dolfin i stap harem save olgeta. Mo tu
kasem naoia taem ol man i go long kenu o bot sapos wan i talem se leftemap bodi blong yu
i gat wan man i wantem lukum, bae yu luk i kamkamaot long solwota or sapos wan i se wan
laen blong yu i wantem lukum pikinini blong yu bae yu luk dolfin i stap soem rod long givhan long hem blong go kasem ol man taem oli go long bot. Bae yu save lukum hem long fored hem i go fastaem. Sapos man i go hukum fis mo faenem hem o olgeta bae hem i no save
hukum olgeta from se ol dolfin, olgeta famle blong man. Ispeseli long hem i leftemap pikinini blong hem mo man ia i lukum.
Activité de discussion
Existe-t-il des tabous sur les poissons dans votre village ? Si oui, dites en quoi ils
consistent. Que pensez-vous qu’il puisse vous arriver si vous ne respectez pas les
restrictions mises en place ? En classe, discutez de ce sujet.
Enquête
1. La gestion traditionnelle des ressources est une autre manière de respecter notre
environnement. Nous aborderons le sujet dans le chapitre suivant : « Histoire de
l’agriculture au Vanuatu ».
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Découvrez quel type de gestion traditionnelle est en place dans votre région.
2. Un totem familial peut être une représentation de plante ou d’animal, tel que le
dauphin cité dans l’extrait ci-dessus. À Efate, les totems font partie du système
naflak, qui est décrit dans la partie « De la tenure foncière au Vanuatu » du
chapitre quatre. Est-ce que votre famille possède un totem ? À quoi sert-il ?
Quels sont les rites que vous devez suivre pour le respecter ?
3. Pouvez-vous retracer votre arbre généalogique ? Interrogez vos parents pour mieux
comprendre les origines de votre famille et de quelle façon elle est liée à la terre.
Interdits alimentaires
Il faut faire la différence entre interdictions temporaires et interdictions permanentes.
Les interdits temporaires peuvent être prescrits par n’importe quelle personne, quelle
que soit son importance, et pour n’importe quelle occasion. Par exemple, la consommation
de noix de coco ou de fruits à pain peut être déclarée tabou pour une durée indéterminée.
Les interdits permanents sont d’une autre sorte. Elles prennent leurs racines dans une
coutume liée à une superstition. Ainsi, à Santo, seuls les hommes pygmées peuvent consommer des nourritures féminines comme les œufs et les poules.
Le même genre d’interdiction existe à Mallicolo, où l’on ne peut pas manger de requin.
Les femmes ne doivent pas consommer de bananes doubles pour éviter d’avoir des jumeaux.
À Ambrym, les hommes peuvent manger des truies, sauf lors des fêtes suque.
Les règles sont moins strictes à Pentecôte, où les tortues peuvent être cuisinées seulement par des gens célibataires, car si les couples mariés en mangent, leurs enfants auront
les jambes tordues. A Aoba, Maewo et dans les Banks, les hommes peuvent manger des
truies au quotidien. Il semble qu’il n’existe pas de tabou de ce genre dans les îles du sud.
À Tanna cependant, la chasse aux tortues était le privilège de certaines familles, prérogative héréditaire. Eux seuls pouvaient cuisiner la tortue, mais tout le monde pouvait participer
au repas. À Tanna, les hommes ne pouvaient pas porter la nourriture directement dans leur
bouche, mais devaient utiliser une feuille d’arbre pour manger. Ils pensaient en effet que
leurs mains étaient souillées par le contact avec les femmes (Speiser 1996 : 122-3).
P y gm é e : peuple de petite taille,
(1m50 maximum)
Pour aller plus loin
Les tabous sur la nourriture peuvent être liés à des problèmes de santé (comme le
fait de ne pas avoir d’enfant), de religion, ou encore à l’utilisation traditionnelle des
ressources. Pensez-vous que des raisons d’ordre environnemental puissent être à la
base d’interdits alimentaires ?
Expression écrite
Écrivez une histoire dans laquelle quelqu’un briserait un tabou alimentaire. Que
ferait le village ? Comment la personne se sentirait-elle ? Que lui arriverait-il ? Vous
devrez construire entièrement l’histoire : son cadre, l’intrigue, le thème et ses
caractéristiques.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Activité de discussion
En parlant avec les gens autour de vous, trouvez d’autres tabous alimentaires. Sontils différents d’une île à l’autre ?
Enquête
Les tabous alimentaires mentionnés dans le texte ci-dessus datent du début du
20eme siècle. Ont-ils changé depuis ce temps-là ? Existe-t-il des tabous aujourd’hui
qui n’existaient pas autrefois ? Existe-t-il des tabous anciens qui ne sont plus
appliqués de nos jours ?
Jeux de ficelle
Les jeux de ficelle forment des figures compliquées en tressant une ficelle ou un lien de
pandanus, en se servant des doigts comme d’un cadre. Parfois, on fait passer le motif
des mains d’une personne à celles d’une autre. D’autres figures sont construites à deux
personnes, à quatre mains. Les informations ci-dessous ont été recueillies par Stephen
Zagala, chercheur à L’Université Nationale de Canberra, il a aussi longuement étudié et
collecté les dessins sur sable.
Les jeux de ficelle et les dessins sur sable sont très proches les uns des autres au Vanuatu.
Ce qui est intéressant, car les dessins sur sable sont spécifiques aux îles du nord, alors que
les jeux de ficelle existent à travers tout l’archipel, et même dans le monde entier. Les femmes ont probablement propagé ces jeux et dessins, en allant vivre, après le mariage, dans les
autres régions. Nous pouvons affirmer qu’ils sont un important moyen éducatif, dans la mesure où ils expliquent aux enfants les histoires traditionnelles. Ils apprennent également aux
jeunes à manipuler les feuilles de pandanus, ce qui est une bonne école pour tresser les paniers et les nattes (Stephen Zagala, communication personnelle, 8 sept 2004).
Activité de discussion
1. A l’école, jouez aux jeux de ficelle. Apprenez le nom des figures à vos camarades
(dans votre langue si vous le connaissez) et montrez-leur les différentes étapes
du « tressage » de la figure.
2. Toujours en classe, commencez un catalogue de toutes les figures de ficelle que
vous connaissez. Si vous connaissez les histoires qui accompagnent les figures,
écrivez-les à côté de chaque figure.
Enquête
1. Parlez aux gens de votre village et demandez-leur s’ils peuvent vous enseigner
des jeux de ficelle. Comment les gens apprennent-ils à « combiner » ces figures?
Qui vous a montré celles que vous connaissez ?
2. Etes-vous capable d’en inventer d’autres ? Avec vos amis, essayez d’en créer de
nouvelles.
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Techniques de chasse
Il existe de nombreuses méthodes pour attraper les oiseaux. On peut les prendre à la glu, en
utilisant la sève du fruit à pain que l’on répand sur des brindilles. Cette méthode est pratiquée dans le nord de Pentecôte.
A Aoba et Maewo, on utilise aussi des collets pour prendre les oiseaux. Le collet consiste
en une longue ficelle forte au bout de laquelle est nouée une autre ficelle plus fine et résistante. Cette extrémité-là est nouée en nœud coulant, relié au sol ou à la fourche de deux
branches ; l’oiseau attiré par le leurre vient pour manger et au moment où il veut repartir le
nœud coulant se serre autour de sa patte et il est pris au piège (Speiser 1996 : 140).
Piège à oiseaux, Ambrym
(Speiser 1996 : planche 28.)
L’oiseau est attiré par un leurre
et une fois à l’intérieur de la
nasse ne peut plus sortir. En
face : Piège à animaux. Malo.
(Speiser 1996 : planche 26).
Pour aller plus loin
Quelles sortes d’oiseaux les gens chassent-ils au Vanuatu ? Nous savons
aujourd’hui que certaines espèces d’oiseaux ont disparu pour cause de chasse
intensive par le passé ; des preuves archéologiques sont là pour l’affirmer : des
os d’oiseaux ont été retrouvés lors de fouilles. Pourquoi nos ancêtres ont-ils
tant chassé d’oiseaux ? De nos jours y a-t-il des oiseaux qui devraient être moins
chassés, voire protégés ?
Enquête
1. Parlez avec des gens de votre village des méthodes qu’ils utilisent pour attraper
des oiseaux. Quels sont les oiseaux les plus chassés ? Comment les attrape-t-on ?
Est-ce qu’on utilise des matériaux locaux, ou des matériaux modernes pour faire
les pièges et les collets ? La forme des pièges a-t-elle évolué dans le temps ?
2. Fabriquez un piège ou un collet à oiseaux. Faites une exposition de pièges dans
votre classe, et essayez-les pour voir s’ils fonctionnent.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Kava
Les origines du kava
Ustensiles pour la cérémonie
du kava, Ambae et Ureparapara
(Speiser 1996 : planche 19).
Long taem i pas finis, wan men hem i mared mo woman blong hem, hem i bonem tufala
pikinini, wan boe mo wan gel. Wan dei, mama blong tufala hem i kasem sik, gogo klosap
nomo hem i ded. Nao hem i singaot long tufala, mo hem i talemaot long tufala wetem papa
blong ol se, « Nao mi no save harem gud bakegen. Taem mi ded, yufala mas berem mi long
wan ples, mo bae i gat tufala samting bae i gru stret long tufala titi blong mi. Yutufala mas
lukaot long tufala samting ia. » I no longtaem, woman ia hem i ded, mo oli go berem hem
long graon.
Oltaem tufala pikinini i stap go lukluk long ples we mama blong tufala i stap long graon.
Wan taem nao, tufala i luk we tufala samting oli stap gru long titi blong mama blong tufala.
Wan hem i gru long lef titi, mo wan i gru long raet titi. Ale, smol boe hem i stap klinim hemia we i gru long raet, mo smol gel hem i klinim hemia we i gru long lef saed. Oltaem tufala
i stap klinim, gogo tufala i kam bigwan lelebet. Nao gel ia hem i mared, i go long wan ples we
hem i longwe tumas. Ale, gel ia i nomo save klinim gru blong hem, mo bus i kavremap. Boe
ia hem i stap nomo, i stap klinim gru blong hem. I stap klinim, gogo i kam kava.
Nao evri dei, boe ia wetem papa blong hem tufala i go long garen. Woman blong man
ia hem i ded longtaem finis, be man ia hem i no save fogetem woman blong hem, mo hed
blong hem i stap trabol tumas from hem. Wan taem, man ia hem i stap silip long garen, mo
woman blong hem, hem i talem se, « Yu go tekemaot ol rus blong kava ia, yu wokem, mo yu
dring. Bae yu nomo tingbaot mi. » Man ia hem i girap, hem i talem long boe blong hem se,
« Mi drim long mama blong yu. Hem i talem se mi mas go tekemaot rus blong kava ia we yu
stap klinim. Bae mi wokem, mi dring, mo bae mi nomo tingbaot hem.
Ale, tufala i go tekemaot rus blong kava, oli karem i gobak long haos. Man ia hem i wokem, hem i dring. Hem i harem gud nao, hem i slip gud gogo kasem deilaet.
Nekis dei, hem i go talemaot long ol man se hem i faenem wan samting we i gud tumas.
Mo evriwan oli go karem kava, oli wokem, oli dring long nakamal. Oli harem gud tumas, mo
olgeta evriwan oli go karem wan wan han blong kava, oli go planem long garen. Nao ol man
i mekem kava olsem i stap kasem tedei. Be wan we gel i nomo klinim, hemia nao hem i wael
kava, mo man i no save dring.
—Histoire racontée par Avio Koli et Hoel Lemaya, tirée de Suniena Lala Newo, Ol Storian
Blong Lewo, Epi.
Pour aller plus loin
Le kava pousse-t-il sur votre île ? Si oui, est-ce qu’on l’envoie à Port-Vila ou à Santo
pour être vendu ? Sinon, que fait-on du kava qui pousse dans votre île ?
Expression écrite
Rédigez un texte sur le sujet suivant : En quoi l’utilisation du kava a-t-elle changé ?
Activité de discussion
En classe, discutez des différents usages du kava selon les îles.
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Enquête
Comment utilisait-on le kava autrefois ? Quelles sont les coutumes et traditions qui
entourent l’usage du kava dans votre île ? Qui a le droit de boire du kava ? Et que
doit-on faire pour en avoir le droit ?
Les feuilles a tatouages
Dans certains endroits, des femmes (et parfois des hommes) font des motifs sur des
feuilles en les pliant, puis en les marquant avec les défenses. Ces motifs représentent
des tatouages, spécialement ceux des femmes de haut rang. Cette pratique a été filmée
par Jacob Kapere pour le Centre Culturel en janvier 1987 à Purao sur l’île de Tongoa.
Enquête
1. Les femmes (ou les hommes) utilisent-ils des feuilles à tatouages dans votre
île d’origine? Si oui, quelles feuilles sont utilisées ? Qui invente les dessins ?
À quoi servent ces dessins ?
2. Faites vos propres dessins sur feuille. Tout d’abord, pliez une feuille en deux et
faites des empreintes avec vos défenses. Ensuite, repliez-la encore une fois, et
faites d’autres marques. Continuez jusqu’à ce que votre dessin prenne forme.
Puis reproduisez-le sur un papier.
Les pierres magiques
V o r a c e : affamé, glouton
La pierre magique sur la photo ci-contre, dont le nom est Lengnangoulong, a été achetée par Jean Guiart en 1949 au nord d’Ambrym, puis confiée au Musée National des
Arts d’Afrique et d’Océanie en France. Elle a été choisie pour figurer au nouveau musée du Quai Branly, à Paris, en France. L’extrait suivant, écrit par Kirk Huffman, raconte
l’histoire de Lengnangoulong.
Cette pierre « aide son propriétaire, par la magie, à acheter des cochons mâles castrés et on
la connaît à Ambrym sous le nom de müyü ne bu… Le müyü ne bu n’est pas une pierre ordinaire. Dans la croyance d’Ambrym, elle représente l’esprit Lengnangoulong, de qui elle tient
son nom.
Lengnangoulong était […] un homme […] qui avait des pouvoirs magiques et un appétit vorace pour les défenses de cochons. Il vivait au départ dans un arbre creux na biribiri
sur la côte près de Fantoro, au sud de Pentecôte. En trouvant des os de cochons autour
de l’arbre, les gens du coin l’accusèrent directement de dévorer leurs défenses de cochons.
Voulant le défier, un homme découvrit que la seule chose que Lengnangoulong craignait
était le vent fort. L’homme créa alors un vent magique, qui brisa l’arbre de Lengnangoulong
qui fut balayé par la tempête, agrippé à une branche, à travers le détroit vers le nord d’Ambrym, où finalement il réussit à s’installer dans un arbre semblable près de Farbu, à côté
du village actuel de Magham. Il vivait déjà là-bas quand le fondateur du village de Farbu,
Tubuvivi, fut découvert là, enfant, par un homme du village proche de Halhalfanbulvar (qui
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
était venu là chercher les défenses de ses cochons dévorés par Lengnangoulong). On raconte que c’est arrivé il y a neuf générations. Comme le village de Farbu se développait,
Lengnangoulong dévorait les cochons, et les hommes de Farbu décidèrent de le chasser loin
de là. Un homme de Farbu lui lança un défi, découvrant à nouveau que les vents forts faisaient peur à Lengnangoulong, il créa un vent magique qui chassa Lengnangoulong le long
de la côte vers Lolobiviri. Dévorant de nouveau les cochons dans cette région, il fut encore
chassé par un vent magique et les vents de sud-est le poussèrent vers Melvar sur la côte nordouest d’Ambrym. Il vécut là dans une fan bwehe (une grotte) dévorant les cochons de la région. Un homme de Melvar arriva à le tuer dans la grotte et prit ses os. Peu après, l’esprit de
Lengnangoulong apparut en rêve à l’homme de Farbu qui avait le premier créé le vent magique qui avait lancé Lengnangoulong dans ses pérégrinations à travers Ambrym. L’esprit,
en rêve, dit à l’homme de Farbu de chercher près des racines de l’arbre de Lengnangoulong
proche de Farbu ; il y trouverait un cadeau pour le féliciter de sa lutte. L’homme de Farbu
trouva ainsi la pierre sculptée, Lengnangoulong s’était matérialisé sous la forme d’un taeman (sortilège de bonne chance). L’usage correct de cette pierre permit aux hommes de
Farbu d’obtenir de nombreux cochons et d’accéder à de hauts grades pendant des générations (Huffman 2001 : 269-72).
Activité de discussion
Lengnangoulong est-il à sa place dans un musée en France ? Justifiez votre réponse.
Enquête
Cherchez s’il existe des pierres magiques dans votre région. Sont-elles encore
utilisées à des fins particulières ?Si oui, de quel genre de pierres s’agit-il ?
Qui a le droit de les utiliser ? Comment la connaissance des pierres passe-telle d’une génération à l’autre ? Lorsque vous vous renseignerez sur les pierres,
assurez-vous de ne pas demander d’informations que vous n’avez pas le droit
d’obtenir, soyez attentifs à vos questions.
Mariages
Le passage suivant est tiré du livre de Lissant Bolton : « Unfolding the Moon : Enacting
women’s Kastom in Vanuatu » (2003), il y décrit un mariage et les échanges sur l’île
d’Ambae.
E v iden te : clairement exprimée
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Comme les cérémonies de passage de grade « huqe » à Ambae, les mariages sont basés
sur les échanges, impliquant la présentation, par les deux familles, d’un grand nombre de
nattes, nourriture et autres produits. Le mariage est important pour les relations entre deux
hameaux, deux tribus. Un mariage commence toujours par la mise à mort d’un cochon par
la mariée. Elle prend un des grades les plus bas du huqe, ce sera peut-être le deuxième passage de grade de sa vie. Et à moins qu’elle épouse un homme de très haut rang de huqe, ce
sera le dernier et plus haut grade qu’elle passera. La mâchoire de cochon qu’elle doit tuer
pour obtenir son grade ira avec elle dans sa nouvelle maison, preuve du grade qu’elle a obtenu et du respect auquel elle a droit. Son père organise la mise à mort du cochon avec l’intention évidente de lui assurer le respect de sa nouvelle famille. Le jour suivant, les cadeaux
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Aspects des sociétés traditionnelles
117
offerts à la mariée, dont ceux de sa famille, sont rangés dans le Sara (nasara) de son village et
une série compliquée de paiements, essentiellement à base de textiles, est réalisée en remerciement à tous ceux qui ont aidé la famille pour le mariage (Bolton 2003 : 100 ).
Pour aller plus loin
1. Réfléchissez à la phrase suivante :
« From we long fasin blong kastom woman nao hem i pis, women hem i
go fastaem, nao i wokem rod, bambae i nogat faet » (Bonnemaison et al.
1996 : 183). Que veut-elle dire ?
2. L’extrait ci-dessus tiré du livre de Bolton décrit un des moments d’un mariage
d’aujourd’hui à Ambae. En quoi les cérémonies de mariages ont-elles changé
aujourd’hui ? Qu’est-ce qui est demeuré inchangé ?
Expression écrite
Faites la description d’un mariage auquel vous avez assisté. Que s’est-il passé
pendant la cérémonie ? De quelle île venaient les deux époux ? Dans le cas d’un
mariage religieux, y avait-il aussi des détails traditionnels ?
Activité de discussion
Réfléchissez aux coutumes liées aux mariages dans votre île. En classe, discutez
des différents rites matrimoniaux de vos îles. Comparez et mettez en parallèle ces
pratiques matrimoniales traditionnelles.
Les nattes et leurs motifs
L’histoire qui suit raconte comment les premières nattes rouges ont été réalisées sur
l’île de Pentecôte. Vous pouvez trouver cette histoire dans le livre de Geneviève Mescam
« Pentecôte : Une Ile de Vanuatu » (1989).
Au sud de Pentecôte se trouve l’île d’Ambrym, couverte en permanence par les fumées des
deux volcans Benbow et Marum. Jusque récemment, les habitants avaient l’habitude d’aller
chercher à Pentecôte des vêtements, des paniers colorés et des « nattes monnaies ».
Cette natte est connue pour
avoir été achetée à Efate dans
les années 1880, mais on ne
sait pas son origine exacte. Son
nom est naipf au nord-ouest
d’Efate et on raconte qu’elle
était utilisée comme une sorte
de natte royale sur laquelle le
fils du chef était présenté à la
communauté à sa naissance.
(Bonnemaison et al. 1996 : 18).
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118
L umin e ux : brillant
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Cependant, c’est dans l’île volcanique que les techniques de teinture sont apparues.
La légende rapporte qu’un homme qui vivait à Ambrym voyait tous les jours des flashs
lumineux venant de Pentecôte. Curieux, il fit la traversée avec sa pirogue, et une fois arrivé,
il trouva deux adolescentes qui lavaient leurs nattes, les levant haut au-dessus de leurs têtes.
Il réalisa alors que les raies de lumière qu’il avait observées n’étaient rien d’autre que ces
nattes blanches brillant dans le soleil. Il épousa les filles, mais bientôt se rendit compte que
leur père voulait le tuer. Il leur confia qu’une plante pousserait sur sa tombe après sa mort :
« quand l’arbre sera grand, coupez ses fines racines et pelez-les. Puis prenez l’écorce d’un
arbre pour faire un plat, remplissez-le d’eau et versez-y la poudre obtenue en râpant les racines. Ensuite, faites bouillir les nattes et elles deviendront rouges ». Peu de temps après, les
deux jeunes femmes firent comme on leur avait dit et elles obtinrent ces magnifiques nattes
rouges.
Nattes du nord-ouest de Mallicolo : Nambwe
Cet extrait est tiré de « Savage Civilisation « de Tom Harrisson (1937). Dans le premier
chapitre Harrisson raconte la vie à Matanavat, au nord-ouest de Mallicolo. Ici il nous décrit le nambwe, une natte qui n’est portée que par les femmes.
Dessins teints sur des nattes
de Pentecôte. Bonnemaison
et al. 1996 : 110-111
Parfois, certaines femmes du village portent des bandes de nattes rouges sur leurs têtes.
L’ensemble est teint en rouge et ressemble à de longs cheveux mauves. Ces coiffures,
appelées nambwe, sont portées après les rites de passage de grade de cette société qui honore les cochons. Les porteuses de ces coiffures sont les épouses des hommes qui ont tué
les cochons, elles revêtent le nambwe avec solennité et doivent rester enfermées dans une
case pendant 30 jours après que le dernier cochon est mort. Elles continuent à porter le nambwe nuit et jour, pendant deux ou trois ans et pendant ce temps-là ni l’homme ni la femme
ne doivent manger la racine sauvage du woveli. C’est un tabou de deuil, comme si quelqu’un
était mort, en l’occurrence il s’agit de la mort et de la résurrection du cochon. Après la fin du
tabou, une grande fête de l’igname est organisée avec des danses coutumières, trois cochons,
dont un armé de dents circulaires, sont tués au petit jour après une nuit entière de danse.
Il y a des dons de cochons faits par les hommes à leurs belles sœurs qui viennent enlever le
nambwe de l’épouse. Alors seulement, l’homme est libre de ses obligations liées au Mangki
entreprises trois ou quatre ans plus tôt, lorsqu’il leva sa massue dans la clarté extérieure et
« appelle le jour » (Harrisson 1937 : 44-5).
Pour aller plus loin
Le passage tiré du livre de Harrisson est un bon exemple de la manière dont les
traditions sont liées les unes aux autres. Nous ne pouvons pas explorer et tout
apprendre de nos coutumes en les isolant les unes des autres, car elles forment
un réseau complexe d’idées et de traditions qui définissent les règles de la vie
collective. Alors que ce paragraphe nous explique l’usage du nambwe dans la
coutume du nord-ouest de Mallicolo, il nous ouvre aussi la porte à de nombreux
autres aspects de la coutume. Relisez cet extrait et faites une liste des thèmes
abordés par Harrisson. Comment ces thèmes sont-ils articulés les uns par rapport
aux autres ?
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Aspects des sociétés traditionnelles
119
Enquête
1. Divisez-vous en plusieurs groupes et trouvez les réponses aux questions
suivantes :
• À quoi servent les nattes de votre île ?
• Comment sont-elles fabriquées ?
• Comparez les nattes de votre île à celles des autres îles.
• Connaissez-vous des histoires orales qui parlent de nattes ?
• Est ce que les nattes sont utilisées différemment par les hommes et les
femmes, et quelles sont ces différences ?
• Est-ce que les hommes tissent parfois ? Dans quelles îles ?
2. Interrogez une personne qui tresse. Voici une liste de questions portant sur ce
que vous aimeriez savoir concernant la fabrication des nattes, trouvez-en d’autres.
• Qui vous a appris à tresser ?
• Quels sont les différents types de tressages que vous connaissez ?
• Est-ce que ces différents tressages ont une signification et portent-ils un nom ?
Instruments de musique
Tambours dressés photo Lindt
1891. Lelepa, nord-ouest Efate
(Bonnemaison et al. 1996 : 147).
Etudiez les dessins de différents instruments de musique traditionnels et réalisez les
activités ci-après.
Activité de discussion
Réfléchissez à l’importance de la musique aujourd’hui. Comment fait-elle partie
de votre vie ? Comparez avec les temps passés. La musique était-elle importante
pour nos ancêtres ? En classe, discutez de l’importance et de la signification de la
musique autrefois et de nos jours.
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120
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Enquête
Interrogez quelqu’un qui connaît les différents types de musique de votre
île. Quelles cérémonies sont accompagnées de chants et de quel genre ? Quels
instruments sont utilisés pour accompagner les chanteurs ? Est-ce que certains
chants sont exécutés « a cappella » (sans instrument) ?
Le nom personnel
Dans l’extrait suivant tiré de « Unfolding the Moon : Enacting Women’s Kastom in
Vanuatu » (2003), Lissant Bolton décrit un des nombreux aspects des noms et la façon
dont on doit s’adresser aux membres d’une famille.
Les gens sont rarement appelés par leur nom personnel, surtout une fois devenus adultes.
La plupart des gens ont deux noms, un dans leur langue et un nom chrétien et l’on peut les
connaître sous l’un ou l’autre nom. Les gens s’adressent les uns aux autres aussi bien en utilisant des termes liés à leur relation familiale (une personne parlera de son grand-père comme
de son « bubu ») que par un nom lié à un événement spécial de sa vie. Ainsi, une femme sera
souvent nommée comme étant la mère de son premier-né : « retahii Ronnie » (la mère de
Ronnie). Lorsqu’un homme ou une femme acquiert un grade dans le huqe, on leur donne un
nouveau nom, et une personne qui possède une position particulière dans la communauté
sera appelée du nom de son rang par la plupart des gens : le chef… par exemple.
Dans une vie où l’identité personnelle n’est pas très importante puisque tout le monde se
connaît au sein de la communauté, les noms sont inventés pour révéler ou suggérer des relations spéciales, un statut ou n’importe autre quel aspect de la personne (Bolton 2003 : 113-114).
Flûte simple en bambou,
Ambrym, (Bonnemaison
et al. 1996 : 153).
Pour aller plus loin
1. Comment avez-vous reçu votre nom ? Qui vous l’a donné ? Avez-vous d’autres
noms ? Quelles sont les origines de votre nom ?
2. Pourquoi les noms ont-ils autant d’importance pour nous ?
Expression écrite
Ecrivez votre nom comme il est écrit sur un document officiel. Puis rédigez un
paragraphe décrivant la signification de chaque élément de votre nom.
Enquête
Cherchez et trouvez des réponses aux questions suivantes. Si vous le pouvez,
formulez-en d’autres. Comment donne-t-on leurs noms aux enfants ? Comment
choisit-on le nom d’un bébé ? Est-ce que l’on peut changer de nom ? Qui peut vous
appeler par votre nom ? Est-ce que certaines personnes de votre famille n’ont pas le
droit de prononcer votre nom ? Quelle est la différence entre les prénoms chrétiens
et occidentaux et les prénoms coutumiers ?
Pour compléter votre recherche, allez à la page 131 et lisez le paragraphe portant sur les
« Titres ».
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Nimangki : un système de passage de
grades dans les îles du nord
Les informations de ce paragraphe portant sur le passage de grade sont tirées d’un exposé sur le Nimangki, lors de l’atelier des chercheurs de terrain du Centre Culturel du
Vanuatu (VKS) en 1994.
Le premier extrait fait partie du discours de bienvenue de Kirk Huffman lors de
l’ouverture de l’Atelier des chercheurs de terrain.
[L]ong Tafea mo Saot, samting ia yufala i nogat. Yufala i gat narafala samting be Nimangki
hem i olsem wan rod blong paoa, wan rod blong pig mo paoa we i stat long Epi i go daon i go
kasem Torres. Wanwan eria i gat nem blong hem, be olsem rod blong hem, hem i semak, olsem hem i pig hem i paoa, hem i gat spesol wei blong hem… Nimangki tu hem i wan samting we hem i stap muv. I gat ol defren step blong hem…
Samting we hem i interesting wetem Nimangki olsem we hem i politik tu ia. Hem i politik tu from hemia we sapos yu wan kaen man we plante man oli respektem yu oli wantem
helpem yu; samting ia i save pulum plante pig ia, pulum plante pig blong helpem yu go antap. Ol man oli helpem yu yu go antap. Be olsem evri taem i gat step blong hem blad i mas
ron (Nimangki 1994 : 3-11).
Nimangki du chef Nisai à
Unmet, nord-ouest Mallicolo
(région des Big Nambas)
Photo Kirk Huffman 1980.
(Nimangki 1994 : 31).
Les récits suivants recueillis par des chercheurs de terrain du Centre Culturel décrivent
les différents aspects du Nimangki dans les îles du nord du Vanuatu.
Kalman Hapsai (nord ouest Mallicolo)
Nimangki i folem nomo laen blong jif… Nimangki, mifala long lanwis mifala i talem se
Parupnarvet Iturin. Hem i nimim se nimangki bae hem i strik. Hem i kamaot fastaem (first
step) long ndawa. Ndawa hem i grin grashopa ia blong kakae. Long nambatu step we hem i
folem ndawa hem i kam long nbarapar. Nbarapar hem i smol bae mi yusum grashopa, smolwan we yu save mestem taem hem i jamjam. Mo long nambatri wan hem i kam long tapat.
Tapat hem i grashopa we hem i braon wan… nambafo wan hem i kam long drae kokonas
frut. Mo long nambafaev wan hem i kam long saed blong pig (Nimangki 1994 : 13).
Telkon Watas (Bunlap, sud Pentecôte)
Taem hem i kasem tri yia, ale, hem i jas go long nakamal be hem i mas kilim wan pig. Nem
blong hem (the first step) tokonmal. Afta hem i jas go insaed long nakamal, mo hem i kamaot bakegen long nakamal. So hem i min se hem i gat raet long nakamal. Taem hem i kam
stap gogo hem i go insaed long nakamal bakegen, i mekem se hem i sekomsaes nao…So mi
nao, mi mekem ol pikinini oli rere, mekem laen olsem ia. Mi operetem olgeta gogo i finis,
mo mi putum olgeta insaed long nakamal (Nimangki 1994 : 14).
Vira Joseph (nord Malo)
Long taem bifo i gat wan man we ston blong hem i stap yet long wan hil blong Malo we oli
kolem pig. Man ia nem blong hem Lagausava. Devel blong man ia nao hem i talemaot olgeta
samting ia olsem rang mo taetol nem i gat longfala stori blong hem. Be bifo Lagausava oli
stap kilim ol smolsmol liset, ale oli kaontem olsem. Naoia mifala i stap sakem waelken. Tru
long gem ia man we i neva kilim pig bae i jas save kilim pig. Gem ia i gat tu long Vao oli kolem meta. Taem oli sakem waelken finis mo oli kaontem gogo nao oli faenemaot wanem pig
ia man i save kilim (Nimangki 1994 : 115).
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Nimangki se traduit par :
fara : île Lamen, Epi
bolo loli : nord Pentecote
warasangul : sud Pentecote
lolibuan : centre Pentecote
erpnavet : nord ouest Mallicolo
sungwe : Malo
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Nimangki : depuis quand cette cérémonie existe-t-elle ?
Des découvertes archéologiques telles que des os de cochon nous montrent que cette
tradition est ancienne. Cependant le nombre d’os n’étant pas très important, certaines
personnes suggèrent qu’avant que le nimangki prenne les cochons comme marque de
richesse, d’autres moyens d’échange devaient représenter ce pouvoir. Parlez avec les anciens de votre communauté. Se souviennent-ils d’histoires qui leur auraient été transmises pour appuyer cette hypothèse ?
Le Chef Tainmal de Fanla,
nord Ambrym. Il a atteint le
plus haut grade du Mal Mer’r
(Meur’t). Photo Jean Guiart
(Nimangki 1994 : 83).
Enquête
Il existe de nombreux aspects intéressants du nimangki reliés à presque toutes les
facettes de la vie quotidienne, que ce soit celle des femmes ou celle des hommes.
En plus du nimangki proprement dit, étudiez les questions suivantes :
• Que veut dire « tabou faea » et en quoi cela est-il relié au nimangki.
• Réfléchissez au passage de grade des femmes et faites la relation avec le
passage de grade de leurs maris.
• Quelle est la signification des feuilles, des fleurs, des couleurs et des peintures
portées lors du nimangki et en quoi ces ornements sont-ils en relation avec le
grade de chacun ?
• Pensez aux paroles et aux chants qui sont entonnés lors du nimangki.
• Etudiez les danses effectuées lors du nimangki.
• Quels sont les différents stades du nimangki, et comment les passe-t-on ?
• Quand est-il temps de passer un grade supérieur ?
• Donnez les noms des divers stades de croissance d’une défense de cochon ?
• Dites quel est le rôle de la circoncision dans le nimangki.
• En quoi différentes nourritures sont-elles reliées aux diverses étapes du
nimangki ?
• Qu’utilisait-on lors des nimangki avant qu’il y ait tant de cochons dans
l’archipel ?
• Comment hommes et femmes obtiennent-ils leurs noms lors du nimangki ?
• A quoi sert le tamtam lors du nimangki ?
• Qui a le droit d’assister à un nimangki ?
• Quel est le rôle des nattes lors du cérémonie nimangki ?
Tous ces détails changent d’une région à l’autre du pays et vous découvrirez que les
réponses varient énormément. En classe, donnez une question particulière à chaque
élève, et vous pourrez vous figurer les différents aspects du nimangki.
Pour aller plus loin
1. Interrogez des gens des régions des îles du Centre et des îles du Sud, et
comparez leurs systèmes cérémoniels avec le nimangki. En quoi différent-ils ?
2. On dit aussi que le nimangki est la « route de la paix » qui relie les hommes de
haut rang. D’après vous qu’est ce que cela signifie ?
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Les vers palolo
À gauche : filet à vers
palolo, d’origine inconnue.
(Harrisson 1937 : 316).
À droite : nasses de pêche
aux vers palolo de Gaua,
(Speiser 1996 : planche 28).
Les insulaires connaissent exactement la date où les vers essaiment et ils viennent à ce moment-là sur le rivage, équipés de torches et de paniers pour les ramasser. Ils les attrapent à
la main puis les jettent dans les paniers, ou alors, comme dans les Banks, ils les pêchent à
l’aide d’une nasse spéciale, finement tissée, de manière lâche qui permet à l’eau de s’écouler
sans que les vers passent à travers les mailles (Speiser 1996 : 143).
Dans le livre de Ton Harrisson, « Savage civilisation » (1937) il décrit la pêche des vers
palolo dans le nord-ouest de Mallicolo.
Les vers palolo viennent s’échouer par millions sur les récifs, si régulièrement, à un certain
moment de la marée et de la lune connu des experts, que tous les gens du village attendent
avec de petites nasses pour les pécher à pleins seaux, tout en faisant la fête et en dansant.
L’arrivée de ces vers rythme le cours de l’année et donne son nom au mois de l’éclosion
Na-uwl.
Enquête
Renseignez-vous sur la pêche des vers palolo. Est-ce qu’on les récolte dans votre
île ? De quelle manière ? Utilise-t-on des paniers ou nasses spéciaux ou des engins
de pêche modernes ? À quel moment de l’année arrivent les vers ? Existe-t-il des
tabous reliés à la récolte de vers palolo ? Une fois ramassés, comment sont-ils
cuisinés ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
À gauche : pierre sculptée pour la
magie liée aux cochons. Ambrym.
(Bonnemaison et al. 1996 : 164).
À droite : massue pour tuer
les cochons, collectée par Jean
Guiart 1949. Lele, ouest Ambrym
(Bonnemaison et al. 1996 : 163).
Les cochons
Activité de discussion
Parlez avec les gens de votre village et découvrez les noms des divers stades de
croissance d’une défense de cochon. Dessinez un diagramme qui illustrera vos
découvertes. En classe, discutez de ces informations.
Enquête
Avant les cochons, y avait-il d’autres animaux ou des objets qui étaient partie
intégrante des cérémonies coutumières dans les îles ? Demandez aux anciens de
votre village s’ils savent quelque chose à ce sujet.
Le respect
Le respect est une composante importante des cultures traditionnelles. Il est le pivot de
la Kastom et des relations qu’elle implique. Ainsi, montrer du respect aux anciens est
une preuve de reconnaissance de leur sagesse et du fait qu’ils ont vécu plus de choses
que nous. Le respect est aussi un moyen de prouver que vous prenez en considération
les droits des autres : par exemple, en ne volant pas de fruit dans le jardin du voisin, ou
en respectant un tabou placé à un quelconque endroit du récif.
Les exemples ci-dessous des différentes marques de respect viennent des îles de
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Malo, Ambrym et Epi. Ils ont été recueillis en 1998 à l’atelier des chercheuses de terrain
du Centre Culturel du Vanuatu (VKS) qui traitait du sujet Kastom Fasin Blong Respek.
Respect au jardin : Vovuro Leo (Malo)
Long saed blong garen, yumi ol mama taem yumi luk sik blong yumi, yumi no save go long
garen. I tabu blong go long garen go kasem taem sik blong yu hem i finis. Yu no save go long
garen blong defren man taem yu no askem. Mo taem yu wantem karem wan samting long
garen, yu mas askem long man blong hem fastaem. Sapos yu planem wan garen blong yu,
be afta i gat wan man hem i kam insaed we hem i no planem garen yet. Hemia mifala i biliv
se hem i tekemaot ol devel blong yam blong yu, afta i go putum long garen blong hem, mekem se yam blong hem oli gud be blong yu i nogud.
Respect dans la famille : Elsie Lilon (ouest Ambrym)
Long saed blong famle we yumi save tok plei long olgeta mo yumi save respektem olgeta,
long kastom blong mifala long West Ambrym, hem i olsem :
Woman wetem man blong hem : no
Woman wetem sista blong hem : yes
Woman wetem brata blong hem : no
Woman wetem ol mama blong hem : no
Woman wetem ol angkel blong hem : no
Woman wetem pikinini boe blong mama blong hem : no
Woman wetem pikinini gel blong mama blong hem : yes
3
Woman wetem bubu we hem i papa blong mama blong hem : no
Woman wetem bubu we hem i mama blong mama blong hem : yes
Woman wetem bubu we hem i papa blong papa blong hem : yes
Woman wetem woman blong boe blong hem : no
3
Man ia nao we yu respektem
bitim ol nara man, mo yu no
save wokbaot klosap long hem.
Pour aller plus loin
Quelles sont les marques de respect que vous pratiquez dans vos relations
familiales ?
Activité de discussion
Quels sont les mots de votre langue pour dire « respect » et « honneur » ?
En classe, dressez une liste de ces mots dans les différentes régions.
Enquête
Existe-t-il d’autres formes traditionnelles de respect ? Qu’en est-il du respect envers
la nature, les animaux, les poissons, les oiseaux, les plantes, les talents personnels
comme le pouvoir de guérison ou la poterie ? Envers quoi d’autre pouvons-nous
avoir du respect ? Interrogez les anciens de votre village.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Les dessins sur sable
Dans les différents chapitres, nous avons parlé des dessins sur sable. Dans ce paragraphe vous trouverez des informations supplémentaires concernant ces dessins.
À droite : Jacques Gédéon de
Paama, dessinant le Timaëh
Keilu, les jumeaux (Bonnemaison
et al. 1996 : 248). En haut :
Le Titamol de Paama.
Investigations
En quoi les dessins de sable sont-ils en relation avec les thèmes ci-dessous :
• La danse
• Les cérémonies de passage de grade.
• Le voyage post mortem.
• Les jeux de ficelle
• Les diverses histoires traditionnelles
• Les chants
• Le savoir coutumier
• La communication
Si les dessins sur sable font partie de la culture de votre île, renseignez-vous auprès
des gens de votre communauté. Dans le cas contraire, trouvez un professeur ou
quelqu’un d’autre, originaire d’une île où sont pratiqués les dessins sur sable pour
l’interroger. Vous pouvez vous renseigner au musée du VKS.
Activité de groupe
Organisez une séance de dessins sur sable dans votre école. Invitez les membres
de la communauté qui pourront faire des démonstrations. Préparez un endroit où
les artistes pourront s’exprimer. S’ils connaissent les récits qui les accompagnent,
dites-leur de les raconter en même temps qu’ils dessinent. Demandez aux
professeurs et aux élèves de participer à cette séance. Enregistrez les chants ou
histoires et recopiez les dessins afin de présenter un recueil que vous exposerez à la
bibliothèque de l’école.
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Sculpture
Le passage suivant est de Kirk Huffman, tiré du livre « Sculptures ; Africa, Oceania,
Americas » (2002). La sculpture dont il parle a été choisie pour faire partie de la collection
du Musée du quai Branly, à Paris, en France. Cette pièce a été découverte à Gaua à la fin
du 19ème siècle par John Higginson, le fondateur du CCNH. (Vous pouvez trouver de plus
amples renseignements sur Higginson et le CCNH dans « Planteurs et plantations ».)
Cette pièce sculptée dans le tronc d’une fougère arborescente est peut-être la dernière existant
de nos jours, d’un style particulier de l’art des îles Banks. De monumentales statues rituelles
faites dans ce bois étaient communes aux Banks, surtout à Gaua et Vanua Lava, même si
celles d’Ambrym et Mallicolo sont plus connues du grand public. De telles statues n’existent
plus aux Banks depuis le début du 20ème siècle et à ce jour il n’y a pas eu d’étude approfondie
à leur sujet. Les objets eux-mêmes ont disparu des îles Banks, mais la plupart des rituels coutumiers et des connaissances traditionnelles reliés à ces sculptures perdurent encore.
Les rites de passage de grade de l’est de Gaua, wuswus wutve, étaient une variante spectaculaire du système de grade des Banks et c’est là que le Sukwe a laissé les plus importantes
traces. Les « Man Gaua » étaient des sculpteurs excellents. Gaua, surtout du côté oriental, est
couverte de centaines de kilomètres de hauts murs de pierre sèche, avec des abris à cochons,
bordant d’étroits sentiers. Chaque gamal (nakamal), est édifié sur de grandes plateformes de
pierre, situées face au leisar (nasara). Les hommes de rang ont leur propre maison bâtie sur
des plateformes de pierre. Des monolithes, des autels et des places de danse de roche étaient
disséminés autour des leisar. Et, faisant face au public, était une haie de namele, entrecoupée de douzaines de sculptures en fougère arborescente représentant les esprits associés aux
grades ayant été obtenus lors du wuswus wutve. Des statues similaires bordaient la façade des
gamays ainsi que les maisons privées des hommes de haut rang.
Cette sculpture est de sexe féminin. Deux grades au-dessus du mwele du wuswus wutve se
trouve le gwurugwuru valuwo. L’esprit de ce grade est féminin, et parfois réalisé avec deux visages.
Pour aller plus loin
1. En quoi cette sculpture est-elle liée aux passages de grades à Gaua ?
2. Comment nos ancêtres sculptaient-ils le bois de fougère arborescente ?
Quels genres d’outils pouvaient-ils utiliser ?
Expression écrite
Rédigez une description du Tamat goro.
Enquête
1. Réfléchissez au bois de fougère arborescente. À quoi ressemble-t-il ? À quoi
sert-il de nos jours ? Où pousse-t-il sur votre île ? Est-ce que vos ancêtres
utilisaient le bois de fougère ?
2. Existe-t-il une tradition de sculptures dans votre île ? Si oui, à quoi ressemblentelles ? Quelle est leur utilisation ?
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Statue féminine utilisée lors de
passages de grade des hommes
« Tamat doro », cote est Gaua,
(Bonnemaison et al. 1996 : 46).
M o n o l it h e : œuvre réalisée
dans un seul gros bloc de roche
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Signes et symboles
Kuvu Kevin (nord est Santo) Chercheur de terrain du Centre Culturel du Vanuatu (VKS)
Tiré de Nimangki 1994,
atelier des chercheurs de
terrain du Centre Culturel du
Vanuatu (VKS) (1996 : 112).
Mifala i planem namele, be mifala i yusum olsem kod blong komunikesen. Mifala i yusum
blong kaontem ol pig. Wan eksampol. Sapos ol man blong Jif N oli kilim wan man blong
yu, yu nao bae yu tekem wan lif namele nao yu brokem sam pat blong hem we i stret wetem
namba blong pig we oli shud pem i kam long yu. Taem we yu givim lif ia long Jif N bae hem
i rikodem o ridim mo andastandem mesej blong namele, nao hem i pem yu wetem ol pig we
yu bin askem.
Pour aller plus loin
Dans ce texte, la feuille de namele est un symbole servant à communiquer un
message. Connaissez-vous différentes façons d’utiliser le namele pour transmettre
des informations ? Et que savez-vous d’autres plantes, feuilles, plumes, etc. ?
Réfléchissez à d’autres symboles qui sont utilisés traditionnellement dans le pays.
Ces symboles changent-ils d’une région à l’autre ? Comment apprend-on aux
enfants à les reconnaître ?
Expression écrite
En classe, réalisez un tableau des différents signes et symboles culturels. Dessinezles et notez leur signification. Ecrivez leurs noms dans votre langue ainsi qu’en
bislama, en anglais et en français.
Déformation du crâne
Le passage suivant tiré du livre de Bernard Deacon : « Malekula : A Vanishing People in
the New Hebrides » (1934) décrit le procédé employé pour déformer le crâne des enfants.
Lipep et son fils Soso (connu sous
le nom de Masing Nambang’r
qui a eu le crâne déformé.
Village Dineur, île de Toman,
Mallicolo 1919. Photo Martin
Johnson (MacClancy 2002)
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Sur la côte sud de Mallicolo, c’est une mode que de déformer le crâne des garçons et cela
se fait dès leur petite enfance. Le fruit de l’arbre naai mollei est mis à cuire et pratiquement
brûlé. On frotte les charbons restants entre les mains et cette suie est ensuite râpée dans un
coquillage netu, pour être utilisée comme teinture. Des feuilles d’un certain bananier le nitambwingk nenngit, sont alors écrasées en purée et une corde est tressée partir de l’écorce
d’un arbre appelé nimangar. Un petit panier nommé noont tatap est aussi nécessaire à cette
opération de déformation du crâne. La tête du bébé et son front sont d’abord enduits de
peinture noire. La pulpe de bananier est travaillée afin de lui faire prendre une forme de petit chapeau très ajusté et qui est lié autour de la tête par la cordelette tressée sur environ deux
pouces. Le panier posé par-dessus sert à maintenir tout cela en place (Deacon 1934 : 242-3).
Pour aller plus loin
Réfléchissez aux critères de beauté en vigueur autrefois. De quelles autres manières
le corps pouvait-il être modifié ou retouché ? Trouvez des exemples dans votre région.
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Le tissu de toile d’araignée
À gauche : masque en tissu
de toile d’araignée, Mallicolo,
(Bonnemaison et al. 1996 : 22).
À droite : outil utilisé
pour ramasser les toiles
d’araignée, Ambrym, (Speiser
1996 : planche 78).
Un tissu spécial fait de toile d’araignée est parfois utilisé pour faire des masques.
À Ambrym, et au sud de Mallicolo, on fait un tissu avec de la toile d’araignée. La confection de ce tissu est simple. Un long bambou d’un diamètre d’environ 5 cm est fendu en long
à une des extrémités de manière à avoir une dizaine de lamelles. Ces bandes sont maintenues ouvertes et deux ou trois tours de lianes sont tressés autour pour former un étroit entonnoir. Les gens partent en brousse tôt le matin et récoltent les toiles d’araignée à l’aide de
cet outil. On les assemble en les entrecroisant, et elles s’amalgament entre elles. Après avoir
répété cette opération plusieurs fois, une bonne épaisseur de toiles, collées et emmêlées les
unes aux autres, recouvre le bambou comme un tissu. Lorsque les couches de toiles sont suffisantes, on glisse la toile par l’extrémité fine du bambou. On a alors une espèce de tube de
la forme d’un entonnoir étroit ouvert à chaque bout. Pour le fermer, le côté étroit est attaché
par un nœud et l’on obtient un genre de sac.
Ce tissu très souple est extraordinairement solide, résistant, relativement étanche à l’eau
et très long à pourrir (Speiser 1996 : 241).
Enquête
1. Essayez d’en savoir plus sur les matériaux utilisés pour la confection des
masques. Comment sont-ils préparés ? Comment mélange-t-on les couleurs ?
2. Est-ce que le choix des matériaux influe sur l’importance du masque ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Le tatouage
L’extrait ci-dessous, de « Bure Blong Ambae » (1994) de Nadia Kanegai, décrit les rites
de tatouage de l’île d’Ambae.
Wan dei bifo stret dei blong katem mak long gel, ol anti blong gel oli karem frut blong gwevu
(wauvile), oli rusum ale oli singsing long hem, ale gel ia i kakae. Afta hem i kakae, ol anti
blong gel oli tekem hem mo oli mekem hem i swim…
Taem blong katem mak long gel ia, i gat tu anti blong gel i holem taet leg blong hem, wan
i holem taet hed blong hem, mo wan i holem sel kokonas we asis blong faea mo wota blong
nangae i stap insaed. Wan anti i katem ol mak ia long yangfala gel ia…
Long namba faev dei, we hem i las dei blong katem mak long gel ia, oli stat katem mak ia
andanit long bel blong hem i go kasem leg blong hem…long las dei ia we oli bin katem tatu
blong hem, gel ia i kilim mo long 50 pik. Hem i mekem nahungwe [nimangki blong ol woman long Ambae]. Taem hem i finis kilim ol pik ia ol man mo jif blong vilij blong hem, olgeta i luk hem olsem wan spesel woman mo wan hae woman long vilij. Mo jif blong vilij i
givim nem blong hem ‘bure’ from hem i gat tatu long bodi blong hem mo hem i luk naes.
(Kanegai 1994 : 19-20).
Motifs de tatouages des
îles Banks. Speiser 1996
planche 42. Femme des
Banks tatouée, dessinée pas
Mikloucho-Maclay en 1879
(Bonnemaison et al. 1996 : 50).
Pour aller plus loin
En quoi le tatouage à Ambae est-il en rapport avec les autres aspects de la vie
coutumière ?
Activité de discussion
Comment le tatouage a-t-il évolué à travers les temps ?
En classe, discutez des tatouages traditionnels, comparez-les avec les tatouages
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modernes. Pensez aux dessins, dans quel but on se fait tatouer, les endroits du
corps où l’on se fait tatouer, etc.
Enquête
1. Connaissez-vous quelqu’un qui porte un tatouage ? Pourquoi a-t-il décidé de se
faire tatouer ?
2. Traditionnellement, seules les femmes étaient tatouées. En quoi cela est-il
différent des pratiques polynésiennes ?
3. Existe-t-il une tradition de tatouage dans votre île ? Essayez d’en découvrir
plus. Si le tatouage ne fait pas partie des traditions de votre île, quelles autres
méthodes d’embellissement étaient utilisées ?
Titres
Dans « The Melanesians : Studies in their Anthropology and Folklore » (1891),
R.H. Codrington décrit le système de passage de grades du nord de Pentecôte. Dans
ce texte, il explique aussi comment l’acquisition de titre est liée à un passage de grade.
Le sixième grade, moli, est le premier à avoir de l’importance, le jeune passe le grand loli, ma
loli gaivua (nom du nimangki au nord de Pentecôte) et obtient un nom portant le préfixe moli.
Il y a trois étapes de moli. Le neuvième rang est le udu, le dixième ngbaka, le onzième le livusi et le dernier vira. Le père ou protecteur du nouveau moli lui donne quelques-unes de ces
blanches et magnifiques « monnaies coquillage » lorsqu’il atteint ce rang… (shell money).
Cette monnaie a plus de valeur que de nombreux cochons, on la met au bras ou au poignet
sur un lien ou on la tisse en brassard […] Le grade vira est rarement atteint, un homme de ce
rang, comme Viradoro aujourd’hui, est en fait le chef (Codrington 1891 : 115).
Activité de discussion
La signification des titres a-t-elle changé ? Comment ? En classe, discutez de ce sujet.
Considérez le fait que les leaders nationaux reçoivent souvent des titres au moment
d’être nommés Président ou Premier Ministre.
Enquête
Des gens de votre famille possèdent-ils des titres ? Comment acquiert-on un titre ?
Est-ce que les femmes peuvent recevoir un titre comme les hommes ?
Médecines traditionnelles
Expression écrite
Rédigez un texte dans lequel vous donnerez votre opinion concernant l’usage des
médecines coutumières et modernes. Si vous le pouvez, demandez leur avis à
d’autres personnes. Vous prendrez note de leurs idées dans votre rédaction.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Activité de discussion
Nombreux sont ceux qui ont un savoir général de lif ou kastom médecines. Quelles
connaissances sont nécessaires pour utiliser correctement les plantes de la
brousse ? En classe, discutez des plantes et de leurs utilisations.
Monnaies traditionnelles
Différentes sortes de
monnaie traditionnelle
• Coquillages
• Pierres
• Plumes
• Nattes
• Cochons et défenses
de cochon
Monnaie traditionnelles
tableau de Joseph John.
Le passage ci-dessous de R.H. Codrington, tiré de « The Melanesians » (1891) décrit la
« monnaie coquillage » utilisée dans les Banks et les îles du nord.
Tout peut être acheté avec la « monnaie coquillage ». Elle peut être prêtée sans intérêt. Pour
faire cette monnaie, le coquillage, som, est cassé, puis on frotte l’extrémité sur un caillou à
l’aide d’un bâton pointu inséré du coté brisé de la coquille jusqu’à ce que l’autre bout creux
soit atteint. Alors, le bâton est glissé dans le trou qui apparaît au bout de la coquille et la base
brisée est frottée doucement sur la pierre. On utilise donc un coquillage pour chaque disque
et on n’a pas besoin d’une perceuse… Les rondelles de coquillage sont alors enfilées sur une
fibre fine d’écorce d’hibiscus. La « monnaie coquillage », som, permet d’obtenir toutes sortes
de choses, mais son usage principal est d’obtenir des grades dans le Suqe (le nimangki des
îles Banks). Le som est disposé et compté en rouleaux, deux bâtons sont plantés dans le sol
et le som est enroulé, sig, autour d’eux. Un tour d’un bâton jusqu’à l’autre s’appelle le tal, dix
tours, tal sangavul, un écheveau ou rouleau, qatagio ; lorsque la quantité est moindre que le
qatigiu, on dénombre le nombre de tal… les hommes de haut rang peuvent accumuler de
nombreux rouleaux de cette monnaie.
Les échanges jouent une grande part de la vie des insulaires. L’ascension sociale est garantie par la monnaie coquillage, les étapes du Suqe ne peuvent être gravies sans cette monnaie. Le rang dans la société s’appuie sur sa possession, car l’homme riche tient ses débiteurs
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Aspects des sociétés traditionnelles
133
sous sa coupe et il peut se permettre d’octroyer des prêts. Il détient le pouvoir sur ceux qui
pourraient devenir des rivaux et peut ainsi les tenir à des rangs inférieurs. À travers l’institution du Suqe, la monnaie était en permanence en circulation, aussi bien en grande qu’en petite quantité (Codrington 1891 : 326-327).
Pour aller plus loin
1. Que veulent dire les termes « échange » et « troc » ?
2. Pourquoi les insulaires utilisaient-ils des monnaies traditionnelles ?
3. Pourquoi l’usage de ces monnaies est-il en train de disparaître ?
Activité de discussion
Le Centre Culturel du Vanuatu et l’Unesco ont lancé un projet en relation avec
les monnaies traditionnelles. Pensez-vous que ce projet puisse être utile à votre
communauté ? Et de quelle manière ? En classe, débattez de ce projet.
Enquête
1. Demandez à une personne âgée quelle type de monnaies traditionnelle avait
cours dans le temps. De quelle manière l’employait-on ? Comment calculait-on
sa valeur ? Qu’est-ce qui faisait la « richesse » des gens ?
2. Y a-t-il encore des monnaies traditionnelles en usage dans votre village ? Si oui,
comment et quand sont-elles utilisées ?
En haut : Navelac kone, coquille de
bénitier fossilisée d’Erromango.
En bas : collier de perles de
coquillage, îles Banks (Mani
Blong Yumi 2000 : 8 et 9)
Réseaux d’échanges traditionnels
Regardez la carte page suivante. Que vous indique-t-elle ? Etudiez les endroits où les
routes convergent. Ces endroits peuvent être considérés comme étant « des carrefours
ou des centres où les échanges, les contacts et la créativité culturelle sont les plus importants » (Bonnemaison et al. 1996 : 175).
Enquête
Localisez l’île dont vous êtes originaire sur la carte. À quelles autres îles est-elle
liée ? Existe-t-il aujourd’hui encore des connexions entre cette île et les autres et de
quel genre ? Qu’échangeait-on autrefois entre les îles ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Hiu
Iles
Torres
Tegua
Loh
Toga
Ureparapara
Iles
Banks
Mota Lava
Vanua Lava
Mota
Gaua
Mwerig
Mera Lava
Sakao
Maevo
Espiritu
Santo
Ambae
Tutuba
Aore
Malo
Pentecôte
Ambrym
Mallicolo
Paama
Lopevi
Epi
Emae
Iles
Shepherd
Nguna
Moso
Lelepa
Tongoa
Tongariki
Makura
Mataso
Emau
Efate
Erromango
N
vers Samoa
et Tonga
100 km
Aniwa
Tanna
Futuna
Anatom
Uvea
Iles
Loyauté
Réseaux d’échanges traditionnels
dans l’archipel. (Bonnemaison
et al. 1996 : 175).
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Nouvelle
Calédonie
Lifu
Mare
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Liens inter et intra îles : échanges, marchés et troc de denrées « non rituelles »
Le passage suivant est tiré du livre de Kirk Huffman : « Trading, cultural Exchange and
Copyright : Importants aspects of Vanuatu arts »(dans Bonnemaison et al. 1996 : 182-194).
Comme fréquemment au Vanuatu, les femmes étaient souvent à la base des échanges qui
étaient généralement organisés et gérés par les hommes. Une telle relation peut trouver ses
fondements dans les faits, ou avoir une origine mythique conceptuelle.
Dans les grandes îles de l’archipel, comme Mallicolo, il existait de vastes communautés
aussi bien terriennes que proches de la mer. Les gens de l’intérieur ont besoin des produits de
la mer et vice versa. (Voir le chapitre 4). Les relations normales entre les deux groupes étant plutôt hostiles, un rapport de paix, un Rod, était mis en place, et il se remarquait lors de l’échange
de femmes entre les deux tribus ; ainsi, une femme de la brousse pouvait être envoyée vers la
côte (en mariage) et une autre du bord de mer allait vers la forêt (pour se marier aussi) ouvrant
la route, Rod, par laquelle les échanges pouvaient se faire… Souvent, les deux groupes ne parlaient pas la même langue, et ces échanges permettaient d’avoir quelqu’un connaissant l’autre
dialecte et par son intermédiaire les connexions pouvaient se faire et les marchés se conclure.
Les enfants issus de ces mariages entre groupes ethniques apprenaient les deux langues.
Il existait un genre d’échange « silencieux » entre le peuple Lambubu de la côte et ceux de
la brousse, troc qui avait lieu pendant la morte-saison, entre le moment de la plantation des
ignames et la récolte. Ceux de Lambubu se rendaient par la mer en des endroits précis du rivage et attendaient à bord des pirogues que les gens de l’intérieur apportent et laissent sur
le rivage des taros et autres produits vivriers. Ensuite, ceux de Lambubu allaient récupérer
les denrées une fois les paysans repartis dans la forêt. Dix jours plus tard, ceux de Lambubu
revenaient et déposaient à terre des poissons et des produits de la mer en échange. Ces
échanges étaient appelés nisevei à Lambubu.
De tels genres de marchés muets existaient surtout entre des groupes hostiles, ou qui
avaient auparavant échangé des femmes. Au sud de Santo, les îlots de Tangoa et Araki, tout
en ayant des contacts avec des tribus voisines, avaient aussi des relations « silencieuses »
avec des broussards. Les gens de la brousse venaient en des endroits précis, le long de la
frontière qui séparait les clans, avec des ignames, du taro et du manioc, entassaient les légumes et se retiraient dans la brousse. Les gens du bord de mer s’approchaient à leur tour, et
laissaient pour chaque tas une quantité définie de poisson fumé et de produits de la mer (par
exemple de l’eau salée stockée dans des bambous), prenaient les fruits et repartaient. Les
paysans enlevaient les produits de la mer et rentraient chez eux aussi.
L’île de Malo produisait de la monnaie coquillage, jom, et servait d’intermédiaire dans
un système d’échange compliqué de nattes teintes, entre le nord de Mallicolo et le sud de
Santo. La monnaie coquillage, jom, de Malo était particulièrement fine et fort prisée dans
les régions voisines où on l’utilisait pour obtenir des cochons, des femmes et aussi comme
preuve de son rang dans la hiérarchie. Depuis le centre de fabrication de monnaie coquillage
à Avunambakura, au nord-ouest de Malo, le jom circulait à travers l’île et était embarqué sur
des pirogues pour être emporté jusqu’au nord de Santo vers l’île de Sakao (Lathi) et sur la
grande île, contre des cochons narnave (ndre à Sakao). Ces cochons étaient indispensables
aux rites de passage de grade à Malo et fortement recherchés dans l’est et le sud de Santo,
Ambae, Maewo et Raga. En revenant de Sakao, les pirogues de Malo faisaient des escales de
troc aux îles Mavea et Tutuba.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
ureparapara
rowa
Centre de fabrication
de monnaie coquillage
Vanuatu centre nord
Routes d’échanges culturels et de troc
mota lava
K.W. Huffman
mota
uill
age
vanua lava
mwerig
m on
naie
coq
gaua
mera lava
nna
mo
e
routes traditionnelles d'échanges
ge
oquilla
rie
Olpoï
lag
quil
na i e c
mon
p o te
p o t e r ie
ie co
lieux principaux du réseau
d'échanges traditionnels
sakao
village
Pespia
maewo
jo m
o
coch
ns
co q
espiritu
santo
kava
mavea
ambae
ho
ns
tutuba
aore
jo m
es
d’
ea
u
na
tte
s
vao
atchin
Matanvat
wala na
Tenmial
c och
mb
s
natte
Tenmaru
Big Lambumbu
Nambas
po
t
eri
e
pentecôte
cochons
a s,
cei
n
nam
tur
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on s
ce i n
ture
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ch
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ons
coch
Apma
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jom
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tangoa
Lolokaro
oc
ho
poterie
nattes
cochons
Wusi
u i l la g e
bas
N
ambrym
mallicolo
c oc h
Port Vato
paama
100 km
o ns
Le centre nord du Vanuatu,
échanges commerciaux et
culturels (Bonnemaison
et al. 1996 : 185).
0
lopevi
tomman
lamen
t e in t u re v ert e
epi
Expression écrite
Etudiez la carte au-dessus, « Centre nord du Vanuatu, échanges culturels et
commerciaux ». En utilisant les informations données par cette carte, choisissez
une région particulière désignée sous le terme : « centre principal du réseau
d’échange » et rédigez une description des échanges qui ont pu avoir lieu dans
cette zone.
Activité de groupe
Le texte ci-dessus explique la complexité des échanges qui existaient dans le nord
et le centre du pays. En classe, créez une fresque, dessin ou peinture, d’une des
scènes décrites dans le texte.
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Aspects des sociétés traditionnelles
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Les guerres et les batailles
Aquarelle de pirogues de
commerce au nord-est de
Mallicolo 1895, par Norman
Hardy. Probablement sur la
grande terre en face des îles
Wala et Rano ( Bonnemaison
et al. 1996 : 186).
Les guerres au sein des villages d’un même district étaient déclenchées le plus souvent par
l’adultère surtout si un homme prenait la femme d’un homme de haut rang, ou par les vols
de cochon. Et peut être la plus importante des raisons : la mort d’un homme de haut grade
qui serait due à un acte de magie malveillante (Deacon 1934 : 217-18).
Activité de discussion
Faites une recherche sur les moyens de rétablir la paix autrefois. Comparez-les avec
les manières de faire d’aujourd’hui. En quoi sont-ils semblables et en quoi diffèrentils ? En classe, discutez de vos découvertes. Si possible, trouvez des informations
venant de différentes îles.
Enquête
Quand eut lieu la dernière guerre dans votre région ? Pourquoi ? Comment la paix
a-t-elle été rétablie ?
Les échanges de femmes
Les textes ci-dessous sont tirés de Kastom Fasin Blong Respek, le rapport effectué en
1998 par l’Atelier des Femmes chercheuses de terrain du Centre Culturel du Vanuatu
(VKS).
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Mary John (Whitesands Tanna) Chercheuse de terrain du Centre Culturel du Vanuatu (VKS)
Mifala i no pem woman, hem i kastom blong mifala. Mifala i givim jenis nomo. So, sapos yu
nogat gel, yu askem long mi, mi givim long yu, yu talem nomo se samtaem bae yumi luk long
hu, hem i swop wetem mama blong hem.
Jennifer Mera (Lowainasasa, nord Ambae) Chercheuse de terrain du Centre Culturel du
Vanuatu (VKS)
Long saed blong mared, yumi ol woman yumi gat respek long mared blong yumi. Papa blong
woman i mekem kakae blong hem mo i gat fulap samting long ples ia blong hem i pem, blong
mekem se hem i gat raet long wan ples we hem i kastom mared. Olsem, hem i gat raet long
kakae o tajem sam samting blong narawan ia. So, hem i min se evri woman Ambae we oli
mared oli mas mekem spesel kakae we mifala i kolem woro. Oli mas mekem wan kakae bakegen
we mifala i singaotem malasi. Hemia hem i karem i go long ples blong man blong hem, mo i
gat wan samting we papa blong hem i putum long hed blong hem mifala i kolem werwero. Hem
i mas karem mat ia i go long ples blong papa blong hem. Olsem ol kaen seremoni ia nao hem
i leftemap woman ia, blong hem i gat raet long samfala samting taem we wan woman hem i
mekem wan seremoni olsem.
Enquête
Autrefois, est-ce que les échanges de femmes avaient lieu dans votre région ?
Demandez à une personne âgée de votre village de vous raconter comment les
mariages étaient organisés, et comment on choisissait le partenaire. Comment on
calculait la valeur du mariage. Que se passait-il lors des échanges ? Est-ce que les
échanges de femmes étaient réciproques ?
Mise à mort rituelle des cochons par les femmes
L’extrait ci-dessous est tiré de la thèse « Making Lengwasa, Analyse des rituels de mise
à mort par les femmes à Maewo, Vanuatu » (1982). L’auteur Lynn Hume décrit le mo-
À gauche : masque Lengwasa
après application des peintures.
À droite : un autre genre
de masque (Bonnemaison
et al, 1982 : 120).
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noir
rouge
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Aspects des sociétés traditionnelles
139
ment du Lengwasa et les styles de dessins qui sont tracés sur les visages. le système de
grade des femmes fait partie de la coutume sur toutes les îles où le système de passage
de grade des hommes existe.
Le Lengwasa a lieu normalement quand la fille est encore petite et donc quelqu’un d’autre,
une jeune fille plus âgée ou une femme prend sa place, une personne de sa lignée, Asu ou
Liu, mais pas obligatoirement du même clan. Elle doit rester dans la maison tabou pendant
dix jours. Pendant ces dix jours, elle ne peut manger que certaines nourritures et ne doit pas
se laver. Elle ne peut sortir que pour faire ses besoins naturels et rentrer immédiatement.
Son visage est peint le premier jour du rite aux marques du Lengwasa et les dessins sont ravivés chaque jour pendant les dix jours.
Chaque jour de ces dix jours de réclusion est différent. Elle peut entendre le Notarisurahia
bouger à l’extérieur de la maison tabou. C’est le diable en chef du tabou des femmes qui
tuera toutes celles qui ne sont pas tabou. Le Lengwasa est fait pour cela. Si une femme ne
devient pas tabou, le Notarisurahia lui plantera un couteau de bambou en travers du corps.
C’est une diablesse qui peut apparaître sous une forme humaine féminine puis disparaître
à volonté. Elle vit dans un endroit que l’on appelle Gwangea, à Naviso, du côté est de Maewo.
Gwangea est un trou d’eau proche de la mer dans lequel coule une rivière. Elle vit dans
ce trou. Toutes les femmes tabou peuvent y nager, mais si une femme non tabou y vient,
Notarisurahia la tuera (Hume 1982 : 73-4).
Les peintures faciales du Lengwasa
Il existe deux sortes de dessins faciaux lors du Lengwasa. Le premier est la marque du
Lengwasa, son nom est le ulikokona, il est porté le premier jour de la cérémonie par les
femmes tabou qui participent au rite ainsi que par la jeune novice. Ce dessin est peint sur
le visage de l’initiée alors qu’elle se trouve dans la maison tabou et chaque étape est accompagnée de chants. Une peinture rouge de base, tirée des graines de la noix rerena, écrasées
et mélangées à de l’eau de manière à former une pâte, est appliquée en premier. Une série
de lignes noires, faites de poudre de charbon, sont dessinées sur le haut de la face, partant
près d’une oreille, traversant le front jusqu’à l’autre, passant ensuite sous un œil, sur le nez
et retournant sous l’autre œil vers l’oreille où elles ont commencé. Entourant cette série de
lignes, on trace d’autres lignes rayonnant vers l’extérieur du visage. Ce dessin du premier
jour est rafraîchi chaque jour des dix jours du Lengwasa.
Les autres motifs sont portés uniquement par les femmes tabou, le deuxième jour du
rituel. Ces dessins sont différents d’une tribu à l’autre et sont la marque distinctive de chacune. Les mêmes couleurs, rouges et noires sont utilisées. Les dessins faciaux sont exécutés
par quiconque connaissant les tracés particuliers du clan et sont effacés à la fin du deuxième
jour du rite (Hume 1982 : 79-80).
Pour aller plus loin
Comment le Lengwasa est-il lié au grand diable Notarisurahia ?
Enquête
Les dessins de la face et du corps font partie intégrante de nombreuses pratiques
coutumières. Effectuez une recherche sur les plantes et matériaux utilisés pour
réaliser ces dessins. Cherchez aussi les significations des différents signes et
symboles tracés dans ces peintures.
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140
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Ablation des dents chez les femmes
Lambubu Mallicolo
Habituellement, plusieurs filles ou femmes passent ce rite ensemble, mais pas toujours.
Quand un homme a décidé qu’il était temps pour sa femme ou ses filles de subir l’ablation d’une dent, il plante un jardin spécial d’igname. Puis, lorsque les racines sont bonnes
à consommer, il choisit un jour pour la célébration du nimbaghai. Ensuite, il construit une
case ouverte proche de sa maison, le nium tömbwar. Environ cinq jours après que la case a
été achevée, la fille commence à suivre les rites et tabous, qu’on appelle vilval. Elle ne doit
avoir aucun contact avec l’eau salée, directement ou non. Elle ne peut pas manger de noix de
coco ou de cochon et elle ne peut pas boire d’eau. Ensuite, elle doit faire attention, lorsqu’elle
va dehors, de ne pas enjamber de racine d’arbre, car on estime que si elle le fait, son incisive
sera très difficile à extraire et sa mâchoire est susceptible de se briser lors de l’extraction de
cette dent. Après encore cinq jours, la fille est enfermée dans le nium tömbwar où elle reste
pendant quatre jours et nuits, en respectant les tabous inhérents. Au bout des quatre jours, la
cérémonie du nimbaghai commence par une danse. Nous ne savons pas qui y prend part, si
des visiteurs des villages voisins sont invités ou si des hommes et des femmes sont présents.
La danse a lieu pendant la nuit et le matin suivant on procède à l’ablation de la dent. Cet acte
est perpétré par une vieille femme, la nimogh terou, experte dans cette technique. Elle prend
une feuille de chou des îles, nuhuver, et frotte les gencives de la fille avec, après quoi elle extrait la dent de la même façon que dans la région de Seniang, dans le sud-ouest de Mallicolo.
Près de la tête de la fille est posée une feuille de taro, neselang, remplie d’eau dans laquelle
le sang de la blessure s’écoule. Après l’ablation, l’opérée reste enfermée pendant encore dix
jours, après ce laps de temps elle peut retourner dans la maison de son père ou de son mari
et reprendre sa vie normale. C’est peut être à ce moment-là, ou lorsque la dent est enlevée
que l’on danse la naawus nebelang. Cette danse est spécialement exécutée lors du nimbaghai, mais aussi pour d’autres cérémonies liées à l’ascension des femmes dans la hiérarchie
sociale. Les hommes se rassemblent et chantent le chant naan raröt, dont ils marquent le
rythme à l’aide de bambous qu’ils frappent sur le sol, pendant que les femmes dansent.
Le lendemain, le père ou le mari de l’opérée paye les participants pour cette cérémonie. Des
cochons sont offerts à l’oncle maternel, à chacun des grands-pères, et à son oncle paternel. La vieille femme qui a enlevé la dent, la nimogh terou, est aussi récompensée pour son
œuvre, mais nous ne savons pas ce qu’elle reçoit (Deacon 1934 : 488-9).
Activité de discussion
Découvrez d’autres coutumes réservées aux femmes de votre île, y en a-t-il qui
n’existent plus ? Discutez de vos découvertes en classe.
Les ignames
Le passage ci-dessous est tiré du projet de Marinet Abel du collège de Malapoa intitulé
« Traditional Economy in Litzlitz, Central Malekula ». Avant de se déplacer vers le sud
jusqu’à cet endroit appelé aujourd’hui Litzlitz, la communauté vivait dans un village en
brousse, Bangakisil. Ce village se trouvait à environ deux kilomètres de Litzlitz, dans les
terres. Dans cet extrait, Abel décrit la signification des ignames.
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Aspects des sociétés traditionnelles
141
L’igname tenait un grand rôle dans l’économie et la vie sociale de la tribu. On la cultivait
pour une bonne raison : sans igname, sans cochon, les gens étaient bien pauvres.
Lors de la récolte, si l’on se réfère à Masel de Lingarak, l’homme igname choisissait un
jour particulier pour le sacrifice des racines au dieu de l’igname. Lui seul pouvait le faire et il
utilisait un langage compliqué pour communiquer avec le dieu. Il avait un endroit spécial où
mener à bien la cérémonie. Chacun apportait des racines et les donnait à l’homme igname.
On faisait cela aussi pour les autres genres de produits lorsque le moment de la récolte approchait. Tous les produits de la terre avaient un sorcier particulier qui connaissait la magie
reliée à chaque fruit ou légume.
Toute personne surprise à consommer des ignames de la dernière récolte était sévèrement punie, ou se voyait infliger une amende sous la forme de cochons. C’était le travail de
l’homme igname de surveiller les villageois et de s’assurer que personne ne brise le tabou.
S’il restait des ignames de la saison précédente, on les laissait pourrir.
Le nevanbevdebdeb (fait d’ignames sauvages sucrées) était une nourriture de base. Il fallait
une journée entière pour préparer ce plat et seules les femmes avaient le droit de le cuisiner.
Après avoir pelé la racine, on la déposait dans un four de terre. Une fois le nevanbevdebdeb
cuit, on râpait la chair à l’aide d’un jonc. Ensuite, cette chair était placée dans des paniers de
palmes de cocotier tressées puis trempée dans l’eau pour rincer le goût amer. Puis on servait
la nourriture sur une feuille de cotonnier. On la consommait froide.
Des greniers pour les ignames étaient construits à deux mètres au-dessus du sol. Après
avoir fini la récolte, on les y rangeait. Ces greniers étaient assez vastes. Selon le chef Jacob
Naus de Lingarak, ils pouvaient mesurer environ quatre mètres de large pour six de long.
On croyait que les ignames venaient de l’homme. Donc, lorsque l’on en fait cuire, on doit
les peler en utilisant un coquillage, dirong, et pour la découper, on prend un nishi, morceau
de bois particulier qui ne sert qu’à cela.
Pour aller plus loin
Quelles sont les plantes les plus cultivées dans votre région ?
Existe-t-il des rites particuliers liés aux cycles de plantation ou de récolte de ces
cultures ?
Activité de discussion
En classe, faites un tableau décrivant les différents aliments et leur valeur
coutumière. N’oubliez pas que ces valeurs ne sont pas les mêmes d’une île à l’autre.
Il existe de nombreuses spécificités dans les sociétés traditionnelles du Vanuatu sur lesquelles vous pouvez effectuer des recherches. Certaines peuvent être typiques de votre
région, d’autres se retrouvent à travers tout l’archipel. En voici quelques exemples, mais
vous devez pouvoir en trouver d’autres. Faites des recherches sur les sujets ci-dessous :
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Différentes méthodes de jardinage
Styles et usages des paniers
Les croyances diverses
Sculptures
Ornements et peintures corporels de cérémonie
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Jeux d’enfant
Vêtements
Communications
Histoires traditionnelles
Danses : Rom danse, Toka danse, etc.
Généalogie et lignées familiales
Techniques de pêche
Les différentes nourritures, leur préparation et leur conservation
Coiffures et ornements de cheveux
Guérison et médecine
Saut du Naghol
Système de jouissance des terres
Divers langages
Le pouvoir des chefs
Les masques et autres coiffures traditionnelles
Techniques de massage
La musique et son rôle dans les cérémonies
Les monolithes et les pierres sacrées
Nakaemas : magie noire
Nasara : aire de danse
Art oratoire (art de raconter des histoires)
Styles de poterie
Systèmes de grade
Gestion des ressources
Les scarifications
Les chants
Systems de communication
Dessins et arts traditionnels
Choix de l’emplacement des villages
Cérémonies de guerre et de paix
Armes : lances, flèches et massues
Tressage de paniers et nattes.
Préparez en classe un document regroupant les informations qui auront été recueillies
et déposez-le à la bibliothèque de l’école. Envoyez-en une copie aux Archives Nationales
du Centre Culturel du Vanuatu (VKS) pour en assurer la pérennité.
HBYV_Volume_1.indb 142
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chapitre quatre
Histoire de l’agriculture au Vanuatu
Introduction
L’homme dépose précautionneusement les pierres magiques dans la maquette de pirogue à
balancier, après les avoir lavées à l’eau de mer. Il les frotte avec des feuilles et de l’écorce spécialement réservées à cet usage. Ensuite, il crache sur le petit bateau enveloppé de feuillages
et l’enterre dans le sol labouré. Lui seul connaît la magie des pierres et il est garant de la fertilité de la terre et de l’abondance des récoltes qui nourriront les femmes, les hommes et les
enfants de sa communauté. Les pierres aideront à produire en quantité suffisante pour les
mois à venir. La nourriture sera utilisée comme cadeau, lors de cérémonies particulières et
pour subvenir aux besoins de tous dans le village. Après la récolte des premières ignames,
il les distribuera à tous ceux de son groupe. Ce don est une preuve de son pouvoir et de son
importance aux yeux de tous. Son jardin magique est abandonné après la fête de la récolte
et les tubercules restant dans le sol sont laissés là pour les esprits errants. Le magicien se
repose alors jusqu’à ce que ce soit de nouveau le moment de soigner la terre, préparer les
buttes et planter le jardin d’ignames.
S u b v e n ir : fournir
Adapté de Bonnemaison
1994 : 172-3.
Jardin rituel d’ignames.
Tanna. c.1910. Félix Speiser
(Weightman 1989 : 71).
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Indissociable : inséparable
Équilib re : position qui
permet de ne pas tomber, position
d’une balance lorsque les deux
plateaux sont à la même hauteur
HBYV_Volume_1.indb 144
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Lorsque nous pensons aux choses importantes dans la vie des habitants du Vanuatu, les
concepts de famille, coutume, religion et croyances spirituelles nous viennent à l’esprit.
Cette intégration de chacun à la vie sociale en milieu rural passe par le lien à la terre.
Sans leur terre, les habitants des îles seraient perdus. Elles les nourrissent, leur donnent les moyens de s’habiller et les protègent contre la pauvreté. Directement ou indirectement, tous les habitants du Vanuatu dépendent de l’agriculture, que ce soit dans
les villes, les villages ou encore à l’école. Y a-t-il un jardin dans votre école ? Qui s’en
occupe ? La plupart d’entre nous comptent sur leur terre pour subvenir à leurs besoins
quotidiens. Même si beaucoup d’entre nous vont au magasin pour acheter des produits, nous savons tous que le Aelan kakae est de loin supérieur au niveau nutritionnel.
Sans jardin, comment pouvons-nous survivre ?
Au début de ce chapitre, nous avons lu l’histoire du magicien de Tanna, et des rites
liés à l’igname. Il utilise des pierres fertiles spéciales pour assurer des récoltes abondantes. Sans son savoir-faire, les jardins de sa communauté sont en péril. La production
de nourriture et les coutumes qui s’y rapportent sont indissociables. Sans les gestes
coutumiers, on ne peut pas pas espérer de belles récoltes. Nos terres ne sont pas seulement un sol où nous faisons pousser nos aliments. Nous ne devons pas dédaigner
ces coutumes du passé qui nous apportent encore aujourd’hui d’abondantes récoltes.
L’avenir des habitants du Vanuatu passe par leurs capacités à s’occuper de leurs terres
et de leurs jardins.
Lorsque vous êtes proche de votre terre et que vous y travaillez, vous connaissez
parfaitement la place de chaque arbre nakavika, de chaque petite courbe de la rivière.
La terre nous relie à notre famille, qu’on la cultive à plusieurs ou non, qu’on partage
ou non ses fruits. La terre resserre les relations avec les autres. Elle est déterminante
de nos coutumes et rites. Sans nos connexions spirituelles avec nos jardins, nos vies et
nos identités ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Des cérémonies coutumières
telles que celles décrite au début du chapitre nous rappellent l’importance des liens à la
terre. D’où la nécessité de garder nos terres et de ne jamais les vendre.
Une autre manière d’utiliser les terres provient des méthodes scientifiques de culture
telles qu’elles sont enseignées dans les écoles et mises en pratique par le Département
de l’Agriculture. La pratique de cultures alternatives et de mise en jachère dans un jardin permet à la terre de ne pas s’épuiser et de continuer à nous nourrir correctement.
Ces techniques modernes se rapprochent des gestes traditionnels du sorcier de Tanna,
lorsqu’elles permettent de garder la terre fertile. Mais les anciennes techniques agraires
n’utilisent pas de produits chimiques; comme cela se produit parfois avec les nouvelles
techniques. Ces produits chimiques peuvent être dangereux pour la santé des hommes.
Nos parents et grands parents nous enseignent leurs pratiques lorsque nous allons
au jardin avec eux. Vous pouvez écouter les programmes de Radio Vanuatu qui traitent
de l’agriculture et du jardinage. À travers le pays, vous pouvez rencontrer des instructeurs spécialement formés pour aider les gens dans ce domaine. La production agricole
reste une priorité pour le bien-être des habitants du Vanuatu.
Pour aller plus loin
Dans le livre de Weightman, « Agriculture in Vanuatu » (1989 : 30), Joël
Bonnemaison affirme que « la civilisation mélanésienne constitue un tout, un
équilibre entre l’agriculture et la culture traditionnelle sans lequel les divers
éléments ne peuvent pas fonctionner indépendamment les uns des autres. »
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
145
Que veut dire cette phrase ? En quoi l’affirmation de Bonnemaison rejoint-elle la
tradition décrite au début du chapitre, sur les jardins sacrés de Tanna ?
Les débuts
• Comment l’agriculture a-t-elle vu le jour dans nos îles ?
• D’où venaient les premiers légumes ?
• Quel rôle jouaient les femmes dans les travaux agricoles ?
Nous allons étudier ces questions dans ce chapitre.
Dans le chapitre deux : « Peuplement de l’archipel »,
nous avons appris comment les premiers voyageurs sont
arrivés au Vanuatu depuis les îles situées au nord de l’archipel. Que transportaient ces hommes dans leurs pirogues ?
Quels fruits et légumes se trouvaient déjà dans les îles à
leur arrivée ? Les réponses à ces questions vont nous aider
à comprendre comment l’agriculture s’est développée dans
le pays.
La présence de la flore que nous voyons autour de nous
s’explique de diverses manières. Le Vanuatu étant une
chaîne d’îles, les végétaux ont pu dériver sur la mer d’une
île à l’autre et prendre racine sur les rivages. Pour pouvoir
survivre dans ce milieu salé, les plantes et les graines devaient posséder des coques résistantes et tolérer l’eau salée.
La noix de coco en est un bel exemple. Lorsque les premiers hommes arrivèrent il y a
3 ou 4 000 ans, ils apportèrent des plantes de leurs pays de l’ouest, des végétaux qu’ils
connaissaient. Puis les Polynésiens arrivèrent, 2 ou 3 000 ans plus tard, amenant avec
eux des plantes des îles de l’est. Les Européens, introduisirent encore d’autres espèces. Il
y a donc deux facteurs d’implantation des plantes dans les îles : les phénomènes naturels
qui ont déposé les graines sur les plages et les hommes qui les ont apportées dans leurs
bateaux. Un tableau explicatif de ces diverses implantations se trouve page suivante.
En 1978, l’archéologue Matthew Spriggs décida d’étudier l’origine du cocotier.
Il voulait découvrir si c’était un arbre originaire du Vanuatu. Il effectua des fouilles dans
un marécage à Anatom et chercha des fragments de coques de noix de coco. Avec ses
collègues chercheurs, ils firent des tests au carbone pour déterminer l’ancienneté de
ces débris (Voir le chapitre 2). Lorsqu’ils purent comparer l’âge des noix de coco avec
la date approximative de l’arrivée des premières migrations, ils s’aperçurent que les cocos étaient plus anciennes que l’époque de l’arrivée des premiers hommes. Qu’est-ce
que cela nous apprend sur le cocotier ? Le cocotier pousse-t-il naturellement partout au
Vanuatu ou l’homme y est-il pour quelque chose ? En quoi cette information est-elle
importante pour comprendre l’histoire de l’agriculture de nos îles ?
HBYV_Volume_1.indb 145
Le père John Bennett et son
fils, dans un jardin magique,
région de Namatiu, île de Mota.
Photo du National Heritage
Inventory of Vanuatu (VKS)
T e s t s a u c a rbone : datation
au carbone 14, méthode utilisée
par les archéologues pour
donner un âge à des objets
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146
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Introduction de diverses plantes alimentaires
dans les îles du Vanuatu
Introduit par
Fruits ou légumes
Pousse
naturellement
Premiers
arrivants
Migration
polynésienne
Avocat
x
Banane
x
Haricot vert
x
Fruit à pain
x
Carotte
x
Cacao
x
Noix de coco
x
Mais
1
‘On appelle « contacts
européens » les relations entre
les premiers colonisateurs,
missionnaires, planteurs et
commerçants, et les habitants
pré-coloniaux du Vanuatu.
2
Il n’est pas évident que la
« kumala » ait été introduite par
les Polynésiens car les premiers
Européens, qui connaissaient
cette racine, n’en font pas
mention dans leurs rapports
des îles. Certains affirment
que ce sont les Européens qui
ont introduit la kumala.
x
Concombre
x
Pamplemousse
x
Goyave
x
?2
Patate douce (kumala)
Mangue
x
Manioc
x
Orange d’Aniwa
x
Canne à sucre
x
Fruit de la passion
x
Papaye
x
Ananas
x
Pomme de terre
x
Potiron
Informations tirées de
Weightman, 1989
Contacts
européens1
x
Taro (Colocasia esculenta)
x
Igname (Dioscorea alata)
x
L’histoire de l’agriculture peut nous aider à comprendre que le Vanuatu n’est pas un
groupe d’îles isolées qui n’auraient subi aucune influence extérieure. Elle explique
aussi les mouvements migratoires à travers le Pacifique. Certaines ignames qui poussent au Vanuatu sont originaires des confins de l’Asie. Une variété de taro probablement issue du sud-est asiatique était cultivée en Égypte il y a plus de deux mille ans.
Le fruit à pain vient de l’archipel malais indonésien. La patate douce et le manioc proviennent d’Amérique. Cherchez ces pays sur une carte du monde. Sont-ils proches du
Vanuatu ? Combien de kilomètres à parcourir pour atterrir sur nos îles ? Quelles routes
ont dû suivre les graines pour échouer sur nos plages ? Sont-elles venues directement
depuis ces contrées. Par où sont-elles passées ? Sont-elles arrivées naturellement ou à
l’aide de l’homme ? Réfléchissez à ce que vous avez étudié sur les migrations dans le
chapitre deux.
Jusqu’à ce que de nouvelles plantes soient introduites, nos ancêtres se nourrissaient
principalement d’igname, taro, noix de coco, poissons et cochons. Par la suite, ils purent récolter les fruits et les noix des plantes qu’ils avaient apportés. Les gens savaient
HBYV_Volume_1.indb 146
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
147
aussi sur quels aliments ils pouvaient compter lors des pénuries survenant après les
catastrophes naturelles. Grâce à tous ces aliments et à leur savoir-faire, ils disposaient
d’une alimentation saine et équilibrée.
Plus en détail– les origines de la nourriture
Cette histoire a été racontée par une femme chercheuse de terrain du Centre Culturel du
Vanuatu (VKS), Rachel Ngotiboe, qui vit dans le centre de Maewo. Elle décrit l’origine
de la nourriture sur l’île de Maewo. Le texte est extrait de Kastom Kakae, un rapport
publié en 1999 après l’atelier des Femmes chercheuses de terrain du Centre Culturel du
Vanuatu (VKS).
Soaga hem i fas kakae we i gro long Maewo. Ol man oli kakae mo oli laef ananit tu gogo
Tagaro i kam stap long Maewo i jas faenem natanggura.
Wan taem san mo mun i mekem storian blong tufala. Mun i askem san i se, ‘Yu stap wea?’
San i ansa long hem i se, ‘Mi stap long Lalaere Memea. Taem mi kirap long moning mi klaem
long wud dadae i go antap long top. Mi stap lukluk daon long graon. Be yu stap wea mun?’
Mun i se, ‘Mi stap long sofmad buaga, wota we i stap i no ron, i no muvmuv hemia nao buaga.’
Afta long toktok blong tufala mun i askem san i se, ‘Weswe yu no sori long ol man ia
from oli nogat kakae?’ San i se, ‘No, mi sori tumas long ol man ia be mi no save givim kakae
long olgeta from mi hot. Be weswe long yu? Yu no sori long man?’ Mun i se, ‘Mi sori long
ol man’. Nao i brekem haf blong hem i sakem i kam daon mo i brekem bransis blong wan
tri gwogwosa. Lif blong gwogwosa i roten i gro i kam gadigadi. Gadigadi i putum flaoa. Flaoa
blong hem i foldaon i gro i kam fia i waet. Mifala i kolem se fia gula. Sid blong fia i foldaon i
gro i kam wael yam mo banana soaga. Sid blong soaga i foldaon i gro i kam taro wa o waga.
Ples we hem i gro long hem Nasura. Oli lukaotem gogo i redi blong man i kakae. Oli karem
kam rusum. Taem oli kakae, oli laekem afta oli singaotem ples ia Gantaroa o Gantaran, we i
minim se laekem. Gantaran i jenisim i go smol, olsem Gantaroa. Plante fia i gro long taem we
mun i brekem haf blong hem mo i sakem daon long graon. Nara fia we i kamaot long Ambae
mifala i kolem se gulatasugu from wan ples ia nem blong hem i Sugu. Taro i kamaot stret long
Sentrol Maewo. Hem i swit mo i saen gud.
B u a ga : marécage,mangrove
arbre Dadae: nandea (cannelle)
F ia : variété de taro à grandes
feuilles
F ia gu l a : taro de lune, plus
gros que les autres
G a d iga d i : village entre
Tanmito et Giawo sur Maewo
G a n t a r o a : choux des îles
G u l a t a s u g u : variété de taro
G w o gw o s a : arbre dont le pied
est noir, dont les fruits poussent
le long du tronc
L a l a e r e m eme a : endroit au
sud du village de Kerembei
Questions de compréhension
1. D’après ce texte, où vivent la lune et le soleil ?
2. Pourquoi la lune était-elle capable d’aider les gens, alors que le soleil ne le
pouvait pas ?
Kokonas We Hem i Wokbaot
Cette deuxième légende, « Kokonas we Hem i Wokbaot », vient de l’île de Vanua Lava
dans les Banks. Sophie Caillon, chercheuse en agronomie qui a étudié l’agriculture des
Banks, l’a enregistrée. C’est l’histoire de Motovanvan, racontée par les chefs Eli Field
Malau et Hosia Waras du village de Vetuboso.
HBYV_Volume_1.indb 147
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Il y a très longtemps, le cocotier et le bananier poussaient ensemble sur Vanua Lava. Un jour, le
cocotier demanda au bananier de l’attendre, car il devait se rendre sur l’île Reef pour renouveler
son eau. Mais le bananier se fatigua et alla le long de la côte chercher des coquillages. Puis il les
déposa tout autour de lui. Une nouvelle pousse sortit de chaque coquille. Six mois plus tard, le
cocotier revint à Vanua Lava, et alla rendre visite à son ami, le bananier. Quand il vit ce que le
bananier avait fait, il le gronda, car maintenant il était condamné à mourir tous les ans, alors que
lui, cocotier durerait des années, puisqu’il avait choisi de garder toutes ses feuilles et ses fruits.
Tous les six mois, le cocotier retourne sur l’île Reef pour adoucir son eau.
Les premiers hommes et les premiers cocotiers
Cette nouvelle histoire, racontée par Timothy du village de Nou, fait partie du livre :
« Oral History : Stories from Paama » (1980), de Terry Crowley.
C’était il y a longtemps, à une époque où il n’y avait personne sur la terre. Puis il y eut un
homme qui vivait sur une colline entourée de ravins. Sa maison était en haut d’un banian. Il
habitait là et s’était fabriqué un arc et quelques flèches. Il restait là-haut et il tuait un oiseau
chaque jour pour se nourrir. Il se croyait seul dans la région, alors qu’il y avait aussi un
serpent, qui, lui, demeurait dans une grotte en contrebas. Ce serpent donna le jour à une fille
qui grandit et devint une femme.
Un jour, l’homme marchait dans le ravin et tirait sur des oiseaux qui étaient dans les
arbres. Sa flèche tomba juste à l’endroit où vivait la femme, qui la prit et se rendit compte
immédiatement qu’un homme avait fabriqué cette arme. Elle s’éloigna pour se cacher. Alors,
l’homme vint chercher son projectile, mais ne le trouva pas. Il retourna alors à l’endroit exact
d’où il avait tiré la première fois et visa à nouveau dans la même direction pour voir où elle
atterrissait. Elle tomba au même endroit, mais il ne put en retrouver aucune. Alors, la femme
sortit et lui demanda : « que cherches-tu ? »
Il lui dit qu’il cherchait sa flèche, elle lui demanda alors : « celle-là ? »
Il lui dit que c’était sa flèche et elle la lui rendit. Il lui demanda alors où elle vivait et
lorsqu’elle lui répondit, il lui demanda si elle voulait se marier avec lui et vivre ensemble. Elle
accepta, et ils s’installèrent tous les deux dans le banian.
Un jour, l’homme demanda à sa femme où était sa mère. Elle lui indiqua qu’elle était
au pied du banian. Le mari proposa de lui rendre visite et lui apporter quelque nourriture,
ils allèrent donc au jardin, en ramenèrent des ignames et préparèrent à manger. Ensuite,
pendant qu’ils portaient cette nourriture à la mère de la femme, elle le mit en garde en lui
disant : « ma mère est très laide, n’aie pas peur lorsque tu la verras. »
L’homme répondit qu’il n’aurait pas peur puisqu’il avait épousé la fille. Lorsqu’ils
arrivèrent devant le trou, la femme appela sa mère, qui entendit ses appels et se mit à
ramper vers la sortie. Comme elle approchait, le sol se mit à trembler. L’homme commença à
s’inquiéter en sentant le tremblement de terre, et quand il vit la mère de sa femme apparaître
en rampant, il eut tellement peur qu’il se mouilla et attrapa la diarrhée. Sa femme, voyant
combien il était apeuré, demanda à sa mère de rentrer dans la caverne et elle laissa la
nourriture à l’entrée de la grotte.
Ensuite, ils s’en retournèrent tous les deux dans leur maison en haut du banian. Mais,
l’homme était vexé d’avoir eu peur, de s’être souillé et d’avoir eu la diarrhée. Et il décida de
tuer la mère de sa femme. Il envoya donc son épouse au jardin pour débrousser, pendant
qu’il irait à la chasse de son côté. Quand elle fut partie, il prit du bois à brûler, et des palmes
de cocotier sèches. Il descendit tout cela à la grotte, en bourra l’entrée et y mit le feu. Le feu
brûla le serpent.
Mais un lambeau de peau s’envola dans le nuage de fumée et retomba finalement près de
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
149
sa femme qui travaillait encore au jardin. Elle reconnut imméiatement la peau de sa mère et
comprit que son mari lui avait menti. Elle rentra à la maison et demanda à son époux ce qu’il
avait fait. Il lui répondit qu’il était allé à la chasse. Elle lui dit alors qu’il mentait et lui montra
le morceau de peau brûlée. Il avoua donc qu’il avait tué le serpent. Elle lui dit : « nous allons
prendre une natte et descendre dans la grotte pour l’enterrer. »
Ils l’enterrèrent et plantèrent une branche de croton à l’endroit du tombeau. Mais la mère
de la femme avait déjà fait le serment que lorsqu’elle serait en terre, quelque chose sortirait
de sa tombe.
Le temps s’écoula et un arbre s’éleva sur la tombe. Il poussa et poussa encore et
commença à donner des fruits. À cette époque-là, il n’y avait pas de cocotier, et c’était le
premier à sortir de terre. Les fruits grossirent jusqu’à devenir gros et verts. Mais ni l’homme
ni la femme ne savaient qu’en faire. Un oiseau, appelé le hotil, qui était en fait la vieille mère,
vola jusque-là et s’installa sur le cocotier pour leur montrer ce qu’ils devaient faire. L’oiseau
mit sa tête dans le cocotier et commença à tourner la tête. La femme le voyant faire, dit à
son mari de monter dans l’arbre et de tourner le fruit sur lui-même, comme le faisait l’oiseau
avec sa tête. Il grimpa, fit de même, et le fruit se décrocha. Il le ramena au sol, mais ils ne
savaient toujours pas quoi en faire. L’oiseau revint et se posa sur un bout de bois planté
dans le sol. La femme dit à l’homme de se servir de ce bois pour éplucher la noix de coco.
Il fit comme on lui disait et se retrouva avec la coco dénudée sans savoir que faire de plus.
L’oiseau s’approcha alors et perça un trou avec son bec en haut de la noix et l’eau de coco
coula. Ils la burent sans se rendre compte qu’il y avait de la chair à l’intérieur.
L’oiseau revint encore et posa sa tête sur une pierre, le voyant faire, ils pensèrent qu’ils
pouvaient utiliser la pierre pour briser la noix. Ce qu’ils firent et ils découvrirent enfin la chair
de la noix de coco.
Voila l’histoire de l’arrivée des premiers hommes et comment ils apprirent à consommer
les noix de coco. Toute la population de Paama descend de ces deux personnes.
Pour aller plus loin
1. Certaines histoires traditionnelles disent comment les choses arrivent dans
la nature. Par exemple, la deuxième raconte pourquoi le cocotier donne de
nombreux fruits au cours de sa vie, alors que le bananier ne fleurit qu’une seule
fois. Pourquoi ces légendes sont-elles importantes pour nous ?
Pourquoi avaient-elles autant d’importance pour nos ancêtres ?
2. Quelles sont les plantes le plus citées dans les histoires traditionnelles ? Pourquoi
parle-t-on plus de certaines plantes que d’autres ? Pourquoi des plantes telles que
l’ananas ou le manioc ne sont-elles pas souvent mentionnées ?
Enquête
Connaissez-vous d’autres légendes qui racontent l’origine de la nourriture que
nous consommons aujourd’hui ? Sont-elles similaires à celle de Maewo ? Pourquoi
l’agriculture est-elle souvent si importante dans les histoires traditionnelles ?
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150
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Plus en détail– dessins du fruit de l’arbre à pain et de l’igname
L’origine de notre nourriture et de nos techniques de jardinage sont aussi racontées à
travers diverses formes d’art. Le dessin sur sable ci-contre vient des îles de la province
de Penama. Simon Godin du nord de Pentecôte décrit le Masekoh de la manière
suivante :
Dessin sur sable : Masekoh
(Tailhade 1978)
La partie du jardin qui apparaît dans le dessin sur sable est connue sous le nom de umwa,
dans la langue du nord de Pentecôte. Ce dessin représente un jardin d’ignames. Le umwa
se trouve dans le higauo qui est le lopin de terre où l’on fait son jardin. Le umwa est divisé
en multiples de deux : deux, quatre, six, huit parcelles ou plus. Lorsqu’on suit les règles du
jardinage, on cultive une parcelle du higauo, et l’année suivante, le umwa est déplacé dans
une autre partie du higauo.
Il était une fois un très vieil homme qui savait qu’il allait bientôt mourir. Il était désolé
pour les membres de sa famille, car ils ne mangeaient que des fruits et des racines de la
brousse, il décida alors de les aider après sa mort. Tout d’abord, il leur dit de nettoyer une
clairière dans la brousse en brûlant les broussailles. Puis il leur dit qu’après sa mort, il leur
faudrait découper son corps et placer les morceaux tout autour de la clairière dégagée.
Puis il leur dit d’attendre cinq jours avant de revenir à l’endroit où ils auraient enterré son
corps. Lorsqu’il mourut, sa famille exauça ses vœux. Quand ils découpèrent son corps, son
sang s’écoula en rigoles dans le sol de la forêt. Ils tentèrent d’arrêter cet écoulement en
dressant des barrières autour du jardin, mais le sang courait vers la mer. Ce sang devint les
vers palolo qui sont récoltés pendant les derniers mois de l’année. Dans la langue Raga ces
vers sont des udu. Les premiers à être ramassés sont rouges et leur nom est udurara. Les
suivants se nomment udumalgeha et sont vert bleuâtre. Les derniers vers récoltés sont un
mélange des uns et des autres appelés udumatala.
La famille du vieil homme attendit cinq jours avant de revenir dans le pré. Et en arrivant,
ils virent que diverses sortes d’ignames poussaient sur le corps de l’ancien. En leur disant
de l’enterrer ici, il leur avait fait cadeau de l’igname.
C’était le premier jardin de Pentecôte, et dans cette plantation naquirent les premières
ignames. Si vous regardez le dessin sur sable Masekoh, les lignes droites représentent les
barrières qui ont été érigées pour stopper l’écoulement du sang hors du jardin.
Expression écrite
Dans votre cahier d’exercices, dessinez un jardin, peut-être le vôtre, ou un autre
que vous connaissez. Nommez les fruits et les légumes qui y poussent, marquez
les barrières ou les arbres qui le délimitent. Faites une légende. Quel genre de
motifs pouvez-vous utiliser pour représenter ce jardin et tout ce qui s’y trouve ?
Comparez votre dessin avec celui de vos camarades, en quoi se ressemblent-ils ?
En quoi diffèrent-ils ?
Enquête
Le texte ci-dessus raconte l’histoire d’un dessin de sable et d’une famille.
Connaissez-vous un récit qui parle de votre lignée familiale ? Sinon, demandez à vos
parents. Peut-être existe-t-il une légende qui vous en apprendra plus sur votre famille.
HBYV_Volume_1.indb 150
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
151
Le dessin ci-contre, nommé Beta dans la langue du nord d’Ambrym, représente un fruit
à pain. Il est un des dessins les plus courants et il n’est pas difficile à réaliser. Dans le
district de Seniang, au sud-ouest de Mallicolo, on lui donne le nom de Nimbetep.
Dans certaines légendes, le fruit à pain est venu de la mer.
Enquête
Installez-vous sur la plage ou sur le sol et entraînez-vous à faire ces dessins sur
sable. Etes-vous capable de les dessiner parfaitement sans lever le doigt ?
Le dessin sur sable Beta. J.P.
Cabane (1994)
Nous pouvons aussi rechercher les origines de la patate douce, connue sous le nom
de kumala. Elle vient d’Amérique du sud. Les chercheurs continuent à se demander
comment cette patate douce a atterri si loin dans le Pacifique. Certains pensent que les
Polynésiens l’ont rapportée d’Amérique du sud, dans les îles du Pacifique. D’autres suggèrent que ce sont les Européens. Les deux explications sont valables : les Polynésiens
l’ont apportée dans certains endroits, les Européens ailleurs. Cependant, à quel moment la patate douce est-elle réellement arrivée au Vanuatu ? Nous ne le savons pas précisément, mais c’est assez récent, probablement pendant le 18ème siècle. Il est possible
que les relations polynésiennes avec le peuple de Futuna en aient fait un centre d’où la
patate douce s’est disséminée vers les îles environnantes. En quoi cela est-il intéressant
d’un point de vue historique ? D’où viennent la culture et la langue de Futuna ? (Relisez
la page 89, chapitre deux).
En plus des plantes, les gens ont apporté des animaux dans leurs pirogues. Des cochons, qui jouent un rôle important dans bon nombre de traditions du Vanuatu, sont
arrivés par la mer il y a des milliers d’années. Certains ont avancé que le Capitaine
Cook avait amené les premiers cochons lorsqu’il a exploré notre archipel en 1774, mais
ce n’est pas vrai. Ses bateaux transportaient des porcs, mais lors de leur arrivée, il y en
avait déjà dans les îles. Les poulets et les rats sont arrivés, eux aussi, il y a des milliers
d’années, à bord des pirogues des premiers arrivants. Connaissez-vous un animal endémique à nos îles ? Il vole la nuit, et se nourrit de papayes et de mangues.
Les débuts de l’agriculture dans l’archipel
Les premiers habitants des îles se sont sédentarisés ou ont cessé d’être des nomades
lorsqu’ils ont commencé à cultiver des jardins. Certains poursuivirent leur migration
alors que d’autres restèrent et s’efforcèrent de s’organiser.
Les pionniers apportèrent leur savoir-faire agricole. Cependant, ils durent s’adapter
à leur nouvel environnement. Lorsque nous pensons à ces précurseurs, nous devons
constater qu’ils maîtrisaient les pratiques agraires, qu’ils savaient s’occuper de leurs
cultures et jardins. Les groupes d’hommes du Lapita avaient une grande connaissance
de l’agriculture puisqu’il y avait des jardins dans les îles d’où il venait. Ils étaient bons
horticulteurs, et familiers du jardinage. Ils apportèrent de nombreuses plantes et des
animaux dans le but de cultiver et d’élever ces animaux sur les îles conquises. Ils durent malgré tout apprendre à travailler ces nouveaux territoires. Il leur fallut du temps
HBYV_Volume_1.indb 151
H o r t ic u l t eur : jardinier;
personne qui cultive les
plantes dans un jardin
É l e v e r d e s animaux :
s’occuper d’animaux pour les
vendre ou les faire se reproduire
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Jach ère : brousse, terrain
laissé non cultivé pour
que la terre se repose
Gestion des terres :
utiliser les terres de
manière à les optimiser
Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
et commettre des erreurs pour maîtriser cet environnement et le faire fructifier. Grâce
aux découvertes archéologiques qui ont été faites, nous savons que certaines terres ont
été trop exploitées avant d’être abandonnées. Ceci arriva en maints endroits jusqu’à ce
que les gens apprennent à mieux exploiter leurs jardins.
Aujourd’hui les fermiers et les jardiniers du Vanuatu, ont appris à économiser les
richesses de la terre. Nous savons que les jardins doivent rester en jachère de temps
en temps pour se ressourcer. Les différentes cultures absorbent divers nutriments du
sous-sol, ce qui implique de le laisser reposer entre deux récoltes. Nous savons que le
taro a besoin d’un sol humide voire marécageux, alors que l’igname et d’autres poussent
sur un sol clair et propre. Nous pouvons optimiser le rendement des terres. Les secrets
du jardinage sont passés de génération en génération. Lorsque les premiers hommes
sont arrivés dans les îles, ils avaient un certain savoir-faire, mais ils durent apprendre
davantage et tirèrent des leçons des erreurs commises. On emploie l’expression « gestion
des terres » pour décrire ces façons d’exploiter, d’utiliser et de soigner les terres agricoles.
Plus en détail– systèmes d’irrigation
Adapté de Weightman
(1989 : 89-90).
aq u ed u cs : canal pour
transporter de l’eau
C’était en 1889. Dans les îles, des bateaux venaient recruter de la main-d’œuvre pour
travailler dans les plantations du Queensland, des Fidji et de Nouvelle-Calédonie.
Douglas Rannie était un agent britannique qui voyageait sur l’un de ces bateaux pour
« surveiller les mers ». Son travail consistait à vérifier que les navires respectaient les
lois édictées par les gouvernements d’Outremer.
Comme Rannie naviguait à travers le Pacifique, il tenait un journal de bord dans
lequel il consignait ce qu’il voyait dans les ports où il s’arrêtait. Ces carnets de voyage
sont enrichissants pour découvrir les modes de vie des gens des îles et les réflexions de
ces voyageurs. Cependant, nous devons garder à l’esprit qu’il s’agit de raisonnements et
conclusions personnelles. L’extrait suivant de ce journal décrit les systèmes d’irrigation
que Rannie a vus sur l’île de Maewo.
J’ai étudié le système d’agriculture le plus ingénieux de toutes les îles du Pacifique Sud.
L’an dernier, alors que nous étions à l’ancre à Double Waterfall, j’ai eu la chance de pouvoir
visiter les jardins du voisinage. Nous avons marché longuement le long d’une rivière et nous
découvrîmes que les natifs avaient imaginé un système d’irrigation très intéressant. Nous
traversâmes une grande plantation de taro. Elle était divisée en carrés, chacun faisait à peu
près 5 ou 6 pieds de coté et était surélevé d’environ d’un pied. La plantation se trouvant
à flanc de coteau, l’eau était amenée par des bambous fendus en deux qui formaient de
parfaits aqueducs. En remontant vers la source, nous découvrîmes que les indigènes avaient
construit un canal en érigeant un mur épais en corniche le long de la colline, ce canal était à
près de vingt ou trente pieds au-dessus du lit naturel de la rivière.
Questions de compréhension
1. Quels légumes particuliers ont besoin d’une terre spécialement humide et donc
d’un système d’irrigation ou d’un sol inondé ou marécageux ?
2. Que veut dire Rannie lorsqu’il écrit : « que les natifs avaient organisé le plus
ingénieux système d’irrigation… »
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
153
3. Quels sont les matériaux utilisés par les gens de Maewo pour construire un
système d’irrigation ?
4. Que veut dire le mot « aqueduc » ?
5. Pourquoi l’irrigation est-elle importante ?
Expression écrite
Dessinez le système d’irrigation décrit par Rannie. Avez-vous déjà vu un système
d’irrigation fonctionner ? Si oui, est-ce qu’il ressemblait à celui décrit par Rannie ?
Enquête
Où a-t-on recours aux systèmes d’irrigation ?
Trouvez quelqu’un qui aurait vu ou qui utilise un tel système dans son jardin.
Demandez-lui de vous le décrire et de vous expliquer comment il l’utilise.
Il y a plus de mille ans, les jardiniers de l’île d’Anatom ont construit des chenaux
(certains font près de 5 km de long) pour amener l’eau jusqu’à leurs plantations de
taro. Dans la langue d’Anatom, ces canaux se nomment incauwai. Ils furent obligés de
développer ces systèmes d’irrigation, les dommages de l’érosion ayant restreint leurs
possibilités de faire pousser les légumes sur un sol sec. L’érosion est mauvaise pour
le sol, car elle draine les nutriments contenus dans la terre qui sont indispensables à
la croissance des plantes. Ce système d’irrigation est composé de digues et de canaux
renforcés de pierres ou d’argile pétrie. Ces canaux font parfois plus de trois mètres de
profondeur. Les terrasses ont été creusées de manière à permettre à l’eau de passer par
des rigoles vers les plantations de taro. Les missionnaires et voyageurs qui sont venus
à Anatom ont souvent étudié ces systèmes les comparant à des méthodes agricoles
hautement organisées et modernes. Alors que la population était en pleine croissance,
il était important d’avoir ces systèmes d’irrigation de manière à pouvoir produire assez
de nourriture pour tous. Cependant, nombre de ces canaux n’ont plus été utilisés
depuis l’arrivée des Européens dans les îles. Pourquoi à votre avis ? Que s’est-il passé
à Anatom et dans les autres îles après l’arrivée des Européens pour qu’on ait moins
besoin de jardins fertiles ? Les nouvelles maladies importées par les Européens,
entraînant une grande mortalité, sont la cause de l’abandon de ces jardins.
Canal d’irrigation bordé de
pierres, vieux d’environ 1 000
ans. Rivière Antina, Anatom
(Spriggs 1987 : 182).
Expression écrite
Comparez les deux systèmes d’irrigation décrits dans les textes ci-dessus. Dans
votre cahier d’exercices, tracez deux colonnes. Une pour Anatom, une autre pour
Maewo. Dressez une liste des caractéristiques de chacun des systèmes d’irrigation.
En quoi sont-ils semblables ? En quoi diffèrent-ils ?
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Plus en détail– Man Mo Garen Blong Hem
L’extrait suivant fait partie d’un article intitulé : « Man Mo Garen : Olgeta Rod Blong
Presen Long Fasin Blong Kastom » écrit par Joël Bonnemaison. Il a été publié dans :
« Man, Langwis, mo Kastom long Niu Hebridis » (1978) et édité par R. Brunton,
J.D. Lynch et D.T. Tryon. Ce livre regroupe des articles écrits en bislama. Vous pouvez le
consulter à la Bibliothèque Nationale, Centre Culturel du Vanuatu (VKS).
Dans certaines îles, les villages sont bâtis sur trois niveaux différents
Ce genre de configuration existe dans les îles montagneuses du nord, comme Ambae,
Pentecôte ou Maewo. Cependant, dans le sud, à Tanna, on peut en voir aussi.
Depuis les grèves jusqu’à environ 100 à 150 m d’altitude, ce sont des villages côtiers,
la terre des « man solwota » en bislama. Sur l’île d’Ambae, les habitants du bord de mer
sont les elao, dans le centre de Pentecôte, les ila, et dans le sud-est de Tanna à Kwamera les
kwankakiyapasu, ce qui veut dire : « le chemin du crabe pour rallier l’océan ».
Le deuxième niveau d’habitation apparaît entre 200 et 300m et ne se trouve ni en zone
montagneuse ni sur la côte. On les nomme les « gens du milieu ». Dans le centre de
Pentecôte, cette région s’appelle lolonvini, et à Tanna kawaterem.
Le troisième niveau d’habitat se situe vers 300 et 500 m d’altitude. À Ambae les gens des
montagnes sont les taute, et à Pentecôte les kut. En bislama on les appelle les manbus. À
Tanna, la ligne qui relie les nakamals de ce pays des hauteurs est le mananapi. C’est aussi le
nom d’une plante qui pousse seulement à ces altitudes.
Les jardins côtiers
Une nouvelle plantation
d’igname, typique des jardins
côtiers. Village de Mélé. Efate.
2002. Photo Anna Naupa.
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Les habitants de la côte plantent des ignames dans des jardins entourés de barrières pour
les protéger des cochons. Les ignames ne poussent pas très bien dans les sols secs proches
de la mer, aussi les jardins sont ils plus loin dans les terres. Autrefois, les gens de la côte
avaient une grande connaissance de l’igname et aujourd’hui ils ont perdu ce savoir. À Ambae
poussaient plus de 60 sortes d’ignames et sur Pentecôte on en trouvait plus de 80 sortes.
Autrefois, on différenciait diverses variétés, en tenant compte de la couleur, de la forme des
feuilles, des racines.
Il y avait deux manières de planter les ignames. L’une pour la consommation personnelle,
et l’autre pour les échanges cérémoniels avec les villages voisins. Les ignames courtes ou
rondes étaient utilisées uniquement pour la cuisine et l’on pensait qu’elles n’avaient pas le
même pouvoir et la même symbolique que les longues. Ces dernières étaient réservées pour
faire des présents aux chefs. Certaines ignames longues font plus d’un
mètre de long, parfois deux, comme l’igname aga d’Ambae, qui a des
racines blanches, ou l’igname voroi, qui elle a des racines rouges.
Planter des ignames courtes ne prend pas beaucoup de temps
contrairement à l’igname longue qui réclame plus de soins. Nos
ancêtres faisaient des concours pour voir qui récolterait la plus grande.
Plus elle est longue, plus grand est le respect dû à son jardinier.
Les façons de planter les ignames changent selon les îles et les
variétés. Au nord de Mallicolo, les Small Nambas creusent un trou de 1 ou
2 mètres de profondeur. La terre retournée sert à le combler et recouvrir
le tubercule mère d’où les jeunes ignames naîtront. Sur le dessus du trou,
ils plantent d’autres ignames courtes (voir dessin ci-dessous).
La liane des ignames courtes s’appuie sur un tuteur de bois ou de
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
jonc à la différence des ignames longues qui poussent
le long d’un long bambou maintenu droit par d’autres
bâtons. Dans certaines îles, comme à Tongoa ou
Pentecôte, on entoure la butte de terre de tiges de jonc
pour que les lianes s’y accrochent lorsqu’elles sortent
du sol. À Tanna, les joncs sont disposés de manière à
ce que la tige de l’igname pousse en s’y agrippant.
Les habitants des îles étaient très habiles à cultiver
l’igname et pouvaient en manger tous les jours de mai
à décembre. Mais l’igname demande de nombreux
soins et beaucoup de travail et le sol a besoin de se
reposer plusieurs années, jusqu’à plus de dix ans.
Dans les endroits où les gens maîtrisent encore
le savoir-faire agricole et où les cocoteraies n’ont pas
envahi toutes les terres, la culture traditionnelle de
l’igname perdure.
bambou
ignames de
consommation taro
canne
sauvage
canne
sauvage
racine
d’arbre
kava
Jardins de brousse et de montagnes
Pour les habitants des montagnes, comme les taute
d’Ambae, et les kut de Pentecôte, ou ceux du Centre
Brousse de Tanna, l’igname est un légume moins
important que le taro qui est la culture principale des
igname de cérémonie
jardins de ces régions. Le taro est différent de l’igname
dans la mesure où on peut le planter à tout moment de
l’année et donc il y en a toujours à récolter.
Le taro pousse bien dans les sols humides et
dégagés. Sa culture est plus simple que celle de
l’igname, car on n’a pas besoin de creuser de trous
aussi profonds. Cependant, cette culture nécessite tout
de même du travail dans la mesure où on le replante toute l’année et donc le repiquage, le
Un jardin d’ignames à Mallicolo.
(Bonnemaison 1978 : 39).
désherbage et les récoltes ont lieu régulièrement.
À Pentecôte, Maewo et Santo, on utilise des systèmes d’irrigation pour arroser les plants
de taro. L’eau des rivières ou des sources est amenée sur les tarodières par les aqueducs de
pierre. La tarodière est inondée et l’eau s’écoule vers les taros plantés en contrebas, un peu
comme dans les rizières de Chine. Ce travail est difficile, car la canalisation réclame beaucoup
d’attention. Ce système permet de récolter de gros taros (voir : « Regardons de plus près :
systèmes d’irrigation » dans ce chapitre).
Les broussards détiennent des savoirs magiques pour aider à la culture du taro. Même
lorsque les ignames poussent, c’est le taro seul qui donne la nourriture en quantité suffisante.
Les broussards connaissent de nombreuses espèces de taro : plus de 60 à Ambae, et 80
à Pentecôte. Comme pour l’igname il existe différentes qualités de taro. Dans le centre de
Pentecôte, le taro tsinon est cultivé uniquement pour les cérémonies ou pour servir d’offrande
et il pousse seulement dans les tavahel (petite vallée où il n’y a pas de rivière). C’est le taro
le plus recherché. Il existe trois sortes de tsinon : le vert, le rouge et le blanc. Le taro de tous
les jours se dit bwetsak et on le plante sur les flancs des collines. Dans le Centre Brousse,
de Tanna, les villageois ont des espèces différentes de taros pour les fêtes, les dons et les
échanges avec les villages voisins. Chaque espèce de taro possède sa pierre magique, appelée
kapiel. Cette pierre est cachée dans la forêt et a le pouvoir d’aider le taro à pousser.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Pour aller plus loin
Pourquoi les gens vivant dans différentes zones géographiques échangaient-ils
leurs récoltes ?
Expréssion écrite
Sur votre cahier, faites deux colonnes, l’une intitulée « Culture de l’igname », l’autre
« Culture du taro ». Ensuite, dressez une liste des différentes techniques de culture
pour chaque tubercule.
Activité de discussion
1. Votre village est-il situé près de la mer ou en brousse ? Où se trouvent les jardins
de votre famille ? Si vous vivez en ville et que vous n’êtes jamais allé dans votre
île, demandez à vos parents de vous décrire les jardins. Ensuite, en classe
discutez de vos plantations. Sont-elles semblables d’une île à l’autre ? En quoi se
ressemblent-elles ?
2. Avez-vous déjà planté une igname ? Si oui, décrivez la méthode de jardinage en
usage dans votre famille. Parlez avec une personne d’une autre île et comparez
ces techniques de jardinage.
L’agriculture au Vanuatu ne se limite pas aux jardins. Ci-dessous, vous trouverez un texte
traitant de l’élevage des cochons comme un autre aspect de l’agriculture de nos îles.
Plus en détail– la signification culturelle des cochons
En 1933, un biologiste anglais, Tom Harrisson est venu aux Nouvelles-Hébrides pour
mener une étude avec l’Expédition de l’Université d’Oxford. L’expédition repartit en
1934, mais Harrisson resta et voyagea à travers les îles pour découvrir et en apprendre
plus sur les sociétés traditionnelles. En 1937, il publia un livre sous le titre « Savage
Civilisation ».
Au début de son livre, il raconte son séjour à Matanavat, au nord-ouest de Mallicolo.
Il explique la signification du cochon dans ce village. Le texte décrit l’importance des
cochons vue par un homme de Matanavat.
On frappe le gong pour les cochons. Les femmes sont achetées avec des cochons et elles
doivent avant toute chose s’occuper d’eux, les nourrir deux fois par jour avec du taro
bouilli et de la noix de coco râpée. Les cochons sont notre vie et notre avenir. Sans eux, nos
existences seraient réduites à leur plus simple expression. Ils nous assurent le pouvoir.
Le premier d’entre eux est né d’une liane, c’était un sanglier. Un autre est arrivé d’un
rocher situé dans la mer. C’était la truie. Elle donna le jour à un fils. Il fonda la tribu de
Tevter au sud, dont le peuple ne répond toujours pas au nom de leur groupe, mais au
cri que l’on pousse pour appeler les cochons : « Mboi Mboi ! ». De nombreuses femelles
courent en liberté avec leurs petits. On arrache l’incisive supérieure des meilleurs porcelets
lorsqu’ils ont environ un an pour empêcher qu’elle frotte contre celle du bas et ainsi freine
son développement. La défense de cochon sort en s’incurvant vers le haut puis revient
vers l’arrière, elle peut traverser la joue avant de redescendre vers la mandibule inférieure.
Lentement, la dent perce l’os, passe franchement à travers, et retourne vers l’avant, près
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
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Exposition de mâchoires
de cochons après une fête
Nimangki, où l’on a sacrifié des
cochons, à Togvanu, Vao, nord-est
Mallicolo. c.1914. Photo de
J. Layard (Weightman 1989 : 32).
de l’endroit d’où elle est sortie : voilà un cercle complet. Ensuite, elle continue à pousser
et peut refaire un tour. Il faut environ sept ans pour chaque tour. La valeur du cochon, ici à
Matanavat ainsi que partout ailleurs, dépend du stade de croissance de la dent.
L’ aspect du cochon : sa taille, sa couleur n’ont aucune importance. Seule compte la forme
de la dent circulaire. La défense sans le cochon, le cochon mort avec sa défense, le crâne du
cochon, ou un magnifique cochon avec une petite défense, tout ceci est insignifiant.
Avec l’aide de son épouse, l’homme peut commencer à nourrir des cochons sérieusement. Mais il est débiteur de la femme. Tout d’abord, il doit payer ses dettes. Il n’a qu’une
seule manière de le faire.
Pour toutes les dettes, il y a un intérêt. Et cet intérêt est calculé d’après la croissance
des défenses, de leur croissance le temps du prêt, si un autre homme que son propriétaire
s’était occupé du cochon. Pour rembourser le prêt d’un cochon, le cochon rendu doit avoir
une défense plus grosse que l’originelle. Plus vous tardez à rembourser, plus le cochon qu’il
faut rendre aura de la valeur et plus ce sera difficile pour vous. Chacun sait de quelle taille
était la défense lorsqu’on lui a prêté le cochon, et de combien de lunes date le prêt… Si un
homme est lent à vous rembourser, vous lui enverrez une feuille de cocotier nouée de diverses
manières selon la taille de la dent du cochon que vous lui avez prêté pour lui rappeler ce qu’il
vous doit. Vous pouvez aussi faire honte à votre débiteur en lui offrant une igname et un
plat de poulet, publiquement, aux yeux de tous. En dernier ressort, il pourra vous donner sa
massue, ce qui effacera la dette, plutôt que de laisser son prestige diminuer encore.
(Harrisson 1937 : 24-27)
Questions de compréhension
1. Avec quelle vision Harrisson décrit-il les cochons ? Donnez deux exemples tirés
du texte pour illustrer votre réponse.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
2. Les cochons sont une source de nourriture, comme les récoltes de nos jardins.
Cependant, dans cet extrait,les cochons ont un rôle plus important. Quelle est sa
valeur ?
3. Pourquoi Harrisson écrit-il que « les truies n’ont aucune valeur » ?
Pour aller plus loin
La défense de cochon est un des symboles du Vanuatu. Trouvez deux autres
endroits où la défense de cochon est importante. Justifiez votre réponse. Que
signifie la défense de cochon ?
Expression écrite
1. Décrivez la croissance de la dent circulaire avec vos propres mots. Dites
pourquoi les dents de cochons ont tant de valeur.
2. La valeur des cochons a-t-elle diminué avec le temps ? Expliquez pourquoi
précisément.
Défense de cochon à
double cercle (Arts du
Vanuatu 1996 : 161).
Tenure foncière : les droits
d’accès à la terre
U suf ruitier : détenteur des
droits d’utiliser la terre
Héritage matri l i n éa i re :
légué par la mère
Héritage p atril i n éa i re :
légué par le père
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Enquête
En classe, faites une enquête pour identifier les îles où la défense de cochon est un
symbole culturel majeur. Décrivez des cérémonies où les dents de cochons sont au
premier plan. Informez-vous auprès des gens de votre village ou de votre école.
La tenure foncière
Pour mieux saisir le rôle des terres autrefois, il faut étudier les règles traditionnelles
relatives à la tenure foncière, c’est-à-dire les droits de chacun à l’égard des terres. La
terre est au fondement de la vie sociale des sociétés rurales. Les ancêtres y sont enterrés et l’identité collective des vivants est définie en référence à leurs terres. De ce fait;
les lois sur la tenure foncière, qu’elles soient écrites ou non, sont aussi importantes aujourd’hui que par le passé.
Les règles relatives à la tenure foncière ne sont pas les mêmes dans toutes les îles.
Cependant, ces dispositions ont des caractéristiques similaires. Traditionnellement,
le système d’usufruit de la terre n’était pas rigide. Il était basé sur des échanges.
Lorsqu’une personne avait des droits anciens sur un lopin (cette personne prenant
toute décision le concernant), elle avait l’obligation morale de laisser les autres utiliser
son territoire, si on lui en demandait l’autorisation. Les gens, devenus usufruitiers de
ce terrain, recevaient un droit de jardinage, mais la terre elle-même restait le bien de
son propriétaire ancestral. Le fait de permettre à d’autres d’exploiter ses propres terres
était une manière de resserrer les liens et d’unir les membres d’une communauté villageoise. Bien entendu, la terre a une valeur économique, car elle produit la nourriture de
subsistance ainsi que la nourriture réservée à la coutume. Elle est surtout le fondement
de l’identité individuelle et collective de ceux qui la cultivent. Remarquons que la terre
n’avait aucune valeur monétaire autrefois.
Les droits sur la terre, et comment ils se transmettaient entre les générations, sont
différents d’une île à l’autre. La terre peut être communautaire, sans répartition permanente entre les membres du village. Elle peut être léguée par la mère (héritage matrilinéaire) ou par le père (héritage patrilinéaire). Dans certains endroits, il peut y avoir un
système d’héritage « double » transmis par les deux parents. Dans ces cas-là, les droits
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
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Paysans en train de monter une
barrière de roseaux, sur l’île
d’Anatom c.1892. Photo R.W.
Lawrie (Weightman, 1989/48).
à l’héritage peuvent être plus importants d’un côté que de l’autre. Selon les régions, les
hommes et les femmes peuvent avoir des droits égaux sur la terre, quoique dans certaines de nos îles, les femmes n’aient pas autant de prérogatives que les hommes sur la
disposition des terres.
Enquête
1. Renseignez-vous sur le système d’utilisation des terres en vigueur dans votre
famille. Parlez avec des membres de votre communauté villageoise afin de
mieux cerner les détails de cette organisation. Décrivez de quelle manière le
système d’héritage fonctionne en utilisant les termes que vous avez appris dans
ce chapitre. Dessinez un arbre généalogique montrant comment vos ancêtres
ont légué la terre à leurs descendants. Dans votre famille, est-ce que les femmes
et les hommes ont des droits égaux ? Si vos parents ne sont pas de la même
région, demandez-leur quel système est en vigueur chez eux. En quoi ces
systèmes sont-ils différents ?
2. Renseignez-vous sur les droits concernant les terres du village où se trouve votre
école.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Plus en détail– droits coutumiers sur les récifs
Vous marchez le long de la plage et vous voyez une touffe de namele portant une feuille
de papayer au-dessus. Quelle est sa signification ? Dans le texte suivant, tiré de « Land
Tenure in Vanuatu » (1984) Peter Taurakoto de l’île de Lelepa décrit les règles d’accès et
d’usage de la mer et des récifs.
Depuis que les îles sont habitées, les droits de pêche autour des récifs et des lieux
d’accostage sur les plages ont toujours existé et ont de tout temps été dictés par la coutume.
Ainsi, les Mélanésiens ne ramassent pas les mêmes espèces de crustacés tout au long de
l’année. Chaque poisson ou coquillage comestible est en relation avec certaines plantes. Par
exemple, au moment de la floraison de la canne à sucre, les langoustes sont sur le point de
pondre leurs œufs. Avec des torches de palmes de cocotier, les gens essayent d’en attraper
le plus possible avant qu’elles pondent, ensuite, la pêche à la langouste est remise à la
saison suivante. Des règles de cette sorte sont appliquées sur tous les poissons et fruits de
mer des récifs. Les plantes ne fleurissant pas toutes en même temps, cela réduit les risques
d’appauvrissement des fonds marins.
Les limites des récifs sont déterminées par le lieu où ont débarqué les ancêtres ou selon
les dispositions qu’ils ont prises. La superficie de la terre située au-delà de la laisse de haute
mer donne la taille du récif situé devant cette terre. Les frontières d’un récif s’étendent aussi
loin que possible pour aller pêcher et plonger à la recherche de coquillages. Tous peuvent
pêcher au-delà de ces limites, dans l’océan, mais autrefois, ce genre de pêche au large
était réservé à ceux qui possédaient une pirogue et ils n’étaient pas nombreux. En général,
c’étaient le propriétaire du récif lui-même et sa famille. De même, la pêche en eau profonde
revenait à ceux qui avaient le temps et la patience de tresser une ligne en fibre de coco ou
d’écorce assez longue pour atteindre les grands fonds.
A Lelepa, mon île, les frontières des récifs suivent celles des villages. Il y avait six
villages sur l’île et les récifs étaient la propriété des six chefs qui avaient le droit de donner
l’autorisation de pêche et arbitraient les disputes liées au dépassement de ces limites. Sur
certaines îles comme Paama et dans le sud-est d’Ambrym, peu de récifs sont partagés et
chacun pêche ce dont il a besoin. Dans certaines régions de Paama, ce genre de division
des ressources peut consister en l’allocation d’un simple et unique rocher aux différentes
familles.
Le mode de contrôle le plus connu de la pêche sur les récifs consiste à déposer un
namele, une feuille, une palme, aux frontières du territoire. Un namele attaché sur un
bâton et planté sur la plage par le propriétaire du récif interdit toute pêche sur ce récif. On
peut se baigner, mais la pêche n’est pas autorisée. Lorsqu’il y a une feuille de papayer en
haut du namele, cela veut dire que toute personne surprise en train de pêcher sera tuée
immédiatement.
Dans certaines îles, les femmes enceintes sont bannies des lieux de pêche, car on estime
que le poisson peut être effrayé par elles et donc fuir au loin. Ailleurs, un troca ou un escargot
vert sera placé en haut du bâton du namele. Ce qui est ainsi exposé ne peut pas être ramassé.
Ces tabous sont renforcés par les visites que peuvent faire les propriétaires ou leur
famille, sur les récifs, de nuit comme de jour. Toute personne surprise dans un endroit tabou
pourra être tuée, ou devra payer une compensation sous la forme de cochon, nattes ou autre
(Taurakoto 1984 : 14-16).
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
Expression écrite
Cet extrait décrit les diverses techniques de communication concernant les droits
de pêche sur les récifs. Recherchez des manières de communiquer à propos de
l’utilisation des jardins. Ressemblent-elles à ce que nous venons de découvrir ?
Comment les gens savent-ils ce qui est permis ou non pour l’accès qux jardins ou
aux récifs ?
Activité de discussion
« Lorsque la canne sauvage est presqu’en fleur, les langoustes sont sur le point de
pondre leurs œufs ». Connaissez-vous d’autres liens de ce genre entre la faune et la
flore ? En quoi ces rapports entre la vie animale et les plantes peuvent-ils être une
aide à la gestion de l’environnement ?
Enquête
Interrogez un habitant d’un village voisin sur les différents signes utilisés pour
communiquer. Dans votre cahier d’exercices, dessinez ces divers symboles et
écrivez un petit texte pour les décrire et donner leur signification.
Les femmes et l’agriculture
Que ce soit pour cultiver les jardins ou élever des volailles ou du bétail, les femmes jouent un rôle important dans l’agriculture. Dans ce paragraphe concernant
les travaux féminins dans ces deux activités de jardinage et d’élevage, nous allons voir comment leur rôle
a évolué.
De nombreux étudiants du secondaire effectuent
des recherches sur la vie dans les îles au cours de
leurs études. À la fin des années 1970, une élève du
collège de Malapoa, Votausi Jingo, a étudié le travail
des femmes de la tribu des Big Nambas du village de
Brenwei au nord-ouest de Mallicolo. Elle se rendit à
Mallicolo pour les interroger et recueillir leurs idées
et opinions. Dans son témoignage, elle rapporta ce
qu’elle avait appris de ces femmes et leur fonction
dans le village depuis les temps anciens jusqu’à nos
jours. Le texte ci-dessous concerne leur travail et leur
part de responsabilité dans l’élevage des cochons.
N
Uarnap’
Penanav’et
Tenmarau
Lihan
Rap’ek
Uiaui
Nevenala
Uiaru
Uin
Uilih
Uiel
Tous les cochons mâles portant des dents poussant
d’un ou plusieurs tours, ou non, faisaient l’objet d’une
grande considération. Ces mâles vivaient avec les gens
parce que c’étaient des animaux particuliers, voués à
être sacrifiés lors de cérémonies comme le nimangki
et ils devaient être engraissés pour ces occasions. Les
femmes leur préparaient du laplap, leur donnaient de
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Norsup
Ameh
Nuatah
Uri
P‘renuei
Tuluei
Unm’et
Lev’iep’
Unmah
Brenwei au nord-ouest de Mallicolo
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
l’eau à boire dans des noix de coco et elles ne pouvaient pas manger avant d’avoir de s’être
occupé de ses cochons. On les surveillait comme des bébés. On les épiait en permanence, si
un cochon urinait, la femme se précipitait avec un bambou, pour recueillir l’urine qu’elle allait vider à l’extérieur.
De nos jours, les cochons sont gardés par les hommes comme par les femmes, et les
femmes leur prodiguent les soins. On ne les garde plus dans les maisons. Les cochons sont
parqués dans des enclos ou attachés à des arbres par des liens tressés de fibre de burao.
L’extrait suivant décrit l’évolution du travail agricole des femmes.
Autrefois, lorsqu’un lopin était défriché, seuls les hommes utilisaient une machette,
les femmes n’avaient pas le droit d’y toucher, et elles se contentaient d’une coquille coupante pour débroussailler… Après avoir dégagé le terrain, les hommes abattaient les arbres.
Les femmes mettaient ensuite le feu aux broussailles et les hommes venaient planter les
ignames. De nos jours, hommes et femmes ont des machettes pour préparer les nouveaux
jardins. Après avoir débroussaillé, les hommes coupent les gros arbres et éclaircissent les
plus petits dont les branches serviront de tuteurs pour les ignames (Jingo 1978).
Pour aller plus loin
Comparez cet extrait au texte de Harrisson dans le paragraphe portant sur la
signification culturelle des cochons. En quoi les informations collectées par
Harrisson complètent-elles celles que Jingo a recueillies à Mallicolo ?
Margaret Jolly, une anthropologue australienne, a passé plusieurs mois au début des
années 1970 avec le peuple de langue Sa, au sud de Pentecôte. Elle était surtout intéressée par l’étude du rôle des femmes des communautés de Pohurur, Bunlap et d’autres
villages coutumiers du sud de l’île. Dans son livre « Women of the place » (1994), Jolly
décrit les pratiques agricoles contemporaines du peuple Sa. Le taro est la nourriture de
base dans cette région, grâce aux sols humides des vallées. Quelques taros sont aussi
plantés dans des lopins de terre irrigués par de petits ruisselets.
Jolly compare l’importance spirituelle et la valeur des ignames et des taros, et décrit
les méthodes de plantations et de récoltes. Pour elle, la différence entre les deux tubercules est visible dans les façons de les cultiver. La culture du taro est familiale alors que
celle de l’igname est souvent une activité communautaire. Le rôle des femmes dans ces
travaux diffère aussi. Dans le texte ci-dessous sont présentés les travaux féminins liés à
ces tâches agricoles.
Rép artition : partage des
travaux
HBYV_Volume_1.indb 162
La culture du taro est simple. Elle est basée sur la famille et ne montre aucune discrimination de nature sexuelle. Toute la famille œuvre dans les tarodières, et l’on s’entraide entre
différents groupes… Bien que les hommes fassent un dur travail de débroussaillage et de
brûlage et que les femmes travaillent davantage au sarclage et aux récoltes, il n’y a pas de ségrégation au sein de ces groupes de travailleurs. Hommes et femmes sont indépendants les
uns des autres du fait de la répartition des tâches.
En comparaison, la culture de l’igname est strictement réservée aux hommes. Ce sont
eux qui creusent les trous et plantent les tubercules, les femmes ont juste le droit de labou-
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
Lonoror
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Le pays de la langue Sa, au sud
de Pentecôte (Jolly 1994).
rer la terre pour l’alléger, et de préparer le tertre au-dessus de la racine. Ainsi, les différences
entre le travail lié à la production de taro et celle de l’igname se retrouvent dans des implications plus profondes, jusqu’à opposer les hommes aux femmes (Jolly 1994 : 64, 67-8).
Jolly constate aussi que, le plus souvent, les hommes décident de l’organisation des travaux agricoles. Elle suppose que c’est parce que les femmes ont l’habitude de laisser
leurs hommes prendre les décisions du foyer. Elle remarque aussi que les hommes ont
le contrôle des objets magiques utilisés au jardin. De même que nous l’avons vu dans le
premier texte de ce paragraphe, ce sont les hommes, au sud de Pentecôte, qui exécutent
certains rituels pour assurer l’abondance des récoltes. Cette position de magicien horticulteur et la maîtrise des techniques qui s’y rattachent ne peuvent être léguées qu’aux
hommes, de père en fils.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Activité de discussion
Que nous apprennent ces deux textes sur le rôle de la femme dans l’agriculture ?
Comment les choses ont-elles évolué ? Qu’est-ce qui est resté comme autrefois ?
Nous devons garder à l’esprit que chaque île et chaque communauté a ses propres coutumes. Le rôle des femmes de l’île de Epi, dans la vie agricole peut être différent de celui
des femmes des Banks. De même, l’importance traditionnelle de la division du travail
change d’un endroit à l’autre. La culture évolue en permanence. Comme nous le verrons dans le volume deux : « Les Débuts de la christianisation dans l’archipel », les missionnaires ont lutté contre de nombreuses traditions lorsqu’ils sont arrivés dans nos
îles. Donc, certaines coutumes se sont perdues. Malgré tout, nous arrivons à respecter
et suivre encore quelques-unes de ces traditions.
Enquête
Parlez avec votre grand-mère (si elle vit près de vous) ou à une autre personne
âgée et demandez-lui si elle estime que le rôle de la femme s’est modifié. Que
pense-t-elle de ces changements ? Interrogez-la sur les pratiques magiques liées
aux travaux agricoles qui étaient utilisées autrefois et celles qui perdurent encore
de nos jours. Connaît-elle quelques-unes de ces pratiques, ou sont-elles le privilège
des hommes ? Est-ce que les femmes ont des coutumes particulières à respecter
lorsqu’elles travaillent au jardin ? Faites une liste de 5 questions que vous lui
poserez. Lorsque vous rédigerez ces questions, ayez en tête les thèmes que vous
avez vus tels que la préparation des jardins et les traditions spécifiques à chaque
plante.
Famille préparant un jardin
d’ignames. Atchin, nord
Mallicolo c.1914. Photo de
J. Layard (Weightman, 1989 : 75).
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
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Les influences extérieures sur les techniques agricoles
A. Révolution technologique
Scénario 1. Imaginons que nous sommes en 1650, vous êtes en train de planter des
ignames dans votre jardin. Quels outils utilisez-vous pour creuser les trous ? Quels
autres outils vous sont nécessaires pour débroussailler le lopin de terre ? Qui vous aide
dans votre travail ? Regardez les dessins d’herminettes de pierre ci-dessous. À quoi servaient-elles ? Quels autres outils les gens employaient-ils autrefois pour travailler la
terre ?
Scénario 2 : Imaginons que nous sommes en 1890. Vous vivez sur l’île de Tanna près
de la mission presbytérienne, sur la côte. Un colon européen possède une plantation
à proximité. Vous plantez des ignames dans votre jardin. Quels outils utilisez-vous
maintenant ?
Comment cet outillage a-t-il contribué à augmenter la production de votre potager ?
Quels outils avez-vous en main pour débrousser le terrain ? Et qui vous aide à présent
dans vos travaux agricoles ?
Dans le premier scénario, vos outils sont de pierre et de bois. Peut-être avez-vous fait
vous-même votre herminette d’une pierre liée sur un manche. Vous avez vous-même
affûté la pierre pour la rendre tranchante. Vous abattez des arbres et brûlez la brousse
pour dégager le terrain. Vous avez façonné un outil spécial pour creuser la terre en
sculptant un beau bâton et en durcissant sa pointe dans le feu.
Dans le second scénario, vous vivez près de la mission. Vous avez vu les outils métalliques du planteur, ces outils qu’il a apportés en venant à Tanna. Peut-être les missionnaires vous autorisent-ils à emprunter ces outils en échange de la promesse d’assister
aux services religieux. Ou encore, le planteur vous a donné un outil métallique en
échange de votre travail sur sa plantation. Ou alors, un recruteur de main-d’œuvre est
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À gauche : herminette
de pierre d’Ambrym
À droite : herminette de
pierre du nord-ouest de
Santo(Speiser 1996).
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Travail in ten s i f : travail
demandant beaucoup d’efforts
Ré v o l uti o n
tech n o l o g i q ue :
changements modernes des
méthodes de travail
Chargement du coprah sudest Ambrym, mai 2004.
Photo Anastacia Riehl.
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
passé par là et a échangé des travailleurs du village contre des outils. Il existe de nombreuses façons pour vous d’obtenir ces instruments qui vous simplifieront la tâche au
jardin. Ils vous rendent les travaux beaucoup moins pénibles. Que ce soit pour débroussailler, creuser des trous, ou couper du bois pour monter les barrières qui empêcheront
les cochons de venir dévaster vos cultures. Cependant si vous êtes une femme, ces outils ne vous seront pas d’une grande utilité puisque pour le nettoyage, le sarclage et les
récoltes on n’a pas spécialement besoin d’instruments modernes.
Lorsque les missionnaires et les colons s’installèrent dans nos îles, ils apportèrent
leurs outils modernes, des plantes et des méthodes de travail occidentales. Les recruteurs de main-d’œuvre avaient aussi des outils (ainsi que des armes) à troquer dans
les villages contre des travailleurs. Ces nouveaux objets et ces idées influencèrent fortement les habitudes agricoles qui faisaient partie du quotidien depuis la nuit des temps.
Les outils métalliques contribuèrent à améliorer le rendement des jardins, car on travaille plus efficacement qu’avec les instruments de pierre, et cela permet d’exploiter des
surfaces de terrain plus vastes. Les anciennes méthodes demandaient un travail intensif. L’introduction d’instruments agricoles métalliques peut être considérée comme une
révolution technologique pour les paysans des îles.
B. Plantations et récoltes
Les colons apportèrent aussi dans leurs bagages des plantes vivrières inconnues dans
les îles (voir le tableau page 148). Des fruits comme la papaye et l’ananas que nous
connaissons tous aujourd’hui. D’autres, tels que le manioc sont bienvenus en périodes
difficiles, comme lorsque les récoltes de taro et d’ignames sont trop maigres. Ces nouveaux légumes permettent aussi de varier l’alimentation des villageois.
Les planteurs qui s’installèrent modifièrent aussi les anciennes coutumes d’usage
des terres. Comme vous le verrez plus loin dans « Planteurs et plantations », les techniques modernes de culture intensive étaient très différentes des
méthodes ancestrales d’agriculture de subsistance et des rites traditionnels liés aux plantes que nos ancêtres respectaient au quotidien.
Au lieu de planter de la nourriture pour subvenir aux besoins de la
communauté tout en suivant les rites ancestraux, de grandes plantations rectilignes de cocotiers, à perte de vue, commencèrent à envahir des rivages. Les plantations de café et toutes les installations
nécessaires à cette production apparurent d’un bout à l’autre de l’archipel. Des navires vinrent de plus en plus nombreux autour des
îles pour embarquer le coprah qui était produit dans les cocoteraies.
Quelques planteurs essayèrent de planter du coton, qui devint une
des sources principales de revenus pour les premiers d’entre eux.
Cette production répondait à une forte demande mondiale, car les
récoltes de coton aux États-Unis avaient fortement diminué à cause
de la Guerre Civile qui dura de 1861 à 1865. Les propriétaires terriens du sud des États-Unis n’étaient plus à même d’en produire
assez et il en résulta une pénurie dans le monde entier. Des événements survenant dans le monde affectèrent l’économie et le développement de l’agriculture aux ex-Nouvelles-Hébrides.
Ce système de culture commerciale et de plantations étendues
modifia la manière de concevoir l’agriculture des insulaires. Au lieu
de penser à leurs propres nécessités en fruits et légumes pour subvenir aux besoins de la communauté et aux cérémonies, les gens
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
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commencèrent à cultiver dans le but de gagner de l’argent. Cet état de fait contribua
à perturber les relations traditionnelles entre jardinage et vie quotidienne. Et on mit
moins de cœur à respecter les rites liés aux cultures. Au départ, seuls les Européens gagnaient leur vie en plantant et petit à petit les îliens firent de même.
Ceci marqua la fin des cultures de subsistance et de la plupart des rites liés à l’agriculture. Avec l’introduction des cultures commerciales, les problèmes de valorisation
des terres et de terrains privés commencèrent alors qu’avant l’arrivée des Européens,
ces soucis de frontières et de rendement n’étaient pas si importants.
Questions de compréhension
1. Qu’est-ce qu’une plantation ?
2. Dans le paragraphe ci-dessus, relevez trois effets des cultures commerciales sur
la vie traditionnelle.
Enquête
Existe-t-il une plantation en exploitation près de votre école ? Donnez des exemples
de cultures commerciales.
Les cocoteraies furent créées pour produire du coprah et sont peut-être les meilleurs
exemples du passage du jardinage familial à la culture commerciale. Avant les années
1890, la production de coprah dépendait beaucoup des petites exploitations familiales,
car les nouvelles cocoteraies n’étaient pas encore arrivées à maturité. Les planteurs
achetaient ou troquaient le coprah aux îliens. Les propriétaires l’achetaient frais ou sec
et l’envoyaient à l’étranger par bateau. Le coprah devait être transporté depuis les plantations jusqu’aux rivages puis chargé à bord des navires. Ensuite, les bateaux partaient
pour Sydney et même jusqu’en France. En 1910, les plus grandes cocoteraies se trouvaient à Valesdir sur Epi, et à Norsup, Mallicolo aux P.R.N.H. (Plantations Réunies des
Nouvelles-Hébrides devenues aujourd’hui le P.R.V, Plantations Réunies du Vanuatu).
Quelques travailleurs, revenus de l’étranger, commencèrent eux aussi à planter des
cocotiers en suivant les méthodes modernes : en lignes, à perte de vue. Dans quelques
missions, les missionnaires plantèrent aussi et les membres des communautés firent
don de leur travail pour aider l’église à subvenir à ses besoins. Des insulaires reproduisirent ces petites entreprises. Eux aussi cultivèrent leurs cocotiers et exploitèrent leur
coprah. Ce qui leur permit de devenir autosuffisants et gêna les planteurs européens
dans la mesure où ils trouvaient moins de travailleurs pour leurs vergers. Prenant
exemple sur les Occidentaux, les îliens entreprirent de gagner de l’argent avec leur
coprah, bien qu’à un niveau moindre que les étrangers. Tout cela modifia la manière de
vivre léguée par nos ancêtres, et conduisit le peuple à évoluer dans le monde moderne
où l’on doit vendre les produits de la terre pour survivre.
Dans le but de maintenir ces plantations en activité, les colons commencèrent à salarier les travailleurs. Ne trouvant pas assez d’ouvriers dans les îles, ils en firent venir
de l’extérieur. Des gens arrivèrent du Vietnam (ex-colonie française alors connue sous
le nom d’Indochine) et des Kiribati (alors appelées les îles Gilbert) pour travailler dans
les cocoteraies. Les Vietnamiens furent également connus au temps des NouvellesHébrides sous le nom de « Tonkinois ». Quand les temps devinrent difficiles, les plan-
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
teurs eurent du mal à continuer à payer leurs travailleurs. Nous étudierons ce problème
dans la partie « Planteurs et Plantations » du Volume Deux. Pourquoi, d’après vous, futil nécessaire d’importer des ouvriers étrangers ? En quoi ce recrutement de travailleurs
étrangers a-t-il pu affecter les employés locaux ?
Pour faire face à la difficulté de recrutement de main-d’œuvre, des colons essayèrent de trouver d’autres moyens d’acquérir du coprah pour l’exportation. Sur l’île d’Ambae, un commerçant Australien qui arriva au début des années 1930 essaya autre
chose. Dans son livre intitulé « Masters of Tradition » (1987), l’anthropologue Margaret
Rodman décrit le régime foncier traditionnel de Longana, à l’est d’Ambae et le système
mis en œuvre par ce commerçant.
Tout comme ses prédécesseurs, l’Australien était un négociant, mais il ne se contenta pas
d’acheter les noix de coco ou leur chair connue sous le nom de coprah. À la place, il n’embaucha personne et encouragea les gens de Longana à planter des cocotiers et à lui vendre le
coprah. Il apprit aux villageois à sécher le coprah et il construisit une route de Boiboi jusqu’à
Lolowai pour le transporter jusqu’aux bateaux. Le commerçant paya donc le coprah des habitants de Longana. Il ouvrit un magasin et les gens allaient y dépenser leur argent. Son bateau
l’approvisionnait de nouvelles marchandises avant d’embarquer le coprah pour le vendre à
l’ étranger, aux grandes maisons de négoce telles que Burns Philp, qui était propriétaire des
terres où vivait le négociant australien (Rodman 1987).
Avec cette organisation du travail, les îliens étaient à la fois avantagés et lésés. Un des
avantages était que l’acheteur de coprah les aidait à développer leur région, même si
c’était pour son seul bénéfice. En construisant des routes par exemple. Ils leur apprenaient à faire sécher le coprah dans les fumoirs. Les gens de Longana commencèrent
aussi à planter les cocotiers sur une grande échelle, augmentant par là leur production.
Cependant, il y avait des inconvénients à ce système. Les villageois étaient souvent débiteurs du magasin de la compagnie et dépensaient tout leur argent ou presque à rembourser leurs dettes. La boutique vendait des produits susceptibles de jeter le trouble
sur la communauté : l’alcool par exemple. En examinant ces faits, que pensez-vous de
cette organisation ? Est-ce que les avantages étaient plus importants pour les gens de
Longana que les nouveaux problèmes dus à cette situation ? Ces conditions de travail
étaient-elles avantageuses pour le négociant ? Exposez clairement vos réponses.
Une plantation dans
les îles. c.2002
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Accès communautaire à la terre et propriété privée
Triage des grains de café,
plantation Rathmoy, nord
Efate. 1891. W.J. Lindt.
(Weightman 1989 : 184).
Tout en ayant introduit de nouveaux outils, plantes et méthodes modernes agricoles,
l’Européen a souvent perturbé les coutumes liées à la jouissance des terres.
La chute démographique dramatique qui eut lieu des années 1850 jusqu’à la fin du
siècle a aussi participé à cette perte des traditions. Comme nous le verrons dans le chapitre « Un siècle de dépeuplement dans l’archipel » du Volume Deux, des milliers de
personnes moururent des maladies transmises par les Européens, contre lesquelles
elles n’étaient pas immunisées. Et une grande partie du savoir traditionnel disparut à
ce moment-là. Il devient plus difficile pour les insulaires de respecter les anciennes lois
puisque les anciens n’étaient plus là pour les leur rappeler.
Il y eut d’autres facteurs pour négliger ces traditions liées à la terre. Dans le chapitre
« Les débuts du christianisme dans nos îles » du tome 2, les missionnaires encouragèrent les gens à abandonner leurs villages et à s’installer près des missions. Ces déplacements de population avaient pour but d’amener les insulaires aux abords des églises
pour les convertir plus facilement. Cela contribua à affaiblir les droits traditionnels sur
la terre, car les gens quittaient leurs lopins pour aller ailleurs. S’éloigner de son jardin
peut rendre difficile tout contrôle sur cette terre. Une autre manière de perturber ces
habitudes terriennes ancestrales était la création des plantations. On en trouvait principalement sur quatre îles : Efate, Epi, Mallicolo et Santo. Sur ces îles, le système d’utilisation des terres a été profondément affecté par la présence des occidentaux et leurs
plantations.
Les premiers colons n’avaient aucune idée de ces traditions et firent comme chez
eux, croyant pouvoir acheter les terres. Ils ne comprirent pas et ne respectèrent pas les
relations spirituelles des insulaires envers leurs terres. Dans leurs esprits occidentaux,
ils en devenaient effectivement propriétaires, en échange de perles, de fusils, de tabac
ou de tissu. En établissant des contrats de vente qu’ils faisaient signer aux villageois
(transférant de ce fait la terre d’une main à l’autre), ils estimaient être dans leurs droits.
Cependant, ces signatures ne représentaient rien aux yeux des Mélanésiens. Leur terre
était une chose dont ils ne pourraient jamais se séparer, qu’ils aient ou non signé un
papier donnant un droit d’usage sur cette terre, à un autre homme. Dans la vie des
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
Mélanésiens, c’était inimaginable, et ils ne pouvaient concevoir que ces hommes espéraient jouir de ces terres d’une manière permanente. Dans l’esprit insulaire, ces dons
de perles, de fusils ne donnaient qu’un droit temporaire aux Occidentaux, et non une
permission définitive. Cette incompréhension eut un rôle majeur lors de l’indépendance du Vanuatu.
Ces quiproquos autour la propriété privée des terres furent toujours au centre des
problèmes entre planteurs et insulaires qui se tournèrent parfois contre les colons, leur
reprochant de les avoir spoliés de ces terres qui étaient leur identité et leur héritage.
Questions de compréhension
1. Quelles sont les trois causes principales des changements survenus dans l’accès
aux terres ?
2. Dans quelles îles trouve-t-on les plus grandes plantations ?
Pour aller plus loin
Tant que la plupart des plantations dans les années 1870 étaient saisonnières :
coton, maïs, et sucre, les ni Vanuatu ne se sentaient pas vraiment menacés par
les Européens, alors que plus tard, lorsque les colons commencèrent à planter de
vastes cocoteraies, les îliens virent quelle ampleur cela pouvait prendre…
(Van Trease 1987 : 21) Pourquoi les gens étaient-ils inquiets en voyant pousser des
rangées de cocotiers à perte de vue ?
Répercussions sur l’agriculture contemporaine
Marie et Jean Claude sont mariés depuis 15 ans. Ils habitent dans le village de Jean
Claude sur l’île d’Ambae. Ils ont trois enfants, l’aînée est au collège de Luganville en
8ème année, les deux plus jeunes vivent avec eux et vont à l’école primaire. Comment
Marie et Jean Claude font-ils pour trouver les fonds indispensables au paiement de la
scolarité de leur fille ? La réponse à cette question nous aide à comprendre comment
l’agriculture a évolué à travers les ans et comment nous avons changé notre façon de
vivre. Passant d’une économie de subsistance à une existence où nous devons travailler
aux jardins pour vendre les produits et ainsi gagner l’argent nécessaire à la scolarisation
de nos enfants.
On peut trouver de nombreuses solutions à ce nouveau problème de société. Selon
ce qui pousse le mieux dans leur île, Marie et Jean Claude peuvent faire du coprah,
vendre du kava, ou envoyer des paniers de fruits et légumes à Santo ou à Port-Vila.
Marie peut aussi céder du chou des îles à l’école secondaire dont le potager ne donne
pas assez pour nourrir tous les élèves. Un autre moyen est d’aller vendre les produits
du jardin au marché qui se tient une fois par semaine au village.
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Plus en détail– système d’échanges agricoles
L’extrait ci-dessous est tiré du livre de Joël Bonnemaison (1978) « Man Mo Garen :
Olgeta Rod Blong Present Long Fasin Blong Kastom ». Il nous explique le rôle joué
par les richesses agricoles lors des cérémonies entre les différentes communautés
villageoises. Il parle aussi des relations sociales existantes entre les manbus (gens de la
brousse) et les man solwota (gens de la côte) basées sur leurs besoins de produits de la
terre ou de la mer.
Nous avons vu que les manbus et les man solwota n’avaient pas les mêmes ressources
alimentaires. Cependant, les changements survenus dans la vie quotidienne obligèrent
certaines tribus de l’intérieur à venir vivre près des rivages.
Au nord du pays, les chefs du nimangki (le suqe des îles Banks ou le hungwe d’Ambae)
devaient voyager en pirogues vers les îles où ils avaient des amis ou de la famille. Ils allaient
acheter des cochons pourvus de dents, des nattes, des porcelets, des ignames ou de la
monnaie coquillage dans les îles Banks. Ces « businessmen » se déplaçaient d’île en île et
troquaient des produits, par exemple les hommes de Nduindui d’Ambae commerçaient avec
les hommes de Mallicolo, Santo, le sud de Maewo, Pentecôte ou Ambrym.
Dans les îles même, des échanges avaient lieu entre les villages. Les manbus troquaient
des taros contre les ignames des hommes de la côte. Quelquefois, c’était des taros contre
des cochons, des dents de cochon ou des feuilles de pandanus pour faire les nattes. Parfois,
les gens de la brousse négociaient pour avoir le droit d’accéder à la mer et à ses ressources :
le poisson, les coquillages ou les crabes.
Pour toutes ces raisons commerciales, les habitants du bord de mer prenaient grand soin
de leurs cochons, ainsi, lorsqu’il n’y avait pas beaucoup de fruits dans les jardins, ils avaient
encore les cochons pour le troc. Quand les gens de l’intérieur devaient passer un échelon
du nimangki, ils achetaient des cochons aux man solwota pour la cérémonie de passage de
grade. Les anciens d’Ambae disaient, qu’en ce temps-là, ce système permettait de maintenir
la paix entre les communautés, assurant la tranquillité de l’esprit et la paix tamwata.
À Tanna, les dispositifs d’échanges ne sont guère différents. Au moment du nekowia,
les communautés organisaient des groupes de danses afin de participer à la grande fête
en l’honneur de leurs amis. Ils répétaient leurs danses des mois à l’avance et essayaient de
trouver le plus possible de cochons pour la cérémonie (60 à 80 têtes parfois). Le jour prévu,
tous réunis, ils dansaient le toka et offraient des cochons, des ignames, du taro et du kava.
Leurs amis, en retour, dansaient pour eux, et dans les jours suivants, leurs remettaient le
même nombre de cochons, voire plus. De nos jours, la coutume a un peu changé, du fait que
peu de villages sont concernés dans la région. Cette époque où l’on procède à des échanges
assure la paix entre les tribus.
À Tanna, existe un autre moment important, qui n’est pas aussi impressionnant que le
toka. C’est le niel. Pour préparer le niel, un village s’occupe de planter le plus possible de fruits
et légumes. Il choisit les meilleures ignames et de nombreux cochons (entre 20 et 30). Ces
cadeaux sont déposés dans la brousse afin d’être échangés avec les produits d’un autre village.
Si ce dernier accepte le troc, il devra offrir le même nombre de cochons. Et d’autres cochons
seront offerts en plus. Si jamais le village ne peut pas donner d’igname, il donne du taro.
Ce troc n’est pas un vrai commerce, mais il permet de renforcer la paix (à Ambae
tamwata). De cette manière, la coutume est utilisée pour prévenir les disputes.
Parfois, les gens qui vivent entre les rivages et la brousse peuvent traiter aussi bien
avec les uns qu’avec les autres. Leur position géographique leur permet d’agir comme
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
intermédiaires dans les cérémonies de troc.
De nos jours, les systèmes traditionnels d’échange ont évolué. Les villages côtiers ne
cultivent plus assez, surtout dans les endroits où les cocotiers poussent en abondance
pour le coprah. Ces villages de la côte n’élèvent plus autant de cochons qu’autrefois. Dans
certaines îles, comme à Ambae, les cocoteraies sont si étendues qu’on ne peut plus planter
d’ignames. Cependant, dans les terres, où les cocotiers ne viennent pas aussi facilement, les
jardins coutumiers continuent d’exister.
C’est pour cela que les gens de la côte ne récoltent plus suffisamment pour subvenir à
leurs besoins quotidiens et qu’ils essayent de garder des droits sur les terrains de l’intérieur
des îles. Les man solwota se voient obligés d’acheter leurs taro et patates douces aux manbus.
De nombreuses choses ont changé, mais le système d’échange reste encore d’actualité.
Ce n’est pas du « business » comme dans le monde occidental. Les ni-Vanuatu, dans le
cadre de ces échanges vanuatais entre leurs îles, ne troquent pas leurs produits pour faire du
profit et il n’y a pas d’argent en jeu. Certains donnent, certains reçoivent. La seule manière
d’éviter les problèmes est de toujours donner plus qu’on ne reçoit. Ces façons de faire
permettent de maintenir la paix au sein des villages aussi bien qu’entre les villages voisins.
Questions de compréhension
1. Quel est le rôle des gens vivant entre les manbus et les man solwota ?
2. Qu’est-ce que le niel ? Existe-t-il un échange de ce genre dans votre île ?
Savez-vous si des échanges similaires continuent de se faire entre différentes
communautés ?
3. Comment les jardins ont-ils changé avec le temps ?
4. Dans le dernier paragraphe, Bonnemaison constate que les échanges de
ressources alimentaires entre les groupes sont un procédé qui ne nécessite pas
d’argent. Si on n’échange pas par appât du gain, pourquoi le fait-on ?
Hommes montant une barrière
dans un jardin. Atchin ou Vao,
nord Mallicolo. c.1914. Photo
J. Layard (Weightman. 989 : 46)
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Les paysans du Vanuatu ne peuvent plus compter uniquement sur leurs jardins pour se
nourrir, satisfaire aux nécessités de leur famille et apporter une contribution aux cérémonies. Ils ont d’autres besoins de nos jours: ils doivent payer l’essence, l’électricité, l’école,
le médecin, les vêtements, les transports et tant d’autres choses qui coûtent très cher.
Comme le montre l’histoire de Marie et Jean Claude d’Ambae, on peut recourir à l’agriculture pour subvenir à certains impératifs financiers. Beaucoup de gens dans les îles dépendent de la vente de leurs récoltes pour vivre. Des cultures permettent de gagner de
l’argent : le poivre, la vanille, le café et le cacao par exemple. Des fermiers se sont lancés
dans la production d’épices telles que le turmeric, le piment et le gingembre. Il existe des
marchés à l’étranger pour ces produits. Quelques communautés ont entrepris des projets
agricoles dans leurs régions.
Durant les 15 dernières années, le kava est lui aussi devenu une importante ressource. Le marché du kava dans le monde n’est pas stable, mais il existe une forte demande de kava à Port-Vila et Luganville. De nombreuses familles vendent du kava aux
propriétaires des bars à kava en ville ou aux acheteurs locaux qui en font commerce.
Le problème du kava est qu’il doit être livré rapidement après avoir été déterré et mis en
sac, car il s’abîme vite. Sur le marché international, les producteurs ont de grandes difficultés à surmonter, telles que le contrôle de qualité, les récentes critiques parues dans
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Histoire de l’agriculture au Vanuatu
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Déchargement d’oranges d’Aniwa
sur le quai de Port-Vila, 1984
(Weightman 1989 : 190).
les médias, et les mesures à prendre pour éviter la surproduction.
Le coprah continue d’être la plus importante source de revenus, surtout là où le kava
n’est pas très exploité et où existent les anciennes cocoteraies. Nombreuses sont les
familles qui possèdent deux ou trois hectares plantés de cocotiers pour en vendre le
coprah. Des complications ont surgi avec la chute des prix et les problèmes liés au
VCMB (Vanuatu Commodities Marketing Board). Il est arrivé que les navires venant
chercher le coprah ne s’arrêtent pas dans certaines îles, obligeant les producteurs à laisser leurs sacs pleins sur les plages, en attendant qu’un autre arrive. Et dans les régions
où le coprah est la première source de revenus, l’économie locale en souffre.
La question des terres
C’est un des plus grands problèmes auquel nous devons faire face aujourd’hui depuis
qu’est autorisée la location des terres pour une longue durée (land lease). Car ces locations
autorisées par les lois du pays sont des ventes déguisées. Ceux qui louent leurs terres
risquent de les perdre à jamais. Toutes les semaines ou presque, dans les journaux ou à
la radio, on entend parler de disputes à son sujet. Les communautés et les familles sont
déchirées par ces problèmes. Même si on quitte son île, ces soucis nous suivent en ville.
La Police et l’armée sont parfois mises à contribution pour calmer les esprits, mais ces
conflits sont souvent très difficiles à gérer, et l’arrivée de la police peut au contraire faire
empirer la situation. Pourquoi existe-t-il tant de problèmes au sujet des terres de nos
jours ? Qu’est-ce qui est à l’origine de ces polémiques ?
Même s’il est évident que la vie aujourd’hui est différente de celle d’autrefois, il ne
faut pas oublier les anciennes techniques agricoles. L’agriculture respecte encore les
traditions, lorsque les hommes demeurent conscients que la terre ne leur appartient
pas comme une marchandise, mais que ce sont les hommes qui appartiennent à la
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E m p ir e r : rendre la situation
plus délicate
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Histri blong Yumi long Vanuatu – Volume Un
terre. Ces méthodes se retrouvent dans les manières traditionnelles de cultiver qui sont
toujours employées aujourd’hui. Les cérémonies qui célèbrent la récolte de l’igname,
qu’elles soient coutumières ou religieuses, sont un autre exemple du respect des traditions qui ont perduré à travers les temps. Le partage de la nourriture avec la famille et
les amis est considéré comme une marque de respect et fait encore partie de la vie actuelle. Et les échanges cérémoniels sont en relation directe avec la notion de partage
héritée des ancêtres. Alors que certaines de ces coutumes se sont transformées pour
s’adapter aux nouvelles contraintes de la vie moderne, d’autres n’ont pas beaucoup
changé malgré les transformations dans nos styles de vie. La terre et l’agriculture sont
essentielles pour l’avenir du Vanuatu. Elles doivent continuer d’être une garantie pour
que chaque enfant du pays puisse manger à sa faim, dormir sous un toit, vivre dans
des conditions qui lui permettent d’apprendre à enrichir la vie sociale et culturelle des
habitants du Vanuatu.
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appendice
Identification des poteries
Lapita : premier style de
poterie réalisée au Vanuatu,
il y a 2 700 à 3 000 ans.
Ponamla Ifo : style de poterie
découvert uniquement dans
le sud du Vanuatu, réalisée
il y a 2 400 à 2 800 ans.
Late Ifo : style de poterie
découvert uniquement dans
le sud du Vanuatu. Réalisée
il y a 2 000 à 2 400 ans.
Early Erueti : style de poterie
découvert sur l’île d’Efate et
dans l’archipel des Shepherds.
Réalisée il y a 2 500 à 2 750 ans.
Dessins et croquis du VCHSS
et Richard Shing.
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Histri blong Yumi long Vanuatu– Volume Un
Late Erueti : style de poterie
découverte sur l’île d’Efate et
dans l’archipel des Shepherds.
Réalisée il y a 2 000 à 2 500 ans.
Early Mangaasi : style de poterie
découvert sur l’île d’Efate et
dans l’archipel des Shepherds.
Réalisée il y a 1 600 à 2 000 ans.
Late Mangaasi : style de poterie
découvert sur l’île d’Efate et
dans l’archipel des Shepherds.
Réalisée il y a 1 200 à 1 600 ans.
Chachara : style de poterie
découvert dans le nord du
Vanuatu (Malekula, Ambae,
Pentecote, Maewo). Réalisée
il y a 200 à 600 ans.
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