Les nombreux avantages d`une pratique accessibLe

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Les nombreux avantages d`une pratique accessibLe
dossier
l’insémination, un geste à la portée des éleveurs
Les nombreux avantages
d’une pratique accessible
Pratiquer soi-même les inséminations facilite l’organisation du travail et permet de s’impliquer
davantage dans la maîtrise de la reproduction du troupeau. Quant au geste, il est accessible
à tout le monde, à condition de s’investir au départ.
L
’insémination par l’éleveur (IPE) est en plein
développement. En 2010,
plus de 2 000 éleveurs
avaient déclaré 200 273 inséminations artificielles auprès des
EDE. Certes, cela ne représente que 3 % des IA totales
mais, entre 2009 et 2010, la
croissance annuelle représentait 34 %. Et à en croire
les demandes de formation,
elle n’a pas faibli l’an passé.
Ce nouvel engouement s’est
d’abord appuyé sur l’évolution
récente de la réglementation.
En effet, depuis 2006, l’éleveur
qui souhaite inséminer chez
lui n’a besoin que d’une chose :
envoyer une simple déclaration
à l’EDE. Il n’est plus nécessaire
de posséder une licence ni
même de suivre une formation
obligatoire ni de convention
avec un centre d’IA. Une liberté
acquise qui répond à plusieurs
motivations.
« L’éleveur inséminateur n’est
plus le militant de l’autonomie
d’avant 2006, qui se voulait
surtout indépendant des coopératives d’insémination (CIA) »,
réglementation de l’IPE
➽ Avant 2001
La loi sur l’élevage de 1966 exigeait
de l’éleveur inséminateur une
formation sanctionnée par un
examen. Cette licence pouvait
s’acquérir à Rambouillet, puis
dans les centres d’IA à partir de
1978. Ensuite, les doses devaient
obligatoirement transiter par le
centre d’IA, qui devait aussi assurer
l’enregistrement des inséminations.
28 l mai 2012 l numéro 202 l L’éleveur laitier
La formation pratique à l’IPE se
fait sur des vaches de réforme.
explique Dominique Lebrun,
de France Bovia(*) (organisme
de formation à l’insémination).
Les motivations premières
des éleveurs sont aujourd’hui
l’organisation du travail et une
meilleure maîtrise de la reproduction. Ceux qui se forment
à l’IA ont souvent le même
discours : « Les services proposés
par les CIA se sont dégradés ou
ne correspondent plus à nos attentes et à nos emplois du temps
de plus en plus chargés. » En
cause, des heures de passage
aléatoires ou un seul passage
par jour de l’inséminateur.
Difficile dans ces conditions
d’assurer une contention non
stressante pour la vache, mais
aussi d’échanger avec le technicien. En cause aussi, certains
CIA qui n’assurent pas de service le dimanche. Au-delà de
ces considérations pratiques,
beaucoup d’éleveurs insémina-
Compliquée hier, simplifiée aujourd’hui
➽ Avant 2006
La formation et l’examen ne
devenaient plus obligatoires, mais
l’éleveur devait obtenir une licence
délivrée automatiquement par
la DDA, à condition qu’il ait une
convention avec son centre d’IA.
Celle-ci n’était pas facile à obtenir
et pouvait coûter de 5 à 6 €/IAP. Les
doses devaient toujours transiter
par le CIA.
➽ Depuis le 28 décembre 2006
Aucune formation ni licence ne sont
demandées pour inséminer son
troupeau. Il suffit d’une déclaration
à l’EDE, qui renvoie un numéro
d’immatriculation du dépôt de
semences. La livraison des paillettes
dans l’élevage, sans transiter par le
CIA, est possible. L’enregistrement
des IA est fait par l’éleveur auprès
des EDE dans un délai d’un mois.
teurs sont très impliqués dans
la génétique de leur troupeau
et recherchent une plus grande
autonomie dans le choix des
taureaux. Enfin, l’économie sur
la mise en place des paillettes
n’est pas négligeable (voir
tableau page suivante). « Le
choix d’inséminer s’inscrit plus
largement dans une professionnalisation des éleveurs, qui
s’investissent davantage dans le
suivi du troupeau, notamment
la fertilité : surveillance des
chaleurs, alimentation des taries,
etc. Et quand elle est devenue
routinière, l’IPE prend souvent
moins de temps que l’attente
de l’inséminateur », remarque
Dominique Lebrun.
Pour toutes les tailles
de troupeaux
Il n’y a pas aujourd’hui un
profil particulier de l’éleveur
inséminateur. Certes, les jeunes
sont plus représentés que les
cinquantenaires, mais ces
derniers participent aussi aux
formations. Toutes les tailles de
troupeaux et toutes les grandes
races sont concernées. Mais
le geste est-il accessible à tout
le monde ? Il y a là un mythe
à briser car très entretenu par
les inséminateurs depuis une
cinquantaine d’années. L’acte
de l’insémination artificielle a
souvent été présenté comme
inaccessible aux non-spécialistes : « Celui qui n’insémine
pas 5 000 vaches par an ne peut
pas maîtriser le geste. » « Si vous
ne faites pas plus de 10 vaches
par jour, vous perdez le coup de
main… » « Souvent considérée
comme un geste de technicien,
l’insémination artificielle est
dossier
 l’exploitation
À Forges-la-Forêt
(Ille-et-Vilaine)
« J’insémine mes vaches
au calme et au bon moment »
Noël Jamet a fait sa formation à l’IPE en 2002, puis milité pour alléger la
réglementation. Aujourd’hui, c’est son fils Simon qui le seconde. Pour eux,
l’insémination artificielle devrait être enseignée à tous les futurs éleveurs.
C
Bovia, en janvier 2002. Cette
année, c’est mon fils Simon qui
toutes ses vaches. Au
vient de terminer sa formation. »
début des années 2000,
Comme la majorité des éleil appartenait au syndicat des
veurs, la motivation première
éleveurs inséminateurs, ceuxa été la souplesse de l’intervenlà même qui ont milité pour
tion. « L’inséminateur passait
faire évoluer la réglementation
souvent pendant la traite, ce
et casser le monopole des coon’était vraiment pas commode.
pératives d’insémination. « En
Aujourd’hui, j’insémine mes
2002, la législation nous donnait vaches au calme et au bon mole droit d’inséminer sans avoir de ment, après la traite, sans stress.
licence, mais toutes les doses deC’est devenu un geste d’éleveur
vaient transiter obligatoirement
banal. On devrait l’enseigner
par la coopérative
dans les écoles.
« Si j’arrêtais Même si il n’y a
d’inséminations de
l’Urceo ainsi que
pas deux cols de
deux ans, je
toutes les déclaral’utérus ou deux
retrouverai
tions d’IA avec, au
vagins identiques,
aussitôt les
passage, des frais
il faut à chaque IA
prohibitifs », se
automatismes. » s’adapter et accepsouvient Noël.
ter de passer plus
Ancien contrôleur laitier, l’IPE
de temps sur certaines vaches. »
(insémination par l’éleveur),
Mais comment a-t-il géré le
il l’avait vue pratiquer dès les
stress des premières fois ? « Il
années quatre-vingt chez une
faut oser foncer, mais aussi savoir
poignée d’éleveurs. « Cela se pas- prendre son temps pendant l’IA.
sait très bien. Une fois installé, j’ai Je m’étais fait une petite fiche
décidé de faire l’une des premières avec tout le protocole de prépaformations proposées par France ration de la paillette. Surtout, ne
ela fait déjà dix ans
que Noël Jamet insémine
pas écouter les braves gens qui
affirment bien fort qu’à moins
de 3 000 vaches par an, on ne
maîtrisera jamais le geste. Moi, je
dis, c’est comme le vélo. Si j’arrête
pendant deux ans, je retrouverai
aussitôt les automatismes. »
« Il faut Sauter le pas
dès la fin de la formation »
D’ailleurs, Noël ne connaît pas
de cas d’échec dans son entourage. Et dans son canton, les
éleveurs qui n’inséminent pas
sont rares. Il tient un registre
très précis de chaque IA en scotchant dans un cahier la paillette
utilisée. Il se donne aussi une
note allant de (++) à (– –) selon
la qualité estimée de l’intervention. « S’il y a un peu de sang au
bout de la sonde, on est peut-être
trop loin de l’ovulation, etc. »
Les résultats de fécondité ont-ils
été modifiés après l’IPE ? L’élevage était à 1,68 dose par femelle mise à la reproduction en
2002, il est passé à 1,58 en 2003.
Le taux de réussite en première
IA est annoncé à 64 %. « Je ne
Gaec à trois : Noël,
Mireille et Simon
750 000 l de quota
85 vaches prim’holsteins
IPE depuis 2002
prête plus attention à ces résultats, je vois que ça fonctionne.
Depuis que j’insémine, je suis
plus attentif à la surveillance des
chaleurs. J’ose aussi des fouilles
pour m’assurer de la gestation. »
Les relations avec la coopérative d’IA n’ont jamais été rompues. « J’ai toujours travaillé dans
la transparence avec la coop et je
n’ai jamais senti une discrimination à mon égard. Mais nos relations sont aujourd’hui purement
commerciales. Je fais moi-même
les plans d’accouplement. Dernièrement, nous avons adhéré à
l’Upra prim’holstein en espérant
y trouver un service neutre. »
Quel conseil Noël donne-t-il à
ceux qui veulent se lancer dans
l’IA ? « Nous faisons parfois des
choses plus compliquées que ce
geste-là sur nos élevages. Mais
il faut sauter le pas dès la fin
de la formation, surtout ne pas
attendre. Il faut savoir aussi que
ce sera beaucoup plus facile sur
une vache en chaleur que sur une
vache de réforme pendant la formation. Avoir à l’esprit que rater
une paillette, ce n’est pas prendre
un risque financier. Enfin, il n’y
a aucune raison de se laisser impressionner par l’inséminateur.
Vous êtes maître chez vous. » n
L’éleveur laitier l numéro 202 l mai 2012 l 29
dossier
l’insémination, un geste à la portée des éleveurs
L’éleveur inséminateur
intervient dans des
conditions moins
stressantes pour
l’animal, c’est un facteur
important de réussite
pour l’IA.
avant tout un geste d’éleveur »,
précise Étienne Canival, de
France Bovia.
Dominique Lebrun qui a été
lui-même inséminateur pendant dix ans, puis technicien en
transplantation embryonnaire
depuis vingt-deux ans, tient à
désacraliser l’IA : « N’importe
quel éleveur, homme ou femme,
peut s’approprier ce geste technique. Cela ne demande aucune
force physique mais un peu
d’habileté. Elle s’acquiert plus
ou moins vite par une formation
et quelques semaines d’apprentissage. Mais c’est moins
une question d’adresse que de
motivation et chacun peut y aller
à son rythme. »
Ils ne sont que quelques-uns en
France à offrir des formations
à l’IA. France Bovia, basée en
Bretagne, à Châteaubourg, et
en Normandie, à Surtauville,
propose un cycle de trois jours,
par petits groupes d’éleveurs
et espacés dans le temps. Il
s’effectue pour moitié en salle
le matin pour la théorie, et
l’après-midi sur des vaches de
réforme. Aux éleveurs de s’entraîner ensuite chez eux entre
les jours de formation. « Nous
avons choisi cette formule, car
l’apprentissage chez soi, sur ses
propres vaches, est essentiel : un
quart d’heure quotidiennement
suffit. Il faut apprendre de ses
échecs, insister et persévérer tout
en échangeant ses expériences
avec les autres stagiaires. Et
surtout ne pas se décourager. »
Les freins à l’IPE et les causes
d’échecs sont souvent plus psychologiques que techniques :
« Et si je n’y arrivais pas ? »
Intervenir
au bon moment
Le geste de l’insémination,
tout le monde l’a vu faire. Une
main passe par le rectum pour
localiser le col de l’utérus,
pendant que l’autre manipule
la sonde (voir pages suivantes).
Toute la difficulté est de passer
le col pour déposer la semence
à l’entrée de l’utérus. Y a-t-il un
risque pour l’animal ? « Il ne
faut ni dramatiser ni banaliser
cet acte. Le risque de perforation des tissus du vagin ou de
l’utérus est quasi nul. Il faudrait
vraiment agir avec une extrême
brutalité alors que ce geste, pour
être réussi, demande au contraire
du doigté et de l’attention. J’ai vu
passer plus de 2 000 stagiaires,
tous débutants, et il n’y a jamais
eu aucun accident, rassure Dominique Lebrun. Les vaches ont
une capacité à sentir notre état
d’esprit. Aborder une vache dans
la précipitation et la nervosité est
le meilleur moyen pour compliquer les choses. » Pratiquer l’insémination, c’est justement se
donner les moyens d’intervenir
au bon moment pour la vache
ENVIRON 1 700 € ÉCONOMISÉS PAR AN (POUR 100 IA)
Investissement de départ
- La formation de trois jours ......... 300 €
- La cuve ............................................647 €
- Le décongélateur ...........................173 €
- Petit matériel ...................................50 €
- Enregistrement de l’agrément ..... 30 €
TOTAL : 1 200 €
amortis sur 10 ans :
120 €/an (1,20 €/IA)
Consommables
- Azote liquide ..............................100 €
- Gants de fouille ............................ 11 €
- Chemise sanitaire ......................... 8 €
- Gel .................................................... 5 €
- Chemise sanitaire ......................... 9 €
- Enregistrement des IA (0,55 €) ....55 €
- Forfait annuel IPE ....................... 10 €
TOTAL : 198 €/an
soit 1,98 €/IA
Coût total pour 100 IA/an : 120 + 198 = 318 €
Comparé au coût du CIA (pour le service de
mise en place), soit 20 € x 100 IA = 2 000 €/an
30 l mai 2012 l numéro 202 l L’éleveur laitier
économie permise
2 000 - 318 = 1 682 €
Peu d’investissements
Et quelques consommabl
➽ Le container
C’est l’investissement le plus
important. Il s’agit ni plus ni moins
d’une grand Thermos qui doit
contenir l’azote liquide (- 196°C) et
les paillettes rangées dans plusieurs
canisters. Sa qualité principale est
l’isolation pour perdre le moins
possible d’azote liquide et n’avoir
à faire un remplissage que deux
ou trois fois par an. On trouve une
grande hétérogénéité de cuves
sur le marché. Il faut se méfier des
offres sur internet et privilégier
les distributeurs de
marques ayant fait leurs
preuves en termes
de consommation
d’azote et de
longévité. Il
faut viser
une capacité
de 35 l. La
capacité en
paillettes
sera toujours
suffisante.
Un container
ne s’use pas
dans de bonnes
conditions de
mais aussi pour l’éleveur.
Sachant qu’il est impossible de
connaître avec précision l’instant de l’ovulation, le message
est d’inséminer dans les 6 à
12 heures après avoir détecté
les chaleurs. En pratique, une
vache vue en chaleur le soir
sera inséminée le lendemain
matin, celle vue en chaleur le
matin sera inséminée le soir.
« Le moment le plus propice à
l’IA est sans nul doute après la
traite. Les vaches sont apaisées. »
(la libération d’ocytocine a un
effet relaxant, et la ration a
souvent été distribuée, ce qui
contribue à faciliter la contention sans stresser l’animal).
« À ce moment de la journée,
l’éleveur est en général plus
disponible, donc moins stressé
lui aussi. La vache connaît “son”
stockage et sans chocs, il peut durer
plus de vingt ans.
➽ L’azote liquide
Il maintient les paillettes congelées
à - 196°C. La plupart des centres
d’inséminations artificielles
proposent des livraisons d’azote
liquide en même temps que leurs
paillettes. Pour répondre à la
demande croissante des IPE,
une entreprise de l’ouest de la
France propose un contrat de
livraisons d’azote régulières dans
de nombreuses régions à 1,80 € le
litre. Attention, l’azote liquide est à
manipuler avec précaution pour
éviter les risques de brûlures.
➽ Un décongélateur
La décongélation des
spermatozoïdes de - 196°C
à une température proche
du corps de la vache
(38°C) doit se faire le plus
rapidement possible, en
évitant les fluctuations
thermiques pour ne
pas détruire les cellules
spermatiques. On utilise
pour cela un appareil qui
contient de l’eau à 35°C pour
décongeler les paillettes et
éleveur qu’elle voit, qu’elle sent,
qu’elle entend tous les jours : cette
“complicité” donne un avantage
énorme en terme de réussite par
rapport à un intervenant extérieur inconnu du troupeau, qui
va obligatoirement générer du
stress », expliquent Dominique
Lebrun et Étienne Canival
De bons résultats
et peu d’échecs
Les statistiques de l’Institut de
l’élevage montrent que le taux
de non-retours à 18-90 jours est
supérieur de 4 % pour les IPE.
La comparaison mérite toutefois un bémol du fait du faible
nombre d’IPE et de leurs enregistrements qui n’arrivent pas
toujours dans les délais. Une
enquête sur un échantillon de
200 éleveurs formés par France
dossier
Bovia pratiquant l’insémination montrait que deux tiers
d’entre eux avaient plus de
50 % de réussites en IAP (la
moyenne nationale est à peine
supérieure à 40 %). Sur ce
même échantillon, seulement
2,5 % jugeaient le geste difficile,
69,5 % le jugeaient plutôt facile
avec des difficultés occasionnelles, et 14 % très faciles. De
cette même enquête, il ressort
que la réussite des éleveurs inséminateurs est au moins aussi
bonne qu’avec un intervenant
extérieur en première année
de pratique, et meilleure par la
suite. Non pas que les éleveurs
maîtrisent mieux le passage du
col de l’utérus qu’un technicien, mais ils interviennent
souvent en conditions moins
stressantes pour l’animal. Ils
s’investissent davantage dans
le suivi et deviennent donc de
vrais acteurs de la reproduction de leur troupeau.
es
les maintenir à température.
➽ Les pistolets et les
consommables
Le pistolet (ou sonde) permet de
passer le col de l’utérus et déposer
le sperme. Il existe des pistolets
universels qui s’utilisent avec
petites, 0,25 ml et grosses paillettes
0,50 ml. Indispensables aussi les
gants : ils doivent être souples
avec les doigts bien dessinés et
pas trop épais pour conserver
toutes les sensations du toucher. La
chemise sanitaire en protection de
la sonde est tout aussi importante
pour optimiser les chances de
réussite. L’utilisation de gel doit être
systématique pour lubrifier le gant
et ainsi réaliser l’acte d’IA dans le
respect de l’animal.
Éleveurs inséminateurs et CIA
Plusieurs éleveurs inséminateurs
nous avaient confié l’accueil souvent
glacial qu’ils ont reçu de leur CIA et
de l’inséminateur à l’annonce de leur
engagement dans une formation
à l’IA. Mais les choses semblent
avoir évolué. C’est en tout cas le
discours des centres d’insémination.
Interrogés sur cet engouement pour
l’IPE. Ils réfutent une quelconque
mise à l’écart des éleveurs
inséminateurs. Oubliés les bras de fer
qui ont précédé la réglementation de
2006 ? « Les éleveurs inséminateurs
sont des adhérents comme les
autres qui bénéficient des mêmes
avantages. Nous ne dissuadons
jamais quelqu’un de se lancer »,
affirment de concert Gènes Diffusion
Oser franchir le pas
La pratique de l’insémination
ouvre aussi à d’autres gestes :
mieux diagnostiquer les
métrites, mettre en place un
traitement intra-utérin, s’assurer de la bonne involution
utérine après la mise bas, faire
un diagnostic manuel de gestation dès trois mois après l’IA,
etc. Certains éleveurs évoluent
ensuite vers la pratique de
l’échographie, ce qui apparaît
comme une suite logique (voir
L’Éleveur laitier d’avril 2011).
Faut-il se lancer immédiatement après l’apprentissage
ou commencer avec quelques
vaches et les paillettes les
moins chères ? Cette question
en amène une autre : comment gérer la relation avec
son centre d’insémination
quand on décide d’inséminer
soi-même ? « Il n’y a pas de
réponse universelle. C’est au cas
par cas. Quoi qu’il en soit, il est
toujours souhaitable de conserver de bonnes relations avec son
inséminateur. D’autres éleveurs
nouent une relation plus proche
avec leur vétérinaire, qui devient
le partenaire de la reproduction
du troupeau. » L’organisation
du travail dans les sociétés est
aussi à prendre en compte.
Il n’est pas conseillé qu’un
seul des associés se forme à
l’IA. Dans ce cas, comment se
libérer pendant les week-ends
et les vacances ? « À deux, on se
motive davantage et cela évite
de laisser toute la responsabilité
de la reproduction sur un seul
associé », avertit Dominique
Lebrun. n dominique grémy
(*) www.francebovia.com
Les relations se seraient détendues
et Créavia. Les CIA proposent
même des formations aux éleveurs
intéressés. Avec environ 3 % des
IAT (IA totales), l’insémination par
l’éleveur ne représente pas une
perte d’activité importante pour les
CIA. « Nous avons d’autres services
que l’IA à proposer aux éleveurs
dans le domaine de la reproduction,
et notre métier est d’abord de créer
et de vendre de la génétique »,
insiste Gènes Diffusion. L’objectif des
unités de sélection est aujourd’hui
de conserver un contact avec ces
élevages qui ne voient plus passer
l’inséminateur. Créavia a même créé
un service spécialement dédié à
l’IPE. Trois techniciens démarchent
les éleveurs inséminateurs pour
leur proposer conseils, services,
consommables (azote, etc.) et,
bien sûr, la génétique maison. Les
critiques des éleveurs sur le service
à l’IA ne sont pas toutes recevables
pour les unités de sélection.
« Il y a de moins en moins
d’élevages, donc plus de kilomètres
à faire par IA, il est logique que le
service ait évolué. Inversement,
les inséminateurs nous signalent
des exploitations où l’éleveur n’est
jamais présent au moment de leur
passage. » Éleveurs inséminateurs
et CIA s’accordent sur le fait que
c’est la relation avec l’inséminateur
qui est parfois la plus difficile à gérer.
« Il n’est jamais agréable pour un
technicien de perdre un éleveur.
Mais lorsque chacun agit en bonne
intelligence, les relations peuvent
demeurer excellentes. Certains
inséminateurs continuent à assurer
les échographies sur le troupeau »,
assure les centres d’insémination.
France Bovia émet quelques doutes
sur ses bonnes intentions affichées
vis-à-vis de l’IPE. « Ils ont parfois
un double langage : avant que
l’éleveur n’ait pris sa décision, il est
souvent déstabilisé sur sa capacité
à pratiquer le geste. Quand sa
décision est prise, effectivement,
les CIA cherchent à le récupérer
comme acheteur de doses. Quant
aux formations qu’ils organisent,
elles sont souvent orientées pour
décourager le candidat à l’IPE. »
L’éleveur laitier l numéro 202 l mai 2012 l 31