Un paradis du poker au nez de Loto
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Un paradis du poker au nez de Loto
ARGENT 20 janvier 2011 Un paradis du poker au nez de Loto-Québec Par : Annie Dufour et Jean-François Cloutier C’est une sorte de zone franche, visible de tous depuis les autoroutes, où les lois du gouvernement du Québec sont ignorées. Fumer à l’intérieur, consommer de l’alcool gratuitement, participer à des tournois de poker à l’argent, tout cela est possible. Bienvenue au Snake’s Poker Club, à quelques kilomètres de Montréal. Plusieurs personnalités artistiques bien connues ont déjà fréquenté ce salon de poker de la réserve autochtone de Kahnawake à un moment ou à un autre, selon les serveurs de l’établissement. Certains ont même posé fièrement avec le propriétaire, Stan Myow, et leur photo trône sur les murs de l'établissement. Le soir où l’équipe d’Argent l’a visité, le Snake, qui a été remis à neuf en 2008, était bondé. Une clientèle composée majoritairement d’hommes jeunes, francophones et anglophones, a les yeux rivés sur ses cartes. Un personnel courtois passe aux tables. « Something to drink ? », demande une jolie serveuse. Contrairement au casino de Montréal, on peut boire de l’alcool au Snake pendant qu’on joue. Il est même possible de commander à manger. Des steaks épais, une des spécialités du Snake, sont offerts sur des chariots qui circulent à côté des tables de jeu, de sorte qu’on peut aussi manger en jouant. Alcool et nourriture sont offerts gratuitement aux joueurs. Les employés ne sont pas payés, mais vivent du seul pourboire de la clientèle, nous fait-on savoir. À un moment, les tables se vident. C’est la pause fumeurs. Dans ce qui rappelle une ambiance de bar des années 1990, les gens fument à l’intérieur sans être embêtés par qui que ce soit et les cendriers sont fréquemment remplacés. Cela tombe bien : il fait un froid de canard dehors. Plus décontracté Il ne faut pas s’étonner que ce salon de poker soit aussi populaire, selon les joueurs qui fréquentent l’établissement. Un homme de Toronto nous adresse la parole. « Ici, c’est beaucoup mieux qu’au casino. L’atmosphère est plus décontractée. En plus, on n’a pas besoin de marcher pour se rendre au stationnement. Le casino est beaucoup plus commercial. On sent qu’on veut nous soutirer notre argent», dit-il. Pour jouer au Snake, il faut cependant renoncer à son anonymat et devenir membre du club. On prend en photo les clients et on leur demande de fournir une pièce d’identité avant d’accéder aux tables de jeux. Un autre homme nous rapporte qu’un autre salon de poker « illégal » prospère à quelques rues de là, le Playground, qui est ouvert depuis décembre et qui est né des cendres de l’ancien Okwari Poker Palace. Le chef des opérations du Playground, David Montour, est l’ancien président de la Kahnawake Gaming Commission, peut-on lire dans une publication spécialisée. « La compétition augmente, c’est populaire », explique notre interlocuteur. Fier, le gérant du Snake confie qu’ils ont des milliers de membres. Janvier est un mois creux, d’habitude il y a encore plus de personnes, assure-t-il. Même si le Snake et le Playground opèrent au grand jour et disposent de sites internet très bien faits, la question de la légalité de ces établissements est pour le moins floue. Jointe par Argent, la porteparole de Loto-Québec, Marie-Claude Rivet, soutient que les clubs de poker autochtones sont clairement illégaux, du point de vue du Code criminel qui fait de Loto-Québec le seul mandataire des jeux de hasard au Québec. Qu’est-ce qui peut bien amener autant de joueurs au Snake, alors que les casinos de Loto-Québec ont maintenant le poker parmi leur offre de jeu, lui a-t-on demandé. «Peut-être ne savent-ils pas que c’est illégal ?» hasarde-t-elle. L’attaché de presse du ministre de la Justice Jean-Marc Fournier a refusé d’accorder une entrevue, en soulignant que c’est à la police d’expliquer pourquoi des salons de poker à l’argent sont en activité à Kahnawake. La Sûreté du Québec n’a pas réagi dans l’immédiat. Le ministère des Affaires autochtones a aussi affirmé que les jeux de hasard sur les réserves ne relevaient pas de sa compétence Source: Cyberpresse