PAROLE ET DELIBERATION : UN PROJET DE RECHERCHE DU

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PAROLE ET DELIBERATION : UN PROJET DE RECHERCHE DU
PAROLE ET DELIBERATION : UN PROJET DE RECHERCHE DU CENTRE OCE
(EMLYON)
Contact : Eric FAŸ ([email protected])
La perspective de ce thème est de prendre en compte, dans une longue tradition qui va
d’Aristote à Lacan et Vasse, en passant par Augustin, l’être humain comme un être de
parole. La parole manifeste la singularité d’un sujet, son désir, la vie qui l’anime dans sa
relation à l’Autre et devient dialogue dans la réciprocité qu’elle vise. L’ancrage dans une telle
vision de l’homme (une anthropologie du parlêtre) nous conduit à porter une attention
toute particulière à la parole et à l’écoute au travail. Là, dans la parole, le dialogue ou la
délibération des individus singuliers, exerçant des rôles spécifiques, imaginent, inventent,
cadrent ou prolongent, avec et pour d’autres, leur geste ou leur effort (Henry, 1966 ; Vasse,
1969 ; Chanlat, 1990 ; Gély, 2007).
Si la dimension humaine s’exprime dans la parole, il s’agit alors de penser les formes de
conduite de l’action collective, comme des médiations favorables à la parole et l’écoute. Le
déni de ce fondement conduit, qui ne l’observe, à la souffrance. C’est pourquoi l’intention
propositionnelle des travaux développés dans cette thématique est la suivante : concevoir
des disposition et des dispositifs de management, des langages de l’action incluant sa
dimension objective, qui s’articulent à la parole subjective de ceux qui exercent divers rôles
dans les organisations. Un travail fondateur pour cette recherche à été de mettre au jour
l’ancrage, les composantes et modalités d’une « délibération ouverte » à la subjectivité (Faÿ,
1999, 2004, 2005).
A partir de là, les recherches à venir de cette thématique travail, parole et délibération
ouverte viseront à donner une meilleure place à la parole et à la délibération ouverte dans
les pratiques du management, telles que :
- L’évaluation des salariés ;
- Les relations des managers avec leurs équipes lors de prises de décision relative à des
situations singulières et contingentes, à des ruptures ;
- La conception et la conduite des transformations de l’organisation, des projets
innovants ;
- etc.
Ces recherches, descriptives et propositionnelles, exploreront la dimension humaine du rôle
de manager en s’appuyant principalement sur les approches des sciences humaines
(anthropologie psychanalytique de Lacan et Vasse) et de la philosophie (phénoménologie de
Henry) qui voient l’être humain comme un être de parole. Les paradigmes de recherche de
référence sont le paradigme interprétatif et le paradigme constructiviste.
L’acuité et la nécessité d’une telle recherche nous viennent des nombreux travaux critiques
qui ont montré comment diverses maltraitance de la parole conduisait à des formes de
souffrance au travail : la double contrainte(Bateson, 1973), la violence douce des mots qui
cachent d’énormes contraintes (Courpasson, 2000); les formes de langage qui conduisent à
l’emprise de l’organisation (Pagès et al., 1979), à des processus disciplinaires (Roberts,
2005); ou plus couramment les langages opérationnels, abstraits et objectifs qui dénient
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l’expérience vécue (Bouchard, 1990; Stein, 2001)… tout comme le langage des chiffres
(Allcorn, Baum, Diamond, Stein, 1996) ou bien le langage managérial formaté par des
stéréotypes abstraits issus de l’économie (Dejours, 1998) qui conduisent à des décisions
dévastatrices. Adviennent aussi dans l’organisation un le langage politiquement correct qui
conduit au nihilisme et à la destruction de la parole (Schwartz, 2002) ou bien, comme nous
l’avons mis au jour, des formes de dérision où la parole subjective est faussement mise en
avant pour ensuite être niée par des langages objectivants(Faÿ, 2004).
En lien avec d’autres, contribuant à repenser les liens entre parole du sujet et langages de la
conduite de l’action, du management, la thématique travail, parole et délibération ouverte,
apportera des fondements et une contribution à la réflexion sur la responsabilité sociale des
managers, d’une part ,et à l’élaboration d’un management humainement durable, d’autre
part.
TRAVAUX PUBLIES
Faÿ E., (2004) Information, parole et délibération. L'entreprise et la question de l'homme.
Préface A. C. Martinet, Presses de L'université de Laval, Sainte Foy Québec, 231p.
Faÿ, E., (2005) « Life, Speech and Reason a Phenomenology of Open Deliberation”,
Ephemera, 5 (3): 472-498
Faÿ, E., Riot P. (2007) "Phenomenological approaches to work, life and responsibility",
Society and Business Review Vol.2 Issue: 2, pp.145 -152.
Faÿ, E. (2007) "A critical and phenomenological genealogy of the question of the real in
Western economics and management", Society and Business Review, Vol.2 Issue: 2 pp. 193203.
Faÿ, E. (2008) "Derision and Management", Organization, 15 (6), 831-850.
Faÿ E., (2009) “Organisation virtuelle, travail réel. Une contribution basée sur la
phénoménologie de Michel Henry », numéro spécial Michel Henry, R. Kuhn, J. Hatem Eds,
Studia Phaenomenologica (IX) 403-428.
Faÿ, E., Introna, L., Puyou, F.R. (2010) " Living with numbers: Accounting for subjectivity
in/with management accounting systems", Information and Organization,20 (1), 21-43.
Vaara, E., Faÿ, E. (2011) “How can a Bourdieusian perspective aid the analysis of MBA
education?”, Academy of Management Learning and Education, 10 (1), 27-39.
Bevan, D., Corvellec, H., Faÿ, E. Eds. (2011), Special Issue, “Responsibility Beyond CSR”,
Journal of Business Ethics, 101:1-4.
Faÿ E., (2011) Vers des formes de gestion « durables ». Contributions d’un ancrage
phénoménologique et anthropologique à la recherche en gestion. HDR es Sciences de
Gestion, Dir. J. F. Chanlat, Université Paris Dauphine, 158 p.
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REFERENCES
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Allcorn, S., Baum, HS., Diamond, M. and Stein, HF. (1996) The Human Cost of a
Management Failure: Organizational Downsizing at General Hospital. Westport:
Bateson, G. (1972) Steps to an Ecology of Mind. New York: Ballantine.
Bouchard, S. (1990) ‘Simple symbole - De l’efficacité pratique des systèmes symboliques
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Chanlat, J.F.(1990) « L’être humain, un être de parole » in Chanlat J.F., Dir., L’individu
dans les organisations, les dimensions oubliées, Presses de l’Université de Laval, Paris : Ed.
Eska.
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