Égalité entre femmes et hommes dans la prise de décisions

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Égalité entre femmes et hommes dans la prise de décisions
Égalité entre femmes et hommes dans la prise de décisions politiques et
économiques, la situation en Andorre en 2015.
Aujourd’hui j’ai l’honneur et le plaisir d’être la porte-parole de l’Association de femmes
d’Andorre à cette conférence des petits États d’Europe. Notre association fut créée en
1994 et continue d’être l’une des associations avec le plus de membres en Andorre
(nous avons 300 adhérents à l’association). Nous sommes la seule association qui
défende les droits des femmes en territoire andorran et sommes fières du rôle et de la
reconnaissance que nous avons dans la société.
Je souhaiterais tout d’abord remercier les autorités Luxembourgeoises pour leur
merveilleux accueil, et pour nous permettre de nous retrouver une fois de plus entre
petits États d’Europe avec qui nous partageons beaucoup de similitudes. Pour nous,
c’est une occasion de pouvoir expliquer la situation de notre pays concernant le
chemin vers l’égalité entre femmes et hommes dans la prise de décisions politiques et
économiques, mais surtout, d’apprendre et de comparer les expériences de vos pays
respectifs. Il est important pour nous de porter au devant de l’agenda politique et social
cette question où notre pays a encore beaucoup d’efforts à fournir.
L’Andorre est un pays de 77.000 habitants et 8 millions de touristes par an, qui a
beaucoup évolué depuis son grand essor économique le siècle dernier, et après la
promulgation de la Constitution en 1993. La position de la femme dans cette société a
bien évolué depuis l’économie de montagne du début du siècle dernier basée sur
l’agriculture, à la société de services que nous sommes devenus aujourd’hui, mais
malgré de grands progrès, les hommes tiennent encore les rênes de la vie politique et
économique. C’est cela que nous essaierons de développer dans notre rapport en
présentant d’abord la situation de départ dans laquelle nous nous trouvons et les
textes et lois relatifs à l’accès et à l’égalité des femmes dans le processus de prise de
décision. Ensuite, nous vous donnerons une analyse de la question de l’égalité des
sexes dans la vie politique andorrane. Le secteur économique est également très
important dans cette réflexion, comme vous le proposez, et nous essaierons de vous
donner une idée de notre situation, malgré un manque de données pour l’analyse.
Enfin, en conclusion, nous proposerons des mesures et des actions possibles pour
améliorer la situation de l’accès des femmes dans les cellules de prise de décision
politiques et économiques.
1. Situation de départ et mesures politiques pour garantir l’égalité entre
femmes et hommes dans la de prise des décisions économiques et
politiques
La situation de départ du rôle de la femme dans le processus de prise de décisions
dans l’économie et la politique n’est pas satisfaisante. Tout d’abord, comme nous
l’expliquerons, il nous manque des données et des chiffres pour faire une analyse
correcte, mais une observation moins scientifique, prouve que beaucoup d’efforts sont
à faire, aussi bien dans le secteur public que dans le privé. En effet, il n’existe pas de
loi sur cette question, qui pourrait aider les femmes à briser le plafond de verre qui les
limite dans l’accès aux postes de responsabilité.
Au niveau des textes de loi sur l’égalité des hommes et des femmes, c’est la
Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes, adoptée par l’Andorre en février 1997, et ses protocoles, qui fixe
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les
domaines de la vie économique et sociale. Toutefois, ces préceptes s’appliquent
surtout dans l’accès des femmes à la vie économique, mais moins à l’égalité dans
lesprocessus de prise des décisions.
L’autre texte de référence qui veille sur l’application des principes constitutionnels
d’égalité et de non discrimination en Andorre est la Loi sur le Code des relations
professionnelles de décembre 2008. En effet cette loi couvre le respect de l’égalité et
l’absence de discrimination dans le travail, l’accès au travail de manière égalitaire et
veille à respecter un équilibre dans la prise de décisions..
2. La situation dans le secteur public et la politique
En tant qu’Association de Femmes, nous sommes plutôt satisfaites de la
représentation féminine dans la vie politique. Depuis que la première femme a siégé au
Parlement en 1984, c’est en 2011 que le Parlement a été parfaitement paritaire, et
même avec une majorité de femmes à l’issue des élections (15 femmes sur 28
parlementaires). Ce résultat est très marquant car il est laconséquence d’un
mouvement d’affirmation fort des femmes dans la vie politique, sans avoir eu recours
à des systèmes de quotas ni de lois de parité ou autres mesures
gouvernementales.Nous souhaiterions noter cependant que cette situation ne s’est pas
répétéelors des dernières élections. Les listes politiques comptaient néanmoins 50%
de femmes, mais cette parité n’a pas été respectée au niveau des places éligibles.
De grands pas ont donc été faits par la société andorrane pour arriver à une parité
dans le Parlement, même si aujourd’hui, nous n’avons que 39% de femmes députées.
Depuis l’éligibilité des femmes en Andorre au début des années 1970, seule une
femme s’est présentée aux élections en tant que candidate à Chef de Gouvernement,
mais n’a pas été élue. Les partis majoritaires n’ont toujours pas présenté une femme
en tête de liste. Pour les chefs d’État, les Coprinces, c’est une décision à laquelle les
Andorrans n’ont pas de pouvoir puisque l’un est le président de la République
Française, et si un jour une femme était élue, ceci ne dépendrait que des Français. Le
deuxième Coprince est l’évêque de la Seu d’Urgell, et là nous aurons beaucoup moins
de chances d’y voir une femme dans un futur proche...
Concernant la place des femmes dans la composition de l’exécutif, nous sommes
malheureusement moins satisfaites àl’issue de ces mêmes élections de 2015. Seules 3
femmes sont représentées au Conseil des Ministres sur 12, y compris le Chef du
Gouvernement, soit 25% uniquement. Les Ministres sont choisis par le Chef du
Gouvernement directement, élus ou pas, parmi tous les citoyens andorrans majeurs, et
la population andorrane se conforme par une proportion presque équivalente de
femmes et d’hommes.
Au niveau des Directeurs du Gouvernement et des sociétés publiques andorranes, un
effort est encore à faire pour réussir une égalité dans la prise de décisions au niveau
politique. Nous n’avons pas eu accès aux informations concernant le nombre de
directeurs de département par sexe, mais avec les informations que nous avons, nous
pouvons affirmer que la parité n’est pas encore respectée.En revanche, nous voulons
faire une mention spéciale à l’administration de la justice d’Andorre qui est composée
d’un grand nombre de femmes dans les postes de juge ou de procureur.
Les mairies, que nous appelons les « comuns », comptent aussi des personnes élues,
et nous pouvons avancer de bonnes nouvelles puisque 2 parmi les 7 mairies affichent
une parité parfaite des élus Par contre, seules deux maires sur 7, et un maire adjoint
sur 7, sont des femmes. Globalement, le nombre de femmes est de 38% parmi les élus
locaux.
Cette situation d’inégalité est bien plus dommageable d’autant que les taux d’éducation
des filles sont équivalents à ceux des garçons, etavec un taux supérieur d’inscription
de filles en université que les garçons. Le taux d’emploi des femmes est très fort,
s’élevant à 72% contre 77% pour les hommes (chiffres 2005, source : Rapport
CEDAW/C/AND 2-3 du Gouvernement d’Andorre).
Avec ces chiffres, il est certain que s’il y a moins de femmes que d’hommes, ce n’est
pas dû au fait qu’elles aient moins de formation ni qu’elles ne soient pas dans le
marché du travail. Le problème réside dans l’accès réel de ces femmes aux postes de
responsabilité.
3. La situation dans le secteur privé
Dans le secteur privé, l’absence de données ne nous permet pas de dresser une
bonne analyse de la situation, mais nous pouvons toutefois avancer nos hypothèses.
Même si nous provenons d’une culture traditionnelle de montagne, la fille n’était pas
exclue de la transmission patrimoniale des familles, et certaines lignées ont été
dirigées par des femmes. Ces droits d’aînesse respectés pour les femmes, ont marqué
la société même si les droits politiques n’ont été acquis pour les femmes qu’en 1970 et
l’éligibilité en 1973. Les pleins droits économiquesn’ont été donnés aux femmes qu’en
1975. Avant cette date, les femmes Andorranes avaient besoin de l’autorisation du
mari pour avoir la possibilité d’être associées d’une société,de créer leur propre
entreprise ou même de disposer d’un compte bancaire.
Dans le secteur privé (ni d’ailleurs dans le public) il n’existe aucune disposition légale
concrète promouvant une parité de femmes et d’hommes dans les postes de décision,
nous parlons ici aussi bien des postes de direction générale, ou des sièges aux
Conseils d’Administration ou autres organes de décision politique des entreprises. La
Convention des Nations Unies et le Code des relations professionnelles pointent
toutefois vers cette direction. Nous souhaitons néanmoins une plus grande prise de
conscience dans notre pays.
Les seules données publiques du secteur privé en Andorre concernent le secteur
bancaire. Fin 2014, seules deux banques publient le nombre de femmes employées
par rapport aux effectifs totaux : 41% pour MoraBanc et 43% pour CrèditAndorrà, mais
le nombre de femmes dans les postes de direction est de 33% et 23% respectivement.
Pour les autres banques, ce taux de femmes dans des postes de haute direction est de
29% pour BancSabadell et 0% pour Andbank. Dans les Conseils d’Administration, au
CrèditAndorrà seules siègent 2 femmes sur un total de 6 administrateurs, soit 1/3.
Dans les autres établissements bancaires, aucune femme n’y siège. Il convient
également de noter que dans ce secteur, la différence salariale entre femmes et
hommes est de 42% ! La situation n’est donc pas satisfaisante, et pourtant le secteur
financier est l’un des plus engagés dans les programmes de responsabilité sociale.
Si nous élargissons l’analyse à tous les secteurs privés confondus, nous ne pouvons
que constater que la différence de salaires entre hommes et femmes est toujours en
faveur des hommes avec une différence proche de 26% (source : 2009 CASS). Cette
différence se creuse considérablement dans des secteurs comme la santé, médecins
vétérinaires et services sociaux avec une différence de 36%. Le secteur le plus
égalitaire mais encore loin de l’égalité des salaires, est le secteur public avec une
différence de salaires de 14% en faveur des hommes. Parmi les demandeurs
d’allocation au chômage, le nombre d’hommes est supérieur aux femmes, et cela
s’explique en partie par les emplois plus précaires chez les femmes, qui ne remplissent
pas les critères d’accès à ces aides.
Ces chiffres prouvent que les femmes sont moins bien payées que les hommes à
postes équivalents, soit que les hommes occupent des postes mieux payés avec plus
de responsabilités. Voire même, ces deux hypothèses peuvent coexister. Les deux
situations sont aussi inquiétantes pour nous puisqu’elles prouvent que l’égalité dans la
prise de décisions économiques est loin d’être réelle en Andorre. Nous dirions même
que le débat public n’a pas encorevraiment été enclenché, et là, notre association a un
rôle très important à jouer.
Nous voudrions souligner que des mesures ont toutefois été mises en place pour
arriver à cet objectif :
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Au niveau éducatif, l’accès à l’éducation des filles est bien réel, aussi bien aux
niveaux primaire, secondaire, qu’universitaire, avec des taux de réussite
équivalents ou meilleurs pour les filles.
La maternité est protégée, et les droits auxcongés de maternité peuvent être
partagés entre le père et la mère (la moitié du congé de maternité, 15 jours de
congés payés pour le père, demande de congé sans solde pour les deux
parents, et possibilité de prendre deux heures payées par jour pour alimenter le
nouveau-né pour l’un des deux parents). Ces mesures sont un pas préalable
pour avancer dans l’accès des femmes à des postes de responsabilité. Mais la
réalité de cette mesure est plutôt limitée car peu d’hommes on choisi cette
option.
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Le Gouvernement a également introduit un label pour les entreprises modèle
qui présentent un équilibre entre hommes et femmes dans les postes de
direction, d’égalité salariale et des conditions de travail, ainsi que l’utilisation de
publicité non sexiste par l’entreprise. Il s’agit d’un règlement de 2010 mais les
offres publiques d’aides pour les entreprises n’ont pas attiré de candidats et
aucune société n’a encore jamais eu le Prix Entreprise du Programme de
conciliation de la vie familiale et professionnelle.
Un Secrétariat d’État a été créé dans certains Gouvernements pour l’égalité
entre hommes et femmes, mais il n’a pas été repris dans la législature actuelle,
ce que nous regrettons.
4. Mesures à recommander pour réussir l’égalité
En guise de conclusion, nous voulons partager avec vous des mesures qui devraient
être prises par notre pays pour arriver à une bien meilleure situation pour tendre vers
l’égalité entre hommes et femmes dans les cellules de prise de décisions économiques
et politiques. En tant qu’Association, nous n’avons jamais été très favorables aux
quotas, car les femmes, comme les hommes, doivent arriver à ces postes sur la base
du mérite, mais nous écouterons avec attention les expériences des autres pays qui
ont implanté ce type de solutions, si c’est le cas.
Comme Association de Femmes, nous avons conscience du chemin qui reste à faire et
nous allons prendre une position plus ferme sur cette question d’égalité dorénavant, et
nous exigerons aux autorités andorranes une plus grande action dans ce sens, et
surtout des actions telles que :
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La création d’un observatoire pour compiler des données statistiques d’accès
public qui différencient sur le critère du sexe des informations telles que les
salaires, le nombre de directeurs dans le secteur public et privé, la création
d’entreprises, les administrateurs dans les conseils d’Administration, qui
aideront à connaître à tout moment la situation et prendre des mesures
concrètes.
la nomination d’un Secrétaire d’État à responsabilité transversale sur les
questions d’égalité homme/femme, moins lié aux aspects sociaux.
La promulgation d’une loi spécifique sur l’égalité d’accès des femmes dans les
processus de prise de décision politique et économique, après avoir élaboré
avec les agents de la société civile, privés et pouvoirs publics un Plan National
sur l’Égalité.
Nous espérons que cet exposé vous a donné une vision claire du travail qu’il reste à
faire en Andorre et restons à votre disposition pour répondre à vos questions lors des
tables rondes.
Merci beaucoup pour votre attention.

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