Comment éviter de backlasher une féministe en soutien aux
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Comment éviter de backlasher une féministe en soutien aux
Comment éviter de backlasher une féministe en soutien aux victimes de violence sexuelle Trop souvent, les féministes en soutien à une victime d’agression sexuelle sont la cible de réactions désagréables et éprouvantes de la part de personnes qui les entourent. À partir de nos expériences cumulées, nous avons décidé d’écrire ce texte qui liste différents conseils aux personnes du milieu dans lequel un backlash peut survenir. Nous espérons que cela pourra contribuer à améliorer le climat dans lequel les femmes ont à dénoncer. Tout d’abord, entendons-nous sur les termes : un backlash est constitué de diverses manifestations de résistance et de lutte contre l’émancipation des femmes. Plus spécifiquement, un backlash post-agression est une vague de réactions (verbales ou physiques) qui a pour conséquence d’attaquer directement ou indirectement les féministes qui accompagnent les victimes en discréditant leurs expériences. Ainsi, le backlash va toucher la victime d’agression mais aussi son réseau de soutien. Bien souvent, la force ou l’ampleur de ce backlash sera directement proportionnel au capital social ou au pouvoir que possède l’agresseur dans son milieu. Voici donc une liste, non exhaustive, de quelques comportements à adopter pour éviter un backlash : 1) Croire la féministe. En général, le processus d’accompagnement des victimes comporte plusieurs Voici un rappel des règles de base du processus d’accompagnement des victimes que nous avons publié dans notre journal de 2009 : 1) Croire la -et souvent les- victimes; 2) Accompagner les victimes dans leur démarche. Toutes initiatives doivent venir d’elles car ce sont elles qui subiront les représailles de l’agresseur. Bref, porter une attention particulière à sa sécurité; 3) Respecter sa décision et surtout ne pas débattre. Si la victime ne veut pas parler, cela ne veut pas dire que nous avons les mains liées. Tout en respectant sa décision, on peut durcir les rapports et les contacts avec l’agresseur, rester vigilentEs vigilant-e-s(car trop souvent une victime en cache une autre) et dénoncer ce que l’on observe ou lorsque nous sommes témoins de comportements inadéquats de la part de l’agresseur. www.lessorcieres.org étapes que la féministe que vous souhaitez critiquer respecte. 2) Ne vous faites pas juges de la situation et faites confiance à la personne en soutien. Arrêtez de poser des questions de précision pour connaître les détails de l’agression. Chercher à savoir où a eu lieu l’agression, qui est la victime, quel est son passé, etc, ne fait que remettre encore une fois en doute la crédibilité de la victime et des personnes qui l’accompagnent. De plus, si une féministe dénonce, c’est qu’elle est en soutien avec la victime et qu’elle respecte sa volonté de dénoncer son agresseur. En posant des questions vous placez la féministe dans un conflit de loyauté avec la victime. Ce qu’elle vous donne comme information représente ce que la victime souhaite que vous sachiez. 3) Un pas de recul n’est pas signe que la féministe ment. Si la victime fait un pas de recul c’est plutôt une démonstration claire que le backlash est insoutenable. Pensez ici à la victimisation secondaire qui crée souvent plus de dommages psychologiques que l’agression en elle-même. Imaginez devoir raconter encore et encore votre agression et ne pas être crue, y’à de quoi devenir dingue. Imaginez que les gens se retournent sur votre passage et que des gens que vous aimez bien cessent de vous parler. Imaginez que les gens se mettent à questionner votre sexualité, vous traitent de salope ou affirment que vous faites cela par vengeance, c’est assez pour vouloir reculer et dire que « ce n’était pas si pire que ça ». Les féministes qui soutiennent des victimes d’agression font aussi face à des comportements similaires de la part de leur milieu. Les effets de ces attitudes ne doivent pas être minimisées : certaines personnes arrêtent de leur parler, d’autres Pixers sticker les pointent du doigt, salissent leur réputation, les accusent de saboter le mouvement ou de ralentir la lutte. On peut donc comprendre pourquoi certaines féministes font un pas de recul afin de se protéger. 4) Les gens qui ont une relation intime et profonde avec les agresseurs, restez vigilant-e-s ! Il est tout à fait humain de vouloir défendre les gens qu’on aime. Si vous avez tendance à minimiser les gestes commis par l’agresseur, à justifier ses comportements ou à les comprendre en lien avec son vécu, c’est clairement un signe ! Il vous sera difficile de participer à la dénonciation de façon adéquate, alors la meilleure façon d’aider la victime, dans ce cas, c’est en vous retirant du débat. 5) Attention aux stratégies de l’agresseur. Peu d’agresseurs se responsabilisent pour la ou les agressions commises. Généralement, l’agresseur cherchera à se défendre en utilisant des stratégies très diversifiées. Peut-être serezPar exemple, si je me fais critiquer vous tenté d’accuser les féministes en adoptant le point par une personne racisée qui me dit de vue de l’agresseur lorsque ce dernier usera de que « mulâtre » vient de mulet et qu’il est mieux de dire métisse, je stratagème pour éviter de se responsabiliser. Mieux vaut peux choisir de me plaindre auprès donc être informé des différentes stratégies connues et de mes ami-e-s en disant : « on m’a rester aux aguets. Par exemple, il tentera peut-être de culpabiliser la victime (ex. tu n’as pas su me communiquer ton refus) ou de « créer le doute » chez la victime, en racontant une version différente des faits. Certains agresseurs joueront davantage la carte de la victimisation, en utilisant leur passé difficile pour justifier leurs comportements inacceptables. On peut également penser à la stratégie qui consiste à minimiser l’agression, ou bien à l’exagérer en passant par l’autoflagellation. En effet, l’agresseur peut vouloir exagérer l’agression afin d’attirer l’empathie de son entourage. Il s’agit de stratégies rhétoriques qui prévalent dans d’autres rapports de domination. traitée de raciste ». Face à une telle attaque, quel pourrait être le réflexe de mes ami-e-s ? Celui de me dire « ben non, voyons, t’es pas raciste ». En déformant/exagérant les propos tenus par la personne qui m’a formulé une critique, j’en viens à en évacuer sa pertinence et à éviter de me questionner sur mes comportements. Cet exemple vaut pour les agresseurs sexuels, car l’autoflagellateur attire aussi l’empathie des gens au détriment du soutien des victimes. Toutes ces stratégies de l’agresseur visent à ne pas prendre responsabilité de l’agression. Ne le perdez pas de vu ! 6) Rappelez-vous qu’une victime est rarement seule. Il n’est pas rare qu’une dénonciation d’agression dans un milieu ouvre la porte à d’autres dénonciations par la suite. Les victimes se sentent moins seules, le silence est rompu, un réseau est mis en place, bref autant de facteurs qui aident les femmes à briser le silence. Si vous participez du backlash, vous contribuez donc à perpétuer l’omerta en matière d’agressions en créant un espace non sécuritaire pour une future dénonciation. 7) Personnifier pour discréditer : c’est non ! Une des stratégies d’un backlash consiste à se livrer à des attaques directes ou indirectes envers des féministes ciblées qui sont en soutien. Les conflits sont souvent d’ordre politique, « de personnalité » (« on sait bien, elle est hystérique ! Elle exagère toujours »), ou interpersonnelle (« c’est son amie, c’est sûre qu’elle va prendre pour elle » ou « c’est son ex, elle veut se venger »). Ces attaques entraînent un déplacement de la question, ce qui est fort utile pour l’agresseur et non pour la victime. 8) Attention aux reproches ! Il n’existe aucune bonne manière de dénoncer. De la même manière que les dominants disent des dominé-e-s qu’ils et elles ne devraient pas dénoncer leur domination de manière trop émotive, on accuse souvent les victimes et les féministes qui les accompagnent de ne pas faire les choses de la bonne manière. Cependant, il ne faut pas oublier qu’un processus féministe se veut en respect avec le cheminement de la victime. Rappelons également que pour plusieurs, cette situation constitue une opportunité de critiquer l’approche féministe et les féministes en général. 9) Les féministes en soutien peuvent, elles aussi, avoir vécu des violences sexuelles. Puisqu’une femme sur 3 risque de subir une agression sexuelle au cours de sa vie, la violence du backlash peut ramener des féministes à leurs propres expériences 1 . Ainsi, si vous pensez pouvoir l’attaquer sans que cela ait de conséquence, détrompez-vous. Vous êtes peut-être en train d’attaquer une femme victime de violence sexuelle. 1 Ministère de la Sécurité publique (2006). Les Agressions sexuelles au Québec.