Leo Perutz, athlète complet du roman fantastique
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Leo Perutz, athlète complet du roman fantastique
Leo Perutz, athlète complet du roman fantastique LES hasards de l'édition font que, chez Fayard, paraissent en même temps le premier et le dernier livre de Perutz : la Troisième Balle (1915) et Sous le pont de pierre (1953). Mobilisé en 1914, grièvement blessé, Leo Perutz, rentré à Vienne, a trente-trois ans quand il publie la Troisième Balle. Ce sera le succès qui décidera de sa carrière. Dès ses débuts, passionné d'histoire, il unit la prise de Mexico par Fernand Cortez à l'empire de Charles Quint dans un monde où cohabitent mal l'Eglise catholique et les luthériens, où Franz Grumbach comte rebelle, dont l'histoire a été oubliée, défia l'Armada espagnole avec trois balles : la première destinée à Cortez qui va donner le Nouveau Monde à l'empereur catholique ; la deuxième destinée à celui qui a enlevé la jeune Indienne qu'il aimait ; la troisième... Vous ne le saurez pas... Le Nouveau Monde est encore à qui le prendra. La Nuit sous le pont de pierre, la dernière oeuvre que Perutz ait publié de son vivant, sera comme un retour au point de départ. C'est un roman de Prague, la capitale de la Bohême et du Saint-Empire déchiré par les guerres de religion du début du dix-septième siècle, à travers une série de tableaux liés entre eux par quelques personnages que rien ne relie en apparence, notamment l'empereur Rodolphe II et Mordechai Meisl, le plus riche juif du ghetto, bientôt veuf de la belle Esther. Mais pourquoi donc la peste s'acharne-t-elle sur la cité juive en l'an de grâce 1589 ? Pourquoi la colère divine frappe-t-elle des enfants innocents ? Une femme a commis le péché d'adultère sous le pont de pierre, et un charme mystérieux retient blottie la fleur de romarin blanc enlacée à la rose rouge. " Suis-je vraiment venu te retrouver ? _ Et suis-je auprès de toi en ce moment ", demanda- t-elle... " Serviteurs, prophètes, alchimistes, fourbes de toutes sortes attendent que Matthias, le mauvais frère, chasse Rodolphe de cette cité. Au début du siècle, quand Perutz avait quinze ans, il parcourut pour la dernière fois les rues du ghetto, dont la démolition venait de commencer. " A mon grand étonnement, je tombai, dans la rue Joachim et la " ruelle dorée ", sur de grandes brèches que la pioche avait ouvertes, au travers desquelles j'aperçus des rues et des ruelles qui m'étaient restées inconnues jusqu'alors. Je dus me frayer un chemin au milieu de montagnes de débris et de gravats jusqu'à la turne de l'étudiant en médecine Jakob Meisl. " Jakob Meisl, son précepteur, l'héritier de la fortune des Meisl. Dont il ne restait rien. ZAND NICOLE Le Monde Article paru dans l'édition du 27.11.87