Adieu, amis - Dobermann club de France
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Adieu, amis - Dobermann club de France
Adieu, amis Au moment où je quitte mes fonctions, il est non seulement normal, mais honnête que je fasse le bilan de mes 35 années d’activité au sein du Dobermann Club de France. Et que je m’en acquitte lucidement, sans autosatisfaction déplacée, sans cacher les échecs, mais sans mortification excessive non plus. Petit éleveur, fou de Dobermann, je me suis d’abord consacré – en voyageant beaucoup, en comparant pedigrees, lignées et résultats d’expos, en lisant énormément – à la recherche du type de Dob que j’idéalisais. Et c’est ainsi que j’ai acquis Bagheera vom Zenn que je suis allé dénicher dans un petit élevage alors inconnu, près de Nuremberg. Des 6 chiots de sa portée, 4 sont devenus multi champions : Bronco et Benn en Allemagne, Bella en Italie, Bagheera en France. Et j’ai appris à faire travailler mes chiens, car j’avais au départ autant besoin qu’eux des remontrances des spécialistes de l’Utilisation ! Rapidement je suis devenu Délégué de Paris où, avec les autres Délégués d’Ile de France, en particulier Jean Imbert, nous avons réalisé une très belle promotion de la Race, multiplié les manifestations, entretenu l’amitié avec des soirées joyeusement animées et porté le nombre de nos adhérents régionaux à près de 700. Coopté au sein du Comité, puis constamment réélu, j’y ai mené une politique active, en particulier : - à la mort inattendue de René Géant qui éditait avec constance un bulletin de liaison en petit format, j’ai proposé la création d’une Revue, entreprise qu’a aidée Chien 2000 en nous donnant accès à son imprimeur et son maquettiste. Cette revue a été saluée à l’époque comme une innovation au niveau des Clubs canins dont beaucoup nous ont ensuite imités. J’en ai assumé la gestion pendant 8 années avec l’aide de ma sœur, solide de son passé universitaire et toujours fidèle à ses devoirs de sœur ainée qu’elle n’a cessé de remplir après le décès prématuré de notre mère. - afin de répondre au souhait du Président Striby qui se lassait de ne pas voir décoller la participation à nos Nationales d’Elevage ( 100 à 200 à Illkirch) j’ai proposé Mauvières. Très grandement aidé par Jean Imbert et une équipe longtemps soudée qui s’y est totalement investie avec Muriel et Pascal Gauthier, Patrick Watrin, Danièle Le Bars, Alain et Dominique Verdier, Jocelyne et Richard Hédé, Frédéric Lefèvre et mon fils auxquels se sont joints plus tard JeanClaude et Annie Berthier, Martine Tallec, Maryse et Roger Nonell… ; j’y ai développé une Nationale d’Elevage dont la fréquentation frisait les 500 chiens. Son lustre a grandement contribué à la promotion de la Race et du Club en France et, surtout, à l’Etranger. Après 25 années de succès, la stabilité financière du Club mise à mal par la chute des adhésions associée à la raréfaction des participants nous ont imposé d’y renoncer. Je pense que l’on peut en toute impartialité qualifier de positive mon activité au sein de notre club jusqu’en 1996. Mais je ne saurais me targuer de la même appréciation favorable pour la période de ma présidence, bien que l’on doive la juger en 2 parties : - la 1ère va jusqu’en 2003 inclus et voit le nombre d’adhérents passer de 2192 à 2325. - ensuite, avec l’interdiction de coupe d’oreilles, le Club entre dans une phase de récession ; son ampleur inattendue s’avère dangereuse pour l’équilibre de nos finances en même temps que propice à des tentatives de création de structures parallèles auxquelles j’ai résisté avec succès. Le nombre de nos adhérents plafonne aujourd’hui à 900 membres : pas de quoi pavoiser ni chercher à trouver excuses et consolation dans la constatation que la plupart des Clubs européens de Dobermann sont soumis au même phénomène dépressif. Cela entraîne une baisse de notre volant financier et nous contraint à resserrer les prestations offertes à nos membres et à concevoir à l’économie nos Nationales d’Elevage trop peu fréquentées sans jamais sacrifier au choix de Juges réputés ni à la qualité des récompenses offertes. Je rappelle que je me suis battu dès 1987 et durant les 18 années qui ont suivi contre l’interdiction de coupe d’oreilles en effectuant d’innombrables démarches à tous les niveaux, en participant à des manifestations, en rédigeant de nombreux articles malgré les sondages qui révèlent que 97% de nos concitoyens sont opposés à cette otectomie. Même si je ne suis dans les discussions sur ce problème qu’un grain de sable, je considère comme un échec le refus qui a été opposé par les Pouvoirs Publics et les autorités cynophiles à mes demandes réitérées de renoncer à cette décision ou, du moins, à l’assouplir. Mais la froide réalité législative est incontournable et j’ai compris depuis 2 ans que la ratification de la mesure par 15 Pays d’Europe et leurs Parlements rendait illusoire tout retour en arrière. C’est pourquoi, après que notre forum eût été largement ouvert à toutes les contestations, il a été décidé de consacrer notre énergie à la réhabilitation du « nouveau Dobermann » au lieu de nous éparpiller dans une contestation désormais sans issue. Est-ce à dire qu’au vu de ces éléments péjoratifs je doive passer sous silence ce qui a été réalisé sous ma mandature et qui n’a pas, heureusement, qu’un aspect négatif ? Assurément non. Sur mes propositions le Comité a pris un grand nombre de décisions dont la portée me semble avoir été sous-estimée : Alors que les dirigeants du Club étaient enclins à considérer que le Dobermann n’avait en France que vocation à la Beauté, j’ai réhabilité l’Utilisation, pas seulement en le proclamant, mais : - en organisant les Grands Prix de Travail et des Stages d’entrainement, - en assumant les frais des rares Eleveurs dont les chiens pouvaient figurer dans les grandes compétitions de Travail à l’Etranger. - en réformant avec Richard Hédé les Tests de Caractère (T.A.N., T.A.T., T.C.) et en codifiant leur contenu ainsi que les règles de leur utilisation pour l’obtention des Titres. 1 - en affichant à la Nationale d’Elevage une Classe spéciale Championnat Club dont sont issus les chiens de la Cl.Tr. à la N.E. et les meilleurs des Classes Travail des Régionales. - en créant justement cette structure « Championnat Club » admise par la SCC (sans que puisse lui être accordée une reconnaissance officielle), classe qui met en valeur les sujets associant les qualités de Beauté et de Caractère. La perte de Prestige en Beauté du Dob otectomisé donne à cette politique tout son sens. A la place du flou dans lequel baignait notre cadre sélectif, a été enregistrée auprès de la SCC une Grille de Sélection qui récompense les Eleveurs et leurs chiens méritants et offre aux acheteurs une visibilité plus grande des qualités de l’Elevage. A cette grille, Franz Béjottes et moi avons récemment proposé au Comité puis présenté à la SCC des adjonctions qui offrent au chien de Travail la possibilité d’accéder plus facilement aux Titres officiellement reconnus (…nouveau clin d’œil aux Utilisateurs…) A été codifié et récompensé le Titre de Lauréat dont les conditions d’obtention sont désormais bien encadrées. Avec Claude Callejon, nous avons régulé minutieusement le planning des Spéciales et des Régionales afin qu’elles ne soient plus exercées dans la même région et la même année par le même juge (il nous devient quasiment impossible de désigner nos juges de Spéciales tant l’effectif de nos Exposants s’est réduit). Une nouvelle répartition géographique des Délégations s’est imposée : elles collent désormais aux Régions administratives, ce qui est logique et favorise les contacts réglementaires. Est exigée dorénavant pour la plupart des Titres la possession de l’Identification Génétique, ce qui est une avancée considérable qui permettra un jour de constituer une banque de données de filiation inattaquable. Facilité par la modernisation informatique de la SCC, est réalisé actuellement avec Olivier Bazot un Livre des naissances précis qui sera publié sur notre Site. Avec Jacqueline Lebold nous avons installé un Site Internet dont le Club devait impérativement se doter. Il a été repris et enrichi par Frédéric Lhonoré qui continue de le tenir avec courage malgré d’inévitables critiques et pour lequel il ne ménage pas son temps. Virginie Piquerel en a réalisé récemment avec lui une très heureuse refonte et donné une impulsion nouvelle à la communication. Le forum, lieu d’échanges dont la création m’avait initialement séduit, a du être fermé afin qu’il ne paraisse pas officialiser des prises de position individuelles et cesse d’offrir un plateau d’invectives sous couverture d’anonymat. J’ai institué un examen probatoire aux fonctions de juge auquel je regrette que les juges de groupe désignés directement par la SCC puissent se soustraire. Le Club a formé pour la 1ère fois depuis 12 ans une juge stagiaire qui vient d’être nommée par la SCC. J’ai rédigé une feuille de jugement détaillée pour les Régionales et la Nationale d’Elevage. J’ai remplacé les votes à main levée par des votes systématiques à bulletins secrets. J’ai, hélas, mis un terme à l’illusion entretenue par Robert Martin qui nous laissait supposer que le Site d’Illkirch et son chalet appartenaient au DCF alors qu’il appartient à la Commune, laquelle en a donné la jouissance à un Club d’Utilisation local dont Robert Martin était le Président et dont l’actuelle Direction ne nous considère plus comme les bienvenus. Le DCF a accepté en 2001 la responsabilité de l’organisation du Congrès annuel de l’IDC et y a apporté non seulement tout son cœur mais aussi de multiples innovations qui ont été reprises depuis lors par de nombreux Clubs étrangers. La généreuse et infatigable équipe de Mauvières a effectué sur le terrain un travail remarquable. Malgré le gros déficit du Congrès IDC de 2001et les bilans négatifs de 2005 et 2006, nous n’avons pas touché aux réserves et réussi à avoir un bilan 2007 excédentaire. Après ce bilan non exhaustif est venu le moment de s’interroger sur mon comportement en tant que Président. o Lucidité et impartialité (sans jamais tomber dans le copinage), défense de la Race et du Club en impératif premier, et disponibilité totale. o J’y ajouterai la défense des adhérents avec un léger bémol : à condition que leur cause soit foncièrement juste ; par exemple, comment peut-on donner raison à celui qui, après avoir vendu un chiot monorchide, s’acharne à ne pas remplir ses obligations vis-à-vis de l’acheteur ? o Par contre, j’ai défendu sans jamais hésiter des Eleveurs réputés agressifs à mon encontre au sujet desquels la Centrale avait reçu des plaintes que je considérais soit dépourvues de preuve véritable soit vénielles… et ils n’en ont jamais rien su. o Je n’ai pas ménagé ma peine pour aider individuellement ceux qui étaient empêtrés dans leurs démarches admnistratives et pas une semaine ne s’est écoulée sans que je profite de ma proximité géographique avec la SCC pour y aller régler les problèmes des uns ou des autres. o Je me suis par ailleurs toujours rendu disponible pour effectuer des confirmations à mon domicile lorsque des impératifs le justifiaient. o J’ai exigé une observance stricte des règlements, y compris de la part de mes proches ou d’adhérents chargés de responsabilités : de quel droit réclamerait-on à autrui ce que l’on n’a pas su s’imposer à soi-même ? Ce que certains qualifient d’autoritarisme n’est que fermeté dans le respect de nos règles. o A aucun moment, quels que fussent leurs manquements vis-à-vis de moi, je n’ai accepté de faire traduire devant les diverses juridictions leurs auteurs. o Je n’ai jamais manqué d’assister à toutes les manifestations organisées par le Club ainsi qu’aux réunions officielles auxquelles j’étais convié afin d’y affirmer la présence du Dobermann Club de France. o Je reste juge international de la SCC, mais je me suis abstenu de paraître dans la liste des spéciales et régionales 2008 par égard pour le prochain Comité. o Auprès des Pouvoirs Publics, je me suis depuis longtemps ménagé des accès.Ils ne m’ont pas permis d’éviter la non-coupe d’oreilles, mais m’ont aidé - face aux problèmes suscités par les morsures - à maintenir le Dobermann hors catégorie , même si l’amendement tout à fait inattendu 2 inspiré par les Sénateurs vétérinaires sur le poids (35 kgs) des chiens appelés à subir un contrôle de comportement risque de nous nuire encore ; mais il semble rejeté par l’Assemblée. o J’ai fait respecter le DCF et la France au sein d’une IDC qui voulait nous traiter comme des Membres de seconde zone. Récemment j’ai su saisir l’opportunité offerte par M.Wiblishauser qui acceptait à nouveau que les juges allemands viennent officier en France pour obtenir de l’IDC l’assurance que la France cynophile serait traitée sur un pied d’égalité et de juste considération dans tous les domaines avec les autres Pays et nous allons réintégrer l’IDC à dater du 1er janvier. Mais j’invite mes successeurs à ne pas se « coucher » comme ils pourraient en avoir la tentation (et comme des délégués ont déjà commencé à le faire avant de nous consulter ) devant certains Présidents sous prétexte que la présence de ceux-ci dans la plupart des jurys internationaux vaut bien que l’on accepte leurs caprices pour peu que l’on soit bien jugés. La question : pourquoi n’ai-je pas voulu me présenter à nouveau à vos suffrages ? La réponse est simple : parce qu’il serait pour moi indécent qu’un octogénaire brigue un nouveau mandat de 6 ans. Mais je dois vous avouer que si cet obstacle, à mes yeux rédhibitoire, n’existait pas, je ne me serais quand même pas représenté. Pourquoi ? On pouvait espérer que cette situation de perte de prestige de la race handicapée par son nouveau look allait engendrer un magnifique élan de solidarité qui nous verrait nous resserrer autour de notre Dob. Il n’en a rien été. Cela a engendré beaucoup de déceptions, d’insatisfactions. Nombreux sont les Eleveurs qui ont abandonné une race en difficulté qu’ils affirmaient autrefois être leur seule passion. L’atmosphère au sein du Club est devenue morose, souvent polluée par la volonté nihiliste et destructrice de quelques-uns et les ambitions de quelques autres. Il est légitime pour quiconque d’ambitionner la direction du Club ; il l’est moins lorsque l’on cherche à y parvenir en voulant maintenir le Club au plus bas… Les critiques ne manquent jamais et c’est banal ; ce qui serait plus normal c’est qu’elles s’accompagnent de propositions, car, seule la critique constructive est recevable dans un grand Club. J’ai attendu… Certes le DCF a aussi connu des secousses sous la Présidence mémorable et qui restera sûrement inégalée de François Striby, telles dans les années 70 la tentative de « putsch » de l’Ile de France qui s’estimait insuffisamment représentée au sein du Comité ou la présence des huissiers que Mme Manuel amenait aux A.G… Mais tout cela est resté de bonne compagnie si j’ose dire ; il est vrai qu’il n’y avait pas l’Internet et ses débordements sournois. Et puis François Striby s’appuyait sur une équipe dont tous les membres étaient actifs, ce que je n’ai pas pu ou su réaliser, et c’est un reproche que l’on peut m’adresser. En effet, peu à peu des évènements imprévus comme le départ de Mme Polanchet malade et de son Fils si précieux et la « mise en veilleuse » d’Isabelle Mériot prise par d’autres exigences m’ont conduit à assumer une charge extensive, bien au-delà de l’accomplissement rigoureux des obligations normalement inhérentes à la Présidence. Et, face au mauvais recrutement de nouveaux adhérents, nous nous sommes fait un devoir de répondre aux appels chaque jour de 7 à 23 heures et de ne pas prendre de vacances, négligeant famille et amis pour nous retrouver cloitrés dans un univers purement cynophile au détriment de toute vie culturelle. Dès l’instant où j’aurai énoncé à l’A..G. les résultats des élections, je redeviendrai un modeste sociétaire qui ne voudra plus en aucun cas interférer dans la gestion du Club. Je ne présente pas de dauphin. Cependant permettez-moi de dessiner le profil d’un prochain président : intègre, ferme, connaissant bien les rouages du DCF et de la cynophilie, extérieur à tout clan, donc impartial, n’étant pas ou plus compétiteur en expos. Contrairement à François Striby qui ne se sentait jamais suffisamment glorifié, je ne réclame aucune dithyrambe et je récuse d’avance toute velléité du nouveau Comité à me promouvoir Président d’Honneur, ce qui se justifiait pleinement pour lui et son œuvre inoubliable de 33 ans, mais nullement pour moi. Je vais terminer en vous dévoilant mon état d’âme profond. J’ai assumé sans jamais me plaindre et j’ai maintenu l’intégrité du Club. Mais ce harcèlement incroyable auquel j’ai été soumis me pèse aujourd’hui, surtout qu’il est dépourvu de tout enrichissement moral, affectif ou intellectuel. La cynophilie donnait tout son sens à la vie de François Striby qui ne vivait que pour elle. La recherche du meilleur accouplement pour obtenir le plus beau chiot ou les efforts pour décrocher le meilleur pointage sur les terrains aiguisent l’envie et offrent un but à l’Eleveur. La médecine que j’ai pratiquée pendant 49 ans à Aubervilliers, avec le contact quotidien de la souffrance humaine, la lutte contre la maladie et la mort partagée avec le malade, la douleur intime qu’engendrait l’échec mais la joie intense que suscitait la guérison, tout cela avait un sens profond qui éclairait ma vie. Mais, lorsque j’en ai été privé après avoir pris ma retraite il y a quelques années, j’ai peu à peu ressenti la vacuité de mon action de Président d’un Club soudain dépourvu de convivialité et gangrené par de sourdes, parfois sordides et généralement inutiles querelles. J’espère redonner du sel à mon existence en me consacrant, comme je l’ai prévu, à des actions proches de ma formation tant que le Destin voudra bien m’accorder de vivre. Je serais impie si je terminais ces lignes sans dire à Elisa combien sa présence, sa tendresse apaisante, son dévouement au Club et à ses membres, sa disponibilité jamais démentie, sa gentillesse spontanée empreinte de réserve m’ont été précieux et m’ont apporté un constant réconfort. Qu’un bonheur infini illumine vos vies ! Que le Dobermann resplendisse de sa gloire retrouvée ! Avec émotion, mais très sereinement je vous dis Amis, adieu ! Jacques Charrier 3