La théorie de l`attachement

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La théorie de l`attachement
PUBLIRÉDACTIONNEL
La théorie de l’attachement
Ces deux ouvrages de référence sur la théorie de l’attachement sont
actualisés dans de nouvelles éditions revues et enrichies par Nicole et
Antoine Guédeney, pédopsychiatres. Entretien avec ces deux experts.
Elaborée par Bowlby et ses successeurs après
la Seconde Guerre mondiale, la théorie de
l’attachement propose une compréhension
de la genèse du lien fondamental par lequel
un bébé s’attache à ceux qui l’élèvent. Le
moteur essentiel de cette construction est la
satisfaction de son besoin inné de proximité
et de sécurité avec les figures censées le
protéger.
• Vos ouvrages permettent de suivre l’évolution de la théorie de l’attachement. Quels
en sont les développements récents ?
Le concept d’attachement fait aujourd’hui
partie de la grille d’analyse du développement précoce de la psychopathologie, quel
que soit l’âge, « du berceau à la tombe »
comme disait Bowlby. Les développements
récents concernent l’attachement à l’adolescence et chez l’adulte, en particulier les
personnes âgées. Les liens avec la régulation du stress sont à présent étayés par
les avancées en biologie et en génétique.
Chez le bébé, on montre ainsi clairement
l’effet de tampon face au stress qu’exerce
l’attachement secure par rapport à l’attachement insecure (1) et surtout par rapport
à l’attachement désorganisé (1). Dans ces
cas, le jeune enfant présente des attitudes
contradictoires, inconsistantes et souvent
déroutantes, qui témoignent d’un défaut de
construction de stratégies d’attachement
cohérente. L’attachement désorganisé est
mieux connu en particulier avec les travaux
de Karlen Lyons-Ruth chez le jeune enfant
et l’adolescent (2).
Par ailleurs, chez l’adolescent et l’adulte,
les rapports de la théorie de l’attachement
avec la théorie freudienne de la sexualité ont longtemps été contournés, ou de
type conflictuel. Les travaux récents des
« attachementistes » et des psychanalystes, surtout nord-américains, éclairent
finement la complémentarité et l’opposition
entre ces dimensions, ce qui fait l’objet
d’un chapitre nouveau dans la quatrième
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JUIN 2016
édition. Le domaine de l’exploration de
l’attachement dans les relations amoureuses, et dans le couple est aussi en
plein essor. Enfin, toujours selon le vœu
de Bowlby, les applications thérapeutiques
se développent énormément autour de la
notion d’alliance de travail et de base de
sécurité, avec les patients, mais aussi en
supervision, pour mieux comprendre la
relation soignant-soigné.
• Quels sont les derniers apports des
neurosciences ?
Depuis les débuts, l’attachement est une
théorie ancrée dans la biologie. Les avancées récentes confirment le rôle du système d’attachement dans la régulation
du stress, par les études de cortisol salivaire chez le jeune enfant et l’adolescent.
L’imagerie fonctionnelle permet de voir
le système de régulation émotionnelle de
l’attachement en jeu et précise les régions
cérébrales impliquées. Par ailleurs, les
modèles épigénétiques de transmission
des comportements parentaux ont confirmé
le rôle de la susceptibilité génétique dans
la transmission intergénérationnelle. La
sécurité de l’attachement est donc avant
tout une affaire de relation interpersonnelle
en situation de stress, mais elle dépend
d’une interaction gène-environnement. La
biologie des systèmes complémentaires
de caregiving (3) et d’attachement est
ainsi en plein essor, avec le rôle croissant
reconnu à l’ocytocine dans le maintien et
l’établissement du lien interhumain.
• Quels sont les enjeux pour la pratique
clinique ?
Les enjeux sont majeurs, depuis la reconnaissance des troubles précoces de l’attachement, avec sociabilité indiscriminée,
en dehors des circonstances d’orphelinat
ou de carence majeure, liés à des relations
familiales chaotiques, jusqu’à l’éclairage de
troubles du comportement des sujets âgés
dépendants, en passant par les signes de
la désorganisation de l’attachement chez
l’enfant et l’adolescent.
• Quel regard portez-vous sur la formation
des soignants à cette notion fondamentale ?
La reconnaissance de la prise en compte
nécessaire de l’attachement progresse chez
les professionnels de la santé mentale
(Protection maternelle et infantile [PMI],
Aide sociale à l’enfance [ASE], médecine
scolaire, éducateurs, juges des enfants,
institutions…) comme en témoigne l’importance de la demande de formation. Mais
l’attachement reste absent de la plupart des
cursus de formation en santé mentale. La
théorie n’est pas simple, et s’y familiariser
demande un réel effort, avec souvent la
nécessité de modifier ses grilles de lecture
de la sémiologie.
1– Ces termes désignent différents « styles » d’attachement, modélisés à partir de situations expérimentales de
séparations. L’attachement secure constitue une « base de
sécurité » pour l’enfant, qui lui permet de dréer des liens
et d’explorer l’environnement.
2– Lyons-Ruth, K., Bronfman, E., & Parsons, E. (1999).
Maternal disrupted affective communication, maternal frightened, frightening, or atypical behavior, and disorganized infant
attachment strategies. In Atypical patterns of infant attachment : Theory, research, and current directions. Monographs
of the Society for Research in Child Development, 64, 67-96.
3– Le caregiving peut être défini comme la capacité à donner
des soins, à s’occuper de façon adaptée d’un plus jeune que
soi, au niveau physique ou affectif.
• À lire :
– L’attachement : approche théorique, N. et A.
Guédeney (dir.), Elsevier Masson, Col. Les âges de
la vie, janvier 2016, 4e éd., 376 pages, 33,50 e.
–
L’attachement : approche clinique et thérapeutique. N. et A. Guédeney (dir.), Elsevier Masson, Col. Les âges de la vie, juin 2016, 2e éd.,
424 pages, 36 e.