Le traitement des inégalités dans les établissements, reportages
Transcription
Le traitement des inégalités dans les établissements, reportages
dossier INÉGALITÉS À L’ÉCOLE Collège Pierre Perrin à Tremblay TOUS ÉGAUX GRÂCE À LA GRAVURE ET À L’ÉCRITURE Le collège Pierre Perrin à Tremblay est engagé dans une opération d’écriture et de gravure avec l’association ATD Quart Monde. Objectif : un brassage culturel entre les familles du collège. Serge Bouvier, professeur d’arts plastiques au collège et Nathalie Gendre, permanente de l’association ATD Quart Monde (ici avec Perrine Paris et Yvette Parlot, bénévoles) : “la création n’a pas de frontières socio-culturelles”. d’ATD Quart Monde du canton d’Antrain. Durant trois jours, les enfants “ruraux” ont montré qu’ils pouvaient créer des œuvres de qualité et s’exprimer devant un public “très urbain” de parisiens. “On nous a fait confiance. Il n’y avait pas de différence entre nous”, racontait une des jeunes collégiennes en rentrant de son séjour dans la capitale. LE DROIT DE CRÉER Il y a un peu plus d’un an, en février 1999, une vingtaine d’élèves et de membres de l’association ATD Quart Monde ont présenté leurs travaux de gravure et d’écriture à la cité des sciences et de la Villette à Paris à l’occasion des journées du “Livre contre la misère”. Ce moment fort était l’aboutissement de quatre années de travail entre l’atelier de pratique artistique Gravure du collège Pierre Perrin à Tremblay et l’atelier d’écriture Un réseau de compétences Douze kilomètres séparent les collèges de Saint-Brice-en-Cogles et de Tremblay. Arrivés conjointement en 1998, Marie Morel et Claude Jabot, chefs d’établissement, ont été confrontés aux mêmes constats de ruralité et aux mêmes interlocuteurs : la DRAC, le FRAC, les collectivités et en particulier une association “Mairie conseils” leur permettant de proposer tout type de projets par le biais du syndicat mixte des Marches de Bretagne. D’emblée, ils ont donc décidé de mutualiser leurs compétences. “Le collège de Saint-Briceen-Cogles possède une section européenne avec un réseau de correspondants étrangers, une galerie d’art à vocation pédagogique. Celui de Tremblay un pôle artistique et technologique avec des compétences dans le domaine d’internet”, souligne Claude Jabot, principal du collège coglais. “De plus, nous partageons du personnel : intendant, enseignants en service partagé ce qui facilite la liaison et le développement de projets communs. Le voyage que nous organisons ensemble au Québec est un premier exemple de notre collaboration”. S’ils n’en sont qu’aux balbutiements, à terme, les deux établissements souhaiteraient développer un volet commun dans leur projet d’établissement. Le partenariat entre l’association et le collège est né d’un désir commun de lutter contre un déficit socio-culturel du canton d’Antrain à travers la réalisation de productions plastiques. “Nos deux démarches artistiques visaient un même objectif : réaliser un brassage culturel entre des enfants de familles modestes et plus aisées. La création n’a pas de frontières socio-culturelles”, expliquent Nathalie Gendre, permanente de l’association ATD Quart Monde et Serge Bouvier, professeur d’arts plastiques du collège, chevilles ouvrières de ce projet. Plusieurs mercredis par mois, des élèves du canton d’Antrain se sont ainsi retrouvés à l’atelier d’écriture d’ATD Quart Monde puis à celui de gravure du col- lège. Les textes étaient élaborés avec l’aide d’une écrivaine Nicole Laurent Catrice, puis les élèves apprenaient les techniques de gravure, encadrés par Serge Bouvier et Hervé Aussan, graveur. Si l’opération a permis de faire travailler ensemble des enfants de milieux différents, elle a surtout donné aux familles une occasion d’entrer à l’école en dehors d’un contexte scolaire. “Les parents venaient chercher leurs enfants, regardaient leurs travaux, et peu à peu entraient dans l’école. À travers les enfants, c’est un travail de rupture de l’isolement des familles et de liaison entre les familles et l’école que nous réalisons”, explique Nathalie Gendre. “Dans le canton, en dehors du sport, il y a peu d’activités extra-scolaires : chacune pose en effet le problème du coût, du déplacement et du manque de motivation”, poursuit Yvette Parlot, institutrice en retraite et bénévole d’ATD Quart Monde. A TERME, POSITIVER SON IMAGE Cette opération s’est révélée en fait le point de départ d’une réflexion approfondie. Situé en zone rurale, à 40 kilomètres de Rennes sur la route de Caen, le collège Pierre Perrin à Tremblay scolarise 210 élèves et possède le seul internat public sans spécificité du département. À ce titre, il accueille des jeunes en grande difficulté scolaire ou sociale. Le collège a décidé de faire de l’ouverture culturelle un combat de chaque instant et a cherché à positiver son image. “Nous avions des atouts dans le domaine des arts plastiques et de la technologie, grâce au travail réalisé par deux enseignants”, explique Marie Morel, 7 bloc notes / ◆ MARS 2000 ATD Quart Monde : Rompre l’isolement des familles les plus pauvres L’association ATD Quart Monde est implantée à Rennes depuis 1985. L’antenne coordonne les actions de Brest, Saint-Brieuc et Laval. Ses objectifs sont de rencontrer des familles en grande pauvreté, en ville et à la campagne, notamment autour d’actions à dominante culturelle : bibliothèques de rue, universités populaires, ateliers de pratiques artistiques… “Notre ambition est de rompre l’isolement dans lequel se trouvent les familles les plus pauvres et de faire comprendre que nous sommes tous des citoyens à part entière”, explique Hervé Lefeuvre, permanent de l’association à Rennes. “Nous menons plusieurs projets avec des écoles et des collèges, des responsables éducatifs comme l’IUFM. Ces familles en difficulté, qui ont eu le plus souvent un vécu extrêmement pénible avec cette institution, ont compris que l’école représente un enjeu considérable pour leurs enfants mais aussi pour eux, adultes”. Les universités populaires auxquelles participent 80 familles de toute la Bretagne démontrent ainsi qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre. ATD Quart Monde souhaiterait maintenant développer un partenariat plus étroit avec l’IUFM de Bretagne pour aider les enseignants à mieux connaître et comprendre les familles en grande pauvreté. Séance de travail pour les élèves de l’option Image et média principale du collège. En 1998, un parcours pédagogique diversifié Pratiques artistiques se crée, axé sur la gravure, la technologie (les collégiens numérisent leurs gravures et les présentent sur Internet), et le français pour l’écriture des textes d’accompagnement. À la rentrée dernière, grâce au soutien de l’inspection académique d’Ille-et-Vilaine, une option Image et média s’ouvre en classe de quatrième. Les douze élèves qui la fréquentent ont ainsi déjà eu l’occasion de découvrir le patrimoine du Mont-SaintMichel et de réaliser une vidéo durant leur sortie avec l’aide de lycéens en section Cinéma de Bréquigny à Rennes. Tous iront également au Québec cette année avec d’autres élèves du collège de Saint-Briceen-Cogles avec lequel le collège s’engage dans une démarche de mutualisation de compétences (voir ci-contre). Pour lutter contre “un manque d’ambition des jeunes, une pauvreté culturelle, des rapports complexes avec les familles”, Marie Morel est convaincue de la nécessité de s’impliquer dans la vie du canton, de travailler bien sûr avec la municipalité, mais aussi de connaître les familles, les habitants de la commune, les commerçants de Tremblay. “C’est une question de crédibilité”. La principale a ainsi choisi d’habiter sur place et se réjouit de voir des enseignants suivre cet exemple. NATHALIE LE GARJEAN dossier INÉGALITÉS À L’ÉCOLE La zone d’éducation prioritaire de Brest Proche des besoins des élèves UN CONTRAT POUR RÉUSSIR La zone d’éducation prioritaire de Brest existe depuis bientôt 20 ans. À la rentrée dernière, elle a publié des résultats préoccupants sur la réussite scolaire de ses élèves. Une situation contre laquelle la ZEP veut réagir avec une nouvelle arme : le contrat de réussite. établissement à l’autre. Depuis toutes ces années, les collèges ont essayé de s’adapter, au mieux, aux problèmes particuliers de leur environnement. Les directeurs d’écoles et principaux de collèges ont pris l’habitude de travailler en conseil de zones. “Ce fonctionnement en équipe nous permet de répartir les moyens attribués à la ZEP sur la base des projets (70 %) et des effectifs (30 %)”, détaille Gérard Ferrec, inspecteur de la circonscription. Le contrat de réussite a été signé pour trois ans. Un bilan d’étape sera effectué chaque année : l’occasion d’amorcer une culture d’évaluation réciproque entre les établissements et l’institution. BIEN VIVRE EN GROUPE Réfléchir sur la tolérance à travers des saynètes créées par les jeunes. Le contrat de réussite de la ZEP de Brest a été signé en janvier dernier. Il est l’aboutissement d’un travail de fond entre tous les partenaires concernés par la réussite des élèves : écoles, collèges, inspection académique, rectorat. Claire Engrand est coordonnatrice de la ZEP et chargée de mission au contrat de ville (1). Depuis quatre ans, avec un œil attentif sur l’ensemble des écoles et collèges de Brest, elle étudie, évalue, coordonne et mobilise tous les acteurs. Les collèges Kéranroux, Kerhallet et Kérichen font partie de la ZEP depuis 1982. Pourtant leur situation n’est pas identique : public d’élèves, profils des enseignants, liaison avec les écoles et le quartier varient sensiblement d’un CONSTATS PRÉOCCUPANTS “Fuite d’élèves vers d’autres établissements, échec massif en sixième des élèves des écoles de la ZEP, le diagnostic réalisé à l’occasion du contrat de réussite a mis en évidence les difficultés sociales et scolaires de la ZEP”, analyse Claire Engrand, sur la base de l’étude d’une cohorte de 85 élèves. Ces données affichées dans le contrat ont été présentées à l’ensemble des parents d’élèves, des partenaires socio-éducatifs et des collectivités. “Cela n’a pas été sans susciter de très vives réactions de leur part, mais nous souhaitions jouer la carte de la transparence complète et retrouver la confiance des familles”. La ZEP a donc décidé d’axer tous ses efforts sur le premier degré et la sixième. “Notre ambition est de préserver une certaine mixité sociale à l’intérieur de chaque établissement et donc d’enrayer la fuite d’élèves d’ici trois ans”, explique Claire Engrand. Dans le cadre du contrat de réussite, les collèges de Kéranroux, Kerhallet et Kérichen réaffirment l’importance des apprentissages fondamentaux et de l’éducation du futur citoyen. Selon le cas, ils vont développer des actions d’apprentissage, mettre en place ou développer des actions de liaison entre instituteurs et professeurs de collèges : rencontres, réunions, formations communes. À Kérichen, un travail de fond sur les nouveaux bulletins d’évaluation de sixième est mené avec les enseignants. L’un des objectifs du contrat de réussite du collège Kéranroux, est de développer la cohérence entre adultes. “Il s’agit d’établir un climat de travail respectueux et serein”, explique Stéphane Sachet, principal du collège. Ainsi, plusieurs actions ont été organisées depuis la rentrée dernière. Des rencontres avec un pédopsychiatre ont été proposées à tous les personnels du collège afin d’aider ces adultes à bien se positionner face au comportement souvent difficile des enfants et des adolescents. “Ces réunions sont très appréciées”, souligne le principal. Une commission “bienêtre” fonctionne au collège avec un intervenant de l’équipe départementale d’animation pédagogique (EDAP). Elle permet à ses membres — personnels, représentants des parents d’élèves, délégués élèves — de participer à la réécriture du règlement intérieur du collège et à son appropriation par tous. “Dix-huit personnes : professeurs, aideéducateurs, personnels ATOS, surveillants et Nicole Royant est enseignante de français au collège Kérichen depuis treize ans. “Nous avons réellement pris conscience de notre statut de ZEP vers 1990. À cette époque, on apportait un soutien particulier aux élèves de sixième et cinquième en difficulté avec quelques heures d’enseignement supplémentaires en français, en mathématiques, en anglais”. Des ateliers étaient également organisés pour les quatrièmes. Cette démarche dura cinq ans. “Certains enfants en tiraient profit. Pour d’autres, c’était trop dur et insuffisant. Mais le plus ennuyeux était que cette heure en plus les étiquetait comme élèves faibles, ce qu’ils rejetaient”. En 1995, par le biais de classes bilangues, des classes de niveaux ont été réintroduites. “Si le soutien ne suffisait pas dans les classes difficiles, les moyens supplémentaires accordés au titre de la ZEP et grâce au contrat de ville nous permettaient de mettre en place des activités originales et de faire venir des intervenants extérieurs”. Les élèves ont ainsi pu travailler avec un écrivain, un mime, participer à de nombreuses opérations de “lecture-écriture”. Avantages : l’amélioration de l’image de ces classes et des comportements agités des élèves. Inconvénient : ces activités restaient dans le domaine péri-éducatif. L’école ne peut pas tout Aujourd’hui, Nicole Royant a en charge la remédiation en sixième. Chaque semaine, elle prend en charge un groupe de huit élèves en fonction de leurs résultats aux tests d’évaluation. “Chaque mois, je sollicite d’autres élèves pour faire rouler les effectifs : deux classes et demi au total. Depuis la rentrée, une élève est sortie du groupe avec un réel profit. Mais pour la plupart des autres, ce travail est insuffisant, ces jeunes auraient besoin d’un suivi individuel”. Ceux qui le souhaitent peuvent bénéficier d’une aide aux devoirs “mais ils n’en profitent pas beaucoup : ils considèrent cela comme une activité supplémentaire”. Malgré un sentiment d’impuissance, “l’école ne peut résoudre toutes les difficultés sociales endurées par ces élèves”, l’enseignante de français admet que ce suivi en petit groupe lui permet de mieux connaître et valoriser les élèves qui lui sont confiés : les siens et ceux des autres classes. “Avec des sujets d’actualité, j’essaye également de leur faire prendre conscience de l’importance de l’école”. Pour Jean-Pierre Petton, principal-adjoint du collège Kérichen, les premiers bilans de fonctionnement de la remédiation en mathématiques et en français sont assez positifs, mais il rencontre des difficultés croissantes à impliquer des enseignants dans cette activité effectuée en heures supplémentaires. parents d’élèves ont participé à notre récente demi-journée de formation”, se réjouit Stéphane Sachet. Enfin, le 15 février dernier, et pour préparer une semaine d’action citoyenne en avril, une troupe de théâtre Charivari a organisé une animation sur la citoyenneté. Le matin, une heure a été banalisée en classe pour que chacun puisse réfléchir sur des mots : violence, racisme, harcèlement moral, racket… ou au contraire, tolérance, respect, écoute… Toute l’après-midi, les élèves ont créé et joué des saynètes sur ces thèmes. “Ces opérations ne sont que quelques exemples mais toutes doivent nous aider à former un élève citoyen et responsable”, espère le principal. “La diminution du nombre des sanctions et des comportements d’incivilité, le taux de participation des adultes nous serviront d’indicateurs d’évaluation”. (1) L’axe éducation et formation du contrat de ville, signé dans le cadre de la politique partenariale de l’État, permet de coordonner l’action des établissements du premier et du second degré et de disposer d’une enveloppe financière. 8 bloc notes / ◆ MARS 2000 NATHALIE LE GARJEAN dossier INÉGALITÉS À L’ÉCOLE Des métiers de garçons pour les filles UNE QUESTION DE MENTALITÉ Une exposition “pourquoi pas elles ?” démontre que des filles peuvent exercer des métiers dits masculins. À l’initiative de Nicole Guenneuguès, chargée de mission “égalité des chances entre les filles et les garçons”, les animatrices de l’Institut breton d’éducation permanente (IBEP) ont proposé à plusieurs collèges de l’académie de présenter une exposition “pourquoi pas elles ?” sensibilisant les filles à l’exercice de métiers dits masculins. Avec les collèges Pen Ar Cleuz à Brest et Kerdurand à Riantec, le collège Malifeu à Rennes a présenté cette exposition à ses élèves et organisé une rencontre avec une vingtaine d’élèves représentant leurs camarades de quatrième. À Malifeu, (320 élèves dont 6 handicapés), l’opération s’intègre dans un projet global de découverte des métiers et de respect des différences. Pour l’équipe des trois professeurs principaux : Marie-Rose Brissot, Valérie Juiff et Valentina Massiot, il s’agit de “lutter contre les préjugés qui excluent les femmes de certains métiers”. Conscientes qu’en ce domaine leurs ambitions ne peuvent être que modestes, les enseignantes espèrent contribuer à modifier la représentation que filles et garçons véhiculent de ces métiers traditionnellement réservés aux hommes. Depuis la rentrée 1999, les élèves de quatrième ont ainsi participé au Salon des arts et des métiers en octobre, à Univers métiers en mars, visité le CIDF, rencontré un directeur du centre de formation des apprentis, et entendu, au lycée professionnel Mendès-France à Rennes, les témoignages de filles minoritaires dans leur formation. “Chacune de ces visites ou rencontres fait l’objet d’un travail préparatoire et d’une exploitation sous la forme d’une vidéo ou d’une exposition”, précisent les trois professeurs principaux. EXPOSITION ET RENCONTRE Albane, Nadia et Geneviève, trois anciennes stagiaires de l’IBEP, accompagnées des deux animatrices, Françoise Le Verge et Johanna Bayle, ont témoigné de leurs parcours professionnels devant un public de quinze filles et garçons. Toutes trois sont mariées et mamans. À 30 ans, Albane vient d’être recrutée comme carreleuse dans une entreprise de bâtiment. “J’ai une maîtrise de langues étrangères appliquées et j’étais assistante de direction commerciale dans une société d’export pendant plusieurs années, mais ce travail ne me plaisait pas et j’ai décidé de me réorienter. J’ai pris contact avec l’IBEP après avoir lu un article sur cet organisme. J’ai choisi de me réorienter dans le secteur du bâtiment et j’ai obtenu un CAP de Carreleur”. CONTACTS : • IBEP: Institut Breton d’éducation permanente, 176 rue Jean Jaurès - 29200 Brest. – Tél. : 0298463343 – Mél : [email protected] • Nicole Guenneuguès, chargée de mission pour l’égalité entre les filles et les garçons - SAIO rectorat. – Mél : [email protected] Nadia, titulaire d’un BEP de Comptabilitégestion a travaillé dans le prêt-à-porter, avant de décider de s’arrêter pour réfléchir à ce qu’elle voulait réellement faire. “La mission locale m’a orientée vers l’IBEP où, à travers différents stages en entreprise, je me suis rendue compte que je m’intéressais à la gestion des stocks en entreprise, que j’aimais manipuler le chariot élévateur, organiser le rayonnage. J’ai obtenu un BEP de Magasinage. Je travaille dans une entreprise de peintures pour professionnels et je vais passer une licence de cariste. J’ai vraiment trouvé ce que j’aimais faire”. Enfin Geneviève, sans formation, a découvert le métier de peintre en bâtiment à 35 ans, “Je travaille depuis 7 mois et tout se passe très bien”. Face à ces jeunes femmes, les élèves de quatrième très attentifs s’interrogent sur les questions de gardes des enfants, sur la difficulté de trouver un stage, puis un emploi, sur les conditions de travail… Les réponses sont claires : “Après un moment de curiosité, les chefs d’entreprise nous acceptent très bien. Certains recherchent même des femmes pour assurer des tâches méticuleuses. Mais nous ne sommes pas dupes, il y a actuellement de la place pour les femmes parce qu’ils ne trouvent plus suffisamment d’employés. Quand aux collègues, passé une période de provocation, ils nous considèrent comme leurs égaux.” Nadia, d’origine marocaine, a dû se battre un peu plus au sein même de sa famille qui acceptait difficilement de voir une fille, une sœur ou une épouse travailler dans un univers masculin. “J’ai dû faire comprendre à ma mère que j’étais comme elle : au-delà des apparences, c’était elle qui gérait le foyer”. Toutes trois ont réussi à convaincre leur entourage que l’essentiel était de faire une activité que l’on aime et d’être satisfait de soi chaque soir en rentrant à la maison. Un message apparemment très bien reçu par les collégiens et en particulier par une élève dont la grand-mère était routière ! De très belles peintures sur bois de couleurs vives constituent cette exposition. Sous chacune d’elles, une fiche d’identité : “Guilaine, 35 ans, BEP secrétariat, a travaillé comme serveuse, technicienne de surface, mère au foyer. Aujourd’hui carreleuse après avoir obtenu un CAP carrelage”. Ce travail a été réalisé spécifiquement par les stagiaires qui ont appris en trois jours les techniques de dessin et de peinture et se sont représentées elles-mêmes. Chacun des panneaux raconte ainsi une histoire : celles de femmes ayant choisi, par goût, d’exercer un métier traditionnellement réservé aux hommes. NATHALIE LE GARJEAN Collège du Penker à Plestin-Les-Grèves L’ÉDUCATION EN CONTINU Pour Françoise Jaouen, principale du collège, maintenir un niveau d’exigence élevé est indispensable en zone rurale. Avec 325 élèves et 56 salariés, notre collège est le deuxième “employeur”de la commune de Plestin-Les-Grèves, 3 413 habitants. L’architecture est moderne et nous disposons d’un internat. 93 % des élèves déjeunent sur place, 60 % utilisent un transport scolaire. 37 % sont issus de milieux défavorisés. Si les taux de réussite scolaire (évaluation en sixième, passage en seconde générale), sont légèrement inférieurs aux moyennes académiques et départementales, le problème essentiel des jeunes est qu’ils manquent d’ambition, de références professionnelles diversifiées. QUALITÉ DE VIE Nous avons pourtant beaucoup d’atouts en mains : d’excellentes conditions de travail avec des bâtiments spacieux, des équipements d’informatique pédagogique et un laboratoire de langues très modernes… L’équipe éducative est stable - la mer et le bassin d’emploi de Lannion sont proches - et dynamique. Cette qualité de vie nous donne la possibilité de développer de nombreuses actions qui toutes visent à lutter contre une inégalité géographique et culturelle. La particularité de notre collège où les élèves arrivent à 8 heures et ne repartent qu’à 17 heures est de devoir prendre en charge l’élève dans sa globalité. Nous proposons ainsi des activités sportives et culturelles : atelier d’arbi- 9 bloc notes / ◆ trage de football, de danse bretonne, club d’échec… sorties au cinéma, au théâtre, organisation d’un spectacle sur Notre-Dame de Paris réalisé par les élèves et la chorale de la commune. Sans oublier les voyages scolaires dans le cadre de notre section européenne… EXIGENCES PÉDAGOGIQUES Nous essayons de maintenir de fortes exigences pédagogiques à tous les niveaux d’apprentissage. La remise à niveau en sixième en mathématiques et en français donne de bons résultats. En mathématiques, les enseignants sont satisfaits du travail d’individualisation permis par les modules et en font bénéficier tous les élèves. En français, les groupes sont constitués par niveau. Les actions “lectures”, “Défi” et autres, sont nombreuses et le collège a inauguré une formule de piquenique littéraire. Un parcours pédagogique diversifié sur la toponymie en Bretagne et une option technologie en 3e ont été créés. Les collèges ruraux ne sont pas à l’abri des incivilités et des sollicitations illicites et faire de la prévention est ici aussi indispensable. Les heures de vie de classe assurées par le professeur principal sont ainsi consacrées à la prévention de la violence et à la gestion des conflits, à des rencontres éducatives sur la santé… Enfin, notre charte de secteur scolaire nous incite à structurer une liaison MARS 2000 Le 14 mars dernier, avec l’aide de la commune, l’équipe éducative du collège a organisé pour la première fois, et avec succès, un forum des métiers réunissant 55 professionnels. pédagogique entre le cycle 3 du primaire et les enseignements de collège,y compris entre les bibliothèques et centres de documentation. Des stages communs de formation réunissent les enseignants de CM2 et de sixième, par disciplines. Pour préparer leur entrée au collège, les élèves de CM2 sont également accueillis durant une demi-journée et déjeunent à la cantine. S’OUVRIR SUR LE CANTON Les partenariats sont nombreux : nous avons en effet un rôle d’animation de la commune. Les parents sont invités à s’impliquer en de multiples occasions dans la vie du collège. Nous organisons les rencontres parents-professeurs selon une formule de rendez-vous. Résultats : 85 % des parents participent aux réunions. Dans le cadre du comité d’environnement à la santé et à la citoyenneté, le collège propose régulièrement des conférences tout public. FRANÇOISE JAOUEN