1er tour L1 - Affaire Heufoulé c Diote
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1er tour L1 - Affaire Heufoulé c Diote
DANS LE CADRE DU CONCOURS NATIONAL DE PLAIDOIRIE DE LA CONFERENCE LYSIAS AVEC LE SOUTIEN DE NOS PARTENAIRES PRESENTE LE CONCOURS DE PLAIDOIRIE LYSIAS PARIS I * * * 1ER TOUR DU CONCOURS INTERNE LICENCE 1 4 FEVRIER 2012 * * * AFFAIRE: HEUFOULE C/ DIOTE La vodka des verres renversés sur les escaliers de marbre du luxueux hôtel particulier du 16e arrondissement de Paris collait à la semelle des Louboutins d’Amélie Diote, alors que, bien alcoolisée, elle cherchait son chemin vers le living, soucieuse de ne pas rater le décompte qui la séparait de 2011. Alors qu’elle atteignait, péniblement, son objectif, la foule commençait déjà à héler « Cinnnnq; quaaaatre »... Un sourire resplendissant, elle se joignit au hurlement général quand son regard croisa soudain deux yeux dont le bleu éclatait autant que celui du carré Hermès qu’elle portait autour du cou. « Boooonnee aannéeeeee !!! » Le pop des dizaines de bouteilles de champagne retentissait et Amélie se fraya un chemin vers ce regard qui l’avait tant envoûté. « Bonne année » dit-elle au bel inconnu, « bonne année » lui répondit-il en exhibant un sourire à en faire jalouser M. Freedent. L’année 2011 commença donc parfaitement pour Amélie Diote qui rencontra ainsi Pierre Heufoulé. Le coup de foudre fut immédiat pour les deux jeunes qui très vite, ne jurèrent que par eux. Des verres au Scossa ils passèrent vite aux dîners dans les plus beaux restaurants de la capitale. Lui, étudiant dans une célèbre école de commerce dont l’intitulé aux trois lettres fait vibrer le coeur de plus d’un adolescent boutonneux; elle, brillante étudiante en droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Tous deux se retrouvèrent dans leur amour pour le foie gras, les Vogue, les soirées dans l’antre du pont Alexandre III, et leurs escapades à La Baule. Les familles respectives d’Amélie et de Pierre, étaient comblées de voir que leurs progénitures avaient su trouver une âme-soeur de leur rang et de leur notoriété. La famille Heufoulé était détentrice d’une chaîne de boutiques où les chaussettes se vendent pour un prix à trois chiffres, tandis que la famille Diote vivait depuis des générations sur la fortune laissée par un vieil oncle qui avait eu la bonne idée d’inventer on ne sait plus quel composant électronique. Face à l’amour fou des tourtereaux, une rumeur de mariage commençait à se propager dans les salons du tout-Paris, « Mais qu’attend Pierre? » murmurait-on. Si Pierre voulait plus que tout épouser Amélie, il voulait surtout que sa demande soit spéciale, au delà de toutes les attentes que l’on avait de lui. Aussi, il décida de s’éloigner de la fortune familiale, pour acheter, de ses deniers, la bague qui l’unirait à jamais à sa princesse. Quittant Jouy-en-Josas plus tôt chaque jour, il avait accepté un petit boulot en tant que serveur dans un lieu où il ne pouvait plus vraiment « venir comme il est ». Rentrant tard le soir, les odeurs de friture ne pouvant se défaire des vieux polos Lacoste qu’il avait ressortis pour l’occasion, il réalisa vite que l’argent amassé ne suffirait pas. Il s’engagea donc en tant que voiturier dans la célèbre boite de nuit « le VIP », tous les samedis soirs, et devint ainsi l’objet de toutes les railleries et de toutes les admirations à la fois. Le nouveau rythme de vie de Pierre l’épuisait, le garçon avait perdu du poids et ne dormait plus que quatre heures par nuit. Après plusieurs mois de dur labeur, il poussa enfin la porte de chez Tiffany pour fièrement se munir du bijou tant désiré. Profitant d’un dîner chez Maxim’s avec sa belle, son costume Hugo Boss effleura le sol et il fit sa demande à celle qui depuis presque un an, faisait battre son coeur. Le bonheur des tourtereaux était alors incommensurable. Leur amour serait scellé à jamais dans les liens sacrés du mariage. Amélie commença sitôt les préparatifs, cherchant ça et là de quoi rendre la fête encore plus exceptionnelle ! Accompagnée de son grand frère, confident et ami de toujours, elle arpentait la rue du faubourg Saint-Honoré avec une légèreté qu’elle n‘aurait jamais osé imaginer. Arborant fièrement la pierre de son Pierre, elle répétait inlassablement à son frère « Tu sais Steevy, Pierre est vraiment l’amour de ma vie ! » M. et Mme Diote décidèrent de recevoir comme il se devait la future bellefamille de leur fille adorée, et organisèrent ainsi un week-end dans leur résidence à Clairis pour que les familles prennent le temps de se connaître. Un dîner fabuleux se déroule alors, les rires enchantent le décor tandis que l’on vante déjà les yeux des petits-enfants à venir, le courage de Pierre et la légèreté d’Amélie. Le vin coule à flot, et alors que la nuit est déjà bien avancée, Amélie décide de se retirer dans sa chambre, désireuse d’enfiler la lingerie Darjeeling prévue pour l’occasion, et de surprendre son bien-aimé en l’attendant dans les draps de soie. De son côté Pierre partage encore un dernier verre avec son futur beau-père, fumant cigare et parlant affaires. Quand il se décide enfin à rejoindre sa promise, l’enivrement est à son comble. Sa vision, d’ordinaire excellente, est alors dédoublée. L’escalier menant au premier étage se présente à lui comme un des douze travaux d’Hercule. Parvenu au sommet, Pierre s’agrippe aux moulures murales pour éviter sa chute et progresse péniblement dans ce couloir devenu si trouble. Dans son avancée, sa paume rencontre alors une poignée. Fier d’être enfin arrivé, pectoraux en avant, la mèche ajustée et l’oeil séducteur, Pierre pousse virilement la porte... « Tu cherches quelque chose? ». Steevy Diote, 1m85 pour 70 kilos de muscles, une chevelure d’or et les yeux de sa soeur, se tient debout devant son lit, vêtu d’une seule serviette d’usage, le corps encore humide d’une douche ayant répandu l’odeur de pêche latente et la chaleur enveloppant la pièce. Pierre, sans voix, croise le regard de Steevy, entre dans la chambre et referme la porte derrière lui. Amélie, qui commençait à avoir froid dans sa dentelle, enfile pantoufles et robe de chambre pour partir à la recherche de celui qui commençait à se faire un peu trop attendre. Le salon étant déserté, la cour étant éteinte, l’inquiétude la gagne. Elle se dirige ainsi vers la chambre de son frère, ouvre la porte en demandant « Steevy tu n’aurais pas vu ... » Coupée dans son élan, Amélie découvre la scène qui marquera à jamais son esprit. Son fiancé tant aimé, au lit avec son frère adoré, dans une position qu’il n’est pas acceptable d’évoquer ici... La porte se claque, Amélie se rue vers l’extérieur - suivi par Steevy, nu, hurlant que ce n’est pas ce qu’elle croit - et grimpe dans sa fiat 500 qu’elle démarre, et regagne Paris, tout en dentelle et chaussons. Depuis cette découverte, Amélie ne parle plus à personne. Enfouie sous sa couette, dans le noir depuis des mois, elle essaye de noyer sa peine dans le vin et le Nutella. « Trahie », murmure-t-elle parfois. Face à ses absences répétées, la faculté lui a fait savoir son renvoi. Les parents d’Amélie essayent tant bien que mal de la soutenir, ne sachant trop comment s’y prendre tandis que Steevy, qu’Amélie ne considère plus comme son frère, passe ses nuits chez Pierre, son nouveau petit ami... Amélie se réconforte en serrant fort la bague offerte par celui qui un jour n’avait d’yeux que pour elle. Ce souvenir d’amour intense est sa seule bouffée d’oxygène. Aussi, a-t-elle fait comprendre à son père qu’elle ne rendrait jamais la bague. Désireux de récupérer ce bijou, Pierre Heufoulé assigne Amélie Diote devant les juridictions civiles. Amélie, quant à elle, compte bien sur ce procès pour obtenir réparation du préjudice né de cette rupture qu’elle désigne comme brutale. Par une plaidoirie aussi éloquente que juridiquement fondée, vous défendrez, en tant que demandeur, les intérêts de Monsieur Pierre Heufoulé, et en tant que défendeur, les intérêts de Mademoiselle Amélie Diote.