ANEMIES EN TUNISIE Causes et Mesures d
Transcription
ANEMIES EN TUNISIE Causes et Mesures d
Anémie en Tunisie REPUBLIQUE TUNISIENNE Ministère de la Santé Publique Institut National de Nutrition Et De Technologie Alimentaire ANEMIES EN TUNISIE Causes et Mesures d’Intervention Février 2002 D SSB INNTA -0- UNICEF Anémie en Tunisie ANEMIES EN TUNISIE Causes et Mesures d’Intervention Institut National de Nutrition et de Technologie Alimentaire Direction des Soins de Santé de Base Hôpital d’Enfants, Laboratoire de Biochimie Faculté de Médecine de Tunis, Laboratoire de Parasitologie Faculté des Sciences de Tunis, Département de Physiologie Centre de Greffe de la Moelle Oseuse Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) Institut de Médecine Tropicale, Anvers, Belgique Institut de Recherche pour le Développement, Montpellier, France -1- Anémie en Tunisie Préface Depuis l’avènement de l’ère nouvelle, et conformément aux directives de son Excellence le Président Zine El Abidine Ben Ali, l’état déploie des efforts soutenus pour assurer au citoyen tunisien, une protection sanitaire intégrale et un équilibre nutritionnel. Dans ce contexte, la promotion de la santé est appréhendée selon une approche réaliste, basée sur l’observation, les investigations et la recherche scientifique. Les travaux entrepris par l’Institut National de Nutrition et de Technologie Alimentaire ont largement contribué à l’identification des problèmes nutritionnels et de leur ampleur, au recensement des régions prioritaires et des groupes vulnérables de la population, ainsi qu’à l’analyse de l’évolution de la situation nutritionnelle globale sur les dernières décennies. L’enquête nationale de nutrition, réalisée en 1999, a révélé, non seulement le recul spectaculaire de la plupart des maladies de carence (retard de croissance, insuffisance pondérale, carence en iode, en vitamine A, etc..), mais également l’émergence de nouvelles pathologies chroniques tels que l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, les dyslipoprotéinémies et l’hyperuricémie. L’anémie demeure cependant un problème de santé publique important, affectant surtout les femmes en âge de procréer, enceintes et allaitantes, et les jeunes enfants de l’ensemble du pays avec une prédominance dans les régions du Sud et du Grand Tunis. C’est pour cette raison que l’Institut National de Nutrition, en collaboration avec plusieurs partenaires nationaux et internationaux, a entrepris cette enquête pour identifier les causes de ce problème de santé et pour mettre à la disposition des décideurs politiques de l’information utile, pertinente et adaptée pour cibler les actions de lutte et de prévention. Il est intéressant de noter que cette étude constitue l’un des objectifs du Plan National d’Action pour la Nutrition et l’Alimentation, élaboré à la suite de l’engagement du Gouvernement tunisien à concrétiser les recommandations de la Conférence Internationale sur la Nutrition de Rome, 1992. Je tiens à adresser mes félicitations à tous les professionnels qui se sont attachés aux moindres détails pour la réalisation de cette enquête dont les résultats et les conclusions contribueront, sans nul doute, à l’édification d’une meilleure santé de la population tunisienne, souci constant du Président Zine El Abidine Ben Ali, Président de la République tunisienne. Habib M’barek Ministre de la Santé Publique -2- Anémie en Tunisie RESUME EXECUTIF 1. Introduction Le développement économique et social de ces dernières décennies a contribué au recul sensible de la plupart des problèmes nutritionnels de type carentiel. L’anémie demeure cependant un problème de santé publique important, affectant surtout les femmes en âge de procréer, enceintes ou allaitantes et les jeunes enfants de l’ensemble du pays, avec une prédominance dans les régions du Sud et du Grand Tunis. L’enquête sur les causes de l’anémie en Tunisie a pour objectif principal de contribuer à réduire la prévalence de l’anémie chez les femmes et les jeunes enfants en mettant à la disposition des planificateurs et des décideurs politiques, de l’information utile et pertinente sur la causalité de ce trouble nutritionnel, afin d’orienter leur action et la rendre efficace et adaptée. Ce projet constitue l’un des objectifs du Plan National d’Action pour la Nutrition et l’Alimentation (thème 7), élaboré en 1995 à la suite de l’engagement du gouvernement tunisien à concrétiser les recommandations de la Conférence Internationale sur la Nutrition de Rome, 1992. Les objectifs spécifiques de cette étude étaient : a) l’identification des différents types d’anémie et de leur importance relative dans les régions où sévissent les prévalences les plus fortes, b) l’exploration du profil socio-économique, sanitaire et comportemental des anémiques, c) l’analyse de la consommation alimentaire et en particulier des apports en énergie et en fer chez les personnes souffrant d’anémie ferriprive, d) la recherche des espèces parasitaires pouvant induire une anémie par carence en fer, e) l’étude des perceptions, connaissances et pratiques en relation avec l’anémie chez les femmes. 2. Méthodologie Deux approches complémentaires ont été mises en œuvre pour réaliser cette étude : une approche quantitative visant à définir la typologie de l’anémie et à identifier ses déterminants chez les femmes et chez les enfants et une approche qualitative pour comprendre les représentations et les comportements des femmes en relation avec l’anémie. En outre, un modèle causal hypothétique sur les facteurs quantitatifs et qualitatifs supposés intervenir dans l’apparition de l’anémie ferriprive a été élaboré pour mieux en comprendre les causes. 3. Principaux résultats L’anémie touche autant de femmes en âge de procréer dans le Grand Tunis (28,9%) que dans le Sud Ouest (30,7%). Les mêmes prévalences sont observées chez les enfants âgés de moins -3- Anémie en Tunisie de 5 ans du Grand Tunis (28,8 %) et du Sud Ouest (28,3 %). Pour les deux groupes, les prévalences sont réparties de façon homogène entre le milieu urbain et le milieu rural. L’anémie est essentiellement modérée. Chez les femmes, l’anémie sévère ne touche que 1,2 % dans le Grand Tunis et 0,7 % dans le Sud Ouest. Pour les enfants, elle affecte respectivement 1,2 % et 0,2 % d'entre eux. Le déficit en fer est la première cause d’anémie chez les femmes et les enfants. Les prévalences observées chez les femmes sont de 17,4 % dans le Grand Tunis et 24 % dans le Sud Ouest, soit respectivement 60 % et 78,3 % de la prévalence globale de l’anémie. La région du Sud Ouest est donc plus affectée par ce problème nutritionnel malgré un apport en fer total meilleur. Chez les enfants, les pourcentages de l’anémie ferriprive par rapport à l’anémie globale sont de 74 % pour le Grand Tunis et de 63,7 % pour le Sud Ouest. Il est à noter que contrairement aux femmes, la situation est meilleure chez les enfants du Sud Ouest que chez ceux du Grand Tunis. Ce résultat est le reflet d’une consommation en fer plus élevée chez les premiers. L’anémie ferriprive est le stade ultime de la carence en fer. Si le cinquième de l’ensemble des enfants et des femmes en est affecté, ceci signifie qu’au moins le double de cet effectif (soit environ 1,5 million de personnes en l’an 2000) souffrent d’une déficience martiale, avec tout le cortège de souffrances physiques et mentales qu’elle implique. Les anémies par carence en folates ou en vitamine B12 sont très peu répandues dans les deux régions que ce soit chez les femmes ou chez les enfants. L’anémie inflammatoire liée aux maladies chroniques touche autant les femmes que les jeunes enfants. Sa prévalence est la même dans les deux régions et dans les deux milieux de l’étude. Exprimée en pourcentage de la prévalence globale de l’anémie, elle correspond à 12,5 % chez les femmes et à 11 % chez les enfants. Le tiers des enfants et plus de la moitié des femmes souffrant de ce type d’anémie présentent une anémie carentielle associée. Les anomalies hémolytiques congénitales, surtout la thalassémie et la drépanocytose, se sont exprimées en terme d’anémie chez 2,9 % des femmes et 1,4 % des enfants du Grand Tunis et respectivement 1,1 % et 1 % du Sud Ouest. Finalement, chez les femmes, 22,8 % des anémies dans le Grand Tunis et 6,6 % dans le Sud Ouest ne sont pas d'origine nutritionnelle. Chez les enfants, ces proportions sont respectivement de 12,2 % et 25,4 %. Il s’agit d’anémies hémolytiques (acquises ou constitutionnelles) ou hémorragiques ou encore d’anémies de cause centrale (pathologies endocriniennes, insuffisance rénale, leucémie, aplasie médullaire, etc.). -4- Anémie en Tunisie La carence en fer étant la cause principale de l’anémie, elle a fait l’objet d’une recherche approfondie. Chez les femmes, les principaux facteurs de risque de l’anémie ferriprive sont : a) un apport total de fer insuffisant malgré une consommation énergétique quotidienne dans la fourchette tolérée, b) une faible biodisponibilité du fer, c) une consommation des produits carnés insuffisante (surtout dans la région du Sud Ouest), d) l’habitude de boire du thé en même temps ou juste après les repas (particulièrement dans la région du Sud Ouest), e) la géophagie et le pica, f) une parité élevée (au-delà de trois enfants), g) l’activité professionnelle, h) l’âge. Le niveau d’instruction, la taille et le niveau socioéconomique du ménage, les conditions d’hygiène et de l’habitat, le mode de contraception, les grossesses rapprochées, l’infestation parasitaire ne semblent pas être des causes principales de l’apparition de l’anémie par carence en fer chez les femmes. Chez les enfants, les principaux déterminants de l’anémie par carence martiale sont: a) un déficit d’apport en fer total chez les enfants qui ne sont plus allaités au sein, b) une consommation de produits carnés faible, c) la géophagie et le pica. La période comprise entre 6 et 23 mois semble être particulièrement à risque. Le niveau socio-économique du ménage, l’infestation parasitaire, le fait que la mère soit carencée en fer ou non, le niveau d’instruction et l’activité professionnelle des parents ne semblent pas jouer un rôle déterminant. Il existe d’importantes différences dans la connaissance de l’anémie, de ses causes et de ses symptômes entre les femmes de la région du Grand Tunis et les femmes du Sud Ouest. Les femmes non anémiques ont des notions plus superficielles sur les symptômes de la maladie, surtout dans la capitale. Une majorité de femmes de la même région, disent ne pas connaître l’anémie. Toutefois, elles souhaitent mieux comprendre la maladie. De nombreuses femmes associent les symptômes de l’anémie avec d’autres maladies, en particulier l’hypotension. Dans les deux régions, la perception des symptômes de l’anémie chez les enfants est partielle. La plupart des femmes pensent que la malnutrition est à l’origine de l’anémie. L’insuffisance d’apports alimentaires est le plus souvent associée à un niveau de vie modeste. Ces femmes sont conscientes du fait qu’elles doivent varier leur alimentation et consommer des aliments riches en fer, mais, par manque de moyens, elles ne peuvent modifier leur comportement alimentaire et se contentent de consommer ce qui est disponible. Certaines sont persuadées qu’une hygiène précaire ou la consommation d’aliments souillés par des microbes ou des parasites contribuent à l’apparition de l’anémie. Plusieurs pensent que les grossesses, les accouchements, l’allaitement, ainsi que certains moyens contraceptifs comme les dispositifs intra utérins, sont responsables - par le biais de menstruations abondantes - de l’anémie. Le travail et les responsabilités diverses (ainsi que la fatigue qui leur est associée) sont aussi -5- Anémie en Tunisie perçus comme une cause essentielle de l’anémie. Dans le Sud Ouest, région où le mariage consanguin est très répandu, un grand nombre de femmes, qu’elles soient anémiques ou pas pensent que l’anémie est héréditaire. 5. Recommandations Sur la base des résultats, cinq mesures d’intervention sont proposées pour prévenir et réduire la prévalence et l’impact de l’anémie ferriprive. Il s’agit : d’enrichir en fer des aliments et en particulier la farine de blé et ses dérivés. de renforcer le programme de supplémentation en fer des femmes enceintes et allaitantes dans le cadre du programme national de périnatalité et de mettre en oeuvre une supplémentation périodique en fer destinée aux enfants de moins de deux ans par le biais des structures de soins de première ligne. de lancer un grand programme d’éducation nutritionnelle en matière d’anémie. Ce programme devrait se fixer comme objectifs d’accroître la connaissance de l’anémie dans la population, d’encourager des pratiques nutritionnelles adéquates comme la consommation d’aliments riches en fer et d’insister auprès des mères sur la vulnérabilité de l’enfant quand il commence à recevoir des aliments de complément. Le programme devrait inclure une campagne de marketing social à grande échelle, basée sur des messages à la radio et à la télévision, des affiches, des banderoles, des annonces publicitaires et des articles dans les journaux. de fournir plus d’information concernant l’anémie aux femmes par les personnels de santé. Une composante d’information en matière d’anémie et de carence en fer doit être intégrée dans les programmes de formation professionnelle et de formation continue des personnels de la santé qui eux-mêmes transmettent parfois des messages erronés ou incomplets aux femmes. de surveiller l’anémie de manière à avoir des informations sur l’évolution de la situation dans le pays, et sur les déterminants de cette évolution, mais aussi à évaluer les programmes d’intervention mis en place. Ces cinq interventions, appliquées de manière complémentaire dans le cadre d’un programme national, devraient se révéler très efficaces pour éliminer l’anémie ferriprive en tant que problème de santé publique en Tunisie. -6- Anémie en Tunisie B Brreeff… … ssu urr lla aT TU UN NIIS SIIE E Cet aperçu décrit l’évolution des indicateurs socioéconomiques et sanitaires en Tunisie au cours des trente dernières années. L’analyse de la tendance de ces indicateurs permet de mieux connaître le contexte dans lequel a été menée cette enquête et de faciliter l’interprétation des résultats. 1. Découpage administratif et situation géographique La Tunisie, pays de l'Afrique du Nord, est limitée par l'Algérie à l'Ouest et par la Libye au Sud Est. Au Nord et à l'Est, elle est bordée par la Méditerranée et ses côtes s'étendent sur 1300 km. Sa superficie est de 164 150 km² dont 8 250 km² d'eau. La Tunisie est une république. Tunis est sa capitale. Sa population est estimée à 9 561 000 habitants en 2000. Le territoire tunisien est subdivisé en 24 gouvernorats. Chaque gouvernorat est lui-même divisé en délégations et la délégation en secteurs. Le gouvernorat est la plus grande division administrative du territoire national. Il porte le nom de son siège. L'autorité politico-administrative du gouvernorat est le gouverneur. La délégation est la principale division territoriale d'un gouvernorat. Elle porte le nom de son siège et l'autorité politicoadministrative est le délégué. Un ensemble de plusieurs secteurs forme une délégation et l'autorité est le chef du secteur ou omda. Les 24 gouvernorats sont groupés en sept grandes régions : Grand Tunis (Tunis, Ariana, Ben Arous et Manouba) ; - Nord Est (Bizerte, Nabeul et Zaghouan) ; - Nord Ouest (Béja, Jendouba, Siliana et Le Kef) ; - Centre Est (Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax) ; - Centre Ouest (Kairouan, Kasserine et Sidi Bouzid) ; - Sud Est (Gabès, Médenine et Tataouine) ; - Sud Ouest (Gafsa, Kébili et Tozeur). Parallèlement à ce découpage, il y a des communes qui sont formées par des agglomérations soumises à la loi municipale. L'ensemble des communes constitue le milieu urbain. Le milieu rural est constitué par l'ensemble des secteurs qui se trouvent hors des périmètres communaux. - -7- Anémie en Tunisie Dès l'indépendance, 20 mars 1956, les autorités tunisiennes se sont attelées à faire sortir le pays de l'état de dénuement, de précarité sanitaire et d'ignorance où l'ont plongé soixante quinze ans de colonisation. Une politique axée sur trois leviers de développement, l'éducation gratuite pour tous, l'émancipation de la femme et le contrôle des naissances, et complétée par dix plans économiques, a permis la transformation d'un pays pauvre en un pays dit en transition épidémiologique (sociale, démographique, nutritionnelle et économique). 2. Démographie - L’espérance de vie à la naissance, qui n’était que de 48 ans pour l’ensemble des deux sexes en 1960 est passé à 72,1 ans en 1999. - La réduction constante du taux brut de mortalité (8,7 ‰ en 1976, 6,7 ‰ en 1985, 5,7 ‰ en 1999) confirme l’amélioration de l’état de santé de la population. - Le taux de natalité n’a cessé de baisser, passant de 36 ‰ en 1975, à 25,2 ‰ en 1990 pour atteindre 16,9 ‰ en 1999. - L’indice synthétique de fécondité est passé de 5,79 enfants par femme en 1975 à 2,09 enfants par femme en 1999. - Le taux d’accroissement naturel qui était de 2,6 % en 1975 est passé à 1,12 % en 1999. - La baisse de la mortalité et de la natalité ainsi que l’allongement de l’espérance de vie à la naissance ont modifié la pyramide des âges de la population qui devient de moins en moins jeune. La proportion des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 6,7 % en 1984 à 8,3% en 1994. 3. Education La généralisation de l’enseignement gratuit et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans a fait chuter le taux d’analphabétisme. Très élevé à la veille de l’indépendance, il se situe actuellement au tour de 25,4 % des personnes âgées de 10 ans et plus. La scolarisation des enfants de 6 ans a dépassé, quant à elle, les 97 %. Les effectifs des scolarisés se répartissent presque à égalité entre filles et garçons. On assiste même à un début de renversement de situation : la proportion des filles dans l’enseignement secondaire a dépassé celle des garçons en 1999-2000 (51,1 % contre 48,9 %) et celle de l’enseignement supérieur n’a cessé de croître, passant de 37,2 % en 1987-1988 à 48,9 % en 1998-1999. 4. Situation socioéconomique - Le produit intérieur brut (PIB) par habitant, aux prix courants, est actuellement de 2717 dinars ( soit 1825 $) alors qu’il n’était que de 81 dinars (54,5 $) en 1961. -8- Anémie en Tunisie - La proportion de la population défavorisée a nettement baissé, passant de 33 % en 1967 à 7,7% en 1985 et à 6,2 % en 1995 pour atteindre en 2000 seulement 4,2 %. - Les conditions de l’environnement et de l’hygiène ont été nettement améliorées, surtout durant les deux dernières décennies. L’approvisionnement en eau touche 100% des logements urbains et 75 % des ménages ruraux. Le branchement au réseau d’assainissement couvre 67,7 % du milieu communal et 47,2 % de l’ensemble du pays. Le pourcentage des logements précaires (type gourbi ou oukala), qui était de 44 % en 1966 n’est plus que de 1,2% en 1999. - Le taux de branchement des logements au courant électrique est passé de 34,2 % en 1975 à 94,2 % en 1999. - Actuellement, 63 % des tunisiens sont citadins alors que le taux d’urbanisation n’était que de 47,9 % en 1975. 5. Santé En Tunisie, le droit de tous à la santé est formulé par la loi du 20 janvier 1969 relative à l’organisation sanitaire et confirmé par la loi n° 91-93 du 29 juillet 1991, article 1er. Plusieurs programmes nationaux mis en place durant les trente dernières années ont eu un impact sur la santé de la population. Nous en citons les plus importants : - le programme national de périnatalité, conçu en 1990 et qui œuvre depuis son lancement à l’amélioration de la surveillance sanitaire de la femme et du nouveau-né en pré, per et postnatal ; - le programme national de planification familiale ; - les programmes de promotion de la santé de l’enfant, principalement le programme national de vaccination, la surveillance de la croissance de l’enfant et la promotion de l’allaitement maternel, le programme national de lutte contre les infections respiratoires aiguës ; - le programme de lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles; - le programme national de prise en charge des diabétiques et des hypertendus ; - le programme national de la santé mentale et de la santé oculaire. -9- Anémie en Tunisie En plus de ces programmes nationaux, le développement de l’infrastructure sanitaire et la formation de personnel de santé ont contribué à l’amélioration nette des indicateurs de morbidité. C’est ainsi que des maladies infectieuses, jadis très répandues sont, actuellement, soit rares, soit quasi disparues (trachome, bilharziose, paludisme, tétanos, poliomyélite), et des maladies carentielles en voie de disparition (carence en vitamine A, rachitisme, malnutrition aiguë…). Nous assistons, par ailleurs, à l’émergence de plusieurs maladies chroniques non transmissibles liées à de nouveaux styles de vie (alimentation, sédentarité…). 5.1. Maladies cardiovasculaires Elles figurent parmi les premières causes d’hospitalisation. Selon l’enquête nutritionnelle 19961997, l’hypertension artérielle touche 15,5 % des femmes et 11,3 % des hommes âgés de 20 ans et plus. Une enquête locale réalisée sur un échantillon représentatif du gouvernorat de l’Ariana pendant la même période a montré que 27 % des femmes âgées de 30 ans et plus et 18 % des hommes de la même tranche d’âge sont hypertendus. 5.2. Obésité La fréquence du surpoids connaît ces dernières années une progression rapide et régulière chez l’adulte. En effet, la prévalence du surpoids (indice de masse corporelle ou IMC>= 25 kg/m²) chez les deux sexes est passée de 28,3 % en 1980 (1) à 42,1 % en 1997 (2), soit une augmentation de 49% Chez les femmes âgées de 20 ans et plus, la prévalence de l’obésité (IMC >= 30 kg/m²) triplé en dix sept ans. Elle est passée de 8,7 % en 1980 à 28,6 % en 1997. Chez les hommes, l’obésité n’est pas encore un problème de premier ordre (6,9 %) mais l’analyse de la tendance du surpoids (21,5 % en 1980 et 33 % en 1997) laisse supposer que de nombreux cas d’obésité apparaîtraient dans les années à venir si des mesures adéquates ne sont pas prises pour infléchir l’évolution de ce fléau. 5.3. Diabète Le diabète apparaît aujourd’hui comme un important problème de santé publique en Tunisie : 6,6% des hommes et 8,1 % des femmes en sont affectés (2). L’analyse des données disponibles montre qu’en 17 ans et pour le gouvernorat de Tunis, la prévalence du diabète a pratiquement doublé chez les hommes âgés de 20 ans et plus et a triplé chez les femmes de la même tranche d’âge. Les prévalences sont passées de 4,6 % chez les hommes et de 3,5 % chez les femmes en 1980 (3) à respectivement 9,9 % et 10,7 % en 1997 (2). Pour les deux sexes, le milieu urbain est le plus touché. 5.4. Croissance et développement des enfants Une amélioration spectaculaire de l’état de santé des enfants a été réalisée au cours des vingt dernières années. C’est ainsi qu’en 1975, 39,5 % des enfants d’âge préscolaire avaient souffert de retard de croissance, 20,2 % présentaient une - 10 Anémie en Tunisie insuffisance pondérale et 1,3 % étaient touchés par la malnutrition aiguë ou émaciation (4). Actuellement, les prévalences de la maigreur et de l’insuffisance pondérale sont proches de celles de la population de référence (NCHS/OMS), soit respectivement 1,1 % et 4,2 % selon l’enquête nationale de nutrition de 1996/97 (2) et 2,2 % et 4,0 % d’après l’enquête MICS 2 de l’an 2000 (5). La prévalence du retard de croissance, bien que supérieure au seuil espéré d’une population normale, est considérée comme faible selon les critères de l’OMS : 8,3 % des jeunes enfants en sont touchés d’après l’enquête nationale de 1996-1997, et 12,3 % selon la MICS 2. Ce taux est inégalement réparti entre les régions. La région du Sud semble la plus affectée par le problème de retard de croissance (14,8 %) alors que la région du Centre Est présente la prévalence la plus faible, soit 3,7 % (2). 5.5. Carence en iode En 1975, la région du Nord Ouest est déclarée zone d’endémicité goitreuse, suite aux résultats de l’enquête nationale de 1973-1975. L’hypothèse de la carence iodée a été émise et en 1984 un décret (n° 84-674) a rendu obligatoire la commercialisation d’un sel iodé (10 à 15 mg d’iodate de potassium par kg de sel) dans cette région. Les résultats de différentes enquêtes ponctuelles ont plaidé en faveur de la généralisation à tout le pays de la supplémentation du sel en iode. Un nouveau décret (n° 95 /1633) du 4 septembre 1995 a permis la généralisation et le renforcement de la concentration de l’iode dans le sel (35 – 45 mg d’iodate de potassium par kg de sel). L’application de cette nouvelle disposition est effective depuis mai 1996. Un système de contrôle du taux d’iode dans le sel a été mis en place à tous les niveaux de la chaîne de distribution : producteur, grossiste, détaillant et consommateur. Dans chaque Délégation du pays et une fois par mois, des écoliers sélectionnés au hasard amènent un échantillon de sel consommé par leur famille et le taux d’iode est contrôlé. L’enquête MICS 2 (échantillon national de 30 000 foyers) a montré que 96,7 % des échantillons prélevés dans les familles sont correctement iodés. Seule la région du Sud Est, approvisionnée par une saline artisanale, présente une défaillance : 22 % des échantillons étaient insuffisamment concentrés en iode. Un programme de contrôle plus fréquent pour cette saline est déjà mis en place. - 11 Anémie en Tunisie D’après l’enquête nationale de 1996/97, la population des enfants d’âge scolaire, présentent une médiane d’iode urinaire de 12,6 mcg/100ml. Pour les élèves de la région du Nord Ouest, cette médiane est de 12,8 mcg/100ml. Ces médianes sont en faveur d’une absence de carence iodée. 5.6. Anémie L’anémie essentiellement carentielle, touche surtout les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants et reste encore un problème de santé publique. Au niveau régional et pour ces deux groupes cibles, toutes les régions sont affectées par ce trouble nutritionnel avec une légère prédominance dans les régions du Sud. L’exploration de ce problème constitue l’objet principal de ce rapport. 6. Domaine social La mise en œuvre de nombreux programmes spécifiques d’assistance aux nécessiteux, de lutte contre le chômage, de développement régional pour l’élimination des poches de pauvreté et la promotion économique et sociale des zones défavorisées ont contribué à l’amélioration des conditions et du niveau de vie dans le pays. Parmi ces programmes, citons : - les programmes d’aide en nature (alimentation) ; - le programme national d’aide en espèces des familles nécessiteuses, conçu à la suite du programme de l’ajustement des prix des produits de première nécessité et qui se traduit par une donation trimestrielle ; - les œuvres sociales en matière d’éducation pour éviter que la pauvreté ne fasse obstacle au droit de tout enfant tunisien à l’éducation et qui se traduisent par l’achat des fournitures scolaires, de bourses pour les études secondaires et notamment supérieures ; - la prise en charge des dépenses de santé des familles pauvres ; - la caisse générale de compensation instituée dans le but de préserver le pouvoir d’achat des citoyens, et particulièrement les moins nantis d’entre eux, des effets des fluctuations des prix des produits de consommation de base (céréales, lait, huile, sucre et autres). Confronté à des déficits de plus en plus importants entraînant un poids croissant sur le budget de l’état, une restructuration de ce programme et surtout un meilleur ciblage au profit des familles qui en ont le plus besoin, ont été engagés ; - 12 Anémie en Tunisie - la prise en charge des personnes âgées et des handicapées ; - le programme de construction de logements populaires à l’intention des familles mal logées dans les zones rurales ou dans les périphéries des grandes villes ; - les programmes régionaux de développement qui visent la création des emplois et des activités productives à l’intention des populations défavorisées dans les zones rurales, urbaines et périurbaines ; - le fonds de solidarité nationale «26 26» qui complète les autres programmes de développement en dotant les localités déshéritées de l’infrastructure de base dont elles sont démunies (réseau routier, eau potable, électrification, écoles, centres de santé) ; - le fond de solidarité national «21 21» pour la création des emplois pour les nouveaux diplômés. - 13 Anémie en Tunisie SOMMAIRE Résumé Exécutif Bref sur la Tunisie Sommaire Introduction, objectifs de l’étude Situation en Tunisie Objectifs de l’étude Cadre de l’étude et équipes partenaires 18 19 21 22 Première partie : Méthodologie I. Enquête quantitative Sélection de l’échantillon Définition des différents types d’Anémie en Tunisie Variables explicatives de l’anémie ferriprive Traitement informatique Analyses statistiques II. Enquête qualitative Méthode qualitative utilisée déroulement de l’enquête sur le terrain Codification et analyse des données 24 25 25 28 32 39 40 40 41 42 43 Deuxième partie : résultats de l’enquête quantitative A. Femmes âgées de 15 à 49 ans A.1. Caractéristiques socio-démographiques A.2. Aspects épidémiologiques de l’Anémie A.3. Les différents types d’anémie chez les femmes A.3.1. Anémie par carence en fer A.3.2. Anémie inflammatoire A.3.3. Anémie par carence en acide folique A.3.4. Anémie par carence en vitamine B12 A.3.5. Anémies par hémoglobinopathies congénitales A.4. Les variables explicatives de l’anémie par carence en fer A.4.1. Consommation alimentaire A.4.2. Examen parasitologiques des selles A.4.3. Géophagie et pica A.5. Les facteurs de risque de l’anémie par carence en fer A.6. Evaluation du programme de supplémentation en fer B. Enfants de 6 à 59 mois B.1. Caractéristiques socio-démographiques B.2. Aspects épidémiologiques de l’Anémie B.3. Les différents types d’anémie chez les enfants B.3.1. Anémie par carence en fer B.3.2. Anémie inflammatoire B.3.3. Anémie mixte inflammatoire et ferriprive B.3.4. Anémie par carence en acide folique 44 45 45 47 51 - 14 58 68 73 74 74 76 79 Anémie en Tunisie B.3.5. Anémie par carence en vitamine B12 B.3.6. Anémies par hémoglobinopathies congénitales B.4. Les variables explicatives de l’anémie par carence en fer B.4.1. Consommation alimentaire B.4.2. Examen parasitologique des selles B.4.3. Géophagie et pica B.5. Les facteurs de risque de l’anémie par carence en fer 94 Troisième partie : Résultats de l’enquête qualitative Section I Perception des symptômes de l’anémie et de la carence en fer Section II Compréhension de l’Anémie en Tunisie Section III Les origines perçues de l’anémie chez les femmes et les enfants Section IV Relations perçues entre alimentation, anémie et fatigue Section V Perception des groupes et des périodes à risque Section VI Attitudes, pratiques et connaissances alimentaires 96 97 103 107 110 112 116 Quatrième partie : Conclusions et recommandations 123 Références bibliographiques 131 Liste des annexes Annexe 1 Rappel physiopathologique des anémies Annexe 2 Modèle causal Annexe 3 Liste des personnes ayant participé à l’enquête Annexe 4 Coefficients d’extrapolation Annexe 5 Technique des groupes de discussion Annexe 6 Guide de discussion Annexe 7 Liste des codes utilisés dans l’enquête qualitative Annexe 8 Questionnaire de l’enquête quantitative Liste des figures Figure 1 Situation géographique des deux régions de l’étude Figure 2 Classification de l’anémie Figure 3 Etiologie de l’anémie hypochrome normocytaire ou microcytaire Figure 4 Etiologie de l’anémie normochrome normocytaire ou macrocytaire Figure A 1 Distribution de l’échantillon des femmes selon le milieu Figure A 2 Arbre décisionnel de l’anémie par carence en fer et de l’anémie inflammatoire Figure B 1 Distribution de l’échantillon des enfants selon la région et le sexe Figure 5 Arbre diagnostic de l’étiologie de l’anémie Liste des tableaux des résultats Tableau I Prévalence de l’anémie chez la population tunisienne Tableau II Critères biologiques de diagnostic de la carence en fer Tableau III Modèle permettant d’estimer le fer alimentaire disponible Tableau IV Estimation des besoins en fer Tableau V Groupe de discussion focalisée réalisés Tableau VI Caractéristiques socio-démographiques des femmes interviewées A. Femmes âgées de 15 à 49 ans Tableau A I Niveau de scolarisation - 15 85 Anémie en Tunisie Tableau A II Tableau A III Tableau A IV Tableau A V Tableau A VI Tableau A VII Tableau A VIII Tableau A IX Tableau A X Tableau A XI Tableau A XII Tableau A XIII Tableau A XIV Tableau A XV Tableau A XVI Tableau A XVII Tableau A XVIII Tableau A XIX Tableau A XX Tableau A XXI Tableau A XXII Tableau A XXIII Tableau A XXIV Tableau A XXV Tableau A XXVI Tableau A XXVII Tableau A XXVIII Tableau A XXIX Tableau A XXX Tableau A XXXI Profession Nombre d’enfants Prévalence de l’anémie chez les femmes non enceintes Prévalence totale de l’anémie chez les femmes non enceintes Taux moyen de l’hémoglobine chez les femmes non enceintes Répartition de la prévalence de l’anémie selon l’âge Prévalence de l’anémie chez les femmes enceintes Prévalence de l’anémie chez les femmes allaitantes Prévalence de l’anémie et de l’anémie par carence en fer Prévalence de l’anémie ferriprive associée à un syndrome Inflammatoire Prévalence de l’anémie inflammatoire Prévalence de l’anémie par carence en folates Prévalence de l’anémie par carence en vitamine B12 Prévalence des hémoglobinopathies Prévalence des anémies par hémoglobinopathies Prévalence des différents types d’anémie Apport énergétique quotidien Apport en fer total Apport en fer absorbable Prévalence de la consommation du thé Prévalences du parasitisme intestinal chez les femmes anémiques et les femmes non anémiques Prévalence des parasites intestinaux anémiants Taux des femmes anémiques et les femmes non anémiques porteuses d’Entamoboea, histolytica Ascaris lumbricoïdes ankylostomes Taux des femmes anémiques et des femmes non anémiques porteuses de Giardia intestinalis Taux des femmes anémiques par carence en fer et des Femmes non carencées porteuses de Giadia intestinalis Prévalence du pica Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’apport en fer total, de la consommation de thé, de la géophagie, de l’âge, de la région et du niveau socioéconomique des ménages Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’âge, de la région , du niveau d’instruction et de la profession. Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’âge, de la région, de la parité, de l’espace inter génésique et de la méthode de contraception Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction du portage de parasites pouvant induire une anémie carentielle B. Enfants de 6 à 59 mois Tableau B I Niveau de scolarisation de la mère Tableau B II Niveau de scolarisation du père Tableau B III Profession de la mère - 16 Anémie en Tunisie Tableau B IV Tableau B V Profession du père Répartition de la prévalence de l’anémie selon le sexe, le milieu, la région et la sévérité Tableau B VI Répartition de l’anémie selon l’âge Tableau B VII Prévalence de l’anémie et répartition selon la région et le milieu Tableau B VIII Taux moyen de l’hémoglobine circulante chez les enfants anémiques et les non anémiques Tableau B IX Prévalence de l’anémie et de l’anémie par carence en fer Tableau B X Prévalence de l’anémie ferriprive associée à un syndrome Inflammatoire Tableau B XI Prévalence de l’anémie ferriprive associé à un syndrome inflammatoire Tableau B XII Prévalence de l’anémie par carence en folates Tableau B XIII Prévalence de l’anémie par carence en vitamine B12 Tableau B XIV Prévalence des hémoglobinopathies Tableau B XV Prévalence des anémies par hémoglobinopathies Tableau B XVI Prévalence des différents types d’anémie Tableau B XVII Apport énergétique quotidien. Tableau B XVIII Apport en fer total Tableau B XIX Apport en fer absorbable Tableau B XX Taux du parasitisme intestinal chez les enfants anémiques et les enfants non anémiques Tableau B XXI Taux des enfants anémiques et des enfants non anémiques porteurs de Giardia intestinals Tableau B XXII Taux des enfants anémiques par carence en fer et de enfants non carencés porteurs de Giardia intestinalis Tableau B XXIII Prévalence du pica Tableau B XXIV Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’apport en fer total, de la géophagie, de l’âge, de la région et du niveau socioéconomique des ménages C. Enquête qualitative Tableau C I Liste des groupes de discussion réalisés Tableau C II Nombre de citations positives et de citations négatives concernant la relation entre la fatigue et l’anémie Tableau C III Nombre de citations concernant l’appréciation De différentes catégories d’aliments par les participantes Tableau C IV Nombre de citations positives et de citations négatives relatives à l’appréciation de différentes catégories d’aliments Tableau VII Valeurs limites du taux d’hémoglobine en dessous desquelles il y a anémie - 17 Anémie en Tunisie Introduction Objectifs de l’étude - 18 Anémie en Tunisie L’anémie est le problème de santé le plus fréquent dans le monde. En 1991, l’Organisation Mondiale de la Santé a estimé que 1,3 milliard d’individus souffrent d’anémie (6). Dans les pays en développement, 38 % de la population sont anémiques contre seulement 8 % dans les pays développés (7). Les femmes en âge de procréer, notamment les femmes enceintes et les enfants sont les groupes à plus haut risque. Chez ces groupes, les prévalences observées dans les pays en développement sont élevées : 50 à 60 % des enfants âgés de 1 à 5 ans, 20 à 40 % des femmes en âge de procréer et 35 à 75 % des femmes enceintes (8). Les multiples conséquences de cette affection peuvent se révéler extrêmement sérieuses : risque élevé de morbidité et de mortalité du fœtus et de la mère (9,10,11) ; naissance prématurée et faible poids de naissance (12) ; perturbations du développement mental et physique, souvent irréversibles, chez les nourrissons et les enfants (12) ; moindre résistance aux infections ; fatigue et diminution des capacités physiques chez les adultes (7). La carence en fer est la cause principale de l’anémie dans le monde. Les carences en folates, en vitamine B12, en vitamine A, en divers minéraux peuvent aussi contribuer à l’anémie. 1. Situation en Tunisie En Tunisie, l’anémie reste largement répandue parmi les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants malgré l’amélioration remarquable des conditions et du niveau de vie au cours des deux dernières décennies. Même si parfois critiquables sur le plan méthodologique et si leurs résultats ne peuvent être extrapolés à l’échelle nationale, différentes études locales et régionales montrent l’importance du problème : − en 1982, une enquête sur des enfants d’âge préscolaire (Commune de Dar Chaâbane, gouvernorat de Nabeul), a montré que l’anémie touchait 38 % d’entre eux, avec un pic de prévalence de 55 % chez les enfants de 3 à 23 mois (13) ; − en 1988, une étude réalisée au centre de protection maternelle et infantile de la cité Mellassine (périphérie de Tunis) a mis en évidence une prévalence de 37 % chez les femmes enceintes suivies en consultations prénatales et de 42 % chez les enfants de 6 à 71 mois (14) ; − 1990, un travail réalisé dans la ville de Mahdia (gouvernorat de Mahdia) a rapporté une prévalence de l’anémie de 38 % chez les enfants de 6 à 71 mois (15) ; − en 1996, dans la ville de Sfax (gouvernorat de Sfax), une étude sur les femmes enceintes a montré un taux de 33 % (16) ; − en 1996, à Kébili (gouvernorat de Kébili), une enquête sur un groupe de femmes enceintes en fin de grossesse a révélé une prévalence de 42 % (17). - 19 Anémie en Tunisie − en 1999, une enquête prospective réalisée sur 200 femmes enceintes suivies au service de gynécologie de l’hôpital La Rabta de Tunis, a révélé que 37,5 % d’entre elles étaient anémiques (18). Plusieurs travaux ont été réalisés pour étudier l’évolution de l’anémie en Tunisie, mais seules les deux enquêtes nutritionnelles nationales réalisées par l’Institut National de Nutrition (1973/75 et 1996/97) autorisent une comparaison dans le temps de la prévalence de l’anémie. En 1975 (4), l’anémie était un problème de santé publique touchant plus du tiers de la population avec une prédominance chez les enfants de 0 à 2 ans (45 %), les enfants d’âge préscolaire (30 %), les femmes en âge de procréer (31 %), les femmes enceintes (38 %) et les femmes allaitantes (45 %). Plus de vingt ans après, l’enquête nationale de nutrition de l’INNTA 1996/97 (2) indique que les prévalences ont légèrement baissé, mais ce sont toujours les mêmes groupes de population qui sont les plus touchés, à savoir les enfants de 0 à 2 ans (38%), les enfants d’âge préscolaire (23%), les femmes entre 15 et 49 ans (26 %), les femmes enceintes (32 %) et les femmes allaitantes (30 %). REGION MILIEU Tableau I Prévalence (%) de l’anémie chez la population tunisienne (INNTA 1996/97) 15 à 49 ans 49 ans et plus 6 à 59 mois 5 à 10 ans 10 à 15 ans hommes femmes hommes femmes Effectif* 896 1137 1164 1036 2200 565 818 National 23,4 7,7 8,2 5,9 25,6 8,3 7,1 Urbain 23,9 8,2 6,0 5,1 25,3 6,2 6,1 Rural 22,7 7,1 11,5 7,4 26,1 11,5 8,9 Grand Tunis 28,9 7,0 4,7 8,0 23,7 7,7 8,0 Nord Est 16,6 8,5 4,6 4,5 18,5 7,2 6,5 Nord Ouest 23,6 5,5 11,2 3,4 27,2 12,5 9,3 Centre Est 15,2 7,8 8,7 5,5 21,9 6,5 4,8 Centre Ouest 23,8 10,1 9,3 6,1 28,8 7,8 7,5 Sud Est 26,0 4,9 9,8 5,9 34,7 8,4 6,5 Sud Ouest 39,2 11,5 11,5 7,8 35,2 7,2 8,3 *Effectif réellement enquêté - 20 Anémie en Tunisie Pour ces deux groupes vulnérables, femmes en âge de procréer et jeunes enfants, l’anémie touche aussi bien le milieu urbain que le milieu rural. Toutes les régions en sont affectées avec une prédominance pour les régions du Sud (tableau I) Avant de définir une politique et un programme destinés à corriger ce problème de santé, il est indispensable d’identifier les facteurs causaux et de rechercher l’étiologie. C’est pourquoi il a été convenu de mettre au point un projet de recherche de terrain en vue de préciser la typologie des anémies et leurs déterminants parmi les femmes et les enfants, groupes les plus touchés. Les résultats de cette recherche devraient aider à identifier les stratégies de lutte et de prévention les plus adéquates. 2. Objectifs de l’étude 1. Objectif général L’enquête sur les causes de l’anémie en Tunisie a pour objectif principal de contribuer à réduire la prévalence de l’anémie chez les femmes et les jeunes enfants en mettant à la disposition des planificateurs et des décideurs politiques, de l’information utile et pertinente sur la causalité de ce trouble nutritionnel, afin d’orienter leur action et la rendre efficace et adaptée. Deux approches complémentaires ont été mises en œuvre pour réaliser cette étude : - une approche quantitative visant à définir la typologie de l’anémie et à jeter la lumière sur leurs facteurs explicatifs chez les femmes et chez les enfants ; - une approche qualitative pour comprendre les représentations et les comportements des femmes en relation avec l’anémie. En outre, un modèle causal hypothétique sur les facteurs quantitatifs et qualitatifs supposés intervenir dans l’apparition de l’anémie ferriprive a été élaboré pour mieux comprendre les causes de ce déficit nutritionnel (annexe 2). 2.2. Objectifs spécifiques Les objectifs spécifiques de cette étude étaient : - l’identification des différents types d’anémie et de leur importance relative dans les régions où sévissent les prévalences les plus fortes ; - l’exploration du profil socioéconomique, sanitaire et comportemental des anémiques ; - l’analyse de la consommation alimentaire et surtout des apports en énergie et fer chez les personnes souffrant d’anémie ferriprive ; - la recherche des espèces parasitaires pouvant induire une anémie par carence en fer ; - 21 Anémie en Tunisie - l’étude des perceptions, connaissances et pratiques en relation avec l’anémie chez les femmes. Pour répondre aux objectifs de l’enquête et organiser le travail de terrain, la démarche suivie a été : - la sélection d’un échantillon aléatoire représentatif des groupes cibles originaires des régions où sont observées les prévalences les plus élevées de l’anémie ; - le choix des indicateurs biologiques pour définir les différents types d’anémie parmi ces groupes vulnérables ; - la sélection à partir du modèle causal des principales variables quantitatives et qualitatives explicatives de l’anémie par carence martiale ; - la sélection d’un sous échantillon de femmes anémiques et non anémiques pour réaliser l’enquête qualitative. Ces différentes étapes sont expliquées en détails dans le chapitre méthodologie. 3. Cadre de l’étude et équipes partenaires Ce projet constitue l’un des objectifs du Plan National d’Action pour la Nutrition et l’Alimentation (thème 7), élaboré en 1995 à la suite de l’engagement du gouvernement tunisien à concrétiser les recommandations de la Conférence Internationale sur la Nutrition de Rome, 1992. Il entre également dans le cadre d’un programme de coopération franco-tunisienne de mise en place d’une surveillance alimentaire et nutritionnelle en Tunisie, démarré en 1998. L’anémie étant multicausale, elle requiert une approche pluridisciplinaire. L’association des méthodes quantitatives de l’épidémiologie nutritionnelle à celles qualitatives des sciences sociales offre l’avantage de mieux expliquer la causalité complexe de ce problème nutritionnel. C’est pourquoi plusieurs équipes partenaires ont uni leurs efforts et leurs spécificités pour mener à bien ce travail. Il s’agit de : - la Direction des Soins de Santé de Base (DSSB, Ministère de la Santé Publique) pour un appui scientifique ; - l’Hôpital d’Enfants, Laboratoire de Biochimie, pour la recherche des hémoglobinopathies et des carences en vitamines B12 et/ou en acide folique ; - la Faculté de Médecine de Tunis, Laboratoire de parasitologie, pour l’examen parasitologique des selles ; - la Faculté des Sciences de Tunis, Département de Physiologie, pour un apport scientifique ; - 22 Anémie en Tunisie - le Centre National de Greffe de la Moelle Osseuse pour une expertise des données hématologiques ; - le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) pour un appui scientifique ; - l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMT, Belgique), pour l’élaboration du modèle causal sur l’anémie et un appui à la réalisation du volet qualitatif de l’étude ; - l’Institut de Recherche pour le Développement de Montpellier (IRD, France), pour l’expertise et l’analyse statistique des données de l’enquête ainsi que pour un appui scientifique ; - l’Institut National de Nutrition (INNTA, Ministère de la Santé Publique), en plus de l’apport scientifique, a assuré la coordination de toutes les étapes de ce travail. Les institutions suivantes ont contribué au financement de cette étude : la DSSB, l’UNICEF, l’IRD et l’INNTA. La liste complète des personnes ayant participé à la réalisation de cette étude est présentée en annexe 3. La structure de ce rapport suit quatre grandes parties : 1. la première partie présente la méthodologie des deux enquêtes quantitative et qualitative ; 2. la deuxième partie décrit les résultats quantitatifs ; 3. la troisième partie décrit les résultats qualitatifs ; 4. la quatrième partie fait la synthèse des résultats des deux approches et présente les recommandations élaborées à la lumière des résultats observés. Un rappel physiopathologique des anémies est présenté en annexe 1 - 23 Anémie en Tunisie PREMIERE PARTIE Méthodologie - 24 Anémie en Tunisie I. 1. ENQUETE QUANTITATIVE Sélection de l’échantillon de l’étude Le tirage de l'échantillon et le plan de sondage ont été réalisés par l'Institut National des Statistiques (INS). 1.1. Choix de l'échantillon L'ampleur du problème de l'anémie dans la population tunisienne, sa répartition géographique ainsi que les groupes cibles ont été définis par l'enquête nationale de nutrition 1996/97. L'anémie touche essentiellement les enfants de moins de 5 ans et les femmes en âge de procréer. Toutes les régions en sont affectées avec une légère prédominance dans le Sud Ouest et le Grand Tunis (tableau I). Notre enquête a donc porté sur un échantillon aléatoire de jeunes enfants de moins de 5 ans et de femmes âgées de 15 à 49 ans, originaires de deux régions les plus à risque (figure 1), à savoir : Ô le Sud Ouest (gouvernorats de Gafsa, de Tozeur et de Kébili) où sévissent les prévalences les plus élevées parmi les enfants et les femmes. Ô le Grand Tunis (gouvernorats de Tunis, de Ben Arous et d'Ariana) où les taux observés reflètent la situation nationale. ARIANA TUNIS BEN AROUS GAFSA TOZEUR KEBILI Figure 1 Situation géographique des deux régions de l’étude - 25 Anémie en Tunisie 1.2. Taille de l'échantillon La formule suivante a été utilisée pour calculer la taille de l'échantillon à enquêter. t ² xP ( 100 − P ) d² Taille de l'échantillon = P = pourcentage des individus anémiques dans la zone de l'étude. t = niveau de probabilité que le pourcentage réel se situe à l'intérieur de la valeur retenue pour la précision d. d = niveau de précision exigé des résultats. Dans le cas d'un sondage élémentaire et d'une précision de ± 5 pour cent, l'application directe de la formule aux différents groupes cibles et pour les deux régions a donné les effectifs suivants : 225 enfants âgés de moins de 5 ans et 292 femmes en âge de procréer pour la région du Grand Tunis et respectivement, 193 et 185 pour la région du Sud Ouest. L'unité de l'enquête sur le terrain étant le ménage, le calcul du nombre de ménages à contacter pour couvrir l'effectif des enfants-échantillons, âgés de moins de 5 ans, a été réalisé à partir de la base constituée par les résultats de l'enquête nationale sur la population et l'emploi (ENPE) de 1999. Ce nombre couvre largement l'effectif des femmes-échantillons car il y a plus de femmes âgées de 15 à 49 ans que de ménages et que d’enfants de moins de 5 ans. Selon l'ENPE de 1999, le nombre moyen des jeunes enfants par ménage est de 0,35 dans le Grand Tunis et de 0,47 dans le Sud Ouest. Il en résulte que le nombre de ménages à interroger dans le cas d'un sondage élémentaire est de 643 ménages dans le Grand Tunis et de 411 ménages dans le Sud Ouest. Le tirage de l’échantillon des ménages a été réalisé selon le procédé de sondage par grappes. L’échantillon initial a donc été ajusté par un facteur de 2 pour tenir compte de l'effet de grappes. Celles-ci correspondent aux districts pour les grandes villes, les autres communes et les habitats agglomérés et aux zones naturelles pour les habitats dispersés. Il est à rappeler qu’au moment de l’enquête sur le terrain et selon le découpage de l'INS, le pays était divisé en 23 gouvernorats (un autre gouvernorat a été crée depuis, celui de Manouba, qui faisait partie du Gouvernorat de l’Ariana). Chaque gouvernorat est stratifié selon le milieu de résidence en : − grandes villes : il s'agit des grandes agglomérations urbaines dans le pays. Sont considérées grandes villes, la ville de Tunis, la ville de Bizerte, la ville de Sousse, la ville de Sfax, la ville de Kairouan et leurs banlieues respectives et le Grand Gabès ; - 26 Anémie en Tunisie − autres communes : il s'agit des communes autres que celles classées dans la catégorie des grandes villes ; − milieu non communal aggloméré : ce sont les agglomérations non communales classées agglomérations principales lors du recensement de 1994 ; − milieu non communal dispersé : il s'agit des zones non communales en dehors des agglomérations principales. Ces zones sont à habitats dispersés ou groupés dans des petites agglomérations. Tenant compte des ménages qui ne comprennent pas de jeunes enfants et de l'effet de grappes, le nombre total des ménages à contacter était de 1300 ménages dans le Grand Tunis et de 820 ménages dans le Sud Ouest. En tablant sur un effectif de 20 ménages à enquêter par district (le quota se situe généralement entre 20 et 30 ménages), le nombre de districts-échantillons était de 65 unités dans le Grand Tunis et de 41 unités dans le Sud Ouest. 1.3. Méthode de sondage L'échantillon de l'enquête anémie a été tiré par sondage aléatoire à deux degrés. Au premier degré, les grappes-échantillons sont tirées systématiquement avec des probabilités proportionnelles à leurs tailles en nombre de ménages recensés. Au second degré, les ménages-échantillons sont sélectionnés dans chaque grappe retenue. A partir d'un point de départ pris au hasard dans la grappe, 20 ménages successifs sont interrogés (méthode des quotas). Les ménages qui n'ont pas de jeunes enfants ou de femmes en âge de procréer sont éliminés de l'échantillon final. Le nombre de districts de recensement ainsi que le nombre de ménages varient considérablement d'un gouvernorat à un autre. L'échantillon n'étant pas autopondéré, une pondération a été effectuée prenant en compte les taux de sondage différents dans chaque strate de chaque gouvernorat. Chaque district échantillon aura son coefficient d'extrapolation à l'échelle nationale. Ces coefficients, qui tiennent compte du plan de sondage, ont été établis par l'INS. Une description détaillée de l'échantillon, de sa répartition par gouvernorat et par strate ainsi que les coefficients d'extrapolation sont présentés à l'annexe 4. 1.4. Formule de calcul des coefficients d’extrapolation Total des ménages de la strate S = N Taille d'un district échantillon di = Ni Nombre de district échantillon pour la strate = n Au premier degré, la probabilité de tirer le district di dans la strate : S = nxNi N - 27 Anémie en Tunisie Au second degré, 20 ménages par district échantillon sont tirés. La probabilité du tirage au second degré = 20 Ni Le taux de sondage définitif par strate = nxNi 20 20 n x x N N Ni Le coefficient d'extrapolation pour le district di = N 20n 2. Définition des différents types d’anémie L’anémie est par définition un état dans lequel la quantité de l’hémoglobine circulante est abaissée au-dessous des limites fixées par l’OMS et qui sont définies en fonction de l’âge, du sexe et de conditions physiologiques particulières comme la grossesse (19). Le diagnostic de l’anémie commence donc par le dosage du taux d’hémoglobine circulante (figure 2). La méthode de choix est la numération sanguine complète qui comprend le nombre de globules rouges (GR), les taux de l’hémoglobine (Hb) et de l’hématocrite (Ht), le volume globulaire moyen (VGM) et la teneur corpusculaire moyenne en Hb (TCMH). La détermination de la formule sanguine a été réalisée sur du sang veineux, prélevé le matin à jeun, dans un tube contenant de l’EDTA K2 (anticoagulant), à l’aide d’un compteur électronique (Coulter Counter model T540 Beckman-Coulter). En fonction de la TCMH, l’anémie peut-être classée en deux groupes : anémie hypochrome quand la valeur de la TCMH est inférieure aux seuils limites recommandés et anémie normochrome quand la valeur de la TCMH est dans la fourchette de la normalité (20, 21). L’anémie hypochrome est souvent microcytaire et rarement normocytaire, alors que l’anémie normochrome est normocytaire ou macrocytaire (figure 2). La baisse du VGM traduit une microcytose alors que la macrocytose est confirmée pour des valeurs du VGM supérieures aux seuils limites recommandés (20, 21). ANEMIES Hb<12 g/dl Femmes non enceintes Hb<11 g/dl Femmes enceintes Hb<11 g/dl Enfants Hypochrome Normochrome TCMH<27 pg Femmes TCMH<23 pg Enfants de 0 à 2 ans TCMH<24 pg Enfants de 2 à 5 ans TCMH>=27 pg Femmes TCMH>=23 pg Enfants de 0 à 2 ans TCMH>=24 pg Enfants de 2 à 5 ans Microcytaire VGM<80 fl Femmes VGM<70 fl Enfants de 0 à 2 ans VGM<75 fl Enfants de 2 à 5 ans Normocytaire Femmes : VGM>=80 fl et VGM<100 fl Enfants de 0 à 2 ans : VGM>=70 fl et VGM<90 fl Enfants de 2 à 5 ans : VGM>=75 fl et VGM<90 fl - 28 Macrocytaire VGM>=100 fl Femmes VGM>=90 fl Enfants de 0 à 2 ans VGM>=90 fl Enfants de 2 à 5 ans Anémie en Tunisie Figure 2 : classification de l’anémie 2.1. Anémie hypochrome normocytaire ou microcytaire Une anémie hypochrome normocytaire ou microcytaire peut être la conséquence d’une carence en fer ou d’un processus inflammatoire, ou encore d’un défaut de synthèse de la globine (thalassémies) ou enfin d’une sidéroblastose héréditaire ou acquise (figure 3). Chez un même sujet, l’association de deux causes ou plus est fréquente. Anémie hypochrome micro ou normocytaire Carence en fer Syndrome inflammatoire Thalassémies Sidéroblastose Figure 3 : étiologie de l’anémie hypochrome normocytaire ou microcytaire Devant une anémie hypochrome normocytaire ou microcytaire, le bilan biologique est essentiel car il permet d’en préciser le mécanisme. La carence en fer étant la cause la plus fréquente et la plus vulnérable aux mesures d’intervention, elle a été recherchée en priorité. 2.1.1. Carence en fer Chez tous les sujets anémiques, nous avons dosé les marqueurs sériques du statut en fer suivants : − la ferritine, le fer et la transferrine dont le dosage a été réalisé sur du sérum obtenu par centrifugation du sang total prélevé le matin à jeun chez les sujets anémiques. La ferritine est dosée par immunoenzymologie, Kit Biochem Immunosystems, les standards étant calibrés par rapport à l’étalon international OMS 80/602. Le fer sérique est dosé par méthode colorimétrique à la Ferrozine, Kit et analyseur Synchron CX7- Beckman. La transferrine est dosée par méthode immunoturbidimétrique, Kit et analyseur Synchron CX7- Beckman. Les standards étant calibrés par rapport à l’étalon du BCR (IRPPHS/CRM470) ; − la capacité totale de fixation du fer par la transferrine (CTF) est calculée à partir de la concentration de transferrine : CTF (µmol/l) = Concentration de la transferrine (g/l) x 25 (22) − le coefficient de saturation de la transferrine (CST) a été obtenu par le calcul suivant: CST (%) = Fer sérique (µmol/l)/ CTF (µmol/l) x 100 (22) - 29 Anémie en Tunisie Les valeurs seuils des indices biologiques pour diagnostiquer la carence en fer chez les femmes et les enfants (22,23, 24) sont colligées sur le tableau II. Tableau II : Critères biologiques de diagnostic d’une carence en fer Variables biologiques/Age Déficit en fer Ferritine Enfants de 6 mois à 15 <15 µg/l ans Femmes <20 µg/l Fer sérique Nourrissons et enfants <11 µmol/l Femmes <8 µmol/l Transferrine Nourrissons et enfants >4 g/l Femmes >3,2 g/l Coefficient de saturation de la transferrine Enfants de 6 mois à 4 <12 % ans Femmes 2.1.2. <16 % Syndrome inflammatoire L’anémie peut survenir lors des infections ou des inflammations chroniques. Pour attester du caractère inflammatoire de l’anémie, la protéine C réactive sérique a été dosée sur du sang prélevé le matin à jeun sur tube sec. Les analyses ont été réalisées par la méthode immunoturbidimétrique, grâce à un analyseur Synchron CX 7 de Beckman. Selon les normes du Laboratoire de biologie clinique de l’INNTA, un taux supérieur à 6 mg/l traduit la présence d’une inflammation. 2.1.3. Syndrome thalassémique Une étude complète de l’hémoglobine a été réalisée chez tous les sujets étudiés, à la recherche des hémoglobinopathies potentielles. Cette analyse a été déterminée sur du sang veineux recueilli le matin dans un tube renfermant de l’EDTA K2. Il s’agit de : - une électrophorèse de l’Hb sur bande rigide d’acétate de cellulose à pH alcalin permettant la séparation des différentes fractions normales et anormales de l’Hb (HbA2, HbF, HbS, HbC, HbOarab, HbD, etc…) ; - 30 Anémie en Tunisie une électrophorèse de l’Hb sur citrate agar à pH acide permettant de différencier les - fractions hémoglobiniques migrant au même niveau sur acétate de cellulose comme les HbS, D et G d’une part, et les HbC, Oarab et E d’autre part ; - une isoélectrofocalisation (IEF) sur couche mince de polyacrylamide en présence d’ampholines, plus résolutive pour confirmer les deux électrophorèses précédentes ; - le dosage de l’HbA2 et des fractions anormales a été réalisé par élution sans coloration après électrophorèse sur bande souple d’acétate de cellulose à pH alcalin (25); - la détermination de l’HbF, quand elle est visible, est selon la méthode de Prembrey basée sur la résistance à la dénaturation alcaline de l’HbF (26). Le Laboratoire de Biochimie de l’Hôpital d’Enfants a réalisé l’ensemble de ces dosages. 2.2. Anémie normochrome normocytaire ou macrocytaire Les anémies hémolytiques constitutionnelles ou acquises, les anémies des maladies chroniques (inflammation ou infection persistantes et néoplasie), les anémies par insuffisances endocriniennes, et les anémies carentielles (folates et vitamine B12) Anémie normochrome normocytaire ou macrocytaire * Anémies hémolytiques constitutionnelles : -Anomalies de l’hémoglobine - Anomalies de la membrane - Déficits enzymatiques * Anémies hémolytiques acquises Hémorragie aiguë * * * * * Insuffisance rénale Insuffisance hépato-celluaire Insuffisance thyroïdienne Insuffisance hypophysaire Inflammation chronique * * Aplasie médullaire Carence en : - Vitamine B12 - Acide folique Seuls les types d’anémie présentés en caractères gras ont fait l’objet d’une recherche étiologique. Figure 4 : étiologie de l’anémie normochrome normocytaire ou microcytaire 2.2.1. Carences en acide folique et en vitamine B12 Ces carences provoquent habituellement une anémie macrocytaire dite mégaloblastique. La carence en folates peut être liée à une insuffisance d’apport alors que l’insuffisance en vitamine B12 est rarement d’origine alimentaire sauf chez les végétaliens stricts où des cas ont été observés. Elle est surtout due à une malabsorption digestive, à un trouble du transport ou - 31 Anémie en Tunisie de l’utilisation ou enfin à des besoins accrus pendant la grossesse, l’allaitement ou la croissance. Pour détecter une éventuelle carence en ces deux vitamines, un dosage sérique a été réalisé sur du sang prélevé le matin à jeun sur tube en verre. La vitamine B12 sérique a été dosée selon une technique immuno-enzymatique microparticulaire (coffret-réactifs IMxB12, réf. 2200-20 ; Laboratoires Abbott, France). Les folates sériques sont dosés selon une technologie par capture d’ions (coffret-réactifs IMxfolates, réf 2220 T ; Laboratoires Abbott, France). Ces dosages ont été réalisés au Laboratoire de Biochimie, Hôpital d’enfants de Tunis. 2.2.2. Anomalies de l’hémoglobine La drépanocytose provoque une anémie normochrome normocytaire ou macrocytaire caractérisée par une hémoglobine qualitativement anormale (substitution de la glutamine en position 6 de la chaîne ß par la valine). Il y a également d’autres anomalies de l’Hb mais qui sont plus rares comme l’HbC. Le dépistage de ces anomalies responsables de la plupart des anémies hémolytiques héréditaires a été réalisé sur l’ensemble de la population 3. Variables explicatives de l’anémie ferriprive Seule l’anémie par carence en fer a fait l’objet de la construction d’un modèle causal hypothétique étant donné que ce type d’anémie est le plus fréquent et le plus vulnérable. Un modèle causal est un ensemble de chaînes causales organisées et hiérarchisées qui relient entre elles des facteurs supposés jouer un rôle dans ce déficit nutritionnel (27). Ces facteurs hypothétiques sont ordonnés de haut en bas, des causes les plus directes vers les causes les plus éloignées*. Le résultat de cette construction est synthétisé sous la forme d’un diagramme qui est une représentation simplifiée de la causalité de ce problème (annexe 2). Selon ce modèle, l’anémie par déficit en fer peut-être expliquée par un apport insuffisant et/ou par une mauvaise absorption de cet élément nutritif. Elle peut aussi être la conséquence de pertes sanguines chroniques qui sont, soit de nature physiologique (menstruations importantes), soit de nature pathologique (pertes digestives, saignements gynécologiques, saignements iatrogènes liés à la prise de médicaments, parasitoses). Une augmentation des besoins physiologiques en fer pendant certaines périodes de la vie peut également engendrer une anémie par carence martiale si les apports n’assurent pas leur couverture (croissance, grossesse, allaitement). * Ce modèle a été construit par des chercheurs de différentes disciplines (médecin, scientifique, nutritionniste, pharmacien biologiste, vétérinaire…) au cours d’un atelier animé par le Pr. Ivan Beghin et tenu à l’INNTA du 8 au 12 novembre 1999, dans le cadre du projet de mise en place d’une surveillance alimentaire et nutritionnelle. - 32 Anémie en Tunisie Ces différentes hypothèses nous ont servi de guide pour structurer notre enquête sur les déterminants de l’anémie ferriprive. 3.1. Carence d’apport en fer Une enquête de consommation alimentaire individuelle a d’abord été réalisée pour estimer la quantité et la qualité de l’alimentation de nos enquêtés. 3.1.1. Nature du fer alimentaire Le fer alimentaire existe sous deux formes chimiques différentes, le fer héminique et le fer non héminique. Le premier se trouve dans l’hémoglobine et la myoglobine des produits animaux (viande, poisson, volaille, foie) alors que le second est apporté essentiellement par les céréales, légumes secs, fruits, légumes, œufs, produits laitiers et également par les aliments d’origine animale. Plus que la quantité de fer présente dans le régime, c’est la biodisponibilité de ce fer qui constitue le facteur déterminant pour la couverture des besoins. En effet, la quantité de fer alimentaire absorbée au niveau de la muqueuse intestinale dépend du type de fer contenu dans les aliments (fer héminique et fer non héminique), de la composition du repas (présence de substances activatrices et/ou inhibitrices de l’absorption) et du statut en fer de l’individu (28). Le fer héminique est présent uniquement dans la viande, le poisson, le foie et les abats. S’il ne représente que 10 à 20% du fer que nous consommons, c’est le seul qui soit particulièrement biodisponible puisque son absorption (environ 25%) n’est pas influencée par les autres constituants du repas et par le statut ferrique de l’organisme (29,30). Des analyses sur différentes variétés d’aliments d’origine animale ont montré qu’approximativement 30 à 40% du fer contenu dans le foie et le poisson et 50 à 60% dans la viande de veau, d’agneau et de poulet sont sous forme héminique (31). Les 80 à 90% du fer alimentaire restant sont apportés par les céréales, légumes secs, fruits, légumes, œufs. La biodisponibilité de ce fer non héminique est faible (généralement inférieure à 5%) et elle est influencée par diverses substances contenues dans d’autres aliments. Selon la composition du repas, la biodisponibilité du fer total varie fortement (entre 5 et 15%). L’acide ascorbique (fruits et légumes) et les produits carnés sont connus depuis longtemps comme de puissants activateurs de l’absorption du fer non héminique (32,33,34,35). Récemment, la vitamine A et le ß carotène ont été identifiés comme facilitateurs de l’absorption du fer non héminique (36). A l’inverse, certaines substances peuvent entraver l’absorption intestinale du fer. C’est le cas des tannins présents dans le thé et en moindre mesure dans le café (37,38,39), des phytates (40,41), du phosphore (42), du calcium (42,43). A titre d’exemple, un verre de thé pris en même temps que le repas réduit jusqu’à 75% l’absorption du fer non héminique. L’effet inhibiteur connu des fibres a été attribué - 33 Anémie en Tunisie dernièrement à l’action des phytates qu’elles renferment (44,45). Parmi les aliments qui contiennent ces substances inhibitrices, citons le thé, le café, le jaune d’œuf et les céréales notamment le son. L’absorption du fer non héminique est également fortement influencée par le statut ferrique de l’organisme : une baisse de la teneur en fer de l’organisme s’accompagne d’une augmentation de son absorption et inversement. 3.1.2. Evaluation du fer alimentaire disponible Pour estimer la quantité de fer alimentaire disponible chez les sujets enquêtés, nous avons utilisé la méthode de Monsen et coll. (28). Il s’agit d’un modèle qui tient compte des réserves en fer de l’individu, du type de fer alimentaire ingéré (fer héminique et fer non héminique) et de l’effet facilitateur de l’acide ascorbique et des tissus animaux sur l’absorption du fer non héminique (tableau III). Ce modèle ne considère cependant pas l’effet des inhibiteurs connus de l’absorption du fer non héminique comme l’acide tannique et les phytates (45,42). Le pourcentage d’erreur est faible chez les enfants compte tenu du fait qu’ils ne consomment pratiquement pas de thé et de café, ce qui n’est pas évidemment le cas des femmes chez qui les résultats seront légèrement surestimés. Selon ce modèle, les réserves en fer sont réparties en trois niveaux : 0, 250 et 500 mg pour les femmes et 1000 mg pour les hommes. Les taux de ferritine sérique nous ont permis d’estimer les réserves en fer de nos sujets (1µg de ferritine équivaut à 10 mg de fer stocké). Tous les sujets ayant une concentration sérique de ferritine inférieure à 12 µg/l sont placés dans le groupe 0 mg de réserves ; ceux dont le taux variait entre 15 et 30 µg/l appartiennent au groupe 250 mg de réserves et le groupe 500 mg correspond à tous ceux dont le taux est supérieur à 30 µg/l (47). Tableau III : Modèle permettant d’estimer le fer alimentaire disponible (28) Femmes Hommes Réserves en fer (mg) 1. Fer héminique 0 250 500 1000 35% 28%* 23%* 15% 5 4 3 2 2. Fer non héminique Repas à faible disponibilité du fer non héminique Viande, volaille ou poisson < 30 g # ou Acide ascorbique < 25 mg - 34 Anémie en Tunisie Repas à disponibilité modérée du fer non héminique a. Viande, volaille ou poisson 30 à 90 g # ou b. Acide ascorbique 25 – 75 mg Repas à disponibilité élevée du fer non héminique c. Viande, volaille ou poisson >90 g # ou d. Acide ascorbique > 75 mg ou e. Viande, volaille ou poisson 30 à 90 g # + 10 7 5 3 20 12 8 4 Acide ascorbique 25 – 75 mg * Ces facteurs sont des valeurs approximatives basées sur une relation semi-logarithmique entre les réserves en fer (fonction linéaire) et l’absorption du fer héminique (fonction logarithmique). # Maigre et avant cuisson. 3.1.3. Evaluation de l’apport alimentaire L’enquête de consommation alimentaire fournit des informations sur la quantité de fer présente dans l’alimentation habituelle, la proportion respective du fer héminique et du fer non héminique ainsi que la présence d’activateurs ou d’inhibiteurs de l’absorption du fer. Compte tenu de ces données, il est possible de classer l’alimentation des sujets en trois grandes catégories à savoir régimes à biodisponibilité faible, intermédiaire et élevée (tableau III). Cette gradation permet d’estimer la proportion des sujets ayant des apports en fer très éloignés des recommandations, autrement dit, à risque de carence en fer. • Technique de l’enquête : l’enquête alimentaire a été réalisée selon la méthode de « l’enregistrement de trois jours ». Le sujet collige sur un support pré-imprimé en langue arabe ses ingesta pendant trois jours au fur et à mesure qu’ils se produisent, les estime en faisant appel aux mesures ménagères, sans oublier de préciser la composition des plats cuisinés et des assaisonnements ainsi que l’heure de la consommation. L’ensemble des données est revu et corrigé, si besoin est, par la diététicienne en présence de l’enquêté afin de compléter les informations, de vérifier les estimations quantitatives et de les transformer en poids pour l’exploitation. • Codification des données : les ingesta sont codifiés selon le répertoire du logiciel informatique « Bilnut », version 1991, auquel a été ajoutée une liste d’aliments et plats cuisinés, spécifiques à certaines régions du pays et rencontrés lors des enquêtes sur le terrain. La composition analytique de ces aliments a été basée sur la table de composition des aliments de l’INS et la table française (Régal) quand un aliment manque dans la liste tunisienne. Les ingesta codifiés sont ensuite saisis et transformés en nutriments. - 35 Anémie en Tunisie • Calcul des nutriments ingérés : la ration individuelle est analysée. Les apports estimés par jour sont : − l’apport énergétique total ; − les apports en produits animaux, thé et acide ascorbique. − la consommation du fer total, du fer héminique, du fer non héminique ainsi que la quantité théorique de fer disponible dans l’alimentation. 3.1.4. Besoins recommandés La consommation énergétique a été comparée aux recommandations du comité mixte FAO/OMS/UNU 1986 (48) et actualisée par les experts de l’UNU en 1992 (49). Les apports énergétiques ont été corrigés en tenant compte de la teneur de la ration en fibres, de façon que l’énergie utilisable soit adaptée aux besoins énergétiques recommandés pour la population. En ce qui concerne le fer, les besoins sont d’abord considérés du point de vue des besoins en fer absorbé, puis ils sont convertis en estimations des apports en fer alimentaire, compte tenu de la biodisponibilité du régime alimentaire (50). Deux niveaux de ces apports ont été estimés (tableau IV): − les besoins de base qui correspondent aux quantités de fer alimentaire consommé pour approvisionner normalement en fer les tissus de l’organisme ; − les besoins à couvrir pour éviter l’anémie, autrement dit l’apport en fer alimentaire nécessaire pour éviter que les taux d’hémoglobine ne s’abaissent au-dessous des seuils indiquant la présence d’une anémie. Il est à noter que les besoins spécifiques en fer de la femme enceinte ne sont pas répartis de façon identique au cours de la gestation : les besoins du fœtus apparaissent dès la fin du premier trimestre faisant passer les besoins de la mère de 0,8 mg à 4,4 mg pendant le deuxième trimestre et à 6,3 mg durant le troisième trimestre. Ces besoins ne peuvent être satisfaits uniquement par les apports alimentaires même si la biodisponibilité du fer alimentaire est élevée. Une supplémentation en fer est recommandée pour les futures mamans. Après l’accouchement, plusieurs mois s’écoulent avant le retour des règles chez la femme allaitante, mais les effets positifs de l’absence de menstruations sont effacés par l’allaitement. Si on considère que la sécrétion du lait maternel nécessite environ 0,3 mg de fer par jour, les besoins moyens en fer pour les six premiers mois d’allaitement sont estimés à 1,1 mg par jour (50). - 36 Anémie en Tunisie Tableau IV : Estimation des besoins en fer (FAO/OMS, 1988) BESOINS EN FER ABSORBE (mg/j) Groupes Age Femmes BESOINS POUR EVITER L’ANEMIE (mg/j) Biodisponibilité du régime Biodisponibilité du régime Faible Modéré Elevée Faible Modéré Elevé e e e 1,0 21 11 7 14 7 5 12–23 mois 0,6 12 6 4 8 4 3 24-59 mois 0,7 14 7 5 9 5 3 Réglées 2,4 48 24 16 29 14 10 Ménopausées 1,0 19 9 6 13 6 4 Nourrissons 6–12 mois Enfants BESOINS DE BASE (mg/j) 3.3. Déficit en fer secondaire à une malabsorption L’atrophie villositaire duodénale, principalement en relation avec la maladie cœliaque, est une cause classique de malabsorption du fer (51). De même, des habitudes alimentaires néfastes (pica ou géophagie) apportent des chélateurs qui gênent l’absorption du fer. Dans ce cas, la constitution d’un cercle vicieux est fréquente, la carence en fer étant responsable d’une perversion du goût (51). Ces deux causes de carence martiale ont été recherchées en interrogeant tous les sujets de l’étude. 3.4. Déficit en fer lié à certaines pathologies Toutes les causes de saignements chroniques, quelle que soit leur origine, peuvent être responsables de pertes supplémentaires en fer : tumeurs et polypes du tractus digestif, ulcère, varices œsophagiennes, fibrome utérin, hernie hiatale, hémorroïdes, … La prise de certains médicaments (aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, corticoïdes, anticoagulant) peuvent entraîner des saignements digestifs. Chez la femme, les grossesses multiples et rapprochées y compris les fausses couches et les avortements favorisent la carence en fer (52). En outre, de nombreux facteurs ont une influence sur le volume des règles, particulièrement l’utilisation des contraceptifs oraux et les dispositifs intra-utérins. Un questionnaire portant sur les antécédents personnels de santé, les antécédents de la vie génito-obstétricale de la femme et la médication en cours a été réalisé dans cette enquête. 3.5. Déficit en fer suite à une infestation parasitaire L’anémie est l’un des syndromes cliniques le plus fréquemment observé au cours des parasitoses. Plusieurs espèces parasitaires sont impliquées dans la genèse de ce - 37 Anémie en Tunisie syndrome. Les espèces les plus fréquemment associées à l’anémie ont été pratiquement éradiquées en Tunisie. Il s’agit de Plasmodium falciparum, agent du paludisme (le dernier cas autochtone remonte à 1970) et de Schistosoma hématobium, agent de la bilharziose uro-génitale, autrefois fréquente surtout dans les oasis du Sud et qui n’est plus observée sur nos contrées depuis les années quatre vingt. Cette situation a guidé notre choix de ne rechercher que les parasites intestinaux pouvant être susceptibles d’induire une anémie. Les mécanismes en cause sont divers : - certains parasites sont directement hématophages et donnent une anémie par déperdition du fer (notamment certains nématodes comme les ankylostomes et le trichocéphale et aussi des protozoaires tel que Entamaeba histolytica) ; - d’autres espèces entraînent une atrophie villositaire avec un syndrome de malabsorption. Il s’agit surtout du flagellé Giardia intestinalis; - d’autres encore provoquent une diminution de l’absorption de la vitamine B12 tel qu’Ascaris lumbricoïdes. La grande douve du foie, Fasciola hepatica, peu fréquente en Tunisie, donne une anémie par le saignement qu’elle provoque. Pour identifier les différents parasites pouvant être responsables de l’anémie et évaluer leur prévalence, un examen des selles a été réalisé. 3.5.1. Prélèvements Pour des raisons de faisabilité de l’enquête, un seul examen parasitologique des selles a été effectué. Les selles fraîchement émises sont recueillies dans des crachoirs à fond plat et à usage unique. Le même crachoir a servi pour la conservation des selles. En cas d’impossibilité d’obtenir des selles fraîches, les selles de la veille sont acceptées si elles étaient conservées au frais. Pour le Sud Ouest, l’examen parasitologique a été réalisé en même temps que l’enquête quantitative sur l’anémie et a intéressé l’ensemble de l’échantillon. Pour le Grand Tunis, l’enquête quantitative a précédé l’analyse parasitologique. Seuls deux groupes ont été examinés : celui des anémiques et un groupe apparié avec celui des anémiques par sexe, âge et strate et sélectionné par tirage systématique. 3.5.2. Techniques Le travail s’est déroulé en deux étapes : − la première a comporté un examen direct à frais pour mettre en évidence les formes végétatives des protozoaires (notamment les amibes et certains flagellés tel que giardia) et un examen après éclaircissement par la technique de Kato (53) pour identifier les œufs d’helminthes. Cette étape a été réalisée sur le terrain pour le Sud - 38 Anémie en Tunisie tunisien et dans le Laboratoire de la Faculté de Médecine de Tunis pour la région du Grand Tunis. − la deuxième a consisté en une concentration des selles selon la technique de Ritchie simplifiée (53). Cette méthode permet de mettre en évidence les kystes de protozoaires. Elle a été réalisée au Laboratoire sur les selles formolées. 3.6. Niveau socioéconomique du ménage D’après le modèle causal, la consommation d’aliments riches en fer dépend, entre autre, du revenu du ménage et de son pouvoir d’achat, autrement dit de son niveau de vie. Or, il a été prouvé que le revenu du ménage est une variable toujours biaisée car la majorité des personnes enquêtées ont tendance à la sous estimer ou au contraire à la surestimer. Par conséquent, la situation socioéconomique des familles enquêtées est expliquée de façon indirecte, à partir d’un indice global de niveau de vie (IGNV) qui a été élaboré en se référant à un modèle statistique multidimensionnel intégrant un ensemble de variables susceptibles de décrire le niveau de vie de ces ménages (54). Cette méthode a été déjà appliquée aux enquêtes nationales de consommation, budget et niveau de vie, réalisées par l’INS. Selon cette méthode et pour le milieu urbain, les variables qui présentent la corrélation multiple la plus élevée avec l’IGNV des ménages sont : salle de bain, nombre de personnes par pièce, réfrigérateur, catégorie socioprofessionnelle du soutien principal de famille, dépenses téléphoniques, chauffage, électricité/gaz, niveau d’instruction du chef de ménage, niveau d’instruction de l’épouse. En milieu rural, les variables les plus corrélées avec l’INVG des ménages sont les suivantes : électricité/gaz, nombre de personne par pièce, réfrigérateur, télévision, catégorie socioprofessionnelle du soutien principal de famille, dépenses d’eau, radio, niveau d’instruction du chef de ménage, niveau d’instruction de l’épouse. Les poids relatifs des variables sont additionnés pour obtenir la valeur de l’IGNV du ménage considéré. Plus l’indice obtenu est élevé, plus haut sera le ménage dans l’échelle du bien-être. Inversement, un indice faible sera représentatif d’une situation socio-économique difficile. 3.7. Conditions sanitaires environnementales Selon le modèle causal, les conditions de l’habitat et l’hygiène du milieu peuvent induire une carence en fer par le biais des infections intestinales et des parasitoses. Aussi, nous avons collecté des données sanitaires comme l’approvisionnement en eau potable, le conditionnement des ordures, l’évacuation hygiénique des eaux usées, le nombre de personnes occupant une pièce. 4. Traitement informatique Cette phase de l’enquête a comporté les étapes suivantes : - 39 Anémie en Tunisie − les questionnaires remplis sur le terrain ont été réceptionnés par le service Etudes et planification de l’INNTA. Après contrôle d’exhaustivité, ils sont classés ; − après dépouillement et codification, les enquêtes alimentaires ont été saisies sur le logiciel Bilnut (Nutrisoft – Tours, Version 2.01) ; − les questionnaires ménages et individuels ont été codifiés. La double saisie a été réalisée sur le logiciel de gestion de base des données Access 97 et vérifiée sur le logiciel Epi info, version 6.03. Les différences ont été vérifiées et accordées; − le fichier définitif a été exporté vers le logiciel SPSS version 7.5 (Statistical Package for the Social Sciences). 5. Analyses statistiques Nous avons suivi le plan d’analyse suivant : − analyse de la distribution des variables, calcul des fréquences et des moyennes ; − comparaison des fréquences par le test de Chi 2 et des moyennes par l’analyse des variances ; − mesure de l’association entre les facteurs de risques potentiels et l’anémie selon un modèle de régression logistique utilisant la méthode descendante pas à pas (conditionnelle). La variable expliquée « anémie par carence en fer » est de type qualitatif. Le modèle choisi utilise des variables explicatives de même statut. C’est donc un modèle du type Y=f (X) où Y est la variable expliquée et X, le vecteur des variables explicatives. II. ENQUETE QUALITATIVE Dans le modèle causal hypothétique de l’anémie ferriprive, un certain nombre de conduites en relation avec la nutrition ont été mises en évidence dans l’apparition de l’anémie. Or, ces conduites ne dépendent pas uniquement des connaissances, mais relèvent également de facteurs individuels et collectifs (attitudes, valeurs, image de soi, etc.). Aussi, dans la mesure où il est souhaitable de modifier ces conduites afin de diminuer la prévalence de l’anémie dans le pays, elles doivent être analysées et replacées dans leur contexte socioculturel le plus large. Pour mieux comprendre les représentations et comportements des femmes en relation avec l’anémie, une étude qualitative a été organisée. Des questions de recherche ont été identifiées pour une part sur la base du modèle causal, mais aussi sur la base de l’expérience et des connaissances des chercheurs impliqués dans l’étude. - 40 Anémie en Tunisie Les principales questions de recherche étaient les suivantes : - comment les femmes perçoivent-elles les symptômes de l’anémie chez ellesmêmes et chez les enfants ? Les femmes établissent-elles une relation entre la fatigue et l’anémie ? - quelles sont les origines perçues de l’anémie chez elles-mêmes et chez les enfants ? Les femmes connaissent-elles les causes de l’anémie ? - quelles sont les relations perçues entre l’anémie et d’autres maladies ? - les femmes établissent-elles un lien entre l’anémie et l’alimentation ? Comment ? Les femmes établissent-elles une relation entre la fatigue et l’alimentation ? Comment ? - les femmes sont-elles conscientes d’être, avec les enfants, un groupe vulnérable surtout à certaines périodes de la vie ? - quelles sont leurs pratiques et leurs connaissances alimentaires en relation avec l’anémie ? 1. Méthode qualitative utilisée La technique des groupes de discussion focalisée (55,56) a été utilisée pour réaliser cette étude (annexe 5). La constitution des groupes a été définie à partir de l’analyse des données quantitatives de l’enquête sur les causes de l’anémie. Trois critères de sélection des participantes ont été retenus : - être anémique ou pas. Ce critère a été choisi afin de pouvoir comparer les perceptions, les connaissances et les pratiques de ces deux groupes de femmes ; - l’âge (moins de 30 ans ou 30 ans et plus). En effet, l’analyse des données quantitatives a mis en évidence que l’âge était un facteur de risque important de l’anémie ; - le lieu d’habitat. Deux régions ont été sélectionnées : le Sud Ouest (33% de zones rurales) qui présente les taux les plus élevés d’anémie chez les groupes à risque et le Grand Tunis (93% de zones urbaines) où les prévalences observées reflètent la situation nationale. A l’exception d’un seul, chaque groupe a été dédoublé pour accroître la validité des données recueillies. Une série de quinze groupes de discussion focalisée (sept pour la région du Grand Tunis et huit pour le Sud Ouest) a donc été réalisée (tableau V). Les femmes ont été retenues parmi celles ayant été sélectionnées pour l’enquête quantitative sur les causes de l’anémie en - 41 Anémie en Tunisie Tunisie. Au total, 108 femmes ont participé à l’enquête qualitative. Quarante huit d’entre elles étaient anémiques et 60 non anémiques. Tableau V : Groupes de discussion focalisée réalisés ANEMIQUES NON ANEMIQUES Moins de 30 ans 30 ans et plus Moins de 30 ans 30 ans et plus Grand Tunis 1 groupe 2 groupes 2 groupes 2 groupes Sud Ouest 2 groupes 2 groupes 2 groupes 2 groupes Les participantes étaient relativement homogènes du point de vue de leur niveau d’instruction, statut matrimonial, niveau socio-économique et activité professionnelle (tableau VI). Tableau VI : Caractéristiques socio-démographiques des femmes interviewées (%) Moins de 30 ans 30 ans et plus Non Non Anémique Anémique Anémique Anémique s s s s 7 3 21 14 53 58 67 68 40 39 12 18 Célibataire 57 65 12 13 Mariées au moins 1 fois 43 35 88 87 Faible Niveau SocioMoyen économique Elevé 40 35 39 11 43 52 46 46 17 13 15 43 Aucune Activité professionn Employées, ouvrières, cadres elle moyens ou supérieurs 98 77 91 80 2 23 9 20 Pas de scolarisation Niveau d’instructio Primaire n Secondaire et Supérieur Etat civil 2. Déroulement de l’enquête sur le terrain La collecte des données sur le terrain s’est déroulée du 28 août au 9 septembre 2000. Les femmes sélectionnées pour l’enquête ont été contactées à leur domicile par deux nutritionnistes, accompagnées du Omda (autorité locale du District) qui les a guidées sur les lieux et a facilité le contact. Les participantes ont été invitées à une réunion de discussion et d’échange d’avis sur l’alimentation et la nutrition et informées qu’un moyen de transport était mis à leur disposition. - 42 Anémie en Tunisie Les sessions de groupe ont eu lieu à la salle de réunion de l’INNTA pour le Grand Tunis et dans un local gouvernemental pour le Sud Ouest. Le guide de discussion élaboré a été préalablement testé (annexe 6). Les discussions se sont déroulées dans une ambiance conviviale et décontractée. Un chercheur et un médecin de l’INNTA ont guidé la discussion entre les participantes. Les différentes séances ont été enregistrées. 3. Codification et analyse des données La codification et l’analyse des données ont été réalisées entre septembre 2000 et janvier 2001. Auparavant, les enregistrements avaient été intégralement transcrits puis traduits de l’arabe dialectal en français. Les données ont été d’abord codées (annexe 7). Les chercheurs ont codifié les données par équipes de deux et leur travail a été validé par une seconde équipe. Une dernière vérification de l’interprétation a été réalisée au moment de la saisie des codes sur le logiciel d’analyse qualitative QSR NUD*IST (version 4) (Non Numerical Unstructured Data Indexing Searching and Theorizing). L’unité d’analyse choisie est le paragraphe qui correspond, dans la grande majorité des cas, à l’intervention d’une participante. Près de 2850 paragraphes ont été encodés (possibilité de codification multiple). Un plan d’analyse des données a ensuite été élaboré sur la base des questions de recherche. Ce plan inclut les catégories de données à analyser, les suggestions pour affiner la codification et les divers croisements de catégories à effectuer pour répondre aux questions de recherche. Ensuite un ensemble de fichiers nécessaire à l’analyse des données a été généré à partir du logiciel QSR NUD*IST. Après que les questions de recherche ont été réparties entre des équipes de deux chercheuses, celles-ci ont rédigé les premières esquisses d’analyse. Ces dernières ont ensuite été commentées et critiquées par les autres membres de l’équipe de recherche pour révision finale. A cette occasion, de nombreux recoupements et renvois ont été réalisés. Pour certains thèmes, l’analyse s’est également appuyée sur une série de tableaux, générés à partir du logiciel QSR NUD*IST, et qui croisent le nombre de citations codifiées avec le type de groupe. - 43 Anémie en Tunisie DEUXIEME PARTIE Résultats de l’enquête quantitative - 44 Anémie en Tunisie Les résultats de l’enquête quantitative sont présentés selon : A. − les deux groupes de population étudiés, femmes en âge de procréer et enfants de moins de 5 ans ; − le milieu de résidence classé selon le mode de vie des habitants en milieu urbain (grandes villes et autres communes) et milieu rural (habitats agglomérés et habitats dispersés) ; − la région d’habitation, à savoir le Grand Tunis et le Sud Ouest. FEMMES AGEES DE 15 A 49 ANS Les femmes en âge de procréer sont les plus touchées par l’anémie. Connaître l’ampleur exacte de ce problème et des facteurs susceptibles de l’induire, a été central dans notre démarche. A.1. Caractéristiques sociodémographiques L’enquête transversale sur les causes de l’anémie a été menée auprès de 1468 femmes âgées de 15 à 49 ans et appartenant à 1151 ménages. Parmi ces femmes, 712 vivent dans la région du Grand Tunis et 756 sont originaires du Sud Ouest. Ces effectifs couvrent largement ceux estimés pour garantir une précision satisfaisante de la prévalence de l’anémie à l’échelle des deux grandes régions socio-économiques de cette enquête. Grand Tunis ENPE 1999 Enquête Anémie Rural Urbain Sud Ouest Rural Urbain 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Pourcentage Figure A 1 : distribution de l’échantillon des femmes selon le milieu et comparaison avec l’enquête nationale sur la population et l’emploi (ENPE) - 45 Anémie en Tunisie La répartition des femmes enquêtées selon le milieu de résidence est proche de celle rapportée par l’enquête nationale sur la population et l’emploi de 1999 (figure A 1). En effet, dans la région du Grand Tunis, 91,9 % des femmes enquêtées vivent en milieu urbain et 8,1 % en milieu rural (respectivement 92,4 % et 7,6 % selon l’ENPE, 1999). Quant à la région du Sud Ouest, 61,6 % des femmes de l’étude sont urbaines et 38,4 % sont rurales, alors que selon l’ENPE de 1999, les proportions respectives sont de 67,4 % et de 32,.6 %. Parmi les femmes enquêtées, 26,2 % sont analphabètes (tableau A I). La non scolarisation est plus fréquente chez les femmes du Sud que celles du Grand Tunis, soit respectivement 31,9 % et 24,3 %. Seules 23,2 % des femmes ont un niveau d’instruction supérieur au primaire (secondaire et supérieur) dont 2.9 % ont suivi des études supérieures. Les universitaires citadines sont majoritaires (3,3 % en milieu urbain contre 0,4 % en milieu rural). Tableau A I : Répartition (%) des femmes selon leur niveau d’instruction Effectif* Pas de scolarisation Primaire Secondaire incomplet Secondaire complet Universitaire Grand Tunis 712 24,3 50,1 19,4 3,2 3,0 Sud Ouest 756 31,9 40,8 22,9 1,8 2,5 Urbain 1120 24,4 48,3 21,1 3,0 3,3 Rural 348 36,7 44,8 15,9 2,2 0,4 * Effectif réellement enquêté En ce qui concerne l’activité professionnelle, 84,7 % des femmes de l’étude ne travaillent pas ou plutôt n’assurent pas un travail rémunéré, dont 6,3 % poursuivent encore leurs études. La proportion des femmes au foyer est légèrement plus élevée dans le Sud Ouest que dans le Grand Tunis, soit respectivement 77 % et 81,7 % (tableau A II ). Parmi la population active, les ouvrières, les employées et les petites commerçantes représentent les catégories professionnelles les plus fréquentes dans les deux régions de l’étude, soit 85 % du total des femmes actives de la région du Grand Tunis et 92 % de celles du Sud Ouest. Les cadres supérieurs ne représentent que 6,9 % de l’ensemble des femmes enquêtées qui travaillent et cette proportion est quatre fois plus importante dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest. Les femmes cadres moyens représentent 7,2 % des femmes qui travaillent. Ce taux est également réparti entre milieu urbain et milieu rural et il est deux fois plus important dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest. L’étude du statut marital des femmes de l’échantillon montre que 69 % d’entre elles sont mariées et 4,1 % ne le sont plus du fait qu’elles sont divorcées, séparées ou veuves au moment de l’enquête. Parmi les femmes non célibataires, 3,2 % sont enceintes et 10,0 % sont allaitantes. - 46 Anémie en Tunisie Tableau A II: Répartition (%) des femmes selon leur profession Effectif* Ouvrières Employées Petites commerçantes Cadres moyens Cadres supérieurs Elèves Etudiantes Femmes au foyer Grand Tunis 712 14.3 1.3 1.2 6.2 77.0 Sud Ouest 756 10.4 0.6 0.3 7.0 81.7 Urbain 1120 14.1 1.0 0.9 6.0 78.0 Rural 348 8.9 1.0 0.6 7.5 82.0 * Effectif réellement enquêté La parité a été étudiée chez les femmes non célibataires, soit 73,1 % de l’échantillon total (tableau A III ). Parmi ces femmes, 1,7 % n’ont jamais eu d’enfants, 21,1 % ont plus de 4 enfants et 1,4 % plus de 9 enfants. Dans le Sud Ouest, presque la moitié des femmes ont 5 enfants et plus, alors que dans le Grand Tunis, elles ne représentent que le sixième du total des mères. Tableau A III : Répartition (%) des femmes selon le nombre d’enfants Effectif* Pas d’enfants Entre 1 et 2 Entre 3 et 4 Entre 5 et 6 Entre 7 et 8 9 enfants et plus Grand Tunis 566 2,0 44,9 38,0 12,5 2,7 0,0 Sud Ouest 479 0,7 26,0 28,7 24,8 12,8 7,0 Urbain 833 1,9 42,2 37,2 14,1 4,2 0,5 Rural 212 0,5 32,1 28,1 22,1 8,7 8,6 * Effectif réellement enquêté Le nombre moyen d’enfants par femme est de 3,2 ± 1,9 enfants/femme. Cette moyenne est plus élevée dans la région du Sud Ouest (4,4 ± 2,5 enfants/femme) que dans la région du Grand Tunis (2,9 ± 1,6 enfants/femme). A.2. Epidémiologie de l’anémie A.2.1. Femmes non enceintes A.2.1.1. Prévalence de l’anémie Chez les femmes non enceintes, âgées de 15 à 49 ans, la prévalence de l’anémie est répartie de façon homogène entre la région du Grand Tunis et celle du Sud Ouest (tableau A IV). Les prévalences sont respectivement égales à 28,9 % et 30,7 %. De même, la distribution des prévalences selon les strates ne montre pas de différence significative entre le milieu urbain (28,8 %) et le milieu rural (32,5 %). - 47 Anémie en Tunisie Tableau A IV : Prévalence de l’anémie chez les femmes non enceintes de 15 à 49 ans. Répartition selon la région et le milieu FEMMES de 15 à 49 ans Prévalence (%) de l’anémie [IC=95%]** Effectif* Hb*** < 12 g/dl Hb*** < 7 g/dl Grand Tunis 687 28,9 a [25,5 - 32,3] 1,2 a [0,3 - 2,0] Sud Ouest 729 30,7 a [27,4 - 34,0] 0,7 a [0,1- 1,3] Urbain 1084 28,8 a [26,1- 31,5] 1,1a [0,5 - 1,7] Rural 332 32,5 a [27,5 - 37,5] 0,7 a [0,1- 1,6] * Effectif réellement enquêté. ** Intervalle de confiance avec une probabilité de 95 %. *** Taux circulant d’hémoglobine. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. La comparaison de ces résultats aux données de l’enquête nutritionnelle nationale, réalisée entre 1996 et 1997 (2), montre que la prévalence de l’anémie dans ces deux régions n’a pas varié de façon significative au cours de ces trois dernières années. Dans la région du Grand Tunis les taux enregistrés sont de 23,7 % en 1997 et de 28,9 % en 2000. Dans le Sud Ouest, ces fréquences sont de 35,2 % et 30,7 % respectivement en 1997 et 2000. Selon les critères de l’OMS (57), la prévalence de l’anémie sévère dans l’ensemble des deux régions est modérée (1,1 %). Tableau A V : Prévalence totale de l’anémie chez les femmes non enceintes. FEMMES DE 15 A 49 ANS Effectif* Prévalence (%) de l’anémie [IC=95%]** Grand Tunis 687 32,3 a [28,8 - 35,8] Sud Ouest 729 34,4 a [30,9 - 37,8] Urbain 1084 32,0 a [29,2 - 34,8] Rural 332 37,8 a [32,6 - 43,0] * Effectif réellement enquêté ** Intervalle de confiance avec une probabilité de 95 %. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. La prévalence totale de l’anémie, incluant les femmes présentant dans leurs antécédents médicaux une anémie connue et qui est traitée au moment de l’enquête et les femmes chez qui l’anémie a été découverte au cours de cette étude, est de 32,8 % pour l’ensemble des deux régions. La distribution interrégionale de l’anémie est homogène, soit 32,3 % pour la région - 48 Anémie en Tunisie du Grand Tunis et 34,4 % pour la région du Sud Ouest (tableau A V). L’analyse selon les strates ne montre pas de différence significative entre le milieu urbain (32 %) et le milieu rural (37,8 %). A.2.1.2. Taux moyen de l’hémoglobine La répartition du taux moyen selon la région et le milieu est sensiblement la même chez l’ensemble des femmes, soit 12,46 ± 1,81 g/dl et 12,39 ± 1,71 g/dl respectivement dans le Grand Tunis et le Sud Ouest, et 12,46 ± 1,80 g/dl dans le milieu urbain et 12,30 ± 1,70 g/dl dans le milieu rural (tableau A VI). Tableau A VI : Taux moyen de l’hémoglobine (g/dl) circulante chez les femmes non enceintes, anémiques ou non anémiques. FEMMES DE 15 A 49 ANS REGION MILIEU Grand Tunis Sud Ouest Urbain Rural 712 756 1120 348 Effectif* NA A NA A NA A NA A Moyenne 13,38 10,28 13,27 10,40 13,37 10,29 13,22 10,38 ±σ ± 0,88 ± 1,54 ± 0,88 ± 1,44 ± 0,89 ± 1,52 ± 0,79 ± 1,48 Groupe de femme Taux d’Hémoglobine * Effectif réellement enquêté. NA : non anémiques ; A : anémiques. Dans une même ligne, les moyennes affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Dans le groupe des femmes anémiques, l’analyse interrégionale révèle que ce taux se répartit de façon homogène entre la région du Grand Tunis et celle du Sud Ouest. Il en est de même pour la répartition intermilieu. A.2.1.3. Répartition de l’anémie selon l’âge Dans les deux régions de l’étude, la prévalence de l’anémie augmente avec l’âge pour atteindre un maximum entre 30 et 35 ans (tableau A VII). Une tendance à la baisse est observée au-delà de 45 ans. Cette évolution avec l’âge suit la vie reproductive de la femme. Etant donné que l’effectif par tranche d’âge et par région est parfois faible, nous avons refait l’analyse sur l’ensemble des deux groupes de l’échantillon : la tendance de l’évolution de la prévalence de l’anémie en fonction de l’âge est la même que celle observée dans chaque région. - 49 Anémie en Tunisie Tableau A VII : Répartition de la prévalence de l’anémie selon l’âge Grand Tunis Sud Ouest Ensemble des deux régions Classe d’âge (ans) Effectif Prévalence (%) Effectif Prévalence (%) Effectif Prévalence (%) 15 - 19 68 18,1 147 24,4 215 20,6 20 - 24 68 21,5 94 23,5 162 22,2 25 - 29 81 22,0 93 37,7 174 24,4 30 - 34 156 39,2 128 39,5 284 39,3 35 – 39 156 33,5 111 37,0 267 34,1 40 – 44 116 34,8 123 33,7 239 34,6 >=45 67 22,8 60 23,6 127 23,0 * Effectif réellement enquêté. A.2.2. Femmes enceintes Sur le tableau A VIII sont colligées les prévalences de l’anémie observées chez les femmes enceintes lors de l’enquête. Les résultats doivent être interprétés avec prudence compte tenu de la taille des effectifs (n < 50) pour les deux régions. Aucune différence significative n’a été observée entre le Grand Tunis et le Sud Ouest. Tableau A VIII : Répartition de la prévalence de l’anémie chez les femmes enceintes selon la région FEMMES de 15 à 49 ans Prévalence (%) de l’anémie [IC=95%]** Effectif* Hb*** < 11 g/dl Hb*** < 7 g/dl Grand Tunis 25 55,3 a [35,8 - 74,8] 2,7 a [0,0 - 9,0] Sud Ouest 27 37,0 a [18,8 - 55,2] 2,5 a [0,0 - 8,4] * Effectif réellement enquêté. ** Intervalle de confiance avec une probabilité de 95%. *** Taux circulant d’hémoglobine. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Lors de l’enquête nutritionnelle nationale, la prévalence de l’anémie observée chez les femmes enceintes était de 32,3 %. Elle est donc significativement (p<0,05) plus faible que celle observée dans les deux régions de l’étude. Ceci peut être expliqué par le faible effectif de l’échantillon de l’enquête nationale, 70 cas uniquement pour l’ensemble des sept régions, soit 8 cas dans le Grand Tunis et 7 cas dans le Sud Ouest. Pour l’ensemble des deux régions, la prévalence de l’anémie sévère est modérée soit 2,7 %. La distribution interrégionale est homogène. Les régions du Grand Tunis (2,7 %) et du Sud Ouest (2,5 %) présentent des prévalences modérées et sans différence significative entre elles. - 50 Anémie en Tunisie A.2.3. Femmes allaitantes Les résultats observés sont portés sur le tableau A IX. L’analyse selon les régions ne montre pas de différence significative entre les régions du Grand Tunis (30,4 %) et celle du Sud Ouest (29,3 %). De même, ce trouble nutritionnel est également réparti entre le milieu urbain (28,2 %) et le milieu rural (36,4 %). Tableau A IX : Répartition de la prévalence de l’anémie chez les femmes allaitantes selon la région et le milieu. FEMMES de 15 à 49 ans Prévalence (%) de l’anémie [IC=95%]** Effectif* Hb*** < 12 g/dl Hb*** < 7 g/dl Grand Tunis 61 30,4 a [18,8 - 41,9] 0,0 Sud Ouest 112 29,3 a [20,8 - 37,7] 0,0 Urbain 122 28,2 a [20,2 - 36,2] 0,0 Rural 51 36,4 a [23,2 - 49,6] 0,0 * Effectif réellement enquêté. ** Intervalle de confiance avec une probabilité de 95 %. *** Taux circulant d’hémoglobine. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. L'analyse interstrate et l'étude interrégionale montrent que l'anémie sévère est presque inexistante chez ce groupe de femmes allaitantes. Selon l’enquête nationale de nutrition de 1996/97, la prévalence de l’anémie à l’échelle nationale chez les femmes allaitantes est de 30,4 %. Ce taux ne diffère pas significativement de celui observé chez l’ensemble des femmes originaires des deux régions. A.3. Les différents types d’anémie chez les femmes A.3.1. Anémie par carence en fer Le fer est indispensable à l’hémoglobinogenèse. Il joue un rôle clef dans le transport de l’oxygène, et comme cofacteur dans de nombreuses réactions enzymatiques. L’épuisement du stock en fer (les réserves en fer chez la femme sont de l’ordre de 13 mg/kg) quel qu’en soit le mécanisme constitue la carence martiale dont l’étape ultime est l’anémie. - 51 Anémie en Tunisie ANEMIE HYPOCHROME NORMOCYTAIRE OU MICROCYTAIRE Ferritine sérique CST CRP Ferritine Ê CST Ê Ferritine Î CST Ê Ferritine Î ou È CST Î CRP Î CRP È CRP È Anémie Ferriprive Anémie Ferriprive associée à une inflammation Anémie inflammatoire CST : coefficient de Saturation de la Transferrine ; CRP : Protéine C Réactive Figure A 2 : arbre décisionnel de l’anémie par carence en fer et de l’anémie inflammatoire La carence en fer ou carence martiale est la cause la plus fréquente de l’anémie. Elle entraîne une baisse des défenses immunitaires et des capacités physiques et mentales. Chez les femmes enceintes, elle représente une cause importante de mortalité maternelle, augmentant le risque d’hémorragie et d’infection lors de l’accouchement. Le diagnostic d’un déficit en fer comme facteur causal de l’anémie chez les femmes de l’enquête a été basé sur l’arbre représenté par la figure A 2 (22,46). Le déficit en fer se traduit par un abaissement de la ferritinémie, du fer sérique, du coefficient de saturation de la transferrine, et par une augmentation de la capacité totale de fixation de la transferrine. Cependant, ces paramètres peuvent être pris en défaut en cas de syndrome inflammatoire associé, puisque ce dernier entraîne une baisse des concentrations sériques du fer et de la transferrine, protéines plasmatiques assurant le transport du fer dans l’organisme. La ferritine étant une protéine de la phase aiguë de l’inflammation, elle s’élève lors des processus inflammatoires. Elle peut être paradoxalement normale lorsqu’un déficit martial s’y associe. L’analyse des données hématologiques et biochimiques montre que la prévalence de l’anémie ferriprive est également répartie entre les deux milieux : 19,1 % en milieu urbain et 18,3 % en milieu rural (tableau A X). Cependant, la prévalence observée dans le Sud Ouest est - 52 Anémie en Tunisie statistiquement plus élevée (p<0,01) que celle du Grand Tunis, soit respectivement 24 % et 17,4 %. Tableau A X : Prévalence de l’anémie et de l’anémie par carence en fer chez les femmes non enceintes FEMMES de 15 à 49 ans Prévalence (%) Anémie Anémie ferriprive Proportion des sujets anémiques par carence en fer (%) Effectif* Grand Tunis 687 28,9 a 17,4 a 60,2 a Sud Ouest 729 30,7 a 24,0 b 78,3 b Urbain 1084 28,8 a 19,1 a 66,4 a Rural 332 32,5 a 20,6 a 63,4 a * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. La proportion de l’anémie par carence en fer par rapport à la prévalence globale de l’anémie est plus faible (p<0,001) dans le Grand Tunis (60 %) que dans le Sud Ouest (78,3 %). Cette proportion est répartie de façon homogène entre le milieu urbain (66,4 %) et le milieu rural (63,4 %). Tableau A XI : Prévalence de l’anémie ferriprive associée à un syndrome inflammatoire chez les femmes non enceintes FEMMES de 15 à 49 ans Anémie Ferriprive (AF) AF (%) AF + Inflammation (%) Proportion des AF ayant une inflammation associée (%) Effectif* Grand Tunis 687 17,4 a 2,2 a 12,3 a Sud Ouest 729 24,0 b 1,7 a 7,1 b Urbain 1084 19,1a 2,0 a 10,5 a Rural 332 20,6 a 2,5 a 12,1 a * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05 Parmi les femmes anémiques par déficit martial, 12,3 % dans le Grand Tunis et 7,1 % dans le Sud Ouest souffrent d’une inflammation associée, révélée par un taux sérique élevé de la CRP, une ferritinémie normale et un coefficient de saturation de la transferrine abaissé (tableau A XI). La différence entre les deux proportions est significativement différente - 53 Anémie en Tunisie (p<0,001). Cependant, la répartition de ce type d’anémie selon le milieu de résidence est homogène, 10,3 % et 12,1 % respectivement en milieu urbain et en milieu rural. A.3.2. Anémie inflammatoire Parmi les femmes non enceintes sélectionnées pour l’enquête, 3,8 % dans le Grand Tunis et 3,2 % dans le Sud Ouest souffrent d’une anémie inflammatoire, révélée par une élévation de la CRP circulante, associée à une baisse du taux de l’hémoglobine (tableau A XII). Ces prévalences ne sont pas différentes statistiquement dans les deux régions et les deux milieux. Tableau A XII : Prévalence de l’anémie inflammatoire chez les femmes non enceintes FEMMES de 15 à 49 ans Effectif* Prévalence (%) de l’anémie inflammatoire Proportion des sujets anémiques par inflammations (%) Grand Tunis 687 3,8 a 13,6 a Sud Ouest 729 3,2 a 9,6 b Urbain 1084 3,8 a 13,0 a Rural 332 3,2a 10,0a * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05 La proportion de l’anémie inflammatoire par rapport à la prévalence globale de l’anémie est significativement plus élevée (p<0,05) dans le Grand Tunis (13,6 %) que dans le Sud Ouest (9,6 %). Néanmoins, elle est pratiquement identique entre les deux milieux, urbain et rural. Plus de la moitié des femmes non enceintes touchées par l’anémie inflammatoire souffrent d’une carence martiale associée (tableau A XI). Les prévalences de l’association de ces deux pathologies sont sensiblement identiques entre les deux milieux (2 % dans l’urbain et 2,5 % dans le rural) et entre les deux régions (2,2 % dans le Grand Tunis et 1,7 % dans le Sud Ouest). A.3.3. Anémie par carence en acide folique La carence en acide folique associée à une baisse de l’hémoglobine est très rare chez les femmes non enceintes, âgées de 15 à 49 ans. Elle est pratiquement inexistante dans le Grand Tunis et très faiblement observée dans le Sud Ouest (0,9 %). Aussi, les prévalences enregistrées dans le milieu urbain et dans le milieu rural sont très basses, soit respectivement 0,2 % et 0,4 % (tableau A XII). Exprimée en pourcentage de la prévalence globale de l’anémie, la prévalence de l’anémie par carence en folates n’est que de 2,8 % dans le Sud Ouest, 0 % dans le Grand Tunis. Elle est légèrement plus faible dans le milieu urbain (0,6 %) par rapport au milieu rural (1,3 %). - 54 Anémie en Tunisie Tableau A XIII : Prévalence de l’anémie par carence en folates chez les femmes non enceintes FEMMES de 15 à 49 ans * Effectif* Prévalence de l’anémie par carence en folates (%) Proportion des sujets anémiques par carence en folates (%) Grand Tunis 687 0,0 0,0 Sud Ouest 729 0,9 2,8 Urbain 1084 0,2 0,6 Rural 332 0,4 1,3 Effectif réellement enquêté. A.3.4. Anémie par carence en vitamine B12 Les résultats observés sont colligés sur le tableau A XIV. Comme pour la carence en folates, l’anémie par carence en vitamine B12 est très rare chez les femmes non enceintes de l’enquête. Les prévalences observées sont très faibles, que ce soit dans le Grand Tunis (0,4 %), le Sud Ouest (1,2 %), le milieu communal (0,6 %) ou le milieu non communal (0,4 %). Aussi, les proportions de femmes ayant une anémie par carence en vitamine B12 par rapport à la prévalence globale de l’anémie sont basses, 1,3 % pour les femmes originaires du Grand Tunis, 4,1 % pour les femmes du Sud Ouest, 2,1 % pour le milieu urbain et 1,4 % pour le milieu rural. Tableau A XIV : Prévalence de l’anémie par carence en vitamine B12 chez les femmes non enceintes FEMMES de 15 à 49 ans * Effectif* Prévalence (%) de l’anémie par carence en vitamine B12 Proportion des sujets anémiques par carence en vitamine B12 (%) Grand Tunis 687 0,4 1,3 Sud Ouest 729 1,2 4,1 Urbain 1084 0,6 2,1 Rural 332 0,4 1,4 Effectif réellement enquêté. A.3.5. Anémies hémolytiques par hémoglobinopathies congénitales Le dépistage des hémoglobinopathies chez les femmes de 15 à 49 ans a révélé que 4,4 % sont porteuses de ces anomalies (tableau AXV). Les deux anomalies prédominantes sont le trait β-thalassémique (2,0 %) et le trait drépanocytaire (2,0 %), devant le trait d’HbC (0,2 %). - 55 Anémie en Tunisie Tableau A XV : Prévalence (%) des hémoglobinopathies chez les femmes HEMOGLOBINOPATHIES Effectif* ß/ thal min AS AC SS SS ou S/thal Hérédité totale Grand Tunis 712 2,6 2,1 0,2 0,1 0,1 5,1 Sud Ouest 756 0,2 1,9 0,3 0,0 0,0 2,4 Urbain 1120 2,2 1,9 0,2 0,1 0,1 4,5 Rural 348 1,1 2,8 0,2 0,0 0,0 4,1 * Effectif réellement enquêté ß/thal min: Bêta thalassémie mineure; AS: trait drépanocytaire; AC: trait d’hémoglobine C; SS ou S/thal: Formes majeures de drépanocytose homozygote (SS) ou de drépano-thalassémie Les formes majeures d’hémoglobinopathies observées sont rares (0,2 %). Elles sont du type drépanocytose homozygote (SS) ou d’hétérozygotie composite (drépanothalassémie ou S/thal). La répartition régionale de ces anomalies indique une prédominance de la β-thalassémie dans le Grand Tunis (2,6 %) et de la drépanocytose dans le Sud Ouest (1,9 %). Les femmes urbaines et rurales sont autant affectées par les hémoglobinopathies avec une prédominance du trait drépanocytaire dans le milieu rural (2,8%) . L’expression de ces hémoglobinopathies en terme d’anémie a été retrouvée chez 2,4% de l’ensemble des femmes soit 54,5 % des femmes porteuses (tableau A XVI). Parmi ces anémiques par hémoglobinopathies, 1,4% sont porteuses de β-thalassémie mineure, 0,7 % du trait drépanocytaire et 0,1 % pour aussi bien le trait AC que la drépanocytose homozygote et les autres syndromes majeurs (SS ou S/thal). Tableau A XVI : Prévalence (%) des anémies par hémoglobinopathies chez les femmes et leur proportion par rapport aux autres anémies Effectif* ß/ thal min AS AC SS SS ou S/thal Hérédité totale Proportion des anémies par hémoglobinopathies par rapport à l’anémie totale Grand Tunis 712 1,8 0,6 0,1 0,1 0,3 2,9 9,4 Sud Ouest 756 0,2 0,8 0,0 0,1 0,0 1,1 3,3 Urbain 1120 1,5 0,7 0,1 0,1 0,1 2,5 8,3 Rural 348 1,1 0,7 1,1 0,0 0,0 1,8 5,4 ANEMIES HEREDITAIRES HEMOLYTIQUES * Effectif réellement enquêté ß/thal min: Bêta thalassémie mineure; AS: trait drépanocytaire; AC: trait d’hémoglobine C; SS ou S/thal: Formes majeures de drépanocytose homozygote (SS) ou de drépano-thalassémie Dans le grand Tunis, les causes de l’anémie par hémoglobinopathies chez la femme sont essentiellement la β-thalassémie mineure (1,8 %) et le trait drépanocytaire (0,6 %). - 56 Anémie en Tunisie Dans le Sud Ouest, la drépanocytose est la cause principale d’anémie par hémoglobinopathies chez la femme (0,8 %) contre 0,2 % pour la β-thalassémie (tableau XVI). Les anémies par hémoglobinopathies sont aussi bien fréquentes dans le milieu urbain (2,5 %) que dans le milieu rural (1,8 %), alors que la β−thalassémie mineure constitue la cause la plus importante de ces anémies en milieu urbain (1,5 %) contre 1,1 % en milieu rural. La drépanocytose a le même impact dans les deux milieux (0,7 %). Les prévalences des différents types d’anémie identifiés sont présentées dans le tableau A XVII. L’anémie ferriprive représente 60 % des anémies dans le Grand Tunis et 78,3 % dans le Sud Ouest. C’est donc la cause primordiale de l’anémie chez les femmes en âge de procréer et elle est significativement plus répandue dans la région du Sud Ouest. Les anémies inflammatoires sont responsables de 13,6 % des cas d’anémie observés dans le Grand Tunis et de 9,6 % de ceux enregistrés dans le Sud Ouest. Plus de la moitié des femmes touchées par l’anémie inflammatoire souffrent de carence martiale associée. Les anémies par carence en folates ou en vitamine B12 sont extrêmement rares dans les deux régions de l’étude. Les anémies par hémoglobinopathies affectent 2,9 % des femmes dans le Grand Tunis et 1,1 % de celles du Sud Ouest, soit respectivement 9,4 % de la prévalence globale de l’anémie et 3,3 %. Tableau A XVII : Prévalence (%) des différents types d’anémie MILIEU REGION Différents types d’anémie Grand Tunis Sud Ouest Prévalence globale de l’anémie Urbain Rural 28,9 30,7 28,8 32,5 Prévalence globale 15,2 22,3 17,1 18,1 Associée à une inflammation 2,2 1,7 2,0 2,5 Prévalence globale 3,8 3,2 3,8 3,2 Anémie inflammatoire simple 1,6 1,5 1,8 0,7 Anémie par carence en acide folique 0,0 0,9 0,2 0,4 Anémie par carence en vitamine B12 0,4 1,2 0,6 0,4 Anémies hémolytiques par hémoglobinopathies 2,9 1,1 2,8 1,8 Autres types d’anémies ? 6,6 2,0 4,6 8,6 Anémie ferriprive Anémie inflammatoire Il est à noter que les causes de 22,8 % des cas d’anémie dans le Grand Tunis et de 6,5 % dans le Sud Ouest n’ont pas été identifiées. Il s’agit d’anémies normochromes normocytaires, soit - 57 Anémie en Tunisie de cause centrale (leucémie, aplasie médullaire, insuffisances rénales, maladies endocriniennes,…) soit à mécanisme périphérique (hémolyses constitutionnelles ou acquises, hémorragies). Une stratégie épidémiologique ne peut par conséquent les concerner. A.4. Variables explicatives de l’anémie par carence en fer Les données épidémiologiques de cette étude ont montré que le déficit en fer est de loin l’étiologie la plus fréquente des anémies carentielles. L’insuffisance d’apport surtout en fer biodisponible et l’augmentation des pertes anormales de fer par parasitoses digestives augmentent le risque de développer une anémie ferriprive (stade avancé de la carence en fer). Ces deux facteurs causaux ont été examinés dans cette enquête. A.4.1. Consommation alimentaire L’enquête alimentaire, réalisée auprès de 1409 femmes en âge de procréer et non enceintes, a eu pour objectif d’évaluer les apports en énergie, fer et produits carnés, et de situer les consommations observées chez les anémiques par carence martiale par rapport aux apports enregistrés chez les femmes non affectées par l’anémie ferriprive et par rapport aux recommandations internationales. Cette démarche vise à rechercher l’une des causes éventuelles de l’anémie carentielle, à savoir l’insuffisance d’apport. A.4.1.1. Apport énergétique Les femmes ayant une consommation énergétique insuffisante et/ou déséquilibrée sont exposées à un risque particulièrement élevé de carence en nutriments hématopoïétiques à savoir le fer, l’acide folique et la vitamine B12. C’est pourquoi, une analyse de la consommation énergétique quotidienne a été réalisée chez les femmes de l’étude. Qu’elles soient anémiques par carence en fer (groupe des femmes carencées) ou non affectées par ce problème nutritionnel (groupe des femmes non carencées), les femmes enquêtées présentent des apports énergétiques moyens légèrement inférieurs aux recommandations (tableau A XVIII). En effet, les taux moyens de couverture de la consommation énergétique sont de 93 % chez les deux groupes. Ces taux varient selon la région ou le milieu entre 92 et 97 % chez les carencées et 92 et 99 % chez les non carencées. La dispersion des apports énergétiques est importante. Elle révèle que 26 % des femmes carencées et 21 % des femmes non carencées ont des apports en dessous de la limite inférieure conseillée (moyenne recommandée moins deux écart-types). Cette proportion est plus élevée dans le Grand Tunis (23,6 %) que dans le Sud Ouest (10,4 %). Aucune femme des deux groupes ne présente de consommation énergétique inférieure à la moitié de l’apport recommandé et qui est considéré comme le seuil du risque de carence sévère. - 58 Anémie en Tunisie Tableau A XVIII : Apport énergétique quotidien chez les femmes non enceintes de 15 à 49 ans. Comparaison entre les femmes anémiques par carence en fer et les femmes non carencées ENERGIE CONSOMMEE PAR JOUR (Kcal/j) Effectif* Normes recommandées FAO/OMS/UNU 1996** Résultats Moyenne ±σ Médiane [10e 90e] Taux de couverture (%) Apport <80% AR** (%) Apport <50% AR (%) 92 a 23,6 a 0,0 99 b 10,4 b 0,0 93 a 20,6 a 0,0 94 a 20,0 a 0,0 92 a 29,5 a 0,0 97 a 17,7 b 0,0 93 a 27,3 a 0,0 94 a 16,0 a 0,0 FEMMES NON CARENCEES Grand Tunis 562 2297 Sud Ouest 552 2330 Urbain 856 2301 Rural 258 2330 2097 2017 ±361 [1682 – 2614] 2294 2240 ±396 [1853 – 2850] 2134 2064 ±375 [1697 – 2682] 2193 2085 ±398 [1758 – 2778] FEMMES CARENCEES Grand Tunis 120 2296 Sud Ouest 175 2316 Urbain 223 2295 Rural 72 2343 2098 2017 ±390 [1646 – 2699] 2229 2226 ±362 [1782 – 2756] 2128 2061 ±393 [1667 – 2699] 2209 2169 ±336 [1852 – 2714] * Effectif réellement enquêté ** Apport recommandé Dans une même colonne, les prévalences affectées des même lettres ne diffèrent pas significativement à p<0,05 A.4.1.2. Apport en fer alimentaire Ö Fer total Chez les femmes non carencées, l’apport moyen journalier en fer total est satisfaisant puisque les taux moyens de couverture varient entre 101 % et 110 % de l’apport recommandé selon les régions et selon les strates. Il n’en est pas de même des femmes carencées. En effet, l’apport moyen observé est nettement inférieur aux recommandations et les trois quarts de ces femmes sont situées dans la zone de risque de carence si ce niveau de consommation perdure. 15 % présentent une carence sévère d’apport en cet élément nutritionnel (tableau A XIX). Une différence interrégionale et interstrate est observée en ce qui concerne la proportion des femmes souffrant de carence sévère d’apport en fer total: elles sont significativement plus - 59 Anémie en Tunisie nombreuses dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest et dans le milieu urbain que dans le milieu rural. Tableau A XIX : Apports quotidiens en fer total (mg) chez les femmes non enceintes de 15 à 49 ans. Comparaison avec les apports nutritionnels recommandés. Effectifs* Normes recommandé es FAO/OMS 1988** Résultats Moyenne ±σ Médiane [10 e e 90 ] Taux de couverture (%) Apport <80% AR** (%) Apport <50% AR (%) 101 28,6 a 1,9 a 110 10,2 b 0,4 a 102 25,9 a 1,7 a 108 15,1 b 1,0 a 67 a 76,1 a 19,1 a 73 a 73,8 a 4,9 b 68 a 75,5 a 16,8 a 73 a 75,2 a 2,5 b FEMMES NON CARENCEES Grand Tunis 562 16,2 15,5 ± 3,8 Sud Ouest 552 16,1 17,3 ± 4,0 Urbain 856 16,1 15,7 ± 3,8 Rural 258 16,3 17,2 ± 4,3 14,8 [11,5 – 20,3] 16,8 [12,9 – 22,5] 15,1 [11,6 – 20,6] 16,4 [12,4 – 23,0] FEMMES CARENCEES Grand Tunis 120 16,5 10,8 ± 3,0 Sud Ouest 175 16,2 11,7 ± 2,9 Urbain 223 16,5 10,9 ± 3,0 Rural 72 16,0 11,7 ± 2,9 10,3 [7,4 – 15,3] 11,1 [8,6 – 15,8] 10,4 [7,7 – 15,3] 10,0 [9,1 – 16,5] * Effectif réellement enquêté. ** Apport recommandé Dans une même colonne, les prévalences affectées des même lettres ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Ö Fer disponible En ce qui concerne cet apport, la situation est comparable entre les deux groupes de femmes. En effet, qu’elles soient carencées ou non, les apports en fer disponible, calculés selon le modèle de Monsen, sont à priori insuffisants par rapport aux recommandations. Les taux de couverture, c’est-à-dire les valeurs moyennes sur les valeurs conseillées, sont dans la fourchette tolérée et s’échelonnent entre 89 et 98 % selon les régions et selon le milieu d’habitation pour les non carencées et entre 89 et 96 % pour le groupe des femmes carencées (tableau A XX). Chez les carencées, la variabilité interindividuelle est très grande de telle sorte que 41,4 % dans le Grand Tunis et 29,9 % dans le Sud ouest ont une consommation théorique inférieure à 80% des recommandations. Parmi ces femmes, 13,3 % du Grand Tunis et 6,7 % du Sud Ouest se situent à moins de la moitié des apports conseillés, seuils en dessous duquel les risques de déficience sont considérés comme élevés. - 60 Anémie en Tunisie Tableau A XX : Apports quotidiens en fer absorbable (mg) chez les femmes non enceintes de 15 à 49 ans. Comparaison avec les apports nutritionnels recommandés. Normes recommandé Effectif* es FAO/OMS 1988** Résultats Moyenne ±σ Médiane [10 e e 90 ] Taux de couverture (%) Apport <80% AR** (%) Apport <50% AR (%) 89 a 41,4 a 4,8 a 98 b 29,9 b 1,6 b 90 a 39,5 a 4,1 a 96 b 33,9 a 3,8 a 89 a 37,7 a 13,3 a 96 b 23,2 b 6,7 a 91 a 34,0 a 11,2 a 93 a 22,3 b 11,7 a FEMMES NON CARENCEES Grand Tunis 562 2,3 2,0 ± 0,7 Sud Ouest 552 2,4 2,3 ± 0,7 Urbain 856 2,4 2,1±0,7 Rural 258 2,4 2,3 ± 0,8 1.9 [1,4 – 2,9] 2,1 [1,6 – 3,3] 1,9 [1,4 – 2,9] 2,1 [1,4 – 3,4] FEMMES CARENCEES Grand Tunis 120 2,4 2,0 ± 0,7 Sud Ouest 175 2,4 2,3 ± 0,7 Urbain 223 2,4 2,1± 0,7 Rural 72 2,4 2,2 ± 0,8 1,9 [1,0 – 3,0] 2,2 [1,6 – 3,2] 2,0 [1,0 – 3,0] 2,1 [1,0 –3,3] * Effectif réellement enquêté. ** Apport recommandé Dans une même colonne, les prévalences affectées des même lettres ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Les femmes souffrant d’apports insuffisants en fer disponible théorique sont plus nombreuse dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest et dans le milieu urbain que dans le milieu rural. A.4.1.3. Consommation des produits carnés Les tissus animaux (viande, volaille, poisson, foie) ont la particularité de fournir du fer de bonne qualité, le fer héminique, et d’activer l’absorption d’un fer de moindre qualité, le fer non héminique. Une alimentation pauvre en viandes concourt au risque de carence en fer. Les résultats de l’enquête alimentaire ont montré que l’apport moyen en viandes est significativement plus élevé (p<0,001) chez les femmes non carencées (83,9 ± 67,4 g/j) que chez les carencées (59,0 ± 44,0 g/j). D’un autre côté, une disparité interrégionale de la consommation moyenne s’observe dans le groupe des femmes anémiques par carence en fer : l’apport moyen en viandes est statistiquement plus élevé chez les habitantes du Grand Tunis (63,8 ± 48,6 g/j) que chez celles du Sud Ouest (50,4 ± 29,6 g/j). Cependant, la variabilité de ces apports étant importante (le minimum ingéré par jour n’est que de 7 g alors que le maximum est de 320 g), seules 17,9 % des femmes du Grand Tunis et 9,1 % du Sud Ouest ont une alimentation à biodisponibilité élevée (voir modèle Monsen). - 61 Anémie en Tunisie De même, les femmes en milieu urbain consomment en moyenne plus de viandes que celles vivant en milieu rural, soit respectivement 61,5 ± 45,7 g/j contre 43,4 ± 25,3 g/j. A.4.1.4. Consommation du thé L’absorption du fer alimentaire constitue un facteur déterminant dans la façon dont s’effectue la couverture des besoins en fer. Plusieurs aliments ou nutriments sont susceptibles de diminuer l’absorption du fer alimentaire. C’est le cas entre autres, du thé. L’effet inhibiteur de l’absorption du fer non héminique est attribué aux flavonoïdes (polypnénols) qu’il contient. Les résultats de l’étude ont montré que les femmes carencées buvaient plus de thé que les femmes non carencées (1,11 ± 1,45 tasses/jour contre 0,71 ± 1,14 tasses/jour), la différence étant hautement significative (p<0,001). D’autre part, la consommation simultanée du thé et de l’alimentation est plus répandue chez les carencées (54,9 %) que chez les non carencées (38,4 %). Cette habitude alimentaire est plus fréquente chez les femmes du Sud Ouest (tableau A XXI). Femmes Carencées Femmes Non Carencées Tableau A XXI : Prévalence (%) de la consommation du thé Effectif* 0 tasses/jour Entre 1 et 2 tasses/jour 3 tasses et plus/jour Grand Tunis 562 62,5a 31,3 a 6,4 a Sud Ouest 552 58,8 a 32,0 a 9,2 a Urbain 856 61,6 a 32,5 a 5,9 a Rural 258 61,8 a 24,3 b 13,9 b Grand Tunis 120 48,9 a 40,7 a 10,4 a Sud Ouest 175 36,7 b 51,4 a 11,9 a Urbain 223 46,6 a 43,0 a 10,4 a Rural 72 36,1 a 50,4 a 13,4 a * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées des même lettres ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Cette étude a révélé que l’apport en fer total et plus élevé chez les femmes originaires du Sud Ouest que chez celles de la région du Grand Tunis, malgré une consommation de produits carnés plus faible. L’analyse de l’enquête sur les fréquences de consommation d’aliments riches en fer a fourni les éléments de réponse à ce paradoxe. En effet, une liste de 22 aliments riches en fer a été dressée (annexe 8). Les femmes avaient le choix entre 9 modalités de fréquence : jamais, une fois/an, plusieurs fois/an, une fois/mois, plusieurs fois/mois, une fois/semaine, deux fois/semaine, trois fois/semaine et tous les jours. - 62 Anémie en Tunisie La variable fréquence a été recodée en consommation fréquente (au moins trois fois par semaine) et non fréquente (les autres modalités). Les résultats ont montré que la consommation de légumineuses (lentilles, haricots blancs secs, petits pois secs, pois chiches, fenugrec, sorgho) est deux fois est demi plus fréquente dans le Sud Ouest que dans le Grand Tunis. Les plats à base de céréales et de légumes secs sont également consommés de façon plus fréquente, tels que le couscous, m’hamess, borghol, tchicha, bssissa, helba, drôo, etc. Même les ragoûts sont préparés avec des légumes secs. Même si leur coefficient d’absorption est moins élevé que celui du fer contenu dans les produits d’origine animale, ces aliments végétaux représentent une source non négligeable. L’apport énergétique moyen par jour chez les femmes souffrant d’anémie par carence martiale est dans la fourchette des recommandations internationales, et la variabilité interindividuelle est sensiblement la même que celle enregistrée chez les femmes non carencées. Qualitativement, cette alimentation ne couvre cependant pas leurs besoins quotidiens en fer total. De plus, les trois quarts de ces femmes carencées ont des apports en dessous du seuil minimum toléré. Un cinquième souffre de carence sévère d’apport. Cette situation est encore aggravée par certaines habitudes alimentaires comme par exemple, boire le thé en même temps ou juste après le repas ou encore, consommer en quantités insuffisantes les produits carnés, riches en fer héminique et connus comme étant activateurs de la biodisponibilité du fer non héminique. Ce comportement est plus répandu dans la région du Sud Ouest et expliquerait en partie la proportion plus élevée de femmes carencées en fer dans cette région par rapport au Grand Tunis malgré un apport en fer total meilleur. A.4.2. Examen parasitologique des selles Dans le Grand Tunis, l’examen parasitologique des selles a été réalisé sur l’ensemble des femmes anémiques et sur un groupe témoin, apparié par âge et strate avec le groupe des anémiques, soit au total 385 cas. Pour le Sud Ouest, c’est l’ensemble des femmes de l’enquête qui a subi cet examen, soit un total de 707 sur les 756 femmes enquêtées, soit un taux de réponse de 93,5 %. Ce taux est largement satisfaisant pour permettre une analyse statistique adéquate. - 63 Anémie en Tunisie Etant donné que pour le Grand Tunis, l’examen n’a pas englobé tout l’échantillon mais seulement tous les anémiques avec des non anémiques appariés (cas-témoin), les résultats enregistrés dans les deux régions sont présentés dans ce rapport par groupes anémiques et non anémiques. Les résultats ne peuvent pas être extrapolés à l’echelle de la population générale et on parlera plutôt de taux observé que de prévalence. A.4.2.1. Etude des facteurs étiologiques parasitaires de l’anémie Concernant le parasitisme intestinal, l’analyse intrarégion montre que les femmes anémiques semblent autant parasitées que les femmes non anémiques. Aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes. Le parasitisme intestinal est plus répandu dans le Sud Ouest que dans le Grand Tunis, et ce pour les deux groupes de femmes. De même ce sont les femmes rurales, qu’elles soient anémiques ou non, qui sont les plus parasitées. Dans le milieu rural, une différence intergroupe a été observée : les femmes non anémiques sont plus parasitées que les anémiques (tableau A XXII). Par ailleurs, une liste de six parasites intestinaux susceptibles d’engendrer une anémie a été pré-établie. Il s’agit de Giardia intestinalis (flagellé), Entamoeba histolytica (amibe), Ancylostoma duodénalis ou Nécator américanus (ankylostomes), Trichuris trichuria (trichocéphale), Fasciola hépatica (douve) et Ascaris lumbricoïdes (ascaris). Certains de ces parasites n’ont pas été mis en évidence sur nos examens de selles, il s’agit des œufs de trichocéphale et des œufs de douves. Tableau A XXII : Taux du parasitisme intestinal chez les femmes anémiques et les femmes non anémiques. FEMMES ANEMIQUES FEMMES NON ANEMIQUES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 281 40,9 a1 225 35,8 a1 Sud Ouest 98 58,5 b1 488 61,2 b1 Urbain 160 45,0 a1 498 42,4 a1 Rural 219 51,8 b1 215 61,9 b2 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Dans chaque région de l’étude, les femmes non anémiques porteuses de parasites pouvant induire une anémie sont plus nombreuses, mais de façon non significative, que celles qui sont anémiques et affectées par ces même parasites (tableau XXIII). Dans le milieu rural, l’infestation des femmes non anémiques par les parasites anémiants est plus importante que celle des femmes anémiques. - 64 Anémie en Tunisie Tableau A XXIII : Taux des parasites intestinaux pouvant induire une anémie chez les femmes anémiques et les femmes non anémiques FEMMES ANEMIQUES FEMMES NON ANEMIQUES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 281 3,6 a1 225 3,7 a1 Sud Ouest 98 18,7 b1 488 24,6 b1 Urbain 160 7,0 a1 498 10,0 a1 Rural 219 13,5 b1 215 21,4 b2 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Chez les deux groupes de femmes, le taux de l’infestation par ces parasites est plus élevé dans le Sud Ouest que dans le Grand Tunis. De plus, ce sont les femmes rurales qui semblent les plus affectées. Les taux de ces parasites retrouvés au sein des deux groupes de femmes anémiques et non anémiques sont détaillés dans le tableau A XXIV. Tableau A XXIV : Taux (%) d’Entamoeba histolytica, Ascaris lumbricoïdes et ankylostomes chez les femmes anémiques et les femmes non anémiques FEMMES ANEMIQUES Effectif* Entamoeba Ascaris histolytica lumbricoïdes FEMMES NON ANEMIQUES Ankylostomes Effectif* Entamoeba histolytica Ascaris lumbricoïdes Ankylostomes Grand Tunis 281 0 0 0 225 0 0 0 Sud Ouest 98 0.6 0 0,4 488 0,9 0,9 0 Urbain 160 0 0 0,2 498 0,1 0,7 0 Rural 219 1,2 0 0 215 1,4 0 0 * Effectif réellement enquêté. Entamoeba histolytica, seule espèce pathogène n’a été identifiée que dans la région du Sud Ouest (0,6 % chez les anémiques et 0,9 % chez les non anémiques). Ces proportions sont proches des chiffres déjà rapportés par d’autres auteurs tunisiens : 1.4 % (58) ; 1.7 % (59) et 0.8 % (60). Depuis quelques années, nous observons une nette diminution de la prévalence d’Entamoeba histolytica. Il est possible que ce que nous identifions sur nos examens de selles comme étant Entamoeba histolytica serait plutôt Entamoeba dispar, espèce morphologiquement identique à Entamoeba histolytica mais non douée d’un quelconque pouvoir pathogène, récemment identifiée par Sargeaunt (61), mais encore faudrait-il disposer des moyens diagnostiques nécessaires pour l’identification de cette espèce. Le syndrome dysentérique dû à la forme végétative hématophage d’Entamoeba histolytica ne serait pratiquement plus observé dans notre pays (61,62). - 65 Anémie en Tunisie Tableau A XXV : Taux de Giardia intestinalis chez les femmes anémiques et non anémiques FEMMES ANEMIQUES FEMMES NON ANEMIQUES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 281 3,6 a1 225 3,7 a1 Sud Ouest 98 18,4 b1 488 23,6 b1 Urbain 160 6,9 a1 498 9,8 a1 Rural 219 13,5 b1 215 20,5 b2 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. L’espèce Giardia intestinalis a été analysée à part pour rechercher son rôle éventuel en tant que parasite anémiant, car d’une part, son taux est plus élevé et d’autre part, elle a été décrite par plusieurs auteurs (63,64,65) comme étant un facteur de risque de l’anémie. Le mécanisme par lequel elle pourrait agir est décrit dans le chapitre méthodologie. Les résultats sont pratiquement les mêmes que ceux observés pour l’ensemble des parasites anémiants, autrement dit, ce sont les femmes non anémiques qui semblent les plus touchées par cette espèce de parasite ainsi que les femmes du Sud Ouest (tableau A XXV). Ceci est compréhensible vue que Giardia est la plus répandue et que les autres espèces sont pratiquement inexistantes. D’un autre côté, l’infestation par Giardia est plus importante, mais de façon non significative, chez les non carencées que chez celles qui souffrent d’une anémie par carence martiale (tableau A XXVI). Le portage de Giardia est plus fréquent dans la région du Sud Ouest et ceci pour les deux groupes de femmes, qu’elles soient carencées ou non. Les femmes rurales en sont plus affectées que les femmes urbaines. Tableau A XXVI : Taux de Giardia intestinalis chez les femmes anémiques par carence en fer et les femmes non carencées FEMMES CARENCEES FEMMES NON CARENCEES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 281 1,6 a1 225 4,3 a1 Sud Ouest 98 16,7 b1 488 23,7 b1 Urbain 160 5,7 a1 498 9,6 a1 Rural 219 15,1 b1 215 19,0 b1 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 66 Anémie en Tunisie D’après les résultats de l’examen parasitologique, la seule espèce identifiée pouvant induire une anémie, c’est Giardia Intestinalis. Cependant, étant donné qu’elle est plus répandue chez les femmes non carencées que chez les femmes carencées, son implication dans la genèse de l’anémie ferriprive est à écarter. Il demeure que la vigilance et la surveillance de l’évolution de l’infestation parasitaire sont nécessaires. A.4.3. Géophagie et pica La géophagie ou de façon plus générale le pica résulte d’une perversion du goût, et consiste à rechercher des substances non comestibles, comme le charbon, la terre, l’argile, le savon, etc. Une relation de cause à effet entre ce comportement et la carence en fer a été rapportée par plusieurs auteurs, sachant que ces produits non alimentaires apportent des chélateurs qui gênent l’absorption du fer. Cependant, la carence en fer est-elle aussi responsable de la perversion du goût, d’où la constitution d’un cercle vicieux. L’analyse des résultats a montré que cette morbidité gustative est plus répandue chez les femmes carencées (30,8 %) que chez les non carencées (16,6 %). Parmi les anémiques par carence martiale, ce sont les femmes originaires du Sud qui souffrent le plus de cette perversion du goût (40,0 % dans le Sud Ouest contre 25,8 % dans le Grand Tunis). Le pica est plus répandu chez les femmes rurales que chez les femmes urbaines, soit respectivement 46,5 % et 27,7 % (tableau A XXVII). Tableau A XXVII : Prévalences (%) du pica chez les femmes anémiques par carence en fer et les femmes non carencées FEMMES CARENCEES FEMMES NON CARENCEES Effectif Prévalence (%) Effectif Prévalence (%) Grand Tunis 108 25,8 a1 571 14,1 a2 Sud Ouest 183 40,0 b1 571 24,1 b2 Urbain 213 27,7 a1 874 17,3 a2 Rural 78 46,5 b1 268 13,0 b2 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 67 Anémie en Tunisie Il semble donc que le pica joue un rôle important dans l’atteinte des femmes par l’anémie ferriprive ou du moins dans son entretien. Les femmes de la région du Sud Ouest pratiquent plus fréquemment cette habitude néfaste que celles de la région du Grand Tunis. A.5. Les facteurs de risque de l’anémie par carence en fer A.5.1. Les facteurs alimentaires et comportementaux Un modèle de régression logistique selon la méthode descendante pas à pas (conditionnelle) a été réalisé en introduisant à la première étape les variables suivantes : l’âge, la région d’habitation, le score du niveau socio-économique, l’apport en fer total exprimé en % de la couverture des besoins, la consommation journalière de thé et la géophagie. Toutes ces variables ont été retenues par le modèle (tableau A XXVIII). Tableau A XXVIII: Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’apport en fer total, de la consommation de thé, de la géophagie, de l’âge, de la région et du niveau socioéconomique des ménages OR* ajusté sur toutes les variables du modèle Variable IC** à 95% Apport en fer total % des besoins Moins de 80 % De 80 à 120 % 120 % et plus N = 1433 9,79 ; p<0,001 1 0,30 ; p<0,01 7,05 – 13,60 --0,18 – 0,56 Consommation de thé Pas de consommation 1 à 2 verres consommés par jour 3 verres et plus par jour N = 1433 1 1,99 ; p<0,05 1,68 ; p<0,01 --1,17 – 3,37 1,20 – 2,33 Géophagie Non Oui N = 1433 1 1,72 ; p<0,01 --1,20 – 2,34 Age N =1433 1 1,72 ; p<0,01 --1,22 – 2,41 N = 1433 1 2,37 ; p<0,001 --1,72 – 3,28 N = 1433 1 0,80 ; NS 0,80 ; NS --0,54 – 1,20 0,47 – 1,04 Moins de 30 ans 30 ans et plus Région Gouvernorats de Tunis, Ben Arous, Ariana Gouvernorats de Tozeur, Gafsa, Kébili Variable non retenue par le modèle : Score du niveau socioéconomique Premier tercile : pauvre Deuxième tercile : moyen Troisième tercile : riche * Odds Ratio, ** Intervalle de Confiance à 95 %. Ö Apport en fer total Il existe une liaison significative (p<0,001) et forte (OR = 9,79 ; IC= 7,05-13,60) entre le déficit d’apport en fer alimentaire total et l’anémie par carence martiale. Cette liaison persiste après ajustement sur l’âge, la région d’habitation et le niveau socio-économique des ménages. - 68 Anémie en Tunisie Une consommation de fer total au-delà des besoins (apport supérieur ou égal à 120 % du taux de couverture des besoins) protège de l’anémie ferriprive (p<0,01). Ö Consommation de thé La consommation de thé en même temps que les repas ou juste après est significativement associée à l’anémie par carence en fer. Cette relation persiste quand on ajuste sur l’âge, la région et le niveau socioéconomique des ménages. Par rapport à celles qui ne boivent jamais de thé ou exceptionnellement, les femmes qui consomment habituellement entre un et deux verres par jour ont un risque multiplié par 1,99 (IC = 1,17-3,37 ; p<0,05) et les femmes qui absorbent trois verres et plus par jour présentent un risque de 1,68 (IC =1,20-2,33 ; p<0,01). Ö Géophagie et pica La consommation de produits non alimentaires (charbon, terre, argile, craie, chaux, savon et gravier) est significativement liée à l’anémie par carence en fer. Le risque observé est de 1,72 (IC = 1,20-2,34 ; p<0,01). Cette association persiste après ajustement sur l’âge, la région et le niveau socioéconomique des ménages. Toutefois, il faut rester prudent dans l’interprétation du sens de ce risque, car il a été prouvé que chez des personnes traitées pour leur anémie ferriprive, le pica disparaît et cette disparition correspondrait à une correction du trouble du goût entraîné par l’hyposidérémie (66). En effet, pour certains auteurs, cette perversion du goût serait la conséquence du déficit martial et ce dernier sera entretenu et aggravé par les chélateurs du fer apportés par les produits non comestibles ingérés. Ö Age L’âge est lié significativement (p<0,001) à l’anémie ferriprive. Le risque d’être affecté par ce type d’anémie est multiplié par 1,72 (IC = 1,22-2,41) chez les femmes âgées de 30 ans et plus. Cette association se maintient quand la variable âge est ajustée sur les autres variables du modèle. Il semble que les périodes de grossesse et d’allaitement, en se succédant le long de la vie de la femme fragilise son capital santé. Ö Région d’habitation Les femmes originaires du Sud Ouest sont plus exposées au risque de l’anémie ferriprive que celles du Grand Tunis. Le risque est multiplié par 2,37 (IC = 1,72-3,28 ; p<0,001) pour les premières. Cette relation persiste après ajustement sur toutes les variables du modèle. Ö Niveau socio-économique des ménages Aucune relation significative (p = 0,21) n’a été observée entre le niveau de vie des ménages et l’anémie ferriprive. Celle-ci semble affecter toutes les classes de la population, sans discrimination. A.5.2. Les facteurs socio-démographiques Le deuxième modèle de régression logistique (méthode descendante, pas à pas) a été construit en introduisant dans la première étape les variables âge, région, niveau d’instruction, taille de - 69 Anémie en Tunisie la famille et activité professionnelle. Les variables retenues par le modèle sont l’âge, la région d’habitation et la profession (tableau A XXIX). Ö Niveau d’instruction Aucune relation significative (p = 0,52) n’a été observée entre le niveau d’éducation des femmes et l’affection par l’anémie ferriprive. Ö Activité professionnelle Le type d’activité professionnelle est modérément lié à l’anémie ferriprive. Par rapport aux cadres supérieurs, les femmes au foyer (OR = 0,24 ; IC = 0,06-0,99), les élèves et les étudiantes (OR = 0,13 ; IC = 0,03-0,61) semblent protégées contre ce type d’anémie. Cette liaison persiste après ajustement sur toutes les variables du modèle. Ceci pourrait être expliqué par le fait que les femmes n’ayant pas d’activité professionnelle trouvent suffisamment de temps pour prendre de véritables repas à la maison ce qui diminuerait le risque d’une déficience nutritionnelle. Tableau A XXIX : Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’âge, de la région, du niveau d’instruction et de la profession. OR* ajusté sur toutes les variables du modèle Variable IC** à 95% Activité professionnelle N = 1433 Femme au foyer 0,24 ; p<0,05 0,06-0,99 Ouvrière, personnel de service 0,37 ; NS 0,09-1,61 Employée de bureau 0,34 ; NS 0,07-1,70 Cadre moyen 0,27 ; NS 0,05-1,36 Elève, étudiante 0,13 ; p=0,01 0,03-0,61 Cadre supérieur 1 --- Moins de 30 ans 30 ans et plus N =1433 1 1,75 ; p<0,001 --1,30-2,36 N = 1433 1 1,67 ; p<0,001 --1,29-2,17 Niveau d’instruction Analphabète Primaire et secondaire incomplet Secondaire complet et supérieur N = 1433 0,75 ; NS*** 0,87 ; NS 1 0,36-1,53 0,44-1,72 --- Taille de la famille Moins que 5 personnes à charge 5 personnes à charge et plus N = 1433 1 0,90; NS --0,66-1,22 Age Région Gouvernorats de Tunis, Ben Arous, Ariana Gouvernorats de Tozeur, Gafsa, Kébili Variables non retenues par le modèle : * Odds Ratio, ** Intervalle de Confiance à 95 %., *** relation statistiquement non significative - 70 Anémie en Tunisie Ö Taille de la famille Aucune liaison significative (p = 0,55) n’a été observée entre la taille du ménage, ajustée sur toutes les variables du modèle de régression logistique et l’atteinte des femmes par l’anémie ferriprive. A.5.3. Les facteurs liés à la vie génitale de la femme Les variables descriptives de la vie reproductive de la femme (parité, espace intergénésique, méthode de contraception ont été introduites dans un modèle logistique (méthode descendante, pas à pas). Seule la parité a été retenue par le modèle (tableau A XXX). Ö Parité Les grossesses répétées augmentent le risque de l’anémie ferriprive. La prévalence de ce type d’anémie augmente avec la parité (21,3 % chez les femmes n’ayant jamais eu de grossesse, 22,0 % chez les mères de 1 à 3 enfants et 25,8 % chez les mères de 4 enfants et plus), Il existe une liaison positive entre la parité et l’anémie ferriprive, en ajustant sur l’âge et la région d’habitation. En effet, le risque d’être affectée par l’anémie par carence martiale est multiplié par 1,61 (IC = 1,09-2,39 ; p<0,05) chez les femmes ayant 4 enfants et plus par rapport à celles qui n’ont pas d’enfants. Tableau A XXX : Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’âge, de la région, de la parité, de l’espace intergénésique et de la méthode de contraception OR* ajusté sur toutes les variables du modèle IC** à 95% Parité Pas d’enfants Mère de 1 à 3 enfants Mère de 4 enfants et plus N = 1468 1 1,36 ; NS*** 1,61 ; p<0,05 --0,88-2,14 1,09-2,39 Age N =1468 1 1,62 ; p<0,05 --1,12-2,34 N = 1468 1 1,70 ; p<0,001 --1,30-2,21 Espace intergénésique Moins de 24 mois 24 mois et plus N = 1468 1,09 ; NS 1 0,78-1,52 --- Contraception Aucune Méthodes autres que le stérilet DIU N = 1468 1 1,25 ; NS 1,48 ; NS --0,71-2,20 0,92-2,39 Variable Moins de 30 ans 30 ans et plus Région Gouvernorats de Tunis, Ben Arous, Ariana Gouvernorats de Tozeur, Gafsa, Kébili Variables non retenues par le modèle : * Odds Ratio, ** Intervalle de Confiance à 95 %., *** relation statistiquement non significative - 71 Anémie en Tunisie Ö Espace intergénésique La prévalence de l’anémie par carence martiale est plus élevée chez les femmes ayant eu au moins deux grossesses rapprochées (moins de 24 mois) que chez les autres, soit respectivement 21,9 % et 17,9 %. L’analyse brute montre une relation entre l’anémie ferriprive et l’espacement des naissances qui disparaît complètement quand on ajuste sur l’âge et la région d’habitation. Ö Méthode de contraception La prévalence de l’anémie ferriprive est légèrement plus élevée chez les femmes utilisatrices d’un dispositif intra utérin (DIU) que chez celles qui n’appliquent aucune méthode de contraception, soit respectivement 22,6 % et 17,8 %. Une relation significative (p<0,05) entre le port du dispositif intra utérin, connu comme étant un facteur majeur de perte de fer chez la femme, et l’anémie ferriprive est démontrée en analyse brute, mais disparaît quand cette variable est ajustée sur l’âge et le milieu d’habitation. Ce résultat confirme celui d’autres auteurs qui n’ont pas détecté de chute de l’hémoglobine suite à l’utilisation du DIU (67,68,69). A.5.3. Les parasitoses Le taux des parasites pouvant induire une anémie ferriprive est plus faible chez les femmes anémiques par carence martiale que chez les autres. L’analyse par régression logistique n’a décelé aucune relation entre le portage de ce type de parasite et l’affectation par l’anémie ferriprive que ce soit en analyse brute ou après ajustement sur l’âge, la région d’habitation et le niveau socioéconomique des ménages (tableau A XXXI). Tableau A XXXI: Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction du portage de parasites pouvant induire une anémie carentielle Variable Portage de parasites anémiants Non Oui OR* ajusté IC** à 95% N = 1468 1 0,69 ; NS*** --0,45-1,06 Variables d’ajustement Age Région Niveau socioéconomique des ménages Valeur de p 0,000 0,160 0,460 * Odds Ratio, ** Intervalle de Confiance à 95 %., *** relation non significative A.5.4. Conditions de l’habitat et hygiène du milieu Les variables descriptives des conditions sanitaires environnementales comme l’approvisionnement en eau potable, l’évacuation des eaux usées, l’infrastructure sanitaire et le nombre de personne occupant une chambre pour dormir ont été introduites dans un modèle - 72 Anémie en Tunisie logistique (méthode descendante, pas à pas). Outre ces variables d’hygiène, l’accès physique aux soins, l’âge et la région d’habitation ont été introduites à la première étape du modèle. Seuls l’âge (p<0,001) et la région d’habitation (p<0,001) ont été retenus par le modèle. Pour les autres variables, aucune association significative n’a été mise en évidence avec l’anémie ferriprive. A.6. Evaluation du programme de supplémentation en fer Dans le cadre d’un programme national de périnatalité, une supplémentation en fer à titre prophylactique a été mise en place en 1990 pour prévenir l’anémie ferriprive chez les femmes enceintes ou la corriger chez celles qui en souffrent. La dose recommandée dans le traitement préventif est de 100 mg de fer élément par jour, à partir de la vingtième semaine d’aménorrhée et jusqu’après l’accouchement. Dans le cas de diagnostic d’une anémie modérée, le traitement curatif préconise 200 mg de fer élément par jour avec contrôle régulier de l’hémoglobine circulante. Les cas d’anémie sévère sont dirigés vers le structures de référence. Aucune évaluation de ce programme n’avait été réalisée au moment de la réalisation de cette enquête. C’est pourquoi nous avons recueilli des informations sur la couverture de la supplémentation martiale. Le questionnaire n’a été appliqué qu’aux femmes ayant eu au moins une grossesse depuis 1990, soit 724 femmes. A la question avez-vous bénéficié d’une supplémentation en fer durant votre grossesse, 69,6 % des femmes interviewées ont répondu par l’affirmative. Pour celles qui n’ont pas reçu la supplémentation, les raisons invoquées sont : - la non prescription par le médecin traitant (57,7 %) ; - le non suivi de consultation prénatale durant toute la grossesse (17,3 %) ; - le refus de prendre un médicament durant la grossesse surtout que le besoin ne s’est pas fait sentir (15,8 %) ; - l’arrêt du traitement à la suite d’apparition de troubles digestifs comme les douleurs gastriques ou la constipation (6%) ; - le manque de moyens pour acheter le traitement (3,2 %). Nous avons remarqué également que, pour celles qui ont bénéficié de ce programme de supplémentation systématique, seules 22,2 % ont pris le fer durant toute la grossesse. La durée moyenne de prise martiale est de 4 mois avec un minimum de 1 mois et un maximum de 9 mois. - 73 Anémie en Tunisie B. ENFANTS AGES DE MOINS DE 5 ANS C’est pendant la période allant de la conception à l’âge de trois ans que se forment les organes et les tissus d’un enfant, son sang, son cerveau et ses os. C’est aussi à cette période que le potentiel physique et intellectuel est façonné. De ce fait, une anémie même légère aboutit à un retard de développement du cerveau et à une réduction des capacités d’apprentissage. L’exploration des causes éventuelles de ce trouble aiderait à comprendre les déterminants multiples impliqués dans son apparition et donc à mieux orienter sa prise en charge. Cette recherche constitue l’un des objectifs spécifiques de cette étude. B.1. Caractéristiques sociodémographiques L’enquête sur les causes de l’anémie a été réalisée auprès de 955 enfants âgés de moins de cinq ans, dont 468 sont originaires du Grand Tunis et 487 du Sud Ouest. La taille de l’échantillon des enfants enquêtés garantit une précision satisfaisante de la prévalence de l’anémie dans les deux régions de l’étude. La répartition des enfants selon le sexe montre que 52,4 % sont des garçons et 47,4 % sont des filles pour la région du Grand Tunis, et respectivement 50,3 % et 49,7 % pour la région du Sud Ouest. Cette répartition est superposable à celle rapportée par l’ENPE de 1999 pour les régions (figure B 1). ENPE 1999 Enquête Anémie Grand Tunis Filles Garçons Sud Ouest Filles Garçons 60 50 40 30 20 10 0 10 20 30 40 50 60 Pourcentage Figure B 1 : distribution de l’échantillon des enfants selon le sexe et comparaison avec l’enquête nationale sur la population et l’emploi (ENPE) Dans la région du Grand Tunis, 91,9 % de ces enfants vivent en milieu urbain et 8,1 % en milieu rural. Pour le Sud Ouest, les proportions respectives sont de 65,3 % et de 34,7 %. La - 74 Anémie en Tunisie répartition des enfants selon le milieu est donc identique à celle des femmes de l’échantillon et sensiblement la même que celle de l’ENPE de 1999. Plus que la moitié des enfants (53,7 %) ont des mères ayant un niveau de scolarisation primaire. Cette proportion est plus importante dans le Grand Tunis (55,8 %) que dans le Sud Ouest (47 %). Les enfants dont les mères n’ont jamais été scolarisées représentent à peu près le tiers (29,8 %). Ces dernières sont plus nombreuses dans le Sud Ouest (38,9 %) que dans le Grand Tunis (26,9 %), et dans le milieu rural (47,1 %) par rapport au milieu urbain (26,9 %). Les mères ayant un niveau universitaire ne représentent que 1,3 % du total et sont presque toutes citadines (tableau B I). Tableau B I : Niveau de scolarisation de la mère (%) Effectif* Pas de scolarisation Primaire Secondaire incomplet Secondaire complet Universitaire Grand Tunis 468 26,9 55,8 13,0 3,2 1,0 Sud Ouest 487 38,9 47,0 10,9 1,0 2,2 Urbain 744 26,9 54,6 14,2 2,8 1,5 Rural 211 47,1 48,5 2,4 2,0 0,0 * Effectif réellement enquêté Seuls 15,2 % des enfants ont des pères n’ayant jamais fréquenté l’école. Cette proportion est deux fois plus importante dans le Sud Ouest (24,8 %) que dans le Grand Tunis (12,2 %). Les pères dont le niveau de scolarisation est supérieur à l’enseignement primaire sont plus nombreux dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest et dans le milieu urbain que dans le milieu rural. La proportion des pères universitaires est sensiblement la même dans le Grand Tunis et dans le Sud Ouest (tableau B II). Tableau B II : Niveau de scolarisation du père (%) Effectif* Non scolarisé Primaire Secondaire incomplet Secondaire complet Universitaire Grand Tunis 468 12,2 54,2 24,7 5,6 3,3 Sud Ouest 487 24,8 47,4 23,0 1,7 3,1 Urbain 744 13,0 52,7 25,4 5,4 3,5 Rural 211 28,7 51,7 17,8 0,0 1,8 * Effectif réellement enquêté D’une façon générale, le niveau d’éducation des parents des enfants de l’enquête est plus élevé dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest et par conséquent, dans le milieu urbain que dans le milieu rural. En ce qui concerne la profession des mères, la majorité des enfants ont des mères qui ne travaillent pas (86,2 %). La proportion des mères au foyer est plus élevée en milieu rural - 75 Anémie en Tunisie (97,1%) qu’en milieu urbain (84,5 %). Les mères qui exercent un travail rémunéré sont surtout des ouvrières, des employées et des petites commerçantes, soit 88 % de la population féminine active enquêtée. Les femmes cadres moyens et cadres supérieurs sont surtout urbaines et originaires du Grand Tunis (tableau B III). Tableau B III : Profession de la mère (%) Effectif* Ouvrières, Employées, Petites commerçantes Cadres moyens Cadres supérieurs profession Grand Tunis 468 11,7 1,1 2,0 85,2 Sud Ouest 487 9,3 0,6 0,4 89,7 Urbain 744 12,5 1,1 1,9 84,5 Rural 211 2,5 0,5 0,0 97,0 Sans * Effectif réellement enquêté Pour ce qui est de la profession du père, l’analyse des données sur les groupes professionnels, classés selon l’INSEE (70), montre que dans les deux régions de l’étude, la majorité sont des employés, des ouvriers et des salariés agricoles (90 % de la population active masculine). Tableau B IV : Profession du père (%) Effectif* Ouvriers, Employés, Petits commerçants Cadres moyens Cadres supérieurs Sans profession Grand Tunis 468 84,6 5,6 3,6 6,2 Sud Ouest 487 80,4 8,4 1,6 9,6 Urbain 744 82,9 6,4 3,5 7,2 Rural 211 88,2 5,4 1,0 5,4 * Effectif réellement enquêté Les cadres supérieurs et les patrons de l’industrie et de l’agriculture ne représentent que 3,3% des sujets enquêtés (tableau B IV). Cette catégorie est trois fois plus importante en milieu urbain et deux fois plus fréquente dans le Grand Tunis. Parmi les pères, 9,6 % sont inactifs dans le Sud Ouest et 6,2 % dans le Grand Tunis. Ces taux englobent les anciens agriculteurs, les retraités du secteur public et du secteur privé et les chômeurs. B.2. Aspects épidémiologiques de l’anémie Analyse selon le sexe et le lieu d’habitation L’évaluation de l’anémie dans cette tranche d’âge et sa distribution selon le sexe, le milieu, la région et selon la sévérité sont résumées dans le tableau B V. Les résultats montrent que dans chaque région de l’enquête, l’anémie est également répartie entre les deux sexes. Dans le - 76 Anémie en Tunisie Grand Tunis, la prévalence est de 27,8 % chez les garçons et de 29,8 % chez les filles. De même, dans la région du Sud Ouest, ces pourcentages sont homogènes, soit 26,3 % chez les garçons et 30,6 % chez les filles. Tableau B V : Répartition de la prévalence de l’anémie selon le sexe, le degré de sévérité, la région et le milieu. GARÇONS FILLES Prévalence (%) de l’anémie [IC=95%]** Effectif* Grand Tunis Sud Ouest 246 245 Urbain 390 Rural 101 Hb*** < 11 g/dl Hb*** < 7 g/dl 27,8 a 2,0 [22,2 – 33,4] [0,2 – 3,7] 26,3 a 0,0 [20,8 – 31,8] [0,0 – 0,0] 27,7 a 1,8 [23,2 – 32,1] [0,5 – 3,1] 26,2 a 0,0 [17,6 – 34,8] [0,0 – 0,0] Effectif* 222 242 354 110 Hb*** < 11 g/dl Hb*** < 7 g/dl 29,8 a 0,4 [23,8 – 35,8] [0,0 – 1,2] 30,6 a 0,5 [24,8 – 36,4] [0,0 – 1,4] 29,9 a 0,4 [25,1 – 34,7] [0,0 – 1,0] 30,5 a 0,0 [21,9 – 39,1] [0,0 – 0,0] * Effectif réellement enquêté. ** Intervalle de confiance avec une probabilité de 95 %. *** Taux circulant d’hémoglobine. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. La répartition de la prévalence de l’anémie selon le sexe et selon le milieu de résidence est équivalente. Les taux observés sont de 27 % chez les garçons et de 29,9 % chez les filles en milieu urbain, et de 26,2 % chez les garçons et 30,5 % chez les filles en milieu rural. Dans la région du Grand Tunis, la prévalence de l’anémie sévère (taux de l’hémoglobine circulante inférieur à 7g/dl) est considérée modérée selon les critères épidémiologiques de l’OMS chez les garçons et faible chez les filles, soit respectivement 2 et 0,4 %. Rappelons que les prévalences sont considérées faibles quand elles varient entre 0,1 et 0,9 %, modérées quand elles s’échelonnent entre 1 et 9,9 % et sévères si elles sont supérieures à 10 % (57). Dans la région du Sud Ouest, cette prévalence est faible aussi bien chez les filles (0,5 %) que chez les garçons (0 %). Pour les deux sexes, l’anémie sévère est inexistante en milieu rural. Dans le milieu urbain, la prévalence est modérée chez les garçons (1,8 %) et faible chez les filles (0,4%). - 77 Anémie en Tunisie B.2.2. Analyse selon l’âge Dans les deux régions de l’étude, la prévalence de l’anémie atteint son maximum et dépasse les 50 % entre 6 et 23 mois. Au delà de 24 mois, le taux s’abaisse avec l’âge mais demeure supérieur au niveau attendu de 2,3 % (tableau B VI). Vu le faible effectif par classe d’âge et par région, nous avons calculé les prévalences pour l’ensemble des deux régions. La tendance reste toujours la même c’est-à-dire, forte prévalence entre 6 et 23 mois et baisse régulière après. Tableau B VI : Répartition de la prévalence de l’anémie selon l’âge Grand Tunis Sud Ouest Ensemble des deux régions Classe d’âge (mois) Effectif Prévalence (%) Effectif Prévalence (%) Effectif Prévalence (%) 06 - 23 126 53,6 131 63,0 257 55,8 24 - 35 96 39,0 76 32,5 172 37,8 36 – 47 105 17,7 103 17,6 208 17,6 48 - 59 141 8,6 177 7,9 318 7,9 * Effectif réellement enquêté B.2.3. Analyse pour l’ensemble des deux sexes Etant donné que la prévalence de l’anémie selon le sexe ne montre pas de différence significative, l’étude a été faite pour l’ensemble des deux sexes. Les régions du Grand Tunis et du Sud Ouest présentent des prévalences sans différence significative entre elles, soit respectivement égales à 28,8 % et 28,3 %. Cette prévalence est répartie de façon homogène selon les strates. Elle est de 28,7 % en milieu urbain et de 28,3 % en milieu rural (tableau B VII). Tableau B VII : Prévalence de l’anémie et répartition selon la région et le milieu ENFANTS de 6 à 59 mois Effectif* Prévalence (%) de l’anémie [IC=95%]** Hb*** < 11 g/dl Hb < 7 g/dl Grand Tunis 468 28,8 a [24,7 – 32,9] 1,2 [0,2 – 2,2] Sud Ouest 487 28,3 a [19,2 – 26,6] 0,2 [0,2 – 0,6] Urbain 744 28,7 a [23,8 – 30,2] 1,1 [0,3 – 1,7] Rural 211 28,3 a [19,0 – 30,6] 0,0 [0,0] * Effectif réellement enquêté.** Intervalle de confiance avec une probabilité de 95 %. *** Taux circulant d’hémoglobine. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 78 Anémie en Tunisie Comparée aux données de l’enquête nationale de nutrition 1996/97, la prévalence de l’anémie a enregistré une élévation non significative dans la région du Grand Tunis aux cours des trois dernières années (23,7 % en 1997 et 28,9 % en 2000). Par contre, elle a montré une baisse significative dans la région du Sud Ouest, passant de 39,2 % en 1997 à 28,3 % en 2000. Selon les critères épidémiologiques de l’OMS, la prévalence de l’anémie sévère est modérée dans la région du Grand Tunis (1,2 %) et faible dans la région du Sud Ouest (0,2 %). L’analyse selon les strates révèle que la prévalence de l’anémie sévère est modérée en milieu urbain (1,1 %) et presque inexistante en milieu rural (0 %). La distribution du taux moyen de l’hémoglobine selon les strates et les régions est donnée chez les enfants anémiques et chez les enfants non anémiques dans le tableau B VIII. Chez le groupe des anémiques, l’étude interrégionale montre qu’il n’existe pas de différence significative entre la région du Grand Tunis (9,41 ± 1,23 g/dl) et la région du Sud Ouest (9,87 ± 0,85 g/dl) pour le taux moyen de l’hémoglobine. Chez les enfants non anémiques, la moyenne observée de l’hémoglobine est aussi répartie de façon égale entre les deux régions, soit 12,26 ± 0,92 g/dl dans la région du Grand Tunis et 12,50 ± 0,78 g/dl dans la région du Sud Ouest. La répartition intragroupe selon les strates est également homogène. Tableau BVIII : Taux moyen de l’hémoglobine circulante chez les enfants anémiques et les non anémiques ENFANTS de 6 à 59 mois REGION MILIEU Grand Tunis Sud Ouest Urbain Rural 468 487 744 211 Effectif* NA A NA A NA A NA A Moyenne (g/dl) 12,26 9,41 12,50 9,87 12,31 9,47 12,33 9,80 ±σ ± 0,92 ±1,23 ± 0,78 ± 0,85 ± 0,91 ± 1,21 ± 0,81 ± 0,86 Groupe d’enfants Taux d’hémoglobine * Effectif réellement enquêté. NA : non anémiques ; A : anémiques. B.3. Les différents types d’anémie B.3.1. Anémie par carence en fer Les résultats des dosages biologiques révèlent que 21,3 % des enfants de 6 à 59 mois originaires du Grand Tunis et 18 % de ceux du Sud Ouest présentent une anémie par carence martiale (tableau B IX). La différence entre les deux prévalences est statistiquement non - 79 Anémie en Tunisie significative. Cette proportion est également répartie entre les deux milieux, l’urbain (20,7 %) et le rural (19,1 %). L’anémie ferriprive représente 74 % de la prévalence globale de l’anémie observée dans le Grand Tunis et 63,7 % de celle enregistrée dans le Sud Ouest. La différence entre les deux taux est statistiquement significative (p<0.01). Cette proportion est plus élevée, mais de façon non significative, dans le milieu urbain par rapport au milieu rural, soit respectivement 72,2 % et 67,5 %. Tableau B IX : Prévalences de l’anémie et de l’anémie par carence en fer ENFANTS de 6 à 59 mois Anémie Anémie ferriprive Proportion des anémiques par carence en fer (%) Prévalence (%) Effectif* Grand Tunis 468 28,7 a 21,3 a 74,0 a Sud Ouest 487 28,3 a 18,0 a 63,7 b Urbain 744 28,8 a 20,7 a 72,2 a Rural 211 28,3 a 19,1 a 67,5 a * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05 B.3.2. Anémie inflammatoire Parmi les enfants enquêtés, 3,3 % dans le Grand Tunis et 2,8 % dans le Sud Ouest présentent un taux sérique élevé de la protéine C réactive, associé à une baisse de l’hémoglobine circulante en dessous des seuils limites recommandés. Ces signes biologiques traduisent l’existence chez ces enfants d’une anémie inflammatoire (tableau B X). Sa prévalence est de (3,5 %) en milieu urbain et de (1,1 %) en milieu rural. Tableau B X : Prévalence de l’anémie inflammatoire ENFANTS DE 6 à 59 mois Effectif* Prévalence (%) de l’anémie inflammatoire Proportion des sujets anémiques par inflammation (%) Grand Tunis 468 3,3 a 11,3 a Sud Ouest 487 2,8 a 9,8 a Urbain 744 3,5 a 12,1 a Rural 211 1,1 a 3,8 b * Effectif réellement enquêté. Sur une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 80 Anémie en Tunisie La proportion de l’anémie inflammatoire par rapport à la prévalence globale de l’anémie est statistiquement non différente entre la région du Grand Tunis (11,3 %) et celle du Sud Ouest (9,8 %) et elle est significativement plus élevée (p<0,001) dans le milieu urbain (12,1 %) par rapport au milieu rural (3,8%). B.3.3. Anémie mixte inflammatoire et ferriprive Parmi les enfants anémiques par carence en fer, seuls 4,8 % dans le Grand Tunis et 3,2 % dans le Sud Ouest présentent une infection ou une inflammation associée. révélée par l’élévation du taux de la protéine inflammatoire, la CRP. La différence entre les deux prévalences est non significative (tableau B XI). Tableau B XI : Prévalence de l’anémie ferriprive associée à un syndrome inflammatoire ENFANTS DE 6 à 59 mois Anémie Ferriprive (AF) AF (%) AF + Inflammation (%) Proportion des AF ayant une inflammation associée (%) Effectif* Grand Tunis 468 21,3 a 1,1 a 4,8a Sud Ouest 487 18,0 a 0,6a 3,2 a Urbain 744 20,7 a 1,1 5,2 Rural 211 19,1 a 0,0 0,0 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05 Ce sont les enfants du milieu urbain qui semblent presque exclusivement touchés par cette combinaison d’inflammation et de carence martiale, 5,2 %. Dans le Grand Tunis, le tiers des enfants (1,1 %) touchés par l’anémie inflammatoire présente une carence martiale associée. Dans le Sud Ouest, seuls 0,6 % des enfants souffrent de la combinaison de ces deux pathologies. Cette association s’observe surtout dans le milieu urbain, 1,1 % contre seulement 0,2 % dans le milieu rural. B.3.4. Anémie par carence en acide folique Les résultats sont portés sur le tableau B XII. Tableau B XII : Prévalence de l’anémie par carence en acide folique ENFANTS DE 6 à 59 mois Prévalence (%) Effectif* de l’anémie par carence en acide folique - 81 Proportion des sujets anémiques par carence en acide folique (%) Anémie en Tunisie Grand Tunis 468 0,4 1,2 Sud Ouest 487 0,0 0,0 Urbain 744 0,3 1,1 Rural 211 0,0 0,0 * Effectif réellement enquêté. Les taux des folates sériques inférieurs aux seuils limites, associés à des concentrations basses d’hémoglobine circulante sont extrêmement rares chez les enfants de moins de 5 ans sélectionnés pour cette étude. Les prévalences enregistrées sont de 0,4 % dans la région du Grand Tunis, 0 % dans la région du Sud Ouest, 0,3 % dans le milieu urbain et 0 % dans le milieu rural. Exprimées en pourcentage de la prévalence globale de l’anémie, les proportions de l’anémie par carence en acide folique restent très basses : 1,2 % pour le Grand Tunis, 0 % pour le Sud Ouest, 1,1 % pour le milieu urbain et 0 % pour le milieu rural. B.3.5. Anémie par carence en vitamine B12 Au niveau des régions, le déficit en vitamine B12 combiné à une anémie est presque inexistant : 0 % dans le Grand Tunis et 0,3 % dans le Sud Ouest. Il en est de même à l’échelle des strates puisque les prévalences ne sont que de 0,0 % et de 0,5 %, respectivement dans le milieu urbain et dans le milieu rural (tableau B XIII). Tableau B XIII : Prévalences de l’anémie par carence en vitamine B12 et ses proportions de ce type d’anémie par rapport au total de l’anémie ENFANTS DE 6 à 59 mois Prévalence (%) Effectif* de l’anémie par carence en vitamine B12 Proportion des sujets anémiques par carence en vitamine B12 (%) Grand Tunis 468 0,0 0,0 Sud Ouest 487 0,3 1,1 Urbain 744 0,0 0,0 Rural 211 0,5 1,8 * Effectif réellement enquêté. La proportion de l’anémie par carence en vitamine B12 par rapport à la prévalence globale de l’anémie est très faible à l’échelle régionale et au niveau des strates : 0 % dans le grand Tunis, 1,1 % dans le Sud Ouest, 0 % dans le milieu urbain et 1,8 % dans le milieu rural. B.3.6. Anémies hémolytiques hémoglobinopathies congénitales Le dépistage des hémoglobinopathies chez les enfants de 6 à 59 mois a révélé que 3,8 % des enfants sont porteurs de ces anomalies. - 82 Anémie en Tunisie Les anomalies les plus fréquemment rencontrées sont le trait ß –thalassémie (2,3 % des cas) et le trait drépanocytaire (1,3 %). Des anomalies plus rares ont été également identifiées comme l’hémoglobinopathie C (0,1 %) et les syndromes majeurs (0,1 %) représentés par des sujets atteints de drépanocytose homozygote (SS) ou d’une forme associant les 2 traits à la fois de drépanocytose et de ß-thalassémie (S/ ß-thal.). Tableau B XIV : Prévalence (%) des hémoglobinopathies chez les enfants de 6 à 59 mois. ANOMALIES HEREDITAIRES DE HEMOGLOBINE Effectif* ß/ thal min AS AC SS SS ou S/thal Hérédité totale Grand Tunis 468 2,9 1,3 0,0 0,0 0,0 4,2 Sud Ouest 487 0,4 1,3 0,3 0,0 0,3 2,3 Urbain 744 2,6 1,5 0,1 0,0 0,1 4,3 Rural 211 0,2 0,5 0,0 0,0 0,0 0,7 * Effectif réellement enquêté ß/thal min: Béta thalassémie mineure; AS: trait Drépanocytaire; AC: trait d’hémoglobine C; SS ou S/thal: formes majeures de drépanocytose homozygote (SS) ou de drépanothalassémie La répartition régionale de ces anomalies indique une prédominance de la ß-thalassémie dans le Grand Tunis (2,9 %) et de la drépanocytose dans le Sud Ouest (1,3 %). La population urbaine est la plus touchée par ces anomalies puisque 2,6 % des enfants sont porteurs du trait ß-thalassémie, 1,5 % du trait drépanocytose, 0,1 % de l’Hb C et 0,1 % de syndromes majeurs contre seulement 0,2 % et 0,5 % porteurs respectivement de l’anomalie ß-thal et du syndrome drépanocytaire dans le milieu rural (tableau XIV). Tableau B XV : Prévalence (%) des anémies par hémoglobinopathies chez les enfants 6 à 59 mois et proportion de ce type d’anémie par rapport à l’anémie totale ANEMIES PAR HEMOGLOBINOPATHIES Proportion des anémies par hémoglobinopathies par rapport au total de l’anémie Effectif* ß/ thal min AS AC Hérédité totale Grand Tunis 468 1,4 0,0 0,0 1,4 4,7 Sud Ouest 487 0,3 0,4 0,3 1,0 3,6 Urbain 744 1,2 0,1 0,1 1,4 4,9 Rural 211 0,2 0,3 0,0 0,5 1,9 * Effectif réellement enquêté ß/thal min: Béta thalassémie mineure; AS: trait Drépanocytaire; AC: trait d’hémoglobine C; SS ou S/thal: formes majeures de drépanocytose homozygote (SS) ou de drépanothalassémie L’expression de ces hémoglobinopathies sous forme d’anémie a été observée chez 1,3 % de l’ensemble des enfants soit 34 % des enfants porteurs. - 83 Anémie en Tunisie Parmi ces anémiques héréditaires, 1,1% sont porteurs d’une thalassémie mineure, 0,1 % du syndrome drépanocytaire et 0,1 % d’hémoglobinose C. La proportion des anémies par hémoglobinopathies héréditaires par rapport à la prévalence globale de l’anémie n’est que de 4,4 %. Dans le Grand Tunis, la thalassémie mineure est presque la seule cause de l’anémie héréditaire chez les enfants de moins 5 ans, alors que dans le Sud Ouest, la drépanocytose (0,4 %), la ß-thalassémie (0,3 %) et l’hémoglobinose C (0,3 %) se partagent la cause de l’anémie congénitale (tableau B XV). Les anémies par hémoglobinopathies sont surtout urbaines et c’est la thalassémie mineure qui est la plus fréquente. Les résultats retrouvés aussi bien chez les enfants que chez les femmes de la présente étude, concordent bien avec les données épidémiologiques rapportées antérieurement en Tunisie mettant en évidence l’existence de foyers d’hémoglobinopathies au Nord Ouest et au Sud Ouest. En effet, 53% de l’effectif enquêté dans le Grand Tunis et porteurs d’anomalies de l’hémoglobine sont en fait originaires du Nord Ouest. Les drépanocytaires retrouvés dans le Sud Ouest sont en majorité issus de Kébili et Tozeur. Ce foyer a été décrit préalablement dans une large prospection menée en 1997 comme une zone de prévalence de la drépanocytose (72). Ces données sont importantes à souligner pour bien asseoir dans ces régions un programme adapté de dépistage, de prévention et de surveillance des hémoglobinopathies. Les différents types d’anémie identifiés chez les enfants de moins de 5 ans ainsi que leurs prévalences sont résumés dans le tableau B XVI. La carence en fer est la cause essentielle de l’anémie. Ce sont les enfants du Grand Tunis qui en souffrent le plus (74,3 % de l’ensemble des anémiques du Grand Tunis contre 63,7 % de ceux du Sud Ouest). Les anémies par carence en folates ou en vitamine B12 sont rares dans les deux régions. Les anémies inflammatoires représentent 11,3 % des cas d’anémie recensés dans le Grand Tunis, 9,8 % dans le Sud ouest, 12,1 % dans le milieu urbain et 3,8 % dans le milieu rural. Quant aux hémoglobinopathies, elles se sont exprimées sous forme d’anémie chez seulement 1,4 % des enfants du Grand Tunis (soit 4,9 % de la prévalence globale de l’anémie), 1 % de ceux du Sud Ouest. - 84 Anémie en Tunisie Les autres types d’anémie dont les mécanismes et les causes n’ont pas été précisés dans cette étude, représentent 12,2 % de la prévalence globale de l’anémie dans le Grand Tunis, 25,4 % dans le Sud Ouest, 13,6 % dans le milieu urbain et 25,8 % dans le milieu rural. Il s’agit d’anémies normochromes normocytaires. Celles-ci résulteraient d’un processus hémolytique constitutionnel (anomalies du système enzymatique érythrocytaire ou anomalie de la membrane) ou acquis d’origine immune ou non. Elles peuvent aussi être causées par des hémorragies aiguës. Un mécanisme central peut être impliqué (pathologies endocriniennes, insuffisance rénale sévère, aplasie, leucémie, ..). Dans tous les cas, un examen clinique et des explorations morphologiques individuels sont conseillés (voir rappel physiopathologique des anémies, annexe 1). Ces types d’anémies ne peuvent par conséquent être suivi à l’échelle épidémiologique. Tableau B XVI : Prévalence (%) des différents types d’anémie MILIEU REGION Différents types d’anémie Grand Tunis Sud Ouest Urbain Rural Prévalence globale de l’anémie 28,8 28,3 28,7 28,3 Anémie ferriprive isolée 20,2 17,4 19,6 19,1 Anémie inflammatoire isolée 2,2 2,2 2,4 1,1 Anémie mixte inflammatoire ferriprive 1,1 0,6 1,1 0,0 Anémie par carence en acide folique 0,4 0,0 0,3 0,0 Anémie par carence en vitamine B12 0,0 0,3 0,0 0,5 Anémies hémolytiques héréditaires 1,4 1,0 1,4 0,5 Autres types d’anémies ? 3,5 6,8 3,9 7,1 B.4. Variables explicatives de l’anémie par carence en fer Selon le modèle causal de l’anémie, un déficit alimentaire surtout en fer biodisponible, peut induire une carence en fer dont l’étape ultime est l’anémie nutritionnelle. De même, une déperdition excessive en fer suite entre autre, à des pathologies parasitaires, a été considérée comme un déterminant de ce type d’anémie. Ces deux facteurs causaux ont été explorés dans cette étude. B.4.1. Consommation alimentaire Chez les nourrissons et les jeunes enfants, l’allaitement maternel, qu’il soit exclusif ou partiel, contribue de façon majeure à la couverture de leurs besoins énergétiques. De ce fait, l’estimation de la consommation alimentaire de ces enfants est difficile et source de biais. C’est pourquoi ce groupe a été retiré et l’analyse des résultats de l’enquête diététique a été effectuée après leur exclusion. - 85 Anémie en Tunisie Le recueil des données a concerné 852 enfants des deux sexes (429 garçons et 424 filles), âgés de 6 à 59 mois. Les résultats sont présentés pour l’ensemble des deux sexes car les apports en macronutriments et en micronutriments ne diffèrent pas significativement entre les filles et les garçons. Une comparaison entre le groupe des enfants anémiques par carence en fer (enfants carencés) avec le reste des enfants c’est-à-dire, les anémiques suite à d’autres étiologies et les non anémiques (enfants non carencés) est réalisée pour les différents nutriments exploités. B.4.1.1. Apport énergétique Dans les deux régions de l’étude, le taux de couverture des besoins en énergie, c’est-à-dire la consommation moyenne observée en énergie sur l’apport calorique conseillé, est plus élevé chez les enfants anémiques carencés en fer (94 % dans le Grand Tunis et 97 % dans le Sud Ouest) que chez ceux qui ne le sont pas (respectivement 88 % et 94 %). Cependant, pour les deux groupes, l’apport énergétique moyen reste dans la fourchette tolérée (tableau B XVII). Tableau B XVII : Apport calorique quotidien chez les enfants de moins de 5 ans. Comparaison entre les enfants anémiques par carence en fer et les enfants non carencés ENERGIE CONSOMMEE PAR JOUR (kcal/j) Effectif* Normes recommandées FAO/OMS/UNU 1996** Résultats Moyenne ±σ Médiane [10e 90e] Taux de couverture (%) Apport <80% AR** (%) Apport <50% AR (%) 88 a 40,2 a 0,3 94 b 25,4 b 0,0 89 a 36,8 a 0,3 89 a 36,8 a 0,0 94 a 31,9 a 0,0 97 a 23,0 a 0,0 94 a 29,8 a 0,0 92 a 35,2 a 0,0 ENFANTS NON CARENCES Grand Tunis 354 1451 Sud Ouest 344 1503 Urbain 541 1468 Rural 157 1434 1263 ± 289 1398 ± 292 1300 ± 295 1258 ± 290 1207 [946 – 1690] 1390 [1033 – 1786] 1244 [984 – 1717] 1208 [931 – 1643] ENFANTS CARENCES Grand Tunis 85 1286 Sud Ouest 69 1314 Urbain 128 1291 Rural 26 1290 1186 ± 334 1254 ± 249 1200 ± 342 1180 ± 239 1121 [853 – 1627] 1238 [1007 – 1621] 1130 [863 – 1614] 1092 [1011 – 1640] * Effectif réellement enquêté. ** Apport recommandé. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 86 Anémie en Tunisie La dispersion des apports est sensiblement identique chez les deux groupes puisque 40,2 % des non carencés et 31,9 % des carencés dans le Grand Tunis, et respectivement 25,4 % et 23% dans le Sud Ouest ont une consommation énergétique inférieure à 80 % des recommandations. Pratiquement aucun enfant du groupe des carencés ne se situe à moins de la moitié des apports conseillés, seuil en dessous duquel les risques de déficience sont considérés élevés, et seulement 0,2 % des non carencés le sont. L’analyse intrarégionale et intramilieu des données montre que la couverture des besoins en énergie est plus élevée mais de façon non significative chez les enfants anémiques par carence en fer que chez les non carencés. De même, la proportion des enfants ayant des apports inférieurs aux besoins est plus importante chez les non carencés que chez les carencés mais la différence est statistiquement non significative. Chez les enfants carencés, aucune différence significative n’a été décelée entre les deux régions et entre les deux strates pour ce qui concerne la couverture des besoins en énergie et la proportion des enfants en risque de carence d’apport. B.4.1.2. Apport en fer alimentaire Ö Fer total Exprimé en valeur absolue, l’apport alimentaire moyen en fer couvre largement les besoins conseillés des enfants non carencés avec des taux moyens de couverture qui varient entre 143 et 171 % selon la région d’habitation ou le milieu de résidence. Tableau B XVIII : Apports quotidiens en fer total (mg) ,Comparaison avec les apports nutritionnels recommandés. FER TOTAL CONSOMME PAR JOUR (mg/j) Effectif* Normes recommandé es FAO/OMS 1988** RESULTATS Moyenne ±σ Médiane [10e 90e] Apport <80% AR** (%) Apport <50% AR (%) 143 14,8 a 6,9 a 171 7,2 b 4,2 a 149 12,7 a 6,1 a 156 14,8 a 7,0 a 84 a 55,1 a 34,5 a 99 b 42,4 a 17,7 b Taux de couverture (%) ENFANTS NON CARENCES Grand Tunis 354 6,50 Sud Ouest 344 6,40 Urbain 541 6,43 Rural 157 6,83 8,17 ± 2,62 9,77 ± 2,90 8,47 ± 2,71 8,96 ± 3,05 7,68 [5,3 - 11,4] 9,53 [6,3 - 13,9] 8,01 [5,4 - 12,1] 8,51 [5,5 - 13,4] ENFANTS CARENCES Grand Tunis 85 7,50 Sud Ouest 69 6,90 4,87 ± 2,25 5,42 ± 1,99 4,70 [2,0 - 8,3] 5,50 [3,0 - 8,0] - 87 Anémie en Tunisie 4,91 4,75 85 a 49,5 a 29,0 a ± 2,23 [2,0 - 8,3] 5,38 4,18 95 a 26 8,09 55,6 a 34,6 a Rural ± 2,08 [3,4 - 8,5] * Effectif réellement enquêté. ** Apport recommandé. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre et celles présentant le même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. 128 Urbain 7,30 La proportion des enfants qui ne couvrent pas leurs besoins réels est plus importante dans le Grand Tunis (14,8 %) que dans le Sud Ouest (7,2 %). Chez le groupe des enfants anémiques par carence martiale, les apports sont nettement inférieurs à ceux des enfants non carencés (p<0,001) et ne couvrent pas leurs besoins puisque les taux de couverture varient entre 84 et 99 %. De plus, la dispersion des valeurs est importante et la moitié des enfants carencés sont en dessous de 80% des recommandations alors que à peu près le tiers d’entre eux présentent des apports inférieurs au seuil critique de 50 % des apports conseillés (tableau B XVIII). Ö Fer biodisponible La quantité théorique de fer biodisponible dans l’alimentation des enfants a été calculée selon le modèle de Monsen et coll. (tableau B XIX). Tableau B XIX: Apports quotidiens en fer absorbable (mg). Comparaison avec les apports nutritionnels recommandés. FER ABSORBABLE CONSOMME PAR JOUR (mg/j) Effectif* RESULTATS Normes recommandé es FAO/OMS Moyenne 1988** ±σ Médiane [10e 90e] Taux de couverture Apport Apport <80% AR** <50% AR (%) (%) (%) 136 23,11 8,0 1 151 13,6 2 5,2 1 140 13,8 1 7,4 1 137 19,4 1 6,9 1 114 49,2 1 24,7 1 136 28,9 2 13,2 2 116 45,5 1 23,2 1 126 47,2 1 19,6 1 ENFANTS NON CARENCES Grand Tunis 354 0,70 Sud Ouest 344 0,71 Urbain 541 0,70 Rural 157 0,70 0,94 ± 0,48 1,05 ± 0,51 0,97 ± 0,50 0,95 ± 0,45 0,90 [0,3 - 1,5] 0,97 [0,5 - 1,7] 0,92 [0,4 - 1,6] 0,88 [0,4 - 1,7] ENFANTS CARENCES Grand Tunis 85 0,69 Sud Ouest 69 0,68 Urbain 128 0,69 Rural 26 0,68 * Effectif réellement enquêté. 0,75 ± 0,52 0,92 ± 0,52 0,69 ± 0,11 0,88 ± 0,55 0,42 [0,2 - 1,5] 0,74 [0,2 - 1,7] 0,53 [0,2 - 1,5] 0,57 [0,2 - 1,7] ** Apport recommandé. - 88 Anémie en Tunisie Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre et celles présentant le même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Le taux moyen de couverture des apports en fer biodisponible est satisfaisant chez les deux groupes d’enfants puisqu’il dépasse les cent pour cent des apports recommandés dans les deux régions et les deux milieux de l’étude. Cependant, la dispersion des apports est importante, et de ce fait, une proportion importante d’enfants surtout les carencés, ne couvrent pas leurs besoins réels. C’est ainsi que les chiffres montrent que : - Chez les carencés, la proportion de ceux qui ne couvrent pas leurs besoins est plus importante (p<0,05) dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest, soit respectivement 49,2 % et 28,9 %. Il en résulte que le pourcentage des enfants situés dans la zone d’insécurité d’apport est plus faible dans le Sud Ouest (13,2 %) que dans le Grand Tunis (24,7 %). Aucune différence intermilieu n’a été observée. - Chez les non carencés, la situation est meilleure et c’est également dans la région du Sud Ouest que la proportion des enfants ayant des apports insuffisants est la plus faible. La situation est sensiblement la même dans les deux milieux. A côté de l’enquête de consommation alimentaire, une enquête sur la fréquence de consommation d’aliments riches en fer a été réalisée. Les sujets avaient le choix entre 9 modalités de fréquence sur une liste de 22 items : jamais, une fois/an, plusieurs fois/an, une fois/mois, plusieurs fois/mois, une fois/semaine, deux fois/semaine, trois fois/semaine et tous les jours. Afin de simplifier l’analyse, la variable fréquence a été recodée en en deux modalités : fréquent (au moins trois fois/semaine) et peu fréquent. Les résultats montrent que la consommation des haricots blancs secs, des lentilles, des petits pois secs, des dattes, des pois-chiches, du blé et de l’orge sont deux fois plus fréquents dans la région du Sud Ouest que dans le Grand Tunis. Ces aliments sont riches en fer non héminique, ce qui explique que l’apport en fer total est meilleur chez les enfants du Sud. B.4.1.3. Apport en produits carnés Les viandes constituent une excellente source de fer de bonne qualité, le fer héminique. De plus, plusieurs travaux ont montré que la présence de viandes dans le repas active l’absorption du fer de moindre qualité, le fer non héminique. Les résultats de l’enquête alimentaire ont montré que l’apport moyen en produits carnés (viande, poisson, volaille et foie) est sensiblement le même chez les deux groupes d’enfants, les anémiques par carence en fer (32,3 ± 21,5 g/j) et les non carencés (34,3 ± 22,7 g/j). - 89 Anémie en Tunisie Chez le groupe des enfants carencés, la répartition de l’apport moyen par jour est homogène selon les régions (31,8 ± 23,6 g/j dans le Grand Tunis et 32,8 ± 18,6 g/j dans le Sud Ouest) et selon le milieu (33,4 ± 22,5 g/j dans le milieu urbain et 27,0 ± 14,7 g/j dans le milieu rural). Il est à noter cependant que les valeurs enregistrées sont très dispersées, et de ce fait, plus que la moitié des enfants carencés (53,4 %) ont des apports quotidiens en viandes insuffisants (moins de 30g/j) contre 43,4 % chez les enfants non carencés, la différence étant statistiquement significative. A la lumière des résultats de l’enquête alimentaire, il apparaît que les enfants souffrant d’anémie par carence en fer, ont des apports moyens en énergie dans la fourchette des normes recommandées et même légèrement plus élevés que ceux observés chez les enfants non carencés. Cependant, l’apport moyen en fer total est légèrement déficitaire et les valeurs individuelles sont très dispersées, ce qui implique une forte proportion d’enfants se situant en dessous des besoins réels en fer. Il est à noter aussi que l’apport en fer est meilleur dans la région du Sud Ouest par rapport au Grand Tunis malgré une consommation de produits carnés sensiblement la même. L’analyse des enquêtes de consommation a révélé chez les enfants du Sud Ouest, une plus grande consommation d’œufs et d’aliments d’origine végétale riches en fer, tels que les haricots blancs secs, les lentilles, les petits pois secs, les dattes, l’orge et le blé. Quant à l’apport théorique en fer biodisponible, il est adéquat et répond aux normes dans sa globalité, mais la variabilité des valeurs est importante, d’où un pourcentage élevé d’enfants carencés se situant dans la zone d’insuffisance sévère d’apport en fer biodisponible. D’un autre côté, plus que la moitié de ces enfants ont des apports en produits carnés insuffisants. B.4.2. Examen parasitologique des selles Dans le Grand Tunis, l’examen parasitologique des selles a été réalisé sur l’ensemble des enfants anémiques et sur un groupe témoin, apparié par âge et strate avec le groupe des anémiques, soit au total 261 cas. Pour le Sud Ouest, c’est l’ensemble des enfants de l’enquête qui a subi cet examen, soit un total de 417 sur les 487 enfants enquêtés, ce qui donne un taux de réponse de 85,6 %. Ce taux est satisfaisant et permet une analyse statistique adéquate B.4.2.1. Etude des facteurs parasitaires étiologiques de l’anémie - 90 Anémie en Tunisie Dans une même région, le taux de parasitisme intestinal est également réparti entre les enfants anémiques et les enfants non anémiques. Dans le milieu urbain, ce sont les enfants non anémiques qui sont le plus parasités, alors que dans le milieu rural, la répartition du parasitisme est homogène (tableau B XX). Pour le groupe des enfants anémiques, l’infestation parasitaire est plus élevée au Sud que dans le Grand Tunis et dans le milieu rural que dans le milieu urbain. Nous avons préétabli une liste de six parasites susceptibles d’engendrer une anémie (les mécanismes en cause ayant été décrits au chapitre Méthodologie). Il s’agit de Giardia intestinalis (flagellé), Entamoeba histolytica (amibe), Ankylostoma duodenalis et Necator americanus (ankylostomes), Trichuris trichuria (trichocéphale), Fasciola hepatica (douve) et Ascaris lumbicoroïdes (ascaris). Tableau B XX : Taux du parasitisme intestinal chez les enfants anémiques et les enfants non anémiques. Comparaison selon la région et le milieu. ENFANTS ANEMIQUES ENFANTS NON ANEMIQUES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 99 35,3 a1 162 42,1 a1 Sud Ouest 127 61,4 b1 290 64,1 b1 Urbain 172 38,2 a1 324 47,8 a2 Rural 54 64,5 b1 128 60,1 b1 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Parmi les parasites anémiants, seule l’espèce Giardia intestinalis a été analysée, car d’une part, sa fréquence est élevée chez les enfants et d’autre part, elle a été décrite par plusieurs auteurs comme étant un facteur de risque de l’anémie (73). D’autant plus que les autres espèces de parasites anémiants n’ont pas été isolées chez les enfants (tableau B XXI). Tableau B XXI : Taux des enfantsanémiques et des enfants non anémiques porteurs de Giardia Intestinalis ENFANTS ANEMIQUES ENFANTS NON ANEMIQUES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 99 8,0 a1 162 15,0 a1 Sud Ouest 127 41,2 b1 290 44,7 b1 Urbain 172 14,0 a1 324 23,3 a2 Rural 54 30,9 b1 128 36,9 b1 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 91 Anémie en Tunisie Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. L’étude a révélé la nette diminution de certaines helminthiases (ascaridiose et ankylostomiase) surtout dans la région du Sud, par rapport aux anciennes données de la littérature tunisienne (73), notamment l’enquête réalisée en 1979 et qui a montré qu’un enfant sur deux était porteur d’ascaris (74). Le taux des enfants porteurs de Giardia intestinalis est plus élevé mais de façon non significative dans le groupe des non anémiques (15 % dans la région du Grand Tunis et 44,7 % dans le Sud Ouest) que dans celui des anémiques (respectivement 8 % et 41,2 %). L’analyse intramilieu montre que dans le milieu urbain, le taux des enfants porteurs de Giardia est plus élevé dans le groupe des enfants non anémiques que chez les enfants anémiques. Cependant, dans le milieu rural, la répartition entre les deux groupes est homogène Le mécanisme impliqué semble être une malabsorption intestinale du fer (64,65,75,76,77,78). Pratiquement, les mêmes fréquences et la même répartition que celles des parasites anémiants sont observées pour l’espèce Giardia. Ceci est compréhensible vue que les autres espèces pouvant engendrer l’anémie sont presque inexistantes. B.4.2.2. Etude des facteurs parasitaires étiologiques de l’anémie ferriprive Dans chaque région de l’étude, le taux des enfants porteurs de Giardia est également réparti entre le groupe des anémiques par carence en fer et enfants non carencés (tableau B XXII). Dans le milieu urbain, ce sont les enfants non carencés qui sont plus infestés par Giardia que les enfants carencés. L’analyse interrégionale et intermilieu montre une disparité significative au sein de chaque groupe d’enfants : les pourcentages observés sont plus élevés dans le Sud Ouest que dans le Grand Tunis, et dans le milieu rural que dans le milieu urbain. En Tunisie, les travaux concernant le rôle joué par Giardia intestinalis dans l’anémie de l’enfant sont presque inexistants. Dans la littérature étrangère, les avis sont partagés. Certains auteurs (64,65,73,76,77,78) pensent que Giardia intestinalis entraîne une anémie par diminution de l’absorption intestinale du fer. Tableau B XXII : Taux des enfants carencés en fer et des enfants non carencés porteurs de Giardia intestinalis ENFANTS CARENCES ENFANTS NON CARENCES Effectif Taux (%) Effectif Taux (%) Grand Tunis 76 7,4 a1 185 14,3 a1 Sud Ouest 81 39,8 b1 336 44,6 b1 - 92 Anémie en Tunisie Urbain 124 13,1 a1 372 22,4 a2 Rural 33 23,6 b1 176 38,3 b1 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Ces auteurs ont constaté en effet, une normalisation de l’absorption intestinale du fer et une augmentation du taux d’hémoglobine après traitement spécifique de la giardiase par le flagyl (Métronidazole). Cependant, ces études ont concerné des enfants diarrhéiques atteints de giardiase chronique, or Giardia intestinalis n’est pas toujours pathogène et l’apparition de l’anémie semble être liée à la charge parasitaire (non mesurée dans notre travail) et à la chronicité de la maladie. Dans notre enquête, 72% des enfants porteurs de Giardia n’étaient pas diarrhéiques au moment où le prélèvement a été effectué. D’autres études nous rejoignent dans nos résultats, comme celle effectuée par De Morais et coll. concluant au fait que la giardiase asymptomatique n’affecte pas l’absorption intestinale du fer et ne s’accompagne pas d’anémie (78). Giardia intestinalis reste l’un des protozoaires les plus répandus au sein de la population infantile tunisienne mais il est heureusement peu pathogène puisque 72% des enfants qui en sont porteurs sont asymptomatiques. Les résultats préliminaires de notre étude montrent que le portage de Giardia chez l’enfant n’induit pas obligatoirement l’anémie par carence en fer. B.4.3. Géophagie et pica L’ingestion de substances non comestibles est plus répandue chez les enfants souffrant d’anémie par carence en fer que chez les autres (tableau B XXIII). Tableau B XXIII : Prévalences (%) du pica chez les enfants anémiques par carence en fer et les enfants non carencés ENFANTS CARENCES ENFANTS NON CARENCES Effectif Prévalence (%) Effectif Prévalence (%) Grand Tunis 76 42,4 a1 185 16,2 a2 Sud Ouest 81 38,4 b1 336 20,7 b2 Urbain 124 41,7 a1 372 18,1 a2 Rural 33 40,8 b1 176 12,7 b2 * Effectif réellement enquêté. Dans une même colonne, les prévalences affectées de la même lettre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. Sur une même ligne, les prévalences affectées du même chiffre ne diffèrent pas significativement à p<0,05. - 93 Anémie en Tunisie Cette habitude comportementale est répandue de façon homogène entre les deux régions et entre les deux milieux de l’étude. Il est probable que le pica joue un rôle important dans l’affectation des enfants par l’anémie carentielle ou du moins dans son entretien. B.5. Les facteurs de risque de l’anémie par carence en fer B.5.1. Les facteurs alimentaires et comportementaux Un modèle de régression logistique selon la méthode descendante pas à pas (conditionnelle) a été réalisé en introduisant à la première étape l’apport en fer total exprimé en % du taux de couverture des besoins, la géophagie, l’âge gradé en cinq classe de 1 an chacune, la région d’habitation et le niveau socioéconomique du ménage (tableau B XXIV) Tableau B XXIV Modèle de régression logistique : anémie par carence en fer en fonction de l’apport en fer total, de la géophagie, de l’âge, de la région et du niveau socioéconomique des ménages OR* ajusté sur toutes les variables du modèle IC** à 95% Apport en fer total % des besoins Moins de 80 % De 80 à 120 % 120 % et plus N = 852 2,90 ; p<0,001 1 0,34 ; p<0,001 1,69 - 4,98 --0,20 – 0,57 Géophagie Non Oui N = 852 1 2,96 ; p<0,001 --1,90 – 4,59 Age N =852 4,93 ; p<0,01 8,14 ; p<0,001 4,63 ; p<0,01 2,19 ; p<0,05 1 1,90 – 12,82 4,18 – 15,88 2,40 – 8,94 1,09 – 4,39 --- N = 852 1 1,28 ; NS*** --0,84 – 1,95 N = 1433 1 0,80 ; NS 0,80 ; NS --0,54 – 1,20 0,47 – 1,04 Variable Moins de 1 ans De 1 à 2 ans De 2 à 3 ans De 3 à 4 ans De 4 à 5 ans Variables non retenues par le modèle Région Gouvernorats de Tunis, Ben Arous, Ariana Gouvernorats de Tozeur, Gafsa, Kébili Score du niveau socioéconomique Premier tercile : pauvre Deuxième tercile : moyen Troisième tercile : riche * Odds Ratio. ** Intervalle de Confiance à 95 %. *** relation statistiquement non significative. Ö Apport en fer total Une baisse de l’apport en fer total en dessous des besoins constitue un facteur de risque de l’anémie ferriprive (OR=2,90 ; Ic = 1,69 – 4,98 ; p<0,001) alors qu’une consommation - 94 Anémie en Tunisie supérieure aux besoins (au-delà de 120% du taux de couverture des besoins) protège contre ce type d’anémie (OR=0,34 ; IC=0,20 – 0,57 ; p<0,001). Cette relation est maintenue après ajustement avec toutes les variables du modèle. Ö Géophagie et pica La consommation d’aliments non comestibles comme la terre, l’argile, le savon….est répandue chez les enfants. Il existe une liaison significative (p<0,001) et forte (OR=2,96 ; IC=,90 – 4,59) entre la géophagie et l’atteinte par l’anémie par carence martiale. Cette liaison persiste après ajustement sur toutes les variables du modèle. Ö Age L’âge est significativement (p<0,001) lié à l’anémie par carence en fer. Il existe une relation en U avec l’âge par rapport à la tranche d’âge 4 à 5 ans. En effet, le risque est multiplié par 4,93 (IC=1,90-12,82) pour un âge compris entre 6 et 12 mois, par 8,14 (IC=4,18-15,88) pour la tranche d’âge de 1 à 2 ans, par 4,63 (IC=2,40-8,94) pour un âge compris entre 2 et 3 ans et par 2,19 (IC=1,09-4,39) pour la tranche d’âge entre 3 et 4 ans. Ö Région d’habitation Aucune relation entre la région d’habitation et l’anémie par carence en fer n’a été décelée (p=0,25). Celle-ci est répandue de façon homogène dans le Grand Tunis et le Sud Ouest. Ö Niveau socioéconomique Aucune relation significative n’a été démontrée entre le score du niveau de vie des ménages et l’anémie ferriprive. Les enfants appartenant à toutes les classes sociales en sont touchés. B.5.2. Les facteurs socioéconomiques Aucune relation significative n’a été mise en évidence entre le niveau de scolarisation de la mère (p=0,34), le niveau de scolarisation du père (p=0,15), l’activité professionnelle de la mère (p=0,96) l’activité professionnelle du père (p=0,59) et l’anémie par carence en fer de l’enfant, et ceci que ce soit en analyse brute ou après ajustement sur toutes les variables du modèle construit selon la méthode descendante, pas à pas. - 95 Anémie en Tunisie TROISIEME PARTIE Résultats de l’enquête qualitative - 96 Anémie en Tunisie Les résultats de l’enquête qualitative sont présentés en six grandes sections. Les citations mentionnées sont données à titre d’illustration ou parce que particulièrement parlantes. Les codes entre crochets renvoient au groupe de discussion focalisée (tableau C I) et à l’unité d’analyse codifiée sur QSR NUD*IST. Tableau C I : Liste des groupes de discussion focalisée réalisées Région GRAND TUNIS SUD OUEST Code Groupe Age Effectif GT1 AN+30 Anémiques Age ≥ 30 ans 7 GT2 AN+30 Anémiques Age ≥ 30 ans 9 GT3 NA+30 Non anémiques Age ≥ 30 ans 8 GT4 NA+30 Non anémiques Age ≥ 30 ans 7 GT5 NA-30 Non anémiques Age < 30 ans 7 GT6 AN-30 Anémiques Age < 30 ans 6 GT7 NA-30 Non anémiques Age < 30 ans 6 SO1 NA-30 Non anémiques Age < 30 ans 6 SO2 NA+30 Non anémiques Age ≥ 30 ans 9 SO3 AN+30 Anémiques Age ≥ 30 ans 6 SO4 NA+30 Non anémiques Age ≥ 30 ans 9 SO5 AN+30 Anémiques Age ≥ 30 ans 6 SO6 AN-30 Anémiques Age < 30 ans 6 SO7 NA-30 Non anémiques Age < 30 ans 7 SO8 AN-30 Anémiques Age < 30 ans 6 Section I Perception des symptômes de l’anémie et de la carence en fer Les symptômes perçus de l’anémie diffèrent selon que les femmes ont été confrontées ou non à ce problème de santé. Nous présenterons donc les résultats concernant ces deux groupes séparément. 1. Perception des symptômes de l’anémie par les anémiques La fatigue, les vertiges et la pâleur sont les symptômes les plus fréquemment perçus par les femmes anémiques. Les femmes utilisent différentes expressions pour décrire leur épuisement physique. Moi, les périodes où je suis fatiguée sont plus nombreuses que celles où je suis en forme. Je sens tout le temps la fatigue, j’ai des vertiges, je n’ai pas envie de lever le petit doigt, je suis comme de la pâte molle, je n’arrive pas à rassembler mes os et à vaquer à mes tâches quotidiennes. Cet état, je le vis tout le temps et dès le réveil. Ceci s’explique car je suis anémique. [SO3 AN+30 ; 14] - 97 Anémie en Tunisie Moi, je suis fatiguée, j’ai des vertiges. Pendant la crise de l’anémie, je me sens lasse, je ne peux rien faire, je suis pâle. [SO6 AN-30 ; 20] Je souffre d’anémie. J’ai des vertiges et je suis très fatiguée tout le temps, faible et épuisée. [GT2 AN+30 ; 16] Moi, j’ai une anémie depuis que je suis jeune fille. Parfois je suis bien et parfois je sens des vertiges et une fatigue. [GT2 AN+30 ; 56] L’anémie a comme signes la pâleur, la fatigue et les vertiges. [GT6 AN-30 ; 126] Le sommeil agité et l’insomnie sont également évoqués. Une petite majorité de femmes se plaint de difficultés à trouver le sommeil. Elles en souffrent beaucoup. Même les enfants en souffrent comme le rapportent ces femmes. L’insomnie est une manifestation clinique sévère de l’anémie. Je suis insomniaque à cause de mon anémie. Je dors très peu la nuit. [SO5 AN+30 ; 27] Je dors très difficilement. Je veux dormir mais je ne peux pas. En pleine crise d’anémie, je ne dors plus. [SO5 AN+30 ; 28] Mon frère est anémique. Il dort mal. [SO8 AN-30 ; 48] Une minorité de femmes insiste sur la douleur ressentie et souligne que leur humeur et leurs relations avec autrui sont perturbées. Je dors très mal la nuit. Quand je me réveille le matin, je suis nerveuse, irritable. J’ai des courbatures partout, tous mes os me font mal et ceci depuis deux ans, depuis que je suis anémique. Je suis très irritable. Moi qui étais très patiente, très calme, je ne me reconnais plus. [GT2 AN+30 ; 25] Les douleurs osseuses et articulaires, les maux de tête et l’éblouissement sont ressentis par certaines femmes. D’autres parlent de troubles digestifs (nausées, manque d’appétit). D’autres se plaignent encore de palpitations, de tremblement et de transpiration. La fièvre, liée à des infections traînantes et répétées qui peuvent induire une anémie, est également évoquée par un petit nombre de femmes anémiques. Il s’agit-là d’un tableau de manifestations physiques complexes identifiées par la médecine comme étant les signes cliniques des anémies sévères et perçus également par ces femmes chez les enfants. Je reconnais les signes de l’anémie avant la crise. Je me réveille avec des maux de tête et des douleurs articulaires. Puis je commence à voir des mouches qui scintillent devant les yeux et un éblouissement. [SO5 AN+30 ; 20] Je n’ai pas d’appétit, j’ai de la fièvre, je tremble et je transpire. [SO3 AN+30 ; 15] - 98 Anémie en Tunisie J’ai les jambes lourdes. J’ai de la fièvre, des nausées et des vertiges. [SO6 AN30 ; 16] Mon frère a six ans. Il est très maigre. Il est tout le temps pâle, fatigué. Il a des vertiges. Il vomit, mange mal, dort mal et a des diarrhées répétées. Quand nous l’avons emmené chez le médecin, il a dit qu’il est anémique. [SO8 AN-30 ; 48] De très rares femmes évoquent les ongles cassants et la chute de cheveux comme symptômes de l’anémie. L’anémie fait que les ongles sont cassants et que les cheveux tombent. [GT6 AN30 ; 127] Finalement, quelques femmes ne perçoivent pas, chez elles, les signes de l’anémie et cela malgré le fait qu’elles soient bien informées sur ce problème et qu’elles en connaissent les symptômes physiques. Il s’agit probablement de cas d’anémie modérée asymptomatique où les signes cliniques tendent à se développer lentement et donc à ne pas êtres immédiatement perceptibles. J’ai fait des analyses et on m’a dit que j’étais anémique. Pourtant, je n’ai pas les signes de l’anémie, ni vertiges, ni fatigue, ni pâleur. J’étais tout à fait normale (. . .). [GT2 AN+30 ; 124] Un grand nombre de femmes confrontées à des sensations corporelles douloureuses et inhabituelles les mettent en relation avec d’autres maladies. C’est souvent après un diagnostic médical qu’elles ont appris leur maladie. Je n’ai jamais pensé à l’anémie. J’ai toujours cru que mes problèmes physiques venaient de mon hypotension. Mais dernièrement, les médecins m’ont dit que je suis anémique. [SO6 AN-30 ; 16] J’ai pensé à une chute de tension. Mais le médecin que j’ai consulté m’a dit que je suis anémique. [SO3 AN+30 ; 18] 1.1. Comparaison interrégionale La fatigue est le premier symptôme d’anémie reconnu immédiatement par la grande majorité des femmes du Sud Ouest. La pâleur est beaucoup plus fréquemment mentionnée par les femmes du Sud Ouest, et l’est très rarement par celles du grand Tunis. Au-delà de ces différences, la description des sensations corporelles perçues par les femmes diffère selon qu’elles sont originaires du Sud Ouest ou du Grand Tunis. Les premières se plaignent et décrivent des symptômes beaucoup plus nombreux, et elles insistent avec émotion sur leur vécu de la maladie. Les secondes sont moins prolixes sur leur ressenti. Ces réactions diverses sont peut-être à relier au contexte social de - 99 Anémie en Tunisie chaque région. En effet, l’anémie est plus répandue dans le Sud Ouest où les gens mènent une vie plus “ communautaire ”. Il existerait, de ce fait, une communication sociale plus intense à propos de l’anémie, laquelle ne serait plus seulement ressentie comme un problème individuel, mais aussi comme un problème collectif : les symptômes perçus par chacune sont ressentis par l’ensemble de la population. 1.2. Comparaison selon l’âge La perception des symptômes de l’anémie n’est pas influencée par l’âge. Seule l’expérience de la maladie semble déterminer la reconnaissance ou non des signes de l’anémie par les femmes jeunes et moins jeunes. 2. Perception des symptômes de l’anémie par les non anémiques Les femmes non anémiques ont plus de difficulté à identifier et à décrire les symptômes de l’anémie que les femmes anémiques. Ceci est probablement à mettre en relation avec le vécu subjectif de la maladie de ces dernières. Les femmes non anémiques du Sud Ouest perçoivent surtout les signes classiques et habituels de l’anémie, à savoir, les vertiges, la fatigue et la pâleur. L’anémie entraîne les vertiges, la fatigue et la pâleur. [SO7 NA-30 ; 159] La malnutrition entraîne une pâleur et des lèvres exsangues et donc une anémie. [SO4 NA+30 ; 60] Ma sœur souffre d’anémie. Elle est pâle, fatiguée. Tout le temps, elle a les yeux cernés. Elle arrive à peine à se mettre debout sur ses pieds. [SO4 NA+30 ; 197] Une minorité de femmes non anémiques de la région du Grand Tunis arrive à décrire les symptômes corporels de cette maladie que ce soit chez elles ou chez les jeunes enfants. Seuls les signes cliniques les plus usuels, notamment la pâleur et la faiblesse, sont identifiés par quelques femmes non anémiques comme étant des symptômes de l’anémie. On dit que l’anémie donne une faiblesse avec une pâleur du visage (. . . ). [GT7 NA-30 ; 31] Moi, j’ai le sentiment que je suis anémique. Tout le monde dit que je suis pâle et puis tout le temps, je suis fatiguée. [GT7 NA-30 ; 72] Le sujet qui est anémique est faible. [GT3 NA+30 ; 192] De rares femmes ne perçoivent pas les symptômes de l’anémie chez des personnes qui en sont affectés, alors qu’elles ont quelques notions théoriques des symptômes les plus classiques. Ceci pourrait s’expliquer soit par le fait que la maladie est encore - 100 Anémie en Tunisie asymptomatique chez ceux qui en sont affectés, soit que les symptômes sont présents mais que ces femmes ne les décèlent pas. Notre voisin est en très bonne santé, il se porte bien. Quand il a fait des analyses, le médecin lui a dit qu’il a une anémie. Quand tu le regardes, tu ne penses jamais qu’il est anémique. Il n’a ni malaise, ni vertiges. [GT5 NA-30 ; 187] 3. Perception des symptômes de l’anémie chez l’enfant Qu’elles soient anémiques ou non anémiques, du Grand Tunis ou du Sud Ouest, aucune femme n’arrive vraiment à décrire clairement les symptômes de l’anémie chez l’enfant et ceci malgré le fait que certaines d’entre elles ont des enfants anémiques. Pour celles qui s’en rapprochent, les signes les plus fréquemment perçus sont la pâleur et le manque d’entrain. La fatigue de mes enfants est due à un rhume ou une angine, c’est tout. Ils mangent bien et sont très turbulents. [SO2 NA+30 ; 33] (Deux de ses enfants sont anémiques). Moi, heureusement que mes enfants sont en bonne santé. Ils ne tombent pas malades, sauf bien sûr des petits bobos comme tous les gosses. [SO3 AN+30 ; 8] (Cette femme a un enfant anémique). Visage blanchâtre et yeux pâles sont les signes de l’anémie chez les enfants. C’est ce que m’a dit le médecin. [GT5 NA-30 ; 263] Moi, j’ai deux cousins anémiques. Ils sont toujours pâles. Ils ne bougent pas beaucoup comme les gosses de leur âge. [SO8 AN-30 ; 30] Mon petit frère est pâle. Il a des cernes sous les yeux. Il n’arrive pas à jouer comme les autres gosses. Le médecin nous a dit qu’il est anémique. [SO8 AN-30 ; 28] 4. Relation perçue entre fatigue et anémie Confrontées aux symptômes de la fatigue physique, de la pâleur et parfois des vertiges, la majorité des femmes pense à l’anémie. Ceci ne peut être que l’anémie. [SO3 AN+30 ; 32-37] L’anémie, sûrement l’anémie. [SO5 AN+30 ; 32] Cette association est perçue plus facilement par les anémiques que par les non anémiques. Ceci est à mettre en relation avec le vécu que les femmes anémiques ont de la maladie. C’est signes-là, je les sens tout le temps, je vis avec car je suis anémique. [SO3 AN+30 ; 46] - 101 Anémie en Tunisie Notons que la relation entre fatigue et anémie est plus fortement établie dans la région du Sud Ouest, les citations positives étant six fois plus nombreuses que les citations négatives, alors que, pour la région du Grand Tunis, le rapport n’est que d’une fois et demi (tableau C II). Tableau C II : Nombre de citations positives et de citations négatives concernant la relation entre la fatigue et l’anémie AN NONAN Grand Tunis Sud Ouest Plus 30 ans Moins 30 ans RFAP 24 13 12 25 18 19 RFAN 6 6 8 4 7 5 RFAP : relation fatigue-anémie positive ; RFAN : relation fatigue-anémie négative ; AN : anémiques ; NONAN : non anémique ; La sensation de fatigue physique fait évoquer pour un certain nombre de femmes, surtout parmi les non anémiques de la région du Grand Tunis, des pathologies diverses, comme le diabète, la malnutrition, le manque de calcium, l’hypotension, le manque de fer ou encore le stress ou le surmenage. Le stress, le surmenage ou la malnutrition peuvent donner ces signes. [GT1 AN+30 ; 135] Ceci peut-être un manque de calcium. [GT5 NA-30 ; 30] C’est peut-être un manque de fer. [GT2 AN+30 ; 35] Beaucoup de femmes, surtout parmi les anémiques, disent avoir eu recours au diagnostic médical pour identifier la cause des symptômes dont elles, ou l’un de leurs proches, souffraient. Après mon dernier accouchement, j’ai eu cette fatigue avec beaucoup de vertiges. Je ne pouvais pas me mettre debout. Je suis allée voir le médecin, il m’a dit que j’étais anémique. [SO5 AN+30 ; 19] La relation entre la fatigue et l’anémie est perçue de la même manière chez les femmes jeunes et chez les femmes moins jeunes. 5. Comparaison des symptômes perçus avec les signes cliniques connus Les signes cliniques majeurs de l’anémie varient selon la gravité de la maladie. Ces signes ont souvent tendance à s’aggraver avec l’effort (cf. annexe1 : rappel physiopathologique des anémies). L’anémie peut se développer insidieusement pendant une longue période de temps et de ce fait être bien tolérée et il n’est donc pas rare que le diagnostic soit posé fortuitement à l’occasion d’un bilan de santé. Ce qui explique que quelques femmes ne se sont pas rendus compte qu’elles étaient anémiques. - 102 Anémie en Tunisie Les femmes, surtout les anémiques, ont rapporté les symptômes suivants de l’anémie : - pâleur de la peau et des muqueuses : ce signe clinique a été décrit par un très grand nombre de femmes. Pâleur du visage, teint blafard, conjonctives blanchâtres, lèvres exsangues sont les termes utilisés pour définir ce signe ; - l’asthénie : plusieurs femmes ont reconnu ce signe de l’anémie. Elles se plaignent de fatigue, d’épuisement, de lassitude, d’incapacité de faire le moindre effort physique ; - maux de tête : de nombreuses femmes se plaignent de maux de tête qui accompagnent leur carence en fer ; - palpitations et dyspnée d’effort : Certaines femmes rapportent qu’au moindre effort leur cœur bat très fort et qu’elles respirent difficilement en haletant ; - l’anorexie : ce signe a été rapporté par plusieurs femmes qui se plaignent de manque d’appétit ; - apathie et irritabilité : certaines femmes constatent qu’elles sont devenues nerveuses et irritables, alors que d’habitude elles sont très calmes et disposes ; - perte de poids : quelques rares femmes ont constaté un amaigrissement depuis la découverte de leur anémie ; - lipothymie : ce signe est décrit par quelques femmes qui parlent d’épisodes d’évanouissement et de malaises ; - troubles cutanés et des phanères : certaines femmes anémiques remarquent que leurs ongles sont devenus cassants et que leurs cheveux se sont raréfiés ; - une pâleur de la peau et des muqueuses, particulièrement bien visible aux conjonctives et aux ongles ; - syndromes inflammatoires articulaires : quelques femmes se plaignent de douleurs osseuses, localisées au niveau des membres. Ce syndrome s’observe dans les anémies héréditaires ou hémoglobinopathies ; - lésions oculaires : des femmes anémiques rapportent une sensation d’éblouissement ou de mouches devant les yeux ; - sueurs, refroidissement : quelques rares femmes souffrent de transpiration ou de frisson en cas de crise d’anémie. SECTION II Compréhension de l’anémie L'anémie reste une maladie mal connue des femmes tunisiennes. Que ce soit dans le Grand Tunis ou dans le Sud Ouest, la grande majorité des femmes dit ne pas connaître ce qu’est - 103 Anémie en Tunisie l’anémie ni ses origines. Pour le Grand Tunis, ces femmes étaient majoritaires, pour le Sud Ouest elles venaient au deuxième rang. Je ne sais pas. [GT1 AN+30 ; 120] Moi non plus. [GT1 AN+30 ; 121] Le sang manque de quelque chose, d'une ou de plusieurs substances. [SO7 NA-30 ; 161] Je n’ai aucune idée. [SO2 NA+30 ; 160] On notera qu’à la fin des groupes de discussion focalisée, beaucoup de femmes ont exprimé le souhait de mieux comprendre l’anémie. Elles se plaignent du manque d’informations diffusées à ce sujet en particulier par le corps médical. C’est vrai nous voudrions que vous nous expliquiez ce que c’est l’anémie et d’où nous pouvons l’attraper. [GT2 AN+30 ; 38] Quatre “définitions” de l’anémie semblent coexister chez les femmes tunisiennes : 1) un manque de fer, 2) un “sang pauvre”, 3) l’hypotension et 4) des variations dans le nombre de globules blancs ou rouges. 1. Un manque de fer Un nombre important de femmes associe l'anémie à un manque de fer. Cette association est plus marquée dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest et auprès des anémiques qu’auprès des non anémiques. L’âge ne semble pas influencer cette relation. J'ai eu une carence en fer. [GT1 AN+30 ; 129] C'est une baisse de la quantité de fer dans le sang (. . .). [GT2 AN+30 ; 49] (. . .) je manque de fer (. . .). [SO3 AN+30 ; 6] L'anémie, c'est un sang pauvre. Au fait c'est un sang pauvre en fer (. . .). [GT6 AN-30 ; 125] J'ai un jeune voisin qui est mort d'anémie et ce n'est pas le seul, car un corps sans fer, c'est un corps faible et on peut en mourir. [GT6 AN-30 ; 128] (. . .) moi, on me dit que je manque de fer (. . .). [SO3 AN+30 ; 72] (. . .) c'est un manque de fer dans le sang (. . .). [SO3 AN+30 ; 75] 2. Un sang pauvre1 1 En arabe, anémie veut dire “ sang pauvre ”. - 104 Anémie en Tunisie Un grand nombre de femmes du Sud Ouest définissent l'anémie comme un “ sang pauvre ” ou peu concentré. Très peu de femmes du Grand Tunis la définissent ainsi. Cette conception est plus commune chez les femmes de plus de 30 ans. L'anémie est un manque de sang ou un sang faible. [SO1 NA-30 ; 123] Un anémique est quelqu'un qui a un sang pauvre. [SO5 AN+30 ; 102] (. . .) c'est un sang pauvre comme son nom l'indique (. . .). [GT7 NA-30 ; 166] 3. L’hypotension Aussi bien dans le Grand Tunis que dans le Sud Ouest, chez les anémiques ou les non anémiques, presque toutes les femmes associent fortement l’anémie à l’hypotension, ou confondent complètement ces deux pathologies. La relation est complexe et différents cas de figure peuvent être distingués. Pour beaucoup de femmes, l’anémie n’est autre que l’hypotension. Selon leur propre définition de l’anémie, c’est un “ sang abaissé ” (dãm tayah) ou encore un “ sang faible ” (dãm dhaïf) et elles évoquent alors les chiffres de leur tension systolique nettement audessous de 10 cm de mercure, ce qui correspond bien à la définition médicale de l’hypotension. Ma sœur a une anémie. Son sang est faible, elle a entre 8 et 9 de tension. [GT1 AN+30 ; 30] La citronnade, je ne la bois pas car il paraît qu’elle abaisse le sang et moi j’ai une anémie. [SO3 AN+30 ; 141] C'est vrai on dit que le citron abaisse le sang, d'ailleurs on ne le donne pas à quelqu'un qui a l'anémie. [SO7 NA-30 ; 90] Pour d’autres femmes, l’hypotension est un des symptômes de l’anémie. Elles sont anémiques et elles se plaignent de fatigue, d’hypotension, de douleurs articulaires, de la fièvre, etc. Je suis anémique. Durant mon dernier accouchement, j’ai eu 5 de tension. [SO3 AN+30 ; 14] Je suis anémique depuis de longues années. J’ai tout le temps entre 8 et 9 de tension. [SO3 AN+30 ; 16] J’ai eu une forte anémie, des douleurs au niveau des articulations et une chute de tension. [SO5 AN+30 ; 15] Pour d’autres encore, l’hypotension peut entraîner une anémie si elle n’est pas prise en charge et traitée. - 105 Anémie en Tunisie Quand j’ai eu mon deuxième enfant, j’ai eu une chute de sang et depuis je souffre d’anémie. [GT1 AN+30 ; 16] Au début, l’anémie est une chute de sang. Si la personne ne se traite pas, ceci évolue vers l’anémie. [GT4 NA+30 ; 154] Selon cette logique, certaines femmes hypertendues s’étonnent lorsqu’elles apprennent qu’elles sont aussi affectées par l’anémie puisqu’on ne peut pas, toujours selon elles, avoir en même temps une “chute de sang ” (dhoof dãm) et un “ sang élevé ” (dhaght dãm ou dãm talaa) ou hypertension. J’ai de la tension. J’ai 16 de tension. C’est pourquoi j’étais étonnée quand on m’a dit que j’ai une anémie. [GT1 AN+30 ; 125] Celui qui présente une hypertension ne peut pas avoir une anémie. [GT4 NA+30 ; 135] Il est possible que cette confusion entre anémie et hypotension soit renforcée par l’expression populaire qui définit de la même manière les deux pathologies “ sang faible ” (dãm dhaïf). Notons que même le personnel médical utilise cette expression pour désigner ces deux pathologies aux patients : Je suis analphabète…quand j’ai demandé à mon médecin ce que c’est que l’anémie, il m’a répondu : ton sang est exactement comme de l’eau de rinçage d’un morceau de viande. C’est un sang qui n’est pas concentré. Ton sang est très faible. [GT4 NA+30 ; 137] Cette confusion semble beaucoup moins fréquente chez les femmes de la région du Sud Ouest. 4. Une variation du nombre de globules rouges ou blancs Pour un bon nombre de femmes, l’anémie correspond à un manque de globules rouges ou de globules blancs ou encore à une variation du nombre de globules rouges et des globules blancs. Cette conception est répandue dans les deux régions d’enquête et on la retrouve chez les femmes anémiques et non anémiques et dans les deux groupes d’âge. Il y a chute soit des globules rouges soit des globules blancs. [SO4 NA+30 ; 18] C'est une augmentation de la quantité de globules blancs (. . .). [GT1 AN+30 ; 122] C'est la baisse des globules rouges. [GT1 AN+30 ; 124] C'est soit une chute de globules blancs soit une chute de globules rouges. [SO8 AN-30 ; 182] Mais les explications sont parfois plus complexes… - 106 Anémie en Tunisie Celui qui a un manque de globules blancs a aussi un manque de fer et celui qui a une chute de sang a un manque de globules rouges. L’anémie, c’est soit une chute de globules rouges soit une chute de globules blancs. [SO4 NA+30 ; 182] Finalement, on notera que certaines (rares) femmes associent l'anémie à un manque de calcium ou de vitamines. C’est un manque de fer, de calcium. [SO3 AN+30 ; 45] D’autres relient leur anémie à une “ chute de sucres dans le sang ”. D’ailleurs, le traitement personnel de l’anémie, lors des épisodes de crise, est souvent un aliment sucré : eau de géranium avec du sucre, lait bien sucré, dattes, etc. (cf. section VI). SECTION III Les origines perçues de l’anémie chez les femmes et les enfants 1. Perception générale Avant de nous pencher sur les origines perçues de l’anémie par les femmes, il est utile de se rappeler qu’une grande majorité de celles-ci disent ne pas connaître cette maladie ni ses origines (cf. section II) et sont intéressées à recevoir de l’information à ce sujet. Cette demande est surtout le fait des femmes du Grand Tunis. Une grande majorité de femmes, toutes catégories confondues (femmes anémiques et non anémiques, âgées de moins de 30 ans ou plus, du Grand Tunis ou du Sud Ouest) pense que la malnutrition est à l’origine de l’anémie2. De nombreuses femmes décrivent la malnutrition comme une alimentation mal équilibrée, laquelle est associée à un manque de moyens financiers et à un niveau de vie modeste. Ces femmes souhaiteraient varier leur alimentation, mais elles n’en ont pas les moyens. Les moyens financiers jouent un rôle important dans l’apparition de l’anémie. Vous savez, il y a des familles qui mangent uniquement du couscous cuit dans de l’eau et des tomates pendant des jours et des jours. C’est certainement une des causes de l’anémie qui est très répandue parmi nous (. . .). [GT7 NA-30 ; 172] La viande, le lait, les petits pois secs, les lentilles, les féculents sont des aliments que doit prendre particulièrement l’anémique et non de temps en temps. Le problème c’est qu’on sait tout ça, les médecins l’ont dit, mais on n’a pas toujours les moyens de les acheter. C’est pour ça qu’on a beaucoup d’anémiques dans cette région, presque dans chaque famille il y a une personne anémique. [SO6 AN-30 ; 80] Nous n’avons pas beaucoup de moyens, donc nous mangeons ce qu’il y a. [SO3 AN+30 ; 65] Une malnutrition ou une alimentation pauvre peut engendrer l’anémie. [SO6 AN-30 ; 64] (Cette femme a une anémie héréditaire) Oui c’est une malnutrition. Quand l’alimentation est pauvre et qu’elle n’est pas variée, elle peut donner une anémie. [GT7 NA-30 ; 172] 2 La relation entre alimentation et anémie est traitée de manière plus approfondie à la section IV. - 107 Anémie en Tunisie Mais est-ce que tu manges des aliments qui sont riches en fer (. . .). Ces aliments, on ne le mange pas tout le temps, on n’a pas les moyens (. . .). [SO3 AN+30 ; 83] Une seconde série de femmes, également nombreuses, a une perception différente des causes de l’anémie. Pour elles, les légumes sales et le manque d’hygiène provoqueraient l’anémie par l’entremise des microbes. La plupart de ces femmes sont convaincues qu’une mauvaise hygiène de la maison, une consommation d’aliments contaminés par les parasites ou encore la consommation d’une eau impure contribuent à la formation de l’anémie. La saleté, les légumes mal lavés et les maisons sales sont pleins de microbes. On peut attraper ces microbes et l’infection donne l’anémie (. . .). [SO1 NA-30 ; 137] La saleté peut provoquer l’anémie si l’alimentation n’est pas propre. [SO2 NA+30 ; 156] La saleté peut donner l’anémie (. . .). On doit bien laver les légumes. [GT3 NA+30 ; 210] L’anémie peut être secondaire à la saleté, surtout les aliments sales. Quand on les mange, on est contaminé par les microbes et les microbes peuvent donner une anémie. [GT2 AN+30 ; 59] Les parasites donnent l’anémie. [SO1 NA-30 ; 138] L’anémie peut être transmissible par les bactéries (. . .). [SO7 NA-30 ; 171] De nombreuses femmes (anémiques et non anémiques, jeunes et moins jeunes) considèrent que la fatigue due au travail, aux tâches domestiques, à la prise en charge des enfants et du mari, que la femme doit assumer toute seule, peut entraîner une anémie. Je suis anémique, je m’occupe des enfants, de la cuisine, de la maison, de mon mari, je n’en peux plus. [SO3 AN+30 ; 16] Le surmenage peut donner tous les signes de la fatigue (. . .). Cela peut aboutir à une anémie. [SO4 NA+30 ; 55] L’entretien de la maison et la prise en charge des enfants peuvent donner l’anémie. [ SO4 NA+30 ; 111] Une grande majorité de femmes anémiques est consciente que les grossesses multiples et rapprochées, les avortements, les règles abondantes, le wham3 sont des facteurs essentiels dans la genèse de l’anémie. Cette origine n’a été relevée que dans de faibles proportions dans le groupe de femmes non anémiques et est moins partagée par les femmes du Grand Tunis. Quelques femmes mettent en cause la contraception (stérilet). Moi le stérilet me fatigue (. . .). J’ai des hémorragies ce qui aggrave l’anémie. [SO5 AN+30 ; 135] Quelques femmes pensent que le fait de manger l’argile, de la terre ou du charbon peut donner l’anémie, pour les enfants ou les femmes enceintes. On retrouve cette association chez les femmes anémiques et non anémiques du Sud Ouest. 3 Les signes sympathiques de la grossesse. - 108 Anémie en Tunisie Effectivement, la terre, l’argile peuvent donner l’anémie et rendent la personne malade. Moi j’ai perdu un frère qui avait 8 ans, il mangeait beaucoup la terre. [SO6 AN-30 ; 68] L’anémie peut être causée par l’argile. Il y a des femmes qui pendant leurs grossesses mangent la terre et l’argile. [SO5 AN+30 ; 120] L’enfant qui mange la terre est pâle, il peut avoir une anémie comme l’adulte. [SO4 NA+30 ; 212] Un grand nombre de femmes surtout du Sud Ouest sont convaincues que le climat chaud et la terre aride, le manque de pluies et de verdure peuvent être à l’origine de l’anémie. On peut la guérir avec un climat propre et oxygéné. Les gens qui vivent dans des endroits verdoyants et un climat tempéré ont certainement moins d’anémiques que ceux qui vivent ici où le soleil est brûlant dix mois sur douze. [SO6 AN-30 ; 78] Les causes suivantes ont été mentionnées une seule fois par les femmes du Sud Ouest : les cigarettes, le louben4 et le jaoui5. 2. Comparaison interrégionale Lorsqu’on compare les réponses des femmes du Grand Tunis par rapport à celles du Sud Ouest, on remarque quelques différences. En premier lieu les femmes du Grand Tunis disent en majorité ne pas bien connaître l’origine de l’anémie alors que les femmes du Sud Ouest, même si elles sont également nombreuses à dire leur ignorance, mettent majoritairement en avant un problème d’alimentation. La fatigue et le surmenage, qui apparaissent comme causes essentielles de l’anémie selon les femmes du Sud Ouest, sont rarement cités par les femmes du Grand Tunis. Inversement, on notera que davantage de femmes du Grand Tunis rendent le stress responsable de l’anémie. Moi, je pense que le stress, l’émotion peuvent baisser le sang. [GT4 NA+30 ; 152] Moi, je m’énerve beaucoup, c’est peut être ça la cause de mon anémie. [GT2 AN+30 ; 104] Les grossesses multiples et rapprochées et la géophagie sont des causes citées plus souvent par les femmes du Sud Ouest. L’hérédité joue aussi un rôle important dans la genèse de l’anémie selon la plupart des femmes anémiques et non anémiques, surtout dans la région du Sud Ouest où plusieurs membres d’une même famille peuvent être anémiques. Je crois que je suis anémique et je l’ai hérité de ma mère (. . .). [SO2 NA+30 ; 164] Toutes ne sont cependant pas d’accord. Non l’anémie n’est pas héréditaire. [ SO4 NA+30 ; 196] 3. Comparaison selon l’âge 4 5 Gomme arabique. Encens. - 109 Anémie en Tunisie Toutes les origines énumérées ci-dessus ont été citées de la même façon et dans les mêmes proportions dans les deux groupes d’âge. Toutefois, l’hérédité a été plus souvent citée dans les groupes de femmes âgées de plus de trente ans et dans le Sud Ouest. L’anémie peut être héréditaire. Nous sommes trois sœurs anémiques dans la même famille. [SO6 AN-30 ; 59] 4. Origines de l’anémie chez les enfants Les origines perçues de l’anémie chez les enfants ne diffèrent pas fondamentalement des origines de l’anémie perçues par les femmes. La malnutrition est citée par la grande majorité et en second lieu les problèmes liés à l’hygiène et aux microbes. On notera cependant la plus grande insistance des mères du Sud Ouest sur la géophagie comme facteur pouvant entraîner l’anémie chez l’enfant. Quelques femmes croient aussi que l’anémie peut se transmettre de la mère au fœtus par voie sanguine ou qu’elle peut se transmettre par le lait maternel. (. . .) ceci se transmet aussi de la mère au bébé, soit au cours de la grossesse, soit au cours de l’allaitement. [SO7 NA-30; 175] SECTION IV Relations perçues entre alimentation, anémie et fatigue 1. Les relations perçues entre alimentation et anémie De manière générale, de nombreuses femmes établissent une relation entre alimentation et anémie. Quoique perçue comme importante, cette relation est cependant loin d’être toujours très forte et unidimensionnelle. En effet, l’alimentation n’apparaît souvent que comme l’un des facteurs déterminant ou favorisant l’apparition de l’anémie. Cette relation s’exprime parfois de manière implicite. On notera par exemple qu’une des raisons pour lesquelles les hommes seraient moins affectés par l’anémie que les femmes serait leur meilleure alimentation. Les femmes établissent clairement une relation entre l’anémie, la diversité et la richesse du régime alimentaire. Pour elles, il s’agit moins d’une question de quantité que de mettre l’accent sur l’importance des aliments riches en fer. Ceci est aussi le cas chez les non anémiques. Comme nous l’avons vu dans l’analyse des données traitant des origines perçues de l’anémie (cf. section III) beaucoup d’autres facteurs sont perçus comme pouvant entraîner l’anémie. Dans de nombreuses citations, le rôle de l’alimentation est associé à d’autres types de facteurs considérés comme importants. Par exemple : - 110 Anémie en Tunisie une alimentation peu variée et insuffisante peut donner une anémie. Un surmenage peut donner aussi une anémie. [SO1 NA-30 ; 140] quand vous m'avez fait les analyses, j'étais contente. Je me suis dit, ils vont trouver la cause de mon anémie. Mais n'empêche, je pense à une malnutrition ou peut être au stress ou encore à l'hérédité. [SO5 AN+30 ; 110] c’est une malnutrition, l'entretien de la maison et la prise en charge des enfants. Le stress, l'énervement et les soucis peuvent donner l'anémie. [SO5 AN+30 ; 111] je ne sais pas exactement ce que c'est. Je sais que c'est un sang pauvre, en quoi je ne sais pas. On peut l'attraper par une saleté ou malnutrition. Les microbes qui passent dans le sang, le sucent et la personne s'affaiblit. [SO6 AN-30 ; 58] quand les enfants sont bien nourris et que leurs parents s'occupent bien d'eux, je pense qu'ils ne tombent pas malades ou du moins rarement, mais ils sont laissés dans la nature, comme c'est le cas de la plupart des gosses et ils mangent n'importe quoi, surtout de la terre, presque tous les gosses mangent la terre, alors ils tombent malades et ils ont l'anémie. [SO8 AN-30 ; 51] La relation entre alimentation et anémie semble plus fortement établie chez les anémiques, ce qui est probablement à mettre également en relation avec les conseils reçus par les médecins. Elle semble jouer plus au niveau préventif que curatif, certaines anémiques étant convaincues que l’essentiel au niveau du traitement reste les médicaments. L'alimentation est importante mais c'est surtout les médicaments qui sont importants. Sans eux on ne guérit pas. [GT1 AN+30 ; 49] Le traitement médical est meilleur contre ce type de fatigue, bien sûr il faut aussi manger. [GT4 NA+30 ; 175] On notera que la reconnaissance d’une relation entre alimentation et anémie n’implique pas nécessairement une adaptation du régime et des comportements alimentaires. Plusieurs jeunes femmes du Sud Ouest qui se savent anémiques mentionnent ce fait explicitement et le mettent en relation avec les difficultés socioéconomiques qu’elles rencontrent. Il faut mentionner que certaines femmes, peu nombreuses toutefois, n’associent pas qualité de l’alimentation et anémie. Ces femmes sont majoritairement anémiques et âgées de plus de 30 ans. Moi je mange le poisson, la viande, le poulet, je suis anémique et ça ne change rien pour moi, ce n'est que quand je prends les médicaments que je me sens mieux. [GT1 AN+30 ; 112] - 111 Anémie en Tunisie L’anémie ce n'est pas l'hypotension quand on a 8 ou 9 de tension, on peut remédier à ça par l'alimentation comme le foie et autres choses alors que l'anémie, on ne peut pas la guérir avec l'alimentation donc je suis d'accord avec elle l'anémie c'est une maladie. Je ne sais comment ou quoi, il faut des médicaments pour la guérir. [SO3 AN+30 ; 84] Moi ma sœur s'alimente bien, son niveau de vie est meilleur que le mien et pourtant elle souffre d'anémie (. . .). [SO4 NA+30 ; 197] On peut penser qu’il s’agit de femmes plus âgées qui cumulent l’anémie à d’autres problèmes de santé importants. 2. Les relations perçues entre alimentation et fatigue Toutes les catégories de femmes associent fréquemment alimentation et fatigue. Les non anémiques établissent plus facilement cette association que la relation entre alimentation et anémie. Cette relation est aussi perçue en ce qui concerne la fatigue des enfants. De la même façon que pour la relation entre alimentation et anémie, les femmes insistent sur l’importance de consommer des aliments riches et variés. Elles accordent une importance encore plus grande à l’alimentation durant certaines périodes à risque comme les grossesses, les accouchements, les menstruations (cf. section V). Quelques rares femmes n’établissent pas cette association. On notera qu’il s’agit pour la plupart de femmes qui se plaignent d’être malades et qui ne parviennent pas, semble-t-il, à guérir malgré les conseils reçus en matière d’alimentation. On notera enfin que la reconnaissance d’une relation entre alimentation et fatigue n’implique pas nécessairement une adaptation du régime et des comportements alimentaires. SECTION V Perception des groupes et des périodes à risque Dans cette section, nous nous intéressons à la question de savoir si les femmes sont conscientes d’être, avec leurs enfants, un groupe à risque pour l’anémie et particulièrement durant certaines périodes de leur vie. 1. La femme Dans leur majorité, les femmes, toutes catégories confondues, estiment qu’elles constituent un groupe à risque. Elles attribuent cette caractéristique au fait que la femme en général, en plus d’avoir une constitution fragile, traverse des périodes sensibles, notamment la grossesse et l’allaitement. D’après-elles, ces périodes sont propices à l’apparition de l’anémie ou à l’aggravation d’une anémie déjà existante. - 112 Anémie en Tunisie Moi je pense que l'anémie touche essentiellement les femmes enceintes, surtout quand elles ne s'alimentent pas bien et ne boivent pas le lait. Elles manquent de nourriture, alors qu'elles nourrissent leur bébé de leur propre corps. [GT2 AN+30 ; 75] Il est important de noter que les femmes sont conscientes que l’anémie peut les toucher à tout âge. L'anémie ne touche pas uniquement les femmes enceintes ou allaitantes, même les jeunes filles en souffrent. Elles sont pâles, ont des vertiges et sont fatiguées. [SO5 AN+30 ; 48] Les femmes avancent des explications à leur vulnérabilité. Elles incriminent les pertes sanguines au cours des menstruations et pendant l’accouchement. Pendant l'accouchement, la femme perd beaucoup de sang, donc elle peut avoir l'anémie. Moi je l'ai eu lors de mon premier accouchement. [SO8 AN-30 ; 66] Moi je pense que la différence provient uniquement des règles, de l'accouchement et de l'allaitement. C'est la loi de la nature qui a fait que la femme a subit tout ça. Moi c'est l'accouchement qui a entraîné mon anémie. Sinon, je mange bien, je suis heureuse en ménage, mon mari s'occupe des enfants au même titre que moi. [SO8 AN-30 ; 62] Parmi les non anémiques, deux femmes ont cité les contraceptifs, surtout le dispositif intra-utérin, comme responsable de l’apparition de l’anémie. A cause du stérilet. Moi j'utilise le stérilet et chaque mois, j'ai des règles très abondantes qui m'épuisent et me vident le corps. [SO2 NA+30 ; 70] En plus des pertes de sang, leurs besoins augmentent particulièrement au cours des grossesses et de l’allaitement. Les femmes enceintes présentent toujours un manque de fer dans leur organisme. Elles doivent prendre du Féfol (fer médicamenteux). [GT2 AN+30 ; 76] Moi, je suis fatiguée, j'ai consulté un médecin ; il m'a dit que je manque de fer. C'est dû à l'allaitement. Je prends des comprimés de fer. Je mange comme d'habitude je n'ai pas modifié mon alimentation. [SO1 NA-30 ; 41] (. . .) parce que les femmes tombent enceintes et allaitent. [GT5 NA-30 ; 255] La situation devient plus critique lorsque ces besoins accrus ne sont pas couverts par une alimentation convenable. Il ne faut pas oublier que, pendant la grossesse, elle forme un organisme à partir de ses réserves ; ensuite, elle l'allaite de son corps. Si la femme se nourrit bien, elle peut vite récupérer, mais si elle a une alimentation pauvre, elle reste faible. [SO6 AN-30 ; 46] - 113 Anémie en Tunisie En dehors des pertes sanguines et des besoins augmentés, les anémiques attribuent leur état à la surcharge de travail occasionnée par les contraintes familiales. Moi aussi, comme ma voisine, je suis anémique. Je suis tout le temps fatiguée et mes charges familiales n'arrangent pas les choses, le mari, les gosses, la maison. Mon état s'est aggravé quand je suis tombée enceinte de ma dernière fille, j'ai eu sept de tension et on m'a hospitalisée. Ils m'ont donné des comprimés et m'ont fait des injections. [SO3 AN+30 ; 18] 2. L’enfant Les femmes sont conscientes que l’enfant aussi peut constituer un groupe à risque pour l’anémie, mais ce fait est moins souvent mentionné. Rares sont les enfants touchés par l'anémie. Il arrive que les enfants soient fatigués, n'ont pas d'appétit et ont de la fièvre, mais c'est passager. Ils récupèrent vite après. Moi, je m'occupe très bien de mes enfants, j'examine tout le temps leurs yeux, leur bouche, je vérifie s'ils n'ont pas de fièvre. [SO5 AN+30 ; 49] La “négligence maternelle” et le grand nombre d’enfants en bas âge seraient à l’origine de l’atteinte éventuelle des enfants. Il y a aussi le fait que la femme a beaucoup d'enfants en bas âge. Elle ne s'en occupe pas bien. Ils sont délaissés et mangent n'importe quoi. Regarde dans la rue. Tu vois plein d'enfants pâles et maigres. [SO6 AN-30 ; 50] L’enfant peut être anémique et l’alimentation inadéquate de la mère peut en être l’origine. Ma fille a l'anémie. Son poids de naissance est de 2kg250g. Elle est chétive, parce que pendant ma grossesse je n'avais pas bien mangé, je n'ai pas pris les comprimés de fer alors j'ai eu une fille fragile qui ne veut pas manger. [GT3 NA+30 ; 205] Oui, si la nourriture est insuffisante. [GT5 NA-30 ; 259] L’anémie peut apparaître chez les enfants qui ne mangent pas ou quand le lait de leur mère est pauvre en vitamines. Cet état peut apparaître chez les enfants qui ne mangent pas ou quand le lait de leur mère est pauvre en vitamines. [SO7 NA-30 ; 52] 3. Les hommes L’homme, d’après les femmes, serait moins concerné par l’anémie. - 114 Anémie en Tunisie Moi je pense que le taux d'anémie chez les hommes n'est pas important. Voilà, je regarde autour de moi. Ce sont surtout les enfants et les femmes qui sont fatigués. Peut être parce qu'ils sont moins fatigués et qu'ils mangent mieux. [SO8 AN-30 ; 61] Moi je pense que le risque d’anémie est de 80% pour les femmes et 20% pour les hommes, car les femmes subissent les grossesses et celles-ci sont nombreuses (. . .). [SO5 AN+30 ; 44] Les femmes pensent aussi que, dans le cas où il en serait atteint, l’homme récupère plus vite que la femme. La relative immunité des hommes semble être acquise grâce à la qualité de son alimentation et aux stress réduits qu’il subit. Mais sa constitution, plus robuste que celle de la femme, interviendrait aussi. Oui, c'est vrai que les hommes sont la plus part du temps fatigués physiquement dans leur travail. Mais, il suffit qu'ils se reposent un peu et qu'ils mangent bien pour qu'ils récupèrent après. Ce n'est pas cette fatigue et ces vertiges que nous ressentons tout le temps même si nous sommes au lit. Dans notre cas, c'est le corps qui est malade, qui lui manque quelque chose. [SO5 AN+30 ; 45] Je crois que ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Les hommes par nature sont plus forts. Leur organisme est plus fort. [SO8 AN-30 ; 54] Je crois que jamais les hommes ne seront atteints ou presque jamais. Ils sont forts, ils mangent bien et ils ont moins de responsabilités que la femme. [GT1 AN+30 ; 137] L’homme a une constitution plus forte donc il sent moins la fatigue et en plus il ne se plaint pas. [GT7 NA-30 ; 49] L’allaitement, les grossesse, les règles, le travail à la maison, l’éducation des enfants, tout ça fait que la femme se fatigue plus que l’homme. De plus, l’homme mange mieux que la femme, il a la meilleure part du plat, soi disant parce que c’est lui qui entretient la famille. [SO8 AN-30 ; 65] 4. Comparaison interrégionale L’analyse des données ne révèle pas de différences interrégionales très marquantes. Les femmes sont le groupe le plus vulnérable que ce soit dans le Grand Tunis ou au Sud Ouest, toujours en raison des périodes critiques mentionnées plus haut. La femme est toujours fatiguée. Elle travaille à la maison, s’occupe des gosses. L’homme est moins fatigué (...). De plus, chaque mois, la femme a les règles et pour moi, c’est une semaine de vertiges continues. [SO8 AN-30 ; 55] La femme est sujette à l’anémie à cause des règles, des grossesses et des avortements. [GT1 AN+30 ; 138] - 115 Anémie en Tunisie Les femmes, surtout celles de la région du Sud Ouest, pensent cependant que l’enfant peut être touché en raison d’une alimentation insuffisante mais aussi par l’effet de la géophagie. Les enfants aussi, si la mère a beaucoup d’enfants. Elle ne s’en occupe pas beaucoup et ils peuvent manger n’importe quoi et devenir anémiques. [SO8 AN-30 ; 67] La terre peut donner l’anémie. Il y a des gosses qui mangent la terre et qui sont toujours pâles. [GT1 AN+30 ; 60] Dans la région du Sud Ouest, la notion de saison et l'influence du climat sur la santé est évoquée, contrairement à Tunis où les variations climatiques seraient plus faciles à supporter. En été, je suis le plus mal. En hiver c'est beaucoup mieux. [SO8 AN-30 ; 64] L’été est très dur à Tozeur, cette chaleur est responsable de beaucoup de problèmes, elle rend les hommes, les femmes et les enfants fatigués. [SO4 NA+30 ; 109] La perception de l’influence de l’âge existe chez les femmes du Grand Tunis et au Sud Ouest. Les personnes âgées sont considérées comme un groupe plus vulnérable. Ce sont surtout, les femmes qui ont cette fatigue et les personnes âgées, surtout la femme qui a la responsabilité des enfants, elle travaille beaucoup. [GT3 NA+30 ; 71] La notion de multiparité comme facteur aggravant de l’anémie se retrouve surtout au Sud Ouest. Ceci est probablement du à la fécondité plus élevé dans cette région due à une utilisation insuffisante des méthodes contraceptives modernes. Moi aussi, j’ai 5 enfants, j’ai perdu 2 et j’ai fait 4 avortements. Depuis des années, je suis soit enceinte, soit allaitante. Je viens juste d’accoucher. [SO5 AN+30 ; 129] SECTION VI Attitudes, pratiques et connaissances alimentaires 1. Traitement médical de l’anémie De manière générale, les données recueillies indiquent que des conseils diététiques sont prodigués aux femmes lors des consultations médicales. A travers l’ensemble des groupes de discussion focalisée, de nombreuses femmes ont utilisé des phrases telles que : “ Le médecin m’a dit qu’il faut manger… ”. Aussi, d’après les dires des femmes, les traitements médicaux semblent être suivis (transfusions, prise de comprimés de fer). Cependant, comme déjà mentionné, les conseils nutritionnels ne sont pas toujours suivi de changements en termes de comportements. - 116 Anémie en Tunisie Moi, j'ai une fatigue, j'ai consulté un médecin ; il m'a dit que je manque de fer c'est dû à l'allaitement. Je prends des comprimés de fer. Je mange comme d'habitude. Je n'ai pas modifié mon alimentation. [SO1 NA-30 ; 41] Moi, mon problème, c’est que je ne suis pas régulière ni dans mon traitement, je le prends pendant une courte période et j’arrête, ni dans mon alimentation, je mange n’importe quoi. Sincèrement, je ne fais pas attention à ma santé. Le maximum de ce que je fais, je me repose quand j’ai le temps. [SO3 AN+30 ; 62] A nouveau, ce comportement est souvent mis en relation avec des questions de moyens, surtout dans la région du Sud Ouest où plus d’importance semble être accordée aux médicaments pour lutter contre l’anémie. Moi, je consomme rarement les lentilles et les féculents, le foie de poulet aussi on ne l'achète que de temps en temps. Je pense qu'il n'y a pas mieux que la viande et surtout la viande rouge pour redonner du sang à un anémique. Bien sûr, après le médicaments. Car en premier lieu, l'anémique doit prendre ses médicaments et de façon régulière. [SO5 AN+30 ; 56] D'abord par les médicaments, puis une alimentation riche et fortifiante. C'est à dire, le lait, la viande, les œufs. [SO5 AN+30 ; 139] On remarquera que les femmes (anémiques et non anémiques) disent souvent que c’est au médecin de fixer le régime alimentaire en cas d’anémie. C’est lui qui est investi de la connaissance. Cette attitude semble plus marquée dans le Sud Ouest. C'est ça, c'est au médecin de faire le diagnostic de l'anémie, c'est à lui de lui donner les médicaments qu'il faut, c'est aussi à lui de dire ce qu'il doit manger. Car il n'y a que lui qui sait tout ça. [SO7 NA-30 ; 183] Les femmes du Sud Ouest parlent davantage de lutte en terme d’alimentation ; celles du Grand Tunis se limitent le plus souvent à évoquer les médicaments (surtout le fer). Comme on pouvait s’y attendre, les anémiques s’étendent beaucoup plus sur le traitement médical de l’anémie que les non-anémiques. 2. Traitement personnel de l’anémie Le “ traitement ” le plus courant de l’anémie (en cas d’épisode de fatigue) est “ Je me repose quand j’ai du temps ”. Face à l’anémie, les femmes développent des sentiments contradictoires. Il y a d’abord celles qui éprouvent un sentiment de peur et d’angoisse. J’ai continué à mener une vie normale, mais au fond, j’ai peur, très peur. C’est peut-être grave. [SO6 AN-30 ; 28] - 117 Anémie en Tunisie Moi, je suis anémique. J’ai peur que mon fils ne le soit aussi. Que dieu le garde ! [SO8 AN-30 ; 46] Mon fils est faible et maigre. J’ai peur qu’il ne soit anémique. [SO8 AN-30 ; 29] J’espère que ni moi ni mon fils ne sommes anémiques. Que Dieu nous préserve ! [GT7 NA-30 ; 31] D’autres refusent de se considérer comme anémiques, comme cette femme anémique du Sud Ouest qui associe sa pâleur et sa fatigue à une surcharge de travail ou encore à sa carence en fer signalée par le médecin, et qu’elle différencie de l’anémie. Elle préfère ainsi parler de manque de fer, l’anémie étant pour elle synonyme de maladie, ce qui renvoie à une image fragile et dévalorisante. Elle dénie donc être malade. Moi, je suis fatiguée quand je suis surmenée ou quand je travaille beaucoup. Je n’ai pas d’anémie. Le médecin m’a dit que j’ai un manque de fer, donc je ne suis pas anémique. Je sens quand j’ai un manque de fer : je pâlis, mes yeux sont blanchâtres et je suis fatiguée, mais je ne suis pas anémique. [SO3 AN+30 ; 19] Quelques anémiques de la capitale mentionnent explicitement ne rien changer à leur mode de vie, à ne pas trop donner d’importance à leur état et à sauter leur petit déjeuner. Moi, malgré les vertiges, je continue à faire le ménage. Je ne prends pas mon petit déjeuner le matin, je n’ai pas envie de manger. D’ailleurs il ne change rien à mon état physique. [GT2 AN+30 ; 83] Ceci est encore plus marqué dans le Sud Ouest. Là aussi les femmes se reposent si elles en ont le temps. Une seule femme a mentionné faire des efforts pour améliorer son alimentation. Les non anémiques mentionnent le plus souvent l’importance de l’alimentation (variée, régulière) pour prévenir ou traiter l’anémie. Parmi les “recettes” avancées, on notera : “le bois de l’eau de géranium avec du sucre”, “le plus souvent, je bois du lait bien sucré, je mange des dattes”, “je prends un Efferalgan pour dormir”. Le “traitement” le plus souvent mis en avant par les femmes pour lutter contre la fatigue est de prendre un peu de repos. Cependant de nombreuses femmes disent simplement ne rien faire. L’alimentation est très peu fréquemment évoquée comme remède efficace, mais certaines affirment boire de l’eau sucrée. - 118 Anémie en Tunisie 3. Itinéraires thérapeutiques en relation avec l’anémie L’étude ne visait pas à reconstituer en détail les itinéraires thérapeutiques des anémiques. On peut cependant, sur la base des données recueillies, se faire quelques idées sur le sujet. Il est ainsi intéressant de constater que la plupart des anémiques disent avoir consulté un médecin suite à des épisodes de fatigue prolongés ou suite à des vertiges. Les symptômes de l’anémie sont donc ressentis comme suffisamment inquiétants par les femmes pour les amener à consulter. Un certain nombre de ces femmes indiquent aussi avoir été diagnostiquées lors d’analyses réalisées pendant leur grossesse ou juste après celle-ci. Les mères disent aussi consulter en cas de signes de mauvaise santé de l’enfant. On notera aussi qu’il n’a jamais été fait mention de recours à d’autres types de praticiens (herboristes, guérisseurs, etc.), mais ce sujet n’a pas été directement abordé dans les groupes de discussion focalisée. 4. Connaissances et opinions en matière alimentaire en relation avec l’anémie Lors des groupes de discussion focalisée, il a beaucoup été question des effets perçus (positifs ou négatifs) des aliments sur l’anémie (ou de certaines catégories d’aliments). En particulier, des questions spécifiques ont été posées sur le thé, le jus d’orange, la citronnade et la viande. 4.1. Le thé, le jus d’orange et la citronnade Les opinions concernant le thé sont très partagées. Une légère majorité de femme se dégage pour lui reconnaître des effets positifs, surtout chez les personnes qui souffrent d’anémie, car il augmenterait la quantité de sang. Moi je le bois parce que ma tante me l’a conseillé. Elle m’a dit qu’il augmente le sang, et comme je suis anémique, j’en bois à longueur de journée. [GT1 AN+30 ; 88] Ici au Sud, les adultes, hommes et femmes, sont des drogués de thé. Même les adolescents en boivent. On dit qu’il fortifie le sang. [SO5 AN+30 ; 81] On notera que les femmes du Sud Ouest, anémiques et de plus de 30 ans, émettent plus d’opinions favorables par rapport au thé. Dans les deux régions, beaucoup de femmes pensent que l’effet du thé vert diffère de celui du thé noir : le premier a un effet hypotenseur “ ytayah eddãm ” et le second augmente la quantité de sang “ ytallaa eddãm ”. - 119 Anémie en Tunisie dit que le thé vert est bon pour celui qui a la tension, il abaisse le sang, alors que le thé noir augmente le sang donc, il est bon pour celui qui a une anémie. [SO8 AN-30 ; 119] Tableau C III : Nombre de citations concernant l’appréciation des différentes catégories d’aliments par les participantes DATA BASE EPT ENT EPO ENO EPC ENC EPV ENV EPA ENA AN 46 39 33 6 15 22 57 17 81 5 NONAN 48 50 49 5 20 32 91 17 105 11 TUNIS 44 36 33 1 13 25 56 9 79 5 SUD OUEST 50 53 49 10 22 29 92 25 107 11 PLUS DE 30 ans 59 57 42 3 23 26 76 17 91 10 MOINS DE 30 ans 35 32 40 8 12 28 72 17 95 6 AN : groupes anémiques, NONAN : groupes non anémiques, EPT : effets positifs du thé, ENT : effets négatifs du thé, EPO : effets positifs orange /jus d’orange, ENO : effets négatifs orange/jus d’orange, EPC : effets positifs citron /citronnade, ENC : effets négatifs citron /citronnade, EPV : effets positive viande, ENV : effets négatifs viande, EPA : effets positifs autres, ENA : effets négatifs autres. Pour ce qui est du jus d’orange, toutes les catégories de femmes sont d’accord pour lui accorder des vertus positives (le nombre de citations positives étant neuf fois plus nombreuses que les citations négatives). En revanche, pour ce qui concerne les effets de la citronnade, la relation s’inverse et davantage de femmes (toutes catégories) lui attribuent des vertus plus négatives que positives. Mais les opinions sont beaucoup plus partagées à propos de citronnade (tableau C III). 4.2. La viande D’une façon générale, la majorité des femmes pense que les aliments d’origine animale (viandes, poissons, foies) sont nourrissants, excellents pour la santé et conseillés pour ceux qui souffrent de fatigue ou d’anémie. Quelques rares femmes croient cependant que la viande n’améliore pas l’état d’un anémique. Moi je mange la viande tous les jours et je suis fatiguée. Donc, je pense qu’elle n’a pas d’effet sur l’anémie. [GT6 AN-30 ; 104] Dans la région du Sud Ouest, beaucoup de femmes déclarent que le poulet n’a aucune valeur nutritive. Certaines vont jusqu’à dire qu’il est à l’origine de leur anémie. Je pense que l’origine de notre anémie c’est le poulet. Nous en mangeons trop dans cette région. [SO8 AN-30 ; 137] Le poulet, comme la dinde, est sans valeur nutritive. [SO2 NA+30 ; 173] - 120 Anémie en Tunisie 4.3. Les autres aliments Notons que les légumineuses (lentilles, pois-chiches, fèves, haricots secs) sont bien appréciées par la quasi-totalité des femmes qui pensent que les personnes anémiques ou fatiguées doivent en consommer (tableau C IV). Il est possible que ceci reflète l’influence des messages d’éducation nutritionnelle diffusés par le corps médical et paramédical, ainsi que par les médias. Beaucoup de femmes pensent que le lait et ses dérivés sont nourrissants pour toutes les catégories d’âge, particulièrement pour les personnes anémiques ou fatiguées. En cas de crise d’anémie, certaines femmes boivent du lait sucré et disent se sentir mieux après. Ceci n’est certainement pas dû à l’effet du lait lui-même, qui est connu pour être un aliment très pauvre en fer et qui donc n’a aucune utilité curative pour l’anémie carentielle. Les légumes et les féculents, surtout les épinards et le persil, sont cités par beaucoup de femmes comme étant des aliments fortifiants. Ils permettent de prévenir et même de traiter l’anémie et la fatigue. Les céréales (couscous, pâtes alimentaires, pain, farine, sorgho, riz) sont considérées par certaines femmes comme des aliments énergétiques qui donnent des forces, mais ne permettant pas d’éviter l’anémie. Pour d’autres, ce sont les aliments des pauvres qui ne prémunissent pas des maladies. Les fruits ne sont pas particulièrement évoqués, à l’exception des dattes (plus que la moitié des citations positives) qui sont considérées par les femmes du Sud Ouest comme un fruit magique, doté de toutes les vertus. Les œufs sont également évoqués parmi les aliments nutritifs et conseillés aux personnes faibles jeunes ou moins jeunes. Tableau C IV : Nombre de citations positives et de citations négatives relatives à l’appréciation de différentes catégories d’aliments Légumineuses Lait et dérivés Légumes Céréales Fruits Œufs Fruits secs EPA 105 81 79 28 26 18 8 ENA 1 0 0 7 0 0 0 EPA : effets positifs autres, ENA : Effets négatifs autres. 5. Comparaison des opinions en matière alimentaire avec les recommandations nutritionnelles De multiples causes peuvent être à l’origine d’une anémie. La plus courante et la plus intéressante sur le plan nutritionnel est l’anémie liée à une carence en fer (cf. première partie : méthodologie). - 121 Anémie en Tunisie Si l’on analyse les opinions des femmes sur les avantages des aliments et leurs influences sur l’anémie, on constate que les produits d’origine animale (fer bien absorbable) occupent une place de choix dans leur hiérarchie d’appréciation, à l’exception des volailles qui sont particulièrement dépréciés dans la région du Sud Ouest. Les légumes secs et les céréales, qui sont également recommandés pour les personnes fatiguées ou anémiques, outre le fait de ne contenir que du fer non héminique (faiblement absorbable), ont également l’inconvénient d’être riches en composés jouant un rôle inhibiteur de ce fer (phytates, composés poly phénoliques). Les fruits et légumes, riches en vitamine C, ne sont pas spécialement évoqués. Fait encore plus intéressant, la citronnade est discréditée auprès des anémiques. Les œufs et les produits laitiers, connus pour leur effet inhibiteur sur la disponibilité, et donc la valeur nutritionnelle du fer non héminique des autres aliments, sont particulièrement appréciés par les femmes dans les deux régions. Faut-il pour autant s’en priver ? Sans doute pas, car ces aliments ont d’autres avantages compensant largement ces inconvénients potentiels. Il suffit de choisir les aliments à consommer simultanément afin d’optimiser la biodisponibilité du fer. Les jugements sur le thé (l’inhibiteur le plus puissant de l’absorption du fer non héminique) sont contrastés. Retenons que les femmes anémiques, de la région du Sud Ouest et ayant plus de 30 ans, sont particulièrement favorables à la consommation du thé qui, selon elles, augmente la quantité du sang. - 122 Anémie en Tunisie QUATRIEME PARTIE Conclusions & Recommandations - 123 Anémie en Tunisie Le développement économique et social de ces dernières décennies a contribué au recul sensible de la plupart des problèmes nutritionnels comme la maigreur, l’insuffisance pondérale, le retard de croissance, la carence en iode, l’avitaminose A. Cependant, l’anémie reste encore un problème de santé publique important, affectant surtout les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants de l’ensemble du pays, avec une prédominance dans les régions du Sud et du Grand Tunis (2). Quelles stratégies efficientes et efficaces faut-il mettre en œuvre pour lutter contre ce problème nutritionnel ? La réponse à cette question exige un préalable : - la connaissance exacte des différents types d’anémie et de leur degré de sévérité ; - l’identification des facteurs de risque des anémies carentielles, seuls types d’anémie sensibles à une action correctrice. Ces deux axes de recherche ont fait l’objet de cette enquête dont les résultats ont servi de base à l’élaboration d’un programme ciblé et approprié. Après synthèse des résultats, des éléments pour une stratégie nationale de lutte contre l’anémie seront proposés à la lumière des résultats combinés de l’approche quantitative (typologie de l’anémie, distribution et principaux déterminants) et de l’approche qualitative (perceptions et comportements des femmes en relation avec l’anémie). 1. 1.1. Description de la situation actuelle Etendue du problème L’anémie touche autant de femmes en âge de procréer dans le Grand Tunis (28,9 %) que dans le Sud Ouest (30,7 %). Les mêmes prévalences sont observées chez les enfants âgés de moins de 5 ans originaires du Grand Tunis (28,8 %) que chez ceux du Sud Ouest (28,3 %). Pour les deux groupes, les prévalences sont réparties de façon homogène entre le milieu urbain et le milieu rural. L’anémie est essentiellement modérée (hémoglobine entre 10,9 et 7 g/dl). Chez les femmes, l’anémie sévère (hémoglobine <7 g/dl) ne touche que 1,2 % dans le Grand Tunis et 0,7 % dans le Sud Ouest. Pour les enfants, elle affecte respectivement 1,2 % et 0,2 %. 1.2.Les différents types d’anémie - 124 Anémie en Tunisie 1.3.Anémie par carence en fer : le déficit en fer est la première cause d’anémie chez les femmes et les enfants. Les prévalences observées chez les femmes sont de 17,4 % dans le Grand Tunis et 24 % dans le Sud Ouest, soit respectivement 60 % et 78,3 % de la prévalence globale de l’anémie. La région du Sud Ouest est donc plus affectée par ce problème nutritionnel malgré un apport en fer total meilleur. Chez les enfants, les pourcentages de l’anémie ferriprive par rapport à l’anémie globale sont de 74 % dans le Grand Tunis et de 63,7 % dans le Sud Ouest. Il est à noter que contrairement aux femmes, la situation est meilleure chez les enfants du Sud Ouest que chez ceux du Grand Tunis. Ce résultat est le reflet d’une consommation en fer plus élevée chez les premiers. L’anémie ferriprive est le stade ultime de la carence en fer. Si le cinquième de l’ensemble des enfants et des femmes en est affecté, ceci signifie qu’au moins le double de cet effectif (soit environ 1,5 million de personnes en l’an 2000) souffre d’une déficience martiale, avec tout le cortège de souffrances physiques et mentales qu’elle implique (cf. annexe 1). Anémie inflammatoire : l’anémie inflammatoire liée aux maladies chroniques touche autant de femmes que de jeunes enfants. Exprimée en valeur absolue, l’anémie inflammatoire est également répartie entre les deux régions et les deux milieux de l’étude. Exprimée en pourcentage de la prévalence globale de l’anémie, elle correspond à 12,5 % chez les femmes et 11 % chez les enfants. Le tiers des enfants et plus de la moitié des femmes souffrant de ce type d’anémie présentent une anémie carentielle associée. Anémie par carence en folates : C’est une anémie extrêmement rare chez les deux groupes et dans les deux régions de l’étude. Anémie par carence en vitamine B12 : Comme pour la carence en acide folique, l’anémie par carence en vitamine B12 est exceptionnelle. Seules 0,4 % des femmes du Grand Tunis et 2 % des enfants du Sud Ouest en sont affectés. Chez les enfants, les prévalences ne sont que de 0,3 % dans le Grand tunis. Anémie hémolytique héréditaire : L’expression des hémoglobinopathies sous forme d’anémie a été observée chez 2,9 % des femmes et 1,4 % des enfants du Grand Tunis, et respectivement chez 1,1 % et 1 % du Sud Ouest. Dans le Grand Tunis, la thalassémie mineure est presque la seule cause de l’anémie héréditaire alors que dans le Sud Ouest, c’est la drépanocytose qui est la plus répandue parmi ces deux groupes. Autres types d’anémie : 6,6 % des femmes du Grand Tunis et 2 % de celles du Sud Ouest, soit respectivement 22,8 % et 6,5 % des anémiques souffrent d’anémies qui ne sont pas d’origine nutritionnelle. Chez les enfants les proportions respectives observées sont de 12,2 % et 25,4 % de la prévalence globale de l’anémie. Il s’agit d’anémies hémolytiques - 125 Anémie en Tunisie (acquises ou constitutionnelles) ou hémorragiques ou encore d’anémies qui font suite à des pathologies endocriniennes. Une cause centrale est donc à rechercher. 1.3. Les facteurs de risque de l’anémie ferriprive La carence en fer étant la cause principale de l’anémie, elle a fait l’objet d’une recherche approfondie. Le modèle causal hypothétique (annexe 2) élaboré en tant que cadre conceptuel de l’anémie ferriprive montre que des déterminants multiples et imbriqués sont impliqués dans son apparition. Même si la contribution de chacun de ces facteurs est difficile à quantifier, l’analyse multivariée a permis d’identifier les principaux. Chez les femmes Les principaux facteurs de risque de l’anémie par carence en fer sont les suivants : ▪ l’apport en fer total est insuffisant malgré une consommation énergétique quotidienne qui se situe dans les limites des apports recommandés ; ▪ la biodisponibilité du fer est faible. Celui-ci est apporté essentiellement sous la forme non héminique (87 % du fer total). La consommation des produits carnés (viande, volaille, poisson, foie), sources exclusives de fer héminique et renforçateurs de l’absorption du fer non héminique, est insuffisante surtout dans la région du Sud Ouest ; ▪ l’habitude de boire du thé en même temps ou juste après les repas. Cette pratique alimentaire est répandue essentiellement dans la région du Sud Ouest ; ▪ la géophagie et le pica, répandus chez les femmes carencées, contribuent à une absorption moins efficace du fer. C’est encore chez les femmes du Sud Ouest que cette habitude néfaste est la plus courante ; ▪ une parité élevée au-delà de trois enfants affaiblit l’organisme de la mère et la rend vulnérable à l’anémie ferriprive ; ▪ l’activité professionnelle et les changements du comportement alimentaire qui lui sont associés fragilisent l’organisme de la femme ; ▪ l’âge est un facteur de risque chez la femme, les moins jeunes étant les plus exposées à la carence. Le niveau d’instruction, la taille du ménage, les conditions d’hygiène et d’habitat, le niveau socio-économique du ménage, le mode de contraception (surtout le dispositif intra utérin sous sa nouvelle forme), les grossesses rapprochées (moins de deux ans entre deux grossesses), l’infestation parasitaire (avec les espèces identifiées dans cette étude) ne sont pas considérés comme les principales causes de l’apparition de l’anémie par carence en fer. - 126 Anémie en Tunisie Chez les enfants La période comprise entre 6 et 23 mois semble être la tranche d’âge particulièrement à risque de carence martiale. Les causes principales de l’anémie par carence martiale sont : ▪ un déficit d’apport en fer total chez les enfants qui ne sont plus allaités au sein ; ▪ une faible consommation de produits carnés ; ▪ l’habitude de manger des produits non comestibles, autrement dit la géophagie et le pica. Le niveau socioéconomique du ménage, l’infestation parasitaire (avec les espèces identifiées), le fait que la mère soit carencée en fer ou non, le niveau d’instruction et l’activité professionnelle des parents ne semblent pas jouer un rôle déterminant dans ce problème nutritionnel des enfants. 1.4. Perceptions, connaissances et pratiques Il existe d’importantes différences dans la connaissance de l’anémie, de ses causes et de ses symptômes entre les femmes de la région du Grand Tunis et les femmes du Sud Ouest Tunisien. Les femmes non anémiques ont des notions plus superficielles sur les symptômes de la maladie, surtout dans la capitale. Une majorité de femmes du Grand Tunis, disent ne pas connaître l’anémie. Toutefois, elles souhaitent mieux comprendre la maladie. De nombreuses femmes associent les symptômes de l’anémie avec d’autres maladies, en particulier l’hypotension artérielle. Dans les deux régions, la perception des symptômes de l’anémie chez les enfants est partielle. La plupart des femmes pensent que la malnutrition est à l’origine de l’anémie. L’insuffisance d’apports alimentaires est le plus souvent associée à un niveau de vie modeste. Ces femmes sont conscientes du fait qu’elles doivent varier leur alimentation et consommer des aliments riches en fer, mais, par manque de moyens, elles ne peuvent modifier leur comportement alimentaire et se contentent de consommer ce qui est disponible. Certaines sont persuadées qu’une hygiène précaire ou la consommation d’aliments souillés par des microbes ou des parasites contribuent à l’apparition de l’anémie. Plusieurs pensent que les grossesses, les accouchements, l’allaitement, ainsi que certains moyens contraceptifs comme les dispositifs intra utérins, sont responsables - par le biais de menstruations abondantes - de l’anémie. Le travail et les responsabilités diverses (ainsi que la fatigue qui leur est associée) sont aussi perçus comme une cause essentielle de l’anémie. Dans le Sud Ouest, région où le mariage consanguin est très répandu, un grand nombre de femmes, qu’elles soient anémiques ou pas, pensent que l’anémie est héréditaire. - 127 Anémie en Tunisie 2. Recommandations Sur la base des résultats présentés ci-dessus, différentes mesures d’intervention peuvent être proposées pour prévenir l’anémie ferriprive et réduire sa prévalence et son impact. Ces interventions, appliquées de manière complémentaire dans le cadre d’un programme national, pourraient se révéler très efficaces pour éliminer ce trouble nutritionnel en tant que problème de santé publique. L’enrichissement en fer des aliments L’expérience des pays développés et de beaucoup de pays en développement dans ce domaine a montré l’efficacité de cette approche pour faire régresser la carence en fer. La farine de blé et ses dérivés sont des produits de grande consommation en Tunisie et par conséquent, peuvent servir de véhicules. Le succès d’une stratégie d’enrichissement dépend d’un certain nombre de facteurs : ▪ les personnes à risque doivent consommer l’aliment enrichi régulièrement et en quantité suffisante (ce qui est le cas en ce qui concerne la farine de blé) ; ▪ le traitement ne doit pas altérer le goût du produit ; il faut par conséquent bien choisir la forme biochimique sous laquelle le fer doit être utilisé ; ▪ l’aliment doit rester financièrement accessible (ceci est faisable car la farine est un produit subventionné par l’état) ; ▪ la collaboration, dès la conception de l’intervention, de tous les secteurs impliqués (industrie, commerce, agriculture, santé et nutrition) ; ▪ la conception d’un cadre légal (textes juridiques) qui fixe les rôles respectifs de chacun ; ▪ le contrôle rigoureux de la chaîne de production et de distribution lequel garantit que le produit fortifié se maintient aux normes voulues jusqu’au consommateur. Il faut donc instaurer un système de surveillance et de contrôle de qualité. La faisabilité de cette stratégie a déjà été étudiée à la fin de l’année 1999 et avalisée par un comité de réflexion sur l’éventualité de l’enrichissement en fer de la farine. Il convient donc de relancer ce comité et de poursuivre les travaux pour la réalisation de cette démarche. La supplémentation en fer Pour couvrir les besoins très élevés pendant la grossesse et après l’accouchement, une supplémentation systématique en fer des femmes enceintes et allaitantes a été préconisée depuis 1990 dans le cadre du programme national de périnatalité. - 128 Anémie en Tunisie Son impact a été évalué dans cette étude. Seuls les deux tiers des femmes ayant eu au moins une grossesse depuis 1990 ont bénéficié de cette supplémentation. En outre, chez ces femmes, l’adhésion thérapeutique moyenne est faible (moins de quatre mois). La grande majorité des femmes qui n’ont pas suivi ce traitement évoquent la non prescription du fer par le médecin traitant. De nombreuses femmes disent ne pas être concernées par cette prophylaxie étant donné qu’elles sont en «bonne santé». Pour promouvoir la supplémentation en fer, il convient de : ▪ renforcer le programme de supplémentation actuel par une campagne de sensibilisation, non seulement auprès des femmes à risque mais également du personnel de la santé ; ▪ profiter des séances de vaccination pour distribuer des suppléments en fer, à titre préventif, aux enfants de moins de deux ans par le biais des structures de soins de première ligne. L’éducation nutritionnelle en matière d’anémie La mise au point d’un programme d’éducation nutritionnelle à grande échelle s’avère nécessaire. Il existe en effet une demande sociale des femmes pour recevoir plus d’informations sur cette maladie. En outre, les femmes étant relativement conscientes d’être un groupe à risque pour l’anémie, devraient être réceptives aux messages transmis. Ce programme devrait se fixer les objectifs suivants : ▪ Accroître la connaissance de l’anémie (définition, symptômes, origines et risques encourus). Il s’agira aussi de tenter d’augmenter la conscience du risque encouru par les enfants. En effet, les femmes ne semblent pas être conscientes de l’ampleur du problème chez ceux-ci et ne font pas spontanément l’association entre certains symptômes de mauvaise santé chez l’enfant et l’anémie. ▪ Encourager des pratiques nutritionnelles adéquates comme la consommation d’aliments riches en fer et la diversification du régime alimentaire et insister sur la vulnérabilité de l’enfant au moment où il commence à recevoir des aliments de complément et sur la nécessité d’adapter le plat familial à ses besoins. Inversement certaines pratiques devraient être découragées. Par exemple, la géophagie et la consommation de thé au moment des repas, largement répandues chez les populations à risque, compromettent la biodisponibilité du fer alimentaire. Ces comportements alimentaires risquent d’engendrer une carence martiale et à un stade ultérieur, une anémie Le programme devrait inclure différentes composantes : ▪ Une campagne de marketing social à grande échelle, basée sur des messages à la radio et à la télévision, des affiches, des banderoles, des annonces publicitaires et des articles dans - 129 Anémie en Tunisie les journaux. Le contenu de l’éducation nutritionnelle devrait cependant être modulé selon les régions. Au niveau de la capitale, l’anémie est moins connue comme maladie. Les femmes y ont donc besoin d’une information de base sur l’anémie, sa définition, ses symptômes, ses origines et les risques encourus. Dans le Sud Ouest, les messages devraient être plus ciblés. En effet, la maladie y est connue mais «mal connue». On constate l’existence de nombreuses «fausses croyances» dont certaines ont potentiellement des effets négatifs sur la prévalence de l’anémie dans ces régions. Par exemple, la croyance en des effets positifs de la géophagie sur l’anémie. Dans cette région la mise au point d’une stratégie visant à modifier la communication sociale en matière d’anémie devrait être envisagée. Information en matière d’anémie Intégrer dans les programmes de la formation professionnelle et de la formation continue des personnels de la santé une composante d’information en matière d’anémie et de carence en fer. Il est nécessaire que ces personnels fournissent des explications correctes aux femmes sur l’anémie et en particulier séparer clairement l’anémie de l’hypotension, la confusion des deux maladies entraînant parfois des comportements inadéquats chez les femmes atteintes d’anémie, par exemple le rejet de la citronnade. Des messages concernant l’importance de l’enrichissement en fer des aliments et de la supplémentation martiale doivent être officiellement intégrés aux cours pédagogiques dans tout le pays. La surveillance des anémies L’instauration d’un système de surveillance de l’anémie aiderait non seulement à avoir des informations sur l’évolution de la situation dans le pays, et sur les déterminants de cette évolution, mais aussi à évaluer les programmes d’intervention mis en place. - 130 Anémie en Tunisie REFERENCES 1. Institut National de la Statistique. Enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages 1995. Volume B, Résultats de l’enquête alimentaire et nutritionnelle. 2. Institut National de Nutrition. Evaluation de l’état nutritionnel de la population. Enquête nationale de nutrition 1997/96. Rapport 2000. 3. Henry-Ammar M., Pappoz I., Ben Khalifa F., Eschewege E., Ben Ayed H. Prévalence du diabète dans le gouvernorat de Tunis à partir d’un échantillon représentatif. Revue Epidémiologique et de santé, 1981. 4. Institut National de Nutrition. Ministère de la Santé Publique. Enquête nationale de nutrition. Rapport 1978. 5. Direction des Soins de Santé de Base. Ministère de la Santé Publique. Enquête nationale sur la santé et le bien être de la mère et de l’enfant. Rapport novembre 2000. 6. Baynes R.D., Stipanuk M.H. Iron. In : Biochemical and physiological aspects of human nutrition. Ed.: W.B. Saunders Company, 2000, 31, p 711-740. 7. Bailey K.V. Carence en fer et anémie: situation mondiale urgente. Le prescripteur, 1994 ; 1-16. 8. World Health Organization. The prevalence of anaemia in women: a tabulation of available information. Geneva: WHO, 1992, (WHO/MCH/MSM/92.2). 9. World Bank/WHO/UNFPA. Preventing the tragedy of maternal deaths. A report on the International Safe Motherhood Conference Nairobi, Kenya, 1987. Nairobi: World Bank/WHO/UNFPA, 1987. 10. Harrison K.A. Severity of anaemia and operative mortality and morbidity. Lancet 1988; 1:392-3. 11. Scholl T.O., Hediger M.L. Anaemie and iron deficiency anaemia; compilation of data on pregnancy outcome. Am J Clin Nutr, 1994; 59: 492S. 12. Colomar J., Colomar C., Gutierrez D., et al. Anaemia during pregnancy as a risk factor for infant iron deficiency : report from the Valencia anaemia cohort (VIAC) study. Paediatr Perinat Epidemiol 1990; 4: 196-204. 13. Ben Slama M. Prévalence de l’anémie parmi les enfants de 0 à 6 ans. Enquête menée dans le centre de protection maternelle et infantile de Dar Chaâbane, 1982. 14. Koubaa C. Prévalence de l’anémie parmi les enfants de 6 à 71 mois et les femmes enceintes dans une zone périurbaine de Tunis (Mellassine, cité Helal), 1988. 15. Sfar M.T. Prévalence de l’anémie parmi les enfants de 6 à 71 mois dans la région de Mahdia. Revue maghrébine de Pédiatrie, 1, 1992, 31 – 37. 16. Sellami M., Triki M. Anémie et grossesse. 7èmes Journées Nationales de Santé Publique, 1999. 17. Nasri M. Anémie et grossesse. 4èmes Journées Nationales de Santé Publique, 1996. 18. Essafi B. Dépistage et prévention de l’anémie carentielle par dosage de l’hémoglobinémie du fer sérique, de la ferritinémie, de la transferrinémie, de la vitamine B12 et de l’acide folique chez la femme enceinte : à propos de 200 cas. Thèse de Doctorat de Médecine, 1999. 19. Galacteros Fr., Goldcher A. Les anémies hypochromes microcytaires. Encycl Méd chir (ParisFrance), sang, 13003 A10, 3-1989, 16p. 20. WHO/UNICEF/UNU. Iron deficiency indicators for assessment and strategies for prevention. Report of a conjoint WHO/UNICEF/UNU consultation, Geneva 1998. 21. Schaison G., Baruchel A., Le Blanc T. Références des normes biologiques : valeurs de référence en hématologie pédiatrique. In : Hématologie de l’enfant, Ed. Flammarion, 1995, 21 p. - 131 Anémie en Tunisie 22. Dreyfus B. Hématologie. Ed. Flammarion, 1992. 23. Groupe de travail SFBC Arbres décisionnels pour les pathologies du métabolisme du fer (Vernet M. et al.). Algorithmes de prescription recommandés pour le diagnostic d’un déficit et d’une surcharge en fer. Ann Biol Clin 2001 ; 59, 2 : 149-155. 24. Sauberlich H.E. Laboratory tests for the assessment of nutritional status: Iron. Ed. CRC Press, Second Edition, 1999, p 26. 25. Marengo Row A.J. Rapid electrophoresis and quantitation of hemoglobin on cellulose acetate. J Clin Pathol 1965; 18: 790-792. 26. Prembrey M.E., Mc. Wad P., Weatherall D.J. Reliable routine estimation of small of fœtal hemoglobin by alkali denaturation. J Clin Pathol 1972 ; 25: 738-740. 27. Beghin I., Cap M., Dujardin B. Guide pour le diagnostic nutritionnel. OMS, Suisse, 1988, pp 84. 28. Monsen E.R., Hallberg L., Layrisse M. et al. Estimation if available dietary iron. Am J Clin Nutr 1978 ; 31 : 134-141. 29. Layrisse M., Martinez-Torres C. Model for measuring dietary absorption of heme iron test with complete meal. Am J Clin Nutr 1972; 25: 401-411. 30. Bjorn-Rasmussen E., Hallberg L., Magnusson B., Rossander L., Svanberg B., Arvidsson B. Measurement of iron absorption from composite meals. Am J Clin Nutr 1976; 29: 772-778. 31. Cook J.D., Monsen E.R. Food iron absorption in human subjects. III. Comparaison of the effects of animal protein on nonheme iron absorption. Am J Clin Nutr 1976; 29: 859-869. 32. Cook J. D., Monsen E.R. Vitamin C, the common cold and iron absorption in man. Am J Clin Nutr 1977; 30: 235-239. 33. Hallberg L. Bioavailability of dietary iron in man. Ann Rev Nutr 1981; 1: 123-147. 34. Hazell T. Hemoglobine and meat iron absorption. Am J Clin Nutr 1982; 36: 187-188. 35. Layrisse M., Martinez-Torres C., Conzalez M. Measurement of the total daily iron absorption by the extrinsic tag model. Am J clin Nutr 1974; 27:152-162. 36. Garcia-Cascal M.N., Layrisse M., Solano L. et al. Vitamin A and β carotene can improve nonheme iron absorption from rice, wheat and corn by humans. J Nutr 1998; 128: 646-650. 37. Brune M., Rossander L., Hallberg L. Iron absorption and phenolic compounds: importance of different phenolic structures. Eur J Clin Nutr 1989; 43: 547-558. 38. Tuntawiroon M., Stritongkul N., Brune M., et al. Dose dependent inhibitory effect of phenolic compounds in foods on nonheme iron absorption in men. Am J Clin Nutr 1991; 53: 554-557. 39. Simon P., Charbonneau P., Vance L.B., Boivin M. Anémie par carence martiale au cours d’une consommation abusive de thé. N Press Med 1981; 10: 44-48. 40. Hallberg L., Rossander L., Skanberg A.B. Phytates and the inhibitory effect of bran on iron absorption in man. Am J Clin Nutr 1987; 45: 988-996. 41. Reddy M.B., Hurrell R.F., Juilleret M.A., Cook J.D. The influence of different protein sources on phytate inhibition of nonheme iron absorption in humans. Am J Clin Nutr 1996; 63: 203-207. 42. Monsen E.R., Cook J.D. Food iron absorption in human subjects. IV. The effects of calcium and phosphate salts on the absorption of nonheme iron. Am J Clin Nutr 1976; 29: 1142-1148. 43. Cook J.D., Dassenko S.A., Wihaker P. Calcium supplementation: effect on iron absorption. Am J Clin Nutr 1991; 53: 106-111. - 132 Anémie en Tunisie 44. Simpson K.M., Morris E.R., Cook J.D. The inhibitory effect of bran on iron absorption in man. Am J Clin Nutr 1981; 34: 1469-1478. 45. Hallberg L. Weat fiber, phytates and iron absorption. Scand J Gastroenterol (suppl.) 1987; 129: 78-79. 46. Hallberg L., Brune M., Rossander-Hullent L. Iron absorption : Introduction. In: Hercberg S., Galan P., Dupien H. Aspects actuels des carences en fer et en folates dans le monde. Colloque INSERM, 1990; 19:235-245. 47. Dumais C., Turgeon O., Brien C. Evaluation du statut en fer d’un groupe d’enfants québécois âgés de trois à six ans. Méd Nutr 1993 ; 1: 9-15. 48. FAO/OMS/UNU. Besoins énergétiques et besoins en protéines. Rapport d’une consultation conjointe d’experts FAO/OMS/UNU. Série de rapports techniques, N° 724, Genève 1986. 49. James W.P.T., Schofield E.C. Les besoins énergétiques de l’homme. Manuel à l’usage des planificateurs et des nutritionnistes. Ed. Economica, Paris, 1992. 50. FAO/OMS. Expert consultation requirements of vitamin A, iron, folates and vitamin B12. FAO Food and Nutrition Series, N° 23, Rome 1988. 51. Nahon S., Bouhnik Y. Exploration d’un déficit en fer. Gastroenterol Clin Biol 2000 ; 24: B62-B67. 52. Macro M., Leporrier M. Anémies par carences en fer. Encycl Méd chir (Paris-France), Hématologie,13-003-A10, 1997, 4p. 53. Golvan Y.J., Ambroïse T. Les nouvelles techniques en parasitologie et immuno-parasitologie. Deuxième édition Flammarion, 1984, p11-60. 54. Lacourly N., Martinez C. Sélection des bénéficiaires des programmes d’assistance : une méthodologie et son application. In : les politiques alimentaires en Afrique du Nord, Ed. Karthala, Paris, 1995. 55. Krueger R. Focus group. A practical guide for applied research. Beverly Hills: Sage Publications, 1988.; Dawson S, Mandeson L, Tallo VL. Le manuel des groupes focaux. Méthodes en sciences sociales sur les maladies tropicales n°1. PNUD/Banque Mondiale/OMS International Institute for Environment and Development : Boston, 1992. 56. Andrien M, Monoyer M, Phillipet C, Vierset V. Le groupe focalisé. Education Santé 1993 ; 77 : 39. 57. WHO/UNICEF. Guidelines for the control of iron deficiency in countries of the eastern mediterranean middle east and north africa. WHO-EM/NUT/177, E/G/11.96, 1995 58. Belhadj S., Chaker E. Les diarrhées parasitaires. Essaydali scientifique : Janvier 1991-Juin 1993, n°54 : 11-14. - 133 Anémie en Tunisie 59. Gharbi T., Chaker E., Boughdir J., Ben Rayana C., El Mabrouk S. Etude de l’anémie au cours de la giardiase chez des enfants tunisiens d’âge pré-scolaire. La Tunisie Médicale : Nov. 1999, vol 77(n°11) : 558-561. 60. Kallel K., Jmel A., Belhadj S., Boussen N., Chaker E. Etat actuel du parasitisme intestinal infantile dans la région de Tunis. Revue Maghrébine de Pédiatrie 1999 9 ; 4 :175-179. 61. Sargeaunt P.G. Zymodems of Entamoeba histolytica In: Ravdin J.I.(ed)- Amoebiasis human infection by Entamoeba histolytica. New York Edinburgh Churchill Livingstone 1988: 370-387. 62. Ayadi A., Mahjoubi F., Makni F. Le parasitisme intestinal de l’adulte. Bilan de 2 ans dans le centre hospitalo-universitaire de Sfax. Bull.Soc.Path.Ex. 1992, 85 : 44-46. 63. Chaker E. et coll. Les parasitoses digestives, problème toujours d’actualité. Essaydali scientifique : Janvier 1995, vol 73 : 53-56. 64. Jimenez J.C., Rodriguez N., Di Prisco M.C., Lynch N.R., Costa V. Haemoglobin concentrations and infection by Giardia intestinalis in children: effect of treatment with secnidazole. Ann. Trop. Med. Parasitol : Dec 1999, 93(8) : 823-7. 65. De Vizia B., Poggi V., Vajro P., Cucchiara S., Acampora A. Iron Malabsorption in giardiasis. J. Pediatr: Jul 1985, 107(1): 75-78. 66. Karoui A., Karoui H. Pica in tunisian children. Results of survey performed in a polyclinic of Tunisian social security national administration. Pediatrie 1993; 48: 565-569. 67. Rivera R., Almonte H., Arreola M., et al. The effects of three different regimens of oral contraceptives and three different intrauterine devices on the levels of hemoglobin, serum iron and iron binding capacity in anemic women. Contraception 1983; 27: 311-327. 68. Faguer C. Etude et intérêt du dosage de la ferritine chez 104 utilisatrices de stérilet. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1994 ; 23 : 141-144. 69. World Health Organization Special Programme of research, Development and Research Training in Human Reproduction. Consequences of uterine blood loss caused by various intrauterine contraceptive devices in South American women. Contraception 1988; 38: 1-18. 70. INSEE. La consultation des ménages en 1985, séries de la comptabilité nationale, collections de l’INSEE, série M119, 1986. 71. Fattoum S., Abbes S. Some Data on the Epidemiology of hemoglobinopathies in Tunisia. Hemoglobin 1985 ; 9 (4) : 423 – 429. 72. Ben El Arbi M. Contribution à l’étude des hémoglobinopathies et du bilan martial dans une population d’adolescents à Kébili. Mémoire de DEA de Biochimie fondamentale et appliquée 1997 ; Faculté des Sciences de Tunis. 73. Gueddana N. et coll. Etude étiologique des gastro-entérites aigus de l’enfant en Tunisie. Arch. Fr. Pediatrie : 1998, 45 : 207-211. 74. Kennou M..F., Othman O., Maalej S. Les parasitoses intestinales de l’enfant, résultats d’une enquête coprologique effectuée dans la région de Gabès. Archs. Inst. Pasteur Tunis : 1979, 56(3) : 215-223. - 134 Anémie en Tunisie 75. Aubry P. Malabsorption syndrome and intestinal parasitosis. Med. Trop.: Mars 1983: 43(4): 31724. 76. Mazur B., Gruszczynski J., Szuba L., Cieslar M., Galazka M. Hypochromic anemia associated with ascariasis and giardiasis in children. Wiad Lek: Jun 1989, 42 (12): 811-4. 77. De Vizia B., Poggi V., Conenna R., Fiorillo A., Scippa L. Iron absorption and iron deficiency in infants and children with gastrointestinal diseases. J. Pediatr Gastroenterol. Nutr.: Jan 1992, 14(1): 21-6. 78. De Morais M.B., Suzuki H.U., Corral J.N., Machado N.L., Neto U.F. Asymptomatic giardiasis does not affect iron absorption in children with iron deficiency anemia. J. Am.Coll. Nutr.: Oct 1996, 15(5): 434-8. 79. Macro M., Leporrier M. Anémies par carences en fer. Encycl Méd chir (Paris-France), Hématologie,13-003-A10, 1997, 4p. 80. Rochant H. Anémies hémolytiques auto-immunes; Encycl Méd chir (Elsevier, Paris) Hématologie, 13-006-D-20, 1999, 19 p. 81. Galacteros F., Goldcher A. Anémies hémolytiques congénitales par hémoglobinopathies. Encycl Méd chir (Paris-France) Sang, 13006 D15,12 –1985, 16 p. 82. Boivin P. Anémies hémolytiques congénitales. Encycl Méd chir (Paris-France), Sang, 13006 D10, 7-1989, 20 p. 83. Ben Chekroun S. Les anémies: définition, généralités, classification physiologique. Espérance médicale 2000 ; 59 : 117-122. 84. Trachli A, Madani A., Zafad S., Ben Chekroun S. L'hémogramme. Espérance médicale 2000 ; 59: 123-127. 85. Quessar A., Ben Chekroun S. L'anémie par carence martiale. Espérance médicale 2000 ; 59: 128-133. 86. Longpré B. Les anémies. Ed. Masson-Montréal 1994. 87. Bauduer F. Anémies inflammatoires et anémies des maladies chroniques. Encycl Méd chir (Paris-France), Hématologie, 13-006-D50, 1999, 6p. 88. Ben Boubaker L., Colombat P. Anémie : orientation diagnostique. La revue du praticien (Paris) 1994 ; 44 : 2093-2102. 89. Weatherall D.J., Clegg J.B. The thalassemia syndromes. Black Scientific Publication. 3rd Oxford, 1981. 90. Basset P., Beuzard Y., Garel M.C., Rosa J. Isoelectric Focusing of Human Hemoglobin, its Application to Screening to the Characterization of 70 variants and to the study of modified fraction of normal hemoglobins. Blood 1965; 18 : 51, 971. 91. Schneider R.G., Hightower B. Structure in relation to behavior of mutant hemoglobins in citrate agar electrophoresis. Hemoglobin 1977; 1:427-444. 92. Trachli A., Ben Chekroun S. Anémies normocytaires ou macrocytaires normochromes arégénératives. Espérance médicale 2000 ; 59: 135-139. 93. Harif M., Ben Chekroun S. Les anémies hémolytiques congénitales. Espérance médicale 2000 ; 59 : 141-149. - 135 Anémie en Tunisie 94. Madani A., Harif M. Les anémies du nouveau-né et du nourrisson. Espérance médicale 2000 ; 59 : 151-154. - 136