L`art de ne pas payer d`ISF
Transcription
L`art de ne pas payer d`ISF
BILLET D’HUMEUR L’art de ne pas payer d’ISF L’article 885 I du CGI exonère d’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) les objets d’antiquité, d’art ou de collection. La vente des objets acquis pendant un demi-siècle par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé est venue fort à propos nous rappeler que cette exonération est loin d’être anodine. Pierre Bertin Avocat fiscaliste, Toulouse Le montant total des enchères se serait élevé à 373,5 millions d’euros, l’État se portant lui-même acquéreur d’œuvres pour un montant de 13,135 millions d’euros. Un rapide calcul à partir du barème ISF pour 2009 nous donne la mesure du manque à gagner pour l’État du fait de l’exonération précitée : 6,647 millions d’euros (très exactement 6 646 700 €) pour la seule année 2009, soit la moitié des emplettes de l’État. À l’origine, cette exonération, qui figurait déjà dans le dispositif de l’ancien Impôt sur les Grandes Fortunes (IGF), aurait été dictée par le souhait d’éviter le départ d’œuvres d’art à l’étranger… À l’arrivée, le départ d’œuvres, notamment outre-Atlantique, est patent. Mettons de côté les antiquités et les œuvres d’art. Restent les objets de collection, dont la doctrine considérait qu’il s’agit d’objets qui n’ont souvent qu’une valeur intrinsèque réduite, mais qui tirent leur intérêt Quel intérêt y aurait-il eu à maintenir de leur rareté, de leur regroupement ou de leur l’exonération de biens sans valeur pour présentation. Ainsi, la cuisinière de Landru poul’application d’un impôt calculé sur la vait être exonérée quand celle de Monsieur Toutvaleur vénale des biens ? le-monde était imposable. Mais une instruction récente du 5 décembre 2008 (1) est venue préciser que, « pour le bénéfice de cette exonération, la qualification d’objet de collection pourra également découler de l’importance du prix de l’objet concerné, lequel doit être sensiblement supérieur à la valeur d’un bien similaire destiné à un usage courant. Ainsi, des objets de moins de 100 ans d’âge (qui, de ce fait, ne peuvent pas être qualifiés d’objets d’antiquité) mais qui présentent cependant un réel intérêt artistique ou culturel et sont valorisés comme tels sur le marché de l’art (mobilier « Art nouveau » ou « Art déco », par exemple), ont vocation à bénéficier de l’exonération d’ISF ». Instr. 5 déc. 2008, BOI 7 S-9-08 ; Dépêche AFP, 21 févr. 2009. (1) Instr. 5 déc. 2008, BOI 7 S-9-08. Et oui, la valeur n’attend pas le nombre des années ! Certains diront que la reconnaissance de la valeur intrinsèque d’un bien indépendamment de son ancienneté est une avancée, d’autres dénonceront une dictature des marchés. Mais au fond, quel intérêt y aurait-il eu à maintenir l’exonération de biens sans valeur pour l’application d’un impôt calculé sur la valeur vénale des biens ? Votre collection de coquillages peints ou de sucres emballés n’intéresse pas le fisc. Mais si vous collectionnez les objets fétiches de Bambi (Michael Jackson), peut-être aurez-vous une chance… à défaut de faire valoir un intérêt artistique ou culturel suffisant… de pouvoir arguer de l’importance du prix que vous avez payé pour ces reliques… de collection ! ➜ Repère : Lamy Fiscal 2009, § 7778. L E S N O U V E L L E S F I S C A L E S - N ° 1 0 2 1 - 1 E R AV R I L 2 0 0 9 3