La Rafle du Vel d`Hiv

Transcription

La Rafle du Vel d`Hiv
La Rafle du Vel d’Hiv
Une fiche pédagogique à destination des cycles 3 des écoles élémentaires
Objectifs :
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Permettre, par la lecture d’une sélection de romans et de textes de la littérature pour la
jeunesse, de documents et d’archives d’aborder avec les élèves de CM2 un événement
historique : la rafle du Vel d’Hiv à Paris les 16 et 17 juillet 1942,
Découvrir le processus qui a mené à ces évènements et ses conséquences sur la vie de
milliers de personnes, en particulier des familles et des enfants,
Mener une réflexion autour des notions de discrimination, de racisme, d’antisémitisme, de
crime contre l’humanité et de génocide.
Les fiches :
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Une fiche sur le contexte historique
Une fiche documentaire : « Quand le racisme c’était la loi »
Des textes extraits de la littérature jeunesse.
Des documents complémentaires à télécharger
- Un dossier réalisé par Adam Rayski « Il y a soixante ans la rafle du Vélodrome
d’Hiver » Une brochure réalisée par Adam Rayski et publié par la Ville de Paris
- Le texte du discours prononcé par Monsieur Jacques Chirac lors des cérémonies
Aller plus loin :
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Les ressources du Mémorial de la Shoah à destination des plus jeunes –
www.memorialdelashoah.org
Je lis des histoires vraies Numéro 136 – janvier
« Etre juif aujourd’hui » Yaël Hassan De la Martinière Editeur 2004 ISBN 2 7324 3100 1
Les textes et ressources du Guide républicain
La mallette Yad Layeled
Civisme et Démocratie – CIDEM – Janvier 2005
Vel d’Hiv
Le contexte historique
La rafle du Vel d’Hiv à Paris…
Le 16 juillet 1942, au petit matin, 12 8841 Juifs de Paris et de la banlieue ont été arrêtés par la police
française à qui les conducteurs d’une cinquantaine de bus des transports parisiens étaient venus
prêter main forte. Ces fonctionnaires français obéissaient à un ordre du gouvernement français de
Vichy qui, pour l’occasion, avait réquisitionné plusieurs milliers de policiers et de gendarmes.
La rafle initialement prévue les 14 et 15 juillet avait été reportée de quelques jours afin de ne pas
coïncider avec la date de la fête nationale (fête interdite depuis 1940 et durant toute l’occupation) et
de diminuer l’impact de réactions éventuelles de protestation de la population.
L’opération, préparée secrètement cachait ses véritables objectifs sous le nom de « vent printanier ».
Comme suite au recensement du 4 octobre 1940, près de 27 000 fiches individuelles avaient été
préparées contenant les noms et adresses des Juifs étrangers de la capitale et de sa banlieue.
La rafle de juillet 1942 à Paris ne fut pas la seule vague d’arrestation dans le pays, mais elle fut la plus
massive : 3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants, uniquement « coupables » d’être nés ont
été conduits sous bonne escorte- gendarmes, policiers, gardes mobiles français secondés par des
volontaires, les miliciens membres du PPF – pour être parqués dans un lieu réquisitionné pour
l’occasion qui s’appelait le Vel’ d’Hiv’ - l’abréviation de « Vélodrome d’hiver »Le Vel’d’Hiv était avant guerre un lieu très populaire destiné aux courses de vélos, un complexe
sportif : rien n’y était prévu pour recevoir un si grand nombre de personnes.
C’est ainsi que, durant cinq jours, des milliers de personnes ont ainsi été entassées dans des
conditions inimaginables, sans eau, sans paillasses pour s’allonger, 6 WC seulement …
Les enfants et leurs mères ont ensuite été acheminés vers les camps de Beaune-La-Rolande et de
Pithiviers dans le Loiret. Les conditions d’internement y étaient également épouvantables, des
épidémies se sont déclarées, dysenterie...
Cinq semaines plus tard, les enfants ont été arrachés à leurs mères qui furent, elles, directement
déportées.
Les enfants ont alors été expédiés par convois de 1000 au camp de Drancy, un camp d’internement et
de transit situé en banlieue parisienne.
Au bout de quelques jours, les gendarmes ont à nouveau regroupé les enfants et les ont poussés
dans des wagons à bestiaux de la SNCF dont les portes étaient plombées.
4000 enfants âgés de 2 à 15 ans ont ainsi traversé l’Europe pour être assassinés dès leur arrivée
dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
Parmi près de 13 000 personnes arrêtées les 16 et 17 juillet 1942 lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’ une
quarantaine d’hommes seulement ont survécu jusqu’à l’arrivée des troupes de l’armée rouge en 1945
qui ont libéré le camp d’Auschwitz . Aucune femme, aucun enfant n’échappa à la mort.2
La rafle du Vel d’Hiv est restée gravée dans les esprits : tout d’abord parce qu’ elle fut la plus massive
mais aussi parce qu’elle a été tristement significative de la « collaboration » des autorités françaises et
de leur rapport avec les occupants.
Si les autorités allemandes avaient bien commandité la rafle, elle en avaient fixé la limite d’âge à 16
ans.
C’est sur la décision du Président Laval, chef du gouvernement du maréchal Pétain qu’il a été décidé
d’y inclure les enfants âgés de moins de 16 ans.
1
Sur un total de 13 152 arrestations - Source Adam Rayski citant les chiffres d’archives de la Préfecture de
police2
Au cours des différentes rafles et arrestations en France, 7 000 femmes et enfants furent transportés aux camps
de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande.
Au départ de ces camps, en 1942, 5 convois partirent vers Auschwitz :
Le 31 juillet Pithiviers convoi n° 13 690 hommes 359 femmes
Le 3 août Pithiviers convoi n° 14 53 hommes 982 femmes 482 gazés*
Le 5 août Beaune convoi n° 15 425 hommes 588 femmes 704 gazés
Le 7 août Pithiviers convoi n° 16 197 hommes 871 femmes 794 gazés
Le 21 septembre Pithiviers convoi n° 35 532 hommes 462 femmes 791 gazés
Source : Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la Déportation
Civisme et Démocratie – CIDEM – Janvier 2005
Vel d’Hiv
« Quand le racisme, c’était la Loi »
A partir de juin 1942, les Juifs de plus de six ans durent, du jour au lendemain, porter une étoile jaune
sur leurs vêtements. Se soustraire à cette obligation les mettait en danger immédiatement. : ils
devaient obéir à la Loi, sous peine de déportation, quel que soit leur âge. Dès que cette mesure fut
appliquée, les enfants juifs qui vivaient jusqu’alors relativement indistinctement dans les écoles en
France, ont été marqués de cet insigne volontairement très visible qui les distinguait désormais de
leurs camarades. Puis, peu à peu, ces enfants ont été –comme leurs parents- mis à l’écart, exclus,
discriminés. Ils n’avaient plus le droit de jouer dans un parc public, plus le droit d’aller au cinéma, à la
piscine, plus le droit d’utiliser des transports en commun, plus le droit de posséder un poste de
radio… C’est ainsi qu’a été programmé l’isolement progressif d’une partie de la population en France.
Le recensement et le port de l’étoile jaune ont été les outils indispensables à la mise en œuvre des
rafles.
Comment ces jeunes enfants ont –ils vécu leur premier jour d’école avec l’étoile cousue sur leur
poitrine ? Quelles ont été les réactions des enseignants et de leurs camarades de classe ?
À propos du port obligatoire de l’étoile jaune en France
Extrait de la huitième ordonnance du 29 mai 1942 :
« Il est interdit aux juifs, dès l’âge de six ans révolus, de paraître en public sans porter l’étoile juive.
L’étoile juive est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d’une main et les contours
noirs. Elle est en tissu jaune et porte, en caractères noirs, l’inscription JUIF. Elle devra être portée
bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement.
(Source : André Kaspi, Les Juifs pendant l’occupation, Editions du seuil, 1991.)
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LOI sur les ressortissants étrangers de race juive
Source : Journal officiel, 18 octobre 1940, p. 5324.
Nous, Maréchal de France, chef de l'État français, Le conseil des ministres entendu,
Décrétons :
Article 1er. – Les ressortissants étrangers de race juive pourront, à dater de la promulgation de la
présente loi, être internés dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de leur
résidence.
Art. 2. – Il est constitué auprès du ministre secrétaire d'État à l'intérieur une commission chargée de
l'organisation et de l'administration de ces camps.
Cette commission comprend :
Un inspecteur général des services administratifs ;
Le directeur de la police du territoire et des étrangers, ou son représentant ;
Un représentant du ministère des finances.
Art. 3. – Les ressortissants étrangers de race juive pourront en tout temps se voir assigner une
résidence forcée par le préfet du département de leur résidence.
Art. 4. – Le présent décret sera publié au Journal officiel pour être observé comme loi de l'Etat.
Fait à Vichy, le 4 octobre 1940.
Ph. PETAIN.
Par le Maréchal de France, chef de l'État français :
Le ministre secrétaire d'État à l'intérieur, Marcel Peyrouton.
Le ministre secrétaire d'Etat aux finances,
Yves Bouthillier.
Le garde des sceaux, ministre secrétaire d'État à la justice, Raphaël ALIBERT
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Vel d’Hiv
Instructions de M. Hennequin, directeur de la police
municipale, aux agents de police
lors de la Rafle du Vél' d'Hiv'
Paris, 16-17 juillet 1942
« 1. Les gardiens et inspecteurs, après avoir vérifié l'identité des Juifs qu'ils ont mission
d'arrêter, n'ont pas à discuter les différentes observations qui peuvent être formulées par eux
[...]
2. Ils n'ont pas à discuter non plus sur l'état de santé. Tout Juif à arrêter doit être conduit au
Centre primaire.
3. Les agents chargés de l'arrestation s'assurent lorsque tous les occupants du logement
sont à emmener, que les compteurs à gaz, de l'électricité et de l'eau sont bien fermés. les
animaux sont confiés au concierge. [...]
7. [...] Les opérations doivent être effectuées avec le maximun de rapidité, sans paroles
inutiles et sans aucun commentaire.
8. Les gardiens et inspecteurs chargés de l'arrestation rempliront les mentions figurant au
dos de chacune des fiches :
• Indication de l'arrondisement ou de la circonscription du lieu d'arrestation;
• « Arrêté par », en indiquant les noms et services de chacun des gardiens et
inspecteurs ayant opéré l'arrestation;
• Le nom de la personne à qui les clés auront été remises;
• Au cas de non-arrestation seulement de l'individu mentionné sur la fiche, les raisons
pour lesquelles elle n'a pu être faite et tous renseignements succints utiles ;
Et selon le tableau ci-après :
SERVICE :
Agents capteurs :
Nom..............................................
Nom..............................................
Service..............................................
Service..............................................
Clés remises à M. ..............................................
No ..............................................
rue ..............................................
Renseignements en cas de non-arrestation
Paris, le 12 juillet 1942
Le Directeur de la Police Municipale
Signé HENNEQUIN »
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Vel d’Hiv
LOI portant statut des juifs
Source : Journal officiel, 18 octobre 1940, p. 5323.
Nous, Maréchal de France, chef de l'État français, Le conseil des ministres entendu,
Décrétons :
Article 1er. – Est regardé comme juif, pour l'application de la présente loi, toute personne issue de trois grandsparents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.
Art. 2. – L'accès et l'exercice des fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux juifs :
1. Chef de l'État, membre du Gouvernement, conseil d'État, conseil de l'ordre national de la Légion d'honneur,
cour de cassation, cour des comptes, corps des mines, corps des ponts et chaussées, inspection générale
des finances, cours d'appel, tribunaux de première instance, justices de paix, toutes juridictions d'ordre
professionnel et toutes assemblées issues de l'élection.
2. Agents relevant du département des affaires étrangères, secrétaires généraux des départements
ministériels, directeurs généraux, directeurs des administrations centrales des ministères, préfets, souspréfets, secrétaires généraux des préfectures, inspecteurs généraux des services administratifs au ministère
de l'intérieur, fonctionnaires de tous grades attachés à tous services de police.
3. Résidents généraux, gouverneurs généraux, gouverneurs et secrétaires généraux des colonies, inspecteurs
des colonies.
4. Membres des corps enseignants.
5. Officiers des armées de terre, de mer et de l'air.
6. Administrateurs, directeurs, secrétaires généraux dans les entreprises bénéficiaires de concessions ou de
subventions accordées par une collectivité publique, postes à la nomination du Gouvernement dans les
entreprises d'intérêt général.
Art. 3. – L'accès et l'exercice de toutes les fonctions publiques autres que celles énumérées à l'article 2 ne sont
ouverts aux Juifs que s'ils peuvent exciper de l'une des conditions suivantes :
a) Être titulaire de la carte de combattant 1914-1918 ou avoir été cité au cours de la campagne 1914-1918 ;
b) Avoir été cité à l'ordre du jour au cours de la campagne 1939-1940 ;
c) Être décoré de la Légion d'honneur à titre militaire ou de la médaille militaire.
Art. 4. – L'accès et l'exercice des professions libérales, des professions libres, des fonctions dévolues aux
officiers ministériels et à tous auxiliaires de la justice sont permis aux juifs, à moins que des règlements
d'administration publique n'aient fixé pour eux une proportion déterminée. Dans ce cas, les mêmes règlements
détermineront les conditions dans lesquelles aura lieu l'élimination des juifs en surnombre.
Art. 5. – Les juifs ne pourront, sans condition ni réserve, exercer l'une quelconque des professions suivantes :
Directeurs, gérants, rédacteurs de journaux, revues, agences ou périodiques, à l'exception de publications de
caractère strictement scientifique.
Directeurs, administrateurs, gérants d'entreprises ayant pour objet la fabrication, l'impression, la distribution, la
présentation de films cinématographiques; metteurs en scène et directeurs de prises de vues, compositeurs de
scénarios, directeurs, administrateurs, gérants de salles de théâtres ou de cinématographie, entrepreneurs de
spectacles, directeurs, administrateurs, gérants de toutes entreprises se rapportant à la radiodiffusion.
Des règlements d'administration publique fixeront, pour chaque catégorie, les conditions dans lesquelles les
autorités publiques pourront s'assurer du respect, par les intéressés, des interdictions prononcées au présent
article, ainsi que les sanctions attachées à ces interdictions.
Art. 6. – En aucun cas, les juifs ne peuvent faire partie des organismes chargés de représenter les progressions
visées aux articles 4 et 5 de la présente loi ou d'en assurer la discipline.
Art. 7. – Les fonctionnaires juifs visés aux articles 2 et 3 cesseront d'exercer leurs fonctions dans les deux mois
qui suivront la promulgation de la présente loi. Ils seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite s'ils
remplissent les conditions de durée de service ; à une retraite proportionnelle s'ils ont au moins quinze ans de
service ; ceux ne pouvant exciper d'aucune de ces conditions recevront leur traitement pendant une durée qui
sera fixée, pour chaque catégorie, par un règlement d'administration publique.
Art. 8. – Par décret individuel pris en conseil d'État et dûment motivé, les juifs qui, dans les domaines littéraire,
scientifique, artistique, ont rendu des services exceptionnels à l'État français, pourront être relevés des
interdictions prévues par la présente loi.
Ces décrets et les motifs qui les justifient seront publiés au Journal officiel.
Art. 9. – La présente loi est applicable à l'Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat.
Art. 10. – Le présent acte sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l'État.
Fait à Vichy, le 3 octobre 1940.
Ph. Pétain.
Par le Maréchal de France, chef de l'État français :
Le vice-président du conseil, Pierre LAVAL.
Le garde des sceaux,
[…]
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Vel d’Hiv
Quelques extraits de textes –la plupart autobiographiques
ou basés sur des témoignages- où les auteurs racontent
comment ils l’ont ressenti et les réactions de leur
environnement à l’école.
Joffo Joseph –Un sac de billes ( p.33 à 46)
Le texte le plus célèbre est certainement cet extrait du « Sac de billes » de Joseph Joffo
- « - à ton tour, Jo !
Je m’approche, mon veston à la main. Il est huit heures et c’est encore la nuit complète dehors.
Maman est assise sur la chaise, derrière la table. Elle a un dé, du fil noir et ses mains tremblent.
[…]
Maurice me regarde.
- Pleure pas, tu vas l’avoir aussi, ta médaille.
- Bien sur que je vais l’avoir, tout le quartier va l’avoir. […]
Quand on a çà, il n’y a palus grand chose que l’on peut faire : on n’entre plus dans les
cinémas ni dans les trains, peut-être qu’on n’aura plus le droit d’aller à l’école. Ça serait pas
mal comme loi raciale, ça. . […]
Il faisait froid dehors, nos galoches claquaient sur le pavé. . […]
Maurice fonçait devant en soufflant fort pour faire de la buée. Les billes sonnaient toutes ensemble
dans ses poches.
- On va la garder longtemps, l’étoile ?
- J’en sais rien, pourquoi, ça te gêne ?
Je hausse les épaules.
- Pourquoi ça me gênerait ? C’est pas lourd . […]
- Alors si ça te gêne pas, pourquoi tu mets ton cache-nez devant ?
Il voit toujours tout, ce mec.
- Hé…Joffo !
C’est Zérati qui m’appelle. C’est mon copain depuis le préparatoire . […]
- Salut.
Il me regarde, fixe ma poitrine et ses yeux s’arrondissent. J’avale ma salive.
C’est long le silence quand on est petit.
- Bon Dieu, murmure-t-il, t’as vachement du pot, ça fait chouette.
Maurice rit et moi aussi, un sacré soulagement nous envahit. Tout les trois, nous pénétrons dans la
cour. . […]
- Eh, les mecs, vous avez vu Joffo ?
C’était pas une mauvaise intention, au contraire, il voulait s’exhiber un peu, Zérati, me faire briller
aux yeux des copains, comme si du jour au lendemain j’avais accompli un acte héroïque et qu’il ait
voulu le faire savoir à tout le monde.
Kraber a souri tout de suite […]
Dans l’ombre derrière, il y a un remous et deux visages sont apparus, pas souriants ceux-là.
- T’es un youpin, toi ?
Difficile de dire non quand c’est écrit sur le revers de sa veste.
- C’est les youpins qui font qu’il y a la guerre.
[…]
- T’es tout con, toi, c’est la faute à Jo si il y a la guerre ?
- Parfaitement, faut les virer, les Youds.
Mais qu’est-ce qui vient d’arriver ? J’étais un gosse, moi, avec des billes, des taloches, des
cavalcades, des jouets, des leçons à apprendre, papa était coiffeur, mes frères aussi, maman
faisait la cuisine, le dimanche papa nous emmenait à Longchamp voir les canassons et prendre
l’air, la semaine en classe et voilà tout, et tout d’un coup, on me colle quelques centimètres carrés
de tissu et je deviens Juif.
Juif. Qu’est-ce que çà veut dire d’abord ? C’est quoi un Juif ?
Je sens la colère qui vient doublée de la rage de ne pas comprendre. […]
Zérati m’a poussé du coude.
Civisme et Démocratie – CIDEM – Janvier 2005
Vel d’Hiv
- Viens, dépêche toi.
Je suis sorti et je me suis retrouvé dans la cour et tout de suite ce fut le tourbillon.
- Youpin ! Youpin ! Youpin !
Mon poing est parti […]Maurice se battait à vingt mètres. Il y a eu des cris et j’en ai attrapé un au
hasard. […]
Le coup de sifflet du surveillant a tout arrêté. […] il fallait rentrer en classe.
Je me suis assis. Devant moi, au dessus du tableau noir, il y avait la tête du maréchal Pétain.
[…]En dessous il y avait une phrase suivie de sa signature : « Je tiens mes promesses, même
celles des autres ». Je me demandais à qui il avait bien pu promettre de me faire porter une étoile.
Çà avançait à quoi ? Et pourquoi les autres cherchaient-ils à me dérouiller ?
Ce qui me reste de cette matinée, plus que les coups, plus que l’indifférence des grands, c’est
cette sensation d’impuissance à comprendre. J’avais la même couleur que les autres, la même
tête, j’avais entendu parler de religions différentes et l’on m’avait appris à l’école que des gens
s’étaient battus autrefois pour cela, mais moi je n’avais pas de religion, le jeudi j’allais même au
patronage avec d’autres gosses du quartier, on faisait du basket derrière l’église, […] l’abbé nous
donnait un gros casse croûte gris avec du chocolat fourré[…]
Où était la différence ?
Onze heures et demie.[…]
- Jo !
On court après moi. C’est Zérati.
Il est un peu essoufflé. Dans sa main, il y a un sac de toile qui ferme avec un lacet. Il me le tend.
- Je te l’échange.
Je n’ai pas compris tout de suite.
- Contre quoi ?
D’un doigt éloquent, il désigne le revers de mon manteau.
- Contre ton étoile.
[…]
- D’accord.
C’est cousu à gros points et le fil n’est pas très solide. Je passe un doigt, puis deux, puis d’un coup
sec je l’arrache.
Les yeux de Zerati brillent.
Mon étoile, pour un sac de billes.
Ce fut ma première affaire.
Joffo Joseph –Un sac de billes ( p.33 à 46)
Livre de poche jeunesse Hachette 2001 – 1ère édition 1973, J-C Lattès. ISBN 2. 01.321869.9
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Vel d’Hiv
Lefèvre Laurence et Korb Liliane –Les enfants aussi
« Nous sommes entrées en classe. Notre maîtresse a examiné nos étoiles. Elle est montée sur
l’estrade, elle a demandé aux catholiques de lever le doigt.
Vingt-huit mains blanches se sont dressées, sauf les nôtres et celles de Blanche et de Marie
Mazel qui sont protestantes.
Notre maîtresse a voulu savoir ce que signifiait être catholique.
- moi, moi, je sais ! s’est écriée Mireille Bouton. Être catholique, c’est prier le petite Jésus.
- C’est tout ?
- Ben euh… a cafouillé Mireille en tortillant son bout de natte .
Josiane Veron m’a regardée dans les yeux, elle a dit d’une voix pointue :
- Les Juifs ont tué le petit Jésus.
La maîtresse a réclamé le silence.
- Le petit jésus avait trente-trois ans lorsque les occupants romains l’ont crucifié. Son père et
sa mère étaient juifs.
J’ai entendu Héliane Bouchar murmurer à sa voisine en se touchant le front du bout de l’index :
- Elle travaille du chapeau, la maîtresse, il n’avait pas de père, Jésus. Son père, c’est Dieu.
Blanche Mazel est intervenue
- Être chrétien, c’est « aimez-vous les uns les autres. »
- Elle a raison, a approuvé Pauline Bertin. Je viens de passer ma première communion, je le
sais, c’est Jésus qui l’a dit, alors ? Et puis d’abord, s’il revenait, lui aussi il porterait l’étoile. »
Lefèvre Laurence et Korb Liliane –Les enfants aussi Juillet 1942- Hachette 1995 (95 p. 2004)
Civisme et Démocratie – CIDEM – Janvier 2005
Vel d’Hiv
Hassan Yael - La promesse
« La guerre durait depuis trois ans et la vie devenait de plus en plus difficile pour tout le monde,
et pour les Juifs en particulier. Un jour, il nous fallut nous rendre à l’école avec une étoile jaune
cousue sur nos vêtements portant le mot « Juif » en lettres noires et tordues. En nous voyant
passer, Joseph et moi, devant sa loge, tête haute, Léontine éclata en sanglots.
- Si c’est pas malheureux ! Faire ça à des enfants !
Nous n’étions pas, bien sûr, les seuls enfants du quartier à arriver « décorés » de la sorte. La
directrice avait réuni toute l’école dans la cour et avait expliqué à l’ensemble des élèves et aux
instituteurs qu’elle en tolèrerait aucun geste, aucune parole agressive envers nous, les israélites,
parce qu’elle jugeait cette marque infamante et déshonorante.
- C’est fort courageux de sa part, dit Max Wiener lorsque nous relatâmes ce qui s’était passé à
l’école.
- Non, c’est normal ! s’était exclamée Léontine.
- Normal, peut-être, mais combien réagiront de la sorte ? avait remarqué M. Katz, le père de
joseph.
En effet, très rapidement, nous nous rendîmes compte que l’attitude de notre directrice d’école
méritait d’être soulignée. Plus d’un instituteur fit preuve à notre égard de la plus grande
méchanceté quand ce n’était pas de la cruauté pure et simple. Certains enfants eurent à subir au
quotidien quolibets, brimades et humiliations ; si j’en fus pour ma part épargnée, Joseph et ses
camarades de classe juifs en souffrirent eux énormément. Leur instituteur était un homme non
seulement violent de nature, mais profondément antisémite. Nous ne nous amusions plus guère
sur le chemin de l’école. Nous étions devenus graves, nous aussi, comme les adultes. »
Hassan Yael - La promesse - Castor Poche éditions, 1999.
Hassan Yaël –Quand Anna riait
« Un jour, Anna arbora un étoile jaune qu’elle avait cousue sur sa robe, du côté gauche ; Cela ne
changeait en rien son attitude ; cela n’effaça ni son sourire, ni sa bonne humeur, ni n’altéra sa
joie de vivre. Elle portait l’étoile infâme comme on l’eut fait d’un bijou ou d’un colifichet. Moi, je ne
pus m’empêcher d’éclater en sanglots dès que je l’eus quittée. Du haut de l’escalier, Anna
m’entendit.
- Pleure pas Jacques ! me cria-t-elle par-dessus la rampe, c’est pas important ça ! Ce qui est
important, c’est la vie. Bientôt notre anniversaire. Ça c’est important, tu comprends ? Et puis c’est
joli l’étoile de David, le roi des Juifs. Parce que avant, il y a très longtemps, les Juifs avaient des
rois. Et leur royaume s’appelait Jérusalem.
Merveilleuse Anna qui me consolait moi qui me sentais si coupable de l’affront qu’on lui faisait ! »
Hassan Yaël –Quand Anna riait – Casterman 1999
Civisme et Démocratie – CIDEM – Janvier 2005
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Des lectures et documentaires pour la classe
* Hassan Yaël –Quand Anna riait – 115 p. Casterman 1999 – ISBN 2-203-11887-3
- du même auteur, même collection : Un grand père tombé du ciel- Casterman
1996 Simon et sa cousine retrouvent dans le grenier de la maison familiale une photo de
1942. Ils découvrent grand père lorsqu’il avait seize ans en compagnie d’une très
belle jeune fille qui s’appelait Anna. Ils vont mener l’enquête et perçant un secret de
famille, ils permettront à grand père de renouer avec le passé et feront émerger la
mémoire.
* Lefèvre Laurence et Korb Liliane – Les enfants aussi Juillet 1942- Hachette 1995
(95 p. 2004) – ISBN 2.01.322221.1
Dinah a l’âge des lecteurs. Avec Tauba, sa petite sœur qui n’a que six ans, elles
nous font vivre au quotidien les semaines qui ont précédé la rafle du Vel’ d’Hiv’: de
l’arrivée des Allemands dans Paris, aux mesures de discrimination puis d’exclusion,
le port obligatoire de l’étoile jaune….
Les jeunes lecteurs sont ainsi amenés à voir la mise en place du piège qui, peu à
peu, va se refermer sur les Juifs, à découvrir les réactions – ou l’indifférence - des
contemporains, des voisins...
Ce récit, inspiré des souvenirs des proches de ses deux auteurs, constitue une très
belle médiation entre l’information historique et la pudeur nécessaire à la
transmission de ces terribles évènements.
Un livre tendre, pudique et souvent drôle, à mi-chemin entre témoignage et
reconstitution, une magnifique approche des évènements historiques.
* Descornes Stephane –Juillet 42- Sous une mauvaise étoile- Nathan 2002- ISBN
209 211132 9Un livre réalisé en partenariat avec la Direction de la Mémoire du Patrimoine et des
Archives –Ministère de la défense-. Sous une forme romancée qui en facilite la
lecture, cet ouvrage recèle une véritable leçon d’histoire.
A lire et travailler en classe.
Des documentaires
* Clive A. Lawton – L’histoire de la Shoah - Gallimard Jeunesse 1999 – ISBN 2 07
0557 45 6Relecture d’Anne Grynberg. Essentiel.
* Hassan Yaël et Hoffmann Ginette – A Paris sous l’occupation – Casterman 2000
ISBN 2 203 13748 7
Civisme et Démocratie – CIDEM – Janvier 2005
Vel d’Hiv