Notions de base à l`usage des commerçants musulmans v.0
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Notions de base à l`usage des commerçants musulmans v.0
Notions de base à l’usage des commerçants musulmans v.0 Introduction Pour le musulman, cette vie présente ne constitue pas une finalité en soi : elle représente une étape dans une longue existence qui en comprend plusieurs autres. Et cette étape présente une particularité essentielle : elle constitue une épreuve constante et globale en ce sens que le comportement et l’attitude que l’être humain développe durant celle-ci va avoir un impact considérable sur les autres étapes à venir, notamment sur la phase intermédiaire entre ce monde et l’Au-delà, puis lors du Jugement Denier et, enfin, bien évidemment, sur le sort qui l’attend après le Jugement. Mais s’il y a bien un domaine où cette dimension d’épreuve est très manifeste au cours de notre existence présente, c’est celui de la relation qu’entretient l’Homme avec les biens. Les biens renferment ainsi une double dimension : ils ont le potentiel pour devenir de très bons assistants. Le Prophète Muhammad (bénédictions et salut de Dieu sur lui), en s’adressant à ‘Amr ibn ‘Âss (que Dieu l’agrée), avait dit : « Qu’il est excellent le bien sain pour l’homme pieux ! » (Musnad Aḥmad n° 17798). Néanmoins, les biens ont aussi le potentiel de se transformer en un facteur d’égarement et de perdition : à une autre occasion, le Messager d’Allah (bénédictions et salut de Dieu sur lui) avait dit, en s’adressant aux Compagnons : « Par Allah, ce n’est pas la pauvreté que je redoute pour vous. Ce que je crains, c’est que (la richesse) de ce monde vous soit offerte comme elle l’avait été à ceux qui vous ont précédé et que vous vous mettiez alors à vous vous disputer celle-ci comme ils l’ont fait et qu’elle vous détruise comme elle les a détruit. » (Bukhârî et Muslim, al-Lu’lu’ wa al-marjân n° 1866). Cette épreuve, dans le rapport avec les biens, elle se situe à deux niveaux : dans la façon dont ils sont obtenus et dans la façon dont ils sont employés. Ainsi, dans sa recherche du profit et dans sa volonté de satisfaire ses besoins ou ses désirs matériels, le musulman ne peut adopter des pratiques et des moyens qui contreviennent à ses principes éthiques et/ou aux règles de droit extraits de ses références premières (le Qur’ân et la Sunnah). La bienveillance dans les relations commerciales L’individu se doit de venir en aide à son prochain qui se trouve dans la difficulté. Le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Ne vous enviez pas les uns les autres, ne vous faites pas monter les enchères d’une marchandise (sans avoir l’intention de l’acheter), ne vous haïssez pas, ne vous tournez pas le dos, ne vendez pas sur la vente d’un autre. Soyez, serviteurs de Dieu, frères. Le musulman est le frère du musulman, il ne l’opprime pas, ne lui refuse pas son soutien, ne lui ment pas et ne le méprise pas. La piété est ici, en montrant sa poitrine à trois reprises. Il suffit à l’homme pour être mauvais de mépriser son frère musulman. Tout le musulman est interdit au musulman : son sang, ses biens et son honneur » (Muslim n° 2564). D’après Abû Hurayra (que Dieu l’agrée), le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Quiconque soulage un croyant d’une des situations affligeantes de ce monde, Allah le soulagera de l’une des situations affligeantes du Jour de la Résurrection. Quiconque facilite les choses à un débiteur en difficulté, Allah lui facilitera les choses dans ce monde et dans l’autre. Celui qui couvre un musulman, Allah le couvrira dans ce bas-monde et dans l’autre. Allah aide Son serviteur tant que celui-ci aide son frère… » (Muslim n°2699). Ainsi, profiter de la situation difficile des gens pour augmenter ses prix, pour intégrer des clauses abusives aux contrats et les autres comportements de ce genre ne font absolument pas partie de la morale du croyant musulman. En ce sens, il est dit dans le Coran : « Ne donnez pas aux gens moins que ce qui leur est dû » (Coran 7/85). A une occasion, le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) disait : « Il n’est pas licite (de s’approprier) le bien du musulman si ce n’est de son plein gré. » (Musnad Aḥmad n° 20714). L’indulgence et la bonté réciproque De manière générale, l’indulgence est un comportement louable en islam… et il l’est plus particulièrement dans le domaine des transactions commerciales. En effet, l’islam accorde une place importante à la réciprocité dans l’indulgence. Cela est caractérisé notamment par ce qui suit : La tolérance dans la vente et l’achat : le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Que Dieu (exalté soit-Il) fasse miséricorde à toute personne conciliante lorsqu’elle vend, elle achète ou elle souhaite récupérer son dû » (Bukhârî n° 1934). Accorder un délai supplémentaire aux débiteurs en difficulté financière. Allâh (exalté soit-Il) a dit : « A celui qui est dans la gêne, accordez un sursis jusqu’à ce qu’il soit dans l’aisance. Mais il est mieux pour vous de faire remise de la dette par charité ! Si vous saviez ! » (Coran 2/280). A cet effet, le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « On présenta devant Dieu (exalté soit-Il) un de Ses serviteurs à qui à Il lui a prodigué des biens. Il lui demanda : « Qu’as-tu donc fait dans ce bas-monde ? – Seigneur ! répondit cet homme, Tu m’as accordé des richesses qui m’ont permis de faire des affaires. Mon comportement était alors l’indulgence. Je facilitais pour les personnes aisées et j’accordais des délais supplémentaires pour celles gênées dans les entournures. Dieu (exalté soit-Il) dit alors : « Je suis plus en droit d’être indulgent que toi. Pardonnez à Mon serviteur » (Muslim n° 1560). Accepter de dissoudre la vente si l’acheteur en formule le souhait (iqâla). Comme celui, par exemple, qui ne désire plus la marchandise achetée. Le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Celui qui accepte de résilier (un contrat) à un musulman, Dieu (exalté soit-Il) acceptera ses excuses pour ses fautes le jour de la résurrection » (Abû Dawûd n° 3460 ; Ibn Mâjah n° 2199). La sincérité et la loyauté La sincérité et la loyauté sont deux caractéristiques de tout bon musulman qui doivent faire l’objet d’une attention particulière dans le monde du commerce et des transactions financières. En effet, l’appât du gain peut aisément faire succomber le contractant dans des pratiques condamnables : il suffit parfois de prononcer un « petit mensonge » pour accroître son profit… Et le contrôle de soi dans ces circonstances, afin de ne pas prononcer ce mensonge, ayant pour conséquence une restriction ou une perte de profit immédiat, nécessite certes un effort considérable sur-soi. Dans un monde où le matérialisme et la convoitise des richesses, y com- pris par les moyens frauduleux, demeure en grande partie la règle, la personne dont la foi lui permet d’être particulièrement consciente de la présence de Dieu (exalté soit-Il) est plus encline à surpasser ce conflit interne… et à pouvoir espérer ce qui a été exprimé dans la narration suivante : « Le commerçant sincère et loyal sera aux côtés des Prophètes, des véridiques et des martyrs » (al-Tirmidhî n° 1209 – ḥadîth ḍa‘îf). Ainsi, la tricherie (ghiš) est en contradiction avec ces deux comportements, que cette tricherie porte sur le prix ou la marchandise (en lui donnant des caractéristiques qu’elle n’a pas ou en dissimulant ses défauts par exemple). Le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Il n’est pas permis au musulman de vendre une marchandise, sachant qu’elle contient un défaut, sans en informer (l’acheteur) » (Bukhârî sans chaîne de transmission). Dans un autre hadîth, le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Les parties contractantes ont le choix (de conclure ou non le contrat) tant qu’elles ne se sont pas séparées. Si elles sont sincères et claires, leur transaction sera bénite. Si elles dissimulent et mentent, la bénédiction de leur transaction sera anéantie » (Bukhârî n° 1937). Eviter les transactions aléatoires (gharar) Le gharar est un aléa ou un flou dans le contrat pouvant générer des conflits. C’est donc dans la perspective de diminuer les contentieux entre les contractants que le gharar est interdit en islam. Le caractère aléatoire peut intervenir à différents niveaux : Dans l’objet de la transaction (marchandise/ prix) : quand on en ignore les caractéristiques élémentaires telles sa nature, sa catégorie, sa qualité ou sa quantité… Vendre par exemple un lot d’ordinateur dont aucune description n’est donnée (ni la taille de l’écran, ni la capacité du processeur, ni celle du disque dur, ni le nombre d’ordinateur…). Le prix est dé- terminé mais l’acheteur n’a aucune possibilité de vérifier avant de conclure la vente, à prendre ou à laisser. Dans le prix : tant que le prix est indéfini, la transaction est aléatoire. Vendre par exemple une marchandise au prix que donnent telle catégorie de commerçants, alors que les contractants ignorent le prix en question. Dans le délai : Vendre, à titre d’exemple, une maison avec une rente viagère qui prendra fin à la mort de l’un de ses occupants. La date de la mort étant inconnue, la vente est donc interdite. Honorer ses engagements Le fait de respecter une promesse est obligatoire et il l’est d’autant plus quand il s’agit d’un contrat. Dieu (exalté soitIl) dit : « Ô les croyants ! Remplissez fidèlement vos engagements » (Coran 5/1). On peut aisément imaginer le climat conflictuel qui peut régner dans un univers économique où des valeurs fondamentales telle que le respect des engagements est bafoué. Les serments commerciaux En islam, les serments sont généralement employés pour mettre un terme à des litiges en vue de confirmer ou d’infirmer une chose. En aucun cas le serment est un moyen de s’enrichir, de liquider ses marchandises invendues, de convaincre un client d’acheter un article… L’utilisation du serment de cette manière est incongrue par rapport aux objectifs principaux de la législation des serments. Le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Prenez garde aux nombreux serments dans la vente. Car même s’ils permettent d’écouler les marchandises, ils finissent par en anvéantir la bénédiction » (Muslim n° 1607). Dans un autre hadîth, le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Le serment écoule les marchandises et en anéantit la bénédiction » (Bukhârî et Muslim, al-Lu’lu’ wa lamarjân n° 1035). L’imam al-Nawawî (que Dieu lui fasse miséricorde) a dit : « Il est déconseillé de jurer sans raison ; et le faire dans le but d’écouler ses marchandises en fait partie » (Šarḥ al-Nawawî ‘alâ Ṣaḥîḥ Muslim, vol. 11, p. 44). Si telle est la situation pour celui qui dit vrai, il finira un jour ou l’autre par donner de faux serments. Le cas de ce dernier devient alors plus critique. Le Prophète (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a dit : « Les grands péchés sont l’associationnisme, le mauvais comportement avec les parents, le meurtre et (prêter consciemment) de faux serments » (Bukhârî n° 6182). Un serment mensonger, en toute connaissance de cause, est appelé al-ghamûs du verbe ghamasa qui signifie immerger. Il est appelé ainsi car il plonge son auteur dans les profondeurs de l’enfer. La perfection dans le travail Perfectionner tous ses actes est une vertu à laquelle l’islam aspire. Le Messager de Dieu (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a en effet dit : « Dieu (exalté soit-Il) a prescrit l’excellence en toute chose… » (Muslim n° 1955). Il (bénédictions et salut de Dieu sur lui) a également dit : « Dieu (exalté soit-Il) aime quand l’un d’entre vous entreprend une action, qu’il la perfectionne » (al-Bayhaqî, Šu‘ab al-imân n° 4929). Il ne fait aucun doute, que lorsqu’un commerçant - entre autres - entreprend les choses avec sérieux et perfection, il contribue de manière considérable à l’amélioration des rapports économiques et à l’épanouissement de la société. Nous demandons à notre Créateur de faire profiter les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, les commerçants et tous ceux qui sont engagés dans le monde des affaires de ces quelques humbles rappels… Qu’Allâh leur accorde des biens licites et les leur bénisse ! Âmîn Contact site : http://www.acerfi.org/ mail : [email protected]