Armée de l`Air Française

Transcription

Armée de l`Air Française
GENEALOGIE ET HISTOIRE des FAMILLES
SOUVENIRS de GUERRE
ARMEE de l’AIR
Période Française de 1938 / 1940
MINISTERE de la GUERRE
Armée de l’Air
1ère Compagnie – Bataillon117
Boulevard Victor à PARIS
Engagé n° LM 407 le 28/10/1938
MULLER Raymond
Chronique familiale : MULLER Raymond
COPYWRITH – 2003 - DANYBURN
Livre 1 – Collection Privée Danyburn
1
EDITORIAL
A travers ces quelques lignes d’introduction, je voudrais remercier mon père,
passionné de l’armée de l’air, d’avoir pris autant de note durant son service
ème
ème
militaire au 117 bataillon de l’air à Paris en 1938, puis au 104 bataillon
de l’air au Bourget de 1939 à 1940. Je lui rends un hommage chaleureux pour
la qualité de son témoignage, puisé avec émotion dans la galerie de ses
souvenirs. Emotion d’un alsacien, qui fait la guerre aux allemands dans l’armée
de l’air française, puis après la défaite française de 1940 est démobilisée le 29
août 1940 et renvoyer dans son foyer. Jour sinistre que ce 25 août 1942, où le
Gauleiter Wagner, gouverneur régional de l'Alsace annexée au grand Reich,
décrète le service militaire obligatoire pour les Alsaciens. Incorporé de force le
21 octobre 1943 dans la Wehrmacht (l'armée régulière allemande). Il déserte de
la Wehrmacht le 16 décembre 1944, puis est réincorporé dans l’armée l’air
française à Versailles, le 25 janvier 1945.
Nous devons aujourd’hui, et c’est notre devoir à l’égard des générations à
venir, donner une part prépondérante à ces instants tragiques de notre passé,
non pas pour ressasser d’anciennes rancunes, mais bien au contraire, mesurer
la fragilité des bonnes relations de voisinage de tous les partenaires de cette
Europe de jadis et de celle de demain.
Première partie :
Origine et histoire de l’armée de l’air
page 3 à 8
Deuxième partie :
Engagé volontaire dans l’armée de l’air française
page 9 à 21
Puisse cette chronique, marquer en lettres d’or, le souvenir d’une page
particulièrement significative du jeune alsacien que fut mon père.
Merci Raymond, de faire revivre ces souvenirs qui de bouche en bouche au
travers des familles, crée ce souffle d’amitié et de souvenirs. La mémoire étant
le dernier des remparts contre l’oubli, voilà pourquoi je me suis pris de passion
pour te mettre en forme cette chronique de famille.
Daniel Muller
2
C'est en 1909, que l'on note la première manifestation officielle de l'intérêt porté
aux choses de l'air par les autorités, lorsque la direction du génie du ministère
de la Guerre est chargée des questions aéronautiques. Peu après, les premiers
officiers du génie, puis de l'artillerie, sont désignés pour suivre des cours de
pilotage dans les écoles civiles. Signes de l'intérêt croissant qui est porté à
l'aviation, une inspection de l'aéronautique est créée en 1910 et, le 22 octobre
1910, l'aviation militaire naissante, qui jusque-là était répartie entre le génie et
l'artillerie, est confiée à l'inspection permanente de l'aéronautique militaire dont
le premier commandant est le général Roques.
(ROQUES, Pierre Auguste,(général) (1856-1920) : - Polytechnicien, Pierre
Auguste Roques fait d'abord carrière dans le génie aux colonies. En 1906, le
colonel Roques succède au directeur du génie au ministère de la Guerre, le
général Joffre, et devient général peu après. En novembre 1910, il est nommé
inspecteur permanent de l'aéronautique, chargé d'acheter les appareils, de
mettre sur pied la formation des pilotes, d'aménager les terrains, d'élaborer la
doctrine d'emploi et de faire voter à la Chambre les lois de finances et
d'organisation, missions dont il s'acquitte en deux ans. Il est nommé ministre
de la Guerre de mars à décembre 1916 et meurt en février 1920.)
Quant au brevet de pilote militaire réputé plus difficile à obtenir que le brevet
civil, il est créé en 1911. C'est ensuite en 1912 que l'escadrille, cellule
fondamentale de l'arme aérienne, voit le jour. Sous les ordres d'un seul chef
oeuvrent l'échelon volant et l'échelon roulant de cette unité autonome.
Par la loi du 29 mars 1912, signé du président de la République Fallières, du
ministre de la Guerre, Millerand, du ministre de la Marine, Delcassé et du
ministre des Finances, Klotz, "l'aéronautique militaire" est créée et organisée.
Loi du 29 mars 1912 : "L'aéronautique militaire est chargée de l'étude, de
l'acquisition ou de la construction et de la mise en oeuvre des engins de
navigation aérienne utilisables par l'armée, tels que ballons, avions, cerfsvolants. Elle assure l'administration et la mobilisation des formations affectées
au service de ces engins ainsi que l'instruction du personnel..."
3
Le 14 juillet 1912, le président de la République Fallières remet aux sapeurs
aérostiers le premier drapeau de l'aéronautique.
Parc Aérostatique de Beauval, Hangar
du Dirigeable « Colonel-Renard »
Campement du génie « Aérostiers »
"Héritier du corps des savants et ingénieurs qui ont valu au Génie l'appellation
d' "arme savante", les sapeurs ont conduit les premières applications des
techniques nouvelles. Ainsi le Génie crée :
l'aérostation qui donnera naissance à l'armée de l'Air.
Le 12 février 1914, l'inspection permanente de l'aéronautique est officiellement
supprimée ; le 21 avril de la même année est institué au ministère de la Guerre
la direction de l'aéronautique, qui est confiée au général Bernard.
Le plan XVII adopté le 14 février 1914, modifié en juillet de la même année,
prévoit la mise en place de vingt et une escadrilles à six avions auxquelles
s'ajoutent deux escadrilles (à quatre avions) de cavalerie. A la mobilisation,
onze de ces escadrilles - dites de couverture - sont mobilisables. A noter que le
1er août, soixante-cinq appareils ont été livrés pour une commande de deux cent
quatre-vingt-dix-sept avions.
Toutes les escadrilles sont affectées aux cinq armées en ligne; leur mission
essentielle est la reconnaissance de jour sur les arrières ennemis. Les avions
exécutent de nombreuses missions mais les informations rapportées ''étonnent''
les états-majors d'armée qui manifestent leur scepticisme.
Ce sera le cas lors de la bataille de la Marne : le caporal Breguet, sur un
prototype de sa marque, a offert ses services au général Gallieni (gouverneur de
Paris), qui s'inquiète de l'avance des Allemands vers Paris; de ses missions, il
rapportera des renseignements sur le changement de direction de l'armée de
Von Kluck qui devait contourner Paris par le nord pour l'encercler, selon le
fameux plan Schlieffen; Or, voilà que Von Kluck oblique vers le sud-est, à l'est
de Paris et défile ainsi présentant son flanc mal protégé aux troupes françaises;
Manœuvres audacieuses visant à éliminer le corps expéditionnaire britannique
et à surprendre les Français en retraite.
En même temps, le capitaine Bellenger, commandant l'aviation de la VIème
armée du général Maunoury et qui dispose de deux escadrilles (REP et MF)
décèle, dès le 2 septembre, le changement de direction de l'armée de Von Kluck.
Mais le commandant du 2ème bureau, qui possède, depuis le 27 août grâce à
4
nos services secrets, les ordres donnés à Von Kluck, ne veut pas croire les
rapports qu'on lui fait. Les aviateurs confirment le mouvement le 3 septembre;
Bellenger ne peut convaincre ni le commandant du 2ème bureau, ni le chef
d'état-major; il a plus d'échos auprès des officiers de liaison du général Gallieni
et du général britannique French qui avertissent leur chef.
Ce n'est que le 4 à midi que Gallieni, voyant confirmées les observations de
Breguet, donne des ordres à Maunoury pour se tenir prêt à marcher à l'est.
La victoire de la Marne fait donc éclater pour la première fois les services que
peut rendre l'aviation pour éclairer le commandement.
Le 26 septembre 1914, le général Joffre décide la création d'un service
aéronautique du grand quartier général (GQG); en ce qui concerne l'arrière, la
direction de l'aéronautique cède la place à un sous-secrétariat d'Etat à
l'aéronautique en septembre 1915.
Le 8 octobre 1914, le commandant Barès, qui vient d'être nommé chef de
l'aéronautique aux armées, propose son premier programme, à savoir la
création de 65 escadrilles composées de quatre types d'appareils seulement, en
fonction des affectations essentielles :
 la chasse sur Morane,
En avril1914, Raymond Saulnier dépose son
brevet permettant le tir d'une mitrailleuse à
travers l'hélice. L'avion d'arme est né, et les
premières escadrilles de chasse de l'histoire sont
équipées de Morane-Saulnier. Charles Guynemer
obtiendra sa première victoire en combat aérien
sur un "Parasol" type L en juillet 1915.
 le bombardement sur Voisin,
Voisin III, bombardier léger,1914, L'un d'eux,
permit à Frantz et Quenault de remporter la
première victoire aérienne le 5 octobre 1914
sur un Aviatik. Biplan. Moteur propulsif
Salmson de 120 Ch. Equipement de 60kg de
bombes et 1 mitrailleuse.
5
 la reconnaissance sur Farman
Maurice Farman S.11 Shorthorn était doté
d'un moteur à hélice propulsive placé à
l'arrière de la nacelle.
Cet aéronef était surnommé Shorthorn parce
qu'il lui manquait la gouverne de profondeur
frontale caractéristique du Farman S.7
Longhorn. La configuration à hélice
propulsive dans laquelle le pilote était logé très en avant des ailes était idéale
pour les missions d'observation et de bombardement.
 le réglage d'artillerie sur Caudron
Le 25 octobre 1914, le général Hirschauer - ancien inspecteur permanent de
l'aéronautique en 1912 - remplace le général Bernard à la direction de
l'aéronautique.
L'année 1915 représente une date importante dans l'organisation de l'aviation
militaire. En janvier, le deuxième programme du commandant Barès est lancé.
Il prévoit qu'en 1916 l'aéronautique militaire devra comprendre 75 escadrilles
dont 21 de bombardement. L'année 1916 est celle des concentrations : en
février, la plupart des escadrilles de chasse se trouvent rassemblées dans le
secteur de Verdun sous le commandement du commandant de Rose. La lutte
pour la maîtrise de l'air commence. C'est également en 1916 que sont créés les
groupes de combat, qui sont des regroupements de plusieurs escadrilles.
En juillet 1917, le général Pétain nomme le colonel Duval aide-major
général et chef du service aéronautique. En octobre, le comité de
guerre établit un programme de plus de 4000 avions répartis en 300
escadrilles. Le 14 mai 1918 est une date importante, c'est ce jour-là
qu'est créée la division aérienne : six cents avions de chasse et de
bombardement se trouvent à la disposition d'un seul chef, le
commandant Le Révérend qui cèdera bientôt la place au général
Duval.
En 1918, apparaît la notion d'escadre à trois groupes, puis celle de brigade
d'aviation. En juillet, on note la création d'un groupe d'escadrilles de
reconnaissance à longue distance à la disposition du groupe d'armées. A partir
du milieu de l'année, chaque offensive alliée est appuyée par 300 à 500 avions.
6
Par le vote de la loi du 8 décembre 1922, l'aéronautique militaire obtient
officiellement le statut d'arme à part entière. Un homme travaille dans l'ombre à
la création d'un ministère, c'est André Laurent-Eynac. Au septième cabinet
Briand, il est nommé sous-secrétaire d'Etat aux travaux publics.
Son président du conseil lui a dit : "Faites l'armée de l'air dont
vous avez le dessein, mais ne le criez pas sur les toits ! J'ai déjà
bien assez d'uniformes à défendre dans les conférences
internationales ; n'y ajoutez pas !" En France, les grands chefs
militaires de l'armée et de la marine sont violemment hostiles à
l'idée d'une armée de l'air autonome, soutenus par certains
hommes politiques comme Leygues, ministre de la Marine, et Painlevé, ministre
de la Guerre ce qui ne l'empêche pas d'être plus tard ministre de l'Air !
Finalement, le 15 décembre 1928, un ministère de l'Air est formé et confié à
André Laurent-Eynac. Jusque là, quatre ministères et sept directions se
partageaient les affaires de l'aéronautique : le ministère du commerce et de
l'industrie (aéronautique et transports aériens, exploitation postale), le
ministère de la Guerre (Etat-major général de l'armée, XIIème direction,
inspection technique de l'aéronautique), le ministère de la Marine (service
central de l'aéronautique maritime) et le ministère des Colonies (bureau de
l'aéronautique). Mais l'armée de l'air n'existe pas encore ; à l'époque, il est
seulement question de forces aériennes de terre et de forces aériennes de mer.
Au cours de l'année 1932, 11 régiments sont transformés en escadres, trois
escadres de reconnaissance sont créées et cinq bases aériennes sont mises sur
pied. Une escadre de chasse comprend deux groupes à deux escadrilles; le
ministère n'étant qu'un moyen, Laurent-Eynac se consacre au but qu'il s'est fixé
: la création d'une armée de l'air. Il procède par étapes, prépare les décrets
organiques mettant sur pied les différentes aviations et services d'aviation :
aviation militaire, aviation navale, aviation coloniale, aviation civile, services
techniques et industriels, office national météorologique. En 1929, il réussit,
après une lutte épique contre les marins à faire adopter le nouvel uniforme des
aviateurs, crée le service de la sécurité aérienne, ouvre l'aéroport d'Orly et crée
l'école supérieure de l'aéronautique.
Le 1/4/1933, un décret utilise pour la 1ère fois l'expression "armée de l'air".
A cette occasion la mission de la nouvelle armée est ainsi définie : "participer
aux opérations aériennes, aux opérations combinées avec les armées de terre et
de mer et à la défense aérienne du territoire." La loi du 2 juillet 1934 fixe quant
7
à elle "l'organisation de l'armée de l'air", reproduisant, dans un cadre adapté,
la loi de 1927 sur l'organisation de l'armée de terre : le territoire français est
découpé en cinq régions aériennes Metz, Paris, Tours, Lyon, Alger. Les bases
principales sont :
Dijon, Metz et Nancy pour la 1ère région
ème
Le Bourget, Reims et Chartres pour la 2 région;
ème
Pau, Tours et Châteauroux pour la 3
Lyon pour la 4ème.
Il existe alors vingt grandes unités : 7 escadres de chasse, 7 d'observation, 3 de
reconnaissance, 1 de bombardement et deux autres escadres mixtes dont les
commandants exercent à la fois le commandement des troupes et le
commandement territorial. Ceux-ci disposent également de directions et d'unités
des services. L'ensemble de ces dispositions fait que ne peuvent être exécutées
immédiatement que les missions liées à un territoire régional, ce qui correspond
d'ailleurs aux performances et possibilités du matériel de l'époque. Pour sortir
de ce cadre restreint, il est nécessaire de mettre sur pied une organisation dite
de "temps de guerre", définie dans la deuxième partie de la loi, qui prévoit la
constitution de commandements opérationnels.
En 1935, est crée l'École de l'air.
En 1936 des décrets portant création des "corps aériens" dès le temps de paix,
sont publiés sous l'impulsion du ministre de l'air du front
populaire, Pierre Cot. Ceux-ci ont pour but d'obtenir en
permanence l'instantanéité d'intervention en retirant aux
commandants de région une bonne part de leurs attributions.
Ils conservent le commandement territorial, mais n'assument
la plénitude de leurs pouvoirs que sur les unités n'appartenant
pas aux "corps aériens".
Ce système dissocie le commandement de l'administration et soumet les unités à
une double subordination, ce qui dans le contexte de l'époque entraîne plus
d'inconvénients que d'avantages. Aussi ces décrets sont-ils abrogés en 1938 par
le successeur de Pierre Cot au ministère de l'Air, Guy La Chambre.
LA CHAMBRE, Guy (1898-1975) : - Ministre de l'Air de janvier 1938 à
mars 1940, on lui doit l'ultime effort de réarmement aérien français. Celui-ci
fut cependant insuffisant, en dépit d'achats de matériels américains (Curtiss
P-36). Au procès de Riom (mars 1942), le Régime de Vichy l'accuse d'être
l'un des principaux responsables de la défaite
VUILLEMIN, Joseph, (général) (1883-1963) : - En février 1938, Guy La Chambre
l'appelle à la tête de l'armée de l'air, comme chef d'état-major général et inspecteur
général de la défense aérienne du territoire. Le 24 juin 1940, il est nommé inspecteur
général de l'armée de l'air, chargé de la coordination des opérations aériennes de
défense.
8
Mon incorporation dans l’Armée Française de 1938 à 1940
Engagé volontaire par devancement d’appel, Bureau de Mulhouse sous le n° LM 407
En 1938, j’ai passé le Certificat de préparation pré-militaire à l’Armée de l’Air,
mécanicien d’avion avec 12.66 points, au collège Lambert de Mulhouse sous la
direction du professeur Guyot (Capitaine de réserve dans l’armée de l’air), mon
ancien professeur de dessin industriel.
Le vendredi 28 octobre 1938 à 8h30, j’ai passé la visite médicale au bureau de
recrutement de Mulhouse, où j’ai signé mon engagement par devancement
d’appel sous le numéro LM 407, en même temps que mon camarade d’enfance
Julien Widemann. Après cette visite médicale nous partons tous deux arroser
notre admission « Bon pour le Service Armé » au restaurant le Crocodile à
Mulhouse ou nous rejoints un autre copain du club de natation S.N.M. Collé
Nandi. En effet, avec passion je pratique la natation à la S.N.M. (Société de
Natation de Mulhouse) ou nous formons une équipe soudée avec le président M.
Robert Goetz. Ce dernier a soutenu ma candidature au Ministère de l’air à
Paris au titre d’une bonne culture sportive d’équipe. Préalablement mes
copains de club, Eugène Neef et Paul Keller ont eu le plaisir d’être incorporé au
ministère de l’air, qui devenait une référence pour nous autres sportifs de haut
niveau.
Le soir même, Julien et moi, prenons le train pour Paris à 0h57. Après un
voyage sans histoire, nous arrivons gare de l’Est à Paris.
Nous sommes accueillis à la gare par notre copain Eugène Neff, qui nous
explique comment et où rentré à la caserne. Préalablement, nous parcourons un
peu les rues de Paris et à midi nous déjeunons dans un restaurant près du palais
Royal. Mes copains, auquel s’est joint Wald Nandi sont allés au cinéma REX,
moi j’en profite pour aller dire bonjour aux parents de ma belle sœur M.
Ferdinand Ourmières au 96, rue des Maraîchers à Paris.
Après s’être tous retrouvé, nous rejoignons chacun nos casernes respectives,
Eugène, Julien et moi à Paris, Orly pour les autres.
Nous sommes réceptionnés par le sergent de garde Adréolo qui nous mène au
bureau du Colonel où Neff Eugène est son secrétaire. Pour notre première nuit,
il nous affecte un lit de permissionnaire.
Ce dimanche 30 octobre 1938, ma première nuit passée, réveil à 7 heures, je
rejoins Neff au bureau du Colonel et me mettre à l’abri des corvées, vu que
l’ensemble des bleus de ma classe ne sont pas encore arrivés.
Je fais la connaissance de l’infirmier Edouard, un autre Alsacien, qui nous fait
visiter l’après midi, le Bois de Boulogne à proximité de la caserne. Le soir, je
me distrais un peu en écoutant la radio chez Neff, qui justement était de
permanence. Paul Keller nous rejoint et nous faisons la connaissance des
autres alsaciens du Ministère ; Bebert et Marcel Onimus les jumeaux, Nachbaur
et le sergent Rodier.
9
Le soir, je me couche dans la chambre 129 avec les autres bleus. Le sergent
l’Allemand qui était de semaine, me fait connaître les joies du virage des lits en
bascule etc. Le lendemain, nous arrive de Constantine, Ortiz et son ami Roger
Nakache, frère du Champion de natation qui est également au ministère de
l’Air.
Le lendemain, 3 octobre, je fais mes premières corvées. A midi je descends au
réfectoire ou je goutte les délicieux mets de la cantine avec mon quart et ma
gamelle. L’après midi, nous recevons tous, nos treillis et nos chaussures.
ère
Le 1 novembre 1938, je suis affecté au bataillon de l’Air 117 -1
du Ministère de l’Air à Paris.
Compagnie
Le 4 novembre, se sont tous les bleus qui arrivent. Nous sommes répartis par
chambre et affectés de corvées en attendant nos classes.
Le lundi 7 novembre, je reçois ma tenue de sortie.
Le mardi 8 novembre j’essaye la tenue n° 2
Le mercredi 9 novembre, est mon premier jour de classe, j’y apprends à saluer,
à marcher au pas, à faire demi-tour etc.
Le 11 novembre, jour férié, je reçois la visite de mon frère Marcel, ma belle
sœur Margot et de ses parents Ferdinand et Alice. Au réfectoire à midi, le
ministère nous gâte. Au menu, des huîtres, du poulet, du champagne et un bon
cigare avec le café.
Le 13 novembre, par groupe nous allons à l’église sous la conduite d’un
sergent. Après l’office, le curé nous distribue des cigarettes.
Le 14 novembre, c’est le peloton qui commence. Je dois acheter la « Théorie »
qui coûte 19,50 francs. Mais le soir même, je tombe malade. Terrassé par une
fièvre de 39°, je rejoins l’infirmerie, qui diagnostic une angine.
Le 15 novembre, je suis conduis à l’Hôpital Militaire de Percy à Clamart, au
pavillon 18, chambre 6 où je suis mis en quarantaine à cause de cette angine. Je
suis bien soigné par les infirmiers de service et ainsi je passe 15 jours à
l’hôpital, heureux comme un roi. Trois jours après mon admission, j’occupe mes
journées à faire de menues corvées, laver, balayer etc. Je passe d’agréable
moment à l’office à manger et à boire.
Le 26 novembre, je quitte l’Hôpital en compagnie du boxeur Joussem et je
rejoins le Ministère de l’Air. A mon arrivée, je reçois ma capote et mon Képi.
Entre-temps, les copains ont reçu la pîqure, pour moi c’est remis à plus tard.
er
Le 1 décembre 1938, je sors pour la première fois de la caserne en tenue
militaire, avec mon ami Nakache, et nous filons à la piscine Blomet nous
entraîner.
Le 2 décembre, je vais au stand de tir ou je devais tirer 5 coups de mousqueton,
avant de sortie en permission de 24 hres.
Le 14 décembre, je vais voir mon frère Marcel à Houilles, où je passe la journée
en famille.
10
De retour à la caserne, suite à ma demande, le colonel m’autorise des sorties
d’entraînement à la piscine avec mon ami Nakache.
Le 8 décembre, je reçois ma première piqûre dans le dos.
Le 11 décembre, sortie avec la voiture prêtée par Delaunay. Avec Nakache et
Félix je visite le château de Versailles.
ème
Le 20 décembre 1938, je passe l’examen de peloton que je rate pour 30/50 de
points suite à mon absence de 15 jours pour maladie.
ème
Le 28 décembre, je suis affecté à la 3 compagnie.
Le 29 décembre 1938, je reçois une permission de 7 jours pour assister à
l’enterrement de la mère de mon ami Julien Widemann. Les obsèques sont
célébrées le 31/12/1938 à Mulhouse.
er
Le 1 janvier 1939, en permission à Mulhouse, je revois mon père et passe dire
un bonjour à tous mes parents de la région. Entre temps, j’en profite pour
rendre visite à mon amie Marguerite Ridlinger qui était dactylo chez Tourtelier
lors de mon stage dans cette entreprise en 1938.
Le 24 janvier 1939, je suis affecté au Bataillon de l’Air 104 au Bourget.
Le casernement est à DUGNY,
et tous les matins, je fais à pied le
chemin vers les hangars de
l’aéroport, où je suis affecté comme
dessinateur au bureau du Lieutenant
Mercier.
Sous ses ordres, je travaille sur la
mise au point d’un système de
blocage des commandes pour
l’avion « SIMOUN ». Je lui fais les plans et tirages de
plans sur une planche à dessiner et un caisson de
reproduction de ma fabrication artisanale avec les moyens
du bord. Mon ami Julien est affecté au bureau d'a coté, en charge des carnets de
vol des avions de la base.
Le 11 mars 1939, je fais faire une photo de ma section, afin de pérenniser, notre
travail d’équipe, à la réussite du système de blocage des commandes du Simoun.
11
Le 14 avril 1939, je passe mon examen de permis de conduire auto et camions.
ère
Le 16 avril, je suis nommé soldat de 1 classe.
Le 25 avril, j’obtiens 2 jours de permission pour aller nager avec mon club de
natation la S.N.Mulhouse à Bâle. Le mercredi, je participe à un match de
ème
natation entre la SNM et les juniors de Bâle. Je fais 3 du 100 m nage libre
dans le temps de 1mn09s80. Je gagne avec le relais 5x50 m nage libre, la
médaille d’or pour un temps réalisé de 2m36s. Je me remets à l’eau avec
l’équipe de water-polo de la SNM, en jouant arrière. Nouvelle victoire sur
l’équipe de Bâle par 7 buts à 1.
Le vendredi 30 avril, la base et consigné et oh! Malheur, je dois aller à la gare
de l'est pour attendre les copains de Mulhouse qui arrivent à paris pour disputer
les championnats de France à la piscine des tourelles. Julien et moi nous faisons
le mur derrière la caserne et fonçons sur Paris pour accueillir nos amis ;
Litschig, Specker, Reno, Dietner et Zimmerlin de Colmar. Keller et Neff qui sont
toujours au ministère de l’air nous rejoignent également. Ensemble nous nous
promenons à Paris.
Le 5 mai baptême de l'air en C.635 - n° 179 (Caudron Renault) avec le
capitaine Julien, durée du vol - 1 heure 10 à une altitude de 1000 m.
Le 16 août 1939 je suis nommé caporal.
Caudron-Renault C.635 "Simoun"
Pour mémoire : le C.635 "Simoun" est un petit avion à aile basse et à train
d'atterrissage fixe construit en 1934. Très en avance sur son temps, ce petit
appareil de liaison et de transport léger fut construit à 129 exemplaires pour les
militaires et à 70 exemplaires pour des clients civils. Le Caudron Simoun, qui
pouvait transporter 3 passagers et 150 kg de charge utile, s'est rendu célèbre
par des vols d'exploration longue distance. Equipé d'un moteur Renault 6Q-09
12
Bengali 180 Cv, lui permettant une vitesse maximale de 300 km/h pour un
plafond de 6.000 m et une autonomie de 1500 km.
Longueur de 9,10 m - Envergure de 10,40 m
Surface alaire de 16 m²
Poids à vide 755 kg
Poids maximal de 1380 kg.
En 1939, les usines Caudron avaient, en 30 ans, construit plus de 10 000 avions.
Ce nom, Caudron, ne dira rien à beaucoup, mais pour tous ceux qui comme moi
ont depuis toujours, fait le "Rêve d'Icare", Caudron évoque toute une époque.
Les Frères René et Henri Caudron sont nés ici, au siècle dernier. Emballés par
les premiers vols des frères Wright, ils ont construit eux-mêmes leur avion, et
ont volé dès 1908 dans une prairie toute proche.
Dès 1910, ils créent à RUE leur première usine qui compte bientôt plus de
cinquante ouvriers, ouvrent une école de pilotage, et participent à la IIIème
Exposition Internationale Aéronautique de Paris : Si l'on veut vendre des
avions, il faut des pilotes, et il faut les montrer .. Raisonnement simple et
logique, évidemment hors de portée d'un technocrate. Et comme c'était facile, à
cette époque, de créer ... !
Quelque temps plus tard, ils faisaient décoller le premier Caudron G3, un ce ces
avions baptisés parfois "cages à poules", tiré par un "rototo" Le Rhône ou
Anzani de 80 chevaux.
Ce premier G3 eut de nombreux descendants qui tous ont réalisé des exploits. Premier "looping volontaire", en 1913, piloté par Pierre Chanteloup, sur le
terrain d'Issy les Moulineaux.. La même année, René Caudron livre à la Chine
la première escadrille de 12 avions, et profite de l'occasion pour prendre la
première photo aérienne de la "Cité Interdite", à Pékin.
- 1914, déclaration de Guerre. Les G3 s'illustrent sur le front, bien avant les
chasseurs SPAD et Nieuport, ou les bombardiers Bréguet 14.
- Le capitaine Frantz remporte la première victoire aérienne ... à coups de
carabine
...
!
13
Les avions Caudron équipent plus de cinquante escadrilles, dont l'une est
commandée par le futur général Vuillemin, alors simple lieutenant.
Après la guerre, les exploits continuent. En 1919, Jules Védrines se pose sur la
terrasse des Galeries Lafayette, en 1921, Adrienne Bolland franchit pour la
première fois la Cordillère des Andes, Durafour se pose et redécolle du sommet
du Mont Blanc. De nouveaux modèles apparaissent, bien évidemment, le temps
des "cages à poules" est bien révolu. L'ingénieur Marcel Riffard entre à l'usine
Caudron en 1932, et révolutionne l'aérodynamique des avions. Louis Renault
fournit maintenant des moteurs à la fois légers et performants, et ce sont les
célèbres bolides Caudron-Renault qui s'illustrent dans les compétitions et les
records de vitesse et dans l'aviation civile.
14
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'organisation de l'armée de l'air,
dont le chef d'état-major est le général Vuillemin, est complexe et source de
difficultés : d'une part, certaines unités aériennes sont en effet mises en
permanence à la disposition de l'armée de terre et
dispersées selon les théâtres d'opérations constituant
l'aviation de coopération, c'est ainsi qu'à chaque armée sont
associés un groupe de reconnaissance et un groupe de
chasse ; à chaque corps d'armée et à chaque division sont
associées des unités d'observation, avec les états-majors de
"forces aériennes de coopération" correspondants; d'autre part, les groupes de
chasse, les groupes de reconnaissance stratégique restants et toute l'aviation de
bombardement forment l'aviation réservée, sous les ordres du commandant en
chef des forces aériennes. Cette aviation réservée peut, en fonction de la
situation, être mise à la disposition du commandant de l'aviation de
coopération.
Le 2 septembre déclaration de guerre à l’Allemagne, la base est consignée.
Le 19 septembre, vol en C.635 – n° 80 avec le commandant Leleu ( vol du
Bourget à Villacoublay) durée du vol - 0 heure 45 à une altitude de 250.
Le 24 septembre 1939, vol en C.635 - n° 164 avec le commandant le Leleu du
Bourget à Villacoublay et retour. Durée du vol 1h50 à une altitude 1000 m.
Le 25 septembre 1939, je suis affecté à la D.A.L.A.C
(Division d’avions de liaison de l’administration
centrale).
Le 2 novembre la D.A .L.A.C. est déplacé à Villacoublay.
Le 2 novembre, vol en C.635 - n° 63 avec le commandant Leleu de Villacoublay
à orly. Durée du vol 0h25 à une altitude de 700 m.
Le 2 novembre, vol en C.635 – n° 164 avec le commandant Leleu, de
Villacoublay à Orly, durée du vol 0h15 à une altitude de 800m.
Le 4 novembre 1939, vol en C.135 - n° 21 avec le commandant Leleu et Julien
comme compagnon. Essai de passages par brouillard, retour Orly, durée du vol
0h35 à une altitude de 250 m.
Le 16 novembre 1939, entré à l'hôpital complémentaire de Villejuif pour une
opération d’hernie-inguinale gauche.
Le 9 novembre 1939, vol en C.635 – n° 9 avec le commandant Leleu d’Orly à
Villacoublay, durée du vol 0h10 à une altitude de 700m.
15
Le 29 décembre 1939, je suis promu Caporal chef.
Muté à ORLY en 1940, logé au pavillon Maryse Bastié, ci dessous photos de ma
section mécaniciens
Le 10 janvier 1940, vol de reconnaissance en C.445 « GOELAND « n° 91 avec
le commandant Leleu de Orly à Villacoublay. Durée du vol 0h20 à une altitude
de 800 m.
Caudron C-445 'Goéland' - 1936
Bimoteur de transport. 114 exemplaires construits
C-445M 'Goéland'
Type : appareil de transport -- Nationalité : Française
Version militaire du Goéland. Il sera aménagé de multiples façons pour remplir
ses divers rôles de transport ou d'entraînement. La Luftwaffe et la Lufthansa
mirent la main sur dix exemplaires et les utilisèrent pour leur compte, tandis que
la production se poursuivait à Issy-les-Moulineaux et à Renault-Billancourt
(jusqu'au bombardement de 1943) par Société Anonyme des Avions Caudron
16
Le 29 mai 1940, vol de reconnaissance avec un 6.634 FANXP avec le
commandant Leleu : durée du vol 1h – à une altitude de 1.000 m.
Ci-dessous à Orly avec mes camarades mécaniciens.
C’est la guerre, les allemands sont déjà à Paris. Une femme pilote Mme Roman,
originaire de Guebwiller a été faite prisonnier lors d’une mission de liaison.
Alors qu’elle n’était pas surveillée, elle s’empare d’un avion Messerschmitt des
Allemands et le ramène sur notre base.
Félicitée et décorée pour cet exploit, elle fuit les photographes et vient se
réfugier dans ma chambre, ne pouvant maîtriser une envie de voler, elle
m’emmène dans un avion SIMOUN C.635, faire un tour à Marseille et retour.
Le 18 juin 1940, devant l’avancée des armées allemandes, nous recevons
l’ordre d’un repli vers Tours. Julien et moi, sommes désignés pour préparer le
cantonnement. L’avancée ultra rapide des allemands, provoque une
modification du plan de repli ; nouvelle instruction : direction Bordeaux.
17
A deux nous remplissons une camionnette de meubles, bureaux et archives. Au
travers des files de gens en exode, nous avançons péniblement. Une sœur et un
groupe d’orphelins nous interpellent, mort de fatigue, le groupe nous fait pitié,
nous décidons de nous débarrasser des meubles inutiles afin de pouvoir
embarquer tout ce petit monde jusqu’avant Bordeaux. Là, nous rejoignons le
terrain d’aviation Bordeaux-Mérignac.
Le 25 juin 1940, nouvelle instruction de repli, vers la base d’Aulnat près de
Clermont-Ferrand. Nous avons eu chaud car début juillet les allemands
occupent déjà la base de Mérignac.
Le front français est percé ! Le peuple français est en état de
choc. Le Maréchal Pétain arrivé au pouvoir le 10 mai 1940,
signe l'Armistice le 22 juin 1940 à Rethonde. La France est
plongée dans les ténèbres de l'occupation. Un secrétariat
d'Etat à l'aviation est mis en place par Vichy en septembre
1940. Il est confié au général Bergeret. (Il sera remplacé, le
19 avril 1942, le général Jannekeyn.)
En Grande-Bretagne et dans les territoires de l'empire français qui poursuivent
la lutte, dès le mois de juillet 1940, les premières unités aériennes des forces
aériennes françaises libres de simples escadrilles ou détachements, voient le
jour.
er
Le 1 août 1940, le commandant Leleu obtient du Maréchal Goering,
l’autorisation de ramener nos avions à Aulnat. Comme je parle l’allemand,
j’accompagne tous nos officiers pilotes en bus vers Mérignac. Là, munies de
pinceau à main, nous barbouillons tous les avions en jaune et les ramenons sur
la base d’Aulnat. Les instructions allemandes sont le démontage et le stockage
dans les hangars de la base sous contrôle allemand.
18
Le 29 août 1940, je suis démobilisé par la Base Aérienne 117,
et renvoyé dans mon foyer, chez mon frère Marcel à Houilles. La vie y est
difficile, et je cherche à trouver un emploi de dessinateur à Paris. Mais chacune
des annonces parue dans le journal, fait l’objet d’une queue de plus de 100 m.
Désespérer, et aux vues des restrictions allemandes faites en alsace, je décide
de rentrer à Mulhouse ou mon père veuf, seul à Mulhouse risque de faire l’objet
de poursuite si je ne rejoins pas mon domicile.
Les autorités et administrations françaises ayant quitté la région, les Alsaciens
se retrouvèrent seuls et désemparés face aux nazis qui, en pratique,
considérèrent immédiatement l'Alsace comme un territoire annexé. On constata
très vite que l'on était très loin des "bonnes manières" des aristocrates prussiens
de 1871, lors de l'annexion par ceux-ci! En fait l'Alsace venait d'entrer dans ce
qui fut probablement la pire période de sa longue histoire.
Les nouvelles autorités appliquèrent dès juin 1940 un plan préparé à l'évidence
depuis longtemps et destiné à "germaniser" l'Alsace dans les plus brefs délais.
La province fut rattachée au pays de Bade. Cet ensemble pris le nom de "Gau
Oberrhein" dont la capitale était Strasbourg. A partir le là, les Alsaciens furent
considérés comme des citoyens allemands à part entière (Volkdeutsche). La
langue allemande devint immédiatement obligatoire et le Français interdit. Le
simple fait de parler français entraînait une amende et, en cas de récidive,
l'arrestation et l'emprisonnement! L'enseignement fut bien entendu
immédiatement germanisé avec des livres de classe et de propagande.Les
enseignants Alsaciens parlant allemand et considérés comme de confiance
furent rééduqués en Allemagne et les autres remplacés par des Allemands. Les
écoles catholiques furent placées sous contrôle direct des autorités.
Il en fut de même pour les livres: les enfants devaient faire du porte à porte pour
collecter tous les ouvrages Français et en français qui devaient être détruits
ainsi que tous signes et objets rappelant la France. Les noms de rues et de villes
et villages furent germanisés, les monuments aux Morts enlevés ou détruits.
Certains Alsaciens dont le nom ou prénom avait une consonance trop française
durent le germaniser. Le "dialecte alsacien" continua à être parlé car c'était la
seule langue parlée par les milieux populaires et les personnes âgées, qui, en
plus était, au moins dans le Haut-Rhin et Bas-Rhin très proche du dialecte
badois. Seul le Hochdeutsch pouvait être appris et parlé. Il semble que les
autorités aient fait une fixation sur le béret considéré comme un symbole
français, car il fut totalement interdit! Dès 1941, le NSDAP et toutes ses
organisations sociales dont la jeunesse hitlérienne, le front allemand du travail
etc. sont en place. Un effort particulier concerna les jeunes, non seulement pour
19
les germaniser mais aussi pour leur inculquer la doctrine nationale socialiste.
Des uniformes des jeunesses hitlériennes étaient distribués gratuitement.
Dès mon retour, en recherche d’emploi, j’occupe un emploi d’ajusteur à la
S.C.AM de Mulhouse, puis le 7 avril 1941, je trouve un emploi à la ville de
Mulhouse comme dessinateur au service des machines.
Le 18 mai 1941, le gauleiter Wagner décréta le Service du Travail Obligatoire
en Alsace à partir du 16 août pour les personnes des deux sexes de 17 à 25 ans.
Les jeunes gens s’enfuirent en masse, surtout les jeunes hommes, ce service
n’étant que le prélude à leur incorporation dans l’armée allemande. Le 4 août
1942, tous les jeunes de 10 à 18 ans apprirent qu’ils devaient servir dans la
Jeunesse Hitlérienne.
Jour sinistre que ce 25 août 1942, le Gauleiter Wagner, gouverneur régional de
l'Alsace annexée au grand Reich d’ Hitler depuis juin 1940, décrète le service
militaire obligatoire pour les Alsaciens. Dit comme cela, ce décret ne semble
pas être particulièrement menaçant, mais la réalité est toute autre à cette
époque ! Par ces mots, il faut comprendre : incorporation de FORCE dans la
Wehrmacht (l'armée régulière allemande) ou même la Waffen SS (la branche
militaire de la sinistre SS).
Me croyant à l’abri du service militaire, car ayant servit dans l’armée française,
je décide de me marié le 22 juillet 1943 avec mon amie Marie-Madeleine Jost
en vue de fonder une famille.
Les mariages et les divorces étaient dorénavant soumis au code allemand. Une
loi sur " la protection du sang allemand, interdisait le mariage avec des Juifs,
avec des personnes atteintes de maladies héréditaires ou contagieuses, avec des
sourds, des muets ou des infirmes de naissance, etc. ". Aucun mariage ne put
être célébré sans un certificat attestant l’arianisme des conjoints, des certificats
de ce genre furent nécessaires pour tous les actes civils. Chaque nouveau couple
recevait du maire un exemplaire du livre « Mein Kampf. »
Très rapidement, l'engagement volontaire dans les armées allemandes fut
encouragé. Comme le résultat était peu convainquant, les hommes valides furent
incorporés de force dans l'armée allemande à partir de 1942. Environ 130.000
Alsaciens et 30.000 Mosellans furent envoyés pour combattre sur le front russe,
et non celui de l'ouest, car les Allemands ne leur faisaient pas confiance. Ces
hommes furent surnommés les « malgré-nous. »
Me voilà incorporé de force le 21 octobre 1943 avec mon ami Julien
Widemann, démobilisé comme moi de la base aérienne française n°117.
20
Imaginez-vous seulement ce que cela représente : partir faire une guerre que
vous ne voulez pas, vers le front de l'est (la plupart du temps), sous un uniforme
détesté et hailli... laisser femme, enfants derrière vous pour vous retrouver avec
des "Kameraden" qui vous considèrent comme un sale français et face à des
"ennemis" -alliés de la France- qui vous prennent pour ce qu'ils voient : un
uniforme allemand !
Certains ont refusé, ont pris le maquis ou sont partis en Suisse toute proche.
Oui, certains l'ont fait et leurs familles ont été déportées. De plus, ceux qui ont
été repris ont été fusillés pour l'exemple ou pire, envoyés dans le camp de
redressement de Schirmeck -pour les casser à coup de privation et de torture- et
finalement les incorporer dans la pire des divisions : la Waffen SS !
Le 16 décembre 1944, je déserte l’armée allemande à Salmbach et me cache
chez M. Brenckle jusqu'à l’arrivée des américains qui me ramènent à Marseille,
où je fus réincorporé dans l’armée territoriale au Centre Départementale de la
Blancarde, avec un nouveau livret militaire, puis le 25 janvier 1945, je suis
déplacé au centre de l’armée de l’air de Versailles.
er
Enfin, le 1 février 1945, mon jour de chance, je suis à nouveau démobilisé, et
j’en profite pour rendre visite à mon frère Marcel qui habite Houilles. Après
quelques jours de repos, je prends le premier train en partance pour Mulhouse,
où je pus enfin serrer dans mes bras, ma femme et mon fils Daniel, que je voyais
pour la première fois et qui était déjà âgé de 10 mois.
Après quelques jours de repos, je repris mon travail à la ville de Mulhouse,
alors que le front était encore dans la banlieue de Bourtzwiller, derrière la
rivière La Doller. Quant à mon père, il était bloqué dans la poche encerclée de
Colmar.
--ooOoo--
Souvenirs racontés par Raymond Muller et mise en forme sur la base de ses
notes personnes par son fils Daniel Muller en décembre 2003.
21

Documents pareils