TS vs Abeilles

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TS vs Abeilles
Fédération Française des Apiculteurs Professionnels
Les insecticides systémiques persistants :
Pourquoi les apiculteurs refusent leur autorisation
Depuis 1994-95 les apiculteurs français ont eu à déplorer sur leurs abeilles, les effets délétères de
deux molécules insecticides utilisées en agriculture : l’imidaclopride et le fipronil.
Ces matières actives sont utilisées principalement en traitement de la semence (TS).
Elles garantissent à la plante issue d’une semence qui en est pelliculée à dose infime - moins de 1
mg -, une protection pérenne contre les ravageurs aériens et ceux du sol.
A ce titre, elles répondent à des exigences particulières qui font appel à une persistance dans les
sols très élevée, des capacités systémiques exceptionnelles ainsi qu’une toxicité extrême,
très peu, voire aucunement sélective de l’insecte non-cible.
Les comités d’experts saisis depuis 2001 par le Ministre de l’agriculture, avaient conclu aux risques
préoccupants qu’encourait la colonie d’abeilles, exposée à un environnement de cultures de
tournesol et de maïs, lorsque la semence avait été traitée par les spécialités Gaucho (matière active
imidaclopride, famille des néonicotinoïdes) et Régent TS (m.a. : fipronil, famille des phénylpyrazoles)
En outre, la France en sa qualité de pays-rapporteur de la monographie du fipronil, avait proposé en
janvier 2004, « la non-inscription du fipronil à l'annexe 1 de la directive 91/414/CE, compte tenu
des préoccupations majeures pour l'environnement et les espèces sauvages ».
Ces avis scientifiques avaient motivé le Ministre de l’agriculture à suspendre au début 2004 la plupart
des usages agricoles du fipronil ainsi que l’usage de la spécialité Gaucho sur semences de maïs
uniquement (celui sur tournesol ayant été suspendu dès janvier 1999).
Cependant, ces mesures de restriction d’usages n’ont pas apporté une embellie significative
et durable dans nos ruchers.
Ce constat ne dédouane pas pour autant les insecticides incriminés :
-
1
Les épandages d’imidaclopride n’auraient, malgré les restrictions d’usages, jamais baissé
depuis 1998. S’il est difficile de faire valider pleinement cette thèse - en la matière on ne publie
que très rarement des chiffres 1 -, plusieurs éléments l’accréditent 2.
: Il est d’ailleurs regrettable que la France n’ait toujours pas exigé de la part des titulaires de l’homologation,
des données substantielles sur les ventes des pesticides de manière « à pouvoir établir des indicateurs de risques et
ainsi, à documenter les tendances qui visent à réduire les risques ainsi que l’efficacité des efforts de réduction des
risques », à l’exemple de ce qui se fait au Canada, depuis 2006.
Nous suggérons que le groupe de travail interministériel en charge de la préparation du plan de réduction des
pesticides, demandé par le président, préconise la mise en place d’un tel outil administratif.
2
-
Dans le cadre de son Enquête Multifactorielle Prospective entre 2002-2005, l’Affsa Sophia/
Antipolis constate la contamination généralisée et récurrente par l’imidaclopride (et le
fipronil) des ressources végétales, tant cultivées que spontanées 3 .
Les surfaces traitées imidaclopride n’ayant pas diminué, il n’y a aucune raison de penser
que cette contamination de fond n’ait pas été entretenue, voire augmentée.
-
Une étude récente menée par le CETIOM en Poitou-Charentes et Pays de la Loire, conclut que
dans 80% des cas, la culture de tournesol fait suite à une culture de céréale à paille.
Cette dernière étant souvent (40%, plus ?) et de plus en plus, traitée Gaucho/ Férial, il faut
ajouter un risque de contamination accru du tournesol par l’imidaclopride résiduel 4.
S’il est plus que probable que la pression du fipronil sur l’abeille ait baissé depuis les
restrictions d’usages, celle de l’imidaclopride n’a jamais été aussi forte qu’à l’heure actuelle.
La suspension des autorisations des usages de l’imidaclopride s’imposerait, de la même
manière qu’au printemps 2004, celle du Gaucho sur semence de maïs (au nom du principe de
précaution au titre de la préservation des abeilles).
Nous sommes particulièrement inquiets de constater que plutôt que de suspendre les insecticides
TS, il soit question de les conforter. C’est ce qu’indiquent les décisions récentes de la Commission
d’inscrire sur la liste positive communautaire :
- la clothianidine (dir. 2006/41/CE, transcrite en droit français par l’arrêté du 28.02.2007)
- le thiamethoxam (dir. 2007/6/CE du 14.02.2007, supposée transcrite avant le 31.07.2007)
(clothianidine et thiamethoxam sont comme l’imidaclopride des insecticides TS, appartenant à la
même famille des néonicotinoïdes)
- le fipronil (dir. 2007/52/CE du 16.08.2007)
2
: - En 1998, dernière année d’autorisation sur tournesol, nous estimons que Gaucho (hors betteraves) ait concerné
340.000 ha de maïs ( = 12 % de la sole maïs-grain, 8% de la sole maïs-fourrage) et nous savons qu’il concernait 410.000
ha de tournesol (communication Bayer), soit au total : 750.000 ha de Gaucho
A partir de 1999, avec l’arrêt des autorisations de vente du lindane, nous assistons à la progression des ventes de Gaucho/
maïs, atteignant en 2004, dernière année d’utilisation sur maïs, 30% de la sole maïs-grain (chiffre AGPM) et admettons
16% de la sole maïs-fourrage, soit au total, moins de 700.000 ha (hors betteraves), donc < 1998.
- D’autre part, supposons qu’en 1998 "Gaucho Blé" et "Gaucho Orge", aient couvert globalement 10% de la sole
céréales à paille, soit environ : 700.000 ha.
A partir de 1999, le développement des semences certifiées et des contrats de filières / l’accès des trieurs à façon au Férial
Blé et Férial Orge pour traiter les semences fermières / une politique de marketing agressive des semenciers (car forte
incitation financière de la part de BayerCS ! ), sont autant de raisons pour voir les TS / céréales à paille se développer de
façon importante et sans discontinuer. Des enquêtes locales semblent indiquer que 40% des pailles seraient désormais
traitées, soit depuis 1998 une augmentation des surfaces Gaucho/ Férial (Blé + Orge) de plus de 2.000.000 ha,
compensant largement "la perte" des 750.000 ha (réf.’98) de Gaucho/ maïs+tournesol. A notre connaissance, les
divers autres usages de l’imidaclopride n’ont entre temps, pas fléchi. L’envolée des prix des céréales à paille, devrait inciter
les céréaliculteurs à semer encore plus de TS imidaclopride.
3
: l’Afssa / Sophia-Antipolis indique que les 81 échantillons de pelotes de pollen récoltées entre octobre 2002 et octobre
2003, par des colonies d’abeilles à travers la France, sont principalement contaminés par l’imidaclopride pour 49%
d’entre eux (par l’imidaclopride et/ou 1 métabolite recherché, pour : 69%) et par le fipronil pour 12% (et/ou 2
métabolites : 20%), loin devant quelques 40 autres contaminants recherchés. Les niveaux très bas de la détection
analytique de ces 2 molécules ( 0,3 ppb ), sont "toxicologiquement significatifs"eu égard de l’abeille. Dans la mesure où
cette contamination n’était pas plus fréquemment associée aux pollens issus de plantes cultivées qu’à ceux de plantes
spontanées, on conclut à la contamination généralisée de l’ensemble de la végétation.
4
: Rapport final (sept. ‘03), « Imidaclopride utilisé en enrobage de semences (Gaucho®) et troubles des abeilles », par le
CST = Comité Scientifique et Technique de l’Etude Multifactorielle Prospective des Troubles des Abeilles.
Le CST conclut que l'année suivant un traitement, les teneurs en "imidaclopride résiduel" dans les sols ne sont en
moyenne réduits que de moitié.
3
Par ces décisions et en contradiction avec les avis scientifiques français, la Commission a
implicitement acté que les risques pour la colonie d’abeilles exposée à ces insecticides TS
sont acceptables. Cependant, il faut s’interroger sur la pertinence et la suffisance des moyens
permettant d’évaluer ces risques :
- sur les dossiers clothianidine et thiaméthoxame, l’évaluation des risques pour les abeilles aurait
été fondée sur l’approche dite du « quotient de risque ». Référencé par la directive 91/ 414/ CE,
ce schéma est proposé pour des produits à pulvériser, et n’est pas adaptée aux nouvelles
matières actives systémiques, qui se destinent au TS.
Ces dernières années, différents auteurs soulignent ces lacunes et proposent un schéma basé
sur le « calcul du TER » (Toxicity – Exposure Ratio) 5.
-
quant au dossier fipronil (finalisé par l’AESA contrairement aux deux précédents) : s’il a certes
adopté succinctement le schéma TER pour évaluer les risques abeilles, force est de constater
qu’il est notoirement insuffisant, dans la mesure où il ignore à la fois des voies importantes de
l’exposition de l’abeille au fipronil, ainsi que des vastes domaines de sa toxicité 6
En dédouanant les insecticides TS de toute incidence sur l’abeille, la Commission suscite les
commentaires les plus péremptoires, et d’ailleurs souvent peu pertinents. On entend expliquer que le
"mal des abeilles" fait suite : à des pratiques apicoles stressantes pour la colonie ou à
l’appauvrissement des ressources alimentaires, sinon voire aux changements climatiques, à
certaines fréquences éléctromagnétiques et/ou à l’usage de souches génétiques peu adaptées.
Plus sérieusement, il faut entendre ceux qui parlent de nouveaux problèmes sanitaires, mais refuser
à ce propos la cacophonie ambiante qui s’est instaurée depuis que des chercheurs américains,
français, espagnols, belges, etc. se sont mis à promouvoir leurs respectifs
candidats "agent pathogène", qui sont désormais une dizaine à "concourir".
Pour certains de ces agents, les symptômes de la maladie associée – supposée - ne sont même pas
connus. Quant à savoir les conditions dans lesquelles le porteur sain d’un agent pathogène donné,
développera la maladie, la littérature scientifique nous rappelle que les pesticides peuvent
constituer un facteur favorisant l’expression de la maladie.
A vouloir dédouaner les insecticides TS, certains n’hésitent pas à nous envoyer sur des voies
sans issue, hypothéquant dangereusement l’avenir de l’apiculture.
En tronquant l’évaluation des risques de l’abeille, c’est toute l’entomofaune pollinisatrice qui
est susceptible d’encourir des risques inacceptables, étant entendu que l’abeille est censée
les représenter dans l’analyse globale des risques.
C’est pourquoi nous insistons afin que la Directive 91/ 414/ CE adopte rapidement les outils
indispensables à la vraie évaluation des risques pour l’abeille, des insecticides TS.
5
: M.P. Halm et al. “New Risk Assessment Approach for Systemic Insecticides : The Case of Honey Bees and
Imidacloprid (Gaucho)”. Environmental Science & Technology / Vol. 40, N°. 7, 2006
Mais aussi : A. Alix et Chr. Vergnet (Afssa / DIVE) : ”Risk assessment to honey bees: a scheme developed in France
for non-sprayed systemic compounds”. Pest Management Science (acceptée juin 2007)
6
: - S’agissant de l’exposition , l’impasse est totale sur :
• le problème des "nuages de poussières toxiques " , pourtant dûment documenté et expertisé en France et en
Italie, entre 2000 et 2004. Voir notamment : les travaux { DGAl + SRQPV de Midi-Pyrénées + BASF } en 2003,
qui mettent en évidence le phénomène des "poussières de semis TS ", générées par les semoirs
pneumatiques, et à l’origine de l’intoxication de dizaines à quelques milliers de ruches, selon le cas. Mais aussi :
le largage de nuages toxiques par des usines de traitement des semences.
• diverses études de résidus menées en France depuis 2002, par Afssa et CNRS-Orléans, dont certaines ont été
publiées dans des magazines internationaux, donnent des résultats d’analyses de résidus dans diverses
matrices, de loin supérieurs à ceux retenus par le rapport de l’EFSA !
- S’agissant des effets toxiques, les experts de l’OEPP (via l’ICPBR) ont grand tort de continuer depuis 20 ans à
défendre que le test en milieu confiné (cage ou tunnel) suffit à couvrir le domaine des effets sublétaux ainsi que celui des
effets d’infimes doses répétées dans le temps.
4
Mais aussi en dehors des abeilles …
Les effets néfastes des insecticides TS sur nos abeilles ne sont pas un fait isolé, mais au contraire
participent d’un ensemble de vices divers, conséquences directes des exigences en termes de
toxicité et de persistance auxquelles doivent répondre les insecticides TS.
-
Ces matières actives sont recensées comme étant les plus éco-toxiques qui aient été mises
sur le marché jusqu’à maintenant, et s’agissant plus particulièrement du fipronil, parmi les
plus toxiques qui soient pour l’homme (DJA = 0,2µg/ kg p.c./ jour).
-
En dépit de profils toxiques extrêmes, elles sont autorisées au prétexte que leur enfouis-sement
dans le sol, en limite les nuisances collatérales. Cependant, leur persistance dans les sols
n’est pas conforme aux exigences communautaires qui en fixant la demi-vie DT50 à 90
jours, répondent au souci de ne pas voir subsister d’une année sur l’autre des reliquats notoires
et ce, afin d’éviter une intolérable accumulation 7.
En plus d’impliquer la contamination des cultures subséquentes et ainsi l’intoxication de leur faune
utile (cf. plus haut), la persistance hors-norme dans les sols conjuguée à l’impact écotoxique
extrême, posent le problème de la préservation d’éco-systèmes spécifiques du sol.
Mais au-delà du "compartiment sol", la contamination par les insecticides TS touche également le
"compartiment air" et le " compartiment eau" de l’environnement, ce dont témoignent :
des pollutions atmosphériques, à l’exemple de celles révélées par une étude dans le cadre de
réseaux "surveillance qualité air" (d’ailleurs la seule à avoir dosé le fipronil :juin-août 2005 par
ORAMIP, environs de Montauban). Mais aussi les "poussières toxiques" , larguées par des
semoirs pneumatiques et les usines de traitement de semences, ou générées par le travail
mécanique des sols contaminés ou des débris de cultures traitées
des pollutions des eaux de surface consécutives au lessivage des sols pollués, mais aussi via
leur recharge avec des eaux souterraines polluées.
D’autre part il semblerait que, malgré leur forte capacité d’adsorption aux particules du sol, les
néonicotinoïdes soient suffisamment solubles dans l’eau, pour être entraînés vers les eaux
souterraines. Ainsi des relevés sur des périodes de 3-5 ans au Québec et aux USA,
démontrent une contamination par l’imidaclopride de nappes phréatiques peu profondes à
hauteur de quelques µg/ L, incompatible avec la norme communautaire de potabilité fixée à 0,1
µg/ L.
Le thiaméthoxam, 10 fois plus soluble dans l’eau que l’imidaclopride, doit a fortiori être
suspectée de contaminer certaines nappes phréatiques, au-delà de l’acceptable
Bien qu’il s’agisse des insecticides des plus (éco)toxiques et des plus persistants qui soient,
de surcroît les plus usités à l’échelle du monde, il est pour le moins surprenant que ces
insecticides TS ne sont que très exceptionnellement recherchés à l’occasion de monitorings
environnementaux.
C’est au hasard de quelque rare rapport d’évaluation, d’étude scientifique et d’expertise,
publiés à travers le monde, qu’on mesure l’ampleur de la contamination de l’environnement
par ces insecticides TS et de ses conséquences sur la faune non-cible 8.
7
: Sous l’angle de la persistance dans les sols, le pire des néonicotinoïdes actuellement sur le marché, semble être la
clothianidine. Selon les données de BayerCS, son propriétaire, les demi-vies de la clothianidine sont de l’ordre de 12
mois dans le Wisconsin et l’Ohio, et dépassent 3 ans dans les conditions continentales du Dakota du Nord, voire
plus encore dans les plaines canadiennes. Nous sommes loin des 3 mois imposés par la directive communautaire.
Quant au fipronil, si sa DT50 moyenne semble se maintenir sous la barre des 90 jours, celle de certains de ses
métabolites, qui sous l’angle de leur (éco-)toxicité sont très significatifs, la dépasse allègrement et induisent une
accumulation dans les sols. Voir le rapport de synthèse de : EFSA, Scientific Report (2006) 65, 1-110 : "Conclusion on the
peer review of fipronil " (version finale du 12 avril 2006)
8
: En n’oubliant pas que les biotopes concernés sont particuliers et que la faune est spécifique et peu diversifiée, il est
pour le moins intéressant de voir l’impact pour la faune, de l’épandage de 3,2 à 4,0 grammes de fipronil par hectare, à
l’occasion de la lutte anti-acridienne dans les pays du Sahel.
5
De la même manière, on peut s’étonner que leurs résidus dans les aliments ne soient pas
systématiquement surveillés. Pour peu qu’on veuille les rechercher, les néonicotinoïdes
s’avèrent être des contaminants récurrents et parfois même en dépassement de leur LMR,
notamment dans les fruits et légumes 9.
Cette indulgence envers les insecticides TS, nous la retrouvons aussi lorsque, in fine, la
Commission négocia avec le CPCASA les conditions de l’inclusion du fipronil sur liste
communautaire : pourtant la Commission avait défendu en début de la phase décision-naire
sa non-inclusion, convaincue par l’AESA et son rapport de l’évaluation des risques, que le
fipronil non seulement ne remplissait pas certaines exigences fondamentales, mais aussi
présentait plusieurs zones d’ombre que 4 années d’évaluation n’avaient toujours pas réussi à
dissiper !
Dans la fameuse "balance bénéfices-risques" censée guider les décideurs, les risques
connus et méconnus du fipronil ont donc dû céder le pas aux bénéfices, qui
malheureusement demeurent toujours inexpliqués et donc inconnus de l’ensemble des
citoyens.
Nous savons que pour lesindustriels, les bénéfices s’entendent ainsi :
a. les insecticides TS seraient indispensables à la maîtrise des ravageurs devenus résistants à
d’anciennes familles d’insecticides (doryphores, pucerons, aleurodes) et à celle des ravageurs
émergents particulièrement coriaces (la chrysomèle du maïs).
b. la technique TS serait respectueuse de l’environnement et de l’homme, étant entendu que le
produit est appliqué sur la semence, qu’ensuite le semoir dépose en terre.Assimilée à un
traitement localisé avec des insecticides spécifiques, elle se satisferait de doses par ha,
minimales. En outre, elle se passe du pulvérisateur, réputé ternir l’image de marque de
l’agriculture.
Cependant :
a. le recours principal et de plus en plus exclusif, à des insecticides systémiques
persistants, invite à sélectionner des souches de ravageurs résistantes.
Le retrait dans le cadre de "l’homologation européenne" de nombreuses anciennes molé-cules
insecticides, mène à une consommation accrue d’insecticides TS. De moindres sensibilités,
voire des résistances, sont d’ores et déjà signalées à travers le monde. Qui plus est, entre
néonicotinoïdes, les résistances croisées semblent devoir être la règle.
Pour le compte de la FAO, R. Peveling (Université de Bâle) a suivi pendant 6 mois l’évolution des différentes populations.
L’auteur de l’étude conclut notamment :
- Les populations d’insectes ont été fortement réduites : réduction moyenne par espèce de l’ordre de 70% , avec un
impact moindre pour les araignées (réduction de 60%, le fipronil étant pourtant réputé peu toxique pour elles) ; par contre
réduction jusqu’à 85% pour les colonies de termites (aucun rétablissement après 24 semaines)
- Parallèlement, les populations de 2 mammifères et de 2 reptiles, parce qu’insectivores ou très dépendantes pour leur
nourriture des termites, se sont effondrées dramatiquement en l’espace de quelques semaines.
A partir de ces conclusions, la FAO n’a plus jamais utilisé le fipronil dans ses programmes de lutte anti-acridienne.
Sachant qu’un semis Régent TS génère une quantité de poussières de l’ordre du gramme de fipronil par hectare, il est
donc improbable qu’une pareille dissémination ne soit sans conséquence sur la faune non-cible.
9
: Dans le cadre de plans de surveillance sur fruits et légumes, la DGCCRF a privilégié en 2004, la recherche de 95
molécules (la moitié des échantillons), aucune d’entre elles n’appartenant à la famille des néonicotinoïdes. Pourtant, dans
plusieurs Länder allemands, les résultats des plans de surveillance portant sur les poivrons et recherchant plus de 60
molécules, dont les néonicotinoïdes, démontrent la prédominance des derniers :
imidaclopride (1èrepl, 68% des échantillons) ; acetamipride (2ièmepl, 55%) ; clothianidine (6ièmepl, 24%) ;
thiaméthoxame (11ièmepl, 16%). De surcroît, ceux-ci dépassent régulièrement les LMR.
6
La menace que représente la chrysomèle du maïs, détectée pour la première fois en 2002 (Ile
de France, Alsace), semble maîtrisée, en traitant les quelques foyers et champs de maïs
environnants avec des pyréthrinoïdes de synthèse et en obligeant à des mesures de
prophylaxie, dont la plus efficace est … la rotation des cultures en zone suspecte !
Nonobstant, nombreux sont les responsables syndicaux et technico-économiques des filières
végétales qui continuent d’exiger l’autorisation du Poncho (TS à base de la clothianidine), au
motif qu’il constituerait l’unique molécule pour combattre la chrysomèle.
Plus généralement, dans le dit contexte de retrait des anciennes molécules, ces mêmes
personnes exigent aussi le retour des Gaucho et Régent TS sur le maïs, arguant que leur
suspension coûte très cher aux maïsiculteurs et à la nation. Mais ne faut-il pas interroger sur la
pertinence de leurs revendications, sachant que le rendement moyen en maïs-grain, des 3
années sans Gaucho et Régent TS (2005 à 2007, avec 2 années de sécheresse) est
supérieur à celui des 3 années antérieures avec TS (dont un été caniculaire : 2003) : 89
contre 85 qx par ha, avec un record historique de 95 qx en cette année 2007, 3ième année
de suspension.
b. la technique TS inclut toujours jusqu’ici une fuite plus ou moins importante des poussières
insuffisamment adhérentes à la semence, lors des opérations de semis avec des semoirs
pneumatiques (voir les expertises en France et en Italie).Ces poussières de semis posent le
problème de la sécurité des applicateurs et des riverains des chantiers de semis.
Si les doses d’insecticides TS par hectare sont - toutes molécules confondues - dans la bonne
moyenne, 10 force est de constater, à la lumière des propos ci-dessus, que les applications des
insecticides TS sont à l’origine d’une contamination générale et durable des différents
compartiments de l’environnement, par des matières actives insecticides très peu sélectives de
l’espèce : la technique TS n’est pas respectueuse de l’homme et de l’environnement.
Et ces dernières raisons qui font que toute autorisation d’un insecticide TS devrait être considérée
comme « politiquement peu correcte » :
10
-
La technique TS est l’antithèse de la protection des plantes contre les ravageurs dans le
cadre de l’agriculture raisonnée.
Elle correspond à un traitement à dose unique, réalisé à un moment où on ignore le plus
souvent quelles espèces de ravageurs se manifesteront et à quel niveau d’infestation. Elle est
donc incompatible avec la démarche de l’agriculture raisonnée qui suppose qu’en matière
d’intervention phytopharmaceutique, on ne traite que quand il faut, à la dose qui réponde au
degré d’infestation et en dehors de la présence de la faune non cible. .
-
Autoriser le fipronil équivaut à un retour aux organochlorés, molécules parmi les plus
toxiques.
En 1997, la France a retiré du marché la dernière molécule organochlorée, le lindane, pour
cause de toxicité conjuguée à une persistance hors-pair.
Le fipronil est à bien des égards, très proche des organochlorés : très toxique en ciblant les
mêmes sites neurologiques, liposoluble, persistant avec une tendance certaine d’accumuler
dans les sols et les eaux !
Entre 1998 et 2004, les usages strictement agricoles du fipronil ont pesé 40.900 kg par an
(données Affsa, Afsset).
On calcule que ces épandages, ramenées par français et par jour, correspondent à 185
fois la dose journalière admissible (DJA d’un homme de 50 kg), chiffre pour le moins
effrayant, d’autant plus que le fipronil est particulièrement persistant.
: Selon la culture, Gaucho apporte une dose d’imidaclopride entre 50 et 100 grammes par ha ; sur maïs, Régent TS
apporte 60 grammes de fipronil par ha.
Contre la plupart des ravageurs sur toutes grandes cultures, les traitements avec pyréthrinoïdes de synthèse impliquent
l’épandage de 6 à 12 grammes de matière active par hectare, en moyenne.
7
-
à l’issue du Grenelle de l’environnement, M.Sarkozy a notamment souligné la nécessité de
développer une agriculture de haute qualité environnementale, ce qui impliquerait aussi de
remettre en question toute la pratique phytosanitaire.
Ni les néonicotonoïdes (à l’exemple de l’imidaclopride), ni les phényl-pyrazoles (à
l’exemple du fipronil), en tant que contaminants récurrents des compartiments sol et eau
de l’environnement, et contaminants principaux des végétaux, ne pourraient jamais
prétendre au titre de l’excellence environnementale.
Le 15 novembre dernier, M. M.Barnier a installé le "comité d’orientation du plan de réduction de
l’usage des pesticides", lui demandant de faire des propositions d’un plan qui se déclinerait selon
deux axes forts :
- réduction de 50% de l’usage des pesticides dans un délai de 10 ans, en veillant à ce que les
agriculteurs ne soient jamais laissés sans solutions de substitution.
- la suppression des 53 molécules les plus dangereuses
Pour les abeilles et la faune non-cible dont le constat d’un déclin certain est unanime ;
pour un environnement si malmené à qui il serait sage de ne pas faire subir de nouvelles pollutions ;
pour les agriculteurs qui n’ont pas besoin d’être trop souvent - à tort ou à raison ou malgré euxstigmatisés comme des pollueurs ;
pour les apiculteurs français, qui auraient préféré ne pas avoir à endosser ce rôle de lanceurs
d’alerte ;
pour les citoyens français qui ont droit à un milieu de vie plus propre et plus vivant, il n’y a pas
d’autre choix que d’ajouter l’imidaclopride à la liste des 53 molécules les plus dangereuses à
supprimer, comme il ne faut hésiter à refuser les autres insecticides TS, en dépit de leur
« homologation européenne ».