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ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP *** 168 SESSION D’ETUDES DE L’APASP L’articulation entre le code des assurances et le code des marchés publics - La nécessaire clarification ème 20 et 21 novembre 2014 *** Ouverture par Jean-Marc PEYRICAL, Président de l’APASP – Maître de Conférences - Avocat I – Le paysage des assurances et le rôle des différents acteurs - Qui fait quoi ? Différence entre les intermédiaires, les courtiers et les assureurs Quand l’assurance est-elle obligatoire, facultative, nécessaire ? Point sur les principaux risques encourus par les collectivités. Jean Claude MADELENAT, Directeur Assurances et Développement – SMACL Assurances Il faut de suite lever un tabou : l’assurance n’a pas une vocation philanthropique. Toutefois, l’assureur ne gagne pas non plus de l’argent sur le dos de ses assurés. Le principe de l’assurance, c’est la grande mutualité pour la grande solidarité. Cela se traduit par la mise en place d’un panier commun, approvisionné par les cotisations, et qui servira à compenser les drames vécus par les uns ou les autres. L’assurance à grands traits L’obligation qui incombe aux acheteurs publics de procéder via le code des marchés publics (CMP) trouve son origine dans une directive européenne n° 92/50 du 18 juin 1992, transposée en droit interne en 1998 par plusieurs décrets. Cette date est à retenir pour les assureurs comme pour les assurés. Avant 1998, un assureur était installé dans chaque collectivité et sur le fondement notamment du principe de tacite reconduction annuelle, cet assureur « n’était pas facile [à] déloger ». Une moralisation s’est donc imposée. Depuis 1998, les acheteurs publics doivent procéder à la mise en concurrence des différents assureurs conformément au CMP. Plus de principe de tacite reconduction annuelle, les contrats d’assurance ont désormais une durée moyenne de 4 ans et sont donc régulièrement remis sur le marché. Avant l’extension du champ d’application du CMP aux contrats d’assurance, l’assureur proposait ses produits et ses garanties en démarchant les décideurs locaux. A présent, le processus est totalement inversé puisque c’est l’assureur qui adhère à un projet émanent de l’acheteur public. Ce dispositif a engendré un grand bouleversement dans les habitudes des assureurs étant donné qu’il existait alors des contrats de référence permettant de répondre à l’ensemble des demandes. Aujourd’hui, chaque contrat d’assurance est unique. Cette évolution n’est pas pour autant simplement synonyme de 1 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP complexification pour les assureurs car elle leur a également permis de multiplier les possibilités d’obtenir et de conclure des contrats, le système des appels d’offres lui permettant de répondre à un grand nombre de demandes sur l’ensemble du territoire. Pour exemple, en 1998, la SMACL traitait environ 300 procédures par an contre 5000 aujourd’hui. Cependant, le marché des assurances à destination des collectivités locales est un marché bien spécifique que n’importe quel assureur ne peut assumer. Le terrain des risques n’est pas le même, assurer un appartement ou une mairie de 5000m2 relève de deux métiers différents. Les risques identifiés par les collectivités Dans le domaine des assurances, le point de départ est le risque. En effet, selon JC Madelenat, « s’il n’y a pas de risque à assurer, il n’y a pas d’assurance ». L’assurance consiste en l’identification d’un risque par le propriétaire/le gestionnaire qui n’estime pas devoir en porter directement la responsabilité et en confie donc le soin à un spécialiste. C’est une opération financière qui consiste en l’achat d’un risque par l’assureur, lui-même payé par le versement d’une prime par l’assuré afin de pouvoir dédommager des sinistres. Une précision de sémantique : la notion de risque peut englober à la fois un bien immobilier type gymnase ou mairie mais également un événement tel qu’un incendie ou une tempête c’est-à-dire qu’ « un risque doit être physiquement appréhendable et assuré par rapport à des événements », précise JC Madelenat. Cet ensemble doit être fédéré dans un dispositif contractuel issu de la consultation menée par l’acheteur public à partir de besoins préalablement définis. La personne publique doit en effet être en mesure de les appréhender et de les identifier. Il existe quatre grandes branches d’assurances qui concernent le patrimoine, le parc automobile, la responsabilité et l’assurance des risques statutaires. Il faut retenir en priorité qu’il existe une seule assurance obligatoire, celle de l’assurance automobile en responsabilité. Le patrimoine, dommages aux biens Les risques identifiés doivent être répertoriés, cependant en cas d’oubli, le principe d’automaticité s’applique, ce qui signifie que c’est l’ensemble du patrimoine, même la partie oubliée, qui sera prise en compte. C’est donc l’ensemble des biens utilisés ou propriétés de la collectivité, qui doit être protégé par rapport à des évènements aléatoires car "sans aléa il n’y a pas d’assurance possible, l’aléa c’est tout le contraire du risque certain". A noter que les risques liés au climat (incendie, tempête, inondation, etc.) doivent impérativement être assurés, reste à l’acheteur public de préciser les conditions de la garantie, à savoir le périmètre, le montant, les limites contractuelles d’indemnités, etc. Concernant ces limites – sinistre maximum et son coût - elles sont proposées par l’assureur et correspondent généralement à la réalité du terrain, il ne faut donc pas être excessif dans ses demandes. JC Madelenat prévient donc que « plus vous [les acheteurs publics] demandez de limites, plus c’est cher » et étant donné les besoins d’économies, cela n’est pas le but recherché. En parallèle des grands évènements classiques dommages aux biens, il existe quelques garanties annexes comme par exemple, bris machine, risque informatique… Pour rappel, l’assurance dommages aux biens n’est pas obligatoire puisque seule la garantie responsabilité civile (RC) automobile est une obligation. Le parc automobile 2 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Pour les véhicules, les risques sont facilement identifiables, ils sont physiquement et matériellement connus car le parc automobile est généralement très bien identifié. La nécessité de bien assuré ce parc se trouve d’avantage sur le terrain des assurances personnelles qui ne couvrent pas nécessairement un accident survenu dans l’exercice des fonctions de l’agent public. Egalement, il faut penser à la mise à disposition des véhicules de fonction à titre personnel et penser à la typologie variée des véhicules. L’assurance de responsabilité Autant en dommages aux biens et en automobile, les risques et les conséquences de ces risques sont facilement identifiables, autant en responsabilité civile (RC) il en va tout autrement. Le principe de la responsabilité est de réparer les dommages causés par l’assuré aux tiers. Donc en cas de versement d’indemnités, elles ne seront pas versées à l’assuré lui-même mais à un tiers. Par ailleurs, l’indemnité sera versée même si la garantie est acquise qu’à la condition que la responsabilité soit engagée. L’essentiel des sinistres renvoie à des sinistres dits « dommages de travaux publics », « pouvoirs de police des maires » représentant environ 80 à 90% des sinistres déclarés. Pour exemple : un accident d’une personne qui se fracture une jambe car elle est tombée dans un nid de poule, n’engage pas automatiquement la responsabilité de la commune. Il faut prouver un défaut d’entretien de l’ouvrage public, que le nid de poule ait une profondeur suffisante, etc. Il y a un ensemble de critères permettant d’engager ou non la responsabilité de la personne publique. Egalement, la responsabilité couvre l’ensemble des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs ou non à un dommage corporel, matériel ou immatériel. Tout en sachant que le corporel est le dommage qui génère les provisionnements et les indemnités les plus lourds. Il y a deux types de contrat en assurance de responsabilité : - Le contrat dit « tout risque sauf » : explicite précisément les exclusions - Le contrat limitatif : explicite précisément et de manière positive, les risques couverts. La prudence incite à toujours solliciter un contrat de type « tout risques sauf », les exclusions étant généralement plutôt limitées, précise le directeur. L’assurance des risques statutaires Cela renvoi au statut de la fonction publique (territoriale, hospitalière…) qui oblige les employeurs a porter les évènements de la vie professionnelle et privée. Cette assurance n’est pas une obligation mais un choix des collectivités. La connaissance des risques : une nécessité pour l’acheteur public comme pour l’assureur Un point important sur la connaissance des risques dont il a été question précédemment. Elle vaut pour les deux parties. D’abord pour les acheteurs publics même si le risque d’automaticité a été évoqué (lequel vaut d’ailleurs pour les dommages aux biens mais également la RC automobile) et ensuite pour l’assureur car au delà de l’inventaire des risques, l’assureur doit les connaitre précisément afin de savoir quoi assurer. La question qui se pose pour la personne publique est alors : comment être précis quand à l’échelle d’un Conseil Général, d’un conseil régional voire d’une commune, les risques très variés sont étendus sur tout un territoire de manière disparate ? Comment donner une information précise à un assureur sur l’ensemble des risques qu’il lui est demandé d’être pris en garantie? Toutefois, dans l’hypothèse où les risques les plus sensibles sont identifiables et identifiés, il est impératif d’en dresser une « photo » dans l’expression des besoins. « Il faut connaître et faire connaître ces risques » prévient JC MADELENAT. Afin d’assurer la pérennité de la relation, il 3 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP est essentiel que les uns et les autres soient informés autant que faire se peut, notamment concernant les limites et la prévention des risques majeurs. Le volontarisme local (volonté à agir et à protéger) doit également être fortement encouragé. Les acteurs de l’assurance des risques publics Les premiers acteurs sont évidemment les acheteurs publics. Les assureurs, garants du risque, sont directement intéressés et sont rassemblés dans deux familles. Il y a également les intermédiaires, agents généraux et courtiers, les premiers étant mandataires de l’assureur, ils agissent en son nom et pour son compte, et les seconds recevant mandat pour placer les risques au meilleur coût auprès d’un assureur. Troisième groupe d’acteurs qui est apparu par nécessité, ce sont les auditeurs, « conseillers en assurance ». Ces derniers assistent les pouvoirs adjudicateurs dans la passation (mise en place et mise en œuvre de la procédure, recensement du besoin, rédaction du cahier des charges, analyse des offres, etc.) mais aussi dans l’exécution des marchés publics (« bon comportement » de l’assureur au regard de ses obligations contractuelles, avenants, etc.). Sur les 5000 procédures traitées à l’année par la SMACL, 60% des acheteurs publics ont recours à ces professionnels, chacun dans un rôle bien déterminé et dans une sphère d’activité stricte c’est-à-dire que l’intermédiaire ou l’auditeur ne pourra pas candidater ou être l’assureur du marché pour lequel il accompagne la personne publique. Echanges avec la salle : Intervention : Vous avez fourni des précisions sur les apports du droit européen en termes de transparence et d’ouverture. Une autre chose qu’a apporté l’Union européenne, c’est les compagnies d’assurance étrangères qui répondent à des consultations des collectivités françaises. J’ai souvenir d’un marché concernant la construction d’une école qui a eu une compagnie d’assurance lettone… Cela parait assez « exotique ». Réponse : On s’inscrit dans l’espace européen et encore une fois le marché français est ouvert. En guise de tentative de droit comparé, la France a appliqué même au-delà des préconisations de la directive, un dispositif très rigide et rigoureux qui fait que la porte est ouverte à tous du moment où ils disposent de cette capacité de réponse à une consultation donnée sur le territoire national. En Belgique, cela n’existe pas, en Allemagne il y a une certaine liberté d’action… Toutefois, il me semble qu’il y a une directive en préparation qui serait beaucoup plus rigoureuse à l’échelle européenne. Donc nous l’attendons avec impatience car cela nous permettra probablement, en tant qu’assureur notamment, de s’intéresser au marché européen, ce qui s’avère très compliqué aujourd’hui. Intervention : On peut également se poser la question de savoir pourquoi les acheteurs publics en France ne prévoient pas un critère sur la notation financière des compagnies d’assurance. Cela se fait dans tous les autres pays, c’est-à-dire que la solvabilité des compagnies d’assurance est jugée partout ailleurs sauf en France. Ce serait assez « amusant » et surprenant de voir quelles seraient les conséquences par rapport à cette solvabilité financière. II- Droit applicable : Code des marchés publics et Codes des assurances… ? 4 ème Synthèse de la 168 - session d’études de l’APASP Si le code des marchés publics devient législatif, que se passe-t-il ? D’autres droits peuvent-ils s’imbriquer ? Maître Jérôme DA ROS, Avocat au Barreau de Paris Des questions récurrentes sur la hiérarchie des normes Le fil conducteur de cette intervention sera celui d’une tension entre le droit du contrat administratif et le droit du contrat d’assurance. C’est un fait, les marchés publics d’assurance sont à la croisée de règles juridiques qui s’entrechoquent. Il y a d’une part des prestations d’assurances qui relèvent par nature du code des assurances et d’autre part un contrat public qui incorpore certaines prérogatives spécifiques de la puissance publique. La soumission du contrat d’assurance aux règles des contrats administratifs a été très progressive et est assez récente. Auparavant, les contrats d’assurance étaient des contrats privés, ce qui est toujours le cas dans d’autres pays. Puis, la directive « services » de 1992 a incorporé le contrat d’assurance dans le champ de la passation des marchés publics. Toutefois, le contrat d’assurance n’en devenait pas pour autant un contrat administratif. L’administrativité du contrat n’était pas admise en fonction de son mode de passation mais aux vues des clauses exorbitantes de droit commun que pouvait contenir ce contrat. Cette solution posait un problème puisque, selon le contenu très variable des contrats, certains étaient qualifiés d’administratifs et l’assureur ne pouvait donc pas les résilier ou modifier les primes à sa guise. D’autres restaient des contrats de droit privé entièrement soumis au code des assurances qui octroie de larges pouvoirs aux assureurs. Enfin, la loi MURCEF de décembre 2001 a clarifié la situation et désormais, les contrats d’assurance sont de plein droit des contrats administratifs. Cela engendre la compétence de principe du juge administratif, l’intégration ipso facto des clauses exorbitantes de droit commun dans les contrats d’assurance, une impossibilité de modifier la tarification, etc. Aujourd’hui, personne n’est très à l’aise et ni les praticiens, ni la doctrine, ne s’accordent sur le régime exact du contrat administratif d’assurance. En effet, il y a d’un coté le code des assurances dont les règles sont de nature législative et d’ordre public et de l’autre coté, le code des marchés publics qui revêt seulement une valeur règlementaire mais dont certains principes ont été reconnus au niveau constitutionnel. Il y a deux courants opposés dans la doctrine, l’un défendant la supériorité du contrat d’assurance sur le droit de la commande publique et l’autre l’inverse. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que même si les règles de la commande sont contenues dans un code à valeur réglementaire, elles sont tout de même le résultat de la transposition de directives, ce qui leurs confèrent une force supra législative. La question est donc « relativement » réglée, d’autant plus que les juridictions administratives ont affirmé et sanctifié la primauté du droit du contrat administratif sur le code des assurances, fût-il d’ordre public. Cependant, il faut noter l’existence d’une décision du Conseil d’Etat de 2003 qui complexifie la situation en soutenant que les contrats administratifs restent soumis au droit des assurances. Le droit français est donc toujours en quête de conciliation de ces deux droits. Le marché européen d’assurance Le réflexe des acheteurs publics est de se tourner vers un marché qui leur est familier. On ne peut pas nier aujourd’hui que le secteur des assurances fasse l’objet d’une harmonisation par les directives européennes « assurance vie » et « assurance non vie », lesquelles permettent à certains assureurs, par le biais de la liberté des prestations de service et la liberté d’établissement, de couvrir des risques en France alors qu’ils n’y ont pas leur siège social. La dynamique actuelle du marché européen fait que la plupart des nouveaux assureurs britanniques, pour exemple, ne s’établit plus au 5 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Royaume-Uni mais à Gibraltar et les acheteurs publics ne sont pas en mesure d’écarter leur candidature pour la seule raison de leur localisation à l’étranger. Dès lors, l’acheteur public se retrouve confronté au problème de la possibilité de déterminer si l’assureur candidat est valablement agréé pour couvrir des risques. Pour cela, il suffit de consulter le site internet du ministère de l’économie ou de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui répertorient les assureurs autorisés à souscrire des risques en France. Cette liste contient également les agréments que les entreprises d’assurances sont autorisées à couvrir. A ce propos, le Conseil d’Etat s’est prononcé le 19 juillet 2010 sur une affaire dans laquelle un candidat assureur évincé a demandé et obtenu l’annulation d’un marché au motif que l’assureur lituanien attributaire présenté par le courtier n’était pas agréé pour la banche RC AUTO, objet du contrat. Les assurances obligatoires Il existe également une liste des assurances obligatoires, nombreuses, diverses et parfois saugrenues. Pour exemple, doivent faire l’objet d’une assurance obligatoire le personnel médical et pharmaceutique des hôpitaux publics, la recherche biomédicale mais aussi l’exploitation de barques fluviales. Il est difficile de recenser l’ensemble des assurances obligatoires qui ne sont pas toutes réunies dans le code des assurances mais éparpillées dans de nombreux codes en fonction du domaine concerné. En outre, les assurances obligatoires diffèrent selon le type de pouvoir adjudicateur. Pour l’Etat, la souscription d’une assurance n’est, par principe, pas obligatoire en vertu d’un principe ancien selon lequel l’Etat est son propre assureur. Il peut donc opposer cette maxime et écarter l’engagement de sa responsabilité, notamment quand il s’engage avec d’autres collectivités sur la base de documents contractuels imposant une assurance. Les établissements nationaux de l’Etat tels que l’assemblée nationale ou le CNRS bénéficient également de ce principe ancien. L’existence de cette maxime trouve ses origines dans le fait que les contrats d’assurances sont des contrats d’adhésion et l’idée que l’Etat adhère à des règles fixées par des particuliers n’était pas très bien accueillie. De plus, l’Etat considérait que sa force financière était telle qu’il ne pouvait pas subir de risques pouvant l’atteindre à ce niveau. Cependant, cette vision n’est plus d’actualité, notamment par l’effet de la familiarisation du personnel de l’Etat avec les techniques de l’assurance ainsi que par la recherche de l’économie. Pour les collectivités locales, les obligations d’assurance, notamment pour les parcs automobiles et les catastrophes naturelles, s’appliquent de plein droit. Les courtiers Les courtiers ont dû faire face au dilemme qui était de choisir entre conseiller la puissance publique ou bien l’assureur. La circulaire de 2007 sur la passation des marchés publics d’assurance énonce très clairement que le courtier doit choisir son « camp ». Soit il est l’intermédiaire de l’assureur, soit il est celui de l’assuré mais il ne peut pas jouer les deux rôles. Ceci est assez inhabituel pour les courtiers dont le rôle est devenu assez ambigu puisqu’en dehors des marchés publics d’assurance, ils peuvent à la fois être mandataires de l’assuré et percevoir leur rémunération de l’assureur. A ce titre, un arrêt du 10 février 2014 permet au cabinet d’avocat, sans qu’il soit qualifié d’intermédiaire, de participer à l’élaboration du cahier des charges qui sera présenté par la collectivité. Les réactions ont été vives suite à cet arrêt, des courtiers se sont émus du fait que des cabinets d’avocats puissent empiéter sur leur domaine d’activité. Des questions se sont posées quant à la détermination, dans la définition du marché public, de la place de l’intermédiaire. Doit-il être considéré comme un cotraitant ou comme un sous-traitant ? Qui 6 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP le rémunère ? Lorsque le marché n’est pas alloti, peut-on volontairement soumettre un lot « gestion » et un lot « assurance » ? Même s’il n’est pas prévu, l’allotissement peut être fait directement par le groupement conjoint. L’assureur sera identifié comme le porteur du risque et demeure le seul titulaire du marché. Le courtier sera quant à lui identifié comme le gestionnaire du risque. Le courtier est titulaire du risque et, contrairement à la sous-traitance, il pourra obtenir sa rémunération directement de la puissance publique. Aujourd’hui se pose la question de savoir si le seul mandat conféré par l’assureur au courtier concède à ce dernier certains droits vis-à-vis du pouvoir adjudicateur ? Ce point reste discuté. La qualification d’un marché public d’assurance Il semblerait que la qualification d’un marché public d’assurance dépende de qui paie la prime. En effet, il y a de plus en plus de contrat où le souscripteur est la personne publique mais c’est le bénéficiaire des garanties qui paie la prime. Dans ce cas, une circulaire de 2001 a précisé que le contrat ne sera pas soumis aux règles de passation puisque la collectivité n’expose pas les deniers publics. Echanges avec la salle : Question : Pouvez-vous préciser votre pensée quand vous indiquez que les collectivités et les AMO ne peuvent pas être à la fois conseil sur la rédaction du cahier des charges et se porter candidat au même marché ? Réponse : Il y a une subtilité pour permettre cette situation, toutes les garanties doivent avoir été prises pour garantir que le marché ne soit pas biaisé. Question : Quand un agent d’assurance se porte candidat à l’obtention d’un marché public, doit-on considérer qu’il agit en cotraitant ou en sous traitant de sa société d’assurance ? Réponse : Ce sont les soumissionnaires qui vont décider de leur statut. En pratique, le recours à la sous-traitance est rare car le courtier, chargé de la prospection, veut garder une visibilité, une main mise sur la relation de « clientèle ». Question : Dans le débat récurent de privilégiature d’un code sur l’autre se pose une question. Sachant que dans le domaine des marchés publics, le point de départ de la prestation est l’avis de notification et nous, assureurs, recevons ces avis vers février/mars alors que le cahier des charges prévoit généralement comme point de départ du contrat le 1er janvier, quid des sinistres qui se réalisent entre le 1er janvier et la réception de l’avis de notification ? Réponse : Il n’y a pas eu de jurisprudence sur ce point, c’est une question qui reste ouverte. L’avis de notification n’est pas ce qui engage l’assureur. Son engagement date du moment où sa candidature a été définitivement acceptée. Dès lors, l’assureur peut délivrer une note de couverture qui vaudra garantie et l’engage conformément au code des assurances. Précisons que la jurisprudence civile distingue fermement le contrat d’assurance de la note de couverture. En cas de conflit de normes entre les codes, Me Da Ros estime qu’il faudrait appliquer la règle la plus protectrice pour l’assuré mais cette position n’a été confirmée par aucune jurisprudence. III – Les économies à rechercher : la prévention, les doublons… Julien REVILLON, Service conseil en assurances du C.I.G. Ile de France 7 ème Synthèse de la 168 - session d’études de l’APASP La prévention du risque statutaire La gestion du patrimoine et son inventaire La prévention des risques naturels Le service conseil en assurances du C.I.G. Ile de France est à disposition des collectivités du territoire des Yvelines, de l’Essonne et du Val d’Oise afin de les aider à mettre en place leurs marchés d’assurance (audit, rédaction du cahier des charges, analyse, conseil, etc.). Nous intervenons sur l’ensemble des risques que peuvent rencontrer ces collectivités (assurance classique, assurance statutaire, dommages-ouvrages, protection sociale complémentaire, etc.) et nous réalisons également des groupements dans tous ces domaines. Les personnes publiques doivent choisir quelle part du risque elles vont demander à l’assureur de supporter. Il s’agit de faire l’équilibre entre l’auto-assurance par l’application d’une franchise ou par l’exclusion d’un risque, et l’assurance par les compagnies. Une fois « la balance fixée », une prévention doit être mise en œuvre, ce qui nécessite de l’investissement de la part des collectivités, aussi bien en temps que financièrement. Cette démarche est bénéfique à la fois pour elles (réduction des risques = réduction des cotisations) mais également pour les assureurs (simplicité du contrat malgré une cotisation moindre). 3 thèmes seront abordés : - La prévention du risque statutaire car c’est souvent le plus lourd - La gestion du patrimoine pour une meilleure rationalisation des coûts - La prévention des risques naturels La prévention du risque statutaire L’action sociale Elle permet de créer un lien entre l’agent et son employeur, de lui apporter certaines aides (protection sociale complémentaire santé et/ou prévoyance, chèques cadeaux en cas de difficultés financières, etc.). L’idée est d’essayer de réduire au maximum les petits arrêts de maladies ordinaires de 3-4 jours et de créer une atmosphère de travail sereine. L’impact visible est assez restreint mais il existe. Pour les communes il y a un autre aspect concernant la prévoyance. En effet, lorsqu’un agent va passer en demi traitement (salaire réduit de moitié), ses charges personnelles vont rester exactement les mêmes, le faisant ainsi basculer dans la précarité, et peut-être aura t-il recours ensuite au CCAS (caisse centrale d’activités sociales du personnel). Les coûts étant à supporter par la commune, la prévention en la matière s’avère judicieuse. La prévention hygiène et sécurité C’est l’élément le plus visible et le plus chronophage car il nécessite un changement des habitudes des agents. L’illustration de ce type de prévention est le document unique. Il est obligatoire mais peine à se mettre en place au sein des collectivités. C’est un document vivant qui va permettre de repérer les risques et prendre des mesures pour y remédier. Il aura donc un impact sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. Les petites communes (environ 50 agents), doivent obligatoirement disposer d’un conseiller de prévention dont le temps de travail est réparti entre diverses fonctions annexes. De plus en plus fréquemment, plusieurs collectivités/intercommunalités 8 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP décident de mutualiser ces agents là. Cette démarche est efficace en termes de prévention mais également en termes de formation (sensibilisation des agents sur tel ou tel point). Intervention Jean Claude Madelenat : Vous pouvez vous rendre sur le site de la SMACL et vous trouverez un dispositif qui vous informe sur la méthodologie permettant de monter un document unique. Les acteurs de l’assurance mettent à disposition des outils dont il faut avoir conscience, notamment dans la recherche des doublons. Egalement, beaucoup de garanties sont prises par les collectivités et sont rarement utilisées. La SMACL, pour rebondir sur cette intervention, peut accompagner les personnes publiques dans la mise en place du document unique leur permettant ainsi de réduire les sinistres et les cotisations. L’audit organisationnel et le maintien dans l’emploi L’absentéisme notamment pour maladie ordinaire est souvent lié à un mal-être au travail. Un auditeur peut accompagner les collectivités dans la réorganisation des conditions de travail des administrés (décaler les horaires pour éviter le travail entre personnes en conflit, proposer une formation pour changer de service, etc.). D’ailleurs, suite aux récentes élections locales, l’audit organisationnel se pratique beaucoup. Concernant le maintien dans l’emploi, il s’agit principalement des arrêts maladie longue durée (maladie grave, accident de travail…). Les « décrochages » peuvent être repérés de plusieurs manières : encadrement intermédiaire (le plus souvent), statistiques d’absentéisme service par service notamment, etc. Exemple : Un agent qui revient d’une absence de 5 ans durant laquelle son poste a été pourvu et les équipes renouvelées, qui a des restrictions médicales, qui devra être affecté à un nouveau poste et acquérir une autre méthode de travail ; il ressentira souvent une impression d’exclusion. Un accompagnement (du soutien psychologique à l’étude du reclassement de l’agent en tenant compte de ses revendications.) devra impérativement être mis en place soit par un organisme extérieur, soit par un courtier/assureur. La modulation du régime indemnitaire Le traitement d’un agent correspond à son traitement de base ajouté au régime indemnitaire. Il y a certaines collectivités qui souhaitent maintenir le régime indemnitaire en cas d’absence (peu importe la durée) et ce, malgré le fait que ce régime soit censé intervenir pour compenser la charge financière due à l’absence de l’agent. D’autres collectivités décident de le réduire en cas de maladie ordinaire (ce qui est interdit en cas de maladie longue). Les collectivités ont le choix de moduler ce régime, pour exemples : - soit, dès le premier jour d’absence, les agents peuvent se voir supprimer 1/30ème de leur régime indemnitaire, - soit, réduction seulement à partir du 11ème jour. Toujours est-il qui que ces éléments sont assez efficaces dans la pratique pour réduire la fréquence des « petits arrêts » et s’avèrent même plus efficaces que les primes de présentéisme. Les contre-visites et expertises médicales Les contre-visites sont plutôt utilisées en cas de maladie ordinaire tandis que les expertises médicales se pratiquent en cas d’accidents du travail. Organisées soit par la collectivité, soit par un agent 9 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP extérieur, ces dispositifs ont pour objectif de vérifier que l’agent est bel et bien en arrêt maladie ou que ce soit le « bon arrêt ». La contre-visite est un système au cas par cas ou automatique (exemple : tous les 10 arrêts dans un service, tous les 3 arrêts d’un agent) et lorsque la procédure est déclenchée, elle va permettre au médecin agréé de vérifier que l’arrêt est toujours justifié au jour de la contre-visite. En pratique, les reprises anticipées représentent seulement 6% des contrôles car les médecins se déjugent rarement entre eux. Il existe un effet indirect à l’égard des agents toujours en place car ceux-ci peuvent se décourager si jamais aucun contrôle n’est effectué sur les absents. La mise en place des contrevisites, même si elle ne conduit pas automatiquement à la reprise anticipée de l’agent, a au moins le mérite d’apporter la preuve d’une surveillance de la part de la collectivité. L’expertise médicale dans le cadre d’un accident de travail permet de constater que la lésion médicale est bien en corrélation avec l’accident de travail. Dans le cas contraire, c’est de la maladie ordinaire dont les droits sont différents. Même principe en cas de prolongation, il est important de vérifier que celle-ci est bien liée à l’accident de travail et ne découle pas d’un état antérieur, étranger à l’accident. La gestion du patrimoine pour une rationalisation des coûts Contrôle du patrimoine et régularisation de l’assiette L’inventaire est extrêmement important. Il est vivement recommandé de préciser quels sont les systèmes de sécurité (anti-intrusion, anti-incendie, barreaux aux fenêtres, etc.) mis en place dans le bâtiment à garantir, ce qui permettra à l’assureur d’avoir une meilleure connaissance du risque et donc de la tarification associée. C’est un travail assez fastidieux mais nécessaire, d’autant qu’il s’agit d’une liste « vivante » car de nombreux risques doivent être mis à jour (informatique par exemple). Cette actualisation permet entre autre d’éviter les doublons. Exemple : En informatique, les ordinateurs disposent déjà d’un contrat de maintenance donc il n’est pas nécessaire de prendre en plus une garantie « bris machine ». L’inventaire précis permet également de former des groupes de biens. Exemple : Pour la flotte automobile, il est possible de réunir les véhicules de moins de 3,5 tonnes de et de moins de 5 ans, les plus de 3,5 tonnes et de plus de 10 ans, … ou tel type de véhicules comme les autocars qui doivent avoir une assurance particulière type rapatriement. En principe, en fin d’année (mi-novembre), il faut communiquer l’assiette à l’assureur. Le patrimoine immobilier est assez constant (puis il y a l’automaticité de la garantie), mais toute régularisation de l’assiette permet de faire le point sur les biens qu’il est nécessaire de continuer d’assurer. Exemple : Bris de machine informatique pour des tablettes de 4 ans ou des tours datant d’une dizaine d’années, pour lesquels une assurance ne s’avère plus intéressante. A bâtiment atypique, assurance spécifique Certaines structures des bâtiments (salle de spectacle…), la pluralité des activités au sein d’une pépinière d’entreprises, nécessitent que, dès le cahier des charges, soient précisé quelles sont les mesures particulières de sécurité mises en place ou pouvant l’être ultérieurement. Ces obligations peuvent être imposées aux collectivités par l’assureur sous peine de voir les franchises fortement augmentées ou les montants de garantis diminués. Exemple : Contrôle périodique (1 fois par an) des installations électriques, des installations antiincendie, instauration d’un permis feu… 10 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Echanges avec la salle : Intervention : L’élément important concernant les pépinières d’entreprises est celui des conventions passées avec les occupants. Ces conventions les obligent à assurer leurs risques propres et ce, en complément du risque locatif assumé par la personne publique. Acheteurs publics, demandez les attestations d’assurances en cours de validité et surtout vérifiez régulièrement leur conformité car une entreprise en difficulté aura tendance à supprimer ses frais d’assurances en tout premier. Réponse : Effectivement, je ne l’ai pas mentionné lors de mes propos relatifs à l’inventaire. Certains bâtiments sont mis à disposition et il est impératif de vérifier les garanties d’assurance de chacun des occupants. Egalement, dans l’inventaire, précisez bien si vous êtes propriétaire occupant, non occupant, si c’est à destination commerciale ou autre. Et j’insiste sur les conventions passées avec les locataires, la question de l’assurance est primordiale. N’hésitez pas à vous informer auprès de vos assureurs car ceux-ci mettent de plus en plus à disposition de leurs assurés, des services d’accompagnement et de conseil. Intervention Jean Claude Madelenat : Si je peux me permettre sur le sujet des économies, je n’ai qu’un souhait à votre égard, c’est que l’on ne « tue » pas le CMP car il demeure la meilleure source d’économies à ce jour. Ensuite, il y a bien entendu des techniques assurantielles et tout un travail de prévention, mais il est vrai aussi qu’un élu ne sera pas réélu car il aura fait mettre des barreaux aux fenêtres d’une salle des fêtes. Il y a donc un travail de conviction, à produire en interne, ce qui s’avère compliqué… Quant aux assureurs, ils ne souhaitent pas s’investir dans un marché pour ensuite le « laisser filer », c’est pour cette raison notamment que des « préventeurs » sont mis à dispositions des assurés afin de leur fournir des préconisations mais également de les fidéliser. Le jeu des franchises L’assureur n’a pas vocation à assurer tous les « petits bobos », il faut donc trouver l’équilibre entre l’auto-assurance et ce qui devra être à la charge de l’assureur. Le moyen le plus simple, c’est les franchises (« en tant que collectivité, je suis capable de supporter… »). Une collectivité qui a un sinistre récurrent avec une franchise d’un montant dérisoire induira inévitablement une cotisation plus importante car le souscripteur examine tous les sinistres et leur fréquence. L’intérêt pour la personne publique lorsque celle-ci a identifié le sinistre récurrent est de monter la franchise autant que possible et de prendre les mesures de prévention nécessaires, voire d’exclure les risques concernés et de faire des provisions. Echanges avec la salle : Intervention : Difficile de faire des provisions car en comptabilité publique c’est interdit. Les provisions pour risque sont difficiles à mettre en œuvre. Intervention JC Madelenat : Fut un temps où il existait une pratique de la sorte qui s’appelait « clause d’ajustement tarifaire» ou « participation aux bénéfices ». Elle permettait la mise en place d’un dispositif : prix de départ ajusté en fonction des résultats. Aujourd’hui, ce système est tombé en désuétude dans le sens où il n’y a plus d’expression de besoins. Intervention : Dans le budget prévisionnel, il est toujours possible d’établir une ligne de provisions pour dommages sans aucune difficulté. Si elle n’est pas consommée, elle est simplement reprogrammée pour le budget de l’année suivante. Il n’y a aucune interdiction de prévoir des provisions pour dommages. C’est une dépense comme une autre. Réponse : Je voulais dire que vous ne pouviez pas la cumuler sur plusieurs exercices… Réponse : … Il est possible de le faire dans les EPIC. Intervention : Il y a des collectivités qui peuvent ne pas trouver d’assurance, qui ne sont pas assurées en dommages aux biens, et certaines ne prévoient aucun budget en cas de sinistre. Il s’agit 11 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP bien souvent des collectivités situées dans des zones « à risques » avec une forte récurrence de ces risques. D’ailleurs, malgré des franchises très importantes, certaines collectivités ne trouveront pas d’assurance, du moins pas à des tarifs convenables… Réponse : Le phénomène est encore plus important avec les catastrophes naturelles. Vous avez des villes dans le sud-est de la France qui n’ont pas d’assurance de dommages aux biens, non parce qu’il y a un risque incendie, mais parce que du moment où vous avez la garantie incendie, vous avez automatiquement la garantie « catastrophe naturelle ». Mais ce que ne veulent pas garantir les assureurs de ces collectivités, c’est bien la garantie « catastrophe naturelle ». Intervention Jean Claude Madelenat : Je suis très surpris de cette absence d’assurance, cela m’interpelle. La problématique des communes du sud de la France est réelle. Quant le risque est certain, il n’y a pas d’aléa, alors on en revient à la question, comment assurer un risque certain ? Il faut distinguer la franchise des incendies de celle des catastrophes naturelles. Le sort de la catastrophe naturelle est lié à l’incendie mais dans certaines limites puisque l’on peut distinguer le positionnement de la franchise. Nous avons des contrats, pour des communes/intercommunalités/communautés de communes, dans lesquels nous posons des franchises très importantes en « catastrophe naturelle » exclusivement. C’est juridiquement possible donc chez la SMACL, des solutions sont tout de même apportées aux collectivités pour ne pas les laisser sans assurance. Celles-ci n’acceptent pas toujours de bon cœur mais elles ne peuvent se tourner vers aucune autre alternative. Une franchise à quelques centaines de milliers d’euros vaut bien un risque à quelques millions… On oublie trop, de mon point de vue, que les assureurs français sont les principaux financeurs des reconstructions des bâtiments publics dédiés à l’intérêt général. Réponse : Effectivement, ces collectivités là ont des propositions mais qui s’avèrent être inaccessibles financièrement. Question : Quand vous nous interpellez sur les moyens de prévention, de manière générale, quels moyens pensez-vous que les collectivités vont pouvoir mettre en place ? Réponse : Souvent, elles nous répondent « rien, je n’ai pas les moyens financiers ni humains »… La moindre augmentation est compliquée car la masse salariale diminue et la recherche d’économies pousse à diminuer les dépenses publiques. Intervention : Et cela ne va pas aller en s’arrangeant car les dotations de l’Etat vont diminuer à hauteur de 30%, il me semble. La part d’auto-assurance va quelque peu s’imposer… Le recours contre les tiers responsables Dans certains contrats, il peut y avoir une clause de renonciation à recours c’est-à-dire que l’assureur accepte de renoncer à faire un recours contre le responsable d’un sinistre. C’est possible mais couteux. L’idée du recours contre les tiers responsables est que l’assureur/la collectivité puisse récupérer les sommes d’argent versées à cause de la survenance du sinistre. Toutefois, cette règle est à nuancer car ce sont des procédures assez longues (un an minimum pour les plus simples, une dizaine d’années pour les plus compliquées). Ce dispositif ne représente pas une sanction puisqu’elle a pour objectif de se tourner uniquement vers les assurances des personnes solvables (et non directement contre les administrés « imposables et électeurs »). Echanges avec la salle : Intervention : Si l’assureur a indemnisé le sinistre, on ne peut pas s’opposer au recours de l’assureur. Il est subrogé dans les droits de son assuré et c’est tout à fait normal qu’il fasse son recours. Intervention Jean Claude Madelenat : Les difficultés que l’on peut avoir dans ce recours renvoient à une grande misère sociale. Dans des structures dédiées au logement social, les locataires doivent fournir une attestation d’assurance à l’entrée, mais par suite, il n’y a aucun suivi sur les paiements 12 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP de la cotisation par les locataires. Ainsi, dans les cas où les sinistres subviennent par rapport à des administrés sans assurance, l’assureur n’a plus de recours. En ce qui nous concerne à la SMACL, cette clause n’a que rarement été mise en œuvre car rarement contractualisée. Réponse Jérôme Da Ros : Et d’ailleurs de nombreux assureurs ont peur de la contractualiser car cela implique de faire référence à des standards de sécurité faits par des organismes privées, et ils ne veulent pas fausser la concurrence en faisant référence à tel ou tel standard. En guise de conclusion, l’assurance c’est la balance entre l’auto-assurance et ce qui sera supporté par l’assureur. La prévention demande du temps et de l’argent mais permettra que les collectivités soient « gagnantes », au final et « seulement au final ». Encore faut-il que ces dernières aient conscience du fait que l’objectif de la prévention n’est pas de prendre des mesures de sécurisation et de prévention à un instant T puis ne de plus s’en soucier, c’est un travail de tous les jours. IV- Comment monter un cahier des charges pertinent ? - Choix de la procédure ? Allotissement ? Dématérialisation des procédures ? Analyser et comparer les candidatures et les offres Exemple 1 : L’assurance d’une flotte de véhicules Fadéla KHALDI, Chargée de mission en charge des domaines de l’assurance et du financement à la Direction de l’Offre – UGAP L’adéquation entre la définition préalable des besoins de l’acheteur public et l’observation des différents modèles que peuvent présenter les assurances est absolument nécessaire. Il s’agira d’évoquer, dans le cadre du marché de l’UGAP, les besoins de l’Etat en matière de couverture de risque automobile. L’Etat a récemment décidé d’assurer sa flotte automobile qui comprend pas moins de 13.000 véhicules. C’est la passation de ce marché public d’assurance qui fera l’objet de la présente étude. Il a tout d’abord fallu étudier les modèles économiques qui prévalent dans le marché d’assurance de flotte automobile, secteur particulier dont les opérateurs se sont spécialisés, les risques pouvant y être identifiés avec une plus grande récurrence que dans d’autres domaines. Il était important pour l’UGAP de bien comprendre les déterminants de la prime d’assurance puisqu’au final, c’est le prix que serait proposé à nos adhérents. De plus, il a fallu distinguer chez les assureurs ce qui relevait du structurel et ce qui relevait de l’adaptable. Concernant le domaine structurel, il ne faut pas perdre trop d’énergie à vouloir faire changer les choses qui relèvent d’un fonctionnement interne. En revanche, tout ce qui est adaptable doit être bien identifié afin de déterminer le coût de cette adaptation à la spécificité. Le marché d’assurance est avant tout un marché d’exécution, à la différence de marchés qui porteraient sur un équipement informatique ou l’achat de véhicules. Pour ces marchés, l’enjeu porte en amont sur la sélection du bien puis le marché est clôturé, sauf lorsque sont prévues certaines opérations de maintenance. En revanche, le marché d’assurance pourrait être qualifié de permanent puisque l’enjeu se situe en amont, pendant l’exécution et même après. Pour exemple, c’est de l’exécution du marché que va découler le prix futur que l’assuré devra payer. La définition des besoins 13 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Quels ont été les préalables pris en compte par l’UGAP ? En l’occurrence, il ne s’agissait pas des besoins de l’UGAP mais de ceux de l’Etat. Ce dernier, via le service des achats de l’Etat (SAE) et la mission interministérielle d’appui pour le parc automobile (MIPA), a sollicité les services de l’UGAP suite au constat, au travers du groupe de travail Calypso et d’un rapport de l’IGF, que l’Etat est son propre assureur, y compris pour la flotte automobile qui est le seul secteur pour lequel l’assurance est obligatoire. Cependant, dans la pratique, l’Etat a constaté qu’il y avait toutefois de nombreux services qui étaient assurés, avec des cadres de garanties et des primes d’assurances très hétérogènes. La question de l’identification du coût de l’assurance s’est alors posée. Il y a les coûts visibles (primes) et les coûts invisibles qui se traduisent notamment par l’indemnisation par l’Etat des dommages, notamment corporels. L’objectif de ce marché a été d’homogénéiser les primes d’assurances qui étaient acquittées par différents services mais aussi d’évaluer la sinistralité de l’Etat à moyen terme. En fonction du coût de son assurance, l’Etat pouvait se poser la question de savoir s’il était plus intéressant de continuer à s’auto-assurer ou de faire appel au secteur privé. Il existe aussi une solution intermédiaire qui revient pour l’Etat à conserver la gestion des sinistres récurrents et de transférer à un assureur privée celle des sinistres graves. En collaboration avec le SAE et la MIPA, l’UGAP a entamée une réflexion sur ce futur marché et a très vite été confrontée à une contrainte très forte à savoir que les assureurs ne sont pas des philanthropes. Ils ont besoin d’avoir connaissance de certains éléments techniques pour procéder à une estimation des risques mais hélas, nous n’avions pas d’états statistiques à fournir. Autre problématique : le choix du modèle économique sur ce marché d’assurance. La question était de savoir qu’est ce qui détermine la prime, de quelle partie émane la gestion des contrats, la gestion des sinistres ? Nous avons également dû faire face à des problématiques de fond : compte tenu des différents niveaux de valeur entre le CMP et le code des assurances, il était possible que certains assureurs émettent des réserves par rapport au cahier des charges. Il fallait aussi se préparer à gérer la clause d’ajustement tarifaire au travers d’une variante. Cependant les assureurs sont souvent réticents à ce type de clause, l’idée était de leur laisser la possibilité de proposer une autre clause d’ajustement tarifaire sous condition, qu’elle soit pérenne pour le marché. Les problématiques lors de la passation d’un marché public peuvent être organisées en 4 axes. La première problématique est celle de l’identification de l’entité publique qui sera le souscripteur du contrat. L’assureur doit pouvoir disposer d’éléments précis à propos de la collectivité tels que le cadre préventif déjà mis en place. Ces éléments de présentation sont fondamentaux car ils vont avoir une influence sur le prix. Plus la collectivité a connaissance d’elle-même, plus l’assureur sera rassuré quant aux risques qu’il devra porter. Il faut également définir les assurés concernés. Cela comprend notamment le type de contrat envisagé, les activités devant être couvertes ainsi que l’identification des biens mobiliers et immobiliers. La deuxième problématique concerne le périmètre contractuel de l’assurance. Pour que ce périmètre soit clairement définit, la collectivité doit être en mesure de transmettre à l’assureur un état des lieux préalable, lui permettant d’avoir connaissance des éventuels doublons ou trous de garantie. Cette étape vise à définir le cadre des garanties comprenant les garanties de base, les garanties complémentaires et les options. Il faut également 14 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP déterminer les niveaux d’indemnisation, les niveaux de franchises ainsi que l’impact sur les niveaux des primes. Le calcul de la franchise se fait au regard des sinistres courants et de la dépense moyenne qui y fait suite. Les réserves émises par l’assureur doivent aussi être analysées et ce en fonction de leurs incidences économiques sur le marché. Enfin, se posent les questions de la durée et des modalités du contrat d’assurance. En moyenne, ces contrats sont conclus de 3 à 5 ans. Le cadrage des évolutions des tarifaire est à prévoir notamment via la clause d’ajustement tarifaire. - La troisième problématique est celle du périmètre des prestations de services à attendre en terme de : gestion administrative du contrat (états de sinistralité, bilan, accompagnement,…) gestion des sinistres (déclaration, indemnisation, assistance, réparation, mesure préventive). Si le marché est passé avec un courtier, il y a une réelle réflexion à avoir sur la convention de courtage. La quatrième problématique concerne l’organisation interne de l’entité. Le marché d’assurance étant par définition un marché d’exécution, il nécessite un travail collaboratif au sein de toute l’entité. Il faut par exemple formaliser les règles de base à titre de prévention. Ces quatre problématiques sont les déterminants qui permettent d’établir la tarification. La prime annuelle TTC comprend la prime pure (couverture du sinistre de l’entité concernée évaluée au regard de l’analyse de sinistralité) mais aussi la mutualisation des risques de toute les autres entités qu’a l’assureur dans son portefeuille. La prime annuelle comprend également les frais de fonctionnement de l’assureur et les taxes spécifiques d’assurance, dont une part substantielle revient à l’Etat. En sus de la prime annuelle, il faut envisager la rémunération de l’intermédiaire. Elle peut être soit négociée à part, ce qui permet une identification claire du coût de cette intermédiation, soit directement comprise dans la prime. Eléments de contextes sur le marché De quelle manière l’UGAP a-t-elle mené la procédure pour le compte de l’Etat ? L’absence de statistique sinistre était problématique. Il a donc fallu solliciter beaucoup d’informations auprès des entités de l’Etat pour constituer un dossier mais ce dernier restait loin de correspondre aux attentes des assureurs car beaucoup d’éléments d’incertitudes subsistaient. L’Etat souhaitait une homogénéisation de ces cadres de garanties. L’UGAP s’est donc basée sur la formule du tiers en améliorant les garanties « conducteurs »et « dommages ». A également été préconisée l’adoption d’une formule « tous risques » pour les véhicules de moins de 3 ans, avec une franchise intermédiaire de 400 euros. L’UGAP est un établissement public et nécessite donc un agrément pour intervenir dans le domaine financier. Il fallait donc réfléchir aux possibilités d’intervention de l’UGAP dans ce marché d’assurance de l’Etat sans modification de ses statuts. L’alternative choisie est très ancienne et consiste à agir pour le compte d’un tiers. En l’occurrence, l’UGAP a souscrit le contrat d’assurance pour le compte de l’Etat. Elle ne vend donc pas un marché financier mais souscrit auprès de la compagnie d’assurance un contrat d’assurance dont les bénéficiaires sont les services de l’Etat. Concernant le paiement de la prime, deux possibilités étaient envisageables : soit l’UGAP payait la prime et refacturait à l’Etat afin d’être remboursée ; soit chaque services de l’Etat payait directement la prime à l’assureur. Cette seconde solution n’a pas séduit les assureurs car elle complique les 15 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP choses en multipliant les points de facturation. C’est la première possibilité qui a donc été retenue, l’UGAP ayant l’habitude de ce genre de transaction. Intervention : Quel type de procédure avait vous retenu ? Un appel d’offre ouvert, restreint ou un dialogue compétitif ? Réponse : Nous avons choisi de recourir à un accord cadre qui serait multi attribué. L’idée était d’avoir des partenaires solides pour nous accompagner sur ce marché. A ce stade, trois prestataires ont été retenus puis ils ont été mis en concurrence dans le cadre d’un appel d’offres restreint. L’analyse des candidatures et des offres Le dossier de consultation des entreprises (DCE) comportait 3 critères : - Nature et étendue des garanties (ce critère représentant quasiment la moitié de la notation) - Modalités et procédures de gestion des contrats et des sinistres (la notation a pris en compte les prestations obligatoires et celles facultatives) - Qualité de l’accompagnement et recherche d’une optimisation sur le marché d’assurance (cette clause a été introduite afin que, en l’absence de lisibilité sur la sinistralité, le prix soit le plus proche possible du coût) Le travail d’analyse des offres a été particulièrement lourd car il a fallu examiner chacune des offres sur chacune des garanties en tenant compte des réserves émises par les assureurs. Il a ensuite fallu examiner les trois offres avec les clauses d’ajustement tarifaire et la décote qui peut s’y attacher. Intervention : Sur quel format vous rémunérez-vous (honoraires, commissions) ? Réponse : Ce marché avec l’Etat a donné lieu à une convention qui portait l’intermédiation de l’UGAP à 2,5% de la prime HT. Exemple 2 : Les assurances affinitaires : les produits nomades, téléphones, tablettes… et l’exemple d’un groupement (offre valable pour plusieurs établissements ayant le même profil) Abel MORIEUX, Directeur AMTRUST Europe Assurances Abel Morieux partage ici son expérience du terrain puisqu’il a collaboré avec des compagnies d’assurances françaises et étrangères. Présentation de la compagnie AM TRUST C’est une compagnie d’origine américaine, cotée au NASDAC et implantée dans beaucoup de pays. Cette société travaille sur les risques de dommages et de responsabilité civile (RC) ainsi que sur les risques de spécialités/affinitaires. L’implantation internationale de cette société permet d’avoir des regards différends et de comparer les différences de culture. Par exemple, la prévention n’est pas appréhendée partout pareil. En France, elle est accueillie avec peu d’enthousiasme, considérée comme une corvée engendrant des coûts importants alors que dans d’autres pays, c’est une démarche tout à fait normal. AM TRUST est fière de sa notation financière puisqu’elle est cotée A, synonyme d’excellence et de stabilité. Cette notation financière est un gage à payer ses sinistres, elle traduit la solidité financière de la compagnie. Concernant le positionnement de la compagnie en France, l’intention est de se positionner sur des marchés qu’elle considère comme assez mal servis, avec peu de concurrence. AM TRUST s’est 16 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP implantée en France en septembre 2013. Cette implantation est stratégique, la France étant le 4ème marché de l’assurance au monde. Aujourd’hui, la filiale française représente environ 2% du chiffre d’affaire d’AM TRUST, ce qui correspond environ à 50 millions d’euros. En France, toutes les affaires de la société sont intermédiaires, il y a toujours un courtier qui intervient (courtier captif, courtier grossiste, courtier spécialiste,…). La volonté de cette compagnie est donc de s’implanter en France sur le long terme et avec une spécialité dans le risque affinitaire. Définitions du risque affinitaire Deux grandes définitions se dégagent. Ces définitions concernent les solutions d’assurances qui sont distribuées pour un client final par un intermédiaire tel que l’UGAP. C’est ce qu’on appelle l’approche « BtoBtoC ». En 2012, la fédération des garanties et assurances affinitaires a été créée et a formalisé une définition : « est considérée comme affinitaire toute garantie d’assurance, d’assistance ou services associés en lien avec l’univers d’un produit ou services présentés par un distributeur non assureur et qui n’est pas pour motif principal l’achat du client. » En France actuellement, le chiffre d’affaires du marché d’assurance présente peu de développement et reste constant. Au sein même des marchés d’assurances, certains secteurs se développent et d’autres régressent. Concernant ces premiers, on trouve celui des risques affinitaires. En effet, beaucoup de commerçant propose maintenant en sus de leurs produits des garanties d’assurances. Par exemple, pour l’achat de télévision, de tablettes numériques, AM TRUST est le partenaire de certains commerçants et propose des extensions de garanties, des assurances « dommages accidentels » tels que la casse, le vol, etc. La seconde définition concerne davantage les groupements et a un esprit plutôt américain, anglosaxon. Pour le « BtoB », il s’agit de « la vente de produits d’assurances à un groupe de clients lié soit par leurs habitudes d’achats, ou leurs intérêts communs, ou leur appartenance à une organisation donnée. » Entre ici en ligne de compte l’offre en masse sur une cible de produits standardisés avec des « process » automatisés. Ces offres se multiplient de part et d’autre et génèrent d’importants développements. A titre d’exemple, dans un contrat de groupement pour des caisses d’allocations familiales, AM TRUST proposait automatiquement une garantie « agression des personnels ». Des offres spécifiques pour des maisons de retraites, des professionnels de santé ont aussi été élaborées. Les principales garanties existantes en risques affinitaires sont les suivantes : - Panne (extensions de garanties) - Dommages accidentels (casse, vol, …) - Rachat de franchises - Pour les groupes homogènes (mêmes activités, mêmes besoins) : Fraude pour les établissements de sécurité sociale ; Responsabilité des dirigeants pour certaines entités. Les assurances affinitaires sont aujourd’hui une réalité. Pour exemple, AM TRUST travaille avec des conseils généraux qui ont mis à disposition de leurs collégiens des tablettes numériques assurés pour la casse et la panne. Les risques assurés sont lourds en termes de fréquence. C’est un marché récent et il n’y avait donc pas d’historiques de sinistres disponibles. Cependant, l’affinitaire est un secteur qui permet beaucoup d’innovation. Les nouveaux risques sur le marché de l’assurance sont également les « cyber-attaque », la protection juridique médicale, etc. Quelques exemples … 17 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP En « BtoBtoC » : les banques et institutions financières cherchent à fidéliser leurs clients et sollicitent AM TRUST pour garantir des produits simples supplémentaires concernant notamment l’usurpation d’identité, l’utilisation frauduleuse des moyens de paiement, perte de clés, etc. Certaines garanties liées à la licence dans les fédérations sportives sont également assurées par cette compagnie (décès accidentel, arrêt de travail suite à un accident lors de la pratique de l’activité). Les fédérations et syndicats professionnels font aussi appel à AM TRUST pour mettre en place des garanties en vue d’améliorer le « présentéisme » des salariés ou des agents. En « BtoB » : les organismes de sécurité sociale ont souhaité instaurer des garanties spécifiques en cas de fraude ou en cas de responsabilité des dirigeants. Les mutuelles et institutions de prévoyance travaillent sur l’accompagnement de leurs clients en situation de fragilité physique et/ou économique. Cela se traduit notamment par la prise en charge par l’assureur des cotisations à la mutuelle en cas de perte d’emploi ou d’accident. Des organismes d’HLM ont quant à eux souhaité mettre en place une assistance au relogement pour les locataires ayant subis de lourds sinistres. Un cahier des charges pertinent : les attentes des assureurs Les assureurs se posent généralement la question de savoir s’il est intéressant pour eux de travailler avec les collectivités. En effet, les indicateurs de performance sont plutôt faibles. De plus, les marchés d’assurance des collectivités induisent un engagement de l’assureur dans le temps et donc la constitution de provisions. C’est un investissement considérable pour l’assureur. En outre, la partie administrative (respect des règles de la commande publique) prend généralement le dessus sur la partie technique relative à l’assurance même. Dans ces conditions, il semble plus difficile de créer un réel partenariat entre les deux parties. Enfin, la rentabilité de ces marchés est plus faible pour les assureurs que celle du portefeuille privé. Cette perception des marchés d’assurances des collectivités par les assurances a pour conséquence le risque d’un marché infructueux, de trous de garanties et de garanties non adaptées. Ces conditions ne sont pas très encourageantes pour inciter les assureurs à se tourner vers les collectivités. Aujourd’hui, les assureurs ont quatre attentes pour remédier à ca : - instaurer un vrai dialogue avec la collectivité afin d’avoir une connaissance et une visibilité du risque satisfaisante (informations statistiques précises et fiables, état du patrimoine valorisé, etc.), - mettre en place un travail commun pour améliorer la prévention, la formation, l’accompagnement (« risk management »), - rédaction de textes de garanties et d’intercalaires clairs, par un professionnel ou par la compagnie, - la collectivité doit intégrer que l’assureur, quel qu’il soit, ne souhaite pas « perdre » de l’argent. Analyser et comparer les offres : pistes de réflexion A propos de la notation financière de l’assureur, il semblerait judicieux que la note finale de l’offre accorde un poids plus important aux notations financières des compagnies d’assurances. Egalement, il est essentiel de rappeler qu’un risque bien protégé, notamment grâce à la prévention, est un risque moins cher à assurer. Les assureurs ont un rôle important à jouer dans la prévention, notamment en sensibilisant les assurés sur les exigences réglementaires en matière de sécurité. Enfin, de nombreux 18 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP appels d’offres ne proposent pas de variantes, ce qui n’est pas encourageant pour les assureurs qui peuvent, de par leur expertise, avoir des idées pertinentes à soumettre. Echanges avec la salle : Question : Concernant la prévention, cette pratique semble être en contradiction avec le principe même de l’assurance affinitaire puisque le bénéficiaire de garanties n’est pas connu de l’assureur. Comment concilier la prévention et les risques affinitaires ? Réponse : Cela peut en effet paraitre un peu paradoxal. Si on prend l’exemple du ski, on ne peut évidemment pas connaître le niveau du skieur lorsqu’il adhère à la fédération. S’est posée la question pour une garantie « dommage accidentel » sur des tablettes numériques confiées à des collégiens, de savoir comment ces appareils étaient gardés le week-end. Une réflexion sur la sensibilisation des élèves a été faite. Toutefois, l’assurance affinitaire n’est pas le secteur où la prévention peut pleinement jouer son rôle. Intervention : Vous dites que les engagements dans le temps sont pour vous consommateurs de capitaux. Ensuite, vous parlez du « risk management » mais il me semble difficile de faire un travail de fond et d’accomplir un accompagnement de qualité sur du court terme (1 an). Réponse : Votre remarque est intéressante et tout à fait juste. Ce n’est pas toujours évident de concilier les intérêts des deux parties. Intervention de J. REVILLON : A propos de la mutualisation, il est souvent délicat de faire comprendre à une collectivité qu’elle va devoir assumer une partie des sinistres d’une autre collectivité. Concernant la protection sociale complémentaire, comprenant le risque santé et prévoyance, la mutualisation fonctionne bien. Le groupement permet un gain financier sur la prime. Cependant, il est préférable que le groupement se fasse entourer de professionnels, d’autant plus quand il est composé de petites collectivités qui ne disposent pas nécessairement de telles expertises. En outre, les collectivités ne doivent pas hésiter à demander conseil à l’assureur. Intervention : L’intérêt de la mutualisation des besoins au sein d’un groupement est clair. Cependant, dans le secteur spécifique des assurances, un groupement se doit d’être un minimum homogène et réunir des collectivités de tailles similaires, avec des statistiques sinistres comparables et présentant donc des risques semblables. Intervention : Les assureurs ont des propositions à faire et interdire les variantes, c’est se priver d’une partie de l’imagination des assureurs. On ne connait d’eux que les réserves qu’ils émettent à propos de certaines garanties mais pas ce qu’ils pourraient offrir de meilleur. Exemple 3 : L’assurance responsabilité civile hospitalière Erwan TRIVIDIC, Directeur du marché sanitaire et Directeur du développement Et Marianne HUDRY, Juriste spécialisée en droit public et en droit de la santé au sein de la Direction juridique – SHAM 19 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP La direction juridique de la société SHAM conseille les établissements assurés du domaine sanitaire et médico-social, elle appuie également les équipes en charge de la passation des marchés publics d’assurance. Les services « Marché sanitaire » et « Développement » de SHAM représentent le cœur de métier de l’entreprise. Présentation de SHAM SHAM est une structure créée en 1927 par les directeurs d’hôpitaux, c’est la société hospitalière d’assurance mutuelle, sans capital puisque son capital est constitué par les sociétaires. Ces derniers choisissent de souscrire à SHAM et sont membres du conseil d’administration de la société. Ce schéma correspond à une forme d’imprégnation extrêmement forte et un échange particulier entre une structure d’assurance et le milieu dans lequel elle évolue. SHAM est une petite société d’assurance non généraliste mais extrêmement présente sur son marché (300 millions d’euros d’encaissement, 300 collaborateurs) et avec des objectifs stratégiques : être extrêmement présent dans un environnement (établissements sanitaires et médico-sociaux), le connaitre et être capable d’assurer les capacités nécessaires en termes d’assurance que ce soit en dommages aux biens ou autres… La couverture de SHAM est estimée à environ 9 000 sociétaires, 70% de part de marchés dans les établissements publics, 30% dans les établissements privés, 50% dans les établissements sociaux et médico-sociaux (environ 2 naissances sur 3 en France sont assurées par SHAM) et 50% des maisons de retraites publiques, ainsi que certains professionnels de santé (gynécologues, etc.). Contexte législatif et règlementaire L’assurance RCM, une assurance obligatoire L’assurance de responsabilité civile médicale (RCM) fait partie des assurances obligatoires dans le domaine hospitalier dans lequel SHAM évolue. De la même manière que l’on ne peut pas conduire une voiture sans être assuré, un professionnel de santé libéral, un établissement de santé public/privé, ne peut pas exercer et prendre en charge des patients sans être assuré. Un exercice sans assurance est une infraction pénale. Cette obligation d’assurance vise également de manière générale tous les établissements qui pratiquent le soin, la prévention, le diagnostic (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes « EHPAD », le secteur médico-social, etc.), et également tous les fabricants/fournisseurs de produits de santé. Cette assurance a vocation à couvrir quoi ? Tous les dommages corporels consécutifs à la prise en charge d’un patient. C’est le cœur de la responsabilité civile médicale qui est souvent opposée à la responsabilité civile dite « exploitation », c’est-à-dire quand il n’y a pas de prise en charge du patient. Quand un établissement ou un professionnel de santé salarie un (autre) professionnel de santé, c’est l’assurance d’origine qui couvre les salariés, ce qui explique que les professionnels de santé ayant exclusivement une activité salariée, ne sont pas tenus à cette obligation d’assurance au contraire des professionnels de santé libéraux. Dans la pratique, certains professionnels (médecins, sages-femmes, infirmiers, etc.) possèdent quasiment tous une assurance individuelle/personnelle : assurance responsabilité civile professionnelle (RCP). En effet, un certain nombre de risques n’est pas garanti par l’assurance de l’établissement, comme par exemples : - La faute personnelle détachable du service : 20 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Exemple : conduite en état d’alcoolémie, une erreur d’injection (mauvais produit, mauvaise dose…) tenue sous silence (l’erreur d’injection seule sera couverte, c’est le comportement suite à cette erreur qui ne le sera pas). - L’activité libérale : les praticiens hospitaliers dans l’établissement public ont souvent une activité libérale, donc dans ce cas, ils sont comme les professionnels libéraux, tenus de souscrire une assurance. - Les interventions « vie privée » : Exemple : assistance à personne en péril, l’infirmière qui va réaliser une injection à un membre de sa famille, le médecin qui va produire une ordonnance à un ami… Toutes ces interventions peuvent générer des dommages qui peuvent entraîner des réclamations et dans ce cas, le contrat souscrit par l’établissement n’aura pas vocation à s’appliquer. Marianne Hudry revient sur les plafonds illimités dont il a été question au cours d’une précédente intervention et considère que pour la prise en charge des dommages corporels, cela parait surprenant surtout dans le domaine de la RCM car dans la pratique, il y a systématiquement des plafonds de garanties corporelles. Les traités de réassurance (les assureurs sont eux-mêmes assurés) imposent le respect de certaines règles par les assureurs, ainsi, le choix d’un plafond illimité signifiant l’absence d’encadrement, apparait comme « contradictoire ». En corporel, les plafonds de garanties sont encadrés pour les professionnels de santé libéraux mais pas pour les établissements de santé. En effet, concernant ces premiers, il est clairement défini que le plafond de garanties délivré ne peut pas être inférieur à 8 millions d’euros par sinistre (3 millions en 2012) et à 15 millions d’euros par année d’assurance (10 millions en 2012). Concernant les établissements de santé, la liberté contractuelle prévaut mais les plafonds fixés ne pourront pas être inférieurs, a fortiori, à ceux fixés pour des professionnels libéraux. Chez SHAM, les plafonds habituellement délivrés sont de 10 millions par sinistre et 20 millions par année d’assurance. Ce dernier plafond étant augmenté en fonction de la taille de l’établissement assuré. Quant aux sanctions du défaut d’assurance en RCM, elles relèvent du pénal pour les établissements de santé, et de la simple sanction disciplinaire pour les professionnels de santé libéraux. Le déclenchement de la garantie d’assurance RCM Lorsqu’il y a une succession d’assureurs, la garantie dans le temps s’applique. Dans ce cas, la réglementation prévoit que l’on se trouve en « base réclamation » et non en « base fait générateur », ce qui signifie que ce n’est pas l’accident en lui-même qui va déclencher la garantie du contrat mais la réclamation de la victime. Il n’est pas rare que l’accident se produise à un instant T tandis que la réclamation de la victime se fasse à un instant beaucoup plus tardif car cette dernière a jusqu’à 10 ans pour agir à partir de la consolidation de son dommage. Cependant, pour certains préjudices, il n’y aura jamais de consolidation si ce n’est le décès. L’exemple typique dans lequel la garantie dans le temps intervient, c’est lorsque l’accident survient sous l’empire du contrat A et la réclamation, sous l’empire du contrat B. Dans cette hypothèse, la règle est plutôt simple : le contrat qui va couvrir l’accident est le contrat B, celui qui est en vigueur au moment de la réclamation sauf s’il s’agit de passé connu c’est-à-dire si le sinistre était en réalité connu de l’assuré quand il a souscrit le contrat B. C’est notamment à ce stade que peuvent se dérouler des discussions entre assureurs sur la prise en charge du sinistre. Pour les compagnies d’assurance qui sont adhérentes à la FFSA (Fédération Française des Sociétés d'Assurances), il existe une convention d’arbitrage qui permet de ne jamais opposer un refus de garantie à l’assuré et de désigner l’assureur qui prendre en charge le sinistre. 21 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Approche technique et financière L’indice de fréquence mis en place chez SHAM, est un indice qui, en fonction du portefeuille de la société, permet d’avoir une approche « risque » assez mutualisée pour pouvoir mesurer les effets de l’évolution des réclamations en France sur ce risque RCM. Cet indice a doublé en 15 ans (base de 109 en 1999, base de 218 en 2014), ce qui signifie qu’il s’agit d’un risque récurrent qui va continuer d’augmenter. Pourquoi ? Il y a de plus en plus un refus de l’aléa de la part des patients qui souhaitent avoir la certitude de sortir en meilleure forme d’un établissement de santé qu’ils n’y sont entrés. Le constat est identique concernant les patients des centres de lutte contre le cancer (dont SHAM est le principal assureur sur l’ensemble du territoire). De nos jours, on constate l’émergence de réclamations fortes, alors qu’il y a encore 10 ans, presque aucune réclamation n’était à noter. De plus, les relations patients/corps médical sont devenues beaucoup plus consumériste, et la situation économique actuelle « pousse » les gens à réclamer une indemnisation même pour des pertes minimes (vêtement, paire de lunettes…). Ces chiffres du nombre de réclamations, au delà des volumes de cotisations, traduisent d’une notoriété, d’une image saine d’un établissement de santé dans l’organisation des soins. Concernant ces indices, le préjudice corporel représente 43% des réclamations sur les 12 000 recensés en 2013 mais c’est surtout 98% des coûts soit un provisionnement pour SHAM de 195 millions d’euros. Egalement, 57% des décisions en 2013, engageaient la responsabilité des établissements c’est-à-dire qu’il y avait plus de condamnations que d’exemptions car le juge est devenu, à l’instar des patients, de plus en plus exigeant, notamment concernant le défaut d’information, sur la douleur - les nouveaux préjudices qui émergent – ou encore les cas d’infections nosocomiales. Le coût moyen d’une condamnation est de l’ordre de 257 000 - 260 000 euros, tout en sachant que ce montant peut varier car d’une année sur l’autre, il peut y avoir plus de condamnations dites « graves » c’est-à-dire dont le montant est supérieur à 1 million d’euros voire 10 millions d’euros (2012 : 17 cas et 2013 : 27 cas). Ces différents chiffres permettent donc de mieux comprendre à quel point le risque RCM est un risque extrêmement élevé. Autant que le coût de ce risque, le temps de déroulement de cette assurance est très important, c’est ce que l’on appelle un risque d’assurance à développement « long ». Tandis que le dommage aux biens est un contrat « on/off » c’est-à-dire effectif du 1er janvier au 31 décembre de l’année, le contrat en RCM s’applique en continue. La première longue période consiste en l’analyse de la responsabilité de l’établissement et notamment en obstétrique. Ensuite, il y a le temps de l’engagement de l’assureur : consolidation du sinistre, indemnisation en rentre viagère et décès de la victime, qui peut emmener l’engagement sur 50, 60 ans… en fonction du moment du décès (cf. schéma du dossier, page 6, diapositive 12). Cet engagement est inévitablement présent pour la victime mais également pour l’établissement notamment car il devra choisir sa compagnie d’assurance qui l’accompagnera sur le long terme (10, 15, 20 ans…). Un exemple concret s’agissant des provisions On considère une base de 100 réclamations. Chaque réclamation va être évaluée par un duo juriste/médecin (niveau de la réclamation au regard de connaissances médico-légales, engagement et responsabilité de l’établissement, etc.). Cette étape va générer un premier provisionnement en fonction de la nature et de la gravité du risque. Ensuite, selon l’évolution au fil des années, des échanges avec la justice et du niveau de responsabilité, cette provision va varier (augmentation ou 22 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP diminution). Tout ceci aboutit à une estimation du coût définitif qui va être ajusté au fur et à mesure. C’est à ce stade que la qualité des équipes défendant le dossier va être très importante (estimation la plus juste possible, stratégie de défense et responsabilité amoindrie autant que possible) car au final, au regard de la qualité de la gestion des dossiers par les équipes, sur ces 100 réclamations, seules 20 ou 30 feront l’objet d’une condamnation. Intervention de Marianne Hudry : C’est donc une question de gestion mais également de conseil en amont et de prise en compte des besoins de la victime et de l’entourage (avant même la survenance de la réclamation). Dans les établissements de santé, les patients/victimes doivent être informés sur ce que l’on appelle « l’annonce du dommage associé aux soins ». C’est tout simplement expliquer aux victimes/familles, ce qu’il s’est passé (pourquoi ? comment ?). Il existe des procédures de gestion de la réclamation en interne, une commission des relations avec les usagers de l’établissement impliquant un médecin médiateur chargé de recevoir les victimes, de les écouter, de les orienter. Cette phase que l’on pourrait qualifiée de « pré contentieuse » permet justement d’éviter que la situation ne devienne contentieuse, non pas pour échapper à une indemnisation mais davantage pour éviter un procès pénal qui intervient en général suite à une mauvaise gestion en interne (manque de transparence, mauvaise prise en charge, mauvaise communication…). Réponse d’Erwan Trividic : Oui, et nous sommes là en train de parler du moment de la réalisation du risque, du sinistre, qui est révélateur souvent de l’organisation de l’établissement. La problématique pour nous n’est pas tant le geste médical, c’est plutôt l’organisation de la prise en charge aux différentes étapes, qui à un moment ou un autre, n’est pas bonne. Comment améliorer cela ? Nous intervenons effectivement à ce moment là en termes de soutien, de conseil. Sur les 300 collaborateurs de SHAM, il y en a 15 qui ne font que du conseil en amont et du conseil en suivi pour aider les établissements à s’améliorer et à maitriser ce risque grâce donc à cette relation de partenariat. Si cette collaboration ne se faisait pas, au regard de l’inflation des coûts et de la sinistralité de ce risque RCM, la question de son assurance se posera à nouveau comme cela a déjà été le cas en 2003… Ce qui doit être pris en compte également pour le calcul de ces provisions, c’est les inflations futures avec les coûts de la tierce personne. Intervention de Marianne Hudry : Dans le cas des handicaps lourds, certaines victimes nécessitent l’assistance d’une personne tout au long de leur vie, c’est la tierce personne et elle représente un coût particulièrement élevé. Les évolutions règlementaires à venir, notamment la class action, et les évolutions jurisprudentielles obligent les assureurs à provisionner de grosses sommes d’argent, ainsi que bien évidemment l’allongement de la durée de la vie humaine. Les provisions c’est donc une obligation réglementaire et une évaluation des coûts futurs. En guise de conclusion, un cas concret de ce que peut représenter un sinistre RCM : Un enfant né par voie naturelle avec une IPP de 95% (incapacité permanente partielle) et la nécessité d’une tierce personne. L’accouchement a lieu en 1992 et le sinistre nous est déclaré en 1993. Une procédure devant le Tribunal administratif est introduite en novembre 1993 dont la décision est 23 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP rendue en 1996 avec une première rente à 27 400 euros et en 2009, nouvelle expertise. Le jugement est rendu 3 ans après puis un arrêt de la CAA détermine en 2014 l’indemnisation à hauteur de 10 millions d’euros. L’achat d’assurance RCM : un achat spécifique L’assurance RCM a vocation à assurer des risques potentiellement très couteux et à couvrir des sinistres sériels comme les affaires du médiator, des prothèses PIP, des sur-irradiés d’Epinal. D’ailleurs, c’est la société SHAM qui assure Epinal à hauteur de 20 millions d’euros et la provision s’élève à environ 24 millions d’euros. Le cas d’Epinal : Des patients ont été traité par radiothérapie, et pour certains d’entre eux, le mauvais réglage du matériel a engendré un surdosage (de 7 à plus de 20% de sur-irradiation) avec des conséquences variables. SHAM a mis en place une convention d’indemnisation amiable pour la prise en charge des cas « non discutés » (585 patients) c’est-à-dire pour les plus grosses irradiations pour lesquels il était certain que les préjudices invoqués étaient nécessairement en lien avec le surdosage. Un montant d’indemnisation de plus de 14 millions d’euros a déjà été versé. Une estimation de 24 millions est prévue pour le reste des cas non encore indemnisé. Le procès pénal est actuellement en appel… Un sinistre sériel c’est aussi le cas d’une panne de courant dans un service de néo natalité qui entraine un arrêt du fonctionnement des couveuses. Ces sinistres sériels font parti du projet de loi de santé du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui sera étudié au Parlement au premier trimestre 2015, avec notamment ce projet de class action (action de groupe) que l’on connait déjà depuis peu en droit de la consommation. Le risque RCM est un risque à développement long comme évoqué précédemment. Il y a effectivement le moment de l’accident et celui de la réclamation (intervalle pouvant aller jusqu’à 10 ans), le temps de la gestion du contentieux (dossier contentieux pouvant aller là aussi jusqu’à une dizaine d’années), et enfin le temps de l’indemnisation. Le raisonnement à court terme est donc impossible en RCM. Tout ceci explique que lorsqu’un établissement de santé a besoin d’un assureur, c’est surtout d’un partenaire expert dont il a besoin. A ce titre là, l’offre économiquement la plus avantageuse n’est pas toujours la « moins disante » en RCM. En termes d’économies, il a déjà était question précédemment des franchises pour lesquelles le montant doit être convenablement défini (ni trop élevé ni trop bas) au risque de perdre de l’argent. En effet, la franchise est une source d’économies si elle est bien utilisée mais peut parfois être source de pertes notamment à moyen/long termes. Intervention d’Erwan Trividic : Qui dit franchise dit bonne analyse de l’exposition au risque de son établissement pour trouver le bon niveau de franchise. L’exemple d’un établissement ayant résilié son contrat au bout d’un an car il avait seulement prévu une franchise de 50 000€, est un bon exemple. Le budget assurance ce n’est pas que le paiement de la cotisation, c’est également les franchises car lorsqu’on en prend une, cela nécessite un investissement plus important dans la gestion de ces risques. Il n’y a plus de transfert de l’intégralité du risque à l’assureur, l’établissement public est dans une réelle relation de partenariat, de « binôme », avec l’assureur. Enfin, ces 24 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP franchises se calculent à l’aune des commissaires aux comptes. Ils vont demander aux établissements des précisions et des justifications concernant le montant estimé de ces franchises. Egalement, il faut savoir choisir des plafonds de garanties adaptés à chacune d’entre elles car le contrat d’assurance les regroupe toutes dans une seule et même convention. Appréciation des offres et des réserves La qualité d’une offre repose à la fois sur les garanties elles-mêmes mais aussi sur les services associés (mobilisation et compétence du personnel, gestion des risques, conseil, etc.), l’expérience et la connaissance du secteur étant aussi des critères primordiaux au stade de l’analyse des offres. Toutefois, au stade de l’analyse des offres, est-il possible de tenir compte de l’expérience du candidat ? La jurisprudence n’est pas très claire puisque cette question est récurrente… A ce jour, cela a été admis en MAPA mais pas encore en procédure formalisée tout en sachant que l’évolution jurisprudentielle tend tout de même à l’admettre progressivement pour l’ensemble des procédures de la commande publique. En effet, dès lors que l’expertise du candidat est révélatrice de la qualité de son offre, il est courant de considérer qu’il s’agit d’un élément intrinsèque de sa valeur. Concernant les appels d’offres, il n’est pas rare depuis environ 2 ans, de constater que ce critère est souvent intégré au stade de l’analyse des offres, pas comme critère à part entière mais comme souscritère, soit simplement comme une précision sur l’appréciation des offres. Par ailleurs, le mémoire de gestion dans le dossier de consultation permet également à l’acheteur public d’avoir des précisions sur la façon dont vont être gérés le contrat et les sinistres. Concernant les réserves en RCM, Marianne Hudry précise que celles-ci n’entrainaient pas nécessairement le rejet de l’offre ni même une baisse de la notation au sein de la société. Par contre, il est avéré que la réserve a un impact sur l’analyse de l’offre à partir du moment où « elle a un impact sur la qualité de l’offre au regard des besoins de l’établissement ». Il s’agit d’une analyse pragmatique, au cas par cas, basée sur un classement des réserves élaboré par SHAM. Ainsi, il existe 5 réserves : - sans incidence : plus une observation qu’une réserve, - mineure : au regard du besoin de l’établissement, elle est sans impact, - moyenne : ne dégrade que modérément la qualité de l’offre, - majeure : vraie dégradation, - inacceptable : conduit au rejet de l’offre. Rédaction du cahier des charges Avant tout, il est primordial de faire un état de l’existant (bilan du précédent contrat) et que l’acheteur public de l’établissement soit en contact avec les services « utilisateurs » de l’établissement, 3 compétences étant à mobiliser par lot d’assurance : marchés publics / assurances / services concernés. Egalement, et cela est indispensable selon la juriste, « il faut permettre la présentation de variantes car les interdire c’est se priver de l’avis d’un expert, notamment en cas de sinistre sériel par exemple ». Enfin, il est préférable de personnaliser son cahier des charges sans passer par des cahiers des charges standards. Echanges avec la salle : 25 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Question : Concernant, les variantes, je soulève un problème dans leur acceptation. Il y a des offres de base prévues par le cahier des charges ainsi que d’éventuelles options. Comment pensez-vous qu’un acheteur public puisse juger une variante comme meilleure que l’offre de base et que l’option déjà posée ? Comment écarte une offre de base pour une variante ? Réponse : Ce qui est spécifique non pas à la RCM mais aux marchés publics en général, c’est que les variantes doivent être analysées comme des offres de base. Davantage, elles doivent être analysées au regard des critères de notation annoncés. Le choix des critères doit donc permettre d’analyser toutes les offres qu’elles soient « de base » ou en variantes. Question : D’accord mais puisque la variante est possible pour laisser l’inventive à l’assureur, c’est compliqué de prévoir en amont quelle va être l’imagination de l’assureur… Réponse : Typiquement, les critères que l’on constate sur la notation des offres sont la qualité des garanties, les tarifs et qualité de la gestion des services associés. La variante pour un risque sériel (pour exemple), sera mieux notée au regard du critère « qualité » que l’offre de base mais inférieure au niveau du critère « tarif » puisqu’elle sera plus couteuse. Donc sur ce cas particulier, la variante pourra être notée facilement par rapport à ces critères. Question : L’acheteur public doit donc prévoir la liberté de l’assureur, ce qui implique que même le cahier des charges devrait être « libre » puisque d’habitude l’on parle de répondre à un cahier des charges et pour lequel les offres y répondant précisément doivent obligatoirement être mieux notées que les autres. Réponse M. Hudry : Dès lors que l’on permet la présentation des variantes par des entreprises expertes dans leur domaine, on accède à leur expertise. Cela parait donc surprenant de demander à un établissement de santé de rédiger un contrat d’assurance car c’est cela en réalité qu’on lui demande par la rédaction du cahier des charges. De ce cas là, c’est bel et bien l’établissement de santé qui rédige le contrat d’assurance et l’assureur n’est là que pour en définir le tarif… Dans des domaines aussi techniques et complexes, il faut admettre que l’assureur a plus qu’un tarif à apporter. Réponse E. Trividic : Dans une vision de partenariat, le spécialiste doit pouvoir apporter une solution à l’établissement de santé, et cela favorise un meilleur dialogue. Question : Peut-être aussi serait-il possible de prévoir une pondération avantageuse à certains critères autre que le tarif pour permettre ces variantes ? Réponse : Effectivement, il est possible de « jouer » avec la pondération des critères. Question : Je souhaiterai avoir des précisions concernant votre interprétation des réserves, car il existe un guide du ministère relatif aux assurances qui dit que la notion de réserve n’a pas de fondement légal et que les réserves mineures peuvent être contractualisées dans le cadre de la mise au point du marché donc a contrario, si elles sont « majeures » il est interdit de les contractualiser. Réponse : Dans la circulaire sur les marchés publics d’assurance, elles sont clairement admises. La jurisprudence en la matière précise bien que ce qui doit être regardé c’est la qualité intrinsèque de l’offre et qu’il ne faut donc pas focaliser l’analyse sur la conformité de l’offre au cahier des charges. En matière de réserves, cela signifie que leur appréciation doit se faire au cas par cas. Question : Concernant les notions de variantes et de réserves. Une variante c’est laisser la possibilité au candidat de proposer une solution différente à celle du cahier des charges mais pour arriver au même résultat demandé. Donc ne faut-il pas obligatoirement examiner les variantes pour pouvoir accepter les réserves et inversement ? 26 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Réponse : Certaines réserves sont inacceptables. Mais dans la logique, oui, je suis d’accord avec vous, il faut lier l’acceptation de réserves avec la permission des variantes. Question : Quelle est votre suggestion concernant la durée de vie d’un contrat d’assurance ? Et quels sont les risques associés ? Réponse : En fonction de la sinistralité. Pour pouvoir adapter un contrat et prendre en compte les évolutions, avoir le bon niveau de garanties et intégrer les risques les plus récurrents, un marché de 5 ans parait adéquat notamment en vue de faire varier la cotisation (à la hausse ou à la baisse). Chez SHAM, cela permet de fournir un ensemble de préconisations, qui au bout de 2 ans, si celles-ci peuvent être levées, entrainera une baisse de la cotisation. Question : Est-il possible de mettre un critère sur la prime bonus/malus annuelle ? Réponse : C’est pas nous en tant que compagnie d’assurance qui allons vous dire le contraire car nous le pratiquons. Cela ne peut cependant pas être pris en charge au titre du tarif car cela n’est pas acquis (il faut mettre les mesures adéquates pour pouvoir en bénéficier), par contre c’est un « plus » lorsqu’il est pris en compte soit au niveau des services associés dans la gestion des risques, soit par des sous-critères dans le tarif en tant que critère principal. Question : En appel d’offres, est-il possible de trier les réserves ? Réponse : Non, c’est l’offre dans sa totalité qu’il faut prendre/rejeter. Par contre, en cas de marché infructueux, dans le cadre ensuite d’une négociation, il est possible de demander aux candidats de revoir certaines réserves. Exemple 4 : Les assurances dommages aux biens Abel MORIEUX, Directeur AMTRUST Europe Assurances Plan d’intervention en 4 étapes : - Les spécificités liées à l’assurance dommages aux biens - Le déroulé du « process » - Les attentes des assureurs pour un cahier des charges pertinent - Analyse et comparaison des offres Les spécificités de l’assurance dommages aux biens Une des spécificités de l’assurance dommages aux biens et même la » spécificité essentielle » selon Abel Morieux, c’est la diversité des biens devant être garantis sous un même contrat (nature de ces biens : collèges, musées, œuvres d’art, bâtiments sportifs ou religieux, etc. ; quantité ; zone géographique). Ensuite, n’étant pas une garantie obligatoire, l’assurance dommages aux biens nécessite de se demander : quelle garantie est à prévoir, quels risques, qu’est-ce qui doit être assuré, quelle durée d’assurance et quel montant ? Par ailleurs, la complexité technique et linguistique relatives aux marchés d’assurance sont difficiles à appréhender et à comprendre par l’acheteur public (montage en ligne, co-assurance, franchise gérée, premier risque ou limite contractuelle d’indemnité, péril de nommer ou tout risque sauf, exclusions, réassurance…). 27 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Exemple d’un montage en ligne : marché comprenant 4 sites dont les valeurs sont supérieures à 100 millions d’euros. La première ligne d’assurance va assumer pour environ 19 millions d’euros, puis la deuxième ligne pour les 20 millions suivants etc. jusqu’à atteindre les valeurs respectives de chacun des bâtiments. Il s’agissait d’un palais des congrès avec un Zénith, un établissement religieux classé monument historique et le « fameux » beffroi des villes du Nord. Le système de co-assurance permet à plusieurs assureurs d’associer leurs capacités pour pouvoir répondre à une problématique. Mais alors, que se passe-t-il si l’un des assureurs décide de quitter ce système ? Bien qu’il existe des dispositions applicables à cette situation, il faut tout de même savoir la gérer. Les franchises gérées sont souvent utilisées pour les offices d’HLM pour lesquels il existe un risque de fréquence très fort. Elles sont gérées jusqu’à un certain niveau par le courtier/assureur et l’assurance porte donc sur le « dérapage » de ces franchises c’est-a-dire lorsque le montant de la franchise est largement dépassé. Enfin, l’indemnisation d’un dommage aux biens est quasiment immédiate, ce qui est une différence fondamentale qui engendre notamment une durée de contrat inférieure à celle des marchés passés en RCM par exemple. Le déroulé du « process » La détermination des besoins Dans un premier temps, il est nécessaire de se référer au contrat d’assurance existant : ce contrat correspond-il aux attentes actuelles ? Comment peut-on l’améliorer ? Combler les carences et supprimer les doublons ? Dans un deuxième temps, connaitre et détailler aussi précisément que possible, les éléments à assurer. Enfin, dans un troisième temps, faire un bilan de la sinistralité de cet ensemble d’éléments, au cas par cas. La formulation des besoins En dommages aux biens, il est question de garanties, de limites et de franchises. La problématique des franchises, l’auto-assurance, c’est tout de même « un problème fondamentale dans les assurances », selon Abel Morieux, car l’assureur ne veut s’engager que sur des « gros » risques et non sur des « petits bobos ». La franchise permet ainsi de limiter les coûts de gestion de ces petits sinistres. Par ailleurs, il existe un modèle type permettant à la personne publique de faire état de son patrimoine (affectation, adresse, désignation, etc.). Dans ce même document, il est également préconisé de faire état des sinistres via un tableau pratique. Quelque soit la garantie dont il s’agit, l‘assureur avant de répondre, va analyser deux éléments : - état des sinistres, - leur fréquence dans le temps autrement dit les « tendances ». S’il y a eu une démarche de prévention et que celle-ci a effectivement eu un impact sur les tendances des sinistres, alors le montant de la cotisation sera revu à la baisse. Les attentes des assureurs Connaissance et visibilité du risque, expertise préalable et informations statistiques de l’assureur actuel… sont autant d’éléments pris en compte. Le risque « management » (Comment sont protégés ces bâtiments ? Comment fait-on évoluer la prévention ? Comment sont formées les équipes ? Quelle organisation interne ? …). 28 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Les clauses de connaissance préalable du risque : déclaration de l’assureur par laquelle il reconnait avoir connaissance du risque. Les clauses d’intégration automatique de nouveaux sites : avec quelques réserves telles que le montant, le volume, activité de l’établissement… Des clauses plus rares permettant à l’organisme de résilier la police d’assurance si l’assureur avait une diminution de sa note financière. Enfin il est nécessaire de permettre à l’assureur de s’exprimer (variantes) afin que celui-ci puisse apporter son expertise pour la rédaction du cahier des charges. Analyse et comparaison des offres Cette étape apparait comme délicate pour un assureur qui ne peut accompagner une personne publique d’après attribution du marché et donc après le choix de l’offre répondant à ses besoins. Echanges avec la salle : Question : J’ai cru comprendre que non seulement il y a le marché mais en parallèle il y a le contrat d’assurance. J’ai un cas concret : nous allons entamer la 4e année de notre marché mais n’avons toujours pas d’assurance, nous fonctionnons avec uniquement le cahier des charges. Donc, j’aimerai savoir comment une telle situation peut-être appréhendée à la fois du point de vu de la personne publique et de l’assureur ? Réponse Jérôme Da Ros : Votre contrat vous l’avez, c’est votre cahier des charges. Si les conditions générales ne sont pas dans le marché, les conditions générales de l’assureur « ne valent rien », ce n’est pas un contrat. Nous allons en reparler au cours de ma prochaine intervention… V- L’exécution du contrat - L’évolution des prix et de la couverture Les avenants La résiliation, la fin anticipée Maître Jérôme DA ROS, Avocat au Barreau de Paris Durant cette session, il a constamment été question de la hiérarchie, de la préséance entre les règles du code des assurances et celles du code des marchés publics. La question est assez simple : lorsque le code des assurances contient des dispositions contradictoires avec le code des marchés publics, quel est celui qui prime ? Les partisans du code des assurances argueront que celui-ci a la nature de réglementation d’ordre public, qui plus est législative et par conséquent, dominante sur un code des marchés publics qui a seulement valeur règlementaire. Tandis que leurs opposants avanceront l’argument selon lequel certaines des règles du code des marchés publics ont été sanctifié par le conseil constitutionnel et qu’elles proviennent de directives européennes supra nationales et donc dominantes sur les règles législatives nationales. Les règles du code des assurances ne proviennent pas d’une source européenne et ne bénéficient donc pas d’une harmonisation (à noter toutefois qu’il existe une harmonisation de la réglementation relative à l’organisation et à l’exercice des compagnies d’assurance). L’argument tiré de ce que la « hauteur normative nationale » place le code des assurances au-dessus du code des marchés publics est-il suffisant ? Lorsque le code des marchés publics deviendra 29 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP « législatif » alors cet argument ne sera plus fondé. Il s’agit donc d’un « faux-débat » selon l’avocat Jérôme Da Ros. En réalité, la tension n’est pas la source normative mais plutôt relative à quel intérêt doit être privilégié par rapport à l’autre intérêt. En matière de droit des assurances, il y a effectivement des particularités uniques qui permettent d’octroyer des pouvoirs unilatéraux totalement exorbitants du droit commun en faveur des assureurs vis-à-vis de la partie cocontractante. En général pourtant, c’est plutôt le contraire qui se produit puisque c’est la partie faible, l’adhérent, qui bénéficie de droits particuliers. Ces règles en matière de droit des assurances se justifient de la manière suivante : l’intérêt d’un assuré est toujours inférieur à la somme des intérêts de tous les assurés, c’est ce que l’on appelle la mutualité. L’intérêt général « privé » l’emporte sur l’intérêt général « particulier ». En matière de droit public, lorsque l’on parle des pouvoirs exorbitants en faveur de la personne publique, l’intérêt public dont il est question n’est pas celui d’un groupe de personnes privées mais celui de la collectivité publique toute entière. La question de la hiérarchie entre ces différentes normes peut donc se formuler de la sorte : quel intérêt doit primer entre celui d’un groupe de personnes privées (dont la masse peut varier d’un extrême à un autre selon la taille de la compagnie d’assurance) et celui d’une collectivité publique dans son ensemble ? Qu’est-ce qu’un contrat administratif d’assurance ? Selon le droit, le contrat administratif d’assurance est constitué par le cahier des charges dans son ensemble et par l’acte d’engagement. Au contraire, pour les assureurs, le contrat d’assurance c’est le contrat d’adhésion. Or, le contexte du contrat administratif d’assurance est particulier puisque c’est l’assureur qui doit adhérer au marché passé par la personne publique et non l’inverse. Cette situation souvent incomprise par les assureurs, l’est d’autant plus lorsque les besoins sont mal exprimés. Quelles est alors la valeur ou la force juridique accordée aux conditions générales et particulières de l’assureur ? La réponse a été apportée par deux arrêts de cour administrative d’appel (CAA) : « si elles sont prévues, les conditions générales et particulières s’appliquent selon la hiérarchie qui est stipulée dans l’acte d’engagement. Si ces conditions ne sont pas stipulées, alors elles ne peuvent pas s’appliquer ». • CAA de Bordeaux dans un arrêt du 11 mars 2008, n° 06BX00950 : « les conditions générales de l’assureur qui ne figurent pas au nombre des pièces constitutives du marché soumises à appel à concurrence sont dépourvues de valeur contractuelle ». • CAA de Marseille dans un arrêt du 23 juin 2008, n° 08MA01866 : « la clause de résiliation qui figurait dans les conditions générales de l’assureur signées par les parties après la consultation n’a pas de valeur contractuelle. La clause n’aurait été valable que si elle avait figurait dans les documents du marché sauf à fausser la concurrence lors de la consultation des assureurs ». Même en l’absence de conditions générales/particulières, il n’y a pas de vide juridique puisque le code des assurances s’applique aux marchés publics d’assurance. Concernant le paiement de la prime ? 30 ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Selon le CMP, si le délai de paiement appliqué par une collectivité territoriale est supérieur à 45 jours, alors les intérêts moratoires sont enclenchés. A la lecture des dispositions du code des assurances, la prime est exigible dans les 10 jours, la garantie peut être suspendue 30 jours après mise en demeure de l’assuré et le contrat peut-être résilié dans les 10 jours suivants ces 30 jours de suspension. - Article L. 113-3 du code des assurances : « A défaut de paiement d’une prime ou d’une fraction de prime dans les 10 jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l’assureur de poursuivre l’exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que 30 jours après la mise en demeure de l’assuré » (suivi de l’alinéa relatif à la résiliation). La prime est exigible dans les 10 jours signifie « dans les 10 jours à partir de l’échéance », laquelle est fixée contractuellement. Il est donc tout à fait envisageable de prévoir une échéance qui serait à la date de l’avis d’attribution du marché ou bien le cas d’une échéance fractionnée. Ainsi, le contrat peut être résilié pour non paiement de la prime (CAA de Marseille, 2012, n° 08MA04102) mais il est primordial de fixer une échéance suffisamment avancé dans le temps pour permettre à la collectivité d’ordonner et de procéder au paiement de la prime. Intervention : Dans ce cas, le code des assurances prévaut sur le code des marchés publics car normalement il est impossible de résilier un contrat public, alors qu’apparemment on le peut… Réponse : On ne peut pas résilier un contrat public. Cependant, si la personne publique d’abstient volontairement d’exécuter sa prestation ou si elle commet ce que l’on pourrait appeler « un dol », alors il est évident que la personne privée qui subit cette contrainte, ne doit pas en être affectée. Toutefois, il faut être conscient que les acteurs de la commande publique disposent des moyens juridiques suffisants permettant d’éviter ces situations. Les avenants - Article 20 du CMP : Les avenants sont permis à la condition que ceux-ci n’aient pas pour conséquence de changer l’objet du contrat ou d’en bouleverser l’économie. A défaut, l’avenant entraine l’arrêt d’exécution du marché ou la création d’un nouveau marché. - Article L. 102-12 du code des assurances : l’assuré peut adresser à l’assureur des propositions de modification et si l’assureur n’y répond pas dans un délai de 10 jours après réception, la proposition est considérée comme acceptée. Reconduction et résiliation des marchés La question de la reconduction des marchés peut se poser au regard, à la fois, de la possibilité unilatérale annuelle de résilier pour le pouvoir adjudicateur et de l’engagement du titulaire sur une période ferme pluriannuelle. - Article L. 113-12 alinéa premier du code des assurances : La durée du contrat et des conditions de résiliation sont fixées par la police. L’assuré a le droit de résilier le contrat à l’expiration d’un délai d’un an par l’envoi d’une lettre recommandée. Le droit de résilier doit être rappelé dans chaque police d’assurance et appartient dans les mêmes conditions à l’assureur. 31 ème Synthèse de la 168 - session d’études de l’APASP Article L. 113-12 second alinéa : Il peut être dérogé à cette règle pour les contrats individuels d’assurance maladie et pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers. Dans le cadre d’un contrat administratif d’assurance, l’engagement pluriannuel de l’assureur est donc possible. Il est également envisageable de prévoir que cet engagement pluriannuel ne s’applique pas à la collectivité c’est-à-dire que celle-ci s’octroie le droit de résilier à un moment différent de l’échéance prévue pour l’assureur. Quelques exemples de motifs de résiliation : - Modification du risque, Article L. 113-4 du code des assurances : Cas d’aggravation du risque en cours de contrat « tel que si les circonstances nouvelles avaient été déclaré lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l’assureur n’aurait pas contracté ou aurait appliqué une prime supérieure, alors cet assureur a la faculté de dénoncer le contrat soit de proposer un nouveau montant de prime ». En pratique, cette hypothèse s’avère être marginale. En effet, il n’est pas question d’une mauvaise prévision faite par l’assureur, ni dans un cas d’imprévision car le contrat d’assurance est par nature un contrat aléatoire qui incorpore le risque d’un déséquilibre total des prestations entre l’assureur et l’assuré, entre la prime et les indemnités perçues. Afin de réduire ce risque, il faut prévoir une assurance à prime variable c’est-à-dire un marché à prix unitaire. Résiliation après sinistre, catastrophes naturelles par exemple, Article R. 113-10 du code des assurances : Dans le cas où la police prévoit pour l’assureur la faculté de résilier le contrat après sinistre, la résiliation ne peut prendre effet qu’après l’expiration d’un délai d’un mois, etc. Si les conditions générales de l’assureur prévoient systématiquement ce genre de résiliation ne figurant pas au nombre des pièces du marché, alors la résiliation sera impossible comme cela a été expliqué précédemment. Il n’est même pas question ici de la confrontation entre les règles du code des assurances et celles du code des marchés publics, mais simplement de l’application d’une règle facultative qui doit être prévue ou écartée par les parties. - Inexactitude/Omission, fausse déclaration intentionnelle ou non intentionnelle, Article L. 113-9 du code des assurances : L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraine pas la nullité du contrat. Toutefois, si la mauvaise foi est avérée alors le contrat est déclaré nul. La problématique de cet article est qu’il a pour fondement le questionnaire d’assurance c’est-à-dire la déclaration contrôlée (inverse de la déclaration spontanée) applicable en droit privé d’assurance et selon lequel l’assuré répond à des questions précises relatives au risque posées par l’assureur. Concernant le contrat administratif d’assurance, il en va autrement puisque c’est l’assuré qui fait état délibérément des risques susceptibles d’être pris en charge par la compagnie d’assurance. Il s’agit donc d’un système de déclaration spontanée Selon Jérôme Da Ros, le fait de se trouver dans un système différent n’est pas de nature à exclure l’application de cette règle. Cependant, dans l’hypothèse de l’inapplicabilité de cette règle pour la résiliation d’un contrat administratif d’assurance suite à une déclaration fausse et intentionnelle de la part de la personne publique, le droit public prévoit « lui-même » des moyens à destination de la personne privée victime, afin de lui permettre de rétablir l’équilibre. D’ailleurs, le droit administratif s’avère souvent bien plus « imaginatif » que le droit privé, selon J. Da Ros. 32 - ème Synthèse de la 168 session d’études de l’APASP Que faire alors si l’on ne se trouve pas dans le cas d’une fausse déclaration intentionnelle de la part de la personne publique ? La doctrine civiliste précise qu’il est possible de prévoir des clauses dites « d’incontestabilité ». Il s’agit d’une clause qui devrait faire partie du cahier des charges et selon laquelle « en cas de fausse déclaration non intentionnelle, l’assurant ne pourra pas se prévaloir de la faculté offerte par l’article L. 113-9 du code des assurances ». En guise de conclusion, il faut retenir que la question des contrats administratifs d’assurance doit être relativisée car il ne s’agit pas d’un choc frontal entre le droit des assurances et le code des marchés publics où l’existence de l’un va entrainer la disparation de l’autre. Au contraire, il existe bien des moyens législatifs et règlementaires permettant de les concilier de manière positive. Intervention Jean-Marc Peyrical : Première remarque, vous avez dit que le droit administratif s’avère « imaginatif » en la matière et cela est tout à fait vrai. Il existe toute une jurisprudence axée sur ce que l’on appelle la loyauté des relations contractuelles et qui n’hésite pas à sanctionner un des deux cocontractants, dont la personne publique, dès lors qu’elle manque à son devoir de loyauté et qu’elle commet un acte frauduleux. La seule réserve qu’il est possible d’émettre, c’est que le juge administratif a de ce fait, beaucoup de pouvoir puisqu’il apprécie la loyauté contractuelle des parties par lui-même et non en fonction de ce qu’ont éventuellement recherché les parties au contrat, comme le fait le juge civil. C’est donc une approche subjective qui conduit à des décisions « contestables ». Exemple : dans une décision récente du Conseil d’Etat, le fait pour la personne publique de passer un marché sans autorisation préalable de l’assemblée délibérante constitue une faute d’une gravité suffisante mais le contrat ayant bien été exécuté, les parties ayant été loyales entre elles, l’exécutif ayant exécuté ses prestations de paiement, le marché est validé. Ainsi, l’irrégularité avérée « ne pèse pas » suffisamment face à la loyauté des relations contractuelles entre les cocontractants. Autre remarque, il a souvent été question du rapport de force entre l’argumentation de la commande publique qui a valeur décrétale et l’argumentation des assurances qui a valeur législative, mais ce débat va prendre fin assez rapidement puisque le futur code des marchés publics aura valeur de loi. En effet, la loi d’habilitation a été voté permettant ainsi au gouvernement de préparer son projet d’ordonnance, lequel sera soumis à concertation au début de l’année 2015, et ce, pour 6 semaines. 33