L`écotourisme en Amérique latine
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L`écotourisme en Amérique latine
Études de cas ■ L’écotourisme en Amérique latine IDBAmerica Online, le magazine de la Banque Interaméricaine de Développement (BID), 2002. Cette publication de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) présente de l’information sur des problématiques de développement en Amérique latine et aux Caraïbes. Plus d’une quinzaine de textes sur le sujet de l’écotourisme, études de cas ou textes plus conceptuels, figurent dans les trois parties qui composent ce numéro. Les quatre textes présentés ci-dessous concernent des expériences écotouristiques au Brésil et en Bolivie. Les bailleurs multilatéraux telle la Banque Interaméricaine de Développement commencent à proposer des prêts pour des projets écotouristiques ou pour des projets dans lesquels l’écotourisme joue un rôle. Un exemple est l’initiative prometteuse commencée dans le bassin de l’Amazonie. Le fonds d’investissements multilatéral de la BID aide aussi à financer un programme pilote – maintenant reconnu – en Bolivie. cherche d’aventure et d’authenticité, mais aussi de plus en plus des personnes aisées cherchant un équilibre entre confort et nature à l’état brut. LA FRONTIÈRE VERTE DU TOURISME : PROTÉGER LA NATURE EN RÉALISANT DES PROFITS ? ● Les opportunité écotouristiques en Amérique latine Les quatre études de cas présentées ci-dessous sont issues d’un numéro spécial de l’IDBAmerica Online portant sur l’écotourisme en Amérique latine et s’intitulent : – « Tourism’s green frontier » – « Jump-starting ecotourism in the Brazilian Amazon » – « Can a community run a tourism business? » – « A new recipe for tourism enterprises » L’écotourisme se développe dans de nombreux pays sud-américains : au Costa Rica, en Équateur, au Brésil, au Honduras, au Pérou, entre autres. Tous les pays d’Amérique latine et des Caraïbes offrent des opportunités d’écotourisme. ● Un tourisme à part et des voyageurs en quête d’authenticité Les « écotouristes » diffèrent des touristes traditionnels car ils ne sont pas à la recherche de relaxation. L’écotourisme diffère du tourisme traditionnel car il ne cherche pas seulement à faire des profits, mais aussi à aider les communautés locales et à protéger la nature. Si l’écotourisme est le rêve d’un amoureux de la nature, il est aussi le cauchemar du comptable – une entreprise avec plus d’une ligne au bilan ! L’écotourisme peut fonctionner si les lieux d’accueil et touropérateurs attirent des touristes, permettent au personnel d’être payé et aux investisseurs d’avoir des retours sur investissement raisonnables. Ce qui attire, au-delà de la variété d’attractions naturelles, ce sont la stabilité politique de la société, l’ancrage des traditions et la préservation de la nature. ● Dur d’être pionnier : les difficultés de l’écotourisme Malgré toutes ses promesses, l’écotourisme reste économiquement limité. Un des problèmes fondamentaux est le manque d’informations pertinentes : les investisseurs souvent n’ont pas de chiffres fiables en ce qui concerne les coûts, la logistique, l’estimation du nombre de visiteurs attendus. Ils peuvent par conséquent prendre des décisions inopportunes. Il y a un besoin en études de marché locales. L’écotourisme a commencé sa croissance rapide dans les années 70 dans les pays développés. Les clients étaient alors les personnes désenchantées par la formule « sea, sex and sun ». Aujourd’hui, les clients de l’écotourisme ne sont plus uniquement de jeunes baroudeurs en re- Avoir une image statistique claire de l’écotourisme est aussi chose délicate car Accédez au texte original : www.iadb.org/idbamerica/index.cfm?thisid=1285 33 L’écotourisme en Amérique latine il n’y a pas d’accord sur la définition de ce qui doit être mesuré. Le tourisme « nature », durable, d’aventure et plus généralement d’autres types de tourisme « vert » sont souvent mélangés bien que chacun ait une charte bien spécifique, ses propres besoins en termes de marketing, d’infrastructure et de planification commerciale. TIES (« The International Ecotourism Society ») définit l’écotourisme comme un voyage vers des zones naturelles qui conserve l’environnement et fait perdurer le bien-être des autochtones. Selon cette définition, qui rejoint le point de vue de nombreux professionnels mais non forcément celui des agences gouvernementales chargées d’établir des statistiques, les écotouristes représenteraient seulement 7 % des touristes. La BID a intégré la collecte de données à ses projets de tourisme nature, par exemple dans son initiative en Amazonie brésilienne. Le projet est pour l’instant en phase de pré-investissement et compilera de l’information sur la demande, sur les entreprises écotouristiques et sur l’environnement naturel. Les offices locaux du tourisme, composés de représentants des acteurs principaux, participent à la collecte de données. ● Tenir compte des réalités Tout d’abord les personnes extérieures au projet ne doivent pas surestimer son potentiel au risque de se retrouver avec des gîtes aux chambres vides. Au cœur de l’écotourisme – tout comme pour le tourisme plus traditionnel – se trouve l’attraction. Plus le projet offre d’activités spécifiques, plus les touristes resteront longtemps dans un endroit donné et plus il y aura de chances pour qu’ils y reviennent. Un voyageur choisira sa destination dans un pays en développement en partie en fonction de l’aspect sécuritaire. Ainsi, avec les attentats du 11 septembre, le Brésil, pays où les gens estimaient qu’il y avait peu de risques d’attentats, a vu les touristes affluer alors que le tourisme reculait en moyenne de 10 % partout ailleurs. 34 ● Peut-on devenir riche grâce à l’écotourisme? D’autres difficultés se posent lors de la phase de création d’un projet écotouristique. Trouver les financements est la principale difficulté car l’écotourisme se joue forcément à petite échelle. La difficulté majeure à ce niveau est que le secteur est dominé par de petites entreprises positionnées sur des niches de marché très artisanales dans leur fonctionnement. Même si elles sont financièrement rentables, il n’y a pas ou peu de possibilités de croissance d’échelle. Elles ne peuvent pas devenir de grandes entreprises car alors elles ne proposeraient plus de l’écotourisme. Pour ces raisons, de nombreux experts pensent que l’écotourisme ne pourra jamais être un grand pourvoyeur d’argent. Seules 30 % des éco-entreprises atteignent l’équilibre fiancier. Pour des investisseurs idéalistes, ceci n’est pas rédhibitoire mais au contraire ajoute du piquant au défi. Pour les autres, les entreprises écotouristiques, petites et fragiles, n’offrent pas assez de garanties, mis à part quelques potentiels titres de propriété. De plus, les coûts administratifs de gestion de faibles prêts sont comparables à ceux de gros prêts, ce qui réduit d’autant plus leur attractivité. De nombreuses entreprises écotouristiques ont besoin de filets de sécurité consistant en prêts à faibles taux d’intérêt et en bourses pour les projets communautaires, en particulier pour les formations qui permettent à la population locale de continuer à mener le projet une fois que les experts et les fonds sont partis. Le plus important est que les investisseurs connaissent les règles du jeu. Ainsi l’écotourisme ne sera jamais un secteur économique majeur, sinon ce ne serait plus de l’écotourisme. Il trouve toutefois son potentiel en tant que secteur de niche, et à ce titre est promis à de beaux lendemains pour les communautés, les aires naturelles et les entrepreneurs individuels qui sont déterminés à poser leur empreinte sur cette étroite frontière verte du tourisme. DÉMARRER L’ÉCOTOURISME EN AMAZONIE BRÉSILIENNE : UN NOUVEAU PROGRAMME POUR EXPLOITER UNE RESSOURCE ENCORE VIERGE L’Amazonie véhicule une image très forte pour un produit écotouristique. Reste à développer ce marché. Neuf États amazoniens du Brésil se sont regroupés pour prouver que les écosystèmes naturels peuvent être des destinations touristiques économiquement rentables. ● Un paradoxe écotouristique Si le territoire brésilien comprend la plus grande part de l’Amazonie, mondialement reconnue comme terre d’aventures et de diversité biologique, les touristes qui s’y rendent sont beaucoup moins nombreux que dans les pays voisins du Brésil. Mis à part quelques gîtes écologiques et des traversées de rivières, le tourisme nature au Brésil en est encore à un état « primitif ». Une des difficultés à ce sujet est que l’Amazonie est difficile d’accès. D’autre part, le marketing pose problème : comment attirer l’attention d’un public dispersé dans le monde alors que les gîtes écologiques individuels sont petits ? Les gouvernements locaux et municipaux manquent à la fois d’expérience et d’information pour faire la publicité de leurs attractions locales. Les écotouristes doivent alors souvent planifier eux-mêmes leur voyage. Enfin, et ceci est essentiel pour les observateurs d’oiseaux – qui forment la grande majorité des écotouristes « sérieux » –, il n’y a pas dans cette zone de guides spécialisés dans ce domaine. ● Le programme Proecotur Ce projet de long terme est aujourd’hui dans sa première phase. Il vise à solidifier les fondations de l’écotourisme par des investissements entre autres dans le transport, la formation et le marketing. Son objectif est de rendre l’Amazonie plus attirante pour les touristes et plus rentable pour les entrepreneurs. Le programme Proecotur est surtout composé d’études et de planification. Il a été financé avec un prêt de la BID approuvé en 1999. Les participants à ce programme sont les neuf États amazoniens du Brésil. « L’actualité des services aux entreprises » n° 6 ● septembre 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE) L’écotourisme en Amérique latine La direction est assurée par un Secrétariat localisé au sein du ministère fédéral de l’Environnement, situé dans la capitale. Chaque État bénéficie de fonds de l’assistance technique et développe sa propre stratégie écotouristique, renforce sa réglementation liée à l’écotourisme et développe des plans de gestion pour les aires protégées. Le programme finance des services en conseil pour les opérateurs d’entreprises écotouristiques et propose des formations à 1 000 officiels municipaux et autres leaders locaux. Les fonds sont aussi utilisés pour faire des études de faisabilité concernant des investissements en infrastructures plus importants, qui seront financés lors de la phase suivante, dans quelques années. Dès maintenant, et dans le futur, Proecotur est mené sur cinq régions, ou « pôles écotouristiques », qui ont été sélectionnées pour leurs ressources naturelles, leur accessibilité en transports, l’infrastructure hôtelière existante et l’implication du gouvernement local et d’autres groupes pour soutenir le programme. Une grande part de la planification au niveau local est faite par des comités de pilotage composés d’entrepreneurs privés, de membres du gouvernement et de représentants de la société civile. ● Les bénéfices attendus À long terme, l’écotourisme fournira emplois – directs et indirects – et revenus pour une grande partie des 20 millions d’habitants de l’Amazonie. Parallèlement, l’écotourisme aidera à renforcer les efforts de préservation des écosystèmes naturels tout en attirant des touristes. L’écotourisme démontrera ainsi que l’on peut à la fois préserver la forêt et le mode de vie des locaux tout en améliorant leur niveau de vie. UNE COMMUNAUTÉ PEUT-ELLE GÉRER UN COMMERCE DE TOURISME ? L’EXEMPLE DU PROJET ÉCOTOURISTIQUE COMMUNAUTAIRE CHALALÁN Un village indigène en Bolivie crée un gîte écologique à Chalalán, dans la forêt tropicale du nord de la Bolivie. 35 L’intérêt historique à la base de ce projet est de savoir pourquoi un regroupement de maisons en chaume est devenu une mecque pour les voyageurs, thème sujet à débats et conférences. Un aventurier israélien, Yossi Ghinsberg, s’est rendu sur place pour tenter de répondre à la question. Après que son bateau ait chaviré sur la rivière l’y menant, il a vécu une vingtaine de jours dans des conditions très dures qu’il relate dans un livre qu’il a par la suite écrit sur son expérience. Aujourd’hui, la ville de Rurrenabaque est le point d’entrée du nouveau parc national de Madidi, qui abrite 22 hôtels et reçoit annuellement 20 000 visiteurs. Chalalán est la vedette de la constellation écotouristique locale. C’est une réussite qui prouve qu’une communauté indigène peut apprendre à créer et gérer une entreprise complexe. ● La genèse d’une idée Après que le livre de Yossi Ghinsberg soit devenu un petit « best seller », touristes et aventuriers ont commencé à venir dans la région en plus grand nombre. Pour les loger, les résidents de San José de Uchupiamonas, les josesanos, ont construit des cases. Les conditions d’accueil restaient très sommaires. En 1993, Ghinsberg est revenu en Bolivie et les années suivantes il a cherché avec un des fondateurs du projet Chalalán des soutiens pour développer un plus grand projet écotouristique. La nécessité de protéger la zone a été actée et en 1995 le gouvernement bolivien a créé le Parc national de Madidi, de 1,9 millions d’hectares. Conservation International a perçu cette proposition de gîte écologique comme une opportunité de prouver que protéger la nature inviolée peut générer des retours en termes économiques. Conservation Interna-tional avait besoin d’argent pour financer le projet et a contacté le Fonds multilatéral d’investissement, affilié à l’IDB, qui finance des projets du secteur privé. Ce fonds y a contribué à hauteur de 1 450 000 $ et le projet a démarré en 1994. Ainsi, un groupe indigène qui vivait auparavant de chasse, de pêche et d’agriculture a décidé de créer une entreprise nouvelle et complexe au service des touristes internationaux. Chalalán peut accueillir 24 personnes. « L’actualité des services aux entreprises » n° 6 ● septembre 2003 ● ● À la base de tout, l’apprentissage Des formations on été dispensées : ➤ au personnel pour qu’il apprenne à accueillir les touristes, à cuisiner des plats attrayants et sains ou encore à dresser une table ou nettoyer une salle de bains ; ➤ aux guides afin qu’ils restent en permanence avec les touristes pour des questions de sécurité, développent leurs connaissances de la faune et de la flore, sachent identifier les intérêts des touristes et leur faire vivre des expériences mémorables. ➤ Les josesanos ont renforcé leurs connaissances traditionnelles, comme faire des toits en chaume, par des techniques complémentaires, telle la construction de meubles en bois local. Une des rares personnes de la communauté qui a fait des études au lycée a pris des cours en administration et comptabilité afin d’être compétente pour diriger l’entreprise. ➤ Conservation International a fait venir des consultants qui ont appris aux officiels locaux comment promouvoir la région, définir des normes pour les équipements, mettre en vigueur la réglementation, en particulier en ce qui concerne la sécurité, et connaître les besoins en infrastructures du tourisme ainsi que les bases de la conservation environnementale. ➤ ● Le facteur communautaire Aujourd’hui Chalalán est la première entreprise écotouristique de Bolivie qui sait entièrement communautaire : la moitié des parts est détenue par les familles individuelles de San José, et l’autre par l’organisation territoriale locale. Au début du projet Chalalán, Conservation International prévoyait que la propriété du gîte reviendrait à vingt familles qui achèteraient des parts dans l’entreprise. Les josesanos ont refusé ce schéma car leurs traditions demandent un partage des revenus plus équitables. En fin de course, toutes les familles ont eu l’opportunité d’acheter des parts de l’entreprise en donnant 26 jours de travail pour construire le gîte. ● De nombreux bénéfices pour la communauté Les bénéfices du programme vont bien au-delà de l’écotourisme. Un produit d’information de la DGCID (MAE) L’écotourisme en Amérique latine ➤ S’il est essentiel que les gens gagnent de l’argent grâce à l’écotourisme, cette activité ne doit pas toutefois devenir leur première source de revenus : l’écotourisme reste un secteur très fluctuant car soumis aux contraintes naturelles et à la fluctuation des changes. Ainsi, si le tourisme est important pour l’avenir, prévoir des alternatives est aussi nécessaire, par exemple l’artisanat et l’agriculture. ➤ Le projet Chalalán a permis d’employer 18 à 24 josesanos, qui tous reçoivent des salaires fixes sauf les guides qui sont payés à la journée. ➤ Des agronomes ont enseigné à la population de nouvelles méthodes de culture ainsi que l’agroforesterie, leur permettant de faire mieux pousser les légumes, d’associer cultures à court et moyen termes ou encore de gagner en efficacité grâce à une décortiqueuse de riz automatique. La population a aussi appris à élever mieux les poulets et à prévenir les maladies. Le projet a bénéficié à la communauté en tant que telle : l’isolement du territoire a été amoindri avec la construction d’une route sur les fonds du gouvernement local et du projet. Les josesanos prévoient aujourd’hui leur avenir avec un centre communautaire qui, construit sur les fonds du programme, leur permettrait de proposer aux visiteurs une radio pour relier San José au gîte de Chalalán et à Rurrenabaque et La Paz. La radio fonctionnera par énergie solaire produite par de nouveaux panneaux solaires, tout comme un téléphone par satellite et un système d’adresse publique pour informer les visiteurs s’il y a des informations importantes. L’amélioration la plus importante pour la communauté est peut-être le réseau d’eau potable, construit en partenariat avec l’organisation Care. Chaque famille a fourni 45 jours de travail pour compléter le projet. L’accès des touristes reste toutefois une difficulté : la rampe d’atterrissage des avions, en terre, devient boueuse lorsqu’il pleut et les touristes ne sont pas sûrs de pouvoir repartir en temps voulu lors de la saison des pluies, entre novembre et avril. ➤ ● Et les profits ? Créer une petite entreprise est risqué, et ceci est vrai pour tout type d’entreprise. 36 De plus, Chalalán n’est ni une entreprise ordinaire ni une entreprise écotouristique standard. Au-delà des contraintes inhérentes que rencontrent les entrepreneurs dans l’écotourisme – petite taille, isolation, obligations envers la communauté locale et l’environnement – le défi a été de former la force de travail et de composer avec les complexités des politiques villageoises et des groupes d’intérêts. Cette expérience improbable a réussi ! Sept ans après la conception du projet, et trois ans après avoir reçu le premier touriste, Chalalán réalise un profit de 22 000 $. Les gains permettent de financer des investissements en capital, y compris le nouveau bureau de ventes à Rurrenabaque, et de contribuer à hauteur de 2 000 $ à la construction d’une nouvelle route reliant San José à cette ville. L’année passée, les revenus bruts du gîte, avec un taux d’occupation de 45 %, ont dépassé de plus de 40 % ceux de l’année précédente et les profits étaient estimés (avant l’attaque du 11 septembre aux États-Unis) à plus de 54 000 $. Le succès commercial de Chalalán a été révélé par une analyse financière fine qui a pris soin de séparer les dépenses commerciales des coûts de génération de bénéfices externes pour des tierces parties. Contrairement à la plupart des entreprises qui ont pour objet de faire des profits, une grande partie des fonds a été destinée à des formations et des améliorations pour la communauté. En incluant ces dépenses dans l’analyse, on arrive à un taux de retour proche de zéro. En revanche, si on isole les investissements strictement liés à l’entreprise, le taux de retour est de 11,9 % en termes réels. En Bolivie, les banques rémunèrent les dépôts à 6-7 % : une prise de risque comme Chalalán est donc potentiellement attractive pour des investisseurs privés. Les projets futurs suivront le modèle défriché par Chalalán. Le nouveau projet touristique de la BID en Bolivie présenté ci-dessous s’inspire des leçons de Chalalán tout en choisissant une approche radicalement différente. Il n’en reste pas moins que Chalalán fut le premier à réussir l’union improbable entre un village pauvre et isolé et deux institutions internationales puissantes. Les jo- « L’actualité des services aux entreprises » n° 6 ● septembre 2003 ● sesanos, Conservation International et la BID ont appris les uns des autres et ont prouvé ensemble que l’écotourisme communautaire peut fonctionner. UNE NOUVELLE RECETTE POUR LES ENTREPRISES TOURISTIQUES La BID travaille à développer un projet de tourisme durable en Bolivie, accepté en janvier 2002. Une partie du programme financera des projets tels des gîtes pour le tourisme culturel et l’écotourisme. L’autre partie sera dirigée vers l’amélioration du cadre réglementaire national et l’établissement d’une certification. ● Des améliorations par rapport au programme Chalalán Le secteur privé bolivien va continuer sur la voie tracée par le projet d’écotourisme communautaire Chalalán, qui a prouvé qu’une entreprise communautaire peut réussir. Comme tout projet pionnier développé sur une base d’essais et d’erreurs, il a vocation à être suivi de projets encore meilleurs : par rapport à Chalalán, les projets financés se développeront plus rapidement ; ➤ le gîte de Chalalán a mis quatre ans à être opérationnel, trois ans de plus à s’autofinancer, et était tourné vers la communauté. Ceci est dû au manque d’expérience de la communauté et de Conservation International en la matière, qui ont appris ensemble, ce qui a demandé du temps ; ➤ ➤ les opérateurs locaux du gîte ont été formés entre autres à gérer une entreprise, bâtir les locaux, préparer la nourriture et guider les visiteurs. Ils ont dû en parallèle mener leurs activités habituelles pour répondre aux besoins de leurs familles ; ➤ l’écotourisme, même bien fait, reste compliqué, car il associe des objectifs de profits, de développement communautaire, de formation, de liaison avec le gouvernement local et de protection de l’environnement. Si les coûts globaux étaient comparés aux profits, peu de pro- Un produit d’information de la DGCID (MAE) L’écotourisme en Amérique latine jets seraient considérés comme rentables. Une analyse financière détaillée est nécessaire pour montrer qu’à l’encontre de la première conclusion, Chalalán était un projet rentable d’un point de vue économique. ● 37 ment public/privé devrait être environ de 50/50 et le processus préfèrera des projets nécessitant plutôt moins de financement public. Ceci garantira que l’entrepreneur sera vraiment dans le projet : soit il se battra pour le projet, soit il perdra de l’argent. Une nouvelle approche Plutôt que de retarder la question de la rentabilité, le nouveau projet place dès le départ les entrepreneurs privés – qui généralement prennent la route la plus directe au profit – au centre du dispositif. Le projet devrait être à l’équilibre au bout de deux ans. Le nouveau programme peut être décrit comme un tabouret à trois pieds, associant secteur privé, organisations non gouvernementales et communautés locales. Chacun est essentiel et le secteur privé mène le projet. Les entrepreneurs et leurs partenaires vont soumettre des projets au financement de la BID, avec à l’appui un plan complet de financement qui identifie une ONG qui formera les populations locales, l’assistance technique et développera la liaison avec la communauté. L’entrepreneur devra aussi prouver que la communauté locale soutient le projet et est prête à fournir l’infrastructure et la maintenance nécessaires. Le programme se limitera à définir les instructions et critères de sélection et choisira les meilleurs projets. Au final, le succès des projets sera déterminé par l’expérience et l’instinct des entrepreneurs. Ils devront être prêts à vivre dans une zone éloignée et devront avoir, outre le sens du commerce, une vision à long terme. Par exemple, ils devront comprendre que le touriste ne veut pas venir voir des oiseaux rares en vivant au sein d’une communauté très pauvre, et qu’il y a un travail important à faire au niveau des conditions de vie de la communauté. Six investisseurs ont exprimé leur intérêt avant même que la BID accepte de consacrer 10 millions de dollars à ce programme. Pour se qualifier pour les mises, les groupes d’investisseurs doivent avoir en leur sein au moins un partenaire expérimenté dans le secteur du tourisme. Tous les investisseurs devront contribuer à hauteur d’au moins 20 % au coût total du projet sous forme de capital risque. Le ratio espéré d’investisse- « L’actualité des services aux entreprises » n° 6 ● septembre 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)