La croisade des pères révoltés

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La croisade des pères révoltés
SUISSE
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MARDI 1er AVRIL 2014 LE MATIN
LA CROISAD E DES PÈRES RÉVOLTÉS
PAPAS LÉSÉS Stéphane Perez a déposé
à Berne une pétition. Il veut revoir sa fille.
ls étaient bien seuls avec
leur souffrance, hier à
Berne, devant l’austère Palais fédéral. Mais emplis de
détermination: Stéphane
Perez, ce papa empêché de revoir
sa fille malgré une décision du Tribunal fédéral en sa faveur, et Giuseppe Cutroneo, résident zurichois dans une situation semblable. Dans leurs mains, une pétition
qu’ils sont venus remettre à la
conseillère fédérale Simonetta
Sommaruga, réclamant davantage
de justice pour les parents n’ayant
pas la garde de leur enfant.
Giuseppe n’a pas revu son fils
depuis trois ans alors qu’il habite à
quinze kilomètres seulement du
petit. C’est l’impuissance devant
l’inacceptable qui l’a conduit à
prendre la route, à pied depuis Zurich, à travers la campagne, soutenu par Papageno, l’association
de défense des pères tessinois.
Cent vingt-cinq kilomètres avalés
en quatre jours, avec pour seuls
compagnons le désespoir et son
contraire: l’espoir que les autorités suisses ne restent pas sourdes à
sa cause.
I
780 signatures en trois jours
Quand Stéphane Perez apprend
que Giuseppe s’est mis en route, il
est trop tard pour le suivre. Mais
pas pour récolter des signatures.
«Ma mère, ma compagne et moi
avons tout fait depuis trois jours
pour en récolter le plus possible»,
raconte le Nyonnais. Et c’est muni
de 780 paraphes, sur les mille signatures déposées à la Chancellerie, que Stéphane Perez a accueilli
le marcheur italo-zurichois. A leur
poignée de main, les mots sont superflus. C’est l’émotion qui passe.
Changer la loi
«De telles situations pourraient
être évitées si les décisions de justice étaient suivies d’effets»,
commente Julien Dura, porte-parole du Mouvement de la condition
paternelle Vaud, qui soutient Stéphane Perez. C’est justement ce
que réclame la pétition: faire en
sorte que les parents gardiens respectent les décisions des tribunaux et ne soustraient pas l’enfant
au droit de visite de l’autre conjoint. Mais l’exigence va plus loin:
les signataires demandent que les
parents gardiens qui accuseraient
à tort l’ancien conjoint de maltraitance ou d’abus sexuels soient
punis pénalement et que la garde
leur soit retirée au profit de l’autre
parent. Ils veulent aussi une répartition plus équitable des charges financières.
Après Berne, Bruxelles
Sous escorte policière, les deux
papas remettent la pétition à un
fonctionnaire fédéral, qui fera suivre au Département de justice et
police. «Je veux une réponse de Simonetta Sommaruga, dit Giuseppe, fatigué mais ferme. Et si je
n’en ai pas, je marcherai jusqu’à
Bruxelles.» Cette fois, il ne sera
pas seul. «J’irai avec lui, affirme
Stéphane. J’ai dit que, pour ma
fille, je me battrais jusqu’au bout.»
Entre le Romand et l’italophone, la
langue n’est pas une barrière. Pères dans la révolte, et déjà frères
unis dans le même chagrin.
LA PÉTITION EN BREF
INTERVENIR
Pour que les parents
gardiens respectent
les décisions
des tribunaux.
Giuseppe Cutroneo (à g.)
a marché de Zurich
à Berne. Avec Stéphane
Perez, ils ont déposé
leur pétition.
IMPOSER
aux juges la réévaluation
de la garde si le parent
gardien refuse de maintenir
le lien entre l’enfant
et l’autre parent.
PUNIR
pénalement
le parent gardien
ou lui retirer la
garde si celui­ci
accuse l’autre
à tort de
maltraitance
ou d’abus
sexuels.
● TEXTES LAURE LUGON ZUGRAVU
[email protected]
● PHOTOS LAURENT CROTTET
réponse
g Sans
à notre pétition,
Devant le Palais fédéral, le Nyonnais
Stéphane attend le marcheur zurichois
à l’origine de la pétition.
Giuseppe Cutroneo remet la pétition
à la Chancellerie fédérale: 1000 premières
signatures, dont 780 récoltées par Stéphane.
nous marcherons
jusqu’à Bruxelles»
Stéphane Perez, père lésé
,