Les paroles que nous venons d`entendre sont les dernières que
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Les paroles que nous venons d`entendre sont les dernières que
Les paroles que nous venons d’entendre sont les dernières que Jésus a prononcées en présence de ses disciples avant que d’entrer dans sa Passion. Et ces ultimes Paroles sont une prière, une prière dans laquelle Jésus demande à son Père de les conserver dans l’unité, de les garder du Mauvais et de les consacrer dans la vérité. Et l’on sait que cette prière ne semble pas avoir été tout à fait exaucée, peu après les disciples se dispersent, et surtout Pierre trahit. Or aujourd’hui nous réentendons ces paroles dans un contexte liturgique très différent de celui auxquelles nous aurions pu les entendre par exemple le soir du jeudi saint où traditionnellement la veillée au reposoir avec Jésus Eucharistie est accompagnée de la lecture des discours de Jésus après la Cène en saint Jean. Nous accueillons ces paroles en ce temps très particulier compris entre l’Ascension, le départ de Jésus, et la Pentecôte, le don de l’Esprit, donc après la Résurrection. Nous sommes toujours dans un contexte de départ, comme le jeudi saint mais un départ que l’Eglise depuis les origines célèbre sans tristesse, dans la joie, un départ qui sonne comme un triomphe, une exaltation de Jésus qui préfigure la nôtre. La différence fait sens. Jésus part et il prie son Père pour nous garder dans l’unité, nous qui sommes ces disciples et nous savons bien combien les forces de désintégration sont à l’œuvre dans le monde, entre les groupes humains mais aussi dans nos familles, nos communautés et combien le travail de l’unité est sans cesse à reprendre. Jésus prie son Père pour nous garder du Mauvais et nous savons bien combien la tentation, combien nos démons sociaux, ecclésiaux, idéologiques, familiaux, autant de visages hideux du démon rôdent et peuvent faire de dégâts dans nos cœurs, nos familles, nos communautés, nos états si nous ne leur opposons pas un ferme refus. Et Jésus enfin prie son Père de les consacrer, les ce sont ses disciples, donc nous, de nous consacrer dans la vérité, comme le Père l’a consacré. Il me semble que là est la clef, ou une clef de ce texte. «Consacre-les dans la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés dans la vérité. » La consécration est ordonnée à la mission, « De même que tu m’as envoyé, moi aussi je les envoie », et à la vérité d’une parole annoncée « Consacre les dans la vérité, ta parole est vérité » Il s’agit d’une consécration pour la mission, une mission d’annonce de la Parole. Comment ne pas lire cette demande de consécration, d’onction reçue par Jésus lui-même et demandée par lui pour ses disciples comme annonçant la consécration dans l’Esprit, ce que nous célébrerons à la Pentecôte, comme la marque par le sceau de l’Esprit demandée par Jésus à son Père pour ses disciples. Un Esprit, l’Esprit de Pentecôte qui est un Esprit missionnaire, un envoi en mission enraciné dans l’envoi du Fils, la Parole vivante de Dieu, envoyée dans le monde par son Père. Et voilà que ce que la Passion avait révélé comme impossible devient possible. L’unité que Jésus avait demandée et qui s’était si vite fracassée sur le scandale de la Croix est alors une unité reçue, comme un don, de l’Esprit commun au Père et au Fils et répandu dans les cœurs de tous ses disciples. C’est ce même Esprit qui les gardera alors des assauts multiformes du Mauvais, Esprit de force et de crainte du Seigneur. La relecture de cette prière dite sacerdotale de Jésus prend tout son sens dans le contexte pascal, ce qui était impossible aux hommes devient possible par la grâce de l’Esprit. Une fois de plus nous comprenons que nous ne pouvons lire les Ecritures, que nous ne pouvons accueillir les Paroles de Jésus que dans la lumière de Pâques. Ce n’est qu’à la lumière du Mystère pascal de la mort, de la résurrection de Jésus et du don de l’Esprit que l’Ecriture, toute l’Ecriture peut faire sens, prendre corps pour nous, ce n’est que dans la puissance de l’Esprit que les promesses de Jésus peuvent prendre chair en nous. Mais revenons si vous le voulez sur cette consécration que Jésus demande au Père pour ses disciples donc pour nous. « Consacre-les dans la vérité : ta parole est vérité. » Nous avons vu que cette consécration est en fait le don, la marque de l’Esprit répandu dans le cœur de ses disciples, dans notre cœur, en vue de la mission. Cette consécration a été annoncée par les prophètes, Joël tout particulièrement, « Je répandrai mon Esprit sur toute chair », mais aussi Ezéchiel « Je mettrai ma loi au plus profond de leur cœur », c’est la consécration messianique de Jésus qui fait de nous des consacrés, littéralement d’autres Christs, Jésus veut faire de nous le peuple messianique, il veut que nous partagions sa propre consécration messianique manifestée par l’Esprit au jour de son baptême et communiquée à tous les membres de son corps par sa mort et sa résurrection. Nous sommes invités par ce texte à revisiter la richesse, la profondeur de notre consécration baptismale. Consacrés dans la vérité, consacrés par l’Esprit dans la Parole qui donne la Vie, nous avons été marqués par le Saint Chrême eu jour de notre baptême puis de notre confirmation : nous sommes véritablement prêtres, prophètes et rois. Prêtres car habilités en Christ à offrir à Dieu le sacrifice de nos vies, données, livrées par amour. Prophètes car appelés à rappeler à temps et à contre temps les exigences de la vocation chrétienne. Rois car appelés à régner, c’est-à-dire à diriger, à conduire notre vie, dans la rectitude, selon l’Evangile du Christ, soutenus, animés par l’Esprit qui est un Esprit de conseil et de force, de courage et Dieu sait s’il en faut du courage, et du discernement pour conduire avec droiture une vie d’homme.... Cette année a été voulue par le pape année de la vie consacrée. Qu’est-ce que la vie consacrée sinon un signe, un signe vivant, et souvent efficace, de notre propre consécration baptismale. En s’efforçant, pauvres, chastes et obéissants, c’est-à-dire en contrepoint particulièrement radical avec les valeurs communes à notre monde sécularisé, fasciné par la richesse, la jouissance et une radicale autonomie, les religieux et religieuses s’efforcent de signifier que Dieu seul suffit, que l’Esprit reçu au baptême suffit largement à donner à une vie d’homme, de femme, une fécondité véritable, riche, débordante. Mais une fécondité qui n’a rien à voir avec les mirages du succès, de la richesse, de la reconnaissance sociale, de toutes les jouissances que le monde fait miroiter à nos yeux évidemment pas toujours insensibles aux charmes vénéneux de ces sirènes artificielles. La présence de religieux est là, au sein de l’Eglise, pour faire signe, pour rappeler à tous les membres du corps la richesse, la fécondité potentielle cachée dans leur propre consécration baptismale. Une richesse qui ne demande qu’à s’épanouir, et si elle est irriguée par le don de l’Esprit à porter de beaux fruits, qui sont toujours des fruits d’unité et de charité. Amen !