l`égalitéestloind`êtreacquise

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l`égalitéestloind`êtreacquise
Jeudi 8 mars 2012 page 3
Le Dauphiné Libéré
LE FAIT DU JOUR
Je pense,
donc j’essuie ?
L’égalité salariale,
du bulletin… à la toile
MENAGÈRES
n Sur la question du travail et
des tâches ménagères, les
stéréotypes ont encore la vie
dure… Selon une enquête
Mediaprism­Laboratoire de
l’égalité, qui date de
novembre 2011 : près de la
moitié des répondants pensent
qu’il est plus déstabilisant pour
un homme que pour une
femme d’être au chômage
TRAVAIL
n Certaines ont dû sûrement
se casser un ongle en voyant
les bulletins de salaires de
messiers… En 2008 dans les
Hautes­Alpes, le revenu
salarial annuel des hommes
est de 17 871 euros contre…
13 934 euros pour les
femmes. Alors, pour éviter
d’abîmer toute une manucure,
il existe désormais des
(47 %). Et plus de la moitié
réagiraient mal si leur fils
voulait être “homme au foyer”.
C’est seulement en 2002 que
le congé de paternité a été
instauré : une « avancée »
selon Hélène Candau mais « il
ne dure qu’une dizaine de
jours. Ce sont donc surtout les
femmes qui doivent faire une
croix sur leur carrière. »
exutoires. Le site
“viedemeuf” ramasse les cris
de colère des femmes en mal
d’égalité. Frustrées,
écœurées et saturées se
défoulent sur ce blog lancé
par l’association Osez le
féminisme. Un cri ­virtuel­ de
soulagement pour certaines
femmes victimes d’inégalité
au travail. (Source Insee)
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RESTENT MIEUX PAYÉS ET LES FEMMES ASSUMENT ENCORE UNE LARGE PART DES TÂCHES DOMESTIQUES
l’égalité est loin d’être acquise
Le féminisme n’a pas pris une ride
Emploi des seniors :
les femmes, pas ménagées, restent ménagères
REPÈRES
REPÈRES
JE, TU, ELLE, NOUS…
EN PREMIÈRE LIGNE
DU CHÔMAGE
n Quand la grammaire fait du
sexisme, les féministes en
perdent leur latin.
Un premier combat vient d’être
gagné : le “mademoiselle”
n’existera bientôt plus.
Ce terme va disparaître des
formulaires administratifs,
selon une nouvelle circulaire
des services du premier
ministre.
Prochain défi : faire que “les
hommes et les femmes soient
belles”.
PAS “SI BLONDES”…
n Pour une fois qu’une
“Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme” affichaient les féministes du Mouvement de libération des
femmes sur leurs banderoles. Le courant, pionnier du genre, trouve une seconde vie avec l’apparition de
mouvements féministes. Hélène Candau et Émilie Imbert, professeur (e) s de français à Gap et trentenaires,
reprennent le flambeau. Avec une arme : l’humour.
GAP
L
e féminisme un combat
d’arrière­garde ? « Et
puis quoi encore, on va nous
dire que défendre le droit
des femmes c’est ringard, on
croit rêver ! » lance Hélène
Candau, 30 ans, professeure
de français à Gap. Aux côtés
de quelques copines, elle se
mobilise pour tenter de con­
jurer les inégalités hommes­
femmes.
Après avoir passé de
nombreuses années dans le
placard des objets démodés,
le mouvement reprend du
poil de la bête… Pas celui de
militantes longtemps fan­
tasmées en femmes velues
et justicières. Fortes en
gueule, les féministes
d’aujourd’hui le restent,
sans verser pour autant dans
la guerre des sexes. « Je suis
maman, et alors ? Ca ne veut
pas dire que je me définis
uniquement ainsi ! » balan­
ce Émilie Imbert, ensei­
gnante de 34 ans à Gap.
On les avait perdues de
vue, elles refont surface et
montrent un nouveau visa­
ge, plus jeune. « Les réu­
nions de féministes sont
bondées de femmes qui ont
une trentaine d’années, is­
sues de tous les milieux…
Pas forcément féministes
d’ailleurs » constate Hélène.
Une gymnastique
au quotidien
Une dynamique cristalli­
sée par l’apparition de nou­
veaux groupes d’action de­
puis cinq ans, en ordre de
bataille pour faire face aux
saillies sexistes. « Et il y a de
quoi faire ! On recule sur des
tas d’acquis, l’IVG, la scola­
risation de plus en plus tar­
dive qui oblige les femmes à
choisir entre leur métier et
leur enfant… Il faut rester
vigilantes. »
Depuis, elles reprennent
place au buffet médiatique
avec leurs gibecières plei­
nes de slogans tapageurs,
d’actions loufoques.
« Même si elles sont peu
nombreuses, elles font preu­
ve de tellement d’inventivi­
té, qu’elles créent le buzz ».
À l’image de ses
consœurs parisiennes, Hé­
lène se rêve en agitatrice de
consciences. Mais le dépar­
tement n’a pas le dynamis­
me des grandes villes et le
mouvement féministe haut­
alpin se résume à une peau
de chagrin.
Qu’importe, les deux Ga­
pençaises accompagnées
d’une poignée d’acolytes ne
se dégonflent pas pour
autant.
Stages de féministes, lec­
tures, et parfois quelques
manifs… Mais surtout « un
bon coup de gueule au quo­
tidien ».
Marie-Lilas VIDAL
affirmation sexiste est
flatteuse, autant l’étaler. Et oui,
à l’école, les filles sont les
meilleures.
À la sortie du système
éducatif, les femmes sont en
effet plus diplômées.
D’ailleurs, 71 % des filles ont
leur baccalauréat contre 61 %.
Alors, c’est qui le plus fort (e) ?
TOUTES GRIFFES
DEHORS
n Depuis cinq ans, les
mouvements féministes se
bousculent au portillon.
En 2008, c’est “La Barbe” qui
fait son apparition et monte au
créneau suivi de près par
“Osez le féminisme” (2009)
et le “Laboratoire de l’égalité”
en 2010.
Licenciée, Martine Arman a dû trouver un travail à 52 ans. Pas facile dans
un département où le travail saisonnier favorise les emplois précaires
explique Brigitte Nectoux, présidente de l’association pour les Femmes
des Hautes-alpes.
HAUTES­ALPES
«O
n m’a demandée com­
ment je comptais faire
avecdesenfants ».Ilyauraitde
quoi s’étrangler en écoutant
Martine Arman raconter sa re­
cherche d’emploi. Il faut dire
que la Gapençaise a 52 ans et
« à cet âge­là c’est facile pour
personne ». Mais au moment
de l’entretien, les employeurs
sont inquiets de savoir si « j’al­
lais faire garder les enfants,
comment je m’organisais, si ça
ne posait pas de problème,
ect… »
Six mois plus tard, c’est au
sein de la nouvelle association
pour les Femmes des Hautes­
Alpes qu’elle retrouve un poste
de secrétaire. « C’est très rare
que ce soit si rapide, souligne
Dorothey Giachino, chargée
de l’accompagnement emploi
au sein de l’association. L’em­
ploi des femmes seniors est un
véritable problème. »
Les chiffres 2012 sont élo­
quents : dans le département
des Hautes­Alpes, 1018 fem­
mes de 50 ans et plus sont au
chômage… Contre 801 hom­
mes pour la même tranche
d’âge. La faute au « jeunisme »
selon Brigitte Nectoux, prési­
dente de l’association et direc­
trice du Codes : « une femme à
60 ans, on a envie de la faire
grand­mère ». Le phénomène
prend de l’ampleur : en un an,
le chômage des femmes se­
niors dans les Hautes­Alpes a
augmenté de 17 %. Un constat
alarmant : « les femmes sont
souvent dans des situations
femmes dans les Hautes-Alpes
étaient au chômages. Un an
plus tard, elles sont 4710, soit
une augmentation de 5,6 %.
Même si l’augmentation la
plus significative est du côté
des seniors, les femmes âgées
entre 25 et 49 ans sont
également touchées avec une
augmentation de 4,8%. Elles
sont 3093 en janvier 2012.
(chiffres : direccte provencealpes-cote d’azur)
UN MAUVAIS SENS DE
L’ ORIENTATION ?
n En matière de diversité des
métiers, les femmes restent en
queue de peloton.En ProvenceAlpes-Côte d’Azur, les métiers
les plus souvent exercés par
les femmes sont : adjoint
administratif (5,7 %),
secrétaire (4,5 %) puis aide à
domicile - aide ménagère
(4,0 %). Un mauvais sens de
l’orientation peut-être ?
(Source Insee).
floues, explique Dalila Drif ju­
riste au sein de l’association. Et
sur les questions du travail, el­
les sont démunies. Or, si on re­
trouve un salaire, on retrouve
l’autonomie. »
M.-L.V
POUR EN SAVOIR PLUS
Forum empoi, aujourd’hui au CMCL
de Gap de 14h30 à 19h30,
Direction d’entreprises : où sont les femmes ?
REPÈRES
GAP
«J
e dois sans cesse prou­
ver que je suis aussi ca­
pable qu’un homme ».
Elle a beau avoir 55 ans,
elle doit encore faire ses preu­
ves. À la tête de l’office natio­
nal des forêts des Hautes­Al­
pes, Françoise Decaix a pour­
tant travaillé pendant plus de
trente ans au sein de l’établis­
sement public. Pas suffisant
pour briser le plafond de ver­
re : « je dois en faire deux fois
plus ». Trop de « sensibilité »,
d’« hésitation », de « fragili­
té » ? Difficile de sortir des
lieux communs pour s’expli­
quer le phénomène. Françoi­
se Decaix, mère de deux gar­
çons, finalement tranche :
« La faute à l’éducation. Dès
leur plus jeune âge on fait
douter les jeunes filles, on
suggère ainsi qu’elles ne
pourront pas y arriver ».
“Il faut savoir taper
du poing sur la table”
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n En janvier 2011, 4462
Pourtant, avant elle n’y
croyait pas à tous ces « trucs »
de féministes. Enfin, pas
avant de postuler pour un pos­
te de direction. « Là j’ai com­
pris que c’était difficile en tant
que femme car je n’avais face
à moi que des hommes. Puis,
quand vous êtes une femme, il
ne faut pas attendre qu’on
vienne vous chercher pour un
poste de ce type. » Il lui a donc
fallu attendre environ quatre
DES PERLES RARES…
n Dans la fonction publique
d’État, les femmes constituent
51,7 % de l’effectif total et
seulement 20,3 % des emplois
de direction.
Dans la fonction publique
territoriale, les femmes
représentent 61,0 % des
effectifs, et 18,0 % des
emplois de direction, et moins
de 5 % des directrices
générales des services. Enfin,
dans la fonction publique
hospitalière, les femmes
constituent 76,7 % des
effectifs, 40,2 % des emplois
de direction et 16,0 % des
directeurs d’hôpitaux.
(Source : Observatoire de la
parité).
Françoise Decaix dirige 88 personnes au sein de l’ONF des Hautes-Alpes.
Un job “parfois difficile” pour cette Charentaise plongée dans un univers
masculin. Pas de quoi décourager ce bout de femme qui songe à sa
retraite s’engager pour continuer de défendre le droit des femmes.
ans pour parvenir à la tête
d’une agence de l’ONF, ce qui
fait d’elle la « deuxième fem­
me actuellement à diriger une
agence sur un réseau d’envi­
ron 70 établissements ! » Un
sacre presque pour la Charen­
taise alors que les femmes
sont peu nombreuses à occu­
per des postes de direction au
sein de la fonction publique.
Du coup, il faut continuelle­
ment se battre. « Il est clair
qu’au sein de l’ONF, il y a une
majorité d’hommes. Travailler
avec eux c’est une chose, les
diriger s’en est une autre… Je
n’ai jamais été victime de
sexisme ou d’inégalité sala­
riale, mais il est vrai que les
récentes responsabilités que
j’occupe m’ont parfois con­
frontée à une certaine résis­
tance.. Il faut savoir taper du
poing sur la table. » Les fem­
mes devront se munir d’une
cuirasse pour parvenir à des
postes de direction. « Et vu ce
… MALGRÉ LES LOIS
n Pourtant une récente loi du
27 janvier 2011 relative à la
représentation équilibrée des
femmes et des hommes au
sein des conseils
d’administration et de
surveillance et à l’égalité
professionnelle dite “CopéZimmermann” instaure un
objectif chiffré (quota)
minimum de 40 % du sexe le
moins représenté dans les
conseils d’administration.
qu’elles ont à apporter, on a
tous à y gagner. »
M.-L.V.
E05-1