Pauvreté, minorité et vrai pouvoir

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Pauvreté, minorité et vrai pouvoir
EDITORIAL
Le s pieds !
D'un recoin tout à fait oublié de ma mémoire est remonté un souvenir: l'image d'empreintes géantes
de deux pieds gravées sur un rocher du dallage d'un temple. Il s'agit du site archéologique de Ain
Dara, dans le nord de la Syrie, dont les origines remontent au 4ème millénaire avant J.C. Empreintes,
signe de la présence de la divinité et de son pouvoir sur le lieu.
Relisons l'Evangile : que d'empreintes Jésus n'a-t-il pas laissées !
Il a été un grand marcheur, un itinérant inlassable.
Sa marche s'est arrêtée au sommet du Calvaire. Là-haut, ses pieds ont été cloués à la Croix et ses
blessures ont dévoilé au monde que chacun de ses pas est amour, amour pour toute créature, amour
donné « jusqu'à la fin » (Jn 13,1).
François d'Assise ? Un autre grand itinérant !
Son pas était rythmé par le désir « de suivre les traces » de Notre Seigneur Jésus Christ : démarche
vécue d'un amour sans mesure, avec tout son être, en se laissant intérieurement purifier,
intérieurement illuminer et embraser du feu de l'Esprit Saint.1
Au sommet de l'Alverne, les traces du Christ imprimées sur son corps nous disent que François a
parcouru le Chemin jusqu'au bout !
Marie de la Passion n'a-t-elle pas été une grande itinérante ?
Lors d'une retraite, elle se disait à elle-même : « … marche… comme un Evangile vivant »2.
Aujourd'hui elle le redit à l'Institut, à nous qui sommes en marche vers le Chapitre général.
Elle sait que l'itinérance demande écoute, ouverture à de nouveaux horizons, désinstallation,
désappropriation, risques, la fatigue de toujours recommencer…
Vivre un Chapitre général, n'est-ce pas emboîter le pas pour un nouveau commencement dans la
continuité?
Que nous dirait-elle aujourd'hui ? Osons-nous l'imaginer ?
Elle pourrait, peut-être, emprunter les mots de François :
« Mes filles, mes sœurs,
laissez-vous purifier par l'Esprit :
n'avez-vous pas besoin d'un cœur libre pour écouter et chercher ensemble ?
Laissez-vous illuminer par l'Esprit :
n'avez-vous pas besoin de voir où passent les pas du Christ dans le monde d'aujourd'hui
pour arriver à une 'vision' qui guide vos pas?
Laissez-vous embraser par le feu de l'Esprit :
n'avez-vous pas besoin de " passion " pour vivre en solidarité avec un monde en souffrance ?
Allez ! Marchez comme un Evangile vivant, les pieds marqués par les stigmates du Christ ».
7000 FMM marchant à travers le monde : que d'empreintes !
Elles ne sont pas gravées sur la pierre pour passer à l'histoire !
Elles ne sont pas géantes pour passer aux nouvelles du jour !
Elles ne sont pas des signes de pouvoir pour imposer une présence !
Ce sont de simples traces qui éveillent le souvenir de ce qui est gravé au fond de chaque cœur :
nous sommes aimés et sauvés par Dieu.
Rosanna Marin, fmm
1. Lettre à tout l'Ordre, 50-52
2. NS 288
mai - juin 2008
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En Bref ...
Action avec les Personnes Déplacées : atelier fmm pour l’Afrique
Vingt FMM, de 11 provinces
d’Afrique, avec S.Valsa Joseph
fmm, coordinatrice (Bureau
Mission – Rome), S.Mary
Donlon fmm, S.Dina Trevisan
fmm et S.Lungile Mildred fmm
comme traductrices, étaient
rassemblées du 31 mars au 12
avril 2008 au Dimisse Center,
Nairobi, Kenya.
Les présentations faites par les
différentes provinces nous ont
donné l’information de base sur
les réalités que les personnes
déplacées (migrants, refugiés,
victimes du trafic d’êtres
humains) expérimentent en
Afrique. Différents thèmes ont
été présentés : des passages de
la Bible comme une histoire de
personnes déplacées ; Marie de la Passion et les déplacés ; les réponses de l’Eglise à la situation des déplacés.
Ils nous ont aidées à regarder la réalité dans sa totalité à partir d’un point de vue différent.
La session donnée par Ndujta Kweheria a approfondi notre prise de conscience du problème des violations
des droits de l’homme et des aspects ayant trait à la justice vis-à-vis de la discrimination de la femme. Le P.
Joe Hampson a tracé un panorama des situations des migrants/déplacés et nous a guidées dans une réflexion
sur nos racines spirituelles et nos buts dans ce ministère. La présentation de S. May O’Malley concernant le
trafic des êtres humains, nous a ouvert les yeux sur la réalité douloureuse de cet esclavage moderne. Nous
avons eu aussi une courte session, donnée par S.Rose Tcheza fmm, pour apprendre à écrire les projets en vue
d’obtenir une aide financière.
Les partages d’expériences d’immigrés de différents pays, d’enfants soldats et la présentation d’une action
pour la réintégration des enfants de la rue, ont été très éclairants.
Les liturgies et les prières en groupes nous ont aidées à entrer plus profondément dans ce processus.
Maintenant c’est notre tour d’accueillir le défi de faire connaître ce message, travaillant en réseau au niveau
local, national et international, pour apporter la Bonne Nouvelle.
Lilian Curaming, fmm
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FMM Espace Rencontre VII/27
Communauté de Kouoptamo - Cameroun
Notre petit village de brousse, entouré de montagnes, habité en grande majorité par les musulmans, est notre
lieu de mission où le Seigneur nous a envoyées. Nous sommes 5 sœurs, de 5 nationalités différentes et de 4
continents, toutes bien insérées en Eglise et en communauté fmm.
Chaque matin la Messe de 6 heurs nous rassemble avec les fidèles peu nombreux mais combien fervents !
Quatre d’entre nous vont à l’école et à l’hôpital pour le travail. La cinquième sœur circule dans le village,
visite les malades, porte la communion, fait les courses… A partir de 16 heures, après le travail, nous sommes
au service de la mission proprement dite : Catéchèse des jeunes et des adultes, formation des catéchistes,
communautés de base, formation…
Nous sommes en collaboration avec les deux Pères de la Paroisse pour les activités « extra ». Ainsi, à Noël
et à Pâques, nous participons à la montée des jeunes. Cela consiste en une grande marche avec chants, prières,
méditation, puis partage des thèmes : « Non à l’avortement. Oui, à la vie », pour Noël ; « Soyons artisans de
paix », pour Pâques. Beaucoup d’autres activités encore… Bref, nos journées sont bien remplies et belles et
nous sommes heureuses.
Françoise Auger, fmm
« Le Bon Dieu dans la rue » - Canada
En 1988, le Père Emmett Johns lançait une idée qui allait lui permettre
de réaliser un de ses rêves de jeunesse: devenir missionnaire. Il n’a pas
eu à s’expatrier pour cela, mais la route a quand même été longue pour y
parvenir. Après 36 ans de prêtrise dans diverses paroisses de la région de
Montréal, c’est dans les rues de cette même ville qu’il a trouvé son pays
de mission. Il commence donc à parcourir les rues, cinq soirs par
semaine, dans une vieille roulotte qu’il a achetée avec ses économies
personnelles. Il établit un premier contact avec les jeunes sans-abri, des
jeunes démunis, à la recherche d’un peu de nourriture et de chaleur
humaine. C’est ainsi qu’est né « Le Bon Dieu dans la rue » et son
créateur, âgé de 60 ans à l’époque, reçoit rapidement de la part de ses
protégés, le surnom affectueux de « POPS ». Après 17 ans de présence
active auprès des jeunes démunis, beaucoup connaissent le Père Emmett
Johns et connaissent par lui « Le Bon Dieu dans la rue ». Chaque nuit, sa
roulotte sillonne Montréal pour nourrir les jeunes affamés de la rue. Un
abri d’urgence, le « Bunker » en accueille un certain nombre la nuit ainsi
qu’un centre de jour « Chez Pops » qui fonctionne à plein rendement.
Des programmes et services offerts par des professionnels et des bénévoles offrent aux jeunes de la rue une
aide pour redécouvrir leur potentiel, des outils dont ils ont besoin pour se bâtir un avenir meilleur. L’École
Secondaire ouverte par POPS et son équipe apporte une formation axée sur l’emploi et même des programmes
de réinsertion en milieu de travail pour aider les jeunes à se remettre sur pied.
Au fil des ans, « Dans la Rue » a grandi et a su se bâtir une solide réputation auprès du public montréalais.
« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Et de l’espoir, j’en ai plein le cœur pour ces jeunes. Je sais que
mon action a ses limites et que je ne pourrai pas tous les sauver. Mais quand je pense à Lise, Cheryl, Stéphane
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ou Daniel, je me dis qu’après la nuit il y a toujours le matin ». Ces paroles d’Emmett Johns résument toute
son œuvre en tant que « Berger des brebis égarées ».
Je crois que l’action de Pops est un excellent exemple de l’intégration de l’Église dans la société
d’aujourd’hui en faisant face aux problèmes modernes, en voulant aider et servir les plus démunis, les jeunes
de la rue.
Georgette Blanchet, fmm
Congrès Eucharistique International – Diocèse de Calgary, Canada
Pour préparer et anticiper le 49ème Congrès
Eucharistique International qui se tiendra à Québec
en juin 2008, le Diocèse de Calgary a organisé des
ateliers qui illustrent les sept thèmes présentés dans
le document théologique de base: L’Eucharistie, don
de Dieu pour la vie du monde. Les présentateurs
sont des hommes et des femmes jeunes et vieux,
religieux et laïques qui ont étudié et possèdent un
amour profond et sincère de l’Eucharistie. Les
ateliers comportent des conférences et un travail de
groupe. Beaucoup de jeunes adultes assistent à ces
ateliers tenus à travers le Diocèse dans de
nombreuses paroisses, durant les mois d’octobre, de
novembre 2007 et jusqu’en 2008. Leur profond
désir de comprendre et d’intégrer dans leur vie
quotidienne ce don de l’amour de Dieu allume une
Les Associés fmm
étincelle d’espoir pour l’avenir de notre monde.
Leurs questions portent à la réflexion et les discussions dépassent le temps fixé. C’est encourageant de voir
tant de jeunes en groupes de sept ou huit, animant des discussions sur Dieu et l’Eucharistie.
Durant le mois d’avril notre diocèse célébrera un Congrès Eucharistique local d’un jour sur le thème
«Embrasser le Christ dans l’ordinaire». Cet événement donnera l’occasion à tous de participer au congrès au
niveau local. En communauté nous avons décidé d’engager nos Associés dans la préparation diocésaine du
Congrès Eucharistique International de 2008. Nous avons donc invité Christine Madar, l’une des
intervenantes, à prendre la parole sur l’Eucharistie à la réunion des Associés en février. Son intervention fut
centrée sur la célébration de l’Eucharistie et le rôle important que nous jouons dans ce culte communautaire.
Après sa causerie, l’un des Associés commenta : «Merci, j’ai appris beaucoup de choses que je ne savais
pas». Pour un suivi, les Associés ont été invitées à une session sur l’Eucharistie tenue à la Cathédrale en mars.
C’est beau de voir l’enthousiasme de chacun qui veut approfondir sa compréhension de l’Eucharistie et ce
qu’elle signifie dans sa vie de tous les jours.
En approchant de la célébration du Congrès, soyons pleins d’espoir que Dieu sera de nouveau présenté à notre
monde comme le Don par excellence, le Don d’Amour de Dieu pour chacun de nous.
Karen Corera, fmm
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FMM Espace Rencontre VII/27
Kinshasa – Semaine de la vie consacrée : février 2008
Pour célébrer la Semaine de la Vie Consacrée,
les religieux et les religieuses de Kinshasa se
sont rencontrés avec les « petits » pour prier avec
eux et aussi pour partager des biens matériels.
Pour cela, ils se sont donné rendez-vous dans des
orphelinats, à la prison centrale, dans des hôpitaux, etc.
Un des lieux de rencontre a été notre Foyer
Bienheureuse Marie de la Passion. Ici le Père
Robert Guzaba, oblat de Marie Immaculée, a
présidé l'Eucharistie concélébrée avec des confrères. Parmi les religieuses et les religieux
présents, il y avait des Filles de saint Paul, des
Carmélites de saint Joseph, des Missionnaires du
Christ, des sœurs de sainte Thérèse de l'Enfant
Jésus de Bokungu-Ikela, des sœurs de sainte
Marie de Popokabaka..
Informations données par S.Claudine Mbele, fmm et par le P. Jean-Baptiste Malenge, o.m.i.
Journée des Jeunes à la paroisse Terre Sainte - La Réunion
Dimanche 16 mars 2008 :
C’est la fête des Rameaux... mais il ne faut
pas oublier que c'est aussi la Journée des
Jeunes (instituée par le Pape Jean Paul II).
C'est pourquoi, pour cette occasion, nous,
membres du groupe MJTS (Mouvements
des Jeunes de Terre-Sainte) ainsi que
d'autres jeunes de la paroisse, nous sommes
retrouvés tous ensemble dans le but de
partager un moment très appréciable !
10 heures sonnent aux cloches de notre
église et c'est là que tout commence.
Musiciens, choristes, animateur, Sœur
Celina et autres nous ont donné rendezvous dans les salles de la paroisse
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spécialement aménagées pour l’événement. Chants, prières, moments de partage, d'adoration, ainsi que
séance DVD se sont enchaînés.
En effet, la matinée, nous avons pu visionner « La Passion du Christ », film qui nous a fait prendre conscience
à quel point Jésus nous a aimés, nous aime et nous aimera toujours. Puis est venu le moment du déjeuner qui
représentait un réel moment de partage ! L'émotion très forte du film a laissé la place à une gaieté liée au fait
de se retrouver tous ensemble autour d'un même repas.
Puis, en groupes, nous avons partagé sur un passage de l’Evangile de St Marc parlant de la Résurrection du
Christ. Nous avons pu nous exprimer, échanger nos idées ... Après la mise en commun, nous avons commencé
l'adoration du Saint Sacrement : moment très fort, pour continuer cette journée qui était déjà bien entamée.
Voici quelques prières de remerciement que les jeunes ont faites :
« Merci, Seigneur, d’être toujours là pour moi. »
« Merci, Seigneur, pour cette merveilleuse journée et pour le groupe que nous formons ensemble. »
« Seigneur, je t’aime. Apprends-moi à mieux te connaître. Que ton Esprit Saint habite mon cœur. »
« Merci, Seigneur, pour ton pardon, car j’ai retrouvé la foi. »
Pour clôturer le tout, nous avons pris un goûter : gâteaux au choix!
Finalement, nous nous sommes quittés avec une seule idée en tête : à quand la prochaine journée pour se
retrouver ?
Aurélie [une jeune de la paroisse] et S.Celina Palmeira, fmm
Initiative mondiale des femmes pour la Paix - Inde
L’Initiative mondiale des Femmes
pour la PAIX a tenu un second
sommet mondial pour les animatrices
spirituelles à Jaipur, Inde, du 6 au 10
mars.
Plusieurs centaines d’animatrices
spirituelles venant de 50 pays ont
participé à « Ouvrir un chemin à la
Femme pour le bien de la
communauté mondiale ». Le but en
était d’étudier comment le leadership
des femmes, et particulièrement les
principes féminins, peuvent profiter à
la communauté mondiale en aidant à
créer l’étape nécessaire à une transformation totale.
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FMM Espace Rencontre VII/27
Le rassemblement voulait amener une réflexion mondiale, débutant par sept heures de prière, de chants
religieux et de méditation. Cela ouvrait un espace sacré où pouvait avoir lieu le dialogue.
Ouvrir un chemin à la Femme tentait de créer un nouveau mode de rassemblement en tant que communauté
religieuse du monde entier, basé sur une vision plus féminine d’inclusion, de partage et d’accueil.
Ouvrir un chemin à la Femme n’était pas un rassemblement limité aux animatrices spirituelles. Beaucoup de
leaders religieux masculins de par le monde étaient également présents.
Ouvrir un chemin à la Femme était le démarrage d’une initiative mondiale pour mieux faire prendre
conscience des principes de la femme, pour réfléchir comment le féminin se manifeste à travers nos traditions
spirituelles et pour rechercher comment cette énergie peut profiter à la communauté du monde entier.
Celine Monteiro, fmm
Matériel fmm disponible
« Archives Photo –
Fondations de Marie de la Passion :
France – Série F »
Nous continuons à mettre à votre disposition des photos
d’archive ayant trait à Marie de la Passion. Il s’agit de la
Série F qui concerne les fondations qu’elle a faites en
France : Saint-Brieuc, Les Châtelets, Marseille, Paris,
Vanves.
Dans le DVD il y a aussi un texte d’explication
en français, anglais et espagnol.
Si vous désirez une copie du DVD,
adressez-vous au Service des Communications :
[email protected]
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Espagne
Mission fmm aujourd'hui
à l'hôpital de Huelva
Le soutien et l'accompagnement de ceux qui souffrent à l'hôpital sont un service magnifique que la vie
religieuse peut rendre à notre société aujourd'hui.
La santé est aujourd'hui la première préoccupation
des personnes, et la première dans l'échelle des
valeurs. La maladie signifie toujours rupture de
sécurité ; elle nous révèle notre être précaire, faible,
notre condition humaine fragile et dépendante, notre
être appelé à disparaître un jour de cette terre.
La maladie est la cause de grandes interrogations.
Dans l'esprit du malade surgissent des questions :
Pourquoi cela m'arrive-t-il ?
A quoi est dû ce qui m'arrive ?
Est-ce que je vais guérir ?
Vais-je retrouver la santé ?
Que va-t-il advenir de moi, de ma famille, de mon
travail ?
Ce sont des questions radicales qui touchent le plus
intime de l'être et son projet de vie. Surtout s'il
souffre d'une maladie grave et incurable et envisage
la possibilité de mourir. Cette expérience permet à
beaucoup de découvrir l'essentiel. De capter ce qui
vaut la peine : l'amour, l'amitié, l'importance de la
santé, de la liberté, de la paix. Ces sujets viennent
souvent dans la conversation. Les malades aiment se
sentir en paix, en confiance. Chaque jour j'ai des
surprises dans ce sens car les gens sont
reconnaissants de pouvoir parler d'eux.
systèmes de valeurs qui, par principe, méritent d'être
respectés.
Nous savons que l'éthique et la religion, même si
elles sont intimement liées, ne s'identifient pas et ne
se réduisent pas l'une à l'autre. Nous savons aussi, par
la cohérence de notre foi, que la religion ne propose
pas de solutions magiques à nos problèmes, et donc
exige une recherche avec tous les hommes et les
femmes de bonne volonté, sans attendre de réponses
faciles et rapides. Il est difficile de vivre dans le doute
et l'incertitude, et sans prétendre avoir le dernier mot.
Je sens que cela exige de moi une formation continue
et permanente au niveau spirituel et également une
formation humaine et en bioéthique.
Ouvrir des horizons de transcendance renforçant les
options morales qui apportent la vérité des valeurs
évangéliques, offrir sans imposer, inviter sans
contraindre, présenter la morale évangélique, sachant
Beaucoup de maladies aujourd'hui sont d'origine
psychosomatique et sont étroitement liées à
l'angoisse, au stress, à la tension émotionnelle, aux
conflits et contradictions de la vie moderne. Notre
société a un style de vie qui n'est pas sain. Le manque
de valeurs crée un vide intérieur et enlève tout sens à
la vie.
Pour ma part, je suis agent de la Pastorale de la Santé,
aumônier dans un hôpital public qui compte 450 lits.
C'est une mission au milieu de cette population
sécularisée et pluraliste, où cohabitent différents
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FMM Espace Rencontre VII/27
S.Clara Alonso, fmm (à droite) au service de la
pastorale de la santé, avec S.Paquita Berrueta et
S.Blanca Gema Garcia, de la communauté de
Torrejon, Huelva.
Comment découvrir
le Dieu miséricordieux
au milieu de la souffrance ?
Nous avons besoin
de voir ce Dieu Père/Mère
qui nous soutient
et nous accompagne
dans notre lutte pour être heureux.
qu'elle ne pourra être suivie complètement, mais en
invitant tous ceux qui le peuvent à regarder vers « le
haut ». C'EST MA MISSION QUOTIDENNE,
lentement mais sans regarder en arrière, dans le
temps présent, aimant intensément des personnes
concrètes.
A l'hôpital je collabore et partage avec les
professionnels, par un travail de patience et de
dévouement. La volonté de faire le bien et de ne faire
de mal à personne est le principe qui inspire toute
éthique médicale. Il faut offrir les valeurs
évangéliques là où il faut et de la manière la plus
appropriée, avec amour, dialogue, respect et à partir
d'un vécu personnel.
La souffrance en elle-même est un mal que Dieu ne
veut pas. La maladie n'est pas un châtiment de Dieu
mais elle vient de la condition humaine. Lorsque je
parle avec les gens je me demande souvent :
Comment pourrions-nous purifier le langage de la foi
pour parler de la souffrance ?
Comment aider à comprendre que notre souffrance
ne vient pas de Dieu ?
Notre langage reflète l'image que nous avons de
Dieu. Grandir dans la foi nous demande de purifier et
de guérir l'image que nous avons de Lui. C'est un
sujet presque quotidien avec les malades et avec leurs
familles. Comment découvrir le Dieu miséricordieux
au milieu de la souffrance ? Nous avons besoin de
voir ce Dieu Père/Mère qui nous soutient et nous
accompagne dans notre lutte pour être heureux. Dieu
ne cherche pas autre chose dans notre histoire que de
nous convoquer à collaborer avec Lui pour que nous
l'aidions dans cette lutte. C'est la mission que Jésus
nous a laissée.
La Pastorale de la Santé à l'hôpital est une question
de maturité et d'amour, c'est un charisme au service
du malade pour le soutenir dans l'épreuve. Dieu se
révèle à nous dans ce monde réfractaire à sa présence.
Je suis invitée, chaque jour, en chaque personne, à
prêter attention aux semences de l'Evangile, aux
signes du Royaume présents dans les malades, dans
les familles, dans les professionnels, y compris s'ils
vivent en marge de l'Eglise et même en opposition.
Mon grand désir est que, tous les malades que je
visite chaque jour, leurs familles, le personnel
soignant, ceux qui se dévouent pour eux, les émigrés
de tous pays et de toutes situations, les prisonniers,
les vieillards dans des maisons de retraite ou seuls,
les malades atteints de maladies graves, que tous
puissent Le voir.
Je crois sincèrement que le soutien et l'accompagnement de ceux qui souffrent à l'hôpital sont un service
magnifique que la vie religieuse peut rendre à notre
société aujourd'hui. J'estime que c'est une très grande
grâce de pouvoir réaliser ce ministère que le diocèse
nous a confié.
Nous avons la mission d'obtenir que l'amour, la
sollicitude et la compassion de Dieu se fassent
HOMME-HUMANITE une fois encore. ETRE CE
CHEMIN DE DIEU à travers notre regard, notre
présence active, notre écoute pour apporter sérénité
et confiance. Si j'annonce au malade (généralement
en langage non-verbal, une parole faite de silence)
que Dieu ne l'abandonnera pas, je dois demeurer à ses
côtés. L'unique façon de lui dire «Dieu te consolera»
est d'être prête à sécher ses larmes…
Je réaliserai ma mission uniquement si je me laisse
évangéliser par la situation à laquelle je suis
confrontée. Nous sommes tous les deux consolés
grâce à la compassion de Dieu qui nous a rachetés.
Donne-nous, Seigneur, un cœur plein de miséricorde
face à la misère humaine.
Que tous trouvent en nous une raison d'espérer.
Clara Alonso, fmm
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France
Accompagner des jeunes
volontaires dans la mission…
Partir un temps, découvrir un pays, rencontrer d’autres cultures, offrir ses compétences, collaborer à la
mission de l’Eglise, regarder le monde avec une autre perspective : voilà plus ou moins ce qui motive les
jeunes adultes qui partent pour deux ans avec la Délégation Catholique à la Coopération ( DCC ).
Mandatée par l’Eglise de France pour l’envoi de
volontaires de solidarité internationale, la DCC
envoie près de 200 jeunes coopérants chaque année.
Deux ans au service d’un projet présenté par une
Eglise locale, une congrégation, une ONG. Vous
trouverez des volontaires dans tous les domaines
possibles : infirmière, enseignant, animateur auprès
des enfants des rues, gestionnaire dans une
association, menuisier, architecte, sage-femme etc.
Une aventure, une expérience, une épreuve quelquefois, mais toujours un tournant dans leur vie.
région. J’ai donc été sollicitée pour les volontaires
envoyés au Vietnam et aux Philippines. Pourquoi
encore ? Parce que dans notre Province qui a si peu
de jeunes fmm et, de là, si peu de liens avec des
jeunes ouverts à la mission, il est précieux de garder
contact avec les nouvelles générations, leurs
aspirations, leurs richesses et leurs fragilités.
La « chargée de mission », au sein d’une équipe de
professionnels et de bénévoles, est là aux différentes
étapes du parcours : pour connaître et proposer un
poste, pour aider à choisir le ou la candidat(e) le
Depuis quatre ans, je collabore bénévolement comme
« chargée de mission » à la DCC. Pourquoi ?
D’abord parce qu’avec plus de 500 volontaires sur le
terrain dans le monde, la DCC a besoin de personnes
(anciens volontaires ou anciens missionnaires pour la
plupart) qui ont une expérience de vie dans une autre
culture et qui connaissent assez bien un pays ou une
à gauche:
S. Anne-Marie Cunin avec une jeune fille
en haut:
Christine, volontaire au Vietnam avec les mamans
du Village d'enfants
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FMM Espace Rencontre VII/27
Christine, volontaire au Vietnam
avec les enfants du Village
d'enfants
mieux à même de correspondre, et lui donner les
informations utiles avant le départ. Pour
l’accompagner, par mail le plus souvent, durant le
séjour, lui rendre visite sur le terrain une fois par an,
et finalement au retour l’aider à relire l’expérience
vécue.
Ce qui me frappe chez les volontaires c’est leur
compétence et leur motivation. La plupart ont fait
des études universitaires poussées. D’autres ont des
formations pratiques ou techniques plus courtes, très
précieuses dans des pays où les jeunes ont besoin
d’accéder rapidement à l’emploi. Beaucoup ont une
expérience professionnelle et lâcher son travail dans
la conjoncture actuelle demande un certain courage.
C’est aussi l’occasion de prendre un peu de recul et
souvent de se réorienter au retour. Ils y « perdent »
parfois en compétences ou en compétitivité, mais ils
y « gagnent » en expérience humaine et spirituelle.
Motivés pour partir et rencontrer l’autre, ils
reviennent transformés en profondeur et on les
retrouve ensuite souvent engagés en Eglise, auprès
des migrants, dans les associations de solidarité, le
dialogue interculturel, le développement…Certains
s’orientent vers une vie professionnelle plus en phase
avec les valeurs qu’ils ont appris à apprécier.
Rarement ils ou elles font le choix de la vie religieuse
missionnaire… Evidemment il y a aussi des accrocs
de santé ou des retours dus aux crises politiques, des
« échecs », des fragilités qui se révèlent au cœur des
difficultés et de la solitude inévitables. Mais les
ruptures elles-mêmes peuvent être fécondes dans un
second temps.
Peut-on comparer avec les envois fmm ?
Oui et non ! Les volontaires partent pour deux ans sur
des projets bien précis qu’ils ont acceptés (ils ont
toute liberté de refuser le pays ou le poste) et pour
lesquels ils ont été acceptés par le partenaire local. Il
ne s’agit pas d’un engagement à vie, ni d’une
vocation, d’ailleurs leur lien à l’Eglise varie d’une
vie de foi profonde à une acceptation des valeurs
chrétiennes sans plus. Mais le fait qu’ils ou elles
s’engagent pour un temps limité avec un projet précis
les plonge tout de suite dans la mission confiée. Il
leur faut en même temps s’adapter au climat,
découvrir la culture, entrer dans le travail, apprendre
quelques rudiments de la langue locale. Ils plongent
avec enthousiasme et réalisent souvent un beau
travail tout en sachant qu’en deux ans on fait peu et
on apprend beaucoup ! Comme pour nous, le grand
défi c’est de se trouver confronté à une culture si
différente de la sienne : écouter, accueillir sans juger,
chercher à comprendre, apprendre à aimer, c’est tout
un chemin ! Pour cela ils sont aidés par une
préparation très concrète avant le départ. Préparation
qui dépasse les informations générales pour toucher
les motivations et les ressources personnelles, la
gestion du stress et des conflits, la santé, la vie
affective, la vie spirituelle. Et tout au long de leur
temps de volontariat, nous sommes là, moi ou
d’autres, pour entendre leurs difficultés, promouvoir
le dialogue avec le partenaire local, encourager,
admirer, recadrer, faire le point régulièrement, et
aider aux décisions nécessaires.
Dans quelques jours je pars de nouveau à leur
rencontre : Christine est animatrice dans un Village
d’enfants, Chloé médecin dans une petite île, son
mari Dominique y gère un atelier d’artisanat,
Charlotte cherche des fonds pour l’accueil des
enfants de rues, Matthieu développe un projet
agricole, Florence et Anne Laure œuvrent pour les
enfants défavorisés, Thomas démarre un projet social
dans un quartier de squatters… Deux belles années
de leur vie, dont je suis le témoin privilégié.
Anne-Marie Cunin, fmm
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Maison Généralice
Projet Kaboul 2003-2008
Au début de cette année, S. Ela Homel a été envoyée en mission à la Province d’Europe centrale et de l’Est.
Ayant vécu trois ans dans une communauté inter-congrégations à Kaboul, S. Ela fait part avec
reconnaissance de ses riches expériences avec sa communauté et les gens de Kaboul…
Prenant connaissance du projet pour la première fois
dans notre journal, je me suis sentie poussée à écrire
au Conseil général mon désir d’y participer. Je notais
que j’étais infirmière, au cas où cela rendrait service.
A ma grande surprise la réponse fut « Oui », et on
m’a demandé de venir à Rome pour me préparer à
cette mission particulière.
En pensant à ces quatre années, dont trois se
passèrent à Kaboul, j’apprécie beaucoup ce que nous
a apporté le Père Tony McSweeney. Il nous a aidées
à trouver comment vivre nos charismes particuliers
de communauté inter-congrégation. Il disait qu’il est
important de vivre nos charismes et de ne pas former
un nouveau corps ecclésiastique assimilant tout.
Aucune de nous ne savait combien le mode de vie
était différent dans nos congrégations respectives ; le
Père Tony ne donnait aucune conférence et aucun
conseil, mais nous animait, nous aidant à découvrir la
beauté et la richesse de chaque charisme lorsqu’on
connaît bien l’histoire et le charisme de chaque
Congrégation. C’était un travail exigeant mais il me
plaisait beaucoup.
Préparation
Je devais apprendre l’italien, langue choisie pour
notre communauté inter-congrégations de quatre :
deux Pakistanaises de la Congrégation des
Dominicaines de Ste Catherine de Sienne, une
Italienne de la Congrégation de St Marcellin et moimême. Durant les huit premiers mois, nous avons
vécu ensemble. Nous avions quelques programmes
préparatoires. On pensait qu’ils seraient utiles pour
notre future mission d’Afghanistan.
Ayant vécu dans une communauté interculturelle
auparavant, je savais qu’accepter l’autre qui est
différent n’était pas facile. Mais il y avait des points
communs dans la compréhension de la vie religieuse.
Les différences pouvaient toucher de simples choses
comme la manière de laver la vaisselle (ou non !) ou
bien des points plus importants comme notre vie de
prière. A la fin nous avons pu écrire le projet commun
de la communauté qui fut révisé et corrigé par nos
Supérieures générales respectives.
Au commencement…
L’Association « Pour les enfants de Kaboul » s’est
formée avec quatorze Congrégations qui
s’engageaient à fournir les fonds ainsi que le
personnel pour le travail. C’était une réponse à
l’appel de Jean-Paul II : « Sauvez les enfants de
Kaboul », dans son message de Noël 2002.
S. Ela avec les enfants de Kaboul
12
FMM Espace Rencontre VII/27
En tant que communauté, nous avons grandi dans
notre compréhension des autres, nous acceptant et
respectant nos différences. Ensemble nous avons
cherché des manière de vivre en harmonie. Je ne veux
pas dire que nous ayons atteint l’idéal, mais je vois la
croissance de chacune. J’ai fait l’expérience de
l’immense confiance que chacune avait dans chacune
des autres. J’étais sûre que je pouvais compter sur les
autres même dans les petites choses. Je peux dire
pour moi-même que je suis devenue plus
respectueuse du mode de vie de mes sœurs de la
communauté.
Premières années à Kaboul
Nous avons vécu ensemble différentes expériences.
Au commencement nous n’étions pas reconnues par
le gouvernement afghan. Nous avons essayé de
rendre divers services volontaires, aller à une école
de sourds-muets, ou aller dans une clinique gérée par
d’autres organisations, mais ce n’était qu’à temps
partiel.
Finalement nous avons pu ouvrir un centre pour
enfants handicapés mentaux. Il y en a beaucoup dans
le pays. Les besoins à cet égard dépassent nos
capacités. Le ministre de l’Éducation a le plan très
ambitieux d’inclure les enfants non privilégiés dans
le courant ordinaire d’éducation. Ils accueillent bien
notre projet, le considérant comme un premier pas
vers l’insertion des enfants non privilégiés dans les
écoles locales. Actuellement, plus de vingt enfants
suivent régulièrement les classes à notre centre. Ils
viennent joyeusement « à l’école », comme ils
l’appellent, juste comme leurs autres frères et sœurs.
Relations avec les autres
Nous avons eu de bons rapports avec les protestants
des autre églises. Les Frères luthériens nous ont
particulièrement aidées, toujours prêts à donner un
coup de main quand les choses allaient mal. Les
autres aussi nous ont aidées de leurs conseils et de
leurs prières.
Puis nous avons eu beaucoup de rapports avec les
musulmans afghans. J’en ai rencontré beaucoup qui
voulaient du bien au pays et au peuple. Beaucoup
sont des musulmans pieux qui vivent sérieusement
leur foi. Ils cherchent et désirent la paix. Les familles
des enfants dont nous nous occupons sont
reconnaissantes de notre aide. D’autres aussi
montrent qu’il apprécient notre travail pour les
enfants désavantagés du pays. J’ai été très touchée
par nos collègues de travail qui nous ont dit, quand je
leur ai dit au revoir, que j’étais une sœur pour eux.
S. Malgorzata Sieluzycka (à gauche) et S. Ela parmi
les enfants, d’autres membres de la communauté et
personnel du Centre
Une autre FMM rejoint la communauté
Après avoir vécu un an et demi à Kaboul, la sœur
italienne a dû retourner dans son pays. L’Association
n’a pas pu trouver de remplaçante. Alors S.
Malgorzata Sieluzycka, fmm est arrivée juste avant
Noël 2006. Elle s’est intégrée naturellement et
facilement dans notre communauté, bien acceptée par
les sœurs pakistanaises. Elle a très bien appris le dari,
langue locale, et elle est toujours à Kaboul. Ce fut
une nouvelle expérience pour moi. Il était bon
d’avoir une autre FMM et de pouvoir partager
ensemble les événements de notre Institut. Nous
avons participé, comme toutes les FMM du monde, à
la préparation du Chapitre général. Même avant son
arrivée, j’avais essayé autant que possible de
participer de Kaboul au travail pour le Chapitre.
J’étais bien hors d’une communauté fmm, mais je me
sentais très engagée dans tout ce qui arrivait dans
l’Institut.
Adieux à Kaboul
Finalement le moment vint pour moi de retourner à
notre communauté fmm. J’ai été heureuse de revenir
et en même temps triste d’avoir dû partir. Trois
années c’est une période très courte, mais je me
sentais « chez moi » à Kaboul. et je suis prête à y
retourner si Dieu le veut.
Je remercie Dieu de la grâce d’avoir participé au
projet de Kaboul, en Afghanistan. L’expérience était
très riche, bien au delà de ce que j’en attendais.
Depuis le moment où j’ai entendu parler des plans
pour Kaboul jusqu’à maintenant, j’admire comment
le Seigneur a agi dans ce projet comme dans ma vie,
même si parfois je me suis demandé si c’était
réellement Son projet ou juste un projet humain.
Elzbieta Homel, fmm
mai - juin 2008
13
Belgique
Rien n’est perdu pour Dieu…
« L’intérieur de la prison de Forest où je suis engagée dans l’équipe de l’aumônerie catholique, n’a plus
beaucoup de secrets pour moi. » : Sœur Krista Verhoeven, fmm nous partage son expérience.
En entrant, il arrive que je me trouve juste derrière la
police qui ‘livre’ un ou plusieurs nouveaux entrants.
Alors j’ai le temps d’observer toutes les formalités
d’admission qui se passent toujours dans le même
ordre. Les réactions de ceux qui entrent sont
différentes. Je peux lire sur les visages l’angoisse, la
peur, la révolte, l’indifférence ou des rires
d’énervement. Ceux qui ont un premier contact avec
l’enfermement, l’entrée à Forest, est inévitablement
le moment d’une grande crise personnelle. Les
formalités d’admission sont autant d’humiliations :
arrestation, menottes, relevé d’empreintes, fouille
intime, uniforme pénitentiaire…. ‘l’arrivant’ est
dépouillé de tout et on lui indique quoi faire et où
aller. Au fur et à mesure que les grilles et les portes se
referment successivement derrière lui, ‘l’entrant’
prend conscience que le monde extérieur s’éloigne et
le détenu est totalement dépendant des services
auxquels il lui est demandé de s’adresser par un
‘rapport’, petit papier sur lequel il doit demander
l’autorisation pour tout, ce qui est source de grande
frustration… Cette situation s’aggrave dramatiquement pour les illettrés et les étrangers.
Puis, l’arrêté est mis dans une cellule de 9m² avec des
co-détenus qui parfois ne parlent pas sa langue, qui
sont violents ou fous et souvent on lui met un matelas
par terre à cause de la surpopulation. Il n’y a plus
d’intimité. Cette cohabitation imposée, 23h sur 24h
(il y a une heure de promenade) provoque régulièrement de gros problèmes. Je suis si souvent témoin du
désarroi en écoutant des torrents d’angoisses et de
révolte, car peu de choses sont vraiment expliquées et
il y a un tas de questions sans réponses…
Plus de 65% des personnes incarcérées à la prison de
Forest sont des étrangers. Alors oui, en prison, on
parle toutes les langues et il faut se faire comprendre
par les gestes et le langage de l’amour. J’ai toujours
une petite carte du monde sur moi pour savoir d’où
vient la personne à qui je parle. Et il faut voir avec
14
FMM Espace Rencontre VII/27
quel soin et le sourire sur les lèvres, les doigts
essayent de situer le petit village de Tchétchénie, du
Ghana, de Roumanie, d’Arménie, du Congo, du
Chili….
A Forest il y a aussi une importante Annexe
Psychiatrique où sont incarcérés ceux qui exigent une
attention particulière en raison de leur état psychique,
physique ou pénal : grands alcooliques, drogués,
suicidaires, violents, personnes psychiquement
fragiles ou malades…
Cette ‘annexe’ est une prison dans une prison ! Les
personnes vivent souvent à trois, à cinq dans un
‘mouchoir de poche’… Et comme ce sont des
malades, chacun vit dans ‘son monde’. Tous ont
besoin d’une assistance particulière, mais il y a peu
d’aide ou d’accompagnement. Déclarés irresponsables de leurs actes, ils ne sont pas jugés comme les
autres détenus. Tous les six mois c’est une
commission qui décide de leur prolongement ou pas,
mais plusieurs passent des années dans cet enfer
insupportable. La plupart n’ont aucune visite de leur
famille, pas de correspondance, pas d’argent pour
acheter un petit surplus.
Chaque semaine je visite quelques cellules de
l’annexe, car ces personnes sont les vrais oubliés de
la société et les drames que l’on y rencontre sont
ahurissants. C’est là aussi que j’ai entendu les récits
les plus invraisemblables d’enfance bafouée, violée,
abandonnée, perdue dans la vie. C’est là que j’ai
appris la profondeur de certains mots comme exil,
abandon, trahison, échec. Et quand une vie va très
mal, on fait souvent le mal !
Accompagner les détenus en prison ne veut en aucun
cas dire que l’on cautionne l’acte délictueux ni que
l’on oublie le mal irréparable infligé à la victime.
Mais nous ne sommes pas là pour juger et c’est la
première exigence, ce qui nous différencie du métier
de magistrat, avocat, psychologue etc., qui arrivent
avec des dossiers et notent tout. C’est la personne du
détenu qui intéresse avant tout et on ne peut la rejeter
à cause de sa faiblesse. Nous sommes là pour apaiser,
traduire un mandat d’arrêt, écrire une lettre, mettre en
contact avec le service des visiteurs, dépanner par des
petites choses : un timbre, des lunettes de lecture, un
jeu de cartes, trouver un sens à la détention,
accompagner la souffrance, encourager toute
ouverture intérieure. Et la célébration eucharistique
de chaque semaine est une occasion importante de
rencontre.
En prison je suis souvent surprise par la grandeur
d’âme de certains détenus, leur ‘moi’ profond et
humain, et j’y trouve beaucoup de solidarité entre
eux car les riches et les pauvres, cela existe aussi en
prison. L’essentiel est de ne pas glisser dans le
désespoir. Il faut à tout prix une étoile dans la nuit.
C’est parce que seule l’Espérance permet de tenir le
coup, que les Ecritures ont une résonance si forte en
prison. C’est frappant de voir que plusieurs détenus
nous demandent une Bible. En prison ils ont le temps
de réfléchir et souvent des souvenirs de l’éducation
reçue pendant l’enfance reviennent. Nous essayons
de leur procurer une Bible dans leur langue
maternelle. C’est très émouvant parfois quand ils la
reçoivent. Un homme me demandait un jour
d’expliquer les Psaumes de supplication, car, disaitil, je m’y retrouve.
Nous, les aumôniers, avons l’avantage de pouvoir
circuler librement dans le cellulaire et de porter les
clés pour visiter les détenus dans leur cellule où on
voit réellement ce qu’ils vivent. Ecouter, ne pas juger,
tenter d’aller plus loin
encore, c’est notre mission. Notre présence ne
pourra pas résoudre leurs
problèmes, mais nous
pouvons cependant dire
que tout n’est pas terminé,
en haut:
Logo de prison
à gauche: S. Krista
tenter de trouver un sens à leur enfermement qui, souvent, peut aider à voir les choses autrement.
Un jour je rencontre dans un couloir un détenu que je
n’avais jamais vu. Il me demande, ou plutôt me
supplie de venir le voir dans sa cellule. Un peu plus
tard je suis chez lui. Sans tarder il commence à
raconter son histoire. Palestinien, il a vu des choses
atroces dans son pays. Adolescent, il a fui pour venir
en Belgique. N’ayant pas de papiers ni de quoi vivre
correctement, il a fait des bêtises et arrivait en prison
pour purger une peine de dix ans. Cette année il a
obtenu la libération conditionnelle. Malheureusement
il n’a pas respecté les conditions et arrive de nouveau
en prison. Pendant un bon quart d’heure il m’a sorti
tout son vécu, tous ses problèmes, toute la haine qui
remplissait son cœur, toutes les injustices subies… Il
avait vraiment besoin de parler. De temps en temps il
s’arrêtait pour me lancer la question : « Et vous, les
chrétiens, qu’est-ce que vous dites ? Qu’est-ce que
vous faites ? » Question très directe et interpellante !
Le lendemain j’apprends qu’on a dû le mettre ‘au
cachot’ à cause d’une bagarre après la promenade.
Quelques jours après je rencontre l’Imam qui venait
de visiter le Palestinien au cachot et en était tout
bouleversé, car il l’a vu ligoté et pleurer de misère, de
regret, de révolte. Quelle souffrance ! En rentrant à la
maison, son visage ne me quittait plus. Ce n’est
sûrement pas par hasard que cet homme a croisé ma
route. Il a fortement interpellé ma compassion, mon
témoignage de foi, mon sens de miséricorde.
Dernièrement un jeune couple a été arrêté à
l’aéroport. Noëlle est enceinte de 4 mois et arrive à la
prison des femmes. La prison des hommes se trouve
une rue plus loin et c’est vraiment un hasard que
Peter est mis dans une cellule où, par la petite fenêtre
grillagée, il a une vue sur le bâtiment où se trouve sa
bien-aimée… Un haut mur et du fil barbelé les
séparent, mais, comme Roméo et Juliette, leurs cœurs
et leurs pensées s’unissent et dans cet enfermement,
c’est une force pour tenir le coup et garder toujours
un peu d’humour. Quand je le visite, nous regardons
ensemble par la petite fenêtre et je vois son grand
sourire.
Ce vendredi saint, au cours de la célébration, nous
avons lu la dernière partie de la Passion du Christ.
Sur le Calvaire, Jésus n’est pas seul. Deux bandits se
trouvent avec Lui. L’un d’eux supplie : « Jésus,
souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton
Royaume … » Et Jésus l’accueille : « Aujourd’hui
même tu seras avec moi au Paradis. » J’ai vu que ce
message a touché le cœur de plusieurs.
Oui, rien n’est perdu pour Dieu !
Krista Verhoeven, fmm
mai - juin 2008
15
Argentine
Caacupé à Buenos Aires
Expérience missionnaire de deux sœurs FMM, parmi les émigrants paraguayens en Argentine, pendant
presque trois semaines, en décembre 2007.
3. La clôture missionnaire et la fête en l'honneur
L'Equipe de Pastorale paraguayenne en Argentine a
de « Tupasy Caacupé » plus connu sous le nom de
organisé la mission pastorale n° 35, avec comme
« Caacupé à Buenos Aires ».
thème : « Foi engagée pour vivre dans la dignité ».
Trente missionnaires, disciples passionnés du Christ,
sont partis le cœur plein de grands rêves, avec nos
frères paraguayens : 15 prêtres, 10 religieuses, 5 Caacupé à Buenos Aire
diacres, accompagnés par Mgr Oscar Paez Garcete, Il est bon de rappeler ce qui a été vécu le dimanche 9
responsable de la Pastorale de la mobilité humaine du décembre dans le bâtiment « Route du Soleil » du
Syndicat des Ouvriers de la
Paraguay, en coordination avec les
Métallurgie, qui est devenu un
membres et les agents de l'EPPA,
sanctuaire naturel où le peuple
représentants responsables des
honore et vénère sa chère Mère,
zones et des quartiers organisés à
Tupasy Caacupé, célébrant sa fête
l'intérieur
des
juridictions
en Eglise.
ecclésiastiques de 4 archidiocèses :
Buenos Aires, La Plata, MercedesCet événement rassemble une foule
Lujan et Rosario, et 12 diocèses.
A la fin de la mission nous
de quelque 100.000 personnes,
pouvons constater que ce
transformant cette rencontre en
L'organisation, après tant d'années
qui doit faire bouger tous
expression la plus importante de
d'expérience, était excellente,
les missionnaires, c'est
l'immigration paraguayenne au
aucun détail n'avait été laissé au
d'annoncer et de dénonniveau mondial. Toutes les
hasard et nous nous sommes précer, de participer de façon
manifestations culturelles sont là :
parés à temps. A notre arrivée nous
responsable et cohérente
costumes et traditions propres,
avons eu un jour de réflexion sur la
au social et au politique,
entremêlés de sentiments, de rêves,
réalité des Paraguayens en
en vue de la construction
de rencontres, de souvenirs et de
Argentine et sur les objectifs de la
d'une société meilleure
vie.
Mission, ensuite nous avons fait la
pour tous sans distinction.
répartition des groupes et des lieux.
Le livret de travail soulignait : A
partir de notre identité chrétienne
catholique, sous le signe de la
Ce que nous avons fait :
Pastorale de la mobilité humaine,
1. La Mission préparatoire, qui
nous a été utile pour nous préparer à cette mission. au nom de Dieu qui est notre Père, de Jésus-Christ
notre frère, notre guide et animateur dans l'Esprit
2. La visite de l'Eglise d'origine, qui consistait à Saint, et la protection de Marie Très Sainte Tupasy
Caacupé, Mère de Dieu et notre Mère, nous
visiter dans chaque maison nos frères émigrés.
commençons la trentième mission pastorale
16
FMM Espace Rencontre VII/27
A partir de notre identité chrétienne
catholique, sous le signe de la Pastorale de
la mobilité humaine, au nom de Dieu qui est
notre Père, de Jésus-Christ notre frère,
notre guide et animateur dans l'Esprit
Saint, et la protection de Marie Très Sainte
Tupasy Caacupé, Mère de Dieu et notre
Mère, nous commençons la trentième
mission pastorale consacrée aux émigrés
paraguayens et à toute personne de bonne
volonté.
consacrée aux émigrés paraguayens et à toute personne de bonne volonté.
En regardant notre réalité de chaque jour, nous
voyons d'abord le négatif plutôt que le positif : le
manque de respect de la vie (avortement, assassinats,
drogues, guerre…), la pauvreté et l'indigence dues à
l'inégalité dans la distribution des richesses à cause
de l'égoïsme des puissants (sauf quelques exceptions
honorables), les riches, les dirigeants, les politiques,
les autorités, la corruption généralisée dominante, les
divisions et les désunions, l'injustice, etc. Mais on
trouve aussi la solidarité et la recherche du bien
commun qui sont des signes d'espérance et nous
rappellent que nous ne sommes pas seuls sur le
chemin.
Selon les dernières études faites, environ 1.400.000
Paraguayens ont quitté leur pays à la recherche de
meilleures conditions de vie, de travail et de santé.
Ils sont réfugiés aux alentours des centres urbains de
Buenos Aires et de Rosario (Santa Fe), dans des
quartiers ouvriers populaires, dans des cités
d'urgence, dans des logements neufs et précaires.
Même s'ils ont quitté leur pays depuis longtemps ils
gardent leur langue, le guarani, leurs valeurs de
solidarité et d'hospitalité, leur culture, leur foi simple
et leur grande dévotion à Marie. Spécialement à la
Vierge de Caacupé.
Quelques réflexions
• L'exode est une réalité qui nous interpelle :
chaque jour on voit des gens aller de la campagne
à la ville, de la ville à la périphérie ou dans
d'autres pays. C'est un phénomène qui a des
conséquences imprévisibles telles que, entre
autres, la désintégration des familles et le risque
de la perte d'identité.
• Selon les études qui nous furent présentées sur
la réalité des migrants le « Paraguay est un pays
dépendant chronique, répétitif éternel, avec une
saignée de population », « une grande possibilité
d'intégration… pour être différents nous devons
être égaux », « le Paraguayen est travailleur mais
refuse la domination ».
• A la fin de la mission nous pouvons constater
que ce qui doit faire bouger tous les
missionnaires, c'est d'annoncer et de dénoncer, de
participer de façon responsable et cohérente au
social et au politique, en vue de la construction
d'une société meilleure pour tous sans distinction.
• Lutter pour un programme qui arrête
l'émigration et propose de nouvelles alternatives.
Créer un réseau de solidarité pour éviter que les
gens se déplacent.
Nous avons cheminé avec nos frères.
Juana Gomez et Maxima Vera, fmm
mai - juin 2008
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Brésil Sud
Vivre la kénose du Christ
en solidarité avec le monde qui souffre
Nous ne cessons de bénir le Seigneur de cette possibilité qu'il nous donne de travailler avec les plus pauvres,
les simples, les travailleurs de la terre qui cherchent par leur travail à avoir les ressources nécessaires pour
vivre. Ensemble nous faisons l'expérience de participer à la kénose de Jésus, jour après jour, à travers les
choses simples que la vie nous offre. Un moyen que nous avons pour le vivre est le "Potager du Seigneur", St
François d'Assise, et les différentes activités de notre mission.
Nous avons commencé le travail du Potager avec un
petit groupe qui se réunit tous les mois autour de la
Parole de Dieu, ayant comme point de départ le
chapitre premier du livre de la Genèse, à cause de la
répétition dans le texte des mots TERRE et EAU.
Cela nous a fait réfléchir en profondeur sur
l'importance de notre sœur eau pour cultiver notre
mère terre. Ensuite nous avons vu apparaître le
mot « SEMENCE » et le groupe, enthousiasmé par
la belle présentation des premières pages de la Bible,
a commencé à travailler. L'une des personnes du
groupe, après avoir découvert les trois paroles-clés, a
dit : « Maintenant nous avons encore plus de raisons
pour commencer notre potager, puisque Dieu nous a
montré comment faire » et quelqu'un a ajouté : « La
vie est en puissance, à l'intérieur de la semence ».
économique. La communauté a rassemblé des
bouteilles plastique et Joao Batista Fernandes de
Souza, agronome, a proposé à l'équipe de les remplir
d'eau et de les enterrer en plaçant dessus du foin et de
la terre. C'est ainsi que s'est fait tout le système de
drainage du terrain. Il était émouvant de voir le
courage de l'équipe pour entrer dans la boue et miser,
avec la grâce de Dieu, sur la croissance de beaux
légumes à mettre ensuite sur la table de gens qui
seraient heureux de savourer un aliment sain.
Après ce temps de réflexion en groupe, un ménage et
deux adultes ont commencé à préparer la terre. Ce fut
un lent processus parce que le terrain avait besoin
d'un système de drainage qu'ils eurent beaucoup de
mal à réaliser, en utilisant une technique créative et
Notre objectif est de rendre la dignité de la personne
humaine, à ceux qui, à la sueur de leur visage marqué
par le refus de la société, produisent de manière digne
ce qui est chaque jour nécessaire à leur famille.
Nous voyons la nécessité de garder l'unité, la
communion, le partage, la compréhension et le
soutien mutuel pour que chacun se sente valorisé et
que puisse grandir dans le groupe le sens
communautaire. Peu à peu le mot « je » disparaît pour
faire place au « nous ». C'est constamment à
recommencer.
18
FMM Espace Rencontre VII/27
pour le marché du travail artisanal afin de les libérer
du travail aliénant des usines, une autre alternative a
surgi avec douze femmes et mères de famille au
chômage. Un cours de restauration de peinture et de
construction, pour la construction civile. Le
commerce local a donné le matériel nécessaire à
l'apprentissage : ciment, spatules, pinceaux, broches,
teintes, peintures, etc.
Quelques communautés religieuses firent des dons
pour faciliter le travail et la distribution : une pompe
hydraulique, une camionnette et un petit tracteur,
rendant le travail beaucoup plus facile.
Le Jardin dispose d'une cuisine. Une femme qui était
dans une situation à risques a intégré le groupe et,
avec soin et dévouement, prépare chaque jour le
repas qu'elle offre aux travailleurs.
Une autre initiative fut d'organiser « un jour de prière
et de contemplation de Dieu » dans la nature, avec
François d'Assise. Ici, à Campo Limpo, les paysages
sont merveilleusement beaux. On prie avec les
sources franciscaines, on termine avec la célébration
de l'Eucharistie et un déjeuner ensemble.
Un groupe de personnes mariées se réunit aussi
plusieurs fois par an pour approfondir des thèmes de
la spiritualité franciscaine qui peuvent les aider dans
leur vie de famille et l'éducation de leurs enfants.
Le thème de la « Campagne de Fraternité » qui s'est
déroulée pendant le Carême fut une aide pour
approfondir le sens de ce temps liturgique. Le thème
« Fraternité et personnes avec des déficiences
physiques et mentales » a mobilisé la communauté
paroissiale. L'une des sœurs a animé ce travail
proposé aux communautés. Elle a fait appel à une
équipe de personnes intéressées, pour visiter et
accompagner les familles. Au long du parcours furent
invitées des personnes ayant des besoins particuliers
et leur famille, accompagnées par le médecin de
l'équipe et deux kinésithérapeutes. L'une d'elles était
atteinte d'une déficience visuelle complète. Tout le
monde fut édifié par le dévouement auprès des sœurs
et des frères qui souffrent. Les responsables des
différentes paroisses ont formé une Association qui
comprend aussi des personnes atteintes de
déficiences et qui peuvent y participer.
Nous souvenant de Marie de la Passion qui avait à
cœur le travail social avec les femmes, les préparant
Le cours a duré deux mois, deux ou trois fois par
semaine, à raison de quatre heures chaque fois. Au
long des jours une amitié forte et solide s'est nouée.
Le projet est de restaurer et de peindre, en
commençant par sa propre maison et en s'aidant
mutuellement.
Dans cette mission de solidarité avec les familles qui
souffrent, une sœur a participé à la « Pastorale de la
sobriété » avec la communauté paroissiale. Le
groupe s'appelle «La Communauté Maison
Espérance et Vie ». C'est un noyau œcuménique
d'aide aux familles, aux alcooliques et aux
toxicomanes.
Bientôt nous allons commencer, avec les femmes au
chômage qui ont besoin d'augmenter leurs revenus,
un nouveau « Projet de Cuisine » avec préparation de
légumes « en conserve », profitant des produits du
« Potager Communautaire ».
Toutes ces alternatives pour la subsistance partent de
l'initiative de personnes avec lesquelles nous
partageons la mission. Nous, FMM, les appuyons en
leur donnant une formation, en les accompagnant et
en cherchant des ressources par « un travail en
réseau » avec les différentes institutions. C'est une
manière de faire l'expérience d'être des sœurs proches
et accueillantes, avec nos limites. Nous pouvons
redécouvrir avec les groupes le Visage du Christ
plein de tendresse et de miséricorde.
La Communauté Nossa Senhora do Camino
mai - juin 2008
19
Australie
« Mais il dit qu’il m’aime…. »
Pour aider les femmes et les enfants victimes de violence domestique.
« Mais il dit qu’il m’aime »… Paroles qui expriment
la réponse affective de nombreuses femmes devant
les comportements grossiers de leur partenaire.
Quelles dynamiques sous-tendent l’expérience des
femmes victimes de violence domestique ? Qu’est-ce
qui les fait tenir dans des relations avec des hommes
qui les trompent ? Qu’est-ce qui rend la rupture si
difficile ?
Telles sont quelques-unes des questions courantes
que mes collègues de travail et moi sommes
constamment en train de démêler dans tous les sens
en cherchant à rendre service aux femmes et aux
enfants qui font l’expérience de la question « N’en
parlons pas » concernant la violence domestique.
Il y a quelques années, notre province a choisi
plusieurs secteurs-clés où nous voulions concentrer
l’énergie de nos sœurs encore en ministère actif. Un
des secteurs-clés fut celui des femmes vivant dans
des situations marginalisées.
En réponse j’ai obtenu du travail dans un refuge pour
femmes, ouvert en 1970 devant l’ampleur du
mouvement féministe en Australie. En 2000, deux
ans après avoir commencé ce travail, nous avons été
intégrées dans les Services de la Jeunesse et de la
Famille gérés par les Sœurs du Bon Pasteur. Notre
travail est centré sur les femmes et les enfants
victimes actuellement de violence domestique ou de
ses effets dans le passé. Nous gérons un refuge de
haute sécurité qui donne hébergement et soutien aux
femmes et aux enfants en danger physique, et qui
doivent fuir leurs maisons en dehors de notre propre
région. De plus nous donnons un programme élargi
pour celles de notre propre secteur.
Le travail avec ces femmes comprend des activités
comme les soutenir au tribunal, plaider à la police,
chercher un hébergement sûr et abordable, mettre en
20
FMM Espace Rencontre VII/27
rapport avec les autres services ou nous occuper des
problèmes d’immigration si nécessaire, soutien
affectif, clarifier les choix, donner l’information et
l’éducation.
Souvent nous associons violence domestique et
agression physique ou sexuelle, avec un partenaire
intime ou un membre proche de la famille. Ce qui
m’a beaucoup ouvert l’œil durant mes années de
travail dans ce service, a été de voir l’usage du
pouvoir que l’on a sur une autre personne - cette
dynamique sous-tend non seulement la violence
physique, mais la violence sous ses formes souvent
cachées comme l’insulte verbale, la restriction
d’interaction sociale, laisser une femme sans aucun
accès à l’argent, une dette sexuelle en héritage, les
dénigrements et humiliations constants, pour en
nommer quelques-uns.
Tandis que la réalité chez les hommes grossiers est
plus complexe qu’une seule cause, le besoin de
dominer son partenaire et l’usage du pouvoir dans les
relations est un facteur sous-jacent commun dans
toutes les expériences de violence domestique.
Généralement les femmes identifient les deux
menaces qui les terrifient - l’une naturellement est la
menace de tuer. L’autre dont parlent clairement les
femmes est l’impact du « ce qu’il me dit »,
concernant les effets affectifs et psychologiques de la
violence non-physique.
La réponse que nous sommes fondées par le
gouvernement de fournir est fondamentalement une
réponse de crise - très nécessaire, mais premier pas
seulement d’un processus souvent long pour les
femmes et les enfants après qu’ils ont décidé de
rompre une relation abusive.
En équipe nous écoutons constamment les histoires
des femmes et nous nous demandons comment mieux
Je vais vous présenter l’équipe avec laquelle je travaille :(de gauche à droite)
Nevenka (membre de soutien), moi-même (membre de soutien), Leo (téléphoniste), Angela (responsable du
programme), Gina (en charge des enfants), Elaine (administration) et Yolanda (membre de soutien). Nous
travaillons selon un modèle féministe qui cherche à responsabiliser les femmes dans leur vie et leurs
relations, et à nommer et contrecarrer les nombreuses forces œuvrant pour les opprimer, les affaiblir et
abuser d’elles. Notre travail demande de pouvoir compter sur les autres, nous avons donc une longue
histoire de travail en commun qui a créé une ambiance de soutien et de support.
leur rendre service ainsi qu’à leurs enfants. Durant
les deux dernières années nous avons dirigé un
groupe psycho-éducatif pour les femmes. Dans ce
groupe nous cherchons à créer une ambiance sûre
pour permettre et encourager les femmes à s’éloigner
un peu de leur expérience blessante et commencer à
y réfléchir. Nous avons trouvé que pendant ces deux
années, lorsque ces femmes étaient capables de le
faire, elles pouvaient prendre sur leurs propres
ressources et chercher un soutien chez les autres, de
façon très nouvelle qui les aidait dans le processus
d’éloignement de la violence. Le processus
consistant à discerner où commence et où finit la
responsabilité de la femme, et accepter la dure réalité
que nous ne pouvons pas changer la conduite de ceux
que nous aimons, même si nous le désirons – car ils
sont seuls à pouvoir le faire – est souvent une réalité
longue et difficile à négocier.
toucher les besoins des femmes et des enfants dans la
période d’après-crise, qui est grandement négligée et
où les ressources ne sont disponibles que pour les
riches. Nous sommes continuellement en recherche
de fonds qui nous permettraient de nous mouvoir
dans cette zone, de façon à parvenir à créer quelque
chose de différent et de durable…Que dit le
proverbe? L’espérance franchit l’éternité !
Mary Burke, fmm
(Si certaines sœurs travaillent dans le domaine de la
violence domestique, elles peuvent me contacter à
cette adresse :
[email protected])
Nous avons beaucoup de plans pour l’avenir - à la
fois petits et grands ! En particulier, nous désirons
mai - juin 2008
21
Corée
Aumônerie au Quartier
général de police
Premier ministère fmm au Quartier général de police. C’est vraiment le premier ministère que l’on trouve à
l’intérieur d’un service administratif en Corée.
Pusan est une grande ville de 40.000 habitants, et
c’est au Quartier général de police que j’ai mon
ministère. Les autres groupes d’une certaine
importance, les bouddhistes et les protestants, y ont
aussi leur terrain de service. Le gouvernement a
simplement organisé que chacune des trois religions
ait un bureau d’aumônerie avec une salle de prière
annexe, à l’intérieur du quartier général, et soutienne
les activités en cours. Les forces de police ayant la
tâche difficile d’assurer aux citoyens sécurité et
protection en situations de crise et d’accidents, le
gouvernement reconnaît que la police a besoin d’une
aide d’ordre spirituel, et en soutient spécialement la
vie de foi ; d’où sa générosité pour l’aumônerie.
Les laïcs catholiques travaillant ici dans le quartier
général ont formé leur propre communauté de foi.
Même ici, sur leur lieu de travail, ils sont dans leur
rôle de laïcs catholiques, rendant des services volontaires tout en évangélisant. Sous la juridiction du
Quartier général de police de Pusan, il y a 14 postes
de police, dont 10 ont organisé un groupe pour les
catholiques.
Ici, au Quartier général, un prêtre travaille avec moi
à plein temps au bureau de l’aumônerie, du lundi au
vendredi. Le nombre total de catholiques de la force
de police de Pusan est de 249, et il y a 43 membres
de police catholiques dans les environs proches de la
ville. Tous les ans, il y a une cérémonie de baptême
S. Regina avec les aumôniers d’autres religions
22
FMM Espace Rencontre VII/27
pour les membres désirant être baptisés dans l’Eglise
catholique. Durant au moins six mois , deux fois par
semaine je vais visiter les postes de police où résident
ces catéchumènes, et leur donner des cours de religion selon notre foi. C’est l’aumônier qui donne le
sacrement de Baptême dans une cérémonie à la fin de
la période préparatoire. Ils ne sont pas nombreux,
mais tous les ans il y a de deux à cinq personnes, y
compris les membres de la force de police militaire,
qui demandent une préparation au Baptême.
Une fois par mois notre aumônier rend visite à
chaque poste de police pour offrir la Messe et prendre le repas avec les membres catholiques. La police
militaire catholique assignée à cette région est également invitée, cela renforce ainsi l’amitié mutuelle.
Dans ce ministère, nous insistons pour que chaque
personne vive avec dignité et respect dans sa profession et dans la vie quotidienne. Nous les aidons aussi
à grandir dans la foi et à prendre conscience de
l’amour que Dieu leur porte.
Même s’ils sont peu nombreux dans notre diocèse en
tant que communauté de foi chargée d’une mission,
nous préparons pour les membres de police
catholiques et leurs familles des retraites à certains
moments liturgiques, et des pèlerinages aux sanctuaires, en voiture et à pied. Il leur est difficile de trouver le temps nécessaire, mais à la fin ils sont heureux
d’avoir participé. Parmi eux il se trouve des couples
qui n’ont pas reçu le sacrement de mariage. Nous les
préparons à ce sacrement. Par dessus tout, les
familles sont reconnaissantes et fières qu’il y ait un
prêtre et une sœur délégués par l’Eglise pour répondre à leurs besoins.
mariage, etc. Je me sens pleine de joie quand les
gens me disent quelle force c’est pour eux d’avoir un
prêtre et une sœur toujours prêts à les aider !
Naturellement, il y a aussi des difficultés et des défis.
Le Quartier général fonctionne selon un système
hiérarchique, où le rang et le statut sont importants.
Le Christ n’y est pas bien connu, mais au moins
l’Eglise catholique est connue – quand ce ne serait
qu’en voyant des religieuses qui n’ont pas de pouvoir dans la société et que l’on considère comme
n’ayant rien de commun avec le monde.
Moi-même, FMM qui travaille dans une institution
au service des citoyens, j’essaie de montrer que le
vrai service consiste à traiter chaque personne de
façon égale comme des frères et sœurs, en esprit franciscain. Comme Marie, notre Mère, j’essaie avec tendresse et chaleur de servir ceux qui viennent à notre
bureau. Ce faisant, je concrétise en moi la valeur
chrétienne fondamentale qui consiste à traiter les
autres comme des égaux, avec joie, humilité et oubli
de soi.
Regina Jung Song Hee, fmm
Au Quartier général, notre bureau fonctionne à la fois
en bureau de conseil et en salle de prière. Du fait qu’il
y ait une religieuse, il se trouve des catholiques qui
recherchent l’éducation de la foi, et les non
catholiques nous rendent souvent visite, pour parler
de la vie et de la foi. Parfois, j’essaie de partager
avec eux les valeurs chrétiennes et aussi des valeurs
de la vie franciscaine. De tels visiteurs sont reçus
avec chaleur, et l’on peut dire que notre bureau est
comme une oasis dans le désert. Parfois il y a des personnes qui viennent juste pour un moment de tranquille méditation. Pour eux je joue une musique
méditative et mets quelques bons livres sur la table,
pour les aider à la méditation.
Il y a beaucoup de joies à travailler dans un tel lieu.
Joie de voir les gens grandir spirituellement et en
dignité. Joie de voir les catholiques travailler avec le
prêtre pour préparer les Messes et les prières selon la
saison liturgique ; de les voir capables de guider les
non-pratiquants vers un renouveau de vie de foi
active; de voir les couples aplanir les obstacles à leur
mai - juin 2008
23
Malaysia
Un rayon d’espoir
Quelque chose de nouveau se passe dans la Province de Malaysia-Singapour, qui concerne notre service des
pauvres et des marginaux. Ce rayon d’espoir, c’est S. Maria Hong Ly du Vietnam, récemment envoyée à la
communauté fmm de Kuantan, sur la côte Est de la Péninsule de Malaisie.
Pendant de nombreuses années, notre province a été
un territoire de transit pour les sœurs asiatiques du
Sud-Est et d’Extrême-Orient qui apprennent l’anglais
et s’exercent à l’adaptation culturelle avant d’être
envoyées en mission lointaine. Les sœurs
vietnamiennes arrivées ici dans ce but ont d’habitude
été sollicitées pour un service pastoral spécial avec
les travailleurs émigrés vietnamiens à Kuala Lumpur,
Petaling Jaya et Seramban.
S. Hong Ly a été envoyée en Malaysia pour un an et
demi avec un visa d’étudiante. En 2007 des
pourparlers étaient en cours pour un permis de
travail, de sorte qu’elle puisse s’engager entièrement
dans le travail indispensable au service des travailleurs vietnamiens. Au début de novembre 2007,
S. Hong Ly est arrivée à Kuantan pour travailler en
réseau avec le prêtre de la Paroisse et les animateurs
laïcs du Ministère Paroissial pour le Développement
Intégral (PIHDM), faisant le lien entre eux et les
travailleurs vietnamiens qui luttaient avec le
problème de langue.
On donna un bureau à S. Hong Ly à la Paroisse et le
Centre paroissial fut mis à sa disposition durant les
fêtes de l’année lunaire en vue des projets de
pastorale pour les Vietnamiens. Un rassemblement de
Noël en 2007 réunit 100 ouvriers et fut le prélude
d’un camp de deux jours organisé par les ouvriers
pour les 3ème et 4ème jours de la nouvelle année
lunaire. A la demande de S. Hong Ly , S. Anne Marie
Nguyen Thi Huyen, S. Cecilia Tuyet Tram et S. Anna
HongThahm vinrent de Kuala Lumpur pour l’aider
dans la préparation. Avant cela, elle avait préparé la
première circulaire pour les ouvriers et ceux qui
travaillaient avec le prêtre de la Paroisse, le Père
Eugene Benedict, à choisir les hymnes et prières qui
feraient partie d’une célébration eucharistique
plurilingue pour le Nouvel An Lunaire. Quelle joie
d’écouter des hymnes vietnamiens chantant le
printemps, la vie nouvelle et la reconnaissance des
parents. Instruits par S. Hong Ly, le prêtre de la
Paroisse put entonner quelques-unes des prières en
vietnamien.
S. Hong Ly (au milieu) avec
les travailleurs vietnamiens
24
FMM Espace Rencontre VII/27
Tandis que S. Cecilia préparait la nourriture
délicieuse pour les participants, S. Anna et S. Hong
Ly partageaient des activités et des jeux intéressants.
S. Anne Marie aidait dans l’œuvre importante de la
formation. Seulement une vingtaine de participants
étaient catholiques, en comptant les sept de Kuala
Lumpur ; les autres étaient bouddhistes ou
n’appartenaient à aucune religion en particulier. Les
sœurs, avec une grande finesse, choisirent d’insister
sur le développement humain, en référence à la Lettre
aux fidèles pour le jour de l’An Lunaire, du Cardinal
du Vietnam - John Baptiste Pham Minh Man,
résidant à Ho Chi Minh Ville. Le thème était « la
famille ».
Les effets de l’émigration et son influence mauvaise
sur la vie de famille furent étudiés dans des échanges
de groupes. Les participants regardèrent aussi en face
les résultats de la délocalisation, le sida,
l’avortement, la corruption, l’alcoolisme et furent
exhortés à respecter et à vivre la culture
vietnamienne. S. Anne Marie encouragea ses jeunes
compatriotes à chercher la puissance divine qui
pourrait apporter une réponse positive à la vie malgré
ses épreuves. S. Hong Ly avait voulu les héberger
pour la célébration de l’Année Lunaire, parce qu’ils
«sont si loin de chez eux» et elle voulait que les
émigrés vietnamiens apprennent à se connaître entre
eux, à se soucier des autres et à connaître l’Eglise.
Elle jugeait important de les voir se détourner de la
boisson et de la lutte, causées par la solitude et la
séparation d’avec leur propre foyer. Il est bien connu
que les ouvriers fabriquaient leur propre liqueur et
c’est pourquoi beaucoup d’entre eux arrivaient à
l’hôpital local après avoir été battus, avec
l’obligation de payer d’énormes factures. Elle
continuait : « Nous les aidons à comprendre la culture ici et à accepter leurs problèmes avec courage
en essayant d’apprendre à vivre dans ce pays. »
Quant aux ouvriers vietnamiens eux-mêmes, les deux
jours furent comme une caresse de chez eux. Le
prêtre de la Paroisse qui leur permit de passer toute la
nuit au Centre paroissial, vint les trouver de bonne
heure le matin pour voir s’ils avaient assez de
couvertures. Il leur avait dit le matin : « Ici c’est votre
maison, vous pouvez y venir » Les ouvriers qui ne
pouvaient pas rester plus longtemps le regrettaient,
mais les soeurs sentaient qu’ils avaient tous été
touchés par la chaleur de l’accueil et heureux de
l’occasion de partager leurs problèmes avec la
certitude d’être entendus et compris. La nourriture
vietnamienne leur fit du bien et contribua un peu à
guérir leur nostalgie.
Les sœurs vietnamiennes furent impressionnées par
l’aide extrêmement généreuse apportée par les
animateurs du Service, particulièrement par
Catherine Boon, dont les efforts infatigables pour
S. Hong Ly (à droite)
visiter les Vietnamiens dans les centres de détention,
les prisons, les tribunaux et les hôpitaux ont gagné le
respect des Vietnamiens qui l’appellent affectueusement leur « mama ». Maintenant elle travaille en
étroite collaboration avec S. Hong Ly.
S. Cecilia a remarqué la différence entre les
travailleurs vietnamiens réunis au Centre Cathédrale
à Kuala Lumpur et ceux de Kuantan. Elle dit qu’à
Kuala Lumpur la majorité sont catholiques et peuvent
vivre plus facilement ensemble, tandis qu’à Kuantan
la majorité sont des non-catholiques qui n’ont pas
l’occasion de se rencontrer et sont portés à
l’alcoolisme, n’ayant nulle part où vivre leur solitude
ou leur sentiment de désespoir. S. Anna parla en
faveur des sœurs quand elle évalua le temps, l’espace
et l’aide accordées spécialement à S. Long Ly par ses
sœurs en communauté.
Ces jours-ci, S. Hong Ly ne va nulle part sans son
téléphone portable. Elle est maintenant source d’espoir
pour les ouvriers migrants vietnamiens qui
l’appellent à longue distance jusqu’à Johor, au Sud de
la péninsule. C’est ainsi que la parole s’est transmise.
Maintenant que les jeux de hasard et loteries sont
terminés, elle cherche comment aider ceux dont les
passeports ont été gardés de force par des employeurs
sans scrupule, en fuite, et ceux qui sont sans papiers,
mais ont besoin de moyen de transport sûr pour
rentrer chez eux, ou bien qui tomberaient malades et
auraient besoin d’assistance médicale. Nous avons
vraiment été frappées par son énergie et son
dévouement. Prions pour elle.
Enid Lopez, fmm
mai - juin 2008
25
Inde Ootacamund
Notre présence
parmi les nomades
Un séminaire sur la pastorale des nomades a ouvert les yeux de nos sœurs sur l’appel de ce groupe extrêmement négligé et les a motivées pour faire quelque chose avec eux.
Notre communauté a toujours travaillé avec ceux qui
sont repoussés aux marges de la société parce qu’ils
semblent différents et agissent autrement que les
autres. Dès le jour de notre insertion à Udumalpet,
Tamilnadu, nous avons travaillé pour et avec les
dalits, les tribus et les réfugiés. En adoptant un style
de vie aussi simple que le leur, nous nous sentons des
leurs, ils nous acceptent facilement et sont ouverts
aux valeurs évangéliques que nous professons.
pièces de musée à exposer. Les femmes et les enfants
font des ornements avec des perles multicolores
qu’ils vendent aux arrêts de bus et lieux publics.
Dans le monde totalement technique d’aujourd’hui, il
n’y a pas beaucoup d’acheteurs de ces oeuvres
primitives. Les Narikuravars ne gagnent donc pas
beaucoup et leur maigre recette ne suffit pas pour se
procurer une nourriture suffisante. Ils sont donc très
anémiés.
Nous nous sommes mises à la recherche des nomades
ou Bohémiens à l’intérieur et autour de notre région
après avoir participé au séminaire sur la pastorale des
nomades en Inde, au Centre National Biblique de
Catéchèse et de Liturgie de Bangalore en 2004. Des
participants de l’Inde entière étaient présents à ce
séminaire. Leur partage nous a enrichies et nous
avons été éclairées par leur interaction. A la suite,
nous avons été poussées à rejoindre ce groupe qui est
le plus négligé de tous les marginaux de notre société.
Depuis 2005 nous commençons à travailler avec ce
groupe, les Narikuravars.
Bien que le gouvernement leur ait construit des
maisons, ils préfèrent rester dehors, même s’il s’agit
de dormir sur le trottoir. Etant nomades, ils ne
tiennent pas à un mode de vie déterminé. Ils ne font
rien cuire chez eux mais achètent leur nourriture aux
hôtels (ce qui revient plus cher) et dépensent ce qu’ils
gagnent pour boire. Ces « libres » enfants de Dieu ne
pensent pas à donner une éducation à leurs enfants ni
à pourvoir à leur avenir en économisant un peu.
Les Narikuravars
Les hommes, jeunes et vieux, vont de lieu en lieu et
d’état à état à la chasse d’oiseaux et d’animaux qu’ils
rembourrent et vendent aux gens qui en font des
Ministère chez les Narikuravars
Notre première tâche a été de leur ouvrir la possibilité
d’une vie meilleure pour eux et les générations
futures. Nous sommes allées à l’arrêt des bus à
Udumalpet pour rencontrer les femmes et les enfants.
Ils étaient surpris que quelqu’un soit venu les
chercher mais lentement commencèrent à s’ouvrir et
26
FMM Espace Rencontre VII/27
Nous souhaitons
un meilleur avenir
non seulement pour les enfants,
mais aussi
pour toute leur communauté.
nous avons pu établir de bonnes relations avec eux.
Nous avons appris qu’ils demeurent dans deux
camps à Pollachi – à Kollupalayam et Ponnavaram. Il
y a 27 familles à Kollupayalam et 50 familles à
Ponnavaram. Excepté 25 familles qui sont
chrétiennes, toutes les autres adorent Kali, déesse
hindoue. Nous avons commencé à leur rendre
régulièrement visite et à leur donner des notions de
santé et d’hygiène. Peu à peu nous avons organisé des
programmes de conscientisation et commençons à
célébrer les fêtes nationales avec eux.
Monsieur et Madame Shankar qui travaillaient déjà
avec les nomades de Tamilnadu sont devenus nos
personnes de référence et nous ont aidées à préparer
nos premières rencontres avec les membres des
communautés nomades de ces deux camps, le 25
février 2006. A cette rencontre, M.Shankar leur a
parlé des divers problèmes rencontrés par leur
communauté et insista sur leur besoin de s’organiser
en groupe et de s’inscrire dans le syndicat Tamilnadu
Vagirivel (Bohémiens). Il leur expliqua aussi les
divers privilèges que le gouvernement avait réservés
pour leur communauté.
Nous avons organisé deux camps pour les enfants
d’âge scolaire. Le premier, en 2006, était un effort
commun entre nous et une ONG aux campus de
l’école Vishwa à Pollachi ; vingt enfants participèrent
à ce camp de trois jours. Ils étaient excités à la pensée
que pour la première fois ils venaient en étudiants
pour apprendre et être ensemble. Nous avons
commencé tous les jours par la prière du matin suivie
par des exercices de yoga. En plus de l’enseignement
du tamoul, de l’anglais et des mathématiques nous
leur avons donné des douches, peigné les cheveux,
fait cuire et servi des repas chauds. Il y avait aussi des
classes sur les valeurs, la discipline et l’accompagnement. Nous avons dirigé des sessions de prise de
conscience sous forme de jeux intérieurs et extérieurs
où ils découvraient leurs talents et apprenaient à
développer leurs dons naturels. Le troisième jour
nous les avons emmenés en pique-nique à la chute
d’eau d’Aliyar. Les enfants ont beaucoup aimé le
camp et exprimé leur reconnaissance pour les leçons
apprises et l’attention des sœurs et des volontaires.
Le second camp a eu lieu du 27 au 29 septembre
2007 sur le Campus du Couvent de l’Immaculée
Conception. Trente-cinq enfants ont pris part à ce
camp ; comme pour le premier, nous avions des
volontaires venus des groupes des ONG de la région.
Les matières enseignées étaient les mêmes qu’au
premier camp, mais nous avons adopté la méthode
d’enseignement par le jeu. Cette fois nous avions un
professeur de couture parmi les volontaires, qui leur
enseigna des travaux différents de ceux auxquels ils
étaient habitués. Le dernier jour nous avons emmené
les enfants à Karunya.
Le président, les conseillers et les membres du
gouvernement autonome local, de même que le
principal professeur, participent toujours aux
programmes de conscientisation ou aux célébrations
de fêtes nationales que nous organisons pour ce
groupe. Ils contribuent aussi au financement des
sessions.
Espoir pour l’avenir
Nos visites régulières comme les programmes
périodiques de conscientisation les ont profondément
marqués et nous voyons de notables changements
dans leur conduite. Ils sont conscients du besoin de
propreté, d’hygiène, afin d’économiser et
d’améliorer leur genre de vie. Maintenant ils ont
formé deux groupes de développement autonome, un
pour les femmes et les jeunes à Ponnavaram et un
autre pour les femmes à Kollupalayam. Nous avons
pris contact avec une autre ONG à Pollachi pour les
aider à ouvrir un compte en banque afin qu’ils
puissent établir sur une base leurs futures activités.
Nous travaillons à la construction d’une école pour
les enfants dans leur région. Nous souhaitons un
meilleur avenir non seulement pour les enfants, mais
aussi pour toute leur communauté.
mai - juin 2008
27
Sénégal
Promotion de la femme et
de la jeune fille à Salémata
Description du cheminement fait par les Franciscaines Missionnaire de Marie dans leur engagement pour la
promotion de la femme dans le département de Salémata au Sénégal : 1980- 2008
Le département de Salémata est à 800km de Dakar. Il
est localisé dans un territoire enclavé entre le parc
Niokolo Koba au nord et à l'ouest, et de la
République de Guinée dont il est séparé au sud par
les montagnes du Fouta Djallon. Le département de
Salémata a un relief très accidenté. C'est dans cette
partie du Sénégal qu’on trouve les hauteurs les plus
élevées du pays.
Arrivées en 1980, les Franciscaines Missionnaires de
Marie ont pris une année pour étudier les possibilités
de travail qui pourraient être envisagées dans le
domaine de la promotion humaine et sociale. Dans ce
but, elles ont fait des tournées dans les villages. Le
Centre de promotion féminine a ainsi été créé. Il
offrait aux jeunes filles bassari, peulh et autres ethnies confondues, une formation de base en français,
en calcul, en couture, en tricot, en broderie, en
hygiène, etc. Les élèves étaient logées en internat et
l'enseignement assuré par les Franciscaines
Missionnaire de Marie. Cette formation s’étalait sur
trois ans.
L’objectif premier était de former des filles capables
d'animer leur village au niveau de la santé, de
l'éducation, du développement économique de leur
région (jardin - élevage - gérance du budget pour
parvenir à l'autofinancement - travaux de couture travaux d’artisanat).
Après une période d'exode, plusieurs femmes qui ont
suivi la formation reviennent au village. Parmi elles
une dizaine, avec l'appui du centre, sont nommées
comme animatrices pour assurer l’encadrement des
différents groupes de couture.
Cérémonie de remise des attestations à la fin de la formation
28
FMM Espace Rencontre VII/27
génératrices de revenus (AGR), afin de trouver ce qui
est le mieux adapté à leurs ambitions et le plus
approprié aux besoins du marché, en vue de la
création d’une entreprise/AGR porteuse.
Avec la nouvelle orientation qui s’est dégagée en
1992, le centre technique féminin de Salémata a donc
mis ses locaux à la disposition des filles internes de
l’école primaire tenue par les frères de Saint Gabriel.
Ces filles venaient passer la nuit chez nous et nous les
surveillions le soir à l’étude. Après le départ des
Frères de Saint Gabriel en 1999, nous avons continué
d’accueillir les grandes filles de l’école catholique.
Jardin d’un groupement de femmes
Une nouvelle orientation se dégage ainsi en 1992. Il
s’agit de la création de groupements de femmes dans
les villages avec comme objectif de collaborer au
développement de la femme et de la jeune fille de la
zone rurale, par une formation appropriée sur place
pour éviter l'exode rural ; promouvoir l'épanouissement de la femme dans son rôle de mère et d'éducatrice. Aujourd'hui le projet polarise une vingtaine de
groupements villageois avec comme activités : la
teinture, le maraîchage, les champs collectifs, la
micro finance.
Au repas
Nous faisons des tournées mensuelles de supervision
de tous ces groupements. Là, nous faisons de la
teinture pour permettre à un plus grand nombre de
femmes d’en faire l’apprentissage. C’est l’occasion
pour nous de visiter les jardins, de discuter avec les
femmes pour mieux connaître leurs besoins et pour
fraterniser.
Dans le cadre du renforcement des capacités des
femmes, des séminaires de formation sont organisés
par le projet de Promotion de la femme (PROFEMME) initié par le diocèse de Tambacounda. En
2006, quatre séminaires de formation pour les
femmes se sont tenus sur l’organisation d’un groupement de Promotion féminine (GPF). En 2007 également, quatre séminaires ont eu lieu chez nous sur la
gestion financière d’un groupement de Promotion
féminine (GPF).
Du 4 au 8 mars 2008, se sont encore tenus chez nous,
à Salémat, deux séminaires de formation de cinq
jours sur l’entreprenariat féminin. Ces séminaires ont
regroupé au total 83 femmes venant des groupements
de différents villages que nous encadrons dans notre
localité. Deux autres séminaires se tiendront également du 15 au 25 avril 2008. Il s’agit de rendre les
femmes dans les Organisations Communautaires de
Base (OCB) capables d’identifier et d’analyser
plusieurs idées d’entreprise ou d’activités
Depuis l’année scolaire 2005 – 2006, le nombre des
filles reçues au CEPE (Certificat d’Etudes Primaires
et Elémentaires) augmente. Les demandes d’hébergement des filles venant des villages éloignés affluent.
Pour leur donner la possibilité de poursuivre leurs
études, nous décidons donc d’accueillir chez nous 19
filles en comptant sur la Providence. Aujourd’hui,
nous avons une trentaine de filles qui sont au CEM
(Collège d’Enseignement Moyen). En plus du
logement et de la nourriture, nous leur donnons une
formation humaine et chrétienne.
Nous sommes très heureuses de les encadrer et nous
misons beaucoup sur elles pour promouvoir la
promotion de la femme dans leur milieu.
Anne Marie Zilda Chambaz, fmm
mai - juin 2008
29
Marie de la Passion
et la voie franciscaine
Pauvreté, minorité et vrai pouvoir
Le 19 novembre 1882, Marie de la Passion écrit aux
Missionnaires de Marie, pour leur donner les raisons
de sa décision : affilier leur Institut si jeune et encore
contesté, à l’Ordre franciscain : « Depuis que le soin
de vos âmes m’a été confié, j’ai toujours eu à cœur de
vous garder de l’esprit du monde et de vous ramener
à celui de l’Évangile… Il y a vingt-deux ans que
Notre Seigneur a daigné me montrer la beauté de la
sainte pauvreté et de la simplicité évangéliques
propres à St François d’Assise. Si j’ai tardé si
longtemps c’est que je voulais étudier davantage la
volonté de Dieu… Ce qui a fixé ma décision, c’est
l’encyclique de Sa Sainteté Léon XIII qui invite le
monde entier, les Pasteurs et leurs troupeaux à
s’enrôler dans la milice du Pauvre d’Assise, afin que
le monde trouve dans son esprit de charité et de
détachement la régénération dont il a tant besoin »
(Lettres Circulaires [LC]).
La même année, le jour de la Toussaint, elle avait
déjà prévenu les Sœurs qu’elle-même personnellement était entrée dans le Tiers-Ordre, avait le
Ministre Général pour appui et conseiller, et elle avait
ajouté : « Afin d’arriver à la solution finale pour tout
l’Institut, je communiquerai plus explicitement à mes
conseillères les raisons sérieuses, naturelles et
surnaturelles qui ont amené ma conviction. Mais dès
à présent, toutes mes filles sont prévenues qu’elles
me donneront la plus douce joie et la récompense de
ce que j’ai souffert pour elles, en obéissant à l’appel
du St Père, en entrant dans l’Ordre séraphique. J’en
fais moi-même actuellement partie, et cette grâce
m’a donné, pour me dévouer à l’Institut, une force
nouvelle » (Ibidem).
Sa Sainteté Léon XIII (1810 - 1903)
Beauté de la sainte pauvreté et de la simplicité
évangéliques, générant un esprit de charité et de
détachement qui est ferment de régénération pour le
30
FMM Espace Rencontre VII/27
monde : en peu de mots, le sens de l’entrée dans la
voie franciscaine est donné. L’important, c’est la
libération de toute attache à son propre moi, à
l’instinct de domination sur les êtres et sur les choses,
afin d’aller à Dieu et aux autres sans entraves, dans la
limpidité d’un rapport de charité filiale et fraternelle:
« Ne gardez pour vous rien de vous, afin que vous
reçoive tout entiers Celui qui se donne à vous tout
entier », écrivait François (Lettre à tout l’Ordre, 29).
Marie de la Passion, voyant dans l’Eucharistie
l’actualisation constante de ce don de soi «tout
entier», fait écho à ces paroles : « …soyons humbles
mes enfants, en présence d’une telle humilité ! Que
notre vie soit cachée comme la sienne et ne respire
que l’amour. Donnons-lui tout nous-mêmes, puisqu’il
se donne tout à nous. Et quelle réserve pourrionsnous faire pour lui puisqu’il n’en fait pas pour nous
? A cette source d’amour alimentons notre charité. …
Soyons partout pleines de charité... » (LC, 8
décembre 1884).
La béatitude évangélique de la pauvreté « en esprit »
naît en effet de l’amour, et conduit à l’amour :
«François et ses fils ont les Séraphins pour guides,
ils les dépouillent de tout ce qui n’est pas Dieu : la
charité naît du dépouillement et doit être la vertu
spéciale de l’Ordre… » (Correspondance, 4 août
1903 - Cf. « La Pauvreté » p. 70) . « Le monde a si
besoin de l’esprit de saint François qui est l’antipode
de l’adoration du veau d’or ! Il nous faut un vrai
détachement qui engendre une vraie charité » (Ibid.
6 août 1897).
Aquarelle par S. Frances Falk, fmm
« On ne donnera à aucun frère le titre de prieur,
mais à tous indistinctement celui de frères mineurs.
Ils se laveront les pieds les uns aux autres ».
(Première Règle de St François, n° 6.3)
La pratique de cette « pauvreté en esprit » a des
conséquences concrètes bien précises ; et d’abord, la
«minorité» sans laquelle la « fraternité » n’est qu’un
leurre, à commencer par la communauté de vie. Dans
sa Première Règle, au n° 6.3, François prescrit : « On
ne donnera à aucun frère le titre de prieur, mais à
tous indistinctement celui de frères mineurs. Ils se
laveront les pieds les uns aux autres ».
Lorsque, l’Institut étant devenu officiellement franciscain, Marie de la Passion demande au Père
Bernardino - Grand-père - le don symbolique de son
manteau, il n’a pas un instant d’hésitation mais constate simplement : « Le manteau n'est pas trop large
et par conséquent, il ne peut pas abriter sous ses plis
un grand nombre d’âmes, sinon à condition qu’elles
se fassent toutes petites, et de plus en plus petites, à
mesure qu’elles augmentent en nombre ; vous
comprenez le mystère de ces paroles. - Du reste, Dieu
sait de quel cœur j’aime les Missionnaires de Marie
et je prie pour elles… ».
Rapportant ces mots le 6 janvier 1886, Marie de la
Passion commente : «Après ces paroles vraiment
évangéliques, je n’ajoute plus que deux lignes, mes
enfants bien aimées ; soyez petites toujours pour
trouver place sous ce manteau séraphique dont la
protection vous est si solennellement promise et
soyez-en sûres, c’est un gage certain de votre bonheur de l’éternité… » (LC). En juin de ce même
1886, elle donne aux quêteuses dont « la tâche est
pénible », le titre de «vraies petites sœurs mineures».
Car c’est là une autre conséquence de la minorité :
n’avoir pas pignon sur rue, mais devoir travailler
pour gagner son pain comme la Sainte Famille de
Nazareth, ou encore pour aider les économiquement
faibles dont on est solidaire ; et parfois même, quand
on ne reçoit pas un juste salaire, quêter. Elle s’active
à organiser des ateliers et stimule l’ardeur au travail,
l’ingéniosité, la générosité et le partage fraternel : «Je
vous en conjure, mes enfants, remuez-vous, mais
pratiquement. Qu’on parte avec des produits, qu’on
cherche de l’ouvrage, peu importe celui que nous
ferons pourvu qu’on gagne son pain à la sueur de son
front. Et non pas dans une seule maison mais dans
mai - juin 2008
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Le manteau de P. Bernardino
mis en exposition à l’Ara Coeli
le 1er octobre 2007
«...soyez petites toujours pour trouver
place sous ce manteau séraphique dont
la protection vous est si solennellement
promise et soyez-en sûres, c’est un gage
certain de votre bonheur de l’éternité… »
(LC).
toutes. Que celles qui ont du travail suffisamment en
cherchent pour les autres maisons. … Une chose que
je recommande aussi, c’est le silence. De grâce, pas
de paroles inutiles. Pendant qu’on parle, on ne
travaille pas » (LC 20 janvier 1897). Du point de vue
de la mission, cette expérience met de plain pied avec
ceux dont le lendemain n’est pas automatiquement
assuré, et qui ont besoin d’être aidés à se mettre
debout : « L’Ordre … a toujours eu le don d’aller au
peuple : de pauvre à pauvre, il n’y a pas de distance»
(Correspondance, 4 août 1903, «La Pauvreté», p. 70).
Pour autant, Marie de la Passion ne fait pas de la
pauvreté matérielle une idéologie, ni de la misère une
vertu. Il faut se démener pour trouver du travail, et
prier pour avoir la grâce d’arriver à gagner la vie de
l’Institut. À l’adresse de sœurs commissionnaires,
elle a cette parole étonnante : « J’ai reçu votre argent
et je vous en remercie. Comme toujours je me suis
senti du respect pour cet argent, prix de tant de
peines et de souffrances ! » (LC 21 novembre 1886).
Ce qui lui importe, c’est, à la suite de Jésus, de vivre
en vérité la Béatitude des Pauvres qui a le pouvoir de
faire advenir déjà sur terre les prémices du Royaume
des Cieux (cf. Mt 5, 3). « Jai vu la terre et tous
disaient : ‘Le vrai pouvoir, c’est l’or’. Et Jésus, le Roi
des pauvres, et François le Père des pauvres
disaient: ‘Le vrai pouvoir, c’est l’amour qui est le
détachement, qui est la pauvreté, qui est Dieu’ »
(Correspondance, 24 décembre 1895, «La Pauvreté»,
p. 64).
Dans une note spirituelle du 7 mai 1883 («Il me
parle… » n° 295), elle explicitait davantage ce
qu’elle voyait dans cette expression, grâce à une
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FMM Espace Rencontre VII/27
image musicale : « Le vrai pouvoir… c’était Dieu
dans sa beauté et ses trois Personnes si distinctes et
si une ; c’était Jésus, son Évangile, son Église, qui ne
font qu’un avec ce Dieu amour. Corde unique du vrai
pouvoir que François, l'homme au vrai pouvoir, a fait
vibrer pour la terre. Et moi, misère, petitesse, folie, je
me sens une folle passion de voir vibrer, encore, cette
corde d’amour ».
Auprès de Dieu, à la vue de notre terre et de la
mondialisation de son système économique avec
toutes ses retombées de paupérisation, n’a-t-elle pas
aujourd'hui, une passion encore plus grande qu’y
puisse vibrer cette corde ?
Anne de la Bouillerie, fmm

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