1 L`immunité du chef de l`Etat dans les pays de la CEI et la

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1 L`immunité du chef de l`Etat dans les pays de la CEI et la
L'immunité du chef de l'Etat dans les pays de la CEI et la séparation des pouvoirs
judiciaire et exécutif
Tatiana Maslovskaya, Professeur de droit constitutionnel comparé de la Faculté de Droit
de l’Université d’Etat du Bélarus (e-mail [email protected])
Contribution pour l’atelier 15 «Les mutations et les transformations de la division
des pouvoirs: l’organisation constitutionnelle»
Introduction
L’immunité est une garantie nécessaire de l’independence dans l’activité du president de
la République. D’une part l’importance des fonctions et la responsabilité qu’assume le chef de
l’Etat justifient son immunité. La fonction du president de la République fait l’objet d’une
protection spécifique dans touts les pays de la CEI. L’immunité des chefs d’Etat n’avait pas
connu de développements juridiques et était avant tout caractérisée par un certain flou de règles
juridiques dans les pays ex-soviétiques.
La législation de quelques pays de la CEI (Kazakstan, Russie) servira de base à l’analyse
de questions controversées sur l’attribution de l'immunité non seulement au président en
fonction, mais aussi aux candidats à l’élection présidentielle, ainsi qu’aux ex-présidents et aux
membres de la famille du president.
Il convient cependant de relever que l’immunité du président ne doit en aucune manière
être synonyme l’irresponsabilité. La possible destitution du président ne réalise pas seulement un
mécanisme de mis en jeu de sa résponsabilité juridique (constitutionnelle et non penale) mais
aussi un élémént important du système de freins et contrepoids propre à la séparation des
pouvoirs. Dans ce contexte, il est important de preciser le rôle du pouvoir judiciaire dans la
procedure de la distitution.
Dans les quelques pages qui suivent nous analyserons les conditions de mise en œuvre
du principe de l’immunité du chef de l'Etat dans les systèmes constitutionnels actuels de pays de
la CEI (notamment, Arménie, Biélorussie, Kazakstan, Russie). En miroir en prendra en compte,
en tant que de besoin, les règles propres à d’autres Etats
I - Le principe de l’immunité du chef de l'Etat
II – Le contenu, les limites et la durée des immunités du chef de l'Etat dans les pays de la
CEI
III – La responsabilité du chef de l’Etat dans les pays de la CEI et la séparation des
pouvoirs judiciaire et exécutif
1
I - Le principe de l’immunité du chef de l'Etat
La fonction de chef de l’Etat fait l’objet d’une protection specifique dans tous les pays
quels que soient leur régime. L’immunité du chef de l’Etat joue le rôle de garantie juridique des
activités du Président, elle permet d'assurer le fonctionnement effectif et régulier du pouvoir,
c’est une condition sine qua non de la garantie du libre exercice de ses fonctions.
Dans la littérature juridique publiée dans l’espace postsoviétique le terme l’immunité est
le plus souvent compris comme l’impossibilité d’engager des poursuites contre le chef de l’Etat
pendant son mandat et l’impossible limitation de sa liberté personnelle1.
Le statut juridique du président se distangue de celui du monarque. Le chef de l’Etat
bénéficie d’un régime d’immunité totale (absolue) dans les monarchies mais partielle dans les
républiques. La différence entre l'inviolabilité traditionnelle de la personne du roi et de la
protection juridique des fonctionnaires représentant la Nation apparaît en France le 23 Juin
17892. A partir de 1791, la première Constitution française déclare que «les représentants du
peuple sont le corps législatif et le roi», et elle précise qu’après son abdication «le roi sera dans
la classe des citoyens et pourra être accusé et jugécomme eux pour les actes postérieurs a son
abdication». «L’immunité de fonction» a été inscrite dans toutes les constitutions françaises, à
l'exception de celle du Second Empire (1852-1870)3. Ces immunités ne portaient que sur la
fonction et non sur la personne elle même. En tant que représentant du peuple impliqué dans la
mise en œuvre de la souveraineté, le président doit être en mesure, de façon indépendante,
d'exercer les pouvoirs qui lui sont confiés par le peuple et en tant que tel, il ne peut être mise en
cause devant les tribunaux.
Le président de la République, étant le représentant du peuple, jouit de l'immunité, qui
s'attache à sa fonction. L’octroi du Président les garanties constitutionnelles de l'immunité est
conditionné par son statut constitutionnel particulier, par son rôle, dont il est doté par la
Constitution, son élection au suffrage universel direct, l'importance de ses pouvoirs. Êtant
presque «intouchable», le Président est libre de prendre des décisions.
Les fondements de la protection juridictionnelle des chefs d’État en droit interne des pays
de la CEI n’ont pas fait l’objet de débats doctrinaux récents. En général, cette question est peu
1
Kutaphin O. E. L’immunité en droit constitutionnel de la Fédération de la Russie. – Moscou, 2004, p. 262 ;
Avakian S. A. La cessation exceptionnelle de fonctions du Président de de la Fédération de la Russie. Publié en «la
législation», Moscou, 1999, № 3, p. 87-97 ; Maslovskaya T. Le Président de la République du Bélarus. – Minsk,
2010, p. 134.
2
Dans son arrêt du 23 Juin 1789, l'Assemblée nationale a déclaré que l'identité de chaque député est inviolable.
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étudiée dans les Etats post-soviétiques pour plusieurs raisons, notamment du manque de clarté du
texte constitutionnel, qui consacre l’immunité du Président, ainsi que du manque de mise en
œuvre de ces dispositions constitutionnelles.
Une justification théorique des immunités et privilèges se résume par le fait que tout
président détient un mandat de représentation nationale, garantie la continuité de l’Etat et
s’inscrit dans la séparation des pouvoirs. La Cour Constitutionnelle de la Fédération russe dans
sa décision du 6 juillet 19994 a soulignué que les garanties des activités du Président de la
Fédération de Russie en tant que chef de l'Etat sont l’inviolabilité (art. 91) et des mécanismes
juridiques pour assurer la pérennité de ses fonctions et la continuité de l'exercice de ses pouvoirs.
Le principe de la séparation des pouvoirs est généralement invoqué au soutien de ce statut
particulier parce qu’il exprime la nécessité de préserver la sphère de compétences de chaque
organe de l’État, notamment les juridictions d’un côté et le pouvoir exécutif de l’autre.
L’irruption d’autorités judiciaires dans l’action du chef de l’État peut conduire, en fait, à mettre
en cause une responsabilité politique qui, lorsqu’elle est prévue, obéit à des conditions
différentes. La Cour suprême des États-Unis a ainsi reconnu dans la décision Nixon v. Fitzgerald
(457 US 731 -1982), que l’immunité présidentielle est ancrée dans «la tradition constitutionnelle
de séparation des pouvoirs»5.
L’immunité du chef de l’Etat républicain réunit deux aspects: une immunité fonctionnelle
et une immunité personnelle. Le premier est une immunité fonctionnelle qui couvre les actes
accomplis dans l’exercice des fonctions du chef d’Etat et qui n’est pas limitée temporellement à
la durée du son mandat. Le second est une immunité personnelle qui existe indépendamment
du fait que son bénéficiaire ait agi dans l’exercice de ses fonctions officielles, s’étend donc
notamment aux actes accomplis par lui avant d’assumer ces fonctions mais par contre se termine
dès lors que l’individu perd son statut de chef d’Etat.
Ces deux aspects de l’immunité accordée aux chefs d’Etat traduisent une immunité de
juridiction en matière civile et en matière pénale ainsi qu’une immunité d’exécution (qui
concerne la compétence d’exécution c'est-à-dire la possibilité d’exercer des mesures de
contraintes physiques telles que l’arrestation, la détention, la perquisition, la saisie des biens…).
Cette immunité est aussi appellée «l’inviolabilité personnelle».
4
Décision du 6 juillet 1999 de la Cour Constitutionnelle de la Fédération de la Russie sur l'interprétation de l'article
92 (alinéa 2 et 3) de la Constitution de la Fédération de Russie / http://www.ksrf.ru
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Rapport de la Commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République remis le 12 décembre
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Le chef de l'Etat jouit de l'immunité tant sur le territoire de l'État qu’à l’extérieur.
Lorsqu’un chef d’Etat ne se trouve pas sur le territoire national, il se trouve en visite officielle
ou en visite privée à l'étranger, il est soumis à la Convention sur les missions spéciales de
1969, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, qui lui octroi une inviolabilité
personnelle et l’immunité de juridiction. Conformément les dispositions de la Convention sur les
missions spéciales le chef de l'Etat dispose des privilèges et immunités suivants : l’inviolabilité
de son lieu de résidence(art. 25), de ses archives et de ses documents (art. 26), y compris sa
correspondance officielle (art. 28), l’immunité de juridiction pénale (alinéa 1 art. 31), de
l’immunité civile et administrative pour ce qui a trait aux actes de la fonction (alinéa 2 art. 31),
des immunités fiscale (art. 33) et des immunités douanière (art. 35). Le même régime d’immunité
est accordé aux membres de la famille d’un chef d’Etat qui se déplaceraient avec lui à l’étranger
(art. 39).
Notons, que parmi les onzes Etats de la CEI seulement deux – la Moldavie6 et le
Tadjikistan7 - ont ratifié le traité sur la Cour pénale internationale. L’Armenie, la Fédération de
Russie, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, l’Ukraine ont signé mais pas ont ratifié le Statut de Rome
de la Cour pénale internationale. Les quatres Etats de la CEI qui sont les membres de l’ONU –
Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan, Turkmenistan - n’ont pas signé et pas ratifié le traité sur
la Cour pénale internationale.
II – Le contenue, les limites et la durée des immunités du chef de l'Etat dans les pays
de la CEI
On distingue traditionellement deux immunités du chef de l’Etat – l’irresponsabilité et
l’inviolabilité. Le chef de l’État jouit d’une irresponsabilité traditionnelle et nécessaire pour tous
les actes qu’il a accomplis en cette qualité, et qu’il appartient à l’autorité judiciaire de faire
respecter en tant que de besoin8. Elle ne connaît de limites que dans la procédure de destitution9.
6
La Moldavie a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 8 septembre 2000 et a ratifié le 12
octobre 2010.
7
Le Tadjikistan a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 30 novembre 1998 et a ratifié le 5 mai
2000.
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En France l’irresponsabilité du chef de l’Etat est limitée aussi par les compétences de la Cour pénale
internationale, explicitement prises en compte par l’article 53-2 de la Constitution.
4
L’irresponsabilité pour les actes accomplis en qualité de chef de l’Etat le met à l’abri de toute
mise en cause de sa responsabilité civile ou pénale pour des faits liés à sa fonction10.
Les textes constitutionnels des pays de la CEI définissent rarement de manière précise les
actes dont le Président pourrait être rendu responsable. Seule la Constitution d’Armenie prevoit
que le président de la République ne peut etre poursuivi ou tenu responsable des actes découlant
de son statut (art. 56-1, alinéa 2) et la Constitution du Kazakhstan, de manière positive, precise
que le président est responsable pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions du chef
d’Etat seulement en cas de haute trahison (art. 47, alinéa 2). Dans la plupart de cas les
constitutions sont muettes sur cette irresponsabilité des actes, elles se bornent à se referer à des
notions comme la trahison ou la haute trahison (Biélorussie, Kazakhstan, Russie, Ukraine) ou
encore les «crimes graves» (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Russie) et les «crimes»
(Tadjikistan, Ukraine), voire à des formules parfois plus larges comme la «violation de la
Constitution» (Moldavie, Turkmenistan) ou la «violation du sermant» (Tadjikistan).
L’inviolabilité du chef de l’Etat exclut qu’il puisse en principe faire l’objet de mesures de
contrainte liées à la mise en œuvre de procédures juridictionnelles, qu’elles soient pénales ou
civiles. L’inviolabilité vise à ce que, pendant le mandat, aucun subterfuge ne puisse permettre à
quiconque de mettre juridiquement en cause le chef de l’État devant aucune autorité
administrative ou juridictionnelle11. En revanche, les procédures doivent pouvoir être reprises ou
engagées à l’issue du mandat 12.
Pour les actes détachables de la fonction présidentielle, qui lui sont donc antérieurs ou
extérieurs, le chef de l’Etat bénéficie soit d’un privilège de juridiction, soit d’une immunité
temporaire.
Toutes les constitutions des pays de la CEI sous une forme ou une autre prevoient des
l'immunités en faveur du chef de l'État mais elles ne définissent pas le contenu de la notion
d'immunité, c'est un inconvénient important. En règle générale, le texte constitutionnel retient la
formulation suivante: «Le président est inviolable», sans aucune autre explication (par exemple,
art. 91 de la Constitution de la Fédération de la Russie de 1993 ; alinéa 1 art. 105 de la
Constitution de l’Ukraine de 1996; alinéa 3 art. 79 de la Constitution de la République du
10
11
Cette irresponsabilité figure au premier alinéa de l’article 67 de la Constitution française.
Comme le dit l’article 67 de Constitution francaise dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 février
2007, «Il (le chef de l’Etat) ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative
française, être requis de témoigner non plus que de faire d’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction
ou de poursuite».
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Rapport de la Commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République remis le 12 décembre
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Bélarus de 1994 modifiée en 1996)13. Cette large définition couvre non seulement l’immunité en
matière civile et pénale mais l’immunité dont bénéficie le président de la République pour les
actes commis dans l’exercice de ses fonctions et concernant tous ses autres actes.
Le nouvel article 56-1 qui prévoit l’immunité du chef de l’Etat a été introduit dans la
Constitution de la République d’Arménie en 2005. Désormais le président de la République ne
peut etre poursuivi ou tenu responsable des actes découlant de son statut pendant et après son
mandat, il peut etre poursuivi pour des actions non liées à son statut apres l’expiration de son
mandat. Par conséquent, il résulte du texte constitutionnel que l'immunité du Président n'est pas
absolue, mais limitée aux actions découlant de son statut. Après l'expiration de la durée du son
mandat le président peut être rendu responsable pour les actions qui vont au-delà de ses pouvoirs
constitutionnels.
Notons que la Constitution d’Ouzbékistan du 1992 donne un exemple topique. Le chef de
l’Etat bénéficie le régime d’immunité totale (absolue) parce que l’article 91, alinéa 2 précise que
le Président jouit l’immunité, mais il n’existe aucune limite à cette immunité par ce que la
constitution ne prévoit pas la procédure de destitution du président. C’est-a-dire que le président
ne peut pas perdre le privilège de l’immunité qu’à l'expiration de son mandat. Ces omissions
constitutionnelles sont peu compatibles avec les exigences de l’Etat de droit et, notamment, le
principe de séparation du pouvoirs.
Les législations des pays de la CEI fixent rarement tous les éléments relatifs à l’immunité
du chef de l’Etat. Par exemple, la Loi de la République de Kirghizistan «Sur les garanties de
l'activité du Président de la République de Kirghizistan» du 18 Juillet 2003 modifiée en 2005
définit l'immunité présidentielle, en retenant les éléments suivants: 1) aucune personne, aucun
organisme public n'a pas le droit de prendre des mesures qui portent atteinte à l'immunité du
président de la République kirghize; 2) Le Président de la République kirghize ne doit pas être
soumis à la responsabilité civile et pénale pour les actes ou omissions commis pendant la durée
de son mandat, ainsi qu’il ne peut pas etre détenu, arrêté, soumettre à une fouille (a corps et a
domicile), à un interrogatoire.
En outre, les dispositions relatives à l'immunité du Président du Kirghizistan
conformément à l'art. 3, alinéa 4 de la Loi s'appliquent également aux membres de sa famille.
Une telle immunité semble dépourvue de tout fondement car les membres de la famille du
président, ne possedent aucun statut juridique qui justifierait une protection juridique spéciale.
13
Notons que la formule «Le chef de l’Etat est inviolable» est le plus souvent trouvé dans les constitutions des
monarchies comme une caractéristique de la statut juridique du monarque (par exemple, art. 4 de la Constitution du
Grand-Duché de Luxembourg de 1868, art. 3 de la Constitution de la Principauté de Monaco de 1962).
6
L’immunité fonctionnelle et l’immunité personnelle ne concernent que les chefs d’Etat
encore en exercice. Les chefs d’État dans les pays de la CEI bénéficient de privilèges de
juridiction et d’immunités pour les actes liés à l’exercice de leurs fonctions pendant la durée de
leur mandat. Les constitutions de la République de Moldavie (art. 81, alinéa 2), d’Ukraine (art.
105, alinéa 1) precisent que le président jouit de l’immunité durant son mandat. En dehors des
fonctions présidentielles, ce privilege perd sa raison d’être.
Plus généralement, sont très discutables les dispositions
concernant le bénéfice de
l'immunité pour l'ex-président, le candidat à la présidentielle et les membre de la famille du
president.
Concernant les anciens chefs d’Etat, leur immunité personnelle n’a plus de raison d’être
puisqu’elle protège le libre exercice de fonctions qu’ils n’assument plus. Par contre, ils peuvent
continuer à se prévaloir de leur immunité fonctionnelle quant aux actes qu’ils ont accomplis dans
l’exercice de leurs fonctions antérieures. Mais la pratique constitutionnelle des certains pays de la
CEI nous donne les exemples étonnants. Par exemple, au Kazakhstan, la Constitution contient
une disposition étendant à l'immunité aux ex-présidents (art. 46, alinéa 3 de la Constitution du
Kazakhstan 1995 modifié en 2007)14.
Cette garantie est précisée dans les lois constitutionnelle «Sur le Président de la
République du Kazakhstan» du 1995 (art. 36), «Sur le Premier Président de la République du
Kazakhstan» adoptée par le Parlément le 27 Juin 2000. Conformément à cette derniere loi, le
Premier Président jouit de l'immunité pendant la durée du mandat du chef de l'Etat comme après
la cessation de l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels. Il ne peut pas être tenu responsable
pour les actions liées à la mise en œuvre de son statut, sauf en cas de trahison. L’inviolabilité du
Premier Président de la République du Kazakhstan s'étend à son lieu de résidence, ses bagages,
ses véhicules personnels et officiels, sa correspondance, ses documents, les moyens de
communication dont il dispose (art. 3). Ainsi, le Kazakhstan fournit une garantie absolue de
l'inviolabilité de l'ancien président, similaire à celle a accordée au président en vigeur.
En Russie a été adoptée la loi fédérale «Sur les garanties du Président de la Fédération de
Russie qui a cessé d'exercer ses pouvoirs, et les garanties pour les membres de sa famille» du 12
Février 2001. L’article 3 de cette loi fixe que le Président de la Fédération de Russie qui a cessé
d'exercer ses pouvoirs jouit de l’immunité. Il ne peut pas être tenu pénalement ou
administrativement responsable pour les actions commises au cours de son mandat, ni détenu,
arrêté, soumis à une fouille, ou à un interrogatoire, si ces actions sont menées dans le cadre d'une
procédure relative à l'exercice de pouvoirs du Président de la Fédération de Russie. La loi prévoit
14
La loi du Turkmenistan «Sur le Président du Turkmenistan» prevoit la garantie d’immunité d’ex-président ainsi
que les membres de sa famille (art. 18).
7
une autre garantie relative à l'immunité : le président qui a cessé d'exercice ses pouvoirs, peut
être privé de l'immunité dans le cas d'introduction de l’action pénale pour perpétration d’un
crime grave, c'est à dire il peut être poursuivi après qu’aient été surmontées les «barrières» fixées
par la loi. Nous sommes d'accord avec le professeur russe Kutafin O.E. pour considérer que les
droits du Président de la Fédération de Russie en vigeur (y compris l'immunité – T.M.) ne
peuvent pas être inférieurs aux droits de l'ancien président15. Evidemment l’Etat ne peut pas
accorder une immunité plus étendue à un ancien chef d’Etat. Toutefois, on peut contourner
cette impossibilité en accordant à ex-Président une protection particulière quant à des crimes
commis pendant la durée de son mandat. Il faut limiter les prérogatives des ex-présidents. Dans
ces hypothèses la question fondamentale est de savoir si ces immunités ne débouchent pas sur
une véritable impunité.
Au surplus, la loi fédérale «Sur les élections du Président de la Fédération de Russie»
prevoit que le candidat à la présidentielle jouit de l’immunité partielle. Notamment, un candidat
ne peut pas faire l'objet d'une sanction administrative par le tribunal, sans le consentement
préalable du procureur général de la Fédération de Russie ; il peut être poursuivi dans une affaire
pénale seulement sur la décision du Président de la Comité d'enquête de la Fédération de Russie.
En règle générale, l’existence du droit à une protection pénale spéciale contre les
atteintes à l’honneur et dignité ressort du statut juridique du chef de l’Etat, notamment de
l’immunité presidentielle. Les dispositions relatives à la protection de l'honneur et de la dignité
du président qui sont fixées par la loi16, se trouvent dans certaines constitutions des pays de la
CEI (par exemple, art. 106 de la Constitution de l'Azerbaïdjan, art. 79 de la Constitution de la
République de Bélarus, art. 46 de la Constitution du Kazakhstan, art. 49 de la Constitution du
Kirghizistan, etc.). En outre, au Kazakhstan le respect de l'honneur et de la dignité s'applique
également aux ex-Présidents de la République (art. 46 de la Constitution du Kazakhstan). Cette
garantie a, en théorie, pour but d’assurer le libre exercice des fonctions officielles de chef d’Etat
et non de le protéger contre la critique. Mais la démarcation entre ces deux exigences est difficile
et des abus sont toujours possibles.
III – La responsabilité du chef de l’Etat dans les pays de la CEI et la séparation des
pouvoirs judiciaire et exécutif
Le président de la République est politiquement irresponsable parce que il n’existe
aucune procedure constitutionnelle pour engager sa responsabilité politique en le contraignant à
15
Kutaphin O. E. L’immunité en droit constitutionnel de la Fédération de la Russie. – Moscou, 2004, p. 273.
16
Code pénal du Bélarus du 1999 a fixé premièrement les compositions des délits suivantes : la diffamation à l'égard
du Président du Bélarus (art. 367) et l’insulte du Président de la République du Bélarus (art. 368).
8
la démission. Le principe d’irresponsabilité politique du chef de l'Etat est en rapport avec la
nature des fonctions et des pouvoirs présidentiels, ainsi que à la présence d'un gouvernement
responsable devant le Parlement. Si «en théorie» le Président est irresponsable politiquement, il
faut cependant se demander si en pratique, il ne devrait pas etre responsable devant le peuple?17
En réalité, le peuple peut exprimer sa confiance ou sa défiance au chef de l'État de
plusieurs façons : par un référendum, initié par le chef de l’Etat, ou par la reélection du
Président. Par exemple, en Biélorussie le Président a initié trois fois (en 1995, 1996, 2004) un
référendum, et dans tous les cas, les questions proposées par le chef de l'Etat biélorusse ont été
approuvées par la majorité absolue des citoyens ayant le droit de vote. Ainsi, le principe de
l'absence de responsabilité politique du chef de l'Etat, est compensé par une responsabilité
politique réelle devant le peuple. A cet égard, il convient de tenir compte la disposition de la loi
«Sur le Président de la République du Bélarus» du 1995, qui prévoit que «le Président est
responsable devant le peuple de la République du Bélarus pour l'exercice de ses fonctions» (art.
2, alinéa 2)18. Mais la loi ne précise pas le mecanisme de réalisation cette responsabilité, les
conséquences directes tirée de votes populaires exprimant une forme de défiance à l’égard du
chef de l’Etat ne sont pas explicitées.
La responsabilité juridique du président et les conditions de sa mise en jeu sont prévues
par les constitutions des pays de la CEI. Elles précisent que le président peut etre destitué
seulement au cas de perpétration de crimes (haute trahison, crimes graves, crimes) ou de
violation de Constitution ou de violation de son serment.
La plupart des constitutions des pays ex-soviétiques n’utilisent pas la formule selon
laquelle le président est résponsable des actes accomplis dans l’exercice de sa fonction, elles
sont muettes à ce propos. Seules la Constitution d’Arménie19 et celle du Kasakhstan20 lient la
responsabilité du président à l’exercice des ses fonctions. La Constitution de Moldavie prévoit
que le du président ne peut pas etre rendu juridiquement responsable des opinions exprimées
dans l’exercice de son mandat (art. 81, alinéa 2). Mais ni la législation de Moldavie, ni la
doctrine n’explicitent la notion d’ opinions exprimée. On peut imaginer que cette formule est
seulement liée stricto sensu au discours et n’inclut pas tous les actes accomplis dans l’exercice
17
Ardant Ph., Mathieu B. Institutions politiques et droit constitutionnelle, LGDG, 2012, p. 484.
18
Les constitutions des pays de la CEI ne fixent pas le lien entre un vote populaire de défiance envers le chef de
l’Etat à travers les élections législatives ou le référendum et le retrait de celui-ci.
19
Le président de la République ne peut etre poursuivi ou tenu responsable des actes découlant de son statut pendant
et apres son mandat (art. 56.1, alinéa 2).
20
Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de
haute trahison (art. 47, alinéa 2). Cette formule a été fixé dans l’article 68 de la Constitution francaise jusqu’a la
révision constitutionnelle du 2007.
9
de sa fonction. Notons, que selon la Constitution de Moldavie le député ne peut pas etre
poursuivi ou rendu responsable juridiquement des votes ni des opinions exprimées dans
l’exercice de son mandat (art. 71). C’est-a-dire qu’en Moldavie l’immunité du chef de l’Etat est
identique à celle des députés.
De manière générale, les formules des textes constitutionnels des pays de la CEI donnent
une large immunité en faveur du chef de l'Etat. Ils fixent de-jure la responsabilité juridique pour
faits de crimes mais de-facto un principe d'irresponsabilité (politique et pénale) du chef de l’Etat.
Notons que dans les pays de l'Europe occidentale le mouvement est celui de la limitation
des immunités du Président. Par exemple, en France le statut pénal du Président a été modifié par
la loi constitutionnelle du 23 février 2007. En effet, le nouvel article 67 contient les deux formes
classiques de l'immunité, qui sont transposées des immunités parlementaires. D'une part, il
reconnaît une irresponsabilité pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions, cette
irresponsabilité n'étant pas seulement fonctionnelle car elle dure après la perte du mandat
présidentiel ; le critère déterminant réside ici dans la question de savoir si les actes ou actions
commises se trouvent dans le périmètre de l'exercice de ses fonctions. L'article prévoit,
cependant, la double exception de l'article 53-2 (v. supra) et de l'article 68 (modifié) qui prévoit
une responsabilité politique exceptionnelle. D'autre part, l'article 67 consacre une inviolabilité
pour les actes accomplis par le Président en dehors de l'exercice de ses fonctions. Une telle
inviolabilité est temporaire et s'achève avec la fin des fonctions présidentielles, ce mécanisme
étant rendu possible par la suspension du délai de prescription ou de forclusion. Selon l'article 67
alinéa 3, le Président peut alors faire l'objet d'instances et de procédures judiciaires «à
l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions»21. Par ailleurs, la
jurisprudence de la Cour de cassation française limite le champ de cette immunité qui ne s’étend
pas aux membres de son cabinet. De même la question de la régularité de la saisie par la justice
des agendas d’un ancien président de la République concernant la période d’exercice de ses
fonctions, reste en suspend.
La destitution du chef de l’Etat relève de la responsabilité constitutionnelle mais ne
constitue pas une peine destinée à réprimer une infraction pénale. En ce qui concerne la
destitution du Président, il n’est s’agit pas seulement d’un mécanisme de mise en jeu de sa
résponsabilé juridique, mais aussi d’un élément important de système de freins et contrepoids du
système de la séparation des pouvoirs. Dans la plupart pays de la CEI la destitution fait intervenir
le Parlement, et sur ce point les pays ex-soviétiques ne se distinguent pas des autres pays.
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Beaud O. La résponsabilité pénale du chef de l’Etat et des membres de Gouvernement // La Constitution en 20
question : question n14 // http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/laconstitution-de-1958-en-20-questions/la-constitution-en-20-questions-question-n-14.17361.html
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Dans presque tous les pays de la CEI, sauf en Ouzbékistan où la Constitution ne prévoit
pas la procedure de la destitution, l’initiative de la destitution appartienent au pouvoir législatif.
Les conditions d’engagement de la procedure sont les suivantes :
-
en Armenie, la resolution de mise en accusation doit etre adoptée a la majorité des
députés ;
-
en Biélorussie, la demande doit etre présentée par un tiers au moins des députés de
Chambre de représentants (la chambre basse du Parlement biélorusse) ;
-
en Kazakhstan, la demande doit etre présentée par un tiers au moins des députés de
Majilis (la chambre basse du Parlement kazakh) ;
-
en Kirgizstan, Tadjikistan, Turkmenistan, la demande doit etre présentée par un tiers
au moins des députés du Parlement ;
-
en Moldavie, le Parlement peut décider de mettre en accusation le Président de la
République par un vote de deux tiers au moins du nombre des députés;
-
en Russie, la demande doit etre présentée par un tiers au moins des députés du Duma
d’Etat (la chambre basse du Parlement russe) ;
-
en Ukraine, c’est un vote du Rada suprême à la majorité simple qui déclenche la
procédure d’impeachement ;
-
en Azerbaïdjan, c’est la Cour constitutionnelle qui engage la procédure sur le rapport
de la Cour suprême. Ainsi, la proposition de la mise en accusation du président de l'Azerbaïdjan,
qui est le garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire conformement à l'art. 8 de la
Constitution, appartient à l’organe que le président contribue à former (tous les juges de la Cour
constitutionnelle sont nommés par le Parlement sur proposition du Président22). Il semble que
cette construction constitutionnelle ne corresponde pas au principe de séparation du pouvoir, et
rende de ce fait l’engagement de la procedure de demission du chef de l’Etat pratiquement
impossible..
La procédure de destitution du chef de l’Etat dans la plupart des pays ex-soviétiques,
inspirée du modèle américain (Impeachment), est assez compliquée. Les organes compétents
pour apprécier la résponsabilité de chef de l’Etat dans les pays de la CEI sont le Parlement
(Azerbaïdjan, Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Russie, Kirgizstan, Tadjikistan, Ukraine), la
Cour suprême de justice (Moldavie). Le Président peut être démis de ses fonctions sur la base du
vote d'un référendum national (Turkménistan). La résolution de destitution du chef de l’Etat est
prise par le parlement par un vote à la majorité qualifiée : 3/4 - en Azerbaïdjan, Kazakhstan,
l'Ukraine, les 2/3 - en Arménie, Biélorussie, Russie, Moldavie, Kirgizstan.
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Constitution d’Azerbaïdjan (art. 130, alinéa 2).
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En ce qui conserne le rôle du pouvoir judiciaire dans la procedure de la destitution,
notons que les certaines constitutions des pays de la CEI font intervenir dans cette procedure la
Cour Constitutionnelle et (ou) la Cour suprême. Dans la plupart des cas, les organes du pouvoir
judiciaire donnent seulement leur avis sur la destitution, sur saisine du parlement mais ne
décident pas (Armenie, Kazakhstan, Russie, Ukraine, Tadjikistan). Notamment, la décision de
destituer le président de l’Ukraine par la procedure d’empechement est adoptée par la Rada
Supreme après examen du cas par la Cour constitutionnelle, qui statue sur la conformité a la
Constitution de la procedure d’enquete et réception de l’avis de la Cour supreme sur le fait que
les actes dont le président de l’Ukraine est accusé contiennent des éléménts de haute trahison ou
d’autres crimes23.
Le statut du chef de l’Etat pendant la procedure n’est pas prévu par les constitutions des
pays ex-soviétiques. Elles ne contiennent pas de dispositions prévoyant la suspension provisoire
d’exercice des fonctions. Ce silence doit etre interprété comme interdisant la suspension des
fonctions pendant la durée de la procedure.
Les constitutions des pays de la CEI fixent précisémentl les différents délais pour une
décision de destitution du chef de l'Etat: deux mois (Azerbaïdjan, Kazakhstan), trois mois
(Russie, Kirghizistan). Si, dans ce délai, la décision de destitution n’est pas adoptée, elle est
réputée rejetée. Notons que dans les certains pays (Arménie) ce délai n'est pas fixé, cela permet
de supposer que la durée de ce processus est illimitée.
Les législations des pays de la CEI ne traitent pas de la question de savoir s’il est possible
d’accuser le Président pour les mêmes motifs, si le délai fixé pour la décision est forclos ou le
vote des Chambres du Parlement n’a pas été obtenu.
Dans certains pays de la CEI la constitution prévoit la cessation anticipée des pouvoirs
des députés qui ont initié la procedure de destitution du président si l’accusation du president est
rejetée et ce à n’importe quel stade de la procédure (Kazakhstan). Ce qui n’incite pas à la mise
en œuvre de cette procédure.
Nous pouvons relever que les constitutions des pays de la CEI ne prévoient pas d’autres
types de sanctions que la destitution. Pourtant les lois relatives aux élections dans certains pays
posent l’interdiction de candidater pour les ex-présidents destitués (Russie).
S’agissant des hypothèses de destitution, par exemple, en Russie le Président peut etre
destitué par le Conseil de la Fédération seulement sur la base d’une mise en accusation pour
trahison ou crime grave par la Duma d’Etat (la chambre basse du Parlement russe). Cependant, la
procédure de destitution (Impeachment) a ses spécificités. Premièrement, les motifs de la
destitution et les délais d’adoption de la décision par les chambres sont strictement définis.
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Constitution de l’Ukraine (art. 111, alinéa 6).
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Selon la Constitution de la Russie, le Président de la Fédération de Russi ne peut être destitué par
le Conseil de la Fédération que sur la base de l'accusation, présentée par la Douma d'Etat, de
haute trahison ou d'une autre crime grave (art. 93, alinéa 1). Deuxièmement, la procédure
nécessite la participation de deux chambres du Parlement ; le mode de décision est
compliqué : dans l’une comme dans l’autre chambre le vote n’est acquis pas qu’à la majorité de
deux tiers de membres de l’assemblée. La décision de la Douma d'Etat sur la mise en accusation
et la décision du Conseil de la Fédération sur la destitution du Président doivent être prises par
les deux tiers des voix de l'ensemble des membres dans chacune des chambres, à l'initiative d'au
moins un tiers des députés à la Douma d'Etat et après conclusions d'une commission spéciale
formée par la Douma d'Etat.
Les deux autorités judiciaires suprêmes (la Cour suprême et la Cour constitutionnelle)
sont impliquées dans cette procédure. La Cour suprême donne son avis sur l'existence des
critères tenant à la commission de crimes et la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie
donne son avis sur le respect de la procédure fixée pour la mise en accusation.
La décision du Conseil de la Fédération sur la destitution du Président de la Fédération de
Russie doit être prise au plus tard trois mois après la mise en accusation du Président par la
Douma d'Etat. Si, dans ce délai, il n'est pas adopté de décision par le Conseil de la Fédération,
l'accusation contre le Président est considérée comme rejetée (Constitution de la Russie, art. 93,
alinéa 3).
A la fin du XX siècle il y a eu quelques tentatives de destitution de Présidents des
anciens pays soviétiques. La tentative de l’écartement du pouvoir du Président a eu lieu en
Russie deux fois. En 1995, la proposition de la mise en place de la commission spéciale à la
suite des événements de Boudennovsk24 pendant les hostilités en République Tchétchene n’a
pas recueilli les 226 voix requises à la Douma. Ceci a mis un terme à la procédure de
destitution. En 1999 la procédure de destitution a été engagée à l’égard du president Eltsine sur
l’initiative des partis de « gauche ». Mais cette procédure n’est pas parvenue à son terme. La
commission organisée par le Douma d’Etat (chambre basse du Parlement) a élaboré le projet
d’un acte de mise en accusation présenté en vertu de six articles du Code pénal de la Fédération
de Russie (haute trahison, prise violente du pouvoir, afaiblissement de la défence et sécurité etc).
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Le 14 juin 1995 un groupe de terroristes au nombre de 195 personnes, dirigés par Chamil Bassaïev, la prise
d'otages de plus de 1600 habitants de Budennovsk. Les terroristes ont fait des demandes aux autorités russes
d’arrêter des opérations militaires en Tchétchénie. A la suite de l'assaut par les forces russes le 17 Juin a été libéré 61
otages. Le 19 juin après des entretiens les terroristes a libérés les autres otages, le gouvernement russe a décidé de
cesser des hostilités en Tchétchénie. L'attentat a tué 129 personnes , 415 ont été blessés .
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Mais aucun des cinq chefs d’accusation retenus n’a recueilli à la Douma d’État les trois cents
voix requises pour la poursuite de la procédure.
Au debut des années 1990 le Président d’Azerbaïdjan Elchibey a été destitué par la voie
de référendum à l’initiative du Parlement (alors que la Constitution d’Azerbaïdjan ne prévoit pas
le référendum comme le moyen de destitution). Durant cette periode et jusqu’à l’adoption la
nouvelle Constitution d’Azerbaïdjan, en 1995, on a été en vigeur deux actes – la Constitution
d’Azerbaïdjan
1978
et
la
Loi
constitutionnelle
de
la
République
d’Azerbaïdjan
«Sur la restauration de l'indépendance de l’Etat de la République d’Azerbaïdjan» du 18 octobre
1991. La Loi constitutionnelle a prévu que le pouvoir souverain dans la République
d’Azerbaïdjan appartient au peuple d’Azerbaïdjan ; le peuple d’Azerbaïdjan exercice du pouvoir
souverain par referendum directement et par ses représentants au parlement (art. 10, alinéa 1, 2).
Elle a proclamé que le pouvoir d’Etat en Azerbaïdjan est basé sur le principe de la séparation des
pouvoirs (art. 13). En outre, les dispositions de la Constitution de la République d'Azerbaïdjan de
1978 ne sont valables que dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions de la
Loi constitutionnelle (art. 4). La combinaison de ces dispositions legislatives a donné le
fondement pour la destitution du président d’Azerbaïdjan.
La Biélorussie a aussi connu cette expérience. Pendant les années 1994-1996, la
Biélorussie était confrontée à une transformation politique et économique. Apres l’adoption de la
Constitution de 1994, les relations enrte le Président et le Conseil Supreme étaient difficiles. En
1996 le Président du Bélarus a proposé pour faire face à une situation compliquée l’adoptation
d’une nouvelle rédaction de la Constitution par réferendum. Dans ces conditions en 1996 les
députés du Conseil suprême ont initié la destitution du président Loukachenko. Selon la
Constitution du Bélarus du 1994 le Président peut être destitué en cas de violation de la
Constitution ou de la pérpetration d'un crime, sur la base d’une décision du Conseil suprême, par
un vote d’une majorité d'au moins les deux tiers des députés.. La destitution du Président peut
être engagée sur la proposition d'au moins 70 députés du Conseil suprême. La Cour
constitutionnelle doit donner son avis sur le fait de violation de la Constitution par le Président
(art. 104).
Le 19 novembre 1996 les 70 députés du Conseil suprême ont initié la destitution du
Président et se sont adressés à la Cour constitutionnelle pour obtenir son avis sur le respect de la
condition tenant à la violation de la Constitution par le Président du Bélarus. Le 19 novembre
1996 la Cour constitutionnelle a intenté une procédure «Sur la violation de la Constitution par le
Président du Bélarus». Dans la période du 19 au 26 novembre 1996, 12 députés du Conseil
suprême ont retiré leur signatures. La Cour constitutionnelle a rendu sa décision le 26 novembre
1996. Elle a souligné que la Constitution n’interdit pas aux députés de retirer leur signature
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jusqu’à l’examen d’affaire. La Cour constitutionnelle a donc décidé de mettre fin à la procedure
en raison de l’absence de partie compétente à l’instance25. Ainsi, en 1996 la destitution du
président M. Loukachenko a été initiée mais la procédure a été abandonnée.
Il est à noter qu’en février 2014 la Rada suprême en Ukraine a adopté une décision ayant
pour objet d’écarter du pouvoir le président Yanoukovich. Notons, que la Constitution en
vigueur ne prévoit pas cette possibilité. Selon l’article 108 le Président cesse ses fonctions dans
les cas suivantes: la démission ; l’incapacité d’exercer ses fonctions pour raisons de santé ; la
destitution par la procedure de l’impeachment ; la mort.
Conformément à l’article 111 de la Constitution de l’Ukraine le Président de l’Ukraine
peut être destitué par la Rada suprême (le Parlement ukrainien) par la voie de l’impeachment en
cas de haute trahison ou du crime. L’iniative de la question de la destitution du Président
appartient à la majorité simple de la Rada suprême. Pour conduire l’enquête, la Rada suprême
établit une commission speciale d’enquête temporaire dont la composition comprend un
procureur spécial et des enquêteures spécieux. Les conclusions et les propositions commission
speciale d’enquête sont examinées par une séance de la Rada suprême. Dans ce cas, la Rada
suprême prend la décision de mettre en accusation le Président à la majorité des deux tiers au
moins de ses membres. La décision de destituer le Président est adoptée par la Rada suprême à la
majorité de trois quarts au moins de ses membres, apres l’examen du cas par la Cour
Constitutionnelle, qui statue sur la conformité à la Constitution de la procedure d’enquête et la
réception de l’avis de la Cour suprême sur le fait que les actes dont le Président de l’Ukraine est
accusé relèvent de la haute trahison ou sont susceptibles de constituer d’autres crimes.
Le 22 février 2014 la Rada suprême a pris inconstitutionnellement la décision d’écarter
du pouvoir le président Yanoukovich. En realité il s’agit d’un coup d’Etat. La procédure
constitutionnelle de l’impeachement n’a pas été mise en oeuvre ce qui constitue une violation de
la Constitution. Le doute qui pèse sur la légitimité de cette procédure a pour conséquence de
mettre en cause la légitimité d’un agent d’Etat qui a pris la fonction du Président de l’Ukraine
(Président du Rada suprême). Cette situation pose des questions concernant la réalisation de la
suprématie du droit dans l’Etat moderne ainsi que l’efficacité de la Constitution dans des
situations de graves crises politiques.
Conclusions
L’analyse des normes qui régissent le statut juridique du Président dans les pays de la
CEI témoigne du fait que l es dispositions constitutionnelles donnent au Chef de l’Etat une
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La décision
№ Р-45/96 de la Cour Constitutionnelle du Bélarus du 26 novembre 1996
//
http://kc.gov.by/main.aspx?guid=11433
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grande liberté pour exercer ses fonctions. La fonction du chef de l’Etat doit etre protegée de
manière strictement proportionnée aus exigenes de celle-ci.
L’analyse du contenu, des limites et de la durée de cette protection dans les pays de la
CEI témoigne de son élargissement, de sa transition de la défense à des poursuites pénales pour
la protection judiciaire générale. La protection doit etre efficace et équivalente aux capacités des
pouvoirs présidentiels. Reste une question ouverte sur l’indépendance de la justice par rapport
au pouvoir exécutif. Les constitutions protègent le pouvoir exécutif (premierement le président)
contre les risques d’intervention de l’autorité judiciaire.
La question de l’immunité des chefs d’Etat est une notion qui a rythmé les évolutions
dans certaines pays occidentaux (par exemple, en France) a la fin du vingtième siècle et jusqu’à
aujourd’hui. Elle reste donc finalement assez complexe et plus ou moins floue. Les
constitutions des pays de la CEI ne clarifient pas la procedure de destittuion.
Au regard du développement de la responsabilité du chef de l’Etat les pays de la CEI
nous estimons que les évolutions en perspective devront conduire à de limiter des immunités du
Président pour de se conformer aux nouvelles réalités politiques et sociales sociales et aux
éxigences actuelles, relatives aux pouvoirs publics.
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