Auxerre - COSOTer

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Auxerre - COSOTer
N° 7
Juillet 200
9
AUXERRE
Les Brichères
Un quartier durable après rénovation urbaine
Auxerre, 40 000 habitants, chef-lieu de l’Yonne. Ville d’art et d’histoire. Ville populaire aussi, avec ses deux zones
urbaines sensibles : Rive-droite, et les Hauts-d’Auxerre qui comptent quatre quartiers dont les Brichères : hier, une
banale cité aux confins de la commune, hérissée de trois tours et de deux barres vieillissantes, à l’image de beaucoup
d’autres ; aujourd’hui, un éco-quartier de référence, faisant apparemment le bonheur des habitants relogés. Entre
les deux, une rénovation urbaine d’un genre nouveau. Retour sur quelques secrets de fabrication, à l’occasion d’une
visite de terrain organisée par Villes au Carré le 2 juillet 2009.
Une volonté politique
Au départ de l’opération, il y a la vision et la volonté
politique de l’équipe municipale élue, emmenée par le
maire Guy Ferez, adjoint à l’urbanisme au cours d’une
mandature précédente. Un maire qui va non seulement
s’engager très vite dans la rénovation urbaine mais qui va
aussi se donner en peu d’années les moyens d’un projet
urbain de grande ampleur : PADD et PLU, PRU, PLH, PDU,
Agenda 21 s’enclenchent ainsi en moins de 4 ans, jetant
les bases d’une culture partagée du développement et
de l’aménagement durables entre élus et techniciens de
la commune. Culture qui trouvera aux Brichères, un site
d’intervention privilégié.
années 60, et le décalage existant avec les attentes de la
population.
Mais ce quartier peu favorisé offre aussi un réel potentiel
à une opération se donnant pour premiers objectifs de
« dé-densifier » et de « requalifier » le secteur : d’abord de
réelles disponibilités foncières permettant à la commune
un desserrement et une recomposition effectifs. Ensuite,
un potentiel naturel et paysager jusqu’ici peu mis en
valeur : déclivité naturelle, chênaies, jardins familiaux,
présence de l’eau, perspectives sur la campagne… La
décision est prise dès 2003 de démolir les 3 tours et de
réhabiliter les 2 barres. Mais le projet d’éco-quartier
trouve véritablement sa source dans ces possibilités
oubliées que l’histoire urbaine locale de l’après-guerre
avait recouvertes.
« Notre siècle sera celui de la ville… une ville
qui réconcilie l’homme avec son histoire et son
environnement. L’éco-quartier des Brichères porte Concertation et participation à tous les étages
cetteambition.»
Autre particularité du projet : la volonté d’associer les
Guy Ferez, Maire d’Auxerre
Des opportunités urbaines
Le diagnostic urbain et social
engagé aux Brichères (1600
habitants, 300 logements,
40% de logement social) dès
2002 confirme l’obsolescence
architecturale et fonctionnelle
des logements hérités des
habitants tout au long du processus de réalisation, grâce
à un dispositif participatif global conçu et mis en place à
l’occasion du PLU. Les réunions de quartier se poursuivent
ainsi avec Serge Renaudie, architecte-urbaniste et
paysagiste chargé du projet global, comme avec Lucien
Kroll, à qui revient de réaliser la première tranche de
logements : les habitants sont appelés à s’exprimer, à
réagir aux premières esquisses, à découvrir les images
de leur futur quartier dans une mise en scène originale
organisée in situ. Explication et pédagogie sont toujours
de mise, car ils doivent non seulement pouvoir peser sur
Auxerre-LesBrichères,unquartierdurableaprèsrénovationurbaine
les choix d’aménagement et de construction, mais aussi
s’approprier les lieux, les habiter individuellement et tous
ensemble, dans la reconnaissance du bien commun et le
respect de l’environnement.
Mais la concertation s’est également déroulée en interne,
au sein des services réorganisés simultanément dans
le sens d’une plus forte transversalité : une évolution
féconde qui permettra à la Direction de l’urbanisme de la
ville d’assurer directement la maîtrise d’ouvrage urbaine
et la maîtrise d’ouvrage opérationnelle des espaces
publics.
La ville a su enfin rassembler autour d’elle l’ensemble de
ses partenaires institutionnels - État, Conseil régional, le
Conseil général, Europe (Feder), ainsi que la Communauté
de communes et bien sûr, l’Office HLM – ainsi que de
nombreux opérateurs et partenaires opérationnels
comme l’ADEME, EDF, GDF, les chambres consulaires...
La nature au cœur du quartier
de flore, des corridors naturels. En bref, c’est un paysage
végétal urbain qui a été recherché et construit, avec ses
équilibres et ses dialogues de volumes, de textures et
de couleurs. Un paysage vivant, mouvant, toujours en
évolution, capable de surmonter toutes les épreuves du
chantier et demain, celles de la vie du quartier. Alors dans
ce quartier, une autre forme de maintenance s’impose :
les jardiniers communaux ont dû apprendre à travailler
autrement et en gestion différenciée, à se passer des
phytosanitaires, à établir des relevés botaniques annuels,
à ne plus exporter leurs déchets verts, à réintroduire des
arbres fruitiers et des plantes naturelles, à prodiguer leurs
conseils aux habitants pour leurs propres jardins. Enfin,
la trame générale de la voirie a suivi le chemin le plus
simple et le plus sûr : celui de l’ancienne trame viaire. A
la pointe de la modernité, l’éco-quartier retisse ainsi le fil
de l’histoire, renouant aux Brichères avec une occupation
deux fois millénaire, ainsi qu’en attestent les vestiges
gallo-romains retrouvés in situ au cours du chantier.
« Touscesaménagementsvisentl’universelquiest
enchacundenous…Ledéveloppementduvégétal
danslesjardinsprivéscommedansl’espacepublic
estunbonvecteurderelationssociales,undomaine
oùlesconnaissancespeuvents’échangeràtoutâge…
L’éco-quartierestdoncunprojeturbainetpaysager
croyantàlapossibilitéd’agrandir,danslanécessité
devivreensemble,lechampdespossibles.»
Serge Renaudie, urbaniste paysagiste,
concepteur des Brichères
Vue sur l’étang des Brichères
Alors que les quartiers urbains ne ménagent d’ordinaire
que des îlots de verdure dans l’œuvre bâtie, l’éco-quartier
recherche d’abord l’intelligence et l’identité du site. Il
s’agit moins alors de trouver des parades aux contraintes
naturelles que d’en épouser et d’en utiliser les propriétés :
pente et lignes de fracture, exposition climatique,
végétation, ressources en eau… Aux Brichères, explique
encore son architecte, on a vraiment inversé le sens de
la démarche habituelle de la construction, en organisant
le quartier autour d’un espace structurant non bâti,
organisant le dialogue des chênaies, des jardins, de l’eau…
des bâtiments et de la campagne mitoyenne. Dans ce
paysage à la fois retrouvé et recréé, le chemin de l’eau
joue un rôle central : une fois exhumée de l’argile la source
de Sainte-Geneviève, la prairie centrale en est devenue le
lit. Et tout un réseau de noues enjambées de passerelles,
a été imaginé pour une gestion naturelle des eaux
pluviales. Au sud et en bas de ce cours, un étang a été bâti
plante par plante, pierre par pierre, ponton par ponton.
Partout au lieu de circulation routière, a prévalu l’idée de
cheminement végétal, de continuités vertes, pour assurer
à la biodiversité et à la circulation des espèces de faune et
Habitat et équipements
environnementale
de
haute
qualité
Trois architectes sont désormais intervenus sur le
programme de logements des Brichères (Lucien Kroll puis
Ignace Griffo et Gilles Passard) sans compter Thierry Leur
pour la réhabilitation et MC2 pour l’équipement public.
Point commun entre tous : avoir répondu à un cahier des
charges environnemental ambitieux (HQE), et sur un parti
d’aménagement privilégiant malgré toute une certaine
compacité urbaine : des logements individuels groupés
Logements individuels superposés
Auxerre-LesBrichères,unquartierdurableaprèsrénovationurbaine
ou superposés sur 2 ou 3 niveaux, disposant chacun d’un
garage, d’un accès privé, d’une terrasse ou d’un jardin.
Chaque maison est unique, avec des volets en bois plein,
colorées ou acajou. On a préféré les matériaux naturels et
locaux : huisseries de bois, toitures de tuiles et parements
de pierre ici et là. Les maisons sont implantées autour
de placettes centrales qui se veulent être des lieux de
rencontre entre voisins. Partout, la rue urbaine étroite a
été conservée, par respect de l’échelle et de l’urbanité.
Enfin l’isolation thermique a été soignée (toitures
végétalisées) et les sources énergétiques diversifiées :
chauffage individuel au gaz mais capteurs solaires pour
l’eau chaude sanitaire. Un puits canadien a été réalisé
pour la climatisation naturelle de la maison de quartier.
Accessibilité sociale
Les logements ont été proposés en priorité aux habitants
des tours démolies en 2007. Une maîtrise d’œuvre
urbaine et sociale (Mous) a été chargée d’accompagner
le relogement des familles, certaines d’entre elles ayant
opté d’emblée pour d’autres quartiers de la ville. Les
déménagements sont pris en charge par l’Office auxerrois
de l’habitat (OAH) qui s’engage aussi à ce que le montant
« loyer + charges » n’augmente pas. Aux Brichères, pas
question de jouer la carte de la gentrification au détriment
des habitants issus du quartier.
Une opération économe
Quand on l’interroge sur les conditions de réussite d’un
Des espaces publics, des services et des activités tel projet, Serge Renaudie répond par un seul mot :
pour un quartier à vivre
« économie ». A contre-courant des idées reçues, qui
Vue sur le terrain de football des Brichères
Les espaces ouverts se prolongent au-delà des vergers par
des jardins maraîchers - qui ont été déplacés pour être
intégrés au projet – aujourd’hui gérés par l’association
d’insertion des Restos du cœur. La campagne est toute
proche. Mais la plaine se termine au nord par un terrain
de football en herbe, et des barbecues ont été aménagés
pour les familles. Un grand espace public vert offre aussi
un plateau de jeux pour les enfants, des terrains de
pétanque et de basket ainsi qu’une maison de quartier,
construite à l’emplacement de la première tour démolie.
À l’entrée de l’éco-quartier, à la contiguïté des premiers
logements et des deux barres réhabilitées, la ville s’apprête
à ouvrir un centre social, une garderie, des équipements
pour les adolescents et les personnes âgées. Plus bas le
long de la même rue, un local collectif résidentiel pour
les réunions d’habitants et les associations. Enfin, des
locaux d’activités viendront borner l’entrée du quartier,
les commerces de proximité seront soutenus, la desserte
routière et en transports en commun sera améliorée à
l’échelle de la ville... car le quartier lui-même privilégie la
marche et la promenade à pied. Même le mobilier urbain
a été choisi avec soin pour limiter les frais d’entretien tout
en préservant une qualité valorisante. L’espace public
est rythmé par des bancs taillés dans le granit, tour à
tour sculptures, jeux, assises pour la discussion… Ainsi,
l’éco-quartier ne vise pas seulement la performance
environnementale mais la qualité de la vie dans toutes
ses dimensions.
évoquent toujours les « surcoûts » de la construction
durable, l’architecte des Brichères met en avant une
conception et une gestion de projet particulièrement
économes des ressources qu’engage habituellement la
réalisation d’un nouveau quartier : économie de discours,
le maire n’ayant annoncé qu’un « quartier à la campagne »,
économie de taille, de procédures et de structures (ni
ZAC, ni SEM ni OPCU) d’opérateurs (seuls l’OAH et la
Foncière). Économie d’études préalables et d’ingénierie
de conception (réalisée principalement en interne), seule
l’hydrologie ayant requis des compétences annexes.
Economie de temps surtout, puisque la production des
logements s’est faite, pour une fois, dans une échéance
temporelle acceptable pour l’habitant.
Le développement durable, une utopie en action
Loin de considérer que cet éco-quartier constitue le nec
plus ultra de ce qu’une ville peut faire en matière de
développement durable, Auxerre poursuit sa démarche
de progrès. Depuis le lancement des Brichères, cette
démarche d’aménagement durable n’a cessé d’inspirer
les autres projets auxerrois, comme la zone d’activités
des Clairions. Le maire et son directeur de l’urbanisme
n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. Un habitat
bio-climatique devrait bientôt voir le jour aux Brichères
mêmes : des bâtiments autonomes en énergie, utilisant
des énergies renouvelables ; des matériaux renouvelables,
recyclables, voire réutilisables, au bilan carbone optimal ;
un habitat valorisant toutes les potentialités du site
naturel ; une relation anticipée de l’homme avec son lieu
de vie, car l’ultime ambition de la démocratie participative
est là : associer en amont de la construction, les habitants
à la conception intérieure de leur futur logement.
Rédaction : Voix Publiques, pour Villes au Carré
Auxerre-LesBrichères,unquartierdurableaprèsrénovationurbaine
Fiche technique
Nature de l’existant et type de projet
Convention ANRU
État existant
Démolitions
Constructions
Réhabilitation et résidentialisation
Population concernée
Réalisation d’un éco-quartier
signée le 4 février 2005
287 logements sociaux : 3 tours (147 logts) et 2 barres (140 logts)
3 tours, soit 147 logements
300 logements dont 200 en locatifs sociaux (+ 30 en locatif libre réalisés par
La Foncière, 30 en accession sociale à la propriété, 30 bio-climatiques en
accession réalisés par la Ville, et 10 en locatif social dans le cadre du Plan
de cohésion sociale)
140 logements
1 889 habitants
Coût total du programme
49,5 m€ (pour une participation ANRU de 11,7 m€)
Partenaires : l’État, le Conseil régional de Bourgogne, le Conseil général de l’Yonne, le Fonds européen de
développement régional (Feder), la Communauté des communes de l’Auxerrois, l’Office auxerrois de l’habitat
Contacts
Guy Férez, maire d’Auxerre – Tél : 03 86 72 43 01 / Pierre Guilbaud, directeur de l’urbanisme – Tél : 03 86 72 44 11
Délais tenus ! Les dates clés de l’opération
2001
Elections municipales
2002
Diagnostic urbain et social des ZUS
2003
Elaboration du PLU, projet de PRU
2003
Serge Renaudie missionné comme urbaniste paysager du projet
Avril 2003
Lancement du concours d’architecture
Juin 2004
Délivrance du 1er permis de construire, démarrage des travaux en septembre
Février 2005
Signature de la convention de rénovation urbaine
Novembre 2005Livraison de la première tranche (27 logements)
Mai 2006
Livraison de la seconde tranche (23 logements)
Juin 2006
Inauguration des 85 parcelles de jardins familiaux
Avril 2007
Réhabilitation des barres + résidentialisation
Juin 2007
Démolition des 3 tours
Fin 2008
170 logements habités
Sources documentaires
Auxerre : rénovation urbaine à haute qualité environnementale (Profession Banlieue)
L’Homme et la ville (Guy Ferez)
Le développement durable facteur d’attractivité des villes moyennes (Pierre Guilbaud)
L’habitat bio-climatique à Auxerre (Pierre Guilbaud)
Les principes de l’éco-quartiers des Brichères (Serge Renaudie)
Observatoire national des agendas 21 locaux et des pratiques territoriales de développement durable (4D)
Participants à la visite de l’éco-quartier des Brichères, organisée par Villes au Carré le 2 juillet 2009
Villes au Carré - 4, allée du Plessis 37000 Tours - Tél. 02 47 61 11 85 - Fax 02 47 20 72 87 - [email protected] - www.villesaucarre.org

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