Une fusion Alstom-Areva aurait
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Une fusion Alstom-Areva aurait
Journal La Tribune - 09/05/2008 Le débat du jour Une fusion Alstom-Areva aurait-elle un sens industriel ? Alors que l'État actionnaire réfléchit depuis plusieurs années à l'avenir capitalistique d'Areva, le patron d'Alstom, Patrick Kron, pousse toujours à un rapprochement entre son groupe et le groupe nucléaire. Objectif officiel : créer un leader mondial des équipements de production électrique et de transports ferroviaires. Oui : " Le groupe offrirait un portefeuille optimal de technologies électriques " (Xavier Patrolin) Fusionner Alstom et Areva, c'est créer un nouveau leader mondial des équipements de production d'électricité en mesure de rivaliser face à des acteurs comme General Electrics ou Siemens. Ainsi, le nouvel ensemble serait en mesure d'offrir un portefeuille optimal de technologies de production d'électricité. Aujourd'hui, Alstom n'a pas accès à la partie " coeur " de la centrale nucléaire, un marché riche de perspectives. À l'inverse, Areva est centré sur le nucléaire. Et cette stratégie est risquée : le nucléaire ne représentera à moyen terme qu'une faible partie de l'énergie mondiale. Il est très dommage qu'Areva Xavier Patrolin, président n'ait pas accès à d'autres modes de production d'électricité moins consommateurs de d'Albatros capital capitaux et à cycle d'investissement plus court, comme le gaz ou le charbon. D'autant que 45 % de l'électricité mondiale sont, et resteront, produits à partir ce ces deux sources. Qui plus est, au-delà des perspectives de développement du nucléaire, des limites demeurent : son usage reste contesté par une partie de l'opinion publique ; une centrale est complexe à construire ; il faut trouver des ingénieurs expérimentés et enfin, la problématique du stockage des déchets radioactifs n'est toujours pas résolue. Dans ce contexte, un acteur proposant une offre complète, diversifiée et intégrée - ce qui serait sans égal dans le monde -, permettrait de répondre à tous les enjeux énergétiques de la planète : il serait donc particulièrement bien placé pour conquérir un leadership durable. Enfin, si l'accord capitalistique entre Areva NP et Siemens est important, il ne peut constituer un obstacle, depuis la décision allemande sur l'arrêt du nucléaire. Non : " Une telle opération créerait trop de problèmes sans avantages décisifs " (Casimir Pierre Zaleski) Une telle opération présenterait des inconvénients importants. D'abord, Areva a des activités sensibles clés pour la production d'armes nucléaires, comme l'enrichissement de l'uranium ou le retraitement et le recyclage des combustibles nucléaires, lesquelles doivent être contrôlées strictement par l'État. Les séparer des autres activités d'Areva mettrait fin au modèle actuel du groupe, qui lui permet de faire des offres globales, portant à la fois sur la construction de centrales, la fourniture de combustibles et le retraitement et recyclage de combustibles usés. Seule l'entreprise d'État russe Atomenergoprom s'est construite sur le même modèle. Ensuite, Areva et Siemens ont Casimir Pierre Zaleski, délégué général du créé une filiale commune, Areva NP, qui fabrique des réacteurs nucléaires. En cas de CGEMP de l’université de mariage entre Areva et Alstom, Siemens pourrait difficilement rester au capital de cette Paris-Dauphine société dont il détient 34%, car c'est un concurrent frontal d'Alstom dans les trains comme dans les turbines. Or, difficile dans les premiers temps, l'association avec Siemens se révèle fructueuse : l'actuel réacteur nucléaire EPR, un des plus performants au monde, est le fruit de la coopération étroite entre les deux groupes. De plus, à l'étranger, Siemens bénéficie d'un réseau développé et d'une bonne réputation. Enfin, si l'Allemagne se met à construire de nouvelles centrales nucléaires, l'alliance avec Siemens sera un atout pour Areva. Si la présence de l'État français à son capital n'est in fine pas un réel handicap pour remporter des contrats à l'étranger, elle reste un atout pour se financer à bas prix. Et si Areva avait besoin de plus de capitaux, elle pourrait toujours lever de l'argent en Bourse, sans porter atteinte au contrôle étatique. Le mirage du conglomérat Avant que le marché du nucléaire ne redémarre dans le monde, Anne Lauvergeon avait, dès 2001, fait le pari du service complet. Faut-il, au moment où cette stratégie paie, casser un modèle qui marche ? La force d'Areva est d'être un pur professionnel du nucléaire à un moment où le monde redécouvre ses vertus. Si le groupe a besoin de capitaux pour embaucher, répondre aux appels d'offres et contrats de construction de centrales en cours, faut-il tout reconstruire pour autant ? Areva a, dit-on, besoin de 5 milliards d'euros. Une opération en Bourse sur 20 % de son capital, sans changer la structure de son contrôle, peut y pourvoir. En clair, la question aujourd'hui n'est pas tant de refondre la filière nucléaire que d'accroître le périmètre d'Alstom. Que Alstom ait un problème de taille critique face à Siemens et General Electric, et que l'accès à la fabrication du réacteur de la centrale soit pour lui un axe de développement intéressant pour le long terme, est une chose. Qu'un mariage à trois avec Bouygues, son premier actionnaire à 30 % du capital, soit au moins sur le papier envisageable, avec à côté la constitution d'un pôle combustible allant de la fourniture au retraitement, autour d'Eramet, en est une autre. Faut-il pour cela créer un conglomérat industriel qui aurait pour défaut annexe de nous brouiller très sérieusement avec l'Allemagne, et ce au moment où la France tente de reprendre l'initiative dans la construction européenne ? Les raisons industrielles ne sont peut-être pas assez fortes pour ce prix-là. LAURENCE BOISSEAU ET VALÉRIE SEGOND