Les réponses de François Bayrou

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Les réponses de François Bayrou
L’AdCF interroge les candidats à l’élection présidentielle de 2012. Les réponses des candidats à la rédaction
d’Intercommunalités, le mensuel de l’AdCF, mars 2012
Réponses de François Bayrou
Les collectivités locales et l’Etat
1. Faut-il une nouvelle étape de la décentralisation ? Si oui, quelles en seraient
les priorités et comment prévoyez-vous de faire évoluer la concertation et le
partenariat entre l’Etat et les collectivités locales ?
Ma priorité, c’est de réinstaurer un climat de confiance entre les élus et l’Etat. Depuis quelques années, on a
l’impression que les gouvernements ont fait des réformes contre les élus locaux, et que l’Etat les montre du
doigt. Je veux en finir avec cette suspicion permanente, et laisser les élus locaux faire leur travail en
confiance : confiance pour administrer, confiance pour expérimenter, pour innover, pour aller de l’avant. En
contrepartie de ce nouvel état d’esprit, je demanderai aux collectivités locales de participer à l’effort de
redressement des finances publiques, à travers la conclusion d’un pacte de modération.
2. Quelles pistes de clarification des compétences proposez-vous entre les
différents niveaux de collectivités ?
La loi du 16 décembre 2010 est très pauvre sur ce sujet et je crois que le gouvernement n’a pas utilisé la
bonne méthode. Au lieu de supprimer la clause générale de compétence pour les départements et les régions
sans aucun dialogue avec les élus, il aurait mieux valu clarifier les compétences, notamment dans le domaine
des transports, ou de l’aide sociale. Je pense que dans de nombreux secteurs, il est possible et nécessaire de
mutualiser les moyens. Par exemple, on pourrait mutualiser les équipes d’ingénieurs des départements et des
régions pour la construction des collèges et des lycées. Enfin, les collectivités territoriales devraient faciliter
l’installation et le développement des PME, dont nous avons tant besoin pour produire à nouveau en France.
Aujourd’hui, l’enchevêtrement de compétences constitue un frein à leur implantation.
Finances locales
3. Le principe d’autonomie financière des collectivités locales doit-il être
préservé ? Si oui, quels engagements prenez-vous ?
La consécration constitutionnelle du principe d’autonomie financière n’est pas suffisante, et n’a pas amélioré
la situation de nos collectivités territoriales. Je considère plus pertinent de s’intéresser aux principes
d’autonomie de gestion et d’autonomie fiscale : il est normal que les assemblées délibérantes élues
démocratiquement par les citoyens puissent participer à la fixation de l’impôt et en être comptables devant
tous.
4. Une réforme globale de la fiscalité locale est-elle indispensable ? Si oui, quels
en seraient les principaux axes et engagerez-vous, dans ce cadre, le chantier de
la modernisation des valeurs locatives cadastrales ?
Il faut une réforme de la fiscalité locale, aujourd’hui vieillissante, dans le sens d’une plus grande justice entre
territoires.
Je crois qu’il faudra développer une véritable péréquation horizontale entre collectivités territoriales. La prise
en compte de critères comme le potentiel fiscal ou l’effort fiscal permettra une redistribution plus juste des
ressources financières entre les collectivités territoriales.
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L’AdCF interroge les candidats à l’élection présidentielle de 2012. Les réponses des candidats à la rédaction
d’Intercommunalités, le mensuel de l’AdCF, mars 2012
5. Compte tenu de la crise des finances nationales, prévoyez-vous d’encadrer les
dépenses des collectivités locales et/ou de réduire les concours de l’Etat aux
collectivités locales ? Si oui, lesquels (dotations ? dégrèvements ?) et dans quelle
proportion ?
Il faut restaurer la confiance entre l’Etat et les collectivités territoriales. Pour cela, il faut que les collectivités
territoriales bénéficient d’une visibilité à long terme. Le Parlement a adopté des dispositions contradictoires
sans concertation constructive avec les élus locaux au cours des dernières années : ce n’est pas acceptable.
Par exemple, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de 2009, l’Etat a
limité les dotations de l’Etat aux collectivités territoriales. Cette règle a été profondément modifiée dès l’année
suivante. Je comprends l’inquiétude des élus face à une telle inconstance. Je veux adresser un discours de
vérité aux Français et à nos élus locaux. Dans le contexte actuel de crise de nos finances publiques, l’Etat, la
Sécurité sociale et le secteur local devront participer à l’effort de maîtrise des dépenses. Un dialogue
constructif entre les différentes associations d’élus permettra de trouver les bonnes mesures et les bons outils
pour parvenir à mieux maîtriser les dépenses du secteur local.
Aménagement du territoire
6. Quelle ambition donnerez-vous à la politique d’aménagement du territoire et
à ses différentes dimensions (développement rural, solidarité urbaine, équilibre
inter-régionaux…) ?
Je maintiendrai les services publics de proximité dans nos territoires. Et à travers une politique de
rééquilibrage des territoires abandonnés de la République, je réimplanterai les services là où ils ont disparu.
Je prends un exemple, celui de la médecine de proximité. La loi HPST a été assez mal conçue et mal
préparée. Elle a été dictée par une logique purement gestionnaire, administrative. Les patients, la présence
d’une médecine de proximité sur l’ensemble du territoire n’ont manifestement pas la priorité. Je veux que les
services d'urgence cardiovasculaire, le soin ambulatoire, la maternité, soient présents sur l’ensemble du
territoire. En outre, je suis favorable à l'installation de maisons médicales de premiers secours, réunissant
l’ensemble des acteurs du monde médical.
Intercommunalité
7. Alors que la carte intercommunale est en voie d’achèvement, quels progrès
souhaitez-vous apporter à cette réforme institutionnelle majeure ?
L’intercommunalité est l’avenir de nos territoires, en particulier ruraux, à la condition qu’elle préserve l’identité
de nos communes. Les 36 000 communes de France, avec leurs milliers d’élus locaux bénévoles, sont la force
de nos territoires. C’est là que se développent de nombreuses initiatives et où s’exerce la solidarité. Je refuse
donc des structures intercommunales trop importantes, non respectueuses des bassins de vie, des territoires,
et où les communes sont trop nombreuses pour pouvoir faire entendre leurs intérêts. L’achèvement de
l’intercommunalité en France ne peut se faire que dans le cadre d’un dialogue constructif et avec l’accord de
l’ensemble des élus locaux. Enfin, je crois qu’il faut sortir de la logique de course à l’agrandissement des
structures que l’on résume souvent par « big is beautiful ». Ce n’est pas la taille des intercommunalités qui
fait leur force mais leur pertinence géographique et la cohérence de leur projet.
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L’AdCF interroge les candidats à l’élection présidentielle de 2012. Les réponses des candidats à la rédaction
d’Intercommunalités, le mensuel de l’AdCF, mars 2012
8. Quelles sont les compétences essentielles qui vous semblent devoir être
exercées à l’avenir par les communautés (communautés de communes,
communautés d’agglomération, communautés urbaines) ?
Les intercommunalités doivent disposer des compétences nécessaires pour pouvoir réaliser des équipements
structurants. Aujourd’hui, l’intercommunalité permet à de nombreux territoires de bénéficier de services
publics de qualité, que ce soit en matière environnementale, culturelle ou sportive. Probablement y a-t-il des
progrès à faire dans le domaine des transports, et il est urgent de clarifier l’exercice de cette compétence
entre les structures intercommunales et les départements. Il faut également adapter les modes de transport
aux besoins des territoires, grâce à des solutions novatrices. Aujourd’hui, le transport en commun représente
un coût considérable pour les intercommunalités et ne répond pas suffisamment aux attentes des
populations. C’est à cette situation que nous devons répondre.
9. Quelles mutualisations des moyens et des services
pouvoir/devoir être apportées par l’intercommunalité ?
vous
semblent
J’aime considérer les intercommunalités comme des coopératives. De nombreuses communes peuvent, par
exemple, bénéficier de l’assistance, en matière juridique ou financière, de l’établissement public de
coopération intercommunale. C’est d’autant plus important qu’aujourd’hui, l’Etat, avec la révision générale des
politiques publiques, se désengage.
Demain, ce sont les petites communes qui devront instruire les demandes de permis de construire, sans
aucune compensation financière de la part de l’Etat. Seule la mutualisation au niveau de l’intercommunalité
pourra permettre aux communes de faire face à ces nouvelles contraintes.
10. La réforme des collectivités prévoit l’élection directe des délégués
communautaires en 2014, mais les modalités concrètes restent à préciser. Quelle
solution préconisez-vous ?
Le développement de la démocratie locale est nécessaire, et j’en suis partisan. Je me réjouis de la
démocratisation des assemblées des établissements de coopération intercommunale, grâce à l’élection directe
des délégués communautaires. Mais je sais que les habitants de nos petits villages sont très attachés à leurs
modes de scrutin spécifiques. Je pense qu’il est bon pour ces petites communes de conserver le système
actuel, qui a su prouver son efficacité et son caractère démocratique.
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