un homme d`intérieur
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un homme d`intérieur
///// pause deux 10 › › › art mengo ≥ entre mes guillemets Art Mengo un homme d’intérieur De son repaire toulousain, Art Mengo s’est aménagé une place à part dans la variété française. Populaire sans abuser du jeu médiatique, sensible et singulier sans jouer les poètes maudits. Il nous parle de son sixième album “Entre mes guillemets”, un album à l’image de sa personnalité et de la conduite de sa carrière : tout en douceur, en élégance et discrétion. ///par Sebastien Porte ///photographies de Polo Garat/Odessa L’instant et le lieu ressemblent à l’homme qui nous y attend. Banquettes de cuir brun, reflets gris bleu du lac à travers la baie vitrée, Art Mengo a donné rendez-vous dans une guinguette des alentours de l’agglomération toulousaine. Et le ciel épais qui, ce matin de novembre, coiffe la campagne lauragaise, donne envie de se calfeutrer dans ces atmosphères qui habitent ses chansons. Un peu à l’écart, sans être isolé : c’est l’endroit qu’il a choisi pour vivre, en marge de Toulouse. C’est aussi la posture qu’il adopte depuis quinze ans, en marge du show-biz et des modes musicales. Art Mengo a le goût des intérieurs stylés, des ambiances cosy, tamisées, capitonnées. On le sait de ses albums, depuis le livret de “Guerre d’amour” en 1992 jusqu’à “La Vie de château” en 2003. On le retrouve encore dans son tout nouvel opus, “Entre mes guillemets”, qu’il nous présente aujourd’hui, à peine libéré des derniers jours de mixage. “Des hommes en tutu mauve / traversent à pas chassé / le velours de l’alcôve / où elle dort éveillée”, y chante-til, de sa voix à la fois rugueuse et caressante, sur un texte signé de l’écrivain Marie Nimier (Un jour comme les autres). Tandis que dans J’ai remis à l’heure d’été, entêtante trouvaille mélodique à trois temps aux accents joliment surannés, il déballe édredon, polonaise et vieux phono. Mais pour le chanteur, cette esthétique est aussi règle de vie. “Je cherche avant tout mon confort, avoue-t-il d’emblée, j’aime bien aller gratter dans mon intérieur à moi. Dans ma maison, un piano, des livres et ça me suffit.” Art Mengo, Michel Armengot de son vrai nom, fils de républicains espagnols réfugiés à Toulouse, a ainsi tout fait pour rester dans sa région, à l’encontre des logiques de sa profession. Le studio où il enregistre ses disques, c’est son domicile. “Quand j’ai commencé à faire ce métier, j’ai été très sollicité, il aurait fallu que j’habite à Paris, mais ce n’était pas dans ma façon de voir les choses. J’ai tout décentralisé, j’ai essayé de tout maîtriser.” Quant au voyage, ce n’est pas trop son affaire non plus, comme il le souligne incidemment dans le premier titre et single de l’album : Je ne voyage pas, je pars. Pour lui, “la musique et les mots sont les moyens de transport les plus efficaces.” Tout comme il s’attache à soigner son espace, Art Mengo a appris à dompter le temps. Un rapport au temps qui s’exprime de façon éloquente dans la composition et l’interprétation des mélodies. Le musicien aime à cultiver la syncope, le contretemps, le triolet de noires, comme s’il s’agissait de ralentir le cours des heures, de le répandre sur le tissu élastique et moelleux de l’espace sonore. Au point d’en avoir fait une marque de fabrique. “À l’intérieur d’un tempo, j’aime bien être un peu retard, reconnaît-il. Je suis quelqu’un de lent. Je refuse de me faire happer par le temps et les gens. J’ai mon propre rythme et ma liberté passe par là.” … Et le fil de l’entretien se déroule, jusqu’à durer deux heures, sans que jamais ne se retrousse une manche pour s’inquiéter des contingences horaires. Le rythme de la conversation est aussi celui de notre homme. Art Mengo raconte comment, entre “La Mer n’existe pas” et “La Vie de château”, il s’est payé le luxe de “poser ses valises” pendant six ans. Comment il a pris plaisir ces annéeslà à écrire pour les autres, les Gréco, Macias ou Salvador : “Travailler pour les autres m’apporte énormément en inspiration”. Comment chez lui le processus de création ne s’apparente en rien à du stakhanovisme. Sa technique, c’est d’avoir beaucoup de chansons d’avance. “Je laisse venir les choses comme elles viennent, car je sais que j’ai cette sécurité derrière. Je glande à la maison, je prends un texte, je me mets au piano. Je peux saisir n’importe quel bout pour tisser une chanson. Ca peut venir d’un loop de basse. Ou parfois, dans une conversation, il y a des mots, un ton qui me plaisent, et j’ai envie de quitter tout le monde pour m’isoler.” Ce qui ne l’empêche pas d’être en proie au doute. “Si je passe une semaine sans écrire une chanson, je me dis que je suis fini. J’ai besoin de faire des chansons pour me rassurer. J’ai peur que ça s’en aille. La création est un phénomène qu’il faut stimuler tout le temps.” Chez Mengo, une chanson, comme une carrière ou une journée de travail, tout se gère au même tempo. Le portrait est donc celui d’un homme d’une étonnante discrétion. Discrétion qu’il revendique dans ses actes autant qu’il la sublime dans sa musique. À la ville comme à la scène. Avec des allures de dandy latin néoromantique, il aurait pu s’assurer un solide périmètre de notoriété sur les plateaux de télé. Il aurait pu s’engouffrer dans la brèche ouverte par d’autres d’un Toulouse étiqueté artiste et rebelle. Mais non. Les médias ? “La mise en vitrine de l’image ne me convient pas, assure Art Mengo, je veux qu’on me regarde comme quelqu’un d’ordinaire.” La Ville Rose ? “Je ne suis pas un des artistes leaders toulousains. On en rigole avec les Zebda, mais moi, je suis plutôt en marge. Mon affection pour Toulouse est davantage liée à ma tribu qu’à la ville elle-même. Je suis moins au courant qu’avant de ce qui se passe à Toulouse. J’y vais pour acheter des livres ou pour des rendez-vous précis, c’est tout.” Dans ses chansons, il exalte ce même instinct pour le repli et la confidence. Jusque dans ce nouvel album où, usant de la polysémie du mot “discrétion”, il écrit et chante : “Je suis votre amant réservé / et je vous aime à discrétion / d’un amour tenu si secret / que vous l’ignorez sans façon” (Entre mes guillemets). Cette fois, Art Mengo a ainsi choisi de prendre refuge “entre ses guillemets”. Manière de souligner par ce titre d’album que le compositeur/arrangeur/interprète s’est désormais fait auteur. Trois titres sont en effet signés Art Mengo pour la première fois, tandis que Marc Estève, comme dans “La Vie de château”, reste à l’origine de la plupart des autres textes. “J’ai toujours aimé les mots, surtout les mots des autres, explique le chanteur. Je suis admiratif des gens qui ont ce talent-là. Mais aujourd’hui, je fais tomber le masque et j’ose chanter mes propres mots. Pour la première fois, j’ai eu des blocs entiers – paroles et musique – qui me sont arrivés.” Cet album, Mengo l’a voulu différent, à la fois dans l’écriture et la manière de procéder. “J’essaye de me renouveler le plus possible, pour ne pas saturer, pour être vrai, pour être sincère. J’ai délégué un peu plus à mon équipe. Je me suis investi autrement et ailleurs, dans les mots, la forme des chansons.” L’orchestration se veut plus acoustique. “ Les programmations ont servi aux musiciens pour s’en inspirer, mais elles ne sont pas restées, explique le maître d’œuvre. J’ai voulu faire un disque qui ressemble à la scène.” Différent, l’album l’est aussi dans le ton et le propos : “Dans la trentaine, j’étais plus mélancolique, plus grave dans les sujets. Aujourd’hui, à quarantequatre ans, j’ai envie de plus de légèreté.” Le public, lui, découvrira un onze titres très convaincant, plus mélodique, plus en relief, peut-être moins triste que les précédentes livraisons, avec des refrains pénétrants dès la première écoute. Un album où il est souvent question de départs, celui de l’un (Je Art Mengo ne voyage pas, je pars), celui de l’autre (“J’aurais tant de choses à perdre si tu partais”, Si tu partais). Où le thème des amours, du voyage et du temps mêlés (Heures érogènes, Une passerelle) côtoient les ambiances oniriques du monde de la nuit (Un jour comme les autres) et des chansons à la facture plus ludique (un acrostiche : Je voulais dire je t’aime). Et où l’artiste manie toujours avec magnificence la métaphore féminine : “La nuit, être son livre de chevet, je saurai / tous ses petits grains de folie, ses ouragans, j’essuierai” (Embargo) et surtout “New York à deux jours de l’hiver est une femme belle et pressée” (New York à nos amours, notre titre préféré). Quinze ans après Les Parfums de sa vie, son premier succès (“Je l’ai tant aimée… ”), l’émotion poétique reste à fleur de peau, et nous, on adore… /// ///ART MENGO EN CONCERT > à Orthez le 9/03 > à Toulouse Halle aux Grains le 24/10 > à Bordeaux Théâtre Fémina le 28/03 Locations points de vente habituels Art Mengo Entre mes guillemets Polydor (sortie le 30 janvier) ART MENGO À BIARRITZ > Le Carlina Lodge C’est un hôtel pas très connu en front de mer où je donne parfois mes rendez-vous. Je suis un Méditerranéen, mais j’aime capter cette énergie de l’Atlantique qui m’inspire et me file la pêche. J’aime la pluie à Biarritz, j’aime m’endormir bercé par l’océan. Boulevard Prince de Galles T. 05 59 24 42 14 À FLOURENS > Le Petit Cab (resto-guinguette au bord d’un lac à l’Est de Toulouse, ambiance Belle Epoque, cèpes et foie gras). C’est le début du Lauragais, j’y viens à pieds depuis chez moi. Je suis un amoureux de notre campagne du Sud-Ouest. T. 05 61 83 63 34 EN ARIÈGE > La région de Castelnau-Durban (village de montagne près de Saint-Girons, au pied des Pyrénées ariégeoises). La désertification de l’Ariège me fait entrer dans un blues terriblement créateur, et j’aime ça. Site web : www.art-mengo.net cdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcdcd //////pause deux///////////////////////////////////////musica select 13 › › › DOWN TO THE BONE An acoustic tribute to Depeche Mode Sylvain Chauveau & Ensemble Nocturne Chez DSA Le titre du nouvel album de Sylvain Chauveau annonce d’emblée la couleur : Down to the bone, dépouiller jusqu’à l’os les chansons de Depeche Mode pour mieux les intégrer dans l’univers musical minimaliste qui est celui de l’artiste. Un album de reprises, loin des sonorités electro-pop et dansantes originelles, qui risque de surprendre les fans habituels du groupe anglais. Débarbouillées de l’armada des synthétiseurs et des rythmiques emblématiques de Depeche Mode, restent des mélodies simples et poignantes portées par la voix de Sylvain Chauveau et mises en valeur par des arrangements subtils, tantôt denses, tantôt dépouillés, sur des accompagnements de piano et cordes avec des échappées de clarinette. Une atmosphère intimiste et poétique qui rappelle celle des précédents albums du jeune compositeur, dans la lignée de Satie, Mark Hollis ou Brian Eno. Parmi les onze chansons puisées dans le répertoire de Depeche Mode figurent des classiques incontournables comme Enjoy the silence ou Never let me down again, mais aussi des moins connues comme le sublime morceau In your room. Un album surprenant, ambitieux et osé, dans lequel se marient brillamment deux univers musicaux totalement éloignés. www.sylvainchauveau.net et www.dsa-wave.com EXPERIMENTS IN AMBIANT SOUL The Dining Rooms Chez Ishtar, distribué par Bonsaï Music Stefano Ghittoni et Cesare Malfati, issus de la scène punk/new-wave milanaise, ont donné naissance au groupe The Dining Rooms en 1998 qui mélangeait a ses débuts des rythmes Hip Hop et Funcky teintés de guitares blues, avec des claviers mélancoliques. Très préoccupé par les images et influences Jazz, The Dining Roms s’affirme avec son quatrième album Experiments in Ambient Soul aux tonalités plus soul and pop. Comme son nom le laisse penser, la musique distillée par les deux compères avec l’apport d’autres artistes comme Don Freeman, Sean Martin ou Marta Collica, s’écoule cool en buvant un verre au comptoir d’un bar en bord de mer ou la nuit dans des lieux propices aux voyages raffinés, ou plus si affinités. www.bonsaimusic.fr MESK ELIL Souad Massi Chez Universal Music Pour son troisième album Souad Massi exhale les souvenirs de son enfance en Algérie et s’enivre du chèvrefeuille (mesk elil), cette plante fleurie au doux parfum. On retrouve sa voix sensuelle, claire et pure la finesse de timbre à la Fairouz et son style ample, éthéré et intimiste. L’album est un mélange subtil de variété algérienne, de folk agrémenté d’une pincée de raï, de sonorités capverdiennes sans oublier des touches de flamenco. Le tout est emporté par des cordes grandioses dignes d’une orchestration pour Oum Kalsoum et “shaké” habilement par le producteur de Bashung et de Salif Keita. Nostalgiques, les chansons gardent toujours une légèreté, une joie intérieure communicative due au rythme envoûtant et à cette voix profondément maghrébine mais ouverte au monde. www.souadmassi.artistes.universalmusic.fr